Baromètre

Transcription

Baromètre
Le Baromètre
mètre
Juillet 2009 | #9
Les élèves-avocats
FACE À la crise
Actualité du droit
Enjeux du projet de loi Hadopi,
Perspectives du rapport Darrois
DU CÔTÉ DES AVOCATS
Les professionnels du droit
s’expriment
N
Édito
Barreau-journalisme
Le Baromètre
63 rue de Charenton, 75012 Paris
[email protected]
Site internet
www.aea-paris.net
http://barometre.free.fr
Rédacteur en chef
Lydia Hamoudi
Rédacteur en chef adjoint
Sahand Saber
Directeur de la publication
Clément Salines
N
Nouvelle présentation pour un nouveau baromètre. Le journal change
son image et sa plume ! À cette occasion, l’équipe de rédaction cru
2009 s’est investie pour repenser le journal.
Nouvelle ligne éditoriale d’abord. Le journal de l’EFB est le journal de
tous les élèves-avocats. À cet égard, il doit rester ouvert à tous. Pour ce
premier éditorial, l’équipe tenait donc à vous faire passer ce message :
« le baromètre c’est vous, c’est nous, c’est l’ensemble des élèves ! »
N’hésitez pas à nous rejoindre. Journalistes en herbe ou profanes plein
d’idées, le journal vous ouvre ses pages pour vous permettre de vous
exprimer sur les sujets qui vous tiennent à cœur.
Le baromètre doit en effet rester un journal qui vous ressemble. Pour
optimiser cette idée, sa structure même a subi une réforme d’envergure. Refonte des rubriques mais également diversification des pages
consacrées à la culture et à la vie des élèves, parce que vous n’êtes pas
uniquement – loin s’en faut – de futurs professionnels du droit.
Pour ce premier numéro, l’équipe a tenté de suivre au mieux vos préoccupations en abordant des thématiques d’actualité juridique comme
le rapport Darrois ou encore le projet de loi Hadopi. En ces temps de
crise, le baromètre est également allé chercher les informations objectives de nature à répondre à vos interrogations quant à votre future
carrière. Enfin, dans un registre plus léger, il a développé sa rubrique
culture et s’est aussi intéressé aux grandes figures de la profession à
laquelle vous vous destinez.
Comité de rédaction
Comité de rédaction : Olivier Dorgans,
Renan Budet, Nathalie Sitbon,
Jennyfer Sellem, Jacques-Alexandre
Bouboutou, Jacques Mandrillon,
Charlotte Pennec, Mélissa Sémari,
Louis Cofflard, Julien Berbigier,
Guillaume Chiron.
Photograhes
Olivier Dorgans et Sarah Foliard
Conception graphique et réalisation
Sarah Foliard
www.sarahfoliard.com
Imprimeur
SOPAIC IMPRIMERIE
rue François Urano
08000 WARCQ
Tél. : 03.24.33.42.42
Fax. : 03.24.33.76.90
e-mail : [email protected]
Réalisation de couverture
Sarah Foliard et Olivier Dorgans
Nous remercions la Maison Ponsard
& Dumas de Paris de nous avoir
gracieusement prêtées les robes
utilisées pour les photos de couverture
ainsi que pour les photos de l’article
« Les élèves-avocats » face à la crise.
Tout un programme que nous vous proposons au fil de ces quelques
pages…
L’équipe de rédaction 2009
LE BAROMÈTRE | 3
L’avenir ensemble.
Conseil sur les opérations les plus complexes du
marché, Linklaters est régulièrement cité en tête
des classements des meilleurs cabinets d’avocats
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de notre réussite.
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Sommaire
P.06 Actualité du droit
Rubrique consacrée au nerf de la guerre :
nouvelles réformes, sujets polémiques…
P.18 Du côté des avocats
Projecteurs sur ceux qui ont déjà passé la robe…
en attendant notre tour !
P.34 À la une
Sujet que nous avons décidé de mettre en exergue.
Au menu du présent numéro : les élèves-avocats et la crise.
P.39 Quelque part dans le monde
Pour savoir ce qu’il se passe en dehors de nos frontières.
P.46 Bouillon de culture
Parce que nous ne sommes pas que de futurs avocats,
un grand bol d’air !
P.59 Entre nous
Retour sur vos premières expériences et sur les évènements
organisés par votre AEA.
Le Baromètre | 5
Actualité du droit
Hadopi : L’abordage manque
sur les pirates du Net
Internet, grâce à la mise à disposition de logiciels de copie et de piratage,
permet la reproduction illicite d’œuvres immatérielles telles que la musique,
le cinéma ou les séries. Le fait de télécharger illégalement, de pirater des
œuvres protégées, constitue un acte de contrefaçon qui est un délit portant
atteinte aux droits de propriété intellectuelle de ses ayant droits.
L’
I. L’IMPACT ÉCONOMIQUE SUR LES SECTEURS
TOUCHES PAR LE PIRATAGE
Selon un rapport publié en novembre 2008 par les
cabinets de conseil Tera Consultants et Equancy
& Co, le piratage aurait entraîné en France, pour
la seule année 2007, une perte de 1,355 milliards
d’euros de recettes ainsi que la suppression de
5 000 emplois dans les secteurs étudiés : musique,
édition, télévision et cinéma.
La filière de l’industrie musicale aurait subi, en
2007, une perte de 369 millions d’euros et celle du
cinéma une perte de 605 millions d’euros. La Ministre de la Culture, Christine Albanel, soutient que
le téléchargement illégal a entrainé une chute de
50% du marché de la musique en cinq ans, avec une
réduction de 30% des emplois et ajoute que le cinéma serait victime « d’autant de piratages chaque
jour que d’entrées, soit 400 000 à 500 000 »2.
Les chaînes de télévision subissent également des
pertes, évaluées à 234 millions d’euros, liées à une
1 http://www.guim.fr/blog/files/Equancy-Tera-Rapport_Hadopi.pdf.
2 http://www.zdnet.fr/actualites/internet/0,39020774,39387210,00.htm
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diminution des recettes publicitaires. Les films et les
séries télévisées étant téléchargées illégalement ou
visionnées en streaming sur Internet, les taux d’audience sont moins importants. Par conséquent, les
annonceurs refusent de payer des prix aussi élevés
que dans le passé. Par conséquent, les chaînes de
télévision soutiennent activement la loi Hadopi.
Pour l’instant, le secteur du livre est peu touché par
le piratage sur Internet. Cependant, ce secteur ne
semble épargné que de façon temporaire car une
fois adopté l’usage du livre numérique, on peut
craindre un phénomène de pillage massif. Les auteurs du rapport estiment qu’à terme le secteur du
livre devrait subir une perte de 147 millions d’euros.
Cependant, le phénomène du piratage ne doit pas
être uniquement étudié au regard de bilans économiques et de pertes financières. Cette analyse est
trop réductrice et ne prend pas en compte ce qui
est devenu un nouvel accès à la culture et un mode
de consommation révolutionnaire des œuvres
culturelles. Le téléchargement illicite, ce n’est pas
seulement la possibilité d’acquérir gratuitement
des musiques mais également la chance de pouvoir découvrir des artistes que l’on ne connaît pas
et dont on n’aurait jamais eu ni l’envie, ni même
l’idée d’acheter le CD ou le DVD dans le commerce.
Le prix des œuvres culturelles, qui se trouve justifié
(voire mis en exergue en raison de leur modicité)
par les maisons de production et les artistes lors de
leurs interviews, reste un véritable frein à l’accès à
ces œuvres. Il convient de rappeler que les offres
haut débit des fournisseurs d’accès à internet (FAI)
se sont développées grâce au téléchargement illicite. Qui utilise un débit de plus de 20 Méga pour
consulter sa boîte mail ?
Cependant, face au lobbying des maisons de production et des artistes, le gouvernement a décidé
de répondre à leur demande et d’élaborer une loi
permettant de lutter contre le piratage.
II. LA LOI HADOPI : LE MEILLEUR MOYEN DE
LUTTER CONTRE LE TELECHARGEMENT ILLICITE SELON LE GOUVERNEMENT
La loi « Création et Internet », communément désignée sous le terme « HADOPI », a été adoptée
le 13 mai après plusieurs péripéties parlementaires.
Ce texte avait été voté au Sénat le 30 octobre 2008
mais rejeté d’une manière inattendue par l’Assemblée Nationale le 9 avril dernier. De façon (un peu
moins) surprenante, le Conseil constitutionnel a
décidé de censurer les dispositions majeures de ce
texte. Un bref rappel des dispositions de ce texte
permet de mieux comprendre l’opposition qu’il a
suscité.
a. Une nouvelle forme de responsabilité envisagée
Pour guérir les internautes de la fièvre téléchargeuse, le remède préconisé par le gouvernement
reposait sur un système dit de « riposte graduée »
encadré par une autorité administrative indépendante, la Haute autorité pour la diffusion des
œuvres et la protection des droits sur Internet (la
fameuse Hadopi).
La loi prévoit la création d’une obligation, génératrice d’un système de responsabilité inédit fondé
non pas sur une faute mais sur un défaut de surveillance : « la personne titulaire de l’accès à des
services de communication au public en ligne a
l’obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse
pas l’objet d’une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou
de communication au public d’œuvres ou d’objets
protégés par un droit d’auteur ou par un droit voisin sans l’autorisation des titulaires des droits (…)
Le fait, pour cette personne, de manquer à [cette]
obligation (…) peut donner lieu à sanction (…) »
Le piratage aurait entraîné en France,
pour la seule année 2007, une perte de
1,355 milliards d’euros de recettes ainsi
que la suppression de 5 000 emplois.
Il s’agit d’un bouleversement dans le domaine du
droit de la propriété intellectuelle car ce qui serait
sanctionné n’est pas l’acte de téléchargement illicite, c’est-à-dire de contrefaçon, mais le défaut de
surveillance de sa connexion. La personne visée
par les sanctions n’est pas forcément celle qui a
procédé à des téléchargements illicites, coupable
d’actes de contrefaçon, mais l’abonné qui n’a pas
été capable de protéger sa connexion. Gilles Vercken, avocat spécialisé en droit de la propriété intellectuelle, considère qu’il s’agit d’une évolution de
notre droit puisqu’il s’agirait de sanctionner « sur la
base d’une présomption, le titulaire de l’abonnement et non pas l’auteur de la contrefaçon3 » .
b. Le système de la riposte graduée (avant et après
correction par le Conseil Constitutionnel)
Bien que le Conseil Constitutionnel ait censuré les
dispositions principales de ce texte, le gouvernement a confirmé son intention de promulguer la
loi Hadopi. Le système initialement envisagé par le
gouvernement prévoyait trois étapes constitutives
de la sanction :
3 http://www.20minutes.fr/article/309123/Culture-Gilles-Vercken-Le-systeme-Hadopi-est-une-usine-a-gaz.php
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Actualité du droit
(1) Lorsque la Hadopi, pour la première fois, constate
ou est prévenue d’infractions sur la connexion d’un
abonné, elle a la possibilité d’envoyer ou non un
premier e-mail d’avertissement au titulaire de la
ligne.
(2) Lorsque des infractions sont enregistrées dans un
délai de six mois suivant la première constatation,
la Hadopi adresse alors une nouvelle recommandation au titulaire de la ligne soit par e-mail, soit par
lettre recommandée avec accusé de ­réception.
(3) Lorsqu’une nouvelle infraction est constatée
sur la connexion de l’abonné, dans l’année suivant
la réception de la recommandation constatant la
seconde infraction, plusieurs types de sanctions
peuvent être prononcées pouvant aller jusqu’à la
été censuré car il violait la présomption d’innocence
puisque, sous couvert de sanctionner l’obligation
de surveillance de son abonnement, il était institué
une présomption de culpabilité de l’abonné.
Le 13 juin dernier, le gouvernement a fait promulguer au Journal Officiel la loi telle quelle, à l’exception des articles censurés, et prévoit de la compléter avant la fin de la cession parlementaire, pour son
volet répressif, par un nouveau texte remettant en
place les sanctions de suspension mais dont le pouvoir décisionnaire sera, cette fois, confié à l’autorité
judiciaire.
Au final, le rôle de la Hadopi se trouve réduit aux
étapes (1) et (2) décrites précédemment, ce qui a
amené certains commentateurs à qualifier cette au-
Ce qui est sanctionné n’est pas l’acte de téléchargement
illicite mais le défaut de surveillance de sa connexion.
suspension de l’accès à Internet du titulaire de la
connexion pour une durée d’un mois à un an. Cette
suspension est assortie de l’interdiction de souscrire
pendant la même période à un autre abonnement
Internet. Pendant cette période, l’abonné est tout
de même obligé de payer son forfait Internet. Cette
mesure a été qualifiée de double peine par certains, étant donné que l’abonné devra continuer de
payer pour un service dont il est privé.
Dans sa décision du 10 juin dernier, le Conseil
Constitutionnel a décidé de censurer les dispositions centrales de cette loi. Le Conseil a considéré
que l’accès à Internet, si ce n’est pas un droit fondamental, doit être analysé comme un accessoire de
la liberté d’expression qui est un droit fondamental
et doit être protégé à ce titre. Le Conseil veillera
donc à ce qu’on ne porte pas une atteinte disproportionnée à cette liberté. Par conséquent, le fait
de suspendre un abonnement qui sert à télécharger illégalement a été déclaré disproportionné. À
l’opposé de l’adage « pas de liberté pour les ennemis de la liberté », le Conseil estime que même
les pirates jouissent de la liberté d’expression. Le
mécanisme de sanction prononcée par la Hadopi a
8 | Le Baromètre
torité administrative de « machine à spam la plus
chère du marché ».
c. Un système censé favoriser le développement
des offres légales
L’interdiction du téléchargement illégal n’est pas
destinée à mettre fin à la possibilité de télécharger
des œuvres sur Internet. Le but de ce texte est de
permettre le déploiement des offres légales, qui se
trouvent jusqu’à présent étouffées par le piratage.
Ainsi des accords concernant la Chronologie des
médias devraient être conclus entre les fournisseurs
d’accès à Internet (FAI) et les ayant droits pour réduire à quatre mois le délai d’attente entre la sortie
en salle et la sortie en DVD et en VOD d’œuvres
cinématographiques. De plus, le texte prévoit que
les sites de téléchargement légal bénéficieront
d’un sur-référencement naturel sur les moteurs
de recherche. Concrètement, cela signifie que
lorsqu’une personne tapera le terme « téléchargement » sur Google, les sites d’offres légales devront
apparaître en tête de liste. Toutefois, les sites de
référencement explique que cette mesure n’est
pas techniquement réalisable car leurs moteurs de
recherche fonctionnent sur la base d’algorithmes
mathématiques aléatoires ne pouvant être préprogrammés.
d. Un type de système déjà mis en place
aux États-Unis
Face à l’ampleur des frais nécessaires pour poursuivre en justice les internautes téléchargeant illégalement, l’association représentant les industries
du disque aux Etats-Unis, la RIAA (Recording Industry Association of America) a décidé de changer
de tactique dans sa lutte contre le piratage. En décembre dernier, elle est parvenue à un accord avec
plusieurs FAI américains, pour mettre en place un
système de riposte graduée, conçu et appliqué en
dehors de toute législation. Trois FAI importants ont
déjà mis en œuvre ce système : AT&T, Comcast et
Cox. Cependant ces trois fournisseurs d’accès, ne
disposant pas d’un soutien légal, préfèrent ne pas
mettre en place de sanction trop lourde à l’encontre
de leurs abonnés. Seul Cox a été jusqu’à couper
l’abonnement internet de certains de ses abonnés.
Ce système semble toutefois porter ses fruits
puisque ces FAI ont annoncé que 70% des internautes avertis abandonnaient le téléchargement
illégal, taux qui monterait même à 90% après le
second avertissement4. C’est l’effet de peur suscité
par Big Brother : «We are watching you», «I know
what you did last…».
Le but de ce texte, la lutte contre le téléchargement
illégal, est noble mais les moyens pour y parvenir le
sont beaucoup moins, aux yeux de certains.
Dès le mois de novembre 2008, la Commission
européenne a envoyé une note d’observation à la
France très critique à l’égard du projet de loi Hadopi dans laquelle elle mettait en garde contre les
atteintes aux données personnelles, au droit à la vie
privée et à la liberté d’information et la suspension
de l’abonnement internet.
Bien que le Conseil Constitutionnel ait
censuré les dispositions principales de
ce texte, le gouvernement a confirmé son
intention de faire appliquer la loi Hadopi.
L’opposition européenne au projet français s’est
encore accentuée suite au dépôt par l’eurodéputé
français Guy Bono d’un amendement 138 dans le
cadre de l’examen, devant le Parlement européen,
du second paquet Télécom. Cet amendement
énonce que « aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit
être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire ». Il s’agit d’ériger l’accès à Internet en liberté
fondamentale et de considérer que la suspension
de la connexion à Internet ne puisse être prononcée que par décision de justice et non à la seule
initiative d’une autorité administrative. Il s’agit de la
position reprise par le Conseil Constitutionnel dans
sa décision du 10 juin.
70% des internautes avertis abandonnent
le téléchargement illégal, taux qui
monterait même à 90% après le second
avertissement.
III. UNE LOI FORTEMENT CONTESTÉE
a. Le désaveu européen : l’accès à internet est
une liberté fondamentale
La vision européenne de la lutte contre la contrefaçon commise sur Internet est en contradiction
avec les moyens envisagés par le gouvernement.
En septembre 2008, cet amendement avait été
adopté une première fois par le Parlement européen à 88%. Suite à des pressions françaises, un
texte de compromis a été aménagé et devait être
voté pour remplacer l’amendement 138. Cependant, le 6 mai dernier, les eurodéputés ont voté à
nouveau à une très large majorité pour l’amende-
4 Com. Comm. Elect. n° 6, juin 2008, chr. 6, Benjamin MONTELS, Un an de droit de l’audiovisuel.
5 http://tempsreel.nouvelobs.com/depeches/politique/20090507.FAP0752/hadopi_martine_aubry_invite_les_artistes_a_elaborer_une.html
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Actualité du droit
ment 138 original (407 voix pour et 57 voix contre).
Alors que le gouvernement français avait décidé
d’ignorer la position du Parlement européen, le
Conseil constitutionnel a repris dans sa décision
du 10 juin dernier cette position, considérant que
seule une autorité judiciaire pouvait prononcer la
suspension de la connexion à Internet.
b. Division au sein du monde politique
L’ensemble de l’opposition est réuni contre ce
texte. Martine Aubry, Première Secrétaire du PS,
considérait que ce texte aurait été un échec pour
toutes les parties : « perdant pour les internautes
sur lesquels va désormais peser une présomption
de culpabilité, perdant pour les artistes, puisque le
projet de loi ne rapportera pas un euro de plus à la
création »5.
L’opposition à ce texte ne se situe pas uniquement
chez les adversaires du parti au gouvernement mais
aussi dans les rangs de l’UMP, où un certain nombre
de députés s’est publiquement opposé à ce texte.
Afin d’éviter tout nouveau cafouillage parlementaire, le vote devant le Parlement était devenu un
c. Un coût de fonctionnement très lourd et aucun
bénéfice pour les artistes
Christine Albanel a annoncé que la Hadopi serait
dotée d’un budget de 2,8 à 3 millions d’euros pour
la première année et prévoit que la Haute autorité
devrait être en mesure d’expédier 10 000 courriers
électroniques d’avertissement par jour, puis 3 000
lettres recommandées quotidiennes et 1 000 décisions, transactions ou suspensions d’abonnement
par jour, ce qui constitue une très lourde charge de
fonctionnement administratif. Sachant qu’une lettre
recommandée est en principe facturée 5,90 euros,
un rapide calcul nous permet de constater que l’envoi de 3 000 lettres recommandées couterait quotidiennement à l’Hadopi 17 700 euros, soit plus de
6 millions d’euros par an.
Avec des frais aussi importants, on peut penser que
les auteurs et les artistes seront grassement récompensés par le nouveau système. Combien de sorties virulentes dans les médias d’artistes, d’auteurs
et de comédiens, qui ont mis toute leur verve dans
la lutte pour l’adoption de ce texte ? Ce texte ne
prévoit pourtant aucune forme de rémunération
L’opposition à ce texte ne se situe pas
uniquement chez les adversaires du parti
au gouvernement mais aussi dans les
rangs de l’UMP.
symbole politique plutôt qu’une loi sur le piratage.
Jean-François Copé, Président du groupe UMP expliquait d’une façon très professionnelle que « désormais ce n’est plus la teneur du texte qui est en
cause mais le problème politique créé par son » le
9 avril par l’Assemblée. Le débat et la réflexion sur
un texte censé réguler l’accès aux œuvres culturelles pour les années à venir ont été remplacés par
une guerre de partis. Le professionnalisme de nos
hommes politiques est à saluer bien bas...
supplémentaire pour les artistes et aucune aide financière pour le soutien à la création. Les principaux bénéficiaires de ce texte sont les maisons de
production et les diffuseurs qui seront à la base de
la mise en place des offres légales et qui pensent
récupérer des parts de marché dont le téléchargement illégal les aurait privés.
