Les risques juridiques de l`investissement en capital
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Les risques juridiques de l`investissement en capital
Le magazine de L’investisseur Techniques Juridique & Financières Fiscalité PAR FRANÇOISE MONOD ET ROY ARAKELIAN, AVOCATS Les risques juridiques de l’investissement en capital :De la gestion de fait a u comblement de passif Associé à part entière de l’entrepreneur, l’investisseur en capital peut lui aussi devenir personnellement responsable du passif de la société, en cas de défaillance de celle-ci et malgré le principe général de la responsabilité limitée aux apports qui s’applique aux sociétés de capitaux. Cette réalité juridique inquiète les capital-investisseurs, au point qu’une grande majorité d’entre eux refuse aujourd’hui de s’engager au niveau de chaque dossier au-delà des 30% du capital, alors que la stratégie inverse permettrait d’augmenter leur potentiel de plus-value tout en renforçant la solidité financière des entreprises. Pour autant, ce danger n’est point une fatalité et il existe d’autres manières, plus subtiles, pour se prémunir du risque d’être un jour considéré comme dirigeant de fait de l’entreprise que l’on a contribué à financer. 18 HORIZON CROISSANCE • numéro 1 • Septembre - Octobre - Novembre 2005 “ La minorité de blocage est souvent perçue, par un raccourci de l’esprit, comme un pouvoir de nuisance, un droit de menacer l’actionnaire majoritaire... ” P ar essence, une opération de capital-investissement s’apparente à un pari économique sur une entreprise et son management. En contrepartie d’un espoir de plus-value, l’investisseur accepte un risque calculé : celui de perdre sa mise, en cas de défaillance de l’entreprise. Outre ce risque lié aux affaires et à l’évolution de la société, l’investisseur peut se trouver confronté à un autre danger, celui de la mise en cause de sa responsabilité en raison de sa participation à la gestion de la société. Des précisions s’imposent, tant les conséquences financières de ce type de risques peuvent dépasser celles de la seule perte en capital. Investisseurs et entrepreneurs attendent des réponses claires à des questions concrètes : l’investisseur augmente-il son exposition aux risques juridiques à mesure qu’il accroît son contrôle sur la société ? Quels sont d’ailleurs ces risques issus de la responsabilité juridiques qui font tant peur aux investisseurs ? Comment peuvent-ils les anticiper et se protéger efficacement ? Le positionnement de l’investisseur dans la société : Minorité de blocage : envie ou crainte ? Les investisseurs ont des visions différentes de la prise d’une participation notamment en fonction de leur perception du risque que cela peut entraîner. Dans les opérations de capital risque on rencontre plusieurs situations : soit un investisseur seul détient la minorité de blocage, soit c’est l’ensemble des investisseurs, soit ceux-ci restent en dessous de la minorité de blocage. Dans ce dernier cas, ils restent en dessous de la détention d’un tiers des voix plus une, ce qui est nécessaire pour bloquer les décisions d’une assemblée générale extraordinaire. La minorité de blocage est souvent perçue, par un raccourci de l’esprit, comme un pouvoir de nuisance, un droit de menacer l’actionnaire majoritaire. Toutefois, cette minorité de blocage n’est appelée à se manifester que dans des hypothèses limitativement énumérées par la loi. Dans la plupart des cas, la règle de la majorité simple sera souveraine. Néanmoins, pour les investisseurs avoir la possibilité d’exercer un droit de veto pour les décisions importantes telles que les augmentations de capital peut paraître essentiel. La règle majoritaire constitue la base du fonctionnement du droit des sociétés et plus particulièrement dans la société anonyme. En principe, la plupart des décisions dans une société se prennent à la majorité simple (50 % plus une voix), parfois majorité qualifiée (2/3 des voix), étant entendu qu’en principe chaque action donne droit à une seule voix. A noter que par le droit de vote double ou par le biais des actions de préférence pour