Chez Dodo, on ne s`endort pas sur la sécurité…
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Chez Dodo, on ne s`endort pas sur la sécurité…
actu e n images Fabrication de couettes et d’oreillers Chez Dodo, on ne s’endort pas sur la sécurité… Leader européen dans la fabrication de couettes et d’oreillers, l’entreprise Dodo, créée en 1937, a bâti la réputation de ses produits sur un savoir-faire qui s’est construit durant des décennies. Pas facile donc de modifier les habitudes prises depuis des années, même au nom de la santé au travail. Mais, grâce à de la volonté et à un important travail de communication en direction des salariés, les résultats sont concrets. 2 Travail & Sécurité – Janvier 2011 © Serge Morillon/INRS Travail & Sécurité – Janvier 2011 3 actu e n images Chez Dodo, on ne s’endort pas sur la sécurité… C prennent donc des habitudes qui, même au nom de la prévention, sont parfois difficiles à changer. » Cependant, grâce à une volonté réelle de faire évoluer les mentalités et un travail de fond sur le terrain, les résultats sont là. « La responsable sécurité est persévérante, remarque, un brin admiratif, Jean-Marc Houver, contrôleur de sécurité à la Longtemps en métal, les cerclages des balles sont maintenant en plastique. Dès l’arrivée de celles-ci à l’usine, ils sont coupés à l’aide d’un cutter rétractable. © Serge Morillon/INRS ela fait vingt ans que je suis ici et que je travaille de la même façon. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais changer mes habitudes ! » Cette phrase, Christelle Scotti, responsable sécurité de l’entreprise Dodo, leader européen dans la fabrication de couettes et d’oreillers, ne compte plus le nombre de fois qu’elle l’a entendue. Ce que confirme Francine Tilly, directrice des ressources humaines : « C’est une entreprise familiale, explique-t-elle, les salariés y sont très attachés et y restent longtemps. Ils © Serge Morillon/INRS CRAM Alsace-Moselle. C’est sa grande force. C’est pour cela que les choses avancent dans le bon sens chez Dodo. » Rien de révolutionnaire cependant, mais une somme de progrès appréciables en matière de prévention des risques. 4 Travail & Sécurité – Janvier 2011 Revoir les procédures « Dodo, toute la douceur du monde » est le slogan qu’affiche l’entreprise sur ses bâtiments, à Saint-Avold, en Moselle. Et lorsque l’on arrive dans les locaux de cette entreprise familiale, ce n’est pas tant une impression de douceur qui se dégage, mais davantage un sentiment d’activité intense. Pour preuve, chaque jour, ce sont 25 000 oreillers et 15 000 couettes qui sont produits sur les deux sites naboriens, distants de quelques kilomètres. Si les locaux historiques, situés au centre-ville de Saint-Avold, sont assez exigus et bas de plafond, le bâtiment du deuxième site, construit en 1986, est immense : 40 000 m2. Partout, on y voit des couettes et des oreillers, en cours de fabrication ou en stockage. « Quand je suis arrivée, il y a quatre ans, je me suis immergée dans tous les services, se souvient Christelle Scotti. J’ai voulu identifier précisément le travail et les contraintes de chaque salarié à son poste de travail avant de m’atteler à l’analyse des risques. » À la suite de cette phase d’observation, la première action de la responsable sécurité a été de formaliser toutes les consignes relatives à la sécurité. « Nous avons commencé par expliquer les procédures, de manière à ce qu’elles soient acceptées et donc respectées, décrit Francine Tilly. Nous avons également travaillé sur l’organi sation au poste de travail, en y associant les salariés, et avons engagé un travail de communication sur la problématique du changement. L’idée étant de leur faire comprendre qu’ils pouvaient travailler autrement, en prenant mieux en compte la question de la prévention : les choses pouvaient changer… dans le bon sens ! » La question des tenues de travail a également été étudiée par Christelle Scotti en collaboration avec le CHSCT. Dans les secteurs de production, les femmes, qui représentent plus de 70 % des salariés, travaillaient parfois en tenue de ville, pour le En fonction du garnissage final (entre 100 et 600 g/m2) de la couette, plusieurs voiles peuvent être assemblés. © Serge Morillon/INRS © Serge Morillon/INRS Les matières synthétiques sont transformées en voile sur les cardeuses. Travail & Sécurité – Janvier 2011 5 actu e n images Chez Dodo, on ne s’endort pas sur la sécurité… certaines zones bruyantes, en