ALLERGIE AU CHAT _M. MIGUERES_

Transcription

ALLERGIE AU CHAT _M. MIGUERES_
ALLERGIE AU CHAT
Michel MIGUERES
Animal sacré de l'Égypte ancienne, le chat n'est apparu en France qu'au Moyen Age, et considéré alors
comme rare et précieux.
S'il n'est plus désormais un objet de vénération, il n'en demeure pas moins une préoccupation importante
de l'allergologue, étant beaucoup plus allergisant que le chien, et à l'origine de manifestations rhino
conjonctivales, bronchiques, et parfois cutanées, volontiers intenses.
Ce félin, présent dans plus de 25 % des foyers français, est en effet assez fort pourvoyeur d'asthme,
comme les allergènes domestiques en général.
En Europe, la fréquence de l'allergie au chat est conditionnée par le climat ; dans les régions sèches et
froides comme la Scandinavie, où les acariens sont peu représentés, le chat est le principal pourvoyeur
d'asthme et de rhinite (1).
LES ALLERGENES DU CHAT
Le chat produit 7 ou 8 protéines différentes, parmi lesquelles seule Fel d 1 peut induire la production d'IgE
spécifiques chez un fort pourcentage de sujets sensibilisés (85 à 95%).
Fel d 1 (Felis domesticus 1) est l'allergène majeur du chat. Il s'agit d'une glycoprotéine dimérique de 36
kDa, constituée de 2 sous unités de 17 kDa. Cette molécule est thermostable, et sa fonction physiologique
n'est pas précisément connue. On lui reconnaît un rôle biologique, d'autant qu'une molécule similaire est
produite par le tigre de Sibérie, le lion, le puma, le jaguar.
Plusieurs arguments portent à croire que Fel d 1 intervient dans les fonctions suivantes :
- Protection épithéliale
- Communication inter-chats
- Transport de phéromones de familiarisation, permettant à l'animal de marquer son territoire
Les sources principales de Fel d 1 sont constituées par les glandes sébacées, salivaires sub-linguales, et
péri-anales. La peau et la fourrure de l'animal représentent le réservoir de l'allergène.
Il existe une allergie croisée entre Fel d 1 et l'albumine du porc, à l'origine du « syndrome porc-chat », qui
se caractérise par l'apparition de symptômes allergiques après ingestion de viande de porc, chez certains
sujets sensibilisés au chat.
L'équipe marseillaise a montré que la production de Fel d 1 était sous contrôle des hormones mâles, la
castration des animaux mâles entraînant une chute importante de la production de cet allergène, restaurée
par l'injection de testostérone.
Les femelles et les mâles castrés produisent moins allergènes que les mâles.
Un seul animal peut produire entre 3 et 7 microgrammes de Fel d 1 par jour ; cette production est
extrêmement variable d'un animal à l'autre, pouvant varier d'un facteur 8, définissant selon les cas de
faibles, ou à l'inverse de forts producteurs d'allergènes (2).
Dans l'environnement domestique, les taux d'allergènes les plus élevés se mesurent au niveau de la
moquette, des tapis, et du mobilier capitonné.
La quantification des allergènes du chat dans l'environnement est possible par Dutscreen : cette méthode
utilisant un anticorps monoclonal permet d'exprimer un résultat quantitatif en 4 heures, à la fois de Fel d 1
et d'autres allergènes intérieurs.
Fel d 1 est transporté par des particules de taille variable, allant de plus de 10 µm à moins de 2,5 µm. Ces
dernières particules, très légères, peuvent être aéroportées de façon durable, et de ce fait, sont presque en
permanence en suspension dans l'air. Elles peuvent alors se fixer sur les murs, le mobilier capitonné, les
vêtements, et être déplacées vers des zones dites sans chat. C'est ainsi qu'on peut les retrouver dans les
transports en commun, écoles …. (3).
C'est un allergène extrêmement persistant, qu'on peut identifier dans une maison ou un appartement
plusieurs mois après le départ de l'animal.
L'EXPOSITION AU CHAT EST-ELLE PROTECTRICE OU NEFASTE ?