lesquelles le droit de vote peut être supprimé, le calcul de la majorité simple ou qualifiée peut être déconnecté du pourcentage de participation en capital. Ainsi, le titulaire de la moitié des voix plus une dispose d’un large pouvoir à l’assemblée générale ordinaire, dont celui de nommer les administrateurs, révoquer ceux-ci, approuver les comptes, distribuer un dividende. De même, si cette détention est supérieure au 2/3 des actions, ceci lui permet d’adopter en assemblée générale extraordinaire les décisions concernant la modification des statuts telles que l’objet social ou les augmentations de capital. En revanche, la minorité de blocage ne permet pas d’influer sur les décisions d’une assemblée générale ordinaire et dans les assemblées générales extraordinaires elle ne donne que le pouvoir de bloquer et non pas d’imposer une décision. Toutefois, un actionnaire minoritaire peut obtenir des droits que la loi ne lui donne pas automatiquement par le recours à des mécanismes conventionnels (pacte d’actionnaires). Pourquoi un poste d’administrateur ? L’investisseur minoritaire qui a la volonté d’assumer un partenariat actif avec les fondateurs pour mettre en œuvre ses appuis stratégiques, son expérience ou son réseau de contacts, exigera d’avoir un poste lui permettant À propos de FRANCOISE MONOD Avocat-associé au cabinet PDGB, Master of Laws Harvard spécialiste des M&A et du capitalrisque, Françoise Monod est membre du Comité consultatif du développement technologique auprès du Ministre de la Recherche et membre du Comité Juridique de l’AFIC (Association Française des Investisseurs en Capital). Françoise Monod est par ailleurs l’auteur de nombreux articles dans des revues financières ou juridiques et de différents ouvrages, dont « Les pactes d’actionnaires » (1993 - Editions Capital Finance) et « Le guide de l’Administrateur de Société Anonyme » (2004 Editions AFIC-Litec). [email protected] À propos de ROY ARAKELIAN Avocat-associé au cabinet PDGB, Docteur en Droit et auteur d’une thèse sur la notion de contrôle, Roy Arakelian intervient dans divers domaines du droit des sociétés, du droit commercial et du droit des contrats et notamment en matière d’opérations d’acquisition et de cession, de restructuration et d’opérations de capital risque. [email protected] Septembre - Octobre - Novembre 2005 • numéro 1 • HORIZON CROISSANCE 19 Le magazine de L’investisseur d’exercer ce rôle dans les organes de l’entreprise. De même, l’objectif principal de l’investisseur qui est la sortie1 peut l’inciter à être actif et à exercer un mandat d’administrateur. L’expérience montre en effet que l’investisseur fera une meilleure sortie s’il est proche de la société et s’il est actif. S’il détient la minorité de blocage, il semblera souvent naturel qu’il soit également administrateur. Il se peut même que l’investisseur, imitant dans ce cas le modèle américain, exige d’être administrateur pour mieux suivre la société et donc le sort de sa participation. On voit bien toutefois que le choix d’avoir GLOSSAIRE Action en comblement de passif : Décision de justice faisant suite à un redressement ou à une liquidation judiciaire, par laquelle les dirigeants se trouvent directement responsables pour tout ou partie du paiement des dettes de leur entreprise, du fait d’une faute de gestion. Administrateur : Actionnaire membre du conseil d’administration, un organe social qui détermine les grandes orientations stratégiques et de gestion de l’entreprise. Censeur : Invité(s) au conseil d’administration, le ou les censeurs disposent d’un droit à l’information identique à celui des administrateurs, mais leur avis n’est que consultatif. Dirigeant de droit : Dirigeant défini comme tel par la loi et qui a été régulièrement désigné par les organes sociaux compétents. Sont dirigeants de droit notamment le président du conseil d’administration, le directeur général, les directeurs généraux délégués et les administrateurs de SA à conseil d’administration et les membres du directoire pour les SA à conseil de surveillance et directoire, ainsi que le président d’une SAS. Dirigeant de fait : Personne qui sans avoir reçu un mandat social s’est immiscé dans la gestion d’une société. 