Le système de la licence globale avait fait beaucoup
de bruits lors de son adoption éclair par l’Assem-
6 http://tf1.lci.fr/infos/high-tech/0,,3847469,00-deezer-pascal-negre-mange-chapeau-.html
10 | Le Baromètre
blée en décembre 2005. Il prévoyait un système
permettant d’encadrer les téléchargements, de
rémunérer les ayant droits, de soutenir financièrement la création artistique et de permettre un libre
accès aux œuvres culturelles. Cependant, ce modèle remettait trop fortement en cause les modèles
économiques actuels et fut rejeté. À ce jour, on
peut penser qu’aucun autre système n’a été avancé
permettant de concilier aussi bien les intérêts des
ayant droits avec les aspirations des internautes et
les évolutions technologiques.
tion répartie à 50/50 entre artistes et producteurs
et de mettre en place une taxe pour financer l’aide
à la création culturelle. En revanche, il y a fort à parier que, dans le cadre des accords négociés par
les maisons de production, la part de rémunération
producteurs/artistes ne soit pas égale.
d. Absence de prise en compte des évolutions
technologiques
Les systèmes de surveillance qui seront annoncés
par la Hadopi auront à subir une forte concurrence
des hackers. En Suède, le 17 avril dernier, les créateurs du site The Pirate Bay, qui permettait de télécharger illégalement des œuvres, ont été très
lourdement condamnés par les autorités judiciaires.
Ce procès était devenu un symbole de l’opposition entre internautes et ayant droits. La très lourde
condamnation (un an de prison ferme et 3 millions
d’euros d’amende) a scandalisé une partie de la
communauté web qui a, par la suite, dévoilé des
moyens pour lutter contre les systèmes de reconnaissance qui seront mis en place pour détecter les
pirates. On peut citer à titre d’exemple le logiciel
VirtualBox qui permet de faire tourner un deuxième
système d’exploitation sur son PC, sur lequel seront
installés les logiciels de reconnaissance de Hadopi.
La loi Hadopi ne semble pas prendre en compte
les évolutions technologiques. Le téléchargement
est aujourd’hui concurrencé, voir souvent supplanté, par le streaming qui permet de visionner une
œuvre en direct sur Internet, sans avoir à la télécharger sur son disque dur. Les sites mettant en ligne
des œuvres en streaming peuvent être poursuivis
pour contrefaçon par les ayant droits mais pas les
internautes qui visionnent ces œuvres.
Ce texte ne prévoit aucune forme de
rémunération supplémentaire pour les
artistes et aucune aide financière pour
le soutien à la création.
Le site deezer.com, diffusant en streaming un catalogue de musique impressionnant, a longtemps été
considéré par les ayant droits comme le symbole
des pertes financières enregistrées par ces derniers.
Ce site est aujourd’hui cité en exemple par la Ministre de la Culture et par les dirigeants de maisons
de production, comme Pascal Nègre6. Comment un
cancre a-t-il pu devenir un élève modèle ? Grâce
à des accords financiers confidentiels. Alors qu’un
système légal permettrait d’assurer une transparence économique et une meilleure rémunération
de tous les acteurs de l’industrie musicale, un accord permet à ceux qui le négocient de gérer euxmêmes les différentes rémunérations. Les grands
perdants dans cette affaire sont les internautes et…
les artistes ! Un système comme celui de la licence
légale aurait permis d’assurer une juste rémunéra-
Plutôt que de lutter pour la survie d’un
business model dépassé, pourquoi se
refuse-t-on à en élaborer un nouveau ?
Enfin, le business modèle des œuvres musicales
et cinématographiques est en constante évolution
depuis l’avènement du haut débit et des sites de
partage. Aujourd’hui, de nombreux artistes se font
connaître grâce à Internet et aux téléchargements
gratuits de leurs œuvres. Il serait mal aisé de donner d’une main, ce qu’on s’empressera ensuite de
reprendre de l’autre. Plutôt que de lutter pour la
survie d’un modèle dépassé, pourquoi se refuse-ton à en élaborer un nouveau ?
Jacques Mandrillon, promotion Jean-Denis Bredin,
Série C.
Le Baromètre | 11
Actualité du droit
Quelques heures avant le
réexamen du texte HADOPI le
29 avril à l’Assemblée nationale…
Nous luttons contre l’asservissement de l’internet aux intérêts puissants des
télécoms de l’information ou de l’industrie du divertissement pour définir les
nouveaux droits d’auteurs à l’âge numérique.
L
Interview de Monsieur le Député Christian PAUL
le baromètre : Monsieur le Député, dans
quel état d’esprit êtes-vous à quelques heures
du réexamen dans l’hémicycle du projet de loi
« création et internet » ?
Christian PAUL : Combatif et constructif. Nous
luttons contre l’asservissement de l’internet aux
intérêts puissants des télécoms, de l’information
ou de l’industrie du divertissement pour définir les
nouveaux droits d’auteurs à l’âge numérique. Ce
double engagement correspond à un projet de
civilisation progressiste, contraire à la vision réactionnaire de ceux qui défendent la loi Hadopi et
sa riposte graduée. Par l’obligation d’installer un
logiciel de surveillance derrière chaque connexion,
en condamnant la gratuité, on impose la marchandisation ­totale de cet espace de démocratie, de
libre échange d’idées et de savoirs que constitue
internet. Par ce dispositif, les auteurs ne percevront
pourtant pas un centime de rémunération supplémentaire. La culture sera sous l’emprise des grands
canaux de distribution que le gouvernement entend labelliser. C’est le contraire de ce qu’il faut
faire lorsqu’on prétend défendre l’exception culturelle, faite de diversité et d’ouverture ! C’est pourquoi élus de tous bords, ­associations, ­juristes, professionnels de la culture ­appellent au rejet du texte
et à réfléchir, à repenser le mode de rémunération
des auteurs en s’émancipant des logiques prévalant
au sein de la grande distribution culturelle.
L.B. : Vous avez qualifié le projet de loi de « hasardeux ». Où voulez-vous en venir au juste ?
12 | Le Baromètre
C.P. : Ce projet de loi est hasardeux car il repose sur
une double erreur. D’une part, couper la connexion
ne suffira pas à freiner le téléchargement libre de fichiers numériques, tant les usages et les outils évoluent. D’autre part, verrouiller la connexion n’augmentera pas les revenus de la création.
Le gouvernement prétend bloquer les téléchargements dits frauduleux simplement par l’installation d’un outil de sécurisation qui pourra tracer
les échanges à partir des points de connexion que
constituent les adresses IP. Cet argument est totalement fallacieux. Il est non seulement possible de
pirater les adresses, de télécharger à partir du wifi
d’une collectivité, ou d’une entreprise, mais aussi
parce qu’il existe et existera toujours une nouvelle
solution pratique ou technologie pour déjouer tous
les pièges sécuritaires que le gouvernement entend
bâtir au lieu d’accompagner des usages de masse.
L.B. : Vous prônez la création d’un système de
« contribution créative » que certains qualifient
cela licence globale déguisée. Que répondezvous à cette assimilation ?
c.p. : Quelque soit la formulation ou les modalités
avancées, nos propositions ont le mérite d’ouvrir un
débat sur la création d’une rémunération nouvelle
pour les auteurs quand la loi n’en propose aucune
et se contente de promouvoir une illusion sécuritaire. De plus, la contribution créative n’est pas
exclusive d’autres formes de soutien à la culture financées par internet à l’instar de la télévision pour
le cinéma. Ou encore les moyens tirés des recettes
© Assemblée Nationale
Inter
-view
publicitaires sur les sites gratuits. Ajoutons que de
nombreux professionnels réfléchissent aussi à l’avenir de la création dans la civilisation numérique à
travers des formes multiples. Le sachant, le gouvernement éclairé par l’inefficacité de la méthode
répressive trois ans après la loi DADVSI, a pris la
lourde responsabilité de différer ce débat. C’est
donc lui qui pénalise les artistes !
L.B. : Le droit fondamental du citoyen d’accéder
à internet n’est pas consacré en droit positif.
Existe-t-il de facto selon vous ?
c.p. : Lors d’une discussion sur le paquet télécom,
le Parlement européen s’est invité dans notre débat à propos de la sanction de coupure de l’internet
considérant qu’internet est une liberté fondamentale, permettant l’accès à l’éducation, la formation, l’expression publique, etc. En conséquence,
la coupure en dehors du cadre d’une juridiction
serait inacceptable aux yeux des démocraties européennes. Il a posé des conditions refusant toute
mise en œuvre de sanction qui ne résulterait pas
d’une instance indépendante et impartiale, ce que
n’est pas la Hadopi.
L.B. : Vous dénoncez une violation du principe de
l’interdiction de la double peine. Or, la loi sanctionne le manquement de vigilance de l’abonné
qui ne surveille pas son accès à internet et non
directement l’atteinte portée à la propriété intellectuelle d’autrui. Il s’agirait alors de protéger
deux valeurs sociales différentes. Que répondezvous à cela ?
c.p. : Cette loi ouvre la voie à la double sanction
car si la peine administrative prévue par la loi
­Hadopi au titre du manquement à l’obligation de
surveillance a lieu, elle n’empêchera pas les ayants
droits de poursuivre au pénal au titre de la contrefaçon. L’abonné sera non seulement privé de sa
connexion mais sera néanmoins contraint de poursuivre le paiement de l’abonnement au cours de
la période de suspension. Sanction administrative,
sanction pénale, sanction financière, tout sera bon
pour instaurer une pénalisation des échanges non
marchands. Le manquement à l’obligation de surveillance a de quoi nous inquiéter car cela n’a rien
à voir avec la rémunération des ayant-droits. Comment ceux là prouveront ils la causalité entre la surveillance et le préjudice éventuel qu’ils subissent ?
L.B. : Pour quelle raisons contestez-vous les
chiffres déclarés par Christine Albanel sur les effets positifs de la riposte graduée à l’étranger ?
(80% des internautes cessent le téléchargement
illégal après réception du second avertissement).
c.p. : Cette étude, dont se prévaut Madame la ministre a été commandée par les représentants des
ayant-droits (la Société civile des producteurs de
phonographie) à l’IPSOS...
D’autres études, indépendantes et réalisées à
grande échelle comme celle de O1.net auprès de
10 000 internautes, démentent totalement l’argument sur lequel repose tout le mécanisme de
la riposte graduée et sa méthode soit disant dissuasive. Non seulement les internautes la jugent
inacceptable à 75%, mais elle se heurte à un front
de résistance puisque 44,7% des sondés refusent
d’être accusés à tort, et les deux tiers avouent qu’ils
continueront de télécharger après un avertissement
ou trouveront des voies de contournement pour
continuer à télécharger librement. Les policiers du
net pourront toujours courir après la technologie,
les usages ont déjà rendu la loi caduque ! Enfin, le
progrès législatif en matière culturelle, c’est de réguler, d’adapter les droits d’auteurs non de chercher
à interdire l’accès. C’est la raison pour laquelle, selon la même étude 61% des sondés préfèrent payer
plus cher leur abonnement pour financer la culture
et continuer à écouter librement de la musique.
Propos recueillis par Jennyfer Sellem,
promotion Jean-Denis Bredin, Série H.
Le Baromètre | 13
Actualité du droit
Les portes ouvertes du rapport
Darrois : la Commission n’a pas
opté pour le grand saut
Tout ça pour ça ! C’est ce que pourraient dire des observateurs distraits à
la lecture du rapport de la Commission de réflexion tendant à réformer la
profession d’avocat, remis au Président de la République le 8 avril dernier.
Mais s’il ne fait pas écho à toutes les attentes formulées par la profession,
le rapport laisse entrevoir des opportunités dont la plupart ne devraient pas
rester lettres mortes.
A
Alors que la lettre de mission fixait comme objectif la création d’une « grande profession du droit »
afin de mettre fin à un « éparpillement des compétences », la Commission n’a pas opté pour le grand
saut. Exit la « profession unique » pour une « profession unifiée », car la première ne serait pas réaliste
en l’état actuel des choses.
L’échec de la fusion avec les notaires porte un enseignement fondamental : l’avocat ne peut pas
tout faire, néanmoins, il peut faire beaucoup plus,
il n’est pas qu’un professionnel de l’instance, il est
également conseil depuis la fusion en 1991 mais on
n’avait pas pris toute la mesure de ce rôle. L’avocat veut être présent dans toutes les activités d’as-
La commission présidée par Jean-Michel Darrois,
avocat ancien membre du Conseil de l’Ordre, entendait échapper à tout corporatisme par une répartition équitable entre les partisans et les adversaires de la question, épineuse, de la fusion entre
les avocats et les notaires. L’idée suggérée en 2008
dans le rapport Attali a été écartée d’entrée de jeu.
En effet, l’indépendance de l’avocat ne permet
pas qu’il dresse des actes authentiques. C’est là la
marque de l’officier public qu’est le notaire, investi
d’une délégation de l’autorité publique et soumis
en conséquence à un contrôle de l’État.
« Exit la “profession un iqu
car la première ne sera it
Mais d’autres greffes prendront. Au 1er septembre
2010, les conseils en propriété intellectuelle seront
absorbés par les avocats. Le 1er janvier 2011, ce
sera au tour des avoués, en attendant les avocats
aux Conseils, épargnés par le présent rapport. En
outre, la Commission propose que les avocats puissent être experts-comptables, s’ils en ont les qualifications, ou employer des experts-comptables. Les
opportunités sont là, il faudra les saisir…
14 | Le Baromètre
sistance juridique même les plus suspectes car il
est capable de les purifier par sa déontologie. La
déontologie ne doit pas être un frein, elle est la valeur ajoutée de l’avocat. Cependant, elle ne saurait être un argument de vente pour une profession
sans frontières.
Point de fusion avec les notaires donc, mais deux
lots de consolations devraient redonner le sourire aux robes noires. Premier lot : le partage des
émoluments entre le notaire et l’avocat lorsque
ce dernier a contribué à la préparation d’un acte
authentique. Deuxième lot : la création de l’acte
d’avocat. Il s’agirait de donner à un acte sous seing
privé contresigné par un avocat, non pas la force
exécutoire, mais au moins la même valeur probante
qu’un acte authentique par le jeu de l’article 1322
du Code civil. Toutefois, les notaires sont sur leurs
gardes et le projet risque d’être ajourné plus d’une
fois. Il faut dire que c’est un cheval de Troie à peine
déguisé pour investir le champ des transactions immobilières. Et le Barreau de Paris a pris les devants
en adoptant le 21 avril 2009, l’article P.6.2.0.4 de
son règlement intérieur. Celui-ci permet aux avocats d’être mandataire en transactions immobilières
et de constituer des groupements centralisant les
offres de vente et de location dans un fichier commun, afin de faciliter la recherche d’acquéreurs pour
leurs clients.
Une autre création originale du Barreau de Paris,
l’avocat agent sportif est encouragé du bout des
lèvres par la Commission. Il y a quelques années,
voire quelques semaines, on vous aurait traité de
fou ! D’ailleurs, une proposition de loi du Sénat de
juin 2008 voulait interdire aux avocats l’exercice de
cette profession. L’agent sportif, serait un commerçant, car pour lui, le démarchage ferait partie du
métier. L’avocat, lui, ne peut être commerçant et
se voit interdit tout démarchage. Mais ce n’est pas
aussi simple. La vérité, c’est que certains avocats
interviennent déjà énormément auprès des sportifs
pour la rédaction de contrats ou le conseil en droit
les avocats de plein exercice. En outre, ces avocats seront inscrits à un tableau spécial de l’Ordre,
le Tableau B. Fallait-il davantage scinder la profession en classes d’avocats qui s’observent sans se
comprendre car ils ne font pas la même chose ? La
question est posée. La Commission devait éviter un
éparpillement des métiers du droit mais pas nécessairement au prix d’un éparpillement au sein de la
profession d’avocat.
« L’avocat ne peut pas tout faire,
néanmoins, il peut faire beaucoup plus,
il n’est pas qu’un professionnel de
l’instance, il est également conseil depuis
la fusion en 1991 mais on n’avait pas pris
toute la mesure de ce rôle ».
À la réflexion, le statut de l’avocat en entreprise
n’est pas si éloigné de celui de certains collaborateurs salariés de cabinets d’avocats qui ne disposent pas d’assez d’autonomie pour développer une
clientèle personnelle. Mais c’est aux collaborateurs
non salariés que pense le rapport en prévoyant notamment un préavis d’un an avant rupture et une
un ique” pour une “profession unifiée”,
ra it pas réaliste en l’état actuel des choses ».
de l’image, sans pouvoir encore jouer ce rôle d’intermédiaire entre les clubs et les joueurs. C’est que
les fédérations nationales et internationales reconnaissent aux avocats la faculté d’être agents en les
dispensant d’être titulaire d’une licence. C’est enfin
que d’autres pays comme le Royaume-Uni, l’Italie
ou l’Espagne l’ont admis avant nous.
Mais le rapport va encore plus loin avec l’idée de
créer une espèce hybride : l’avocat en entreprise,
un nouveau débouché pour les titulaires du CAPA.
Placé sous la subordination de son employeur, celui-ci n’aurait pas le droit de disposer d’une clientèle personnelle mais serait tout de même tenu aux
règles déontologiques, dont un devoir d’indépendance qu’il reste à redéfinir. N’ayant pas le droit de
plaider, il se muera en apporteurs d’affaires pour
assurance chômage pour ceux d’entre eux qui ont
plus de six ans d’ancienneté.
À certains moments, le rapport Darrois prend des
accents d’abolition des privilèges. Il propose la
suppression du monopole territorial de la postulation existant en faveur des avocats du ressort d’une
Cour d’appel et il veut permettre aux avocats inscrits à un Barreau étranger et exerçant à l’étranger
de devenir associé de cabinets français, parce que
cette possibilité est réciproquement reconnue dans
les autres pays.
En ce qui concerne les nouvelles règles devant régir
les structures d’exercice, le toilettage indispensable
de celles-ci rentre en conflit avec les difficultés inhérentes à l’exercice en groupe. Deux propositions du
Le Baromètre | 15
Actualité du droit
rapport promettent des débats vifs si elles arrivent
devant l’Assemblée nationale.
La première proposition révèle que la cession des
parts sociales en cas de départ d’un des associés de
la structure n’est pas toujours sans heurts. Les sociétés de personnes proposées à la profession d’avocat ne seraient plus soumises aux dispositions de
l’article 1843-4 du Code civil relatif à la nomination
d’un expert, en cas de contestation entre associés,
pour déterminer la valorisation des droits sociaux.
L’idée de l’accord statutaire unanime des associés
ne semblerait toutefois pas suffisante pour écarter
cet article du Code civil disposant d’une application
dans les sociétés d’exercice de chaque profession,
elles-mêmes obligatoirement dirigées par les associés exerçant en leur sein. Indépendance oblige.
Cette mesure a déjà fait l’objet d’un décret, mais
sans aller nécessairement jusqu’à la création de
telles sociétés, ces diverses professions devraient
aussi prochainement pouvoir mettre en commun
leurs moyens dans des sociétés civiles de moyen
ou des GIE.
Enfin et la commission l’a bien compris, pour parvenir à faire émerger une profession unifiée, il faut agir
dès la formation initiale. C’est ainsi que la Commission envisage la création des « écoles profession-
Parmi les propositions du rapport Darrois en faveur de votre future
profession, je peux citer la volonté de faciliter le regroupement des
cabinets d’avocats et améliorer ainsi le fonctionnement actuel des
structures d’exercice afin de s’adapter à la concurrence internationale.
extensive en jurisprudence. C’est donc directement
le mode de règlement des désaccords entre associés applicable à toutes les sociétés qu’il conviendrait de repenser par la même occasion.
Quant à la seconde proposition, il s’agirait de faire
disparaître la notion de patrimonialité dans des
structures d’exercice qui devraient toutes avoir
la personnalité morale. Cependant, il semble difficilement conciliable d’admettre, d’un côté, la
personnalité morale de ces structures (association
d’avocats en particulier) et de dénier, de l’autre, la
notion de patrimoine propre. Même le droit anglosaxon fonde l’existence de la personnalité morale
sur celle d’une personne distincte de chacun de ses
membres (et donc à celle d’un patrimoine propre).
Aussi, cette seconde proposition promet des débats passionnés.
Mais revenons-en au vif du sujet : la profession
unifiée. C’est l’idée phare du rapport Darrois que
de permettre la naissance de sociétés interprofessionnelles mêlant des professions du droit (huissiers, ­notaires, avocats, avocats aux Conseils) et du
chiffre, tels les experts comptables. On aurait alors
une société commune, détenant des participations
16 | Le Baromètre
nelles du droit » caractérisées par la pluridisciplinarité et le travail en équipe des futurs magistrats,
notaires et avocats. La scolarité serait organisée sur
la base d’un socle commun d’un an d’enseignements, comprenant notamment la déontologie et
la rédaction d’actes. L’orientation vers les différents
métiers ne se ferait plus que par le stage final. Tout
faire reposer sur le stage final n’est peut-être pas
très réaliste au vu des spécificités de chaque profession, mais dans l’intention, c’est sûrement cela
la clé du rapport ­Darrois : mieux former avant de
réformer.
Jacques-Alexandre Bouboutou et Guillaume Chiron,
promotion Jean-Denis Bredin, Série F.
L
Inter
-view
Négociations et réformes
en cours à la Chancellerie
Les progrès accomplis depuis plusieurs années pour améliorer les conditions
de détention sont considérables et se poursuivent. En matière de prison, il ne
suffit pas de dénoncer, il faut agir.
Interview de Guillaume Didier,
Porte-parole du Ministère de la Justice
L
LE BAROMÈTRE : Surpopulation carcérale, conditions de détention difficiles selon le Contrôleur
général des prisons, taux de suicide en détention
particulièrement élevé, surveillants pénitentiaires mobilisés : les prisons françaises sont-elles
au bord du chaos?