installant des machines sur “silentblocs” (ndlr : ce sont des pièces constituées d’un matériau souple permettant d’absorber des chocs et vibrations) et en renforçant la maintenance préventive, notamment sur les machines les plus bruyantes. Certaines zones restant néanmoins bruyantes, le port des bouchons auditifs demeure donc nécessaire. » « On a tout entendu, sur les Les couturières apportent la touche finale en apposant le biais de finition. © Serge Morillon/INRS moins inappropriée en milieu industriel ! Talons hauts, jupe, débardeur… le travail de communication a porté ses fruits, chacun a pu comprendre que coquetterie et sécurité pouvaient faire bon ménage. Le discours de la responsable sécurité a été plus ferme pour 6 Travail & Sécurité – Janvier 2011 © Serge Morillon/INRS les salariés affectés aux manutentions mécaniques, où le port des chaussures de sécurité a été rendu obligatoire. « Après des débuts difficiles, ces consignes de sécurité ont été intégrées par tous les salariés concernés. Il est vrai qu’ils avaient le choix entre plusieurs modèles référencés, ce qui nous a aidés », précise Christelle Scotti. Autre challenge à relever, le bruit. « On est autour de 95 dB, par endroits, remarque le contrôleur de sécurité. Nous avons cherché à réduire le bruit au minimum en cloisonnant bouchons d’oreilles, poursuit la responsable de sécurité. “Ça gratte”, “On n’entend pas le téléphone”… mais à force de communication et de persévérance, ils sont assez bien portés. Là également, le fait d’avoir proposé à nos salariés le choix entre plusieurs modèles nous a aidés dans notre démarche. » Les bâtiments récents bénéficient en grande partie d’un éclairage naturel et d’un système de rafraîchissement adiabatique qui consiste à faire passer l’air introduit sur un média humide. Cette solution a été proposée par le service études de la CRAM Alsace-Moselle et semble satisfaisante. « On ne pourrait plus s’en passer », remarque une opératrice. Oreillers et couettes : la fabrication n’est pas la même Dodo fabrique la majeure partie de ses produits avec un garnissage en fibre synthétique, mais dispose également d’un secteur « naturel », où sont réalisés des couettes et oreillers en plumes et duvets. Les balles dans lesquelles sont conditionnées les matières premières, et dont le poids varie de 150 à 300 kg, sont fermées aujourd’hui par des cerclages en plastique. « Au départ, les sangles étaient en métal, ce qui pouvait être La fabrication des couettes est une activité saisonnière très liée à la météorologie. © Serge Morillon/INRS © Serge Morillon/INRS dangereux lors de l’ouverture des balles. Nous avons donc imposé à nos fournisseurs de les changer, au profit de cerclages en plastique », remarque Christelle Scotti. L’entreprise ne s’est pas arrêtée là, puisqu’elle a systématisé, avec l’aide de la CRAM, l’utilisation de cutters à lame rétractable pour l’ouverture des balles, en remplacement des couteaux précédemment en circulation. Les balles sont manipulées à l’aide d’un chariot élévateur pour ensuite alimenter les Le poste des couturières est très sollicitant pour le haut du corps, mais la mise en place d’une rotation des postes est difficile car la couture industrielle requiert des compétences longues à acquérir. cardeuses. La carde transforme la fibre en voiles, qui seront destinés au garnissage des oreillers ou des couettes. Sur la ligne des oreillers, le « pochon » de fibres obtenu est introduit dans la taie d’oreiller qui sera fermée au moyen d’une couture. L’oreiller est ensuite acheminé sur un Travail & Sécurité – Janvier 2011 7 © Serge Morillon/INRS 8 Travail & Sécurité – Janvier 2011 La Dodobox, une grande fierté Au poste des couettes, les fibres sont travaillées en fonction du produit final attendu (le garnissage des couettes pouvant aller de 100 à 600 g/m2). La piqueuse multi-aiguille assemble le tissu – qui arrive sous forme de bobines acheminées à l’aide d’un palan – et le garnissage, selon le motif souhaité. Les couturières apportent alors la touche finale aux produits semi-finis ainsi fabriqués, en apposant le biais de finition. Les postes des couturières ont fait l’objet d’un gros travail de prévention, avec la CRAM et les opératrices. « Les surplus et les matières premières sont aspirés à la source et un ingénieux système, déployé spécifiquement Les couettes et oreillers sont des produits difficiles à stocker. Ils sont emballés dans des cartons solides qui ne doivent pas s’affaisser. pour Dodo et donc confidentiel, permet en effet à la couturière de ne plus manipuler la couette, remarque Jean-Marc Houver. Cela permet de réduire les TMS, à un poste a priori particulièrement sollicitant. » Et la rotation des postes ? « C’est très difficile à mettre en place », explique Jeanine, animatrice d’unité de production. En effet, la couture industrielle est une compétence spécifique qui nécessite une formation longue et un savoir-faire important… Une fois cousues, les couettes arrivent au poste de contrôle qualité. 