20 un poste d’administrateur n’a juridiquement aucun lien avec le pourcentage détenu dans la société. Rappelons que l’on peut devenir administrateur en ne détenant qu’une seule action de la société, à la condition bien évidemment de bénéficier de l’accord de la majorité des actionnaires pour être désigné (l’élection se fait à la majorité simple). Le choix de la forme de la société s’ef- Basdevant François, Charvériat Anne, Monod Françoise Le guide de l’administrateur de société anonyme Editions LITEC en partenariat avec l’AFIC 2004, ISBN : 2-7110-0441-4. Conseil de surveillance : Organe de contrôle au sein d’une société anonyme (SA) à structure duale (SA à directoire et conseil de surveillance). Par opposition, le directoire détermine les orientations de gestion et de stratégie. Minorité de blocage : Situation par laquelle un actionnaire non majoritaire détient au moins un tiers plus une voix des droits de vote au sein de la société. Cette position permet à son bénéficiaire de bloquer à sa convenance toute décision, dont la validé requiert sur le plan légal plus des deux tiers des suffrages (décisions d’assemblée générale extraordinaires – exemples : modification des statuts, changement d’objet social, augmentations de capital). HORIZON CROISSANCE • numéro 1 • Septembre - Octobre - Novembre 2005 fectue souvent en fonction de l’implication que l’investisseur souhaite avoir : société anonyme soit avec un conseil d’administration, soit avec un directoire et conseil de surveillance ou société par actions simplifiée (SAS)2 . La société anonyme à conseil d’administration permet un partenariat actif entre les investisseurs et le management dans la mesure où les membres du conseil d’administration peuvent participer aux décisions. En effet, le conseil d’administration aux termes de la loi « détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en œuvre » et « il se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires qui la concernent ». L’exigence des investisseurs d’être présents au conseil d’administration reflète cette logique. Mais du fait des droits que ce poste confère, un administrateur encourt plus de risque qu’un simple actionnaire en cas de difficulté de l’entreprise. A noter que pour l’administrateur ce risque ne change pas selon que le conseil d’administration, conformément à l’option permise par le code de commerce, adopte ou non la dissociation des fonctions de président et de directeur général. Pour éviter cet inconvénient, de nos jours, certains investisseurs ont tendance à rejeter cette formule au profit d’un poste de censeur au sein du conseil d’administration. En effet, il est possible de prévoir un collège de censeurs dont la composition, la mission et, éventuellement, la rémunération sont fixées dans les statuts, dans la mesure où les attributions des censeurs ne font pas échec et ne se substituent pas à celles dont disposent les autres organes sociaux (notamment le conseil d’administration). En tant que censeur obligatoirement convoqué aux réunions du 1 Voir article de Bertrand Delage, «comment réussir sa cession industrielle», Horizon Croissance, numéro 1, pages 15. Rappelons que le cas des SARL est peu approprié pour les opérations de private equity, leur capital étant composé de parts sociales non négociables, donc difficilement cessibles. Généralement, lorsqu’un investisseur est un intéressé par une SARL, il demande comme préalable la transformation de Juridiques & Fiscalité conseil d’administration, l’investisseur a accès à l’information et peut exposer son opinion sans s’exposer lui-même à des risques juridiques de ce seul fait. Le censeur ne doit toutefois pas sortir de son rôle. L’investisseur qui souhaite rester à l’écart du pouvoir de décision peut également préférer être dans un conseil de surveillance. Toutefois, le conseil de surveillance qui a un rôle de contrôle limite la valeur ajoutée des investisseurs. Aussi confère t-on parfois des pouvoirs renforcés au conseil de surveillance. Enfin, la SAS par la