Guillaume Didier : La situation des prisons
françaises est difficile, mais les progrès accomplis
depuis plusieurs années sont considérables et se
poursuivent pour améliorer les conditions de détention. En matière de prison, il ne suffit pas de
dénoncer, il faut agir. À Lyon par exemple, nous
venons de fermer deux prisons datant du 19ème
siècle. Ces prisons étaient déjà vétustes dans les
années 80, ce n’est donc pas une nouveauté, et
pourtant, ce n’est qu’en 2009, grâce à l’effort des
trois derniers Gardes des Sceaux, qu’une nouvelle
prison vient d’ouvrir à Lyon. En effet, depuis 2002,
un programme d’ouverture sans précédent de prison est lancé avec des établissements modernes,
conformes aux normes du Conseil de l’Europe.
En 2008,3000 nouvelles places ont été ouvertes,
5000 le seront en 2009, pour plus de 13 000 nouvelles places en 2012.
Le Gouvernement fait véritablement des prisons
une priorité. Alors que nous sommes dans un
contexte budgétaire extrêmement contraint, que la
tendance est à la diminution du nombre de fonctionnaires et à la réduction du budget de l’Etat, le
budget de l’administration pénitentiaire progresse :
2 milliard 500 millions d’euros en 2009 (une hausse
du budget de 10% en 2 ans), le remplacement de
tous les départs à la retraite et une création de plus
de 2300 emplois supplémentaires depuis 2008.
Par ailleurs, conformément aux engagements du
Président de la République, la France s’est dotée
d’un contrôleur général des lieux de privation de
liberté, totalement indépendant, qui a pour mission
de contrôler non seulement les prisons mais également l’ensemble des lieux ou des personnes sont
privées de liberté (locaux de garde à vue, hôpitaux
psychiatriques, centres de rétention etc.)
Enfin, la loi pénitentiaire est actuellement discutée devant le Parlement, la deuxième en 60 ans.
La France se dote enfin d’une loi fondamentale sur
le service public pénitentiaire afin de garantir les
droits des détenus, d’améliorer la reconnaissance
des personnels pénitentiaires, de s’engager pour la
réinsertion des détenus et développer les aménagements de peine pour éviter la récidive.
L.B. : Que comptez-vous faire pour améliorer la
situation du dépôt du TGI de Paris, dénoncée
par le contrôleur mais aussi par le Bâtonnier de
­Paris ?
Le Baromètre | 17
Actualité du droit
quiétudes, pour les avocats. Pour autant, la situation
du dépôt impose que l’on agisse sans attendre :
des investissements importants sont en cours, les
cellules du 1er étage ont été entièrement rénovées
et mises aux normes et les travaux sont engagés
pour les cellules du rez-de-chaussée.
Ndlr : Suite aux protestations au sujet de l’état de la
souricière du dépôt du TGI de Paris, le Garde des
Sceaux a décidé d’octroyer un million d’euros afin
que des travaux de rénovation soient effectués.
© Ministère de la justice
L.B. : Le Président de la République a annoncé le
7 janvier dernier, lors de la rentrée solennelle de
la Cour de Cassation, le lancement d’une grande
réforme de notre procédure pénale avec notamment la suppression du juge d’instruction. Pourquoi est-il nécessaire, selon vous, de supprimer
cette institution participant pourtant à l’équilibre
de notre système judiciaire ?
G.D. : Même si le dépôt du TGI de Paris ne dépend
pas du ministère de la Justice mais du préfet de police de Paris, le procureur de la République de Paris
exerce son contrôle dans ce lieu où transitent des
dizaines de justiciables tous les jours. Sa situation,
au cœur du palais de Justice de Paris, monument
historique à quelques mètres de la Sainte Chapelle
ne facilite pas les choses. À cet égard, la décision
du Président de la République de construire le nouveau TGI de Paris aux Batignolles et de doter ainsi
la capitale d’un tribunal adapté aux enjeux de notre
époque est une avancée considérable pour tous :
justiciables, magistrats et fonctionnaires et j’en suis
sûr, même si cela suscite aujourd’hui quelques in18 | Le Baromètre
G.D. : La réforme voulue par le Président de la
République est beaucoup plus large que la seule
réforme du juge d’instruction. Le Président de la
République a annoncé sa volonté de renforcer les
doits des victimes et des mis en cause tout au long
de la procédure pénale
Le juge d’instruction est nécessairement au cœur
de cette réflexion : son rôle actuel révèle une confusion, certains parlent de schizophrénie entre le juge
enquêteur et le juge arbitre.
Ne nous trompons pas : le juge d’instruction n’est
pas une conquête de la démocratie, c’est une institution créée par Napoléon, et nous sommes l’un des
derniers pays au monde à conserver cette ­fonction.
L’objectif est de recentrer chacun sur son cœur de
métier : le procureur poursuit, l’avocat défend et le
juge tranche en toute indépendance,
Nous devons garantir un système plus équilibré
entre les parties. Entre le tout inquisitoire et le tout
accusatoire, le Président préconise d’explorer une
3e piste : celle du contradictoire.
Les travaux de la commission présidée par Philippe Léger permettront de définir les modalités de
mise en œuvre de ces droits nouveaux : garanties
du débat contradictoire, rôle du parquet, place de
l’avocat, secret de l’enquête, modalités de mise en
examen et de détention provisoire…
L.B. : Cette réforme sera-t-elle alors aussi celle
du statut du parquet ?
G.D. : Il n’est pas tant question de la réforme du
statut du parquet que celle d’un renforcement des
droits des parties.
Les magistrats du parquet, je le rappelle, sont des
magistrats à part entière, et à ce titre garants des
libertés individuelles.
Aujourd’hui, plus de 95% des enquêtes pénales
sont déjà conduites par le parquet.
Laisser entendre que des affaires seront « enterrées », c’est faire fi du serment prêté par les magistrats, c’est jeter un discrédit inadmissible aux
parquetiers, c’est oublier le rôle et les pouvoirs des
avocats, c’est mésestimer l’importance des médias
et omettre l’ensemble des garanties de notre future procédure pénale. En effet, la victime pourra,
dans des conditions à déterminer par le législateur,
continuer à déposer une plainte avec constitution
de partie civile. La victime pourra ainsi continuer à
mettre en œuvre l’action publique, c’est une garantie essentielle.
Enfin, et c’est le plus important, le rapport Léger
préconise que l’enquête conduite à l’avenir par le
parquet se déroule sous le contrôle d’un juge indépendant, « juge de l’enquête et des libertés »,
qui décidera des mesures attentatoires aux libertés,
contrôlera la proportionnalité des investigations et
répondra aux demandes d’acte des parties.
L.B. : Le rapport Darrois vient d’être remis au
Président de la République. Concrètement, quels
sont les changements majeurs proposés concernant notre future profession ?
G.D. : Le chef de l’État a salué la qualité et la pertinence des propositions du rapport de Me Darrois
sur les professions du droit. Cette réflexion s’inscrit
dans le cadre plus général de la modernisation de
notre système judiciaire engagée par le Gouvernement depuis 2 ans.
création d’un acte d’avocat. Cette idée sera mise
en œuvre car c’est un apport essentiel en faveur de
la sécurité juridique des contrats, importante pour
nos concitoyens.
Parmi les autres propositions en faveur de votre future profession, je peux citer la réduction des coûts
des prestations en cas d’intervention conjointe d’un
avocat et d’un notaire mais aussi la volonté de faciliter le regroupement des cabinets d’avocats et
améliorer ainsi le fonctionnement actuel des structures d’exercice afin de s’adapter à la concurrence
internationale.
Nous allons travailler et mener la concertation avec
les professions, comme l’a demandé le Président
de la République, afin de mettre en œuvre ces propositions.
L.B. : Rachida Dati va quitter la Chancellerie dans
quelques jours : la Justice est-elle désormais
plus moderne et plus compréhensive, comme la
Ministre tout juste nommée l’annonçait en mai
2007 ?
G.D. : Rachida Dati l’a dit dés son arrivée place
Vendôme, elle s’est inscrite dans la continuité des
réformes portées par tout ses prédécesseurs. Plus
de 30 réformes en deux ans : de la carte judiciaire
à la mise en œuvre de classes préparatoires intégrées aux écoles de la Justice ; de la sécurisation
des juridictions à l’ouverture de plus de 8000 places
de prison, de l’augmentation des aménagements
de peine de plus de 40% à la création des peines
planchers et de la rétention de sûreté, la réforme
de la Justice avance… le bilan des réformes en témoigne !
Propos recueillis par Jennyfer Sellem,
promotion Jean-Denis Bredin, Série H.
Ce rapport émet des propositions innovantes car
elles apportent des réponses nouvelles et concrètes
à la nécessaire évolution des professions.
Par exemple, la commission Darrois propose la
Le Baromètre | 19
Du côté des avocats
Philippe Bilger : défenseur
d’une liberté d’expression
raisonnée et sans hypocrisie
Attablé à la buvette du Palais de Justice de Paris, Philippe Bilger,
avocat Général près de la Cour d’Assises, nous parle avec simplicité
et sans tabou des sujets d’actualité.
L
LE BAROMÈTRE : Comment voyez-vous les jeunes
avocats ?
nelle d’une pratique. On peut m’accuser d’être
réactionnaire, c’est vrai, je le suis !
Philippe bilger : Je porte sur les jeunes avocats
un regard qui n’est pas singulier. Tout d’abord, je
n’ai pas de révérence de principe au regard de la
fonction sacrée de défense.
L.B. : L’avocat croit en la bonté de la nature humaine, qu’en est-il du magistrat ?
L.B. : C’est-à-dire ?
P.B. : C’est-à-dire que la défense n’a pas de caractère intouchable selon moi. Le jeune avocat en
particulier, je l’écoute et je l’observe à l’audience.
J’attache une importance particulière au jeune avocat car c’est l’avenir ! Mais j’attends toujours les
œuvres...
L.B. : Les jeunes avocats n’ont pas l’air de vous
impressionner…
P.B. : Je vois chez les jeunes avocats un léger
contentement de soi, une indifférence à l’égard du
rituel, une allure qui se perd. Cette remarque est
d’ailleurs ­valable chez les jeunes magistrats aussi. Je fais le lien entre l’insignifiance de certaines
règles qu’il faut respecter et la qualité profession-
20 | Le Baromètre
P.B. : Pour l’avocat, c’est sa philosophie. Mais il me
tape sur les nerfs avec son optimisme qui veut laisser croire que toutes les destinées sont réparables.
Le métier de magistrat, lui, est ancré sur un pessimisme exclusif ; lequel perd sa cible de temps en
temps. En effet, en tant que magistrat, il faut aussi
parfois savoir opter pour un optimisme artificiel ;
se dire que tel être que l’on juge ne recommencera pas ; que la société arrivera à recréer ce lien
de confiance. S’il arrive que je l’éprouve, cela reste
rare.
L.B. : Vous deviez quantifier l’influence sur les jurés qu’à l’avocat Général par rapport à l’avocat,
que diriez-vous ?
P.B. : L’avocat retrouve aux assises une influence
considérable quand il a du talent. Pour être honnête, mon influence peut être un petit peu plus importante car je suis en charge à Paris d’une session
Inter
-view
entière. Cela a l’avantage de créer une affection
intellectuelle avec les jurés. Il y a une permanence
pour l’avocat Général qui peut être un avantage à la
condition qu’il soit bon, bien sûr... La justice criminelle est une justice formidable car elle rééquilibre
les chances, redonne de la force à l’avocat. Même si
je peux discuter de la qualité des présidents...
L.B. : Le Président peut-il influencer les jurés dans
un sens favorable à l’accusation ?
P.B. : Un président ne doit pas influencer. Je ne
crois pas qu’aujourd’hui à la Cour d’appel de Paris il existe un Président qui influence les jurés dans
un sens favorable à l’accusation. J’ai parfois même
l’impression depuis l’affaire Outreau que les droits
L.B. : Comprenez-vous son ressenti ?
P.B. : Il y a une effervescence liée à l’oralité des
débats que je comprends très bien. Toutefois, ce
qui me parait grave c’est qu’un certain nombre
d’avocats, dans les affaires importantes, veulent
profiter de l’effervescence de la liberté de parole
à l’audience, car il reste essentiel de préserver la
légitimité des juges. Dans l’affaire Ferrara, j’ai été
frappé de voir des avocats brillants et respectueux
de la fonction judiciaire se laisser abandonner à des
propos qui m’ont laissés bouche bée. Ce n’est pas
concevable !
L.B. : S’il on vous suit bien, il y a une atteinte à la
dignité à la justice ?
« On ne peut être un grand magistrat
qu’en laissant venir l’Homme »
de l’accusation devraient même être rappelés à
certains Présidents. Ils ont tellement peur d’offenser les droits de la défense qu’ils en oublient ceux
de l’accusation.
L.B. : Karim Achoui (cf Baromètre n°8, « Karim
Achoui, de l’autre côté du miroir ») accuse pourtant ouvertement la Présidente Drai d’avoir tout
fait pour rallier les jurés favorables à la défense
dans le sens de ses préjugés. Que lui répondezvous ?
P.B. : D’abord, je suis très réservé quant à la prétendue certitude qu’un juré vous est favorable. Ensuite,
je trouve scandaleux qu’il accuse la Présidente Drai
comme il le fait. Je n’attache rigoureusement aucune importance aux dires des accusés sur leur
perception de l’audience à partir du moment où
ils vitupèrent une condamnation qu’ils estiment injuste et qu’ils utilisent en plus la voie d’appel. Karim
Achoui est condamné à sept ans, il fait appel, il en
a tout fait le droit. Pour le reste, est-ce que cela légitime des dénonciations scandaleuses, qui plus est
de la part d’un avocat, sur la Présidente ?
P.B. : Évidemment ! Je suis d’ailleurs autant choqué
par les propos tenus que par l’absence d’intervention de la part du parquet.
L.B. : Derrière un magistrat, il y a nécessairement
un homme. De ce fait, un magistrat peut-il être
réellement impartial ?
P.B. : On ne peut être un grand magistrat qu’en
laissant venir l’Homme. Il faut donc faire de son Humanité un mélange indissociable tout en gardant à
l’œil les dangers qui guettent l’impartialité qui peut
en découler. J’ai conscience qu’un avocat Général
ne doit pas soutenir mécaniquement un discours
stéréotypé de l’accusation. L’avocat Général doit
arriver à l’audience avec une infinie curiosité et doit
se demander si la thèse à laquelle il adhère va tenir.
C’est extrêmement difficile, croyez moi ! Pour en
revenir à Monsieur Achoui, il met en oeuvre un processus judiciaire légitime qui lui permettra s’il est
innocent de faire valoir son point de vue.
L.B. : Pourra t-il faire valoir en appel la partialité
de la Présidente ?
Le Baromètre | 21
© Ministère de la justice
Du côté des avocats
« L’avocat me tape sur les nerfs avec son optimisme qui veut
laisser croire que toutes les destinées sont réparables »
P.B. : Les avocats de Karim Achoui ne vont pas se
gêner pour déblatérer une fois encore sur la Présidente. Je pense que les remarques de certains avocats ont été contreproductives.
c’est fait pour ça, pour ne pas donner l’envie de
recommencer. Un avocat Génaral ne peut pas avoir
un rapport gai et joyeux avec la prison. Il y a une
tristesse quant à la nécessité de la prison.
L.B. : Est-ce une stratégie de la part des avocats
de décrédibiliser la Présidente ?
L.B. : Mais est-ce réellement efficace, par exem­
ple pour un pédophile ?
P.B. : Tout à fait, je ne vois que cette explication à
ces violences. Il s’agit de préparer l’appel en disant
que le premier procès a été un scandale. Cependant, cela peut aboutir à un effet contreproductif.
P.B. : Le pédophile fait partie à mon sens de ces
personnes qui sont gravement responsables et
victimes d’elles-mêmes. Pour lui, je ne juge pas la
prison inefficace car pendant un certain temps la société sera à l’abri de celui-ci. Il est nécessaire de les
traiter. Je suis le seul magistrat à être favorable à la
rétention de sûreté.
L.B. : Auriez-vous aimé requérir en appel ?
P.B. : Oh que oui !!
L.B. : Est-ce que cela vous gêne humainement de
requérir la prison ?
P.B. : C’est important quand on est avocat Général
de garder à l’esprit que la prison c’est dur, douloureux, éprouvant. D’une certaine manière, la prison
22 | Le Baromètre
Propos recueillis par Nathalie Sitbon, promotion
Jean-Denis Bredin, Série T, et Octave Lemiale,
promotion Abdou Diouf, Série J.
L
Inter
-view
Gisèle Halimi, avocate
Le refus absolu de la résignation
S’il est des rencontres qui résonnent comme de remarquables repères pour un
élève avocat, celle avec Gisèle Halimi en est une. Avocate au barreau de Paris
depuis 1949, militante féministe inlassable, elle a accepté de nous recevoir pour
évoquer son enfance, sa vie, ses combats. Un témoignage exceptionnel.
L
Le Baromètre : Comment est né « votre »
fémi­nisme, votre engagement pour la cause des
femmes ?
Gisèle Halima : Mon féminisme est né d’une révolte violente et d’un profond sentiment d’injustice.
J’ai souvent l’habitude de dire que j’ai suivi le parcours inverse de celui de Simone de Beauvoir, avec
qui j’ai partagé les grands combats pour la cause
des femmes. Ni discriminée, ni infériorisée en tant
que femme parce que son milieu petit-bourgeois
l’encouragea à poursuivre des études, elle eut un
féminisme résolument intellectuel. À l’inverse, moi
qui suis née en Tunisie, dans un milieu pauvre, inculte, religieux et traditionnel, je fus très tôt préparée à un destin tout tracé, celui de se marier au plus
vite, parce que j’étais une fille. D’une discrimination
insupportable que personne n’arrivait à me justifier,
est né ce sentiment d’injustice qui me fera choisir
dès l’âge de dix ans la profession d’avocate et fondera plus tard mon engagement pour la cause des
femmes.
L.B. : Quelle a été la place de l’ingrédient « politique » dans votre engagement ?
G.H. : À l’évidence, une place majeure. Le fait que
mon féminisme soit devenu très vite politique tient
aux circonstances dans lesquelles s’est déroulée
mon enfance, c’est-à-dire, en pleine décolonisa-
tion. J’avais notamment observé que l’on employait
au sujet des Tunisiens, les mêmes stéréotypes, les
mêmes slogans infériorisant, que lorsqu’il s’agissait
de parler des femmes. J’ai toujours été frappée de
constater qu’il y avait en effet de véritables correspondances entre l’oppression des femmes et les
racines sociales de l’oppression en général. À partir
de ce moment là, j’ai senti que je ne pourrai plus
supporter l’injustice, que cela m’était comme je l’ai
dit dans ma première plaidoirie, physiquement insupportable. Aussi, j’ai décidé, par l’action, de lier
féminisme et politique.
L.B. : Dans cette prise de conscience frondeuse,
les procès politiques ont joué un très grand rôle…
G.H. : Plus que jamais. D’abord, il y a eu mon combat aux côtés des indépendantistes algériens du
FLN, accusés à tort de meurtres sur des Français et
dont les aveux avaient été obtenus par la torture.
Parmi eux, Djamila Boupacha, jeune militante âgée
d’à peine de 21 ans et dont j’assurais la défense
pour un attentat qu’elle n’avait pas voulu commettre, incarna le symbole de cette lutte contre
la torture. C’est quelque chose qui vous marque
profondément. J’étais une jeune femme, j’avais
deux enfants, j’étais seule, et tout le monde se demandait ce que je faisais là. Mais malgré tout, je
ressentais comme un sentiment de fierté à plaider
devant les tribunaux militaires d’une Algérie encore
Le Baromètre | 23
© Assemblée Nationale
Du côté des avocats
en guerre, parce que ces procès mettaient en cause
la vie, l’honneur, la revendication politique de tout
un peuple. Mais plus que tout autre, ces procès politiques ont forgé en moi une appréhension particulière de la défense. Il s’agissait de plaider au-delà
de la seule défense, pour semer quelque chose. Je
savais par exemple que je ne plaiderai que très peu,
du moins le moins possible, les circonstances atténuantes. Ainsi, au procès de Bobigny, où je défendais en 1972 une mineure appelée devant la justice
pour le crime d’avortement, on ne venait pas demander pardon. Au contraire, nous revendiquions
l’acte d’avorter en mettant en accusation la loi, devant l’opinion publique prise à témoin.
Mais à la différence de Jacques Vergès, jamais il n’a
été question de sacrifier l’individu dont j’assurais la
24 | Le Baromètre
« La liberté d’un avocat est la
cela, alors vous ne pourrez ja
défense. Il y a toujours eu pour moi, une grande
part d’affectivité dans l’exercice de ma profession
ou dans mon approche des personnes qui venaient
s’entretenir de ce qu’elles subissaient.
En témoignant d’un parfait accord entre votre métier d’avocat et votre condition de femme, vous rappelez toute la difficulté du métier d’avocat, ne pas
s’identifier à celui que l’on défend…
En passant mon CAPA il y a maintenant 60 ans, la
très convenable déontologie prescrivait aux avo-
cats de respecter un recul nécessaire, une certaine
distance avec son client, qui à l’époque était fait
de beaucoup de mépris. Je n’ai jamais pu m’y résoudre. D’autant qu’en parlant d’affectivité, il ne
s’agissait pas pour moi de m’identifier à mon client.
Encore qu’au procès de Bobigny, l’identification fut
totale tant je me sentais à la fois inculpée dans le
box et avocate à la barre. Ce qui me valu à l’époque
une convocation disciplinaire devant le Conseil de
l’Ordre, pour avoir porté atteinte à l’honneur de la
robe et aux règles de la profession.