S'il existe une relation directe, fortement étayée, entre l'exposition à la poussière ménagère et le
développement d'une sensibilisation aux acariens, il en va sans doute différemment avec les allergènes du
chat. Deux situations différentes sont à considérer :
- Plusieurs études récentes suggèrent qu'une exposition très précoce aux allergènes du chat induit
une faible sensibilisation à ces protéines. En d'autres termes, la proximité d'un chat au cours de la première
année de vie réduirait le risque de sensibilisation à cet animal (4,5,6,7). Cela parait particulièrement vrai
dans les pays où la possession d'un chat est très répandue (8).
L'effet protecteur de cette exposition très précoce serait lié à une réponse TH2 modifiée, avec production
d’IgG4, hypothèse formulée par PLATTS-MILLS.
- Une exposition plus tardive aux allergènes du chat semble en revanche majorer le risque de
sensibilisation à cet animal.
EVICTION DES ALLERGENES DU CHAT
Il s'agit là d'un problème extrêmement difficile, un nombre important de patients allergiques ne pouvant,
pour des raisons affectives, se résoudre à la séparation.
D'autre part, le départ du chat ne suffit pas toujours à faire disparaître l'exposition allergénique, s'agissant
d'un allergène volatile, et extrêmement persistant ; sans compter les contacts occultes ou occasionnels,
chez des parents, amis, à l'école ……
L'éviction des allergènes du chat est une entreprise difficile, mais non désespérée …!
Certains travaux attestent d'un effet bénéfique d'une éviction bien conduite avec maintien de l'animal au
domicile (9, 10). Cela suppose le respect de règles très strictes d'éloignement :
Le chat doit être maintenu le plus à l'extérieur possible de la maison ; interdit de chambre à coucher et si
possible de salle de séjour.
Même si l'opération est délicate, on recommande vivement le lavage régulier du chat, qui doit, pour être
efficace, être reconduit toutes les deux semaines !
La litière, qui est un réservoir important d'allergènes, doit être régulièrement nettoyée.
Moquettes et tapis doivent être retirés de la chambre à coucher.
Dans les autres pièces, moquettes et capitonnage de meubles peuvent être traités à l'acide tannique à 3 %.
L'aspiration, pour être efficace, doit utiliser un filtre HEPA.
Il convient d'assurer une ventilation naturelle de l'environnement intérieur.
Un purificateur d'air muni d'un filtre HEPA peut être disposé dans la chambre à coucher.
Le lavage des vêtements à l'eau semble préférable au nettoyage à sec.
Les penderies sont maintenues fermées.
Ces méthodes d'éviction avec maintien du chat au domicile ne sont efficaces que si elles sont appliquées
de façon très rigoureuse et ne sont bien sûr qu'un pis aller, la séparation de l'animal restant de loin
préférable.
IMMUNOTHERAPIE SPECIFIQUE (ITS)
Plusieurs études attestent de l'efficacité de la désensibilisation injectable aux allergènes du chat (11, 12) :
L'étude de NANDA suggère une efficacité probante dans un groupe de patients recevant une dose
d'entretien mensuelle de 15 microgrammes d'allergènes ; efficacité attestée par l'évolution de la
spirographie, des tests de provocation nasaux, et des tests cutanés. Chez les sujets répondeurs, les auteurs
ont observé, cinq semaines seulement après atteinte de la dose entretien, la survenue de modifications
significatives, sous la forme d'une élévation du taux d’IgG 4, et d'une atténuation des tests cutanés : cette
dernière pourrait être considérée comme un marqueur d'efficacité de la désensibilisation.
Ce travail suggère un effet dose dépendant, l’effet protecteur de l’ITS ne s'observant pas chez les patients
recevant de plus faibles doses d'allergènes.
La voie sublinguale en revanche est insuffisamment évaluée. La publication de Nelson (13) déjà
ancienne, conduite en double insu sur 41 patients, ne montrait pas d'amélioration significative dans le
groupe de patients désensibilisés. Des études supplémentaires évaluant l'efficacité de la voie sublinguale
dans le traitement de cette allergie apparaissent nécessaires.
Les choses devraient être reconsidérées à la lumière des meilleures connaissances actuelles de cette voie
d'administration, notamment en termes d'adaptation posologique.