souplesse offerte dans la rédaction des statuts, donne des possibilités intéressantes aux investisseurs. En contrepartie elle présente un risque important d’immixtion dans la gestion pour les investisseurs, si le rôle des comités est trop important et si les actionnaires en tant que tels sont appelés à prendre des décisions qui sont liées à la gestion courante. Mais quel est le risque qui fait tant peur aux investisseurs ? Cas où la société n’est pas en dépôt de bilan Conformément aux dispositions de l’article L225-251 du code de commerce tout administrateur est responsable individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans la gestion. La responsabilité est individuelle lorsqu’une faute peut être imputée à un administrateur déterminé (par exemple en cas de mission spécifique confiée à l’administrateur), les autres membres du conseil étant étrangers à cette faute. La responsabilité est solidaire lorsque la “ nel au détriment de celui de l’ensemble des autres associés. La réparation de l’abus de minorité peut, conformément au droit commun de la responsabilité civile, consister en l’allocation de dommages-intérêts. Ainsi une jurisprudence a estimé que « les actionnaires minoritaires en s’opposant à ce qu’il soit procédé à une augmentation de capital alors qu’ils savaient celle-ci nécessaire à la survie de la société et qu’une telle augmentation n’était pas susceptible de préjudicier à leurs intérêts, ont poursuivi un but personnel directement contraire aux intérêts de la société et ont ainsi commis un abus de nature à engager leur responsabilité » (CA Lyon, 20 déc. 1984). A noter qu’il n’existe pas en France une possibilité d’action collective telle que la « class action » aux Etats-Unis qui mettrait en cause la gestion des administrateurs. Cas où la société est en dépôt de la jurisprudence est restrictive quant à la nature des fautes pouvant être reprochées aux administrateurs à titre individuel ou solidaire... ” faute est l’œuvre de plusieurs administrateurs. Cette responsabilité peut être engagée selon les cas soit par la société, soit par un tiers soit par les actionnaires. Toutefois, la jurisprudence de la Cour de cassation est restrictive quant à la nature des fautes pouvant être reprochées aux administrateurs à titre individuel ou solidaire. Il faut démontrer que l’administrateur a commis une faute distincte de ses fonctions. La règle générale est que toute décision prise valablement par le conseil d’administration dans l’exercice de ses fonctions ne peut entraîner que la responsabilité de la société et ce dans la mesure où cette décision est considérée comme une faute entraînant un préjudice. Dans ce cas, c’est la société et non les administrateurs, qui sera responsable. Par ailleurs, il existe également une responsabilité des actionnaires en cas de mauvais usage du droit de vote. Comme tout exercice d’un droit, la minorité de blocage s’exerce dans la limite de la notion de « l’abus de droit ». Ainsi, le vote constitue un abus de minorité lorsqu’il y a atteinte à l’intérêt général de la société et poursuite d’un intérêt person- bilan L’article L 624-3 du code de commerce (auquel renvoient les articles L225255 et L 225-256 du même code) précise que « lorsque le redressement Septembre - Octobre - Novembre 2005 • numéro 1 • HORIZON CROISSANCE 21 Le magazine de L’investisseur judiciaire ou la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que les dettes de la personne est dirigeant de droit ou dirigeant de fait, mais en aucun cas le pourcentage de détention du capital n’est retenu en tant que tel. Si l’investisseur détient une minorité de blocage et un siége au conseil d’ad- “ La détention d’une minorité de blocage augmente le risque de se voir qualifier comme gérant de fait.... morale seront supportées, en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains d’entre euxž». Par ce texte, les « dirigeants » de droit ou de fait peuvent être condamnés à supporter tout ou partie des dettes sociales lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire de la société fait apparaître une insuffisance d’actif. C’est ce qu’on