Avec le recul, cette affectivité m’a certainement
permis de donner d’autres proportions, résolument
multiplicatrices, à mes plaidoiries et de prendre un
ton qui alors, me rassurait moi-même.
tentation qui serait celle de légaliser la gestation
pour autrui ?
L.B. : Votre combat pour le libre accès à la contraception est-il encore aujourd’hui d’actualité ?
L.B. : Que répondez-vous à celles qui revendiquent un libre choix au nom du droit de chacun
de disposer de son corps ?
G.H. : Oui, sans aucun doute. Si de remarquables
progrès ont été réalisés pour permettre un meilleur
accès de toutes aux moyens anticonceptionnels,
l’information sur la contraception est à mon sens,
toujours insuffisante et encore quasi-clandestine
en France. Ce n’est pas faute d’avoir régulièrement suggéré aux différents ministres en charge
de la santé ou des droits des femmes, de mettre
en place une véritable campagne d’information à
la télévision. Je reste en effet convaincue que c’est
l’une des raisons qui fait qu’aujourd’hui en France,
le nombre d’avortements reste stable, ce que je regrette beaucoup. Particulièrement, lorsqu’il est le
fait de très jeunes femmes. L’avortement se doit de
rester un ultime recours, c’est notre slogan à « Choi-
G.H. : La gestation pour autrui est à mon sens une
nouvelle forme majeure d’aliénation du corps de la
femme et les ressorts financiers qui la sous-tendent
me laissent penser qu’il y a là des relents de prostitution. J’ai en effet beaucoup de difficultés à imaginer qu’une telle pratique, légale ou non, puisse se
faire sans rémunération. De façon générale, cette
location de ventre revient à créer de nouvelles catégories de femmes, hiérarchisées par l’argent. Les
femmes stériles qui ont de l’argent et les femmes fécondes, qui parce qu’elles n’ont pas d’argent, mettent leur corps à disposition des femmes s­ tériles.
G.H. : Cette pratique met en cause la dignité même
de la personne humaine, or il faut que l’on ait au
moins cela en commun, autrement on ne peut plus
prétendre vouloir vivre en société.
Il faut avoir été enceinte, porté un enfant pendant
9 mois, accouché pour savoir que c’est loin d’être
quelque chose d’anodin. La grossesse vous extrait
de votre vie normale, elle vous transforme. Aussi,
comment pourrait-on vouloir s’y soumettre volontairement ? Je ne peux m’imaginer cet altruisme
abstrait, où une femme féconde se mettrait au service de femmes stériles.
Il y a par ailleurs une question qui n’est jamais
posée dans ce débat, celle de l’avenir de l’Huma-
est la plus grande qui soit. Si vous êtes convaincus de
ez jamais accepter que l’on y porte atteinte »
sir la cause des femmes », personne ne saurait préconiser l’avortement pour l’avortement. Pour affirmer que notre corps nous appartient, nous avons
d’autres moyens que celui-ci. La vraie liberté c’est la
contraception, c’est là où l’on peut choisir. Après on
ne choisit plus, c’est de l’ordre de l’ultime recours.
nité : quels enfants fabrique-t-on ainsi, pour quel
monde ? Dans tous les cas, l’enfant ne saurait être
une thérapie.
L.B. : Avec votre expérience du débat sur la prostitution, débat qui divise encore aujourd’hui les
féministes, quel regard portez-vous sur cette
G.H. : Je me refuse à accepter ce raisonnement qui
verrait consacrée la politique du fait accompli. Cela
reviendrait à supprimer toute forme d’État de droit
L.B. : Mais le risque de clandestinité exige t-il que
le législateur encadre cette pratique ?
Le Baromètre | 25
Du côté des avocats
dans sa fonction de protection des valeurs fondamentales fondant notre vie collective et notamment
le devoir de protection des plus vulnérables.
La bataille pour la parité en politique est un autre
versant de votre engagement pour la cause des
femmes. Élue à l’Assemblée nationale de 1981 à
1984, vous oeuvrez depuis sans relâche pour une
plus grande représentativité des femmes en politique…
En France et cela plus qu’ailleurs, la bataille pour
la parité est loin d’être encore gagnée. S’il est vrai
que la féminisation de la vie politique française
progresse, elle n’est en réalité qu’à ses premiers
balbutiements par rapport à certains de nos voisins
européens comme l’Espagne ou les pays scandinaves. Et ce ne sont certainement pas les sanctions
financières pénalisant le non respect de la parité par
les partis politiques qui amélioreront la situation. Ils
préfèrent en effet payer les amendes plutôt que
d’avoir à respecter les règles sur la parité.
L.B. : Les femmes en politique ne seraient-elles
donc pas condamnées à n’être que des alibis ?
la cause des femmes » travaille à l’élaboration de
la Clause de l’Européenne la plus favorisée, qui
vise à établir un ensemble législatif constitué des
meilleures lois existant dans l’Union Européenne
concernant les droits des femmes, et qui serait applicable à toutes les citoyennes européennes. Ce
travail que nous avons présenté en novembre dernier a reçu le soutien de la plupart des formations
politiques de notre pays, ce qui me semble très encourageant au moment de renouveler les membres
du Parlement européen.
L.B. : La présence des femmes en politique est un
indicateur essentiel de la place des femmes dans
une société. Aussi, après tant d’années passées à
défendre la cause des femmes, quel bilan tirezvous aujourd’hui de la condition féminine dans la
société française ?
G.H. : Sans conteste, ces dernières décennies auront été marquées par l’amélioration de la condition féminine. Je dois d’ailleurs rappeler que le
féminisme que je défends n’est pas de préférer
« Le féminisme, c’est affirmer qu’à un
même niveau de compétences, hommes
et femmes sont interchangeables »
G.H. : Avec une si faible représentativité sur la
scène politique, c’est bien évidemment le risque. Et
le plus inquiétant, c’est que les femmes se rendent
complices de ce détournement en saluant l’arrivée
d’autres femmes au pouvoir. Ma conviction est que
ces femmes que le pouvoir masculin choisit, n’ont
rien de féministes et qu’elles n’ont peut-être pas
même la compétence. Féministes, elles le deviennent une fois les illusions déçues, quand elles sont
les premières licenciées. Aussi, sur cette question
de la parité en politique et plus généralement de
la place des femmes dans notre société, je reste
convaincue que l’échelon européen offre d’importantes perspectives. Ainsi depuis 2005, « Choisir
26 | Le Baromètre
une femme à un homme, mais bien de militer qu’à
égalité de compétences, les femmes ne doivent
pas être éliminées sous prétexte qu’elles sont des
femmes. C’est affirmer qu’à un même niveau de
compétences, hommes et femmes sont interchangeables. Les autres féministes, si elles n’ont pas
déjà disparues, ont surtout fait le choix de combats
spectaculaires et médiatiques, sans contribuer fondamentalement à la cause des femmes. Je pense là
notamment aux Chiennes de garde. Cela étant, il
faut encore que les mentalités évoluent. Quand une
femme arrive à des fonctions importantes, qu’elles
soient politiques ou économiques, on en parle
comme quelque chose d’extraordinaire, comme
© Assemblée Nationale
quelque chose qui déroge à la règle. Avec en plus,
l’exigence supplémentaire qui pèse sur elle, d’être
irréprochable. À l’évidence, il n’y aura jamais la
même règle d’appréciation, la même indulgence
ou la même sévérité pour les mêmes actes, selon
que l’on s’adresse à un homme ou à une femme.
Aussi, je reste convaincue du rôle fondamental qu’a
la loi pour faire évoluer les mentalités et ainsi avancer vers cette égalité plus subtile. Je donne souvent en exemple, ce moment qui fut le plus fort de
ma vie de députée. C’était en 1981, au moment du
« La vraie liberté c’est la contraception,
c’est là où l’on peut choisir. Après on ne
choisit plus, c’est de l’ordre de l’ultime
recours »
débat sur l’abolition de la peine de mort. Oratrice
principale, je savais que 63% des Français y étaient
farouchement opposés. Mais malgré tout, j’avais
cette intime conviction que la loi une fois votée
changerait les mentalités. Aujourd’hui on ne peut
pas dire que le pari ait été perdu, bien au contraire.
L.B. : Le présent numéro du Baromètre fait le
portrait de Jeanne Chauvin, première femme
avocat. Quel regard portez-vous sur la situation
de la femme avocat, après 60 ans de barre ?
G.H. : Il faut bien dire que le milieu du barreau était
au début de mon exercice le plus misogyne qui soit.
Songez ainsi qu’un jour, j’ai été un réprimandée par
un membre du Conseil de l’Ordre parce que je
portais des pantalons. Sans aucun doute, on peut
reconnaître que la profession est aujourd’hui incontestablement un bel exemple de mixité professionnelle. Mais il existe encore un certain nombre d’inégalités dans l’exercice du métier entre les hommes
et les femmes, que l’on ne saurait tolérer. Ainsi par
exemple, les femmes hésitent trop souvent avant
de se lancer dans la merveilleuse aventure de l’ouverture d’un cabinet. Sans doute parce qu’on les a
un peu trop persuadées qu’elles faisaient de parfaites collaboratrices. Il faut admettre que nous
­occupons désormais des territoires qui nous étaient
interdits jusque là et qu’il faut du temps pour que
cela change. Mais il y a autre chose que je considère
cette fois comme un échec personnel et dont je
pris la mesure en formant certaines collaboratrices
au procès d’assises. En effet, peu de femmes avocates osent aller plaider devant les cours d’assises.
Il est vrai que le regard porté par les magistrats, les
jurés, les journalistes ou même le public est totalement différent quand la défense est assurée par
une femme. On la détaille, on la scrute, au point
que nombre de mes consoeurs se soient résignées
à abandonner aux hommes, cet aspect majeur de
la défense pénale. Pour que les choses changent, il
faut que les femmes y aillent, qu’elles osent enfin,
sans jamais se résigner.
Aux futurs avocats que nous sommes, quels ­seraient
vos conseils pour un exercice professionnel en
conscience ? Vous qui avez forgé l’actuel serment
d’avocat, celui d’un avocat libre et responsable.
De façon certaine, je vous dirais de ne pas tenir
pour acquises les idées reçues, de garder intacte
votre faculté de vous insurger, cela me paraît très
important, et d’avoir à l’esprit que la liberté d’un
avocat, est à mon sens, la plus grande qui soit. Si
vous êtes convaincus de cela, alors vous ne pourrez
jamais a
­ ccepter que l’on y porte atteinte.
Renan Budet et Ariane Ory-Saal, Série A et Série G,
promotion Jean-Denis Bredin.
Le Baromètre | 27
Du côté des avocats
Le rêve de Jeanne Chauvin,
avocate pionnière
Dans sa longue marche depuis l’Antiquité romaine, la profession d’avocat n’a
longtemps évolué que sur une jambe jusqu’au jour où s’est présentée une jeune
personne, vêtue d’une toque sur une chevelure bouclée et d’une cravate blanche
sur une robe noire...
C
Cette femme est née en 1862, un an seulement
après que Julie-Victoire Daubié, première bachelière de France se voit refuser l’entrée à l’Université.
Issue de la bourgeoisie, elle obtient son baccalauréat et poursuit de brillantes études qui lui valent
d’être licenciée en philosophie et en droit. En 1887,
elle était la première femme française accédant à la
faculté de droit, trois ans après la roumaine Sarmiza
Bilcescu. En 1892, soit deux ans après sa consœur
roumaine, cette femme savante et combative soutient en droit une thèse de doctorat assez audacieuse. Son sujet : « Des professions accessibles
aux femmes en droit romain et en droit français ».
Le message est clair, une plaidoirie avant l’heure…
Il était maintenant temps de toquer aux portes du
Tribunal. Frappez Mademoiselle Chauvin, on ne
28 | Le Baromètre
© Sébastien Blondon et Michel Jouan
Connaissez-vous Jeanne Chauvin ?
Il a souvent été question de féminisation des professions du droit. On vous a dit qu’il y avait trop
de femmes dans la magistrature. Vous avez remarqué que les facultés de droit étaient largement
peuplées d’étudiantes. Vous savez qu’il y a maintenant plus de femmes avocat que d’hommes. Mais
connaissez-vous Jeanne Chauvin, la première avocate française ? Il a souvent été question de féminisation des professions du droit. On vous a dit qu’il
y avait trop de femmes dans la magistrature. Vous
avez ­remarqué que les facultés de droit étaient largement peuplées d’étudiantes. Vous savez qu’il y a
maintenant plus de femmes avocat que d’hommes.
Mais connaissez-vous Jeanne Chauvin, la première
avocate française ?
vous ouvrira pas, eussiez-vous tous les titres ! Dans
sa thèse, elle aussi faisait un rêve : « l’éducation des
filles sera de tous points égale à celle des garçons,
les professions privées et les fonctions publiques
professionnelles seront également accessibles aux
deux sexes et aux mêmes conditions ; ce sont les
conclusions de l’équité et de la logique ». Et c’est
par sa force de conviction, son sens de la plaidoirie,
que cette avocate dans l’âme triomphe de tous les
barreaux que l’on dresse devant son rêve d’égalité.
Déjà, alors qu’elle s’apprêtait à « plaider » sa thèse,
la soutenance dut être repoussée à cause du chahut orchestré par ses camarades masculins. Docteure en droit, c’est avant tout grâce au soutien des
députés radicaux, Léon Bourgeois et son propre
frère, Émile Chauvin, bientôt agrégé des facultés de
droit, qu’elle devient la première femme enseignant
cette matière… dans un lycée de jeunes filles. Poursuivant son combat pour l’égalité, en 1893, elle
prépare une proposition de loi sur la capacité des
femmes à être témoin dans les actes publics et privés et une autre sur la capacité des femmes mariées
de disposer du produit de leur travail ou de leur
industrie personnelle. La première est acquise en
1897, la seconde en 1907.
Nous sommes à présent le 24 novembre 1897. Devant les juges de la Cour d’appel de Paris, Jeanne
Chauvin vient clamer le droit de réaliser son rêve :
prêter serment et devenir avocat. Elle en a tous les
titres. À ses côtés, point de Bâtonnier, il saute son
nom sur la liste des prestataires, ni de représentants
du Conseil de l’Ordre ; son adversaire est le célèbre
Procureur général Bertrand. La réponse ne se fait
pas attendre. C’est non ! Pourquoi ? Parce que si
aucun texte n’interdit l’accès de la femme à la profession d’avocat, il en est un qui interdit explicitement aux femmes d’être magistrate, or la tradition
veut qu’un avocat puisse suppléer un juge empêché… ou le syllogisme juridique au service du machisme. Ajoutez que les femmes ne sauraient plaider car elles ne jouissent pas de droits politiques,
l’affaire est pliée. Il y avait un adage : « robe sur
robe ne vaut ».
Qu’importe à Mademoiselle Chauvin, le combat
continuera sur le terrain législatif. À présent, elle a
le soutien des organes féministes comme le quotidien La Fronde de Marguerite Durand et dans l’Hémicycle, celui de deux anciens premiers secrétaires
de la Conférence du Stage du Barreau de Paris,
les très influents députés René Viviani et Raymond
Poincaré.
Il faut cependant triompher du conservatisme de
certains parlementaires, comme le député Perier de
­Larsan ou le sénateur Gourju. L’un redoutait que,
sujet à la séduction de la femme avocat, le juge
soit bientôt accusé « de s’être laissé convaincre
par d’autres moyens que de bons arguments juridiques » ; l’autre, qu’elle ne soit « broyée » dans
la concurrence pour rechercher une clientèle, laquelle demande « une personnalité virile ». Pour
d’autres encore, tel le député Massabuau, traiter
ainsi professionnellement la femme comme l’égal
de l’homme mènerait à la destruction du mariage
et de la famille !
« Frappez mademoiselle Chauvin,
on ne vous ouvrira pas, eussiez-vous
tous les titres ! »
Il fallait voir également les nombreuses caricatures
qui circulaient et entendre quand on l’insultait de
sautillante « pie séduite au brillant de tous les boutons de cristal ».
Mais qu’importe, victoire ! La Chambre des députés, puis le Sénat, plus d’un an plus tard, votent à
une majorité forte la loi promulguée le 1er décembre
1900, « ayant pour objet de permettre aux femmes
munies des diplômes de licencié en droit de prêter
le serment d’avocat et d’exercer cette profession ».
Elle a gagné, « avocat » peut prendre un « e » désormais. Enfin, hormis sur les documents officiels…
Mais Jeanne Chauvin n’est pas la première avocate
de France, elle est la première française avocate.
Madame Olga Petit, ressortissante russe née Balachovski et épouse d’un avocat renommé, lui grille
la politesse en prêtant serment le 13 décembre
1900, « la robe ceinturée à la taille ». Mademoiselle
Chauvin devra patienter jusqu’au 19. Qu’importe !
Ce sera bien Jeanne Chauvin, la première femme à
plaider en France en 1907 après avoir satisfait aux
conditions de stage. Ce n’est pourtant pas le fin
mot de l’histoire. Rappelons qu’il a fallu attendre
1976 pour voir une femme avocat aux Conseils en
la personne de Martine Luc-Thaler et 1996 pour
que Dominique de la Garanderie devienne la première femme Bâtonnier du Barreau de Paris. Enfin,
une question simple. En France, quel est le pourcentage de femmes associées au sein des cabinets
d’avocats ? Réponse : 20%.
Jacques-Alexandre Bouboutou,
promotion Jean-Denis Bredin, Série F.
Le Baromètre | 29
Du côté des avocats
Arnaud Gossement, avocat
en droit de l’environnement
Arnaud Gossement est avocat en droit de l’environnement, associé du cabinet
Huglo-Lepage. Militant pour la protection environnement il est aussi docteur
en droit, enseignant à l’Université de Paris I et à Sciences Po. Jeune,
c’est avec une très grande ouverture d’esprit, humour et authenticité qu’il
nous révèle son parcours… et son message.
L
Le Baromètre : Pourquoi avoir choisi d’être
avocat en droit de l’environnement ?
ARNAUD GOSSEMENT : Le droit de l’environnement c’est d’abord une passion. C’est pour ça que
j’y ai consacré mon sujet de thèse et que je suis
entré dans une association de protection de l’environnement. C’est après que j’ai pu faire converger
cette passion pour la défense de l’environnement
avec le droit, à travers le métier d’avocat.
A la sortie de l’université, après avoir achevé ma
thèse, je ne me suis pas posé trop de questions,
le métier d’avocat m’est apparu naturel, parce que
c’est la défense. C’est l’occasion d’assurer la cause
de la protection de l’environnement. C’est allier
l’utile à l’agréable. J’ai ensuite eu l’opportunité
d’entrer au cabinet Huglo-Lepage. En stage avec
Corinne Lepage, je me suis épris des dossiers et ce
fût l’occasion de constater que j’avais la passion du
métier d’avocat. Le sentiment d’utilité a été déterminant. Sinon c’est une corvée et c’est trop difficile.
L.B. : Quelle cause défends-tu ?
A.G. : La cause que je défends est celle de l’environnement, mais je la défends au sens large. Je
30 | Le Baromètre
ne distingue pas « l’avocat de cause » et « l’avocat
de client ». Défendre l’environnement, c’est tout
autant défendre une association, une collectivité
qu’une entreprise, même si j’ai le privilège de refuser certains dossiers.
Les entreprises sont elles-mêmes les victimes de la
La cause que je dé fe
mais je la défends au
dégradation de l’environnement, donc plutôt que
de les conseiller de passer entre les gouttes, il est
préférable de les amener à préférer une vision vertueuse de l’écologie et de l’économie. C’est en effet bien plus profitable pour elles de respecter et
d’appliquer le droit de l’environnement.
Il y a donc deux manières de conseiller un client, soit
on lui fait croire qu’il est possible de passer entre les
gouttes – certainement pas – soit on tient le langage de la vérité à savoir que respecter le droit de
l’environnement, c’est contraignant mais ça vaut le
coup, et c’est même souvent une source de profit.
Inter
-view
L.B. : Doit-on être militant pour être avocat en
droit de l’environnement ?
A.G. : Absolument pas. On peut être un excellent
avocat en droit de l’environnement, sans être militant, membre d’une association de protection de
l’environnement. Chacun a son parcours. Il faut cependant être passionné par l’environnement, et il y
a mille manières de l’être. Il faut avoir la passion de
l’environnement et être un excellent juriste, c’est ce
qui fait la différence entre les charlatans et les bons.
C’est qu’il faut être au courant de tous les textes
relatifs au sujet et suivre l’évolution de la jurisprudence. Et bien évidemment, il faut être à l’écoute
de son client, qu’il se sente en confiance avec son
avocat. On ne gagne pas toujours.
L.B. : Tu as plusieurs casquettes : militant, avocat,
enseignant. Dans quelle mesure est-ce compatible ?
A.G. : Il ne faut pas avoir de vision restrictive du
droit de l’environnement. Il n’y a aucun souci pour
moi d’être enseignant, militant et avocat. Un avocat
Les associations nouent des partenariats avec des
grandes entreprises du secteur privé. Et du côté
entreprise, il ne s’agit jamais d’un bloc, surtout
quand elle est grande. Il s’y mêle souvent différentes cultures. Par ailleurs, une pollution qui résulte d’une décision datant de trente ans n’est pas
nécessairement le fait des actuels dirigeants. Certaines entreprises peuvent connaître aussi des difficultés passagères. Bien sûr, il reste toujours des canards boiteux, avec une culture du laxisme et qui se
contrefoutent de la législation environnementale,
mais ils sont heureusement minoritaires. Proposer
de tirer les conséquences d’une violation du droit
de l’environnement, en rectifiant sa pratique pour
l’avenir, c’est constructif, utile, on marque un point.