100 % des produits sont ainsi contrôlés, avant d’être conditionnés dans des Dodobox à l’aide d’un procédé particulièrement novateur. « La Dodobox ? C’est l’une de nos forces, explique, non sans fierté, Francine Tilly. Il nous a fallu de longs mois avec un fabricant de machines pour la © Serge Morillon/INRS tapis roulant pour être conditionné. « Nous avons très récemment installé, en sortie de ligne, un carrousel qui permet de réduire les manutentions, en évitant notamment aux opérateurs de ramasser au sol les produits qui arrivaient en bout de chaîne », explique Dominique Kieffer, directeur de production. Bien que considérablement réduites, les manutentions restent pourtant inévitables, notamment lors du contrôle qualité. Des rotations aux différents postes de la ligne oreillers ont ainsi été systématisées pour l’ensemble du personnel. L’objectif étant de ménager le dos et les articulations des membres supérieurs. © Serge Morillon/INRS En sortie de ligne, les oreillers arrivent sur un carrousel avant d’être repris par un opérateur pour être mis dans une housse. Travail & Sécurité – Janvier 2011 9 actu e n images Chez Dodo, on ne s’endort pas sur la sécurité… mises en carton, les couettes sont parfois étiquetées, à l’aide d’une « swifteuse » qui permet d’accrocher, au bout d’une petite tige en plastique, le prix de la couette. Jusqu’à très récemment, cette opération était réalisée à l’aide d’un pistolet qui provoquait, à la longue, des douleurs dans la main et le bras. Après étude et concertation, cette étape a été automatisée. Un produit difficile à stocker Emballés et étiquetés, les couettes et oreillers sont insérés dans des cartons que des opérateurs identifient et ferment. « Nos produits sont Dodo, en bref Les dates clés • Créée en 1937 par Ernst Hanau. L’activité se spécialise dans la fabrication de couvertures piquées, d’édredons américains, d’oreillers et de plumons (ancêtres de la couette). • 1970. Compte tenu du succès remporté par la couette, Dodo, sous la direction de Jacques Hanau, fils du fondateur, implante ses premières couettes dans les rayons de la grande distribution française. • 1985-1992. Extension du site de production de Saint-Avold (+ 30 000 m²). • 1997. Dodo emploie environ 350 salariés. • 2004. Reprise de la marque Topiol (marque de plumes et duvets), puis des établissements Drouault, au Mans (72), spécialiste des oreillers et couettes en garnissage naturel haut de gamme en France. • 2004. Investissement dans de nouveaux outils industriels permettant d’assurer un niveau de qualité supérieur ainsi qu’une meilleure traçabilité. • 2005. Reprise de la société Textiles Lasson, à Fontaine-au-Pire (59), spécialisée dans la protection literie et le linge de lit. • 2009/2010. Dodo continue d’investir dans de nouvelles machines ultramodernes (à Saint-Avold et au Mans). • Décembre 2009. Didier Hannaux et Marc Cerf prennent le contrôle majoritaire du groupe Dodo. La production • 15 000 couettes et 25 000 oreillers par jour : couettes naturelles et synthétiques (thermorégulant, etc.) ; oreillers (antitranspiration, antironflement, ergonomiques, etc.) ; traversins ; sacs de couchage ; surconforts® de matelas ; protection de literie. Les chiffres clés • CA 2009-2010: 78 millions d’euros. • 550 personnes. 