dénomme action en comblement de passif. Dans ce cadre quel est le risque de mise en cause des investisseursž?. Ce risque est-il augmenté si l’investisseur détient une minorité de blocage ?. Il y a deux fondements différents pour cette mise en cause du dirigeant selon qu’il ” ministration, c’est au titre d’administrateur qu’il sera mis en cause et non au titre d’actionnaire. Pour la mise en cause des dirigeants de droit, le pourcentage du capital détenu est théoriquement sans conséquence. Si en revanche, l’investisseur n’est pas administrateur mais seulement actionnaire ou membre d’un comité consultatif, sa responsabilité ne pourra être mise en cause que comme dirigeant de fait. Là encore le pourcentage du capital détenu est sans conséquence théoriquement. En pratique, la détention d’une minorité de blocage pourrait par le poids dont bénéficie de ce fait l’investisseur, augmenter le risque de se voir qualifier comme gérant de fait. Il y a donc lieu d’examiner les critères que retient la jurisprudence sur ce point. Si la loi énonce le principe de la responsabilité, elle ne définit pas la notion de dirigeant de fait. Ce sont donc essentiellement les tribunaux qui ont dégagé les critères qui permettent, au cas par cas, de déterminer si une personne a ou non la qualité de dirigeant de fait. L’analyse de la jurisprudence montre que le dirigeant de fait est une personne qui a un lien avec la société concernée. Ainsi, un dirigeant de fait peut être un actionnaire, un titulaire d’un contrat de travail, mais également une personne simplement en relation d’affaires avec la société comme par exemple un fournisseur ou un prestataire de service. Dans toutes ces hypothèses, la personne mise en cause outrepasse son rôle pour diriger, en fait, la société. Parmi les principes généraux dégagés par les tribunaux, on peut noter que le dirigeant de fait est celui qui s’immisce dans le fonctionnement d’une personne morale pour y exercer une activité positive de gestion et de direction en toute souveraineté et indépendance. La qualité de dirigeant de fait ne se L’essentiel pour l’entrepreneur Vu les risques juridiques auxquels il pourrait s’exposer en cas de défaillance de votre société, un investisseur peut souhaiter ne pas détenir une position de minorité de blocage et donc refuser de s’engager au-delà de 30% de votre capital, même s’il est convaincu de la pertinence de votre projet. Dans le cas où votre société serait valorisée 6 M d’euros et que vous auriez besoin d’un apport de 4 M d’euros pour financer votre croissance, cette situation poserait problème si l’augmentation de capital se fait à la valeur nominale, puisque les 30% de l’investisseur identifié représenteraient seulement une arrivée de 3 M d’euros « d’argent frais ». Pour sortir de ce dilemme, il existe principalement quatre solutions alternatives : Renégocier avec l’investisseur 1 la valorisation pré-money de votre société, afin que les 30% en question correspondent à un apport de 4 M d’euros. Tout prix se discute. Ici il s’agit du montant de la prime d’émission, mais il faut savoir que l’investisseur acceptera difficilement une valorisation rehaussée, qui mécaniquement diminue son potentiel de plus-value. Tout dépend en fait de la conjoncture générale du capital-investissement. 18 18 Proposer à l’investisseur que 2 le million supplémentaire d’investissement (la tranche de 3 à 4 M d’euros) prenne la forme de titres de capital ou d’endettement à long terme dénués de droit de vote (actions de préférence sans droit de vote, obligations convertibles en actions de préférence sans droit de vote, etc.). Ainsi, l’investisseur restera en dessous des 33% des droits de vote, bien qu’il ait effectivement investi 4 M d’euros. HORIZON CROISSANCE • numéro 1 • Septembre - Octobre - Novembre 2005 Répartir l’investissement en 3 capital de 4 M d’euros à la valeur nominale, entre deux co-investisseurs, qui de ce fait ne détiendront pas, pris séparément, une minorité de blocage. Dans le langage des investisseurs, cette présence d’un second partenaire financier s’appelle « la syndication de l’opération ». Répartir