Néanmoins, le vrai problème est plutôt culturel, il
faut convaincre les responsables publics et privés
que l’environnement est une opportunité et non
une contrainte. Par exemple, s’agissant du secteur
de l’automobile, s’il s’était adapté aux exigences de
protection de l’environnement en produisant des
voitures moins gourmandes en essence et moins
émettrices de gaz à effet de serre, il aurait sans
doute mieux résisté à la crise économique actuelle.
dé fends est celle de l’environnement ;
ds au sens large.
doit vivre dans le monde réel !
À titre personnel, je ne vois pas de contradiction
entre le fait d’être avocat et membre d’une association, dès lors qu’on respecte les règles déontologiques de notre profession. Et le premier, c’est celui
de la transparence. Je ne cache jamais le fait que
je suis membre d’une association de protection de
l’environnement. Et à l’inverse, je ne donne jamais
le nom de mes clients à quiconque. C’est donc le
secret professionnel.
J’insiste sur le fait qu’il ne faut pas avoir de vision
caricaturale, ni des associations, ni des entreprises.
L.B. : Cela fait sept ans que tu es au Barreau.
Quelles sont tes impressions sur les évolutions
du droit de l’environnement ?
A.G. : Il n’y a encore que peu de cabinets ou de départements exclusivement dédiés à cette matière.
Pourtant, il est très difficile d’exercer si l’on n’est
pas spécialisé dans cette matière, ce qui ne veut
pas dire non plus qu’il faut se mettre des œillères.
Il faut en faire son activité dominante étant donné
qu’il s’agit d’une matière d’une très grande complexité et en constante évolution, surtout depuis
Le Baromètre | 31
Du côté des avocats
le Grenelle de l’environnement. C’est une matière
carrefour qui pollinise les autres matières du droit
et qui en même temps se nourrit de celles-ci. C’est
à se demander d’ailleurs si nous ne sommes pas en
train de passer du droit de l’environnement à celui
du développement durable que je préfèrerai qualifier de « soutenable ».
L.B. : Avocat en droit de l’environnement, une
profession d’avenir ?
A.G. : Oui ! L’avocat en droit de l’environnement accomplit une tâche essentielle pour l’avenir de notre
planète. Cela étant, est-ce qu’il y aura davantage
de place pour les jeunes avocats à court terme ?
Question compliquée…pour deux raisons. Premièrement, on vit une crise économique et financière
mondiale qui touche nos clients. Deuxièmement,
les avocats sont parfois concurrencés par d’autres
professions qui exercent une activité de conseil juridique plus ou moins clairement, ce qui ne va pas
sans poser de problèmes. De manière générale,
comme il faut aujourd’hui régler les problèmes
en amont en anticipant les difficultés, l’activité de
conseil en droit de l’environnement progresse bien
plus qu’en contentieux.
L.B. : Le Grenelle de l’environnement constituet-il un apport pour le marché du droit de l’environnement ?
A.G. : C’est évident ! Je fais déjà du conseil sur les
conséquences juridiques du Grenelle, alors même
que la loi n’est pas votée. Sans compter le projet de
loi Grenelle II… En outre, il y a de grandes réformes
qui se dessinent. À titre d’exemple, les entreprises
vont devoir notamment se préoccuper de plus en
plus de la biodiversité – compensation, trames
vertes, trames bleues,… – ce qui devrait faire progresser la demande de conseils.
L.B. : La crise est elle un frein ou une opportunité
pour l’application du droit de l’environnement ?
A.G. : C’est évidemment une opportunité, mais
aujourd’hui, toutes les entreprises ne sont pas en
bonne santé financière. On constate surtout une
difficulté des clients à régler les avocats dans les
délais. C’est un problème général dans la profession. Or l’avocat n’est pas la banque de ses clients.
L.B. : Tu as fait ta thèse sur le principe de précaution. Peux-tu nous en dire un mot ?
A.G. : Il me semble important d’avoir une activité
intellectuelle à coté de son métier. Je suis très heureux d’avoir mené cette thèse sur le principe de
précaution, car je m’en sers tous les jours dans ma
32 | Le Baromètre
pratique professionnelle. Il ne faut jamais déconnecter la théorie de la pratique. Le « bon avocat », c’est
aussi celui qui va non pas appliquer mais contribuer
au progrès du droit en proposant, par exemple, un
revirement de jurisprudence. Comme avocat je ne
me considère pas comme un exécutant. De ce point
de vue, mon entente avec Corinne Lepage vient de
ce qu’elle a gagné des procès célèbres, mais surtout parce que c’est une personne passionnée par
l’environnement et toujours à la pointe de l’actualité
en la matière.
L.B. : Y a-t-il un message que tu aimerais délivrer
aux élèves avocat, une certaine vision de cette
profession ?
que des dossiers en droit de l’environnement. Non,
il faut être souple, curieux, avoir de la patience,
prendre en charge des dossiers variés et ne pas se
laisser borner par les découpages pédagogiques
des différentes matières du droit.
C’est un métier très difficile, on est au cœur de situations conflictuelles. En outre la matière juridique
exige une rigueur de raisonnement, et il est impossible d’être un bon avocat sans avoir la passion du
droit et de la matière. Il y aura toujours de la place
pour ce type de profil. C’est tout aussi important,
peut être même plus, que d’avoir de beaux diplômes.
Propos recueillis par Camille Billmann et Louis Cofflard,
promotion Jean-Denis Bredin, série F.
A.G. : Une question me parait très importante :
comment devient-on avocat en droit de l’environnement ? Il faut faire de bons stages, au cours desquels on se fait remarquer. On y démontre à ses
futurs confrères sa capacité à travailler. La deuxième
chose, c’est qu’il ne faut pas dès le début de sa
carrière exiger de ses confrères associés de n’avoir
Je suis contre la stratégie du passage entre
les gouttes : pour une entreprise ou une
collectivité le respect de l’environnement
est une opportunité, pas une contrainte.
Le Baromètre | 33
À la une
Les élèves-avocats face à la crise
Dossier de ce premier numéro du Baromètre 2009-2010, « Les élèves-avocats
face à la crise » résume l’ensemble des inquiétudes que notre profession
nourrit à l’encontre de cette crise mondiale qui affecte désormais les secteurs
d’activités que nombre d’entre nous percevait jusqu’alors comme offrant des
opportunités infinies.
D
Durement frappés par une baisse sensible de l’activité, les Fusions-Acquisitions, le Private Equity et
autre Marché de Capitaux ne connaissent plus le
faste qui les a souvent caractérisé. Mais plus encore, l’article « Les avocats d’affaires à l’heure des
charrettes » paru le 16 avril dernier dans Les Echos
n’est pas venu nous rassurer tant il affiche ouvertement l’impact de la crise, la dépression qui l’accompagne, et les conséquences qu’elle engendre
sur de nombreux postes notamment dans les plus
grand cabinets.
La concurrence apparaît plus accrue
et les demandes de stage pour la période
finale allant de Janvier à Juillet 2010
se font plus désormais plus tôt.
Si l’inquiétude se fait le plus entendre chez les
élèves de la promotion Jean-Denis Bredin, elle apparaît néanmoins alarmiste, nous confie le directeur
de l’EFB Gérard Nicolaÿ : « La crise frappe essentiellement pour les élèves de la promotion 20072008 Pierre Mazeaud. Les promotions Abdou Diouf
et Jean Denis Bredin ne doivent pas trop s’inquié34 | Le Baromètre
ter ». Les élèves de la promotion Mazeaud, confrontés aux réorganisations auxquelles procèdent les
cabinets, font l’objet de toutes les attentions sur un
marché qui ne semble pas leur offrir de places suffisantes. À l’évidence, la priorité leur revient. Ainsi,
la crise, perçue comme actuelle et en phase de reflux, ne doit pas alerter les promotions à venir. Dans
un courriel envoyé à l’ensemble de la promotion
Jean-Denis Bredin, Monsieur Nicolaÿ faisait savoir
que « pour ce qui concerne la promotion Pierre MAZEAUD qui a obtenu le CAPA en octobre-novembre
2008, 60% environ d’entre eux ont prêté serment,
ce qui montre que le marché devient difficile ».
Selon le Professeur Jean Néret, associé du cabinet
Jeantet et Président du Conseil d’administration de
l’EFB, « la crise est arrivée à son pic, elle ne peut
désormais que se dissiper ». Que faire en attendant ? La situation n’offre d’autres choix qu’une
concurrence encore plus accrue entre les élèves
de la promotion Mazeaud. À défaut, l’option que
préconisent certains avocats et responsables de
recrutement est le développement des acquis, soit
par un nouveau Master soit par une expérience à
l’étranger, autre manière de revenir sur un marché
qui sera alors plus généreux.
Mais le pessimisme continue à guetter les élèves
voués à s’orienter vers les domaines qui accusent le
coup tel que les activités Corporate. Les cabinets,
fussent-ils de niche ou full service, connaissent un
ralentissement de leur activité en ce domaine, au
point que les réductions d’offres de stages commencent à se faire ressentir. « Nous nous sommes
toujours concentrés sur des objectifs de carrières
bien précis », nous confie un élève de la promotion
Abdou Diouf. « Nous craignons que la crise nous
oblige à revoir nos plans et nous pousse à envisager une carrière que nous ne souhaitions pas »,
poursuit-il. Autrement dit, l’idée que les élèves
aient tous obtenu un stage ne doit pas être traduit
comme un indicateur rassurant. « Avoir un stage,
c’est bien ! Mais encore faut-il savoir si c’est ce que
nous cherchions », rapporte une élève de la promotion Jean-Denis B
­ redin.
Les temps ne sont plus à la confiance. La compétition apparaît plus ouverte que jamais et les demandes de stage pour la période finale allant de
Janvier à Juillet 2010 se font désormais plus tôt.
Nombre d’élèves ont déjà trouvé leur stage final
« par peur de ne pas arriver à temps », nous dit une
autre élève. « On s’y est pris bien à l’avance. Les
recherches ont commencé en janvier dernier soit
un an avant la période du stage final. Les élèvesLe Baromètre | 35
À la une
avocats ont aujourd’hui des profils de plus en plus
conformes à la demande des cabinets. Le premier
arrivé est le premier servi », rajoute-elle. Cette attitude va dans le sens des conseils de Monsieur
Nicolaÿ qui, dans son mail, invitait les élèves à
« anticiper [les] recherches de stage et de collaboration ».
À défaut de perspectives claires, les élèves-avocats
luttent pour obtenir des stages dans les cabinets les
mieux réputés de la place de Paris. « On ne s’occupe
pas de la question de notre future collaboration. On
sait qu’elle sera difficile à obtenir. On cherche à obtenir des stages dans des cabinets prestigieux et
avoir un joli C.V. C’est ce qui nous distinguera une
fois sortis de l’EFB lorsque nous commencerons nos
recherches pour les collaborations », nous dit un
élève de la promotion Jean-Denis Bredin.
Les témoignages des professionnels se veulent
plus rassurant. Chez les grandes firmes que nous
36 | Le Baromètre
avons pu consulter, l’optimisme reste de mise. « Les
effets de la crise ne se font pas ressentir pour le
moment. Notre activité est toujours très soutenue
mais nous restons vigilants. Le danger risque d’être
plus important pour les cabinets de niche qui ne
consacrent leur activité qu’à un secteur particulier à
Il semblerait qu’à l’heu
n’aient pas envisagé de
l’endroit duquel la crise pourrait avoir impact direct.
Il n’y pas de réorganisation prévue pour le moment.
Nous nous adaptons régulièrement au marché mais
rien qui ne procède de la crise », nous confie Mahasti Razavi, associée du département Commercial
et Propriété Intellectuelle et chargée du recrutement chez August et Debouzy. Les cabinets full-
service affirment être plus aptes à traverser cette
crise qui n’affecterait que certains domaines mais
dont ils sauraient néanmoins atténuer les effets par
l’activité que d’autres secteurs pourraient produire.
Si l’activité Corporate tend à ralentir, les départements Contentieux et Social-Restructuration ne
connaissent aucune baisse de régime. Cela étant,
le Professeur Jean Néret refuse l’idée de voir dans
la crise une aubaine pour ces secteurs du droit :
« Nos clients sont atteints par cette crise. Ils sont
contraints de nous consulter plus fréquemment en
cabinets américains, les cabinets franco-français ne
sont pas soumis à une politique globale dont les
décisions seraient prises aux États-Unis et auxquels
ils auraient à se soumettre. « Nous prenons nos décisions stratégiques à Paris, nous ne dépendons pas
d’un bureau ailleurs dans le monde » déclare Maître
Razavi. Pour Pascal Agboyibor, Managing Partner
de Orrick Rambaud Martel, « si certaines décisions
devaient être imposées de l’étranger, nous les traiterions en revanche localement et nous nous assurerions d’avoir épuisé tous les recours existants
Si l’activité Corporate tend à ralentir, les départements
contentieux et social-restructuration ne connaissent
aucune baisse de régime.
matière de droit social et de restructuration mais il
n’en demeure pas moins que leur santé financière,
aujourd’hui fragilisée, nous oblige à revoir notre politique de facturation à la baisse ». Autrement dit, si
l’activité est là, les rentrées ne sont plus les mêmes.
Il semblerait qu’à l’heure actuelle, les cabinets parisiens n’aient pas envisagé de prendre des mesures
particulières. Comme nous l’explique Emmanuel
Gaillard, Managing Partner de Shearman & Sterling
Paris et Responsable du pôle arbitrage international au niveau mondial, « quand bien même la crise
pourrait nous affecter, nous ne pourrions pas nous
permettre de nous priver des nouveaux talents ou
de licencier les avocats que nous avons formés pour
ensuite recruter massivement lorsque les marchés
auront retrouvé leur stabilité. Nos équipes doivent
pour éviter des suppressions d’emplois. Nous agissons de manière aussi responsables que possible ».
Cela étant, au bureau français d’Orrick, on se vante
d’avoir développé l’un des départements contentieux les plus importants de la place de Paris, à la
différence de nombreuses firmes anglo-saxonnes
qui ont ­négligé cette activité et qui pourraient désormais songer à s’y investir. « Nos avocats ont été
formés tant au Conseil qu’au Contentieux. La crise
nous montre que cette stratégie a été la bonne »
­rajoute Maître Agboyibor.
« De toute manière, nous ne sommes pas dupes »,
rétorque un élève de la promotion Jean-Denis
­Bredin. « Un certain nombre de cabinets parmi les
plus importants ne sont pas venu cette année pour
les forum collaborations et stages. Cela traduit bien
l’heure actuelle, les cabinets parisiens
gé de prendre des mesures particulières.
être prêtes à tout moment. Nous privilégions le reclassement des avocats des secteurs qui peinent
vers les secteurs qui ne connaissent pas de baisse
d’activité comme l’arbitrage international ».
leurs difficultés. Quant à ceux qui ont maintenu leur
présence, leur intérêt était de défendre leur image.
Leurs offre étaient simplement moins nombreuses
que les années précédentes », rajoute-il.
Encore faut-il ne pas traiter tous les grands cabinets
d’une seule et même manière. À la différence des
Certaines matières ne connaissent en revanche pas
les effets néfastes de la crise. Le droit pénal en fait
Le Baromètre | 37
À la une
partie affirme Maître Olivier Gutkès, avocat spécialisé en droit pénal des affaires : « Notre activité
augmente en droit pénal des affaires et il n’est pas
impossible que cela soit un des effets de la crise ».
Lui-même a commencé à exercer en temps de
crise : « Après avoir obtenu un DEA de droit international privé puis avoir effectué un LLM à Londres,
j’ai commencé en profitant de la loi de fusion entre
la profession d’avocat et celle de conseil juridique.
Je suis ­devenu avocat par hasard et le suis resté par
vocation. » En effet, c’est par hasard, parce qu’il ne
trouvait pas d’emploi de juriste dans le contexte de
la crise financière consécutive à la première guerre
du Golfe, que Maître Gutkès a embrassé la profession : « Le marché du droit était complètement sinistré. J’ai dû quitter Paris et rejoindre un cabinet à
Strasbourg où j’ai eu peu de dossiers correspondant
à ma formation universitaire. » Il s’est vu alors confier
des dossiers de droit pénal essentiellement. Après
être devenu le responsable du département de droit
pénal au sein de ce cabinet, il est revenu dans la capitale pour s’y installer. Aujourd’hui, le cabinet de
Maître Gutkès compte sept collaborateurs et a une
activité qui ne cesse de s’accroître en droit pénal
général et des affaires. Passionné par cette matière,
prêtant selon lui à « l’exploration des méandres de
l’âme humaine », cet avocat au parcours atypique
pourrait être considéré comme une exception.
« La crise m’a obligé à changer de ville, de spécialité, à reconsidérer toutes les idées que je pouvais avoir sur ma future carrière. Le conseil que je
donnerai aux futurs avocats est de s’adapter à la
situation, à la fois sur le domaine d’activité qui est le
leur et sur la situation géographique. Je pense que
les avocats attirés par le miroir aux alouettes des
gros cabinets peuvent tout à fait s’épanouir dans
une plus petite structure située et dans une ville de
province ».
Et pour ce qui est de la spécialité, « la formation
universitaire apprend à penser. Le plus important
pour les jeunes avocats c’est véritablement de
s’adapter. Ils ont quarante ans de carrière à faire
dans un monde du droit qui va connaître des soubresauts et des évolutions et, tout au long de leur
38 | Le Baromètre
carrière, ils vont devoir faire preuve de souplesse.
Ils ne devraient jamais se laisser enfermer dans des
voies qui ne leur permettraient plus de faire face
aux modifications de leurs conditions d’exercice.»
En somme, « il faut toujours s’adapter au monde qui
nous entoure, sans vouloir à tout prix qu’il s’adapte
à nous ».
Le conseil que je donnerai aux futurs
avocats est de s’adapter à la situation, à
la fois sur le domaine d’activité qui est le
leur et sur la situation géographique.
En réalité, si la crise apparaît comme une période
de tumulte absolument exceptionnelle, les effets
qu’elle engendre sur les grands cabinets s’inscrivent dans une courte durée. Les conséquences de
ce bouleversement devraient néanmoins amener
les firmes à observer davantage les innovations des
secteurs bancaires et boursiers afin d’en mesurer
régulièrement les enjeux et les risques qu’elles font
prendre à l’ensemble des acteurs qui interviennent
lors des opérations.
L’inquiétude est légitime pour les élèves-avocats de
la promotion Pierre Mazeaud tant cette période les
expose à des difficultés qu’il est urgent de résoudre.
Les promotions Abdou Diouf et Jean-Denis Bredin
devraient en revanche être les premières à entrer
sur un marché post-crise aguerris de ses failles, de
ses fautes et de ses vices.
Lydia Hamoudi et Sahand Saber, Série G et Série M,
Promotion Jean-Denis Bredin
L
Inter
-view
Rencontre avec Maître
Quelque part dans le monde
Karim Lahidji
Avocat iranien, Karim Lahidji vit en exil à Paris depuis plus de vingt-sept ans.
Luttant sans relâche en faveur des Droits de l’Homme en Iran depuis les années
soixante, les épreuves que lui-même et les siens ont enduré tout au long de ces
années n’ont jamais entamé sa détermination. Il se confie pour la première fois
à la rédaction du Baromètre.
L
LE BAROMÈTRE : Maître Karim Lahidji, merci
à vous de nous recevoir ici au bureau français
de la Fédération Internationale des Droits de
l’Homme. Vous êtes l’un des visages les plus
connus du monde associatif iranien. Quel a été à
l’origine la raison de votre engagement en faveur
des droits de l’homme ? Quels ont été vos premiers combats lorsque vous étiez avocat en Iran ?
cats militaires l’étaient ce qui portait atteinte aux
droits de la défense puisque ces avocats militaires
étaient nommés non pas par les accusés mais par
les autorités. Cela m’obligeait à consacrer la plupart
de mon temps aux affaires civiles et commerciales.
Néanmoins, d’une manière assez confidentielle,
voire clandestine, mes activités en faveur des prisonniers politiques ont commencé.
Karim lahidji : Mon combat a commencé
lorsque j’étais étudiant à la faculté de droit. J’étais
en licence, au début des années 1960, lorsqu’il
m’est venu la foi en trois grands principes en lesquels je crois et pour lesquels je me bats depuis
maintenant plus de quarante cinq ans : l’abolition
de la peine de mort, la prohibition de la polygamie
et le droit à l’euthanasie.
L’année décisive fut l’année 1968. Cette année là,
la conférence mondiale des Droits de l’Homme se
déroulait à Téhéran. René Cassin, Prix Nobel de la
Paix la même année, était présent mais malheureusement nous, jeunes avocats iraniens, nous n’étions
pas invités.
Le problème que nous avions était que les procès
à caractère politique étaient jugés devant les tribunaux militaires. Les avocats civils n’étaient pas habilités à plaider devant ces tribunaux. Seuls des avo-
L.B. : De quelles natures étaient ces activités ?
K.L. : Je prenais contact avec les familles des prisonniers politiques, et avec certaines ambassades
pour faire passer des informations à l’extérieur du
pays. J’ai pu obtenir un passeport en 1971 et je suis
arrivé en France. J’ai immédiatement pris contact
avec Amnesty International à Londres, avec l’Association Internationale des Juristes Démocrates
dont le siège était à Bruxelles, avec l’International
Commission of Jurists à Genève et avec la FIDH1.
Mais toutes mes activités restaient confidentielles
et n’avaient cours seulement lors de mes déplacements à l’étranger.
L.B. : Et lors des premières grandes manifestations au cours de l’année 1978, vous militiez pour
le renversement du Shah ?
