14 Décembre 2013 La truffe, diamant noir[...]

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14 Décembre 2013 La truffe, diamant noir[...]
La truffe, diamant noir du Vaucluse
Paru le 14 Décembre 2013 sur www.lemonde.fr
M
ains derrière le dos, on suit le ballet du petit chien gris entre les chênes. Le museau
alerte balaie le sol pierreux du brûlé, ces « ronds de sorcière » typiques du biotope
truffier. Plus sûrement qu'un épagneul pistant un lapin, le voilà qui gratte les
cailloux. Le temps pour son maître de plonger la longue pointe de son picon – sorte de piolet
d'alpiniste –, pour déterrer une irrégulière boule sombre. Sous la croûte de terre se devine un
joli spécimen de Tuber melanosporum, dite aussi truffe du Périgord, diamant noir valant la
récompense d'une boulette de viande.
En Dordogne, le picon est appelé cavadou, instrument qui a donné son nom au cavage, cet
art d'exhumer le précieux champignon. Mais nous sommes dans le Haut-Var, sur le domaine
de Majastre, propriété de Philippe de Santis, le plus important rabassier de la région
(rabasse signifie truffe en provençal).
A l'orée des gorges du Verdon, rien ne
semble pousser, à part des chênes. Et
encore : des arbres souvent rabougris,
au feuillage froissé. La truffe aime ces
végétaux en souffrance sur leur sol
argilo-calcaire. Et réciproquement.
Car un échange symbiotique se fait
entre les champignons drainant eau
et minéraux dans les racines des
arbres, qui font à leur tour profiter le
mycélium du sucre généré par la
photosynthèse.
1. Après une décennie de production en berne, la saison s'annonce enfin
belle, permettant aux prix de baisser. Photos Camille Labro
« A TOUS LES ÉTOILÉS
DE MARSEILLE À MONACO »
Les 300 à 500 kilos que Philippe de Santis dit ramasser les bonnes années, il les vend « à
tous les étoilés de Marseille à Monaco », mais aussi au marché aux truffes d'Aups, ouvert de
fin novembre à début mars, depuis sa création en 1971. Si le marché aux truffes de
Richerenches (Vaucluse) est le plus important marché de gros d'Europe, celui d'Aups attire
particuliers et restaurateurs.
Jeudi 28 novembre, deux traditionnels coups de cornet donnent le signal d'ouverture de la
saison. Autour de petites tables, où les paniers de rabasses côtoient l'indispensable balance,
on se courbe pour humer, soupeser et négocierces précieux primeurs avec des airs de
conspirateurs.
« Nous préférons acheter directement aux producteurs plutôt qu'à des courtiers,insiste
Alexandre Viale, chef du restaurant Le Concorde, à Vidauban, qui a hâte
depréparer ses premiers gnocchis, risotto, tartines et brouillade aux truffes. On risque moins
les arnaques à la truffe de Chine ou la brumale lé]. On contrôle la fraîcheur, le terroir et la
maturité. »
« CEUX À QUATRE PATTES COMME CEUX À DEUX »
On entaille un minuscule bout de la peau verruqueuse du champignon : une chair noire
légèrement striée de blanc est le signe d'une truffe mûre à point. Fin novembre, le « canifage
» révèle une glèbe encore trop pâle. Francis Gillet, président du Syndicat des propriétaires
trufficulteurs du Haut-Var depuis quarante ans, admet que la truffe n'atteint pas son apogée
avant fin décembre. « Nous avons tendance à ramasser trop tôt par peur des sangliers.
Ceux à quatre pattes comme ceux à deux », affirme-t-il en référence aux dégâts causés par les
animaux et par les vols.
Après une décennie de production en berne, due, semble-t-il, à des sécheresses à répétition,
la saison s'annonce enfin belle, permettant aux prix de baisser (700 euros le kilo, en
décembre, sur le marché d'Aups, contre plus de 1 000 euros en 2012). Pas de quoi
pourtant retrouver l'âge d'or, disparu après la première guerre mondiale parallèlement aux
métamorphoses du monde agricole. Non entretenues, les truffières naturelles s'étaient
refermées, recouvertes de broussailles.
Scientifiques et agriculteurs ont ensuite tenté de rationaliser la production, en organisant la
plantation de chênes mycorhisés (aux racines « ensemencées » avec des spores de truffes).
Une méthode demandant de la patience – entre dix et quinze ans – et aux résultats
aléatoires, mais qui a permis de freiner la chute de la production. Suffisamment pour que la
chambre d'agriculture de la régionProvence-Alpes-Côte d'Azur (plus de 60 % de la
production nationale) lance une campagne en faveur des plantations d'arbres truffiers.
LA MAJESTÉ DE LA TRUFFE
Avec ses 60 hectares de truffières, Philippe de Santis a organisé ses activités autour du
diamant noir. Le rabassier, également éleveur de chiens truffiers, a créé, près de sa ferme,
dans une bastide du XVIe siècle, un gîte et un restaurant proposant des formules thématiques
autour de la truffe, du cavage à la dégustation. Au menu, bouillon de veau aux perles noires et
au foie gras, velouté de châtaignes aux truffes, millefeuille de truffes et pommes de terre… En
cuisine, son fils, Morgan, a fait son apprentissage à Grasse chez Jacques Chibois, chef étoilé
passionné par la melanosporum au point d'organiser un marché de la truffe dans son
restaurant Relais et Château de la Bastide Saint-Antoine.
Fils d'un Limousin et d'une Périgourdine, formé à l'excellence par Michel Guérard et Jean
Delaveyne, et à la Méditerranée par Roger Vergé et Louis Outhier, Chibois a dans les veines
autant de truffes que d'huile d'olive. « Il faut respecter la majesté de la truffe en évitant les
préparations trop complexes et en la cuisant peu »,conseille le chef qui travaille le
champignon « dans le sens de la Méditerranée ».
Entre ses mains, artichauts poivrade sautés, purée d'aubergine aux amandes, fenouil et
courgette niçoise se marient divinement à la rabasse. « Rapée dans une huile d'olive à 40 ºC,
avec un zeste de citron et une pointe de tomate séchée, elle permet une sauce de choix pour
des saint-jacques ou du poisson. » Goûté et approuvé.
Par Stéphane DAVET
www.truffeculture.com

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