entre capital et dette les 4 4 M d’euros d’investissement, ce qui revient à financer le million d’euros manquant par endettement. C’est la formule à retenir dans le cas où l’investisseur n’accepte pas votre refus d’augmenter la prime d’émission ou les autres alternatives. Les banques sont généralement promptes à s’engager sur un dossier, à l’occasion de l’arrivée d’un investisseur en capital. Il faut veiller toutefois à ce que cet endettement supplémentaire ne déséquilibre pas les ratios généraux d’autonomie financière de votre société (qui s’établissent généralement à un euro de prêt pour un à deux euros de fonds propres), sans quoi les banques ne vous suivront pas. Juridiques & Fiscalité L’essentiel pour l’investisseur présume pas. Il appartient à celui qui soutient l’existence d’une direction de fait d’en apporter la preuve. Les témoignages du personnel, des clients, des fournisseurs, des banquiers, jouent un rôle important dans la démonstration de l’existence d’une direction de fait. La détention de la minorité de blocage n’engendre pas en tant que telle un comportement positif de gestion et de direction. Inversement, se comporter comme interlocuteur direct des partenaires de l’entreprise, du commissaire aux comptes et s’immiscer de ce fait dans la gestion peut comporter des graves risques. Ainsi, l’investisseur non administrateur qui exerce un pouvoir de direction en plaçant le conseil d’administration dans un état de dépendance, en soumettant les décisions de ce conseil aux résultats de ses propres recherches et avis, a des fortes chances d’être qualifié de dirigeant de fait3 et donc d’être condamné à participer personnellement au comblement du passif de la société en cas de liquidation judiciaire. Enfin, il est à noter que pour couvrir le risque en comblement de passif, il est 3 (Cass. com. 6 février 2001 n° 255 FS-P, Bureau de recherches géologiques minières (BRGM) c/ Frontil-Couture ès qual, RJDA 10/ 01, n° 1010). possible de souscrire à une assurance. Les Etats-Unis connaissent depuis longtemps ce type d’assurance, qui protège l’ensemble des dirigeants de droit et mandataires sociaux, administrateurs inclus, d’où l’intérêt d’exercer une telle fonction. En règle générale, c’est la société qui paie les primes correspondantes. Toutefois tout ne peut pas être couvert par une assurance. Ainsi la loi interdit l’assurance de la responsabilité pénale. De même, les polices d’assurances excluent les conséquences des fautes intentionnelles ou dolosives et celles des fautes commises par les dirigeants distinctement de leurs fonctions. Une minorité de blocage ne représente jamais un pouvoir de décision positif, mais seulement un droit de veto applicable à un nombre limité de délibérations; celles qui relèvent de l’assemblée générale extraordinaire. Une minorité de blocage ne suffit pas à elle seule pour qualifier son détenteur de dirigeant de fait, mais peut renforcer, avec d’autres éléments de preuve, une présomption de gestion de fait. Demandez un mandat d’administrateur si vous souhaitez suivre activement votre participation, dans une configuration juridique claire et sécurisante. Dans ce cas, veillez à la tenue régulière des réunions du conseil d’administration et à l’établissement des procès-verbaux. Si vous faîtes partie du conseil d’administration, proposez au management de souscrire à une assurance qui pourrait également vous couvrir en tant que dirigeant de droit. Aucune prévention ne vous exonérera de votre responsabilité pénale, si celle-ci doit être un jour engagée. Conclusion En conclusion, on peut considérer que la détention de la minorité de blocage et son libre exercice ne constitue pas une preuve de la gestion de fait mais selon le cas, renforce la présomption de gestion en fonction de la manière dont l’investisseur a utilisé sa minorité de blocage. Par conséquent, l’investisseur devra préférer la clarté aux situations imprécises. Il est en effet toujours possible de modeler les instances de direction et le fonctionnement d’une société, en fonction de la Septembre - Octobre - Novembre 2005 • numéro 1 • HORIZON CROISSANCE 19