1 Fédération Internationale des Droits de l’Homme
Le Baromètre | 39
Quelque part dans le monde
n’avait absolument rien à voir avec la Constitution
de la République Islamique en matière de droits et
libertés fondamentaux.
L.B. : Pendant la Révolution, Sadegh Khalkhali,
nommé Procureur général des Tribunaux révolutionnaires par Khomeiny, que l’on appelait le
« Juge rouge » avait élaboré un concept juridique : le concept de « présomption de culpabilité » selon lequel toute personne suspecte devait être condamné, le plus souvent à la peine de
mort, sauf si elle parvenait à prouver son innocence Autrement dit le simple doute pouvait entériner la mort. Quel fut votre sentiment lors des
premières vagues de répression commises par le
régime ­essentiellement contre les partisans du
Shah, les parodies de procès, les arrestations arbitraires, les exécutions sommaires ?
K.L. : Khalkhali justifiait ses actes atroces par les
ordres que lui donnait Khomeyni lui-même. Les
suspects étaient considérés comme des criminels.
Il suffisait que les suspects soient pour être arrêtés
et exécutés. Leur culpabilité n’était pas à prouver.
J’ai protesté dès la première exécution mais j’étais
le seul. Le silence de tous était assourdissant. Certaines organisations même, notamment les Fedayin‑e Khlagh2 et les Moudjahidines du peuple3,
considéraient que les tribunaux révolutionnaires
étaient trop souples, trop indulgents. Ces mouvements demandaient davantage de fermeté et de
répression.
K.L. : Non car les ONG n’ont pas pour rôle de changer un gouvernement ou un régime. Les ONG se
doivent de revendiquer le respect des Droits de
l’Homme. Notre combat dans ces deux associations était circonscrit aux lois internationales et notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels qu’avait
ratifié le Parlement iranien en 1975. Cette ratification donnait valeur juridique à leur contenu et nous
pouvions alors appuyer nos revendications sur ces
textes en plus de celui de la Constitution de 1906,
Constitution qui n’était certes pas idéale mais qui
« Jusqu’en décembre 19
islamique, les gens ne pa
La situation m’a poussé à quitter l’Iran le 20 mars
1982. J’ai franchi les montagnes de l’Ouest de l’Iran
et suis arrivé à Istanbul. Là-bas, j’ai pris contact avec
l’ICR et je suis finalement arrivé en France le 20
avril 1982.
Quelques mois plus tard avec d’autres iraniens, j’ai
créé la LDDHI4 affiliée quelques années plus tard à
2 Organisation d’extrême-gauche d’inspiration guévariste recourant à la violence armée
3O
rganisation d’inspiration « islamo-marxiste » recourant à la violence armée et qualifiée de sectaire
par nombre de spécialistes.
4 Ligue de Défense des Droits de l’Homme Iranienne
40 | Le Baromètre
la FIDH et avec l’insistance de membre de la FIDH,
je suis devenu vice-président de la FIDH et ce depuis 10 ans maintenant.
L.B. : Avec le temps, quel regard portez-vous
sur la Révolution ? Pensez-vous qu’elle fût regrettable ? Pensez-vous qu’il eut été meilleur de
pousser le Shah à réformer plus en profondeur
les instituions ?
K.L. : Le climat révolutionnaire n’a duré que trois
mois alors que le combat avait commencé deux ans
auparavant. Nous avons commencé dès 1977 avec
des revendications qui étaient conformes à la loi
en vigueur en Iran c’est-à-dire les Pactes internationaux et la Constitution iranienne. Nous ne souhaitions en aucune manière avoir des activités de
nature subversive. Malheureusement le régime du
Shah restait trop rigide et n’engageait ses réformes
que trop lentement.
On ne fait pas une révolution, une révolution se fait
elle-même, elle s’impose d’elle-même. Jusqu’en
décembre 1978 personne ne parlait de République
islamique, les gens ne parlaient que de liberté, de
liberté et de liberté. Le régime impérial a commis
des erreurs monumentales et Khomeyni a été poussé d’Irak vers la France où il a pu trouver une assise
médiatique très importante. Je pense que si le Shah
avait opéré des réformes rapides, la monarchie aurait pu devenir un régime de monarchie constitutionnelle et démocratique.
Je me souviens vers la fin de l’année 1976, j’étais
société iranienne sans jamais prendre en compte la
nature politico-juridique du régime.
La République Islamique est une oligarchie cléricale. Il y a certes des éléments de façade présentant un aspect démocratique. Il existe trois pouvoirs
: exécutif, législatif et judiciaire. Il y a des élections
pour le Parlement et la Présidence mais au-delà de
ces trois pouvoirs, il existe un super pouvoir appelé le « ­Velayat Faghigh » c’est-à-dire le Guide Suprême en la personne de l’Ayatollah Khamenei. Il
n’est pas élu et il supervise les trois pouvoirs. En
ce qui concerne les compétences de ces trois pouvoirs, nous pouvons voir qu’ils ne remplissent pas le
rôle qui leur revient.
Au sein du pouvoir exécutif, le Président n’a pas
beaucoup de pouvoir. Le vrai chef de l’exécutif,
c’est le guide suprême qui possède tous les pouvoirs stratégiques tant en matière politique et qu’en
matière économique.
En matière législative, le Guide Suprême nomme
un Conseil de six mollahs chargé de contrôler la
conformité des lois votées par le Parlement avec
des principes islamiques qu’il définit lui-même.
Autrement dit, ces six personnages ont un droit de
veto sur les lois votées. Ces six religieux supervisent
également les élections. C’est a eux que revient la
mission de fixer les listes électorales. Ils suppriment
toutes les personnes qui, selon eux, ne répondent
pas aux critères islamiques garants du régime. En
fin de compte, les iraniens n’ont de choix que parmi
ceux dont le nom figure sur ces listes électorales.
Cette pré-sélection vaut pour toutes les élections.
re 1978 personne ne parlait de République
ne parlaient que de liberté ».
alors avec des amis intellectuels iraniens et nous
assistions à la démocratisation de trois pays : l’Espagne, le Portugal et la Grèce. Nous espérions que
l’Iran serait la quatrième. Nous avons raté cette opportunité et nous l’avons payé très cher !
L.B. : Pensez-vous que ces élections sont de
fausses élections ou de vraies élections dont on
peut vraiment attendre une alternance ?
K.L. : Malheureusement, dans les médias occidentaux, on parle d’une certaine démocratie dans la
Enfin, le pouvoir judiciaire est présidé par un mollah
nommé lui-même par le Guide Suprême.
Ainsi si vous pensez que la seule présence de ces
pouvoirs constitue une démocratie, vous avez tort
car il y un personnage au dessus de ces pouvoirs qui
les contrôle tous ! Si une alternance doit avoir lieue
au sein du régime, celle-ci doit être avalisée par le
Guide Suprême qui établit à l’avance les règles du
jeu.
En 2003, enfin une grande victoire pour vous et pour
de nombreux iraniens ! Votre amie Shirin Ebadi se
voit décerner le Prix Nobel de la Paix pour son acLe Baromètre | 41
Quelque part dans le monde
tion en faveur des droits de l’Homme en Iran. Pourtant le Président Khatami, qui s’était fait le porteparole d’un nouvel Iran démocratique dans lequel la
société civile devait pleinement avoir sa place dans
les affaires publiques, avait minimisé cette récompense déclarant que les prix pour la science et la
littérature sont plus importants. Réaction de déception, j’imagine…
Shirin Ebadi est une amie de trente-cinq ans. Elle
était magistrate, j’étais avocat. Lorsque la nouvelle
est arrivée, elle était chez moi à Paris. Pour moi
c’était la première victoire depuis le début de mon
engagement en faveur des Droits de l’Homme il y a
« Ce régime ne représente pas le peuple
mais seule une petite minorité d’iraniens,
il faut que la grande majorité du peuple
puisse s’exprimer ».
quarante-cinq ans. Enfin notre combat est reconnu !
Mais il est évident que les membres du clergé aient
vu d’un mauvais œil le fait qu’une femme de tendance laïque soit récompensée sur la scène internationale. Même le moins méchant de tous qu’était
Khatami eut une mauvaise réaction.
Quant à ses propos sur la science et la littérature,
c’est le discours officiel du régime islamique. C’est
d’ailleurs la raison pour laquelle les étudiants en
droit et en sciences sociales et humaines sont soumis à des pressions très fortes, plus fortes que les
étudiants en mathématique, en physique ou en
chimie. Le régime ne cesse de vouloir imprégner
leurs études de l’idéologie islamiste tandis que les
étudiants leur opposent une résistance farouchement hostile.
L.B. : Reza Pahlavi, le fils du dernier Shah d’Iran
et héritier de la couronne impériale, a écrit un
livre « Iran : l’heure du choix » dans lequel il expose sa vision de l’avenir de l’Iran : un régime
démocratique, laïc, pluraliste et dans lequel les
pouvoirs seraient effectivement séparés. Il dit
ouvertement que son action ne vise pas à remonter sur le trône. Il en revient au peuple de décider. Les Iraniens doivent selon lui s’unir qu’ils
soient monarchistes ou républicains, qu’ils soient
de gauche ou de droite, pour faire triompher les
Droits de l’Homme en Iran. Qu’en pensez-vous ?
42 | Le Baromètre
K.L. : C’est très bien que l’ensemble des groupes
d’oppositions de tendances différentes se parlent !
C’est déjà un grand progrès que les groupes d’opposition discutent de tous les principes préalables
pour qu’une démocratie puisse être instaurée dans
un pays. Ceci n’était pas le cas avant la révolution !
Il fut un temps encore récent où ces mouvements
n’étaient pas favorables à ce dialogue. C’est donc
un progrès important.
Maître Lahidji, à l’occasion du nouvel an iranien, le
« Nowrouz », le Président Obama a lancé un appel au dialogue à l’attention du régime, message
auquel M. Khamenei lui a répondu par un refus
catégorique. Selon l’opposition, il ne faut pas uniquement dialoguer avec le régime mais il faut également dialoguer avec le peuple. Le régime ne doit
pas être considéré comme le seul interlocuteur.
Oui, c’est tout à fait vrai. Je suis favorable au dialogue car le dialogue permet de faire évoluer la situation mais je suis d’accord avec vous, et Shirin Ebadi
et moi-même l’avons dit à Bruxelles à M. Javier
Solana. Nous sommes d’accord sur le principe du
dialogue avec la République Islamique mais vous
devez également dialoguer avec le peuple iranien à
travers les représentants de la société civile. Il était
d’accord mais encore faut-il que les paroles soient
suivies des actes ! J’ai transmis le même message
au Président Obama pour qui j’ai beaucoup de respect. Outre le fait que ce régime ne représente pas
le peuple mais seule une petite minorité d’iranien, il
faut que la grande majorité du peuple puisse s’exprimer.
Propos recueillis le 4 avril 2009 par Sahand Saber,
Promotion Jean-Denis Bredin, Série M.
À
Délinquance policière
Selon la définition de Max Weber, l’État disposerait du « monopole de la
violence légitime », et il serait la seule source de légitimité pour quiconque
utilise la violence. Par conséquent, l’État et l’armée ont le droit de recourir à la
force afin de rétablir l’ordre. Le code de déontologie de la Police Nationale oblige
les policiers à n’utiliser la force qu’à des fins légitimes ou pour faire exécuter
des ordres mais ce en considération de la force qu’on leur oppose.
Or depuis de nombreuses années, Amnesty International dénonce le niveau
élevé des violences policières en France, que ce soit dans les commissariats
ou sur le terrain.
À
En 2005, l’Organisation a publié un rapport intitulé
« France. Pour une véritable justice » qui s’intéresse
à une trentaine d’affaires de graves violations des
droits humains, avérées ou présumées, commises
par des policiers entre 1991 et 2005 et fit le constat
d’une « impunité de fait » pour les policiers en
France.
Selon ce rapport, plusieurs facteurs qui expliqueraient ce climat d’impunité : les lacunes et faiblesses
de la législation qui ne contient aucune définition
­exhaustive de la torture, l’absence de disposition
permettant aux gardés à vue de consulter un avocat
dès leur rétention, la lenteur de la procédure judiciaire engagées contre les agents de police.
Enfin, Amnesty International a formulé de nombreuses recommandations qui permettraient de
mettre un terme à l’impunité de fait. Elle recommande notamment la création d’un organisme
indépendant chargé d’enquêter sur toutes les allégations de graves violations des droits humains
imputées à des agents de la force publique et qui
« pourrait être une version améliorée » de la Commission nationale de déontologie de la sécurité1.
Toute personne ­devrait pouvoir saisir directement
cet organisme qui devrait être habilité à enquêter sur toutes les allégations de violations graves
des droits humains formulées contre les forces de
l’ordre, sans avoir à passer par un Parlementaire,
comme c’est le cas ­actuellement. Il aurait le pouvoir
Amnesty International dénonce le niveau
élevé des violences policières en France.
d’examiner immédiatement les lieux des faits ; de
convoquer des témoins et d’­ordonner la communication de documents ; de suivre les enquêtes menées par la police.
Amnesty International exhorte aussi les autorités
françaises de faire en sorte que tous les gardés à
vue puissent consulter un avocat dès le début de
leur ­rétention, que tous les interrogatoires de police soient filmés et que les procédures et les lignes
1C
réée en 2000, la CNDS doit « veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire
de la République ».
Le Baromètre | 43
Quelque part dans le monde
de conduite relatives aux contrôles d’identité soient
soigneusement revues.
Malgré les nombreuses recommandations faîtes par
Amnesty International, la situation s’est détériorée.
Le nombre de « violences illégitimes » exercées par
les forces de l’ordre sont en hausse constante depuis quelques années. Ainsi dans son rapport annuel rendu public le mercredi 12 avril 2009, la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
(CNDS) a traité plus de 108 plaintes, dont 72 contre
la Police Nationale, constatant ainsi une hausse de
10% par rapport à 2004.
Le 1er Juin 2006, la Cour européenne des droits
de l’homme a rendu un arrêt « Taïs Vs. France »
dans lequel elle a condamné la France et demandé
qu’elle donne à ses fonctionnaires de police des
instructions précises sur l’utilisation des méthodes
de contrôle. La même année, le Comité européen
pour la prévention de la torture et des peines ou
traitement inhumains ou dégradants (le CPT) a effectué une visite en France. Dans son rapport, il
fait observer qu’outre les allégations de mauvais
traitements dénoncés par les détenus, il a reçu des
déclarations similaires des autorités médicales, juridiques et même policières, ainsi que des organes
indépendants comme le Médiateur de la République ou la CNDS.
Amnesty International a ainsi rendu un nouveau
rapport publié en avril 2009 et intitulé « France. Des
policiers au dessus des lois » qui reprend les problèmes mentionnés en 2005, dénonçant de nouvelles allégations de violation des droits humains
commises en France par des agents de la force publique depuis le premier rapport et constatant par
ailleurs une tendance croissante à l’inculpation pour
« outrage » ou « rébellion » des victimes ou des
témoins de mauvais traitements commis par des
agents de la force publique.
« Les gens doivent pouvoir faire confiance à leur
police. Or, aujourd’hui, ce n’est souvent pas le cas.
Cette confiance ne sera possible que lorsque les
gens verront que des mesures disciplinaires appropriées sont prises en temps voulu, et que les
policiers responsables d’actes criminels sont tra2 I nformations obtenues par Amnesty International.
3 « Libération » du 11 octobre 2008.
44 | Le Baromètre
duits en justice selon une procédure impartiale et
indépendante », affirme David Diaz-Jogeix, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale
d’Amnesty International.
Toute personne qui souhaiterait déposer une
plainte contre un agent de la force publique peut
s’adresser directement au procureur de la République. Pour les affaires graves ou complexes, ce
dernier peut saisir le juge d’instruction. Mais la plupart du temps, le juge d’instruction ou le procureur
font appel à la police judiciaire pour des auditions
de témoins, de suspects ou pour recueillir des éléments de preuve. Ce qui conduit à un manque d’indépendance de fait. Ainsi, les enquêtes pénales et
disciplinaires sur les comportements policiers sont
menées par une unité spécialisée de la Police nationale, l’Inspection générale de la Police nationale
(IGPN) à l’Île de France et où l’unité correspondante est l’Inspection générale des services (IGS).
Les plaintes peuvent être déposées directement
par des particuliers auprès de ces services. Leurs
conclusions sont ensuite transmises au procureur
de la République, qui décide s’il y a lieu de saisir un
juge d’instruction. Amnesty International constate
que les recherches menées par la police sur des
policiers ne sont pas exhaustives : tous les témoignages ne sont pas nécessairement pris en compte
et il n’y a pas forcément de recherche active d’autres
éléments de preuve, comme des bandes vidéo ou
des certificats médicaux. Ainsi lorsque le dossier
est présenté au procureur au juge d’instruction, les
éléments permettant de poursuivre les policiers mis
en cause sont souvent insuffisants et aboutissent au
classement sans suite de la plainte. Le parquet ou
le tribunal accordent souvent, soit « le bénéfice du
doute aux agents de la force publique », soit des
relaxes ou des acquittements très controversés, soit
des peines symboliques nonobstant la gravité des
infractions. À tel point que bien souvent, les avocats l’anticipent et déconseillent à leurs clients de
les poursuivre en justice.
Certes, les plaintes déposées contre la police
ne sont pas toutes fondées, mais l’écart entre le
nombre de plaintes reçues et le nombre de sanctions disciplinaires prises permet de s’interroger sur
l’exhaustivité et l’impartialité des enquêtes. Ainsi,
« Sur 663 plaintes examinées par l’organe d’inspection de la police en 2005, seules 16 ont conduit à
la radiation des agents concernés ; en 2006, seules
huit allégations de violence sur 639 ont abouti à une
telle radiation. De très nombreuses plaintes déposées contre des agents des forces de l’ordre sont
classées sans suite par le parquet avant même d’arriver au ­tribunal2 ».
L’article 10 du Code de déontologie de la police
dispose que toute personne appréhendée est
« placée sous la responsabilité et la protection de
la police » et qu’elle ne doit subir de la part des
policiers « aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant ».Les fonctionnaires de police
témoins de mauvais traitements doivent agir pour
les faire cesser ou les porter à la connaissance d’une
autorité compétente. Qui plus est, « le fonctionnaire de police ayant la garde d’une personne dont
l’état nécessite des soins spéciaux doit faire appel
au personnel médical et, le cas échéant, prendre
des mesures pour protéger la vie et la santé de
cette personne ».
Et pourtant, Hakim Ajimi est décédé d’une
« ­asphyxie mécanique » le 9 mai 2008 à Grasse3.
Lors de son interpellation, il était maintenu à plat
ventre, face contre terre, un policier avec un genou
sur son dos, un autre pratiquant une clé d’étranglement. Une fois de plus, Amnesty s’inquiète de
cette méthode d’­immobilisation qui a déjà valu à
la France une condamnation par la justice européenne. Et les cas sont encore nombreux.
Aujourd’hui, certains moyens ont été mis en place
afin d’éviter les « bavures policières » : existence de
caméras dans les lieux publics, sur les taser, dans
les véhicules sérigraphiés et même sur les agents
de police en patrouille pédestre4. Néanmoins, le
système d’activation de ces caméras reste à l’initiative de l’agent qui la porte. Aux États-Unis, il
existe des associations qui se sont fixé comme but
d’œuvrer pour modifier le comportement policier.
Par exemple, Copwatch rassemble des associations
activistes qui suivent et filment les interventions des
forces de l’ordre afin de prévenir le phénomène de
brutalités policières.
Dans la plupart des cas, ce sont témoignages de
victimes de violences policières que nous avons car
aucun policier n’ose s’exprimer sur le sujet de peur
d’être révoqué. Mais, pour le Baromètre, un officier
de police, qui souhaite garder l’anonymat car astreint au devoir de réserve, souhaite dénoncer ce
qu’il vit. Il nous raconte qu’il a lui-même été témoin
de ces violences et qu’il en a fait part à l’IGS, témoignant ainsi contre ses collègues. Mais l’enquête
a été classée sans suite malgré les nombreuses
preuves matérielles qu’il possédait. Il constate
aussi que les fonctionnaires de police se servent
des « ­outrages et rebellions » afin de se protéger
des éventuelles plaintes. Ces dernières années, le
délit d’outrage est devenu en France un délit « en
­vogue ». De 17 700 faits enregistrés en 1996, on
est passé à 31 731 en 20075. Une expression qui
revient souvent « On touche, on ramène6 » .
« De très nombreuses plaintes déposées
contre des agents des forces de l’ordre
sont classées sans suite par le parquet
avant même d’arriver au tribunal ».
Selon lui, il n’existe plus de rapport humain entre
citoyens et policiers car ces derniers sont soumis à
un quota sur le nombre d’interpellations effectuées
dans le mois. On lui demande personnellement de
faire 30 « Bâtons7 » par mois, « peu importe la qualité du travail, seule la quantité compte ». Il tient
aussi à préciser « que les tensions entre les policiers
et la population sont dues majoritairement à un
manque de communication et de compréhension. Il
faut rétablir le dialogue social afin que la population
retrouve confiance à leur police qui représente le
service public ».
Melissa Sémari, Promotion Jean-Denis Bredin, Série T.
4E
xpérimentées uniquement dans la banlieue parisienne.
5 I nformations obtenues par Amnesty International.
6J
argon policier qui signifie que lorsqu’ un policier utilise la violence illégitime,
il est obligé de déposer plainte contre elle afin de se protéger et de cette manière la victime devient coupable.