CONCLUSION
Les chats, très nombreux en France, et dans beaucoup de pays occidentaux, sont à l'origine de
manifestations allergiques fréquentes, rhino-conjonctivales, cutanées, bronchiques.
Le chat est même le premier pourvoyeur d'allergie dans certains pays d'Europe du Nord, où les acariens
sont peu représentés.
En matière de prévention, une exposition allergénique très précoce, au cours des toutes premières années
de vie, semble réduire le risque de sensibilisation.
En revanche, chez le sujet sensibilisé, même asymptomatique, il est logique d'éviter l'exposition à cet
allergène.
Chez le sujet allergique, des mesures d'éviction doivent être soigneusement mises en œuvre lorsque la
séparation de l'animal ne peut pas être obtenue.
L'immunothérapie spécifique peut avoir sa place en cas d'allergie dûment prouvée, non diversifiée, et dont
les symptômes persistent malgré des efforts loyaux d’éviction.
Si l'efficacité de la voie injectable est attestée par plusieurs études, des travaux supplémentaires doivent
être conduits pour évaluer l'impact de la voie sublinguale.
BIBLIOGRAPHIE
1 - Sporik R , Ingram JM, Price W et coll Association of asthma with serum IgE and skin test reactivity to
allergens among children living at high altitude Am J Resp Crit Care Med, 1995,151, 1388-1392
2 - Wentz P E, Swanson M C, Reed C E Variability of cat allergen shedding. J Allergy Clin Immunol,
1990,85, 94-98
3- Almqvist C , Larsson PH, Egmar A-C, Hedren M, Malmberg P, Wickmann M School as a risk
environment for children allergic to cats.. J Allergy Clin Immunol 1999;103:1012-17
4- Hasselmar B, Aberg , Aberg B, Eriksonn B, Bjorksten B Does early exposure to cat or dog protect
against later allergy development? Clin Exp Allergy 1999 ;29 : 611-17
5-Platts-Mills T, Vaughan J,Squillace S, Woodfolk J, Sporik R: Sensitization, asthma, and a modified
TH2 response in chldren exposed to cat allergen Lancet 2001; 357:752-56
6-Custovic A, Simpson BM, Simpson A, Hallam CL, Marolia H, Walsh D, Campbell J, Woodcock A
National Asthma Campaign Manchester Asthma and Allergy Study Group J Allergy Clin Immunol
2003;111:402-407
7-Ownby DR, Johnson CC, Peterson EL,: Exposure to dogs and cats in the first year of life and risk of
allergic sensitization at 6 to 7 years of age. JAMA2002;288:963-972
8-Just J Rev Fr d’All et Imm Clin 2006 Vol 46 104-106
9-Soldatov D, de Blay F, Griess P, Charles , Charpentier C, Ott M, Pauli G Effects of environmental
control measures on patient status and airborne Fel d 1 levels with a cat in situ. J Allergy Clin. Immunol,
1995, 95,263( Abst)
10- Björnsdottir, MD;Jakobinudottir, RN; Runarsdottir MD; Juliusson, MD The effects of reducing levels
of cat allergen on clinical symptoms in patients with cat allergy Ann Allergy Asthma Immunol
2003;91:189-91
11- V.A.Warney, J.Edwards, K.Tabbah, H.Brewster, G.Mavroleon, A.J. Frew Clinical efficacy of specific
immunotherapy to cat dander : a double-blind placebo-controlled trial
1997, Clinical and Experimental Allergy, 27, 860-867
12- Anil Nanda, MD, Maeve O’Connor, MD, Miriam Anand, MD, Stephen C. Dreskin, MD, PhD, Lening
Zhang, PhD, Brittany Hines, MA, Diane Lane, PhD, William Wheat, PhD Johan M. Routes, MDF,
Richard Sawyer, PhD, Lanny J Rosenwasser, MD, and Harold S. Nelson, MD Dose dépendance and time
course of the immunologic response to administration of standardized cat allergen extract
J Allergy Clin Immunol 2004;114:1339-44
13- Harold S. Nelson, MD, John Oppenheimer, MD, Gaythri A Vatsia, MD, and Andrea Buchmeier
Denver, Colo : a double-blind, placebo-controlled evaluation of sublingual immunotherapy with
standardized cat extract ; J Allergie Clin Immunol 1993;92:229-36)