10 Travail & Sécurité – Janvier 2011 © Serge Morillon/INRS mettre au point, en prenant en compte la santé des opérateurs. Ce nouveau procédé d’emballage unique diminue toutes les manutentions liées au conditionnement d’un produit pourtant volumineux. Et la Dodobox permet aussi de réduire l’encombrement des couettes dans les rayonnages des magasins. » Au final, tout le monde est gagnant : « Avant, pour fermer un carton de quatre couettes, c’était un travail particulièrement physique, plutôt réservé aux hommes. Maintenant, on en met davantage dans un carton et les couettes rentrent sans forcer », remarque une opératrice au poste du conditionnement. Avant d’être Dans l’entrepôt Dodo, des milliers de cartons sont manipulés quotidiennement. mous. Nous avons travaillé sur la solidité de nos cartons pour qu’ils ne s’affaissent pas », explique le directeur de production. Ces cartons sont ensuite repris par de très nombreux caristes qui participent à un ballet incessant au sein de l’usine. Car dans l’immense entrepôt Dodo, ce sont des milliers de cartons qui sont stockés. « Même si des efforts ont été réalisés dans le choix de la matière du carton, il y a encore des choses à revoir », note Jean-Marc Houver qui reconnaît cependant que c’est un produit difficile à stocker. Un important travail a également été réalisé au niveau de la signalétique dans les bâtiments : les flux piétons © Serge Morillon/INRS et chariots sont clairement identifiés, au sol et à l’aide de panneaux. Le chargement des camions est le prochain chantier de Christelle Scotti : la plupart des camions sont aujourd’hui chargés sans que les cartons soient palettisés. « Nous réfléchissons à des solutions qui nous permettront d’allier les exigences de nos clients, la réduction des coûts de transport et les contraintes physiques liées à ces chargements », explique Francine Tilly. « C’est un point sur lequel chacun a conscience qu’il faut travailler, car il peut être à l’origine de troubles musculo squelettiques », souligne JeanMarc Houver. La prévention des risques professionnels est devenue un axe majeur pour Dodo, bien que le marché du textile en France soit difficile. Chacun reconnaît aujourd’hui les progrès réalisés, grâce à l’implication de la direction et l’arrivée d’une responsable sécurité. « Un poste qui est devenu une évidence », reconnaît Francine Tilly, en soulignant que ses missions se sont étoffées au fil du temps et que Dodo ne pourrait plus s’en passer. « Une première personne a été embauchée à temps partiel, avec un groupement d’employeurs, il y a cinq ou six ans, reprend le contrôleur de sécurité. Elle a essuyé les plâtres au sein de Dodo. Christelle Scotti a © Serge Morillon/INRS Les caristes participent à un ballet incessant. Des efforts ont été réalisés pour identifier des zones pour les piétons. Sur certaines lignes, les swifteuses à pistolet sont encore utilisées. Mais elles tendent à disparaître car elles provoquent des douleurs dans la main et le bras. Travail & Sécurité – Janvier 2011 11 actu e n images Chez Dodo, on ne s’endort pas sur la sécurité… Pour la partie plumes et duvets, les balles sont déversées dans des silos à l’aide de palans. repris le flambeau, et, comme elle a aussi des compétences en qualité, cet argument a été avancé pour qu’elle puisse passer à plein temps. » Christina Bendel, membre du CHSCT, reconnaît que « les choses avancent, les machines se modernisent. Il n’y a pas de gros problème, mais nous voulons maintenant nous concentrer sur la question du bien-être au travail. Une nouvelle salle Les duvets et plumes © Serge Morillon/INRS C 12 Travail & Sécurité – Janvier 2011 hez Dodo, l’atelier naturel (plumes et duvets) a une capacité de 800 couettes et 3 000 oreillers par jour. Une vingtaine de personnes y travaillent. Les plumes et duvets proviennent de l’unité de lavage de Drouault (une autre entreprise du groupe) par balles de 20 kg. Le contenu de ces dernières est déversé dans des silos à l’aide d’un palan. Puis le processus de fabrication est engagé, au moyen d’une machine qui injecte les plumes et duvets dans les enveloppes des couettes et oreillers. « Pour garnir une couette avec des matières naturelles, il faut entre 5 et 16 minutes, selon le produit », explique Christelle Scotti. Dans l’atelier, difficile de se débarrasser des plumes et duvets, qui s’éparpillent sur le sol, malgré le nettoyage. Des aspirateurs mobiles sont à la disposition des salariés. Bientôt, un système d’aspiration centralisée à la source sera installé. La ligne « matières naturelles » est beaucoup plus modeste que celle des matières synthétiques : elle ne produit « que » 3 000 oreillers par jour (contre 25 000 sur l’autre ligne). de pause, plus grande, plus confortable, est en train d’être agencée, et nous allons aussi travailler sur la diminution du stress par exemple ». Bref, chez Dodo, on n’est pas loin de dormir sur ses deux oreilles… en matière de prévention. © Serge Morillon/INRS Le remplissage des oreillers en matière naturelle s’effectue automatiquement. © Serge Morillon/INRS Delphine Vaudoux Travail & Sécurité – Janvier 2011 13