7 Jargon policier qui veut dire garde à vue.
Le Baromètre | 45
Bouillon de culture
Aux portes du Palais
Cette histoire pourrait être celle d’un palais des milleet-une nuits, ou celle d’un château imaginaire avec
ses contes et ses légendes. L’histoire que nous allons
pourtant parcourir est celle d’un lieu bien réel, le Palais
de Justice de Paris qui, avec la majesté de ses façades
et de ses tours dominées par la flèche de la SainteChapelle, demeure aujourd’hui un des monuments les
plus visités de la capitale.
L’objectif de cet article en « feuilleton » réalisé avec
l’aide précieuse de Monsieur Yves Ozanam, Archiviste
de l’Ordre des Avocats, est à la fois de tracer un
aperçu de l’histoire du Palais, avec son activité, ses
ornementations et ses symboliques, mais également de
découvrir un Palais insolite qui garde encore bien des
secrets.
46 | Le Baromètre
© Ordre des avocats de Paris
Voici son histoire...
La demeure des rois
Tout commença par l’avènement du pouvoir romain
dans la bourgade de Lutèce et par l’édification sur
l’île de la Cité d’un palais chargé d’accueillir les magistratures romaines. Lutèce, ou la « ville des parisiens » en référence à leurs ancêtres nomades « parisii », se replie sur l’Île de la Cité à la fin du 3e siècle
afin d’échapper aux invasions barbares. Le palais se
fortifie. En 508, Clovis fait de la « Cité » sa place
forte ; Dagobert, le plus parisien des rois francs, y
séjourne souvent ; et vers la fin du 9e siècle, le palais
résiste aux incursions normandes.
Les Capétiens succédant aux Mérovingiens à la fin
du 10e siècle, Hugues Capet (987-996) fait de Paris
le centre de sa puissance, et son fils Robert le Pieux
(996-1031) entreprend la reconstruction du palais.
L’enceinte du Palais prend la forme d’un quadrilatère fortifié renforcé de tours dissuasives. Le roi et
sa famille s’installent dans le futur « logis du roi »,
et la « Salle du roi » (ancêtre de la salle des PasPerdus) abrite la « curia regis », une assemblée des
grands féodaux qui compose le Conseil du roi et
assiste celui-ci dans ses décisions administratives et
judiciaires.
Au 12 siècle, le Palais de la Cité devient véritable
résidence royale. Louis VI le Gros (1108-1137)
e
construit la Grosse Tour, et son fils Louis VII (11371180) « l’oratoire du roi ». Au 13e siècle, Philippe
Auguste (1180-1223) réorganise l’administration du
royaume, puis fait du Palais sa résidence habituelle
en fixant la Cour à Paris.
La ferveur religieuse de Louis IX (1226-1270) permet au Palais de s’embellir de la Sainte-Chapelle
– construite en 1243 pour accueillir les reliques de
la Passion données en gage aux Vénitiens par l’empereur latin de Constantinople Baudoin II – et d’un
petit bâtiment protégeant les livres et les archives
du roi, le « Trésor des Chartes ».
Philippe le Bel (1285-1314) souhaite bâtir un palais
plus grand « de merveilleuse et coûtable œuvre,
le plus bel que nul en France oncques vit ». La
Grand’Salle est ainsi construite pour accueillir les
sessions du « parlement », une commission chargée
de rendre la justice au nom du roi sous le terme
« d’arrêts », et dont les membres sont qualifiés de
« magistri », les maîtres de la Cour.
Jean II Le Bon (1350-1364) fait bâtir les cuisines
dites à tort « de Saint Louis », ainsi que la tour carrée sur laquelle son fils Charles V fera placer une
horloge.
Au 14e siècle, les difficultés financières et la reprise
des hostilités avec l’Angleterre créent une rupture
dans l’histoire du Palais. Étienne Marcel, prévôt des
Le Baromètre | 47
Bouillon de culture
© Ordre des avocats de Paris
Bourbon, passé au service de Charles Quint. Exaspéré par les remontrances du premier président
Jean de Selve, François Ier quitte la salle, notifie
sans délai un édit interdisant au parlement de s’immiscer dans les affaires de l’État, et s’exclame : « de
même qu’il n’y a au monde qu’un soleil, il n’y a en
France qu’un roi ! ».
marchands de Paris, renverse le pouvoir en 1358 et
force le futur Charles V (1364-1380), alors résidant
au Palais, à s’exiler. Le roi finit par reprendre Paris
mais délaisse le Palais au profit du Louvre ou de
l’Hôtel Saint-Pol à proximité de la Bastille.
Le Palais continue néanmoins d’accueillir les rois
étrangers ainsi que les fameux « lits de justice », ces
impressionnantes réunions du parlement durant
lesquelles le roi notifiait sa volonté aux magistrats,
sur un siège embelli de dais et de coussins de drap
d’azur semé de fleurs de lis d’or.
La tentation du pouvoir
Au 15e siècle, le royaume est coupé en deux par la
« Guerre de Cent Ans » : Charles VII (1422-1461) a
son parlement à Poitiers, tandis que le parlement
de Paris se soumet à Henri V d’Angleterre. Au retour triomphal de Charles VII dans la capitale en
1437, le parlement de Paris lui jure fidelité. Le roi
regroupe les deux parlements en un seul et confie à
ce dernier une mission exclusive de justice.
Au 16e siècle, le parlement renforce sa position de
contre-pouvoir. En 1527, François Ier (1515-1547)
vient présider un lit de justice pour juger le duc de
48 | Le Baromètre
Sous Henri II (1547-1559), la solennité du rituel
parlementaire est accru : trône surélevé de trois
marches, appareil de draperies somptueuses, magistrats en robe rouge. La Sainte-Chapelle se dote
de grands orgues, et le roi construit l’arc de Nazareth reliant l’Hôtel de la Chambre des Comptes à la
galerie des Archives.
Le parlement s’affirme comme le protecteur de l’intégrité du royaume et des droits de la Couronne, ce
que le chancelier Michel de L’Hospital dénonce en
affirmant avec fermeté : « Il faut que la loi soit sur les
juges, non pas les juges sur la loi ».
Malheureusement, la fin du siècle est entachée par
les violentes « Guerres de religion » : l’enregistrement de l’édit de pacification de 1572 accordant
Un Palais insolite q
des droits aux protestants soulève l’opposition des
magistrats lors de la Saint-Barthélemy, et au décès
du roi Charles IX en 1574, le parlement s’investit
davantage dans les affaires de l’État.
En 1585, Henri III (1574-1589) décore la Tour de
l’Horloge d’un nouveau cadran et commence l’édification du Pont-Neuf à l’extrémité ouest de l’Île de
la Cité.
Avec la « Ligue » qui mobilise les défenseurs de la
religion catholique contre les protestants, le parlement de Paris est de nouveau pris dans la tourmente de la guerre civile. La fuite du roi Henri III
en mai 1588, après l’insurrection fomentée par le
duc de Guise connue sous le nom de « Journée des
Barricades » entraîna une scission de la Cour : un
parlement royaliste s’installe avec le roi à Tours, tandis que les magistrats ligueurs investissent la capitale. À Paris, le premier président Achille de Harlay
répond alors au duc de Guise : « C’est grand pitié,
Monsieur, quand le valet chasse le maître ! Au reste,
mon âme est à Dieu, mon cœur au roi, et quant
à mon corps, je l’abandonne, s’il le faut, aux méchants qui désolent le royaume ».
pour soumettre les magistrats, mais à sa mort, Philippe d’Orléans rétablit le droit de remontrances
préalable à l’enregistrement.
Le début du 17e siècle est marqué par l’aménagement de la place Dauphine et l’achèvement du
Pont-Neuf, mais également par la mort du roi Henri
IV, assassiné le 14 mai 1610 par François Ravaillac
qui devient un des prisionniers les plus célèbres
de la Conciergerie où il subira le supplice des brodequins avant d’être publiquement supplicié puis
­démembré.
Au début du 18e siècle, l’opposition entre le parlement de Paris et la monarchie se radicalise. Les
magistrats développent des théories remettant en
cause l’absolutisme royal au motif qu’il faut « protéger le roi contre lui-même », c’est-à-dire le protéger
contre les mauvais conseils, quitte à lui désobéir.
Louis XV (1715-1774) rappelle aux magistrats que la
puissance souveraine réside toute entière en sa personne, dans son célèbre discours du 3 mars 1766
prononcé lors de la séance de « Flagellation » en
raison de la vigueur exceptionnelle de l’admonestation royale. Les magistrats croient pendant un certain temps que la déstabilisation de la monarchie va
tourner à leur avantage. Le 5 mai 1788, ils s’enferment dans le Palais, refusant de livrer l’un des leurs
que Louis XVI (1774-1792) a fait quérir.
Marie de Médicis devient alors régente du jeune
Louis XIII (1610-1643). La Grand’Chambre symbolise pour un temps le trône officiel, et le parlement
de Paris le coeur de l’idéologie dynastique ainsi
La corruption et l’arrogance des magistrats les ont
cependant rendus impopulaires. Comme toutes
les autres juridictions de l’Ancien Régime, le Parlement de Paris est supprimé dans les premiers mois
En 1589, Henri IV (1589-1610) monte sur le trône,
entre dans la capitale en 1594 et réunit les deux
parlements. Il met fin aux guerres de religion par
l’édit de Nantes enregistré en 1599 qui tolère le
culte ­protestant.
e qui garde encore bien des secrets.
que le socle de l’autorité législative des Bourbons ;
une aubaine de courte durée pour les magistrats,
que Richelieu ne tarde pas à reprendre sous son
autorité.
En 1611, Louis XIII crée les quais de pierre de
l’Île de la Cité, ce qui entraine l’encavement de la
Conciergerie. Peu avant sa mort, le roi nomme sa
femme Anne d’Autriche régente. Celle-ci gouverne
avec l’assistance du Cardinal Mazarin, détesté par
les parlementaires. Les difficultés financières de la
monarchie et l’obligation pour les magistrats d’enregistrer les actes royaux sans délibération finit par
mettre le feu aux poudres. Durant la « Fronde » de
1648 à 1652, le parlement complique la tâche de
la régence, et va même jusqu’à donner l’ordre de
« courir sus au Mazarin ».
de la Révolution. Le 14 août 1790, il se réunit une
dernière fois pour enregistrer le décret de « l’Assemblée Nationale » lui signifiant sa suppression ;
le procès-verbal se termine par « Et la Cour s’est
levée ». Puis, au jour du 15 octobre 1790, Jean Sylvain Bailly, alors maire de Paris, appose les scellés
aux portes du p
­ alais.
Ainsi s’achève une histoire pluriséculaire. La monarchie elle-même allait succomber deux ans plus
tard...
Julien Berbigier, Promotion Jean-Denis Bredin, Série A.
À suivre...
Fort impressionné par cette révolte, Louis XIV
(1643-1715) fait le nécessaire durant son règne
Le Baromètre | 49
Bouillon de culture
SOUS LA ROBE
Chers futurs confrères, camarades et amis, l’heure
est grave !!! Après avoir brillamment subi les écrits
et oraux du CRFPA, survécu aux 3 jours de prérentrée, voici venu le moment de trouver un stage
(PPI, alternance ou stage final). Après avoir passé le
premier barrage sur CV, la future star du barreau que
vous êtes se retrouve convoquée en entretien. Malgré
vos immenses qualités intellectuelles, personnelles et
surtout professionnelles, le premier jugement que
votre maître de stage portera sur vous sera basé… sur
votre apparence ! D’où l’importance de soigner sa
superficialité et d’adopter une tenue adaptée lors d’un
entretien, en stage et simplement au quotidien.
Puisque le but du jeu c’est d’avoir le look de l’emploi,
autant être honnête : les avocats sont loin d’être la
profession au look le plus funky. Ce n’est pas parce
qu’on doit s’habiller classique qu’il faut avoir l’air de
sortir des années 80.
50 | Le Baromètre
© Sarah Foliard
« Ce n’est pas parce qu’on doit s’habiller
classique qu’il faut avoir l’air de sortir
des années 80 ».
Pour vous mesdemoiselles, mesdames,
Pour dire à son potentiel futur recruteur « je suis
une jeune professionnelle efficace et sympathique »
on commencera par l’évidence : éviter tout ce qui
est sexy, provocant voire même les tendances trop
pointues. La jupe est au niveau du genou, le décolleté n’est pas plongeant. Pour ne pas ressembler à Mélanie Griffith dans Working Girl, on évitera
les tailleurs, aujourd’hui beaucoup trop connotés
« hôtesse d’accueil », et on remplacera la veste par
un gilet ou un pull, plus confortable. Du côté des
couleurs, on privilégiera les couleurs neutres (noir,
blanc, gris, bleu marine et les teintes pastel). Et
pour celles qui ont peur de mixer les couleurs, une
tenue en noir et blanc reste très efficace, et n’aurait
pas été reniée par Coco Chanel herself !
Parlons maintenant des bijoux : bannissez tous les
maxis colliers, grandes boucles d’oreilles et brace-
lets qui font bling bling quand vous bougez votre
bras ne serait-ce que d’un demi-millimètre. Ce sont
autant de détails qui attirent l’attention et il serait
dommage que votre interlocuteur se focalise dessus plutôt que sur toutes les choses passionnantes
que vous lui racontez non ?!!
Question chaussures, ça dépend de vous. Si vous
avez le vertige en talons hauts, optez pour les ballerines. Si vous préférez voir la vie quelques centimètres plus haut, limitez vous quand même à
5 – 6 cm, et attendez de voire le dress code de l’endroit avant de tenter plus haut.
Et enfin pour le maquillage, restez sobre. Le but
est juste d’avoir bonne mine, un peu de blush et
une pointe de mascara suffisent largement. Si vous
voulez faire plus, attention à ne pas tomber dans
l’excès.
Le Baromètre | 51
© Sarah Foliard
Bouillon de culture
« Pour ceux qui n’auraient pas suivi les cours de Patrick Bateman,
une petite session de rattrapage expresse ».
Pour vous messieurs,
Je ne pense pas vous apprendre quoi que ce soit en
vous disant que le costume est de rigueur. Cependant la tenue masculine renferme de nombreuses
subtilités. Pour ceux qui n’auraient pas suivi les
cours de Patrick Bateman (héros du roman American Psycho, gourou de la mode masculine et serial
killer à ses heures perdues), une petite session de
rattrapage express.
Commençons par la question épineuse des chaussettes : selon les maîtres à penser de la mode
masculine, la couleur des chaussettes doit être assortie à celle des chaussures ou celle du pantalon.
Retenez juste qu’elles doivent être discrètes et de
couleur sombre. Vous ne souhaitez tout de même
pas que la première chose que l’on remarque chez
vous, soit vos chaussettes ! Pour vous simplifier la
vie, achetez les par lots et non pas une paire à la
fois. Si l’une d’elle tente de vous faire un remake de
« la grande évasion », vous trouverez toujours une
cousine pour la remplacer !
Ensuite, pour les couleurs, l’idée est toujours de
concilier sobriété et élégance. Pour ce faire, le costume sera dans les teintes sombres. En revanche
pour les chemises, sachez qu’il n’y a guère que
BHL qui peut encore la porter blanche, mais c’est
presque son bleu de travail. Bref, osez la couleur, ça
fait plus moderne. Quand je parle de couleur, je me
comprends… Plutôt du bleu à la Jean d’Ormesson
que du jaune citron, et n’ayez pas peur du rose !
Attention à votre cravate, « THE » détail : pas de
taches, pas de couleurs trop flashy, et pas de motifs
douteux (dans le doute l’uni fait la force).
Et enfin n’oubliez pas de soigner vos chaussures :
un petit coup de cirage + brosse et elles paraîtront
comme neuves !!!
Vous voilà parés de votre plus belle armure, prêts à
triompher de toutes les épreuves vous menant au
Saint-Graal de l’élève avocat : le stage idéal, et qui
sait… une future collaboration.
Charlotte Pennec, Promotion Jean-Denis Bredin, Série C.
52 | Le Baromètre
Gary Gilmore
- l’homme qui voulait mourir
L’idée d’une chronique relative à la représentation
de la justice dans la littérature et le cinéma m’est
venue alors que je suivais un cours intitulé « Culture
et Droit » au sein d’une université étrangère. Je
réalisai que l’étude du droit ne devait se cantonner à
la simple appréhension de règles et qu’une approche
transversale permettait une meilleure compréhension
du phénomène juridique. Un grand nombre de supports
à ma disposition, j’ai décidé de vous présenter une œuvre
méconnue de la littérature américaine, Le Chant du
Bourreau de Norman Mailer, récemment republié chez
Robert Laffont.
Par une glaciale matinée de janvier 1977, Gary
­Gilmore se tient droit devant les cinq hommes qui
s’apprêtent à lui donner la mort. Il attend patiemment que ses bourreaux, positionnés derrière un
lourd ­rideau de velours d’où seul dépassent les canons de leurs fusils, appuient sur la gâchette. Un
­ultime appel en révision vient d’être rejeté. Il est
8h07, l’ordre est donné. Une violente détonation
s’ensuit. Cinq balles fusent, atteignent le thorax du
condamné, le traversent et finissent leur course folle
dans le sac de sable placé dans son dos. Sa mort
est immédiate. La violence synchronisée de l’instant
contraste avec le ­silence qui envahit immédiatement la pièce. Gary Gilmore est mort. « ­Allons‑y ! »
sont ses derniers mots.
« Ceci est ma vie, ceci est ma mort. J’ai
été condamné par les tribunaux à mourir
et j’accepte cette sentence ».
« Le Chant du Bourreau » publié deux ans après
la condamnation à mort de Gary Gilmore oscille
entre les genres littéraires. Travail journalistique
d’une ampleur jusqu’alors inégalée pour certains,
œuvre de fiction pour d’autres, les quelques mille
trois cents pages qui la composent retracent les
moments clefs de la vie de Gary Gilmore, de sa jeunesse ­délinquante à sa mise à mort pour le double
meurtre d’un employé de station service et d’un réceptionniste de motel.
Couronné par le prestigieux prix Pulitzer en 1980,
le travail de Norman Mailer, déjà récipiendaire de
la même récompense en 1968, adopte une structure binaire. L’auteur présente dans une première
partie la jeunesse chaotique de Gary Gilmore, sa
lente mais irrésistible chute dans la petite puis
grande délinquance, ses condamnations pour vols
à main armée, ses séjours successifs en prison, pour
arriver à sa libération conditionnelle en avril 1976,
quelques mois avant que celui-ci ne commette l’irréparable. Dans la seconde moitié du récit, Norman
Mailer décrit avec minutie le procès de Gilmore, sa
condamnation à mort, les appels formés par ses
avocats en dépit de sa volonté à voir la sentence
exécutée, et conclut sur son exécution le 17 janvier
1977, première depuis la réinstauration de la peine
capitale fin 1976 aux États‑Unis.
Mailer, en journaliste méticuleux, a longuement
enquêté pour dresser un portrait fidèle du socioLe Baromètre | 53
Bouillon de culture
pathe qu’incarne Gary Gilmore, en recueillant de
nombreux témoignages et en compilant une grand
partie des pièces produites lors de son procès. Loin
de se cantonner à la simple enquête journalistique
« Le Chant du Bourreau » transcende les genres littéraires. Norman Mailer tire d’un fait divers la matière nécessaire à la construction d’une véritable
juridictionnel et pénitentiaire américain au travers
d’un kaléidoscope de polaroïds, tout en posant les
jalons d’une réflexion sur de la peine de mort aux
États-Unis. Alors que les controverses autour de la
peine capitale atteignent des sommets de virulence
quand Norman Mailer écrit « Le Chant du Bourreau », celui-ci réussit l’impossible en maintenant
La mort comme échappatoire…
tragédie américaine en deux actes. La neutralité de
ton adoptée tout au long du récit lui confère une
teinte fataliste : Mailer, spectateur des événements
qu’il relate, se distancie de l’inexorable descente
aux enfers de Gary Gilmore, véritable archétype de
l’antihéros. Mais c’est au travers de ce détachement
a priori risqué que l’auteur œuvre à la consécration
d’un genre littéraire à part entière, à la croisée du
récit journalistique et de l’œuvre de fiction inspirée
de faits réels, et ce tout en renouant avec une tradition américaine oubliée, celle de la tragédie classique. Truman ­Capote avait déjà posé les jalons du
roman noir de non fiction dans son chef-d’œuvre
De Sang Froid publié en 1966. « Le Chant du Bourreau » donne au « nouveau journalisme » ses lettres
de noblesse et Norman Mailer se pose désormais
en chef de file de ce mouvement.
Au delà de la l’incroyable avancée littéraire qu’il
représente, Le Chant du Bourreau constitue un
creuset d’instantanés de la société américaine et
de son système judiciaire. L’étude sociologique
conduite par l’auteur introduit le lecteur au système
54 | Le Baromètre
un ton objectif, au risque de désarçonner quelque
peu son lecteur, habitué à des prises de positions
nettes en la matière. Loin de desservir les propos
de l’auteur, cette neutralité invite tout un chacun
à prendre part au débat et à réfléchir sur les incidences des condamnations à mort au sein d’une société donnée. Parallèlement à la place centrale que
prend la peine capitale dans la seconde moitié du
récit, Norman Mailer brosse un panorama complet
de l’état des prisons américaines et met en lumière
le processus de déshumanisation inhérent à l’incarcération. Si Gary Gilmore insiste tant pour que sa
peine ne soit pas commuée, c’est aussi en raison
de ses nombreuses expériences en milieu carcéral.
Norman Mailer réussit donc le pari risqué qu’il s’est
imposé : réinventer un genre littéraire tout en structurant son récit comme une tragédie américaine
empreinte de poésie et de lyrisme. « Le Chant du
Bourreau » résonnera longtemps dans votre esprit
une fois terminé.
Olivier Dorgans, Promotion Jean-Denis Bredin, Série H.
Un week-end à Tours
Construite au cœur du Val de Loire classé Patrimoine
Mondial de l’UNESCO, ville d’Art et d’Histoire, Tours est
un de ces rares endroits où se mêlent qualité de vie,
convivialité et développement. Sa douceur ligérienne,
son patrimoine historique et culturel prestigieux, son
statut intemporel de « Jardin de la France », sa gastronomie généreuse et l’abondance de ses vignobles
sont ses principaux atouts.
Autrefois cité royale, devenue ville « rieuse, amoureuse, fraîche, fleurie, et parfumée » selon Honoré
de Balzac, Tours est aujourd’hui une ville universitaire, moderne et animée, soucieuse de sa culture et
de sa ligne.
Histoire
Tout commença au 1er siècle lorsqu’une ville romaine s’implanta sur un lieu déjà habité par une
variété locale de Gaulois : les Turons. Au 4e siècle,
la ville gallo-romaine est en pleine expansion. Avec
la basilique Saint-Martin construite au 5e siècle, la
venue de Clovis pour faire l’action de grâce, et celle
de l’évêque Grégoire pour écrire « l’histoire des
Francs », Tours devient rapidement la Capitale religieuse des Gaules, et sinon la Capitale Sainte des
Mérovingiens.
Au 13e siècle, la cité cessa d’être féodale pour devenir royale. Grâce aux finances du pouvoir central,
l’édification d’un château royal aboutit. Au terme
de la « Guerre de Cent Ans », Tours devient le
centre politique du royaume de France. Louis XI y
établit la Cour. Soierie, orfèvrerie, broderie, armurerie s’installent dans la cité où, dit-on dans le reste
du pays, le français est le mieux parlé. On construit
beaucoup, et notamment les plus majestueux châteaux de la Loire, comme Chenonceau (1513) et
Chambord (1519). François Rabelais voit le jour à
Chinon, François Ier s’installe dans la région, et Léonard de Vinci investit le Clos Lucé avant de mourir à
Le Baromètre | 55
Bouillon de culture
Amboise. Natif de Tours en 1799, Honoré de Balzac
écrivit : « Ne me demandez pas pourquoi j’aime la
Touraine. Je ne l’aime ni comme on aime son berceau, ni comme on aime une oasis dans le désert,
je l’aime comme un artiste aime l’art ».
de la France libre » en juin 1940. La seconde moitié
du 20e fut enfin une période de reconstruction et de
sauvegarde des quartiers anciens.
Tours connut l’âge d’or au 19e siècle avec la circulation du premier navire à vapeur en 1829, l’ouverture
au public de la gare ferroviaire en 1845, l’aménagement du marché des Halles en 1865, et la construction du Grand Théâtre en 1868. La ville devient le
siège du « Gouvernement de Défense Nationale »
en 1870. Elle se dote d’un Palais de Justice, et d’un
Hôtel de Ville en 1904. Tours connaît même un
destin politique national sous les bombes de la Seconde Guerre Mondiale en devenant la « Capitale
L’autoroute A10 relie Paris à Tours (238km/20,80 euros de péage). Les gares ferroviaires de Tours et de
Saint-Pierre des Corps permettent de rallier la capitale en 55 minutes avec un TGV (30 euros), et en
2h00 avec un train Corail (14,50 euros). L’aéroport
« Tours-Val de Loire » dispose de vols réguliers vers
Figari, Dublin, et Londres.
Transport
Orientation et renseignements
Office du tourisme, 78/82 rue Bernard Palissy.
Tél. : 02 47 70 37 37
Mairie, 3 rue des minimes.
Tél. : 02 47 21 60 00
Bureau de Poste, 1 boulevard Béranger.
Tél. : 02 47 60 34 20.
Fil bleu, 9 rue Michelet.
Tél. : 02 47 66 70 70
Bus urbain (1,25 euros le ticket)
À voir et à faire le premier jour
En arrivant par le train à la gare SNCF, pensez à jeter
un coup d’oeil à la façade de la Gare. La structure a
été conçue par Victor Laloux, architecte tourangeau
à qui l’on doit le musée d’Orsay à Paris, et la nouvelle basilique Saint-Martin à Tours.
Sur la gauche en sortant, à l’angle de la rue de
Nantes et la rue de Bordeaux, ne ratez sous aucun
prétexte la savoureuse brioche nature – ou au pépites de chocolat – de la Briocherie Lelong, véritable
institution à Tours depuis 1907 et qui s’est exportée
à l’angle de Broadway et de la 6e avenue à New York.
Au bout de la rue de Bordeaux, rue piétionne et
commerciale, vous trouverez les restaurants aux
terrasses ombragées de l’avenue Grammont – principale artère de la cité. Prenez à droite. Vous tomberez alors sur la place Jean Jaurès, où se dressent
le Palais de Justice et l’Hôtel de Ville. Si ce n’est pas
le jour du marché aux fleurs (Boulevard Béranger.
56 | Le Baromètre
Samedi) continuez tout droit pour longer la rue Nationale et ses nombreux commerces.
Au croisement de la rue Nationale avec les rues du
Commerce et Colbert, arrêtez-vous un instant pour
admirer les contours de l’Église Saint-Julien. Suivez
la rue du Commerce sur la gauche. Vous verrez l’hôtel Goüin, fière bâtisse de la Renaissance.
Un peu plus loin, une des plus belles et grandes
« vieilles villes » d’Europe vous ouvre les bras ; un
dédale de rues tortueuses animées jour et nuit par
les étudiants et les touristes de toutes nationalités,
si propice aux promenades et aux rencontres, et si
irrésistible dans la cité tourangelle. Les joyaux de
la Place Plumereau apparaissent enfin : maisons à
colombages, bars, confiseries, restaurants. Chaque
ruelle dissimule des trésors d’architecture et l’on
s’y sent particulièrement bien. Si vous voulez faire
une pause, accordez-vous un verre à la terrasse du
Vieux Mûrier, un bar à la cote qui sert une délicieuse
« pêche à l’eau » idéale pour se reposer au soleil.
Prenez ensuite la rue du Grand Marché, puis à
gauche sur la rue Bretonneau où vous croiserez le
chemin du « Monstre », une sculpture moderne
qui a su faire couler beaucoup d’encre. Plus loin,
le Grand Marché des Halles est le rendez-vous incontournable des amoureux du bon manger et des
produits typiques du terroir.
En tournant à gauche sur la rue des Halles, vous
verrez la Tour Charlemagne, élevée sur le tombeau
de Luitgarde, épouse de Charlemagne décédée en
800. Juste en face se dresse la fameuse basilique
Saint-Martin (1886-1924), édifiée sur le tombeau du
Saint, visible dans la crypte.
Prenez alors la rue Marceau sur la gauche et suivezlà jusqu’au bout pour rejoindre la rue des Tanneurs.
Devant vous, des escaliers en pierre permettent de
descendre sur les Quais de la Loire, où vous pourrez
passer une bonne partie de la soirée.
À voir et à faire le second jour
Pour les amateurs d’objets et livres anciens, un détour par la rue de la Scellerie en venant de la rue
Nationale s’impose pour chiner dans le quartier des
antiquaires, et admirer la façade du Grand Théâtre
(construit par Léon Rohard de 1868 à 1872).
La rue de la Scellerie mène à la place François
Sicard, porte d’entrée du musée des Beaux Arts (18
place François Sicard. Tél. : 02 47 05 68 73. Payant
et Gratuit tous les 1er dimanche de chaque mois).
Ancien Palais de l’Archevêché, ce musée entouré
d’un somptueux jardin expose au public des collections renommées : Primitifs italiens, Mantegna,
Rubens, Rembrandt, Delacroix, Monet, Rodin, et
même Viera da Silva.
Sur la gauche en remontant la rue Jules Simon,
vous contemplerez la Cathédrale Saint Gatien, et
son Cloître de la Psalette. Construite au 12e et 16e
siècles, elle abrite de magnifique vitraux, et de monumentales grandes orgues, récemment restaurées.
Prenez alors la rue Colbert sur la gauche ; de retour à l’Église Saint-Julien, si vous êtes curieux, le
musée du Campagnonnage (8 rue nationale. Tél. :
02 47 21 62 20. Payant) évoque avec pédagogie
une trentaine de métiers à travers de prestigieux
chefs-d’œuvre, complexes et insolites, du début du
19e siècle à nos jours.
Aménagé dans les celliers de l’abbaye Saint-Julien,
le musée des vins de Touraine (16 rue Nationale.
Tél : 02 47 21 62 20. ayant) tient à présenter la place
éminente du vin : histoire, religions, rites sociaux,
métiers, confréries bachiques, culture de la vigne.
Un passage obligé pour tout oenologue en herbe
ou avisé.
Revenez ensuite place Jean Jaurès, et si ce n’est
pas le jour de la brocante (boulevard Béranger. 4e
dimanche de chaque mois), installez-vous au bar Le
Palais, pour déguster un rafraîchissement mérité,
face aux imposantes façades du Palais de Justice et
de l’Hôtel de Ville.
Où se loger
Pour les plus petits budgets, l’auberge de jeunesse
de Tours est toute indiquée (5 rue Bretonneau. À
partir de 18,30 euros petit déjeuner compris. Tél. :
02 47 37 81 58). Pour plus de « standing », l’hôtel
quatre étoiles l’Univers est une référence (5 boulevard Heurteloup. Tél. : 02 47 05 37 12). Si vous
souhaitez sortir un peu de Tours, prenez le bus n°61
jusqu’à Rochecorbon. Vous croiserez alors sur le superbe site des Hautes Roches (86 Quai de la Loire.
Tél. : 02 47 52 88 88). Cet hôtel-restaurant quatre
Le Baromètre | 57
Bouillon de culture
étoiles dont la réputation n’est plus à faire a su séduire une clientèle exigeante par ses chambres troglodytiques, ses plats raffinés, et sa vue imprenable
sur la Loire.
02 47 20 67 29) et le Donald’s Pub (16 bis Rue Longue Échelle. Tél : 02 47 61 07 85) sont quant à eux
des bars roots étudiants tout indiqués pour les
concerts gratuits.
Où manger
Événements
Parmi les innombrables bonnes tables du coin, retenons Le boeuf sur la place pour les meilleures
pièces de viandes, les frites fondantes faîtes maison, et les sauces à en tomber par terre (35 place
Grand Marché. Tél. : 02 47 38 83 84). La Charcuterie
Hardouin pour grignoter les indémodables et délicieuses saucisses sèches (70 rue Bernard Palissy), la
Brasserie Relais Buré pour les nostalgiques du petit
Paris des années 30 (1 place de la Résistance. Tél. :
02 47 05 67 74). Pour les amateurs de crêpes, filez
tout de suite à la Bigouden (3 rue Grand Marché.
Tél. : 02 47 64 21 91), et pour les inconditionnels de
la gastronomie savoyarde, retenez La sourie Gourmande (100 rue Colbert. Tél. : 02 47 47 04 80). Afin
de terminer en beauté, allez donc prendre votre
déjeuner à la Cuisine de Georges (20 rue Georges
Courteline. Tél. : 02 47 36 92 04). Le maître des
lieux vous mijotera lui-même ses petits plats et vous
servira le meilleur vin entre deux discussions.
Parmi les grands événements à ne pas manquer
si vous passez dans le coin, citons : le festival de
musique Aucard de Tours sponsorisé par « Radio
Béton », la radio locale décalée ; les Fêtes Musicales, festival international de musique classique ;
le fameux Festival de Jazz d’Avoine ; et sur un autre
registre, Vitiloire, qui est « le » festival des vins de
la Loire durant lequel 130 vignerons, caves coopératives et négociants s’installent en plein air pour
présenter leurs vins au grand public.
Une ville rieuse, amoureuse, fraîche,
fleurie et parfumée.
Où boire un verre et où sortir
Pour les aventuriers du houblon, commencez votre
quête par le bar des Frères Berthom (5 rue du Commerce. Tél. : 02 47 20 01 66) qui, avec son cadre
rustique, sa musique rock-électro et son ambiance
chaleureuse, reste un incontournable de la nuit tourangelle. Le Temps des Rois (place Plumereau. Tél. :
02 47 05 04 51) et le Vieux Mûrier (place Plumereau. Tél : 02 47 66 54 14) sont très appréciés dans
la vieille ville. Le Pale (18 place Foire le Roi. Tél. :
02 47 64 80 56) est également très prisé, que ce
soit pour son atmosphère « friendly » ou son jeux
de fléchettes.
Vous voulez un bon bar à cocktails ? Filez au Corsaire (187 avenue Grammont. Tél : 02 47 05 20 00).
Un bar dansant ? Pensez à l’Ailleurs (rue de Châteauneuf), avec son ambiance sensuelle et sa salsa
cubaine. Les Trois Pucelles (19 rue Briçonnet. Tél. :
58 | Le Baromètre
Julien Berbigier, Promotion Jean-Denis Bredin, Série A.
Entre nous
L’Association
des élèves-avocats
2009-2010
Clément Salines est le président de l’association des élèves-avocats de la promotion 2009-2010. Comme le lecteur de ces lignes pourra le constater, l’immense
prestige lié à sa fonction l’a fait s’engoncer dans une mégalomanie galopante
qui le pousse à s’exprimer à la troisième personne.
Il est difficile de résumer en quelques phrases l’activité d’une association comme
l’AEA et Clément succombera à la facilité en évitant de le faire.
Sachez tout de même qu’en tant qu’élèves-avocats, vous êtes tous membres de
cette association. Il espère que chacun apportera sa pierre à l’édifice et qu’il aidera à faire vivre cette belle école qu’est l’EFB. Il vous encourage à venir grossir
les rangs des membres actifs en contactant dès à présent les directeurs des pôles
d’activité qui vous intéressent.
Pour le reste, écologie oblige, il ne gâchera pas davantage le précieux papier
du Baromètre et va laisser s’exprimer ceux qui, contrairement à lui, travaillent…
Et n’oubliez pas : pour qu’un élève-avocat soit fier de sa formation, il doit d’abord
être fier de son association. Alors aidez-nous à rendre aussi mémorable qu’il est
possible la promotion parrainée par l’immense Jean-Denis Bredin !
Le Baromètre | 59
Entre nous
Bureau
Président : Clément Salines | Contact : [email protected]
Vice-Président : Antoine Vey | Contact : [email protected]
Trésorier : Olivier Dorgans | Contact : [email protected]
Secrétaire Général : Julien Berbigier | Contact : [email protected]
Secrétaire chargé de Communication : Olivier Vuillod | Contact : [email protected]
Coordination des évènements : Florie Caillot | Contact : [email protected]
Pôle jurisnight
Chaque mois, Florie et son équipe se démènent pour vous concocter une soirée exceptionnelle dans les plus belles salles de la capitale. Entrée et boissons à un prix défiant toute
concurrence pour une ambiance à la fois festive et bon enfant, un rendez-vous désormais
incontournable !
Contact : Florie Caillot, [email protected]
Pôle professionnel
Le nouveau pôle professionnel a pour mission
de faire le lien entre les élèves et les secteurs
juridiques offrant des débouchés. Il se chargera également d’organiser des colloques sur
la place de l’avocat dans la société de demain.
Contact : Marie Pivot,
[email protected]
Pôle solidarité
Le pôle solidarité est une aventure à laquelle
participent des personnes motivées qui travaillent pour développer des projets qui impliqueront les élèves-avocats dans des actions
tournées vers les élèves-avocats eux-mêmes,
et vers l’extérieur, en utilisant autant que possible ce lien juridique qui nous caractérise. Solidairement vôtre !
Contact : Marion Souid,
solidarité@aea-paris.net
60 | Le Baromètre
Pôle intégration
Le pôle intégration vous propose deux weekends de fête et de convivialité. Au programme :
s’amuser, faire la teuf et créer des liens entre
les futurs avocats que nous sommes.
Le premier week-end, nouveauté créée par
l’AEA 2009, a lieu les 27 et 28 juin. Il a pour
but de célébrer dignement la fin des cours
pour certains et de permettre aux autres de
rencontrer leurs futurs camarades de promo.
Après le soleil, la neige ! Le second week-end
renoue avec les traditions et vous emmène sur
les pistes pour faire du ski, du surf et la fête.
Le pôle intégration est dirigé par Ludivine Verweyen et Jacques Mandrillon et activement
soutenu par tous les membres de l’AEA. L’intégration des élèves-avocats est le souci de
tous ! En espérant que vous serez nombreux
à nous rejoindre lors de notre prochain événement !
Contact : Ludivine Verveyen et Jacques
Mandrillon, [email protected]
Pôle Baromètre
Le baromètre est le journal de l’EFB. Il a pour
ambition de retranscrire vos expériences
d’élèves-avocats, de votre scolarité elle-même
aux activités organisées par l’AEA, mais aussi
de vous raconter le monde extérieur, juridique
ou encore culturel.
Nous sommes également en quête de nouvelles plumes alors, si vous vous sentez une
âme de journaliste, n’hésitez pas à nous rejoindre !
Contact : Lydia Hamoudi,
[email protected]
Pôle juris’cup
Chaque année depuis dix-neuf ans, la Juris’cup
accueille à Marseille, mi-septembre, 2 200 personnes de toute la France et de l’étranger pour
le plus grande régate du monde juridique et
judiciaire.
L’AEA sera évidemment présente pour représenter l’EFB et réitérer la performance de l’année dernière. Venez soutenir le ou les bateaux
coureurs à bord des trois bateaux accompagnateurs réservés pour les élèves de l’EFB. Au
programme : un week-end de voile et de fête
dans la rade de Marseille.
Contact : Paul Jourdan-Nayrac,
[email protected]
Pôle international
Parce que la profession d’avocat tend à s’internationaliser, l’AEA dispose également d’un
pôle international. Nous souhaitons notamment organiser un law trip dans une ville européenne et mêler ainsi culture et plaisir ! Et
parce que l’international se conçoit aussi près
de chez vous, nous vous attendrons pour des
verres très… internationaux.
Contact : Hélène Lallemand,
[email protected]
Pôle sport
Toujours aussi actif et diversifié, le pôle sport
continue sa route via la nouvelle équipe de
l’AEA.
Au programme : reprise des vieux succès (Juris’Cup, Question pour un champion, équipe
de football), et développement de nouveaux
projets (tournoi de Guitar Hero, compétition
de poker, mini tournoi de basket-ball) ! N’hésitez pas à nous contacter si vous avez quelque
chose en tête !
Contact : Benjamin Porcher,
[email protected]
Le Baromètre | 61
Entre nous
Pôle gastronomie
Pôle théâtre
Faire du théâtre à l’EFB !
Oyez Oyez futurs avocats !
Si vous souhaitez participer à une pièce de
théâtre, en tant que comédien, metteur en
scène, régisseur, musicien, décorateur, costumier ou maquilleurSi vous souhaitez prendre
des cours d’impro et/ou participer à des batailles d’impro,
Si vous avez de supers idées ou projets culturels, théâtre ou autre,
Si vous voulez vous exprimer, vous lâcher, vous
éclater à l’EFB !
Rejoignez le pôle théâtre de votre AEA !
Contact : Anne-Claire Veysset,
[email protected]
Pôle éloquence
Le pôle éloquence à plusieurs objets : poursuivre les activités de la petite conférence mais
également instaurer des cours d’improvisation
en libre accès une fois par mois en partenariat
avec le pôle théâtre avec l’intervention d’un
ancien et actuel Secrétaire de la Conférence et
des professeurs de théâtre. Nous envisageons
aussi d’instaurer un cycle de débats trois ou
quatre fois dans l’année entre un avocat et un
magistrat, journaliste etc… Nous allons créer
une fédération de l’éloquence avec la Conférence du Stage et la Conférence Lysias notamment et prendre contact avec les grandes
écoles parisiennes de commerce et d’ingénieurs pour organiser un concours où l’EFB serait représentée.
Contact : Pierre-Philippe Boutron,
[email protected]
62 | Le Baromètre
Tout nouveau tout beau, le pôle gastronomie
est né cette année avec un objectif simple :
ravir vos papilles ! Au programme des dîners à
thèmes pour découvrir les cuisines du monde,
des visites/petits déjeuners au quai Branly
pour allier le plaisir des yeux et de la bouche,
des brunchs…
Alors si vous aimez la bonne chair et avez envie de faire partager des bons plans ou idées
gastronomiques, goûter de nouvelles choses
et bien sûr rencontrer vos futurs confrères autour d’un bon repas, n’hésitez pas !
Contact : Amélie Najsztat,
[email protected]
Pôle rencontre
Le pôle rencontre a été créé pour développer
nos relations avec nos voisins du droit, les CRFPA, les ENM, les futurs notaires, les jeunes experts-comptables… par le biais d’afterworks. Il
vous permettra de rencontrer des personnalités issues ou non du monde du droit à l’occasion de conférences ou de débats. Enfin et
surtout, il vous organisera des speed datings
où vous pourrez vivre des moments sympas de
détente et plus si affinités…
Contact : Jacques-Alexandre Bouboutou,
[email protected]
#9
Le Baromètre
Juillet 2009
Le Baromètre | 63
Préparez-vous à réussir votre examen
du CRFPA avec Prépa Dalloz !
Sur Internet ou en prépa d’été :
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des supports de révision dédiés au CRFPA et actualisés,
une équipe pédagogique qualifiée,
des entraînements en situation,
l’actualité juridique en continu,
un accès en ligne aux manuels, revues, codes Dalloz...
Rendez-vous dès à présent sur www.prepa-dalloz.fr
et découvrez nos 5 formules pour réussir votre examen !