UN PROJET PASSIONNANT... LA RÉSURRECTION DE GRAINES

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UN PROJET PASSIONNANT... LA RÉSURRECTION DE GRAINES
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UN PROJET PASSIONNANT...
LA RÉSURRECTION DE GRAINES D’ESPÈCES DISPARUES
STÉPHANE
BUORD
est Directeur
scientifique
des actions
internationales
du Conservatoire
botanique
national
de BREST.
A cet effet, il a
pour mission
d’identifier les
enjeux de conservation en termes
de régions géographiques et d’espèces prioritaires
auprès des institutions nationales et
internationales.
Il conduit également des projets
de conservation
et de valorisation
de collections
végétales.
Enfin, en matière
d’éducation,
il valorise les
actions conduites
et échange des
méthodes et des
savoir-faire avec
des organisations
reconnues (telle
l’Union Internationale pour la
Conservation
de la Nature).
Monsieur Buord, vous avez
accepté de nous parler
de ce magnifique projet
et d’une belle histoire...
Effectivement, c’est une
histoire qui remonte au
18e siècle. L’Officier de marine,
Jean François de La Pérouse,
qui partit de Brest en 1785,
connut une destinée tragique
après 3 ans de périple. La
France, sans nouvelles de
La Pérouse, envoya des
expéditions à sa recherche.
Mais ce n’est que deux siècles
plus tard que les deux épaves
furent localisées et l’on put
ainsi remonter à la surface de
nombreux objets du bateau
de La Pérouse. Et parmi les
objets remontés en 1986,
se trouvaient des fruits d’une
plante du genre Banksia,
collectés lors de la dernière
escale en Australie.
Vous voulez dire que ces
graines de Banksia ont donc
séjourné plus de 200 ans
dans une eau salée ?
Effectivement, c’est incroyable !
Une fois récupérées, elles
ont été conservées dans un
premier temps à Nouméa au
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Regards Botaniques - Février 2012
Musée D’Histoire Maritime,
puis ont rejoint la ville de Brest
d’où était partie « l’épopée
La Pérouse ». Ce moment
fut très émouvant.
Outre un symbole fort pour
le Conservatoire botanique,
qu’allez-vous faire de ces
graines ?
Nous allons tenter, 222 ans
plus tard, de remettre en
culture en France ces
fameuses graines.
Pour cela, nous avons le
concours de chercheurs en
biologie végétale de Vegenov
(Saint Pol de Léon) et de
l’INRA de Dijon.
Tous ensemble, nous allons
désormais explorer les
potentialités germinatives
de ces témoins du passé.
Pouvez-vous nous parler
de ce projet de recherche ?
Le point de départ consiste
à travailler sur des semences
issues des fouilles subaquatiques. Mais il y aura une
« extension » de ce travail sur
des herbiers ou des banques
de sols, où se trouve
aujourd’hui un grand
nombre d’espèces éteintes.
Concrètement, comment
cela se passe-t-il ? Et ce type
de régénération a-t-il déjà
été tenté ?
Les graines de certaines
espèces courantes ont une
étonnante longévité. Et je
parle là de plusieurs siècles de
vie. Sur le plan de la méthode,
j’ai en tête une expérience
réussie qui portait sur
Cylindrocline lorencei de l’Ile
Maurice (cf page 9). Sur les
graines de Banksia, nous
appliquons un travail en
deux temps : observation au
microscope des semences,
utile à la détection de tissus vivants et, si nécessaire,
recours aux biotechnologies
végétales afin de régénérer des
plantes à partir d’embryons ou
de possibles fragments encore
vivants provenant des vestiges
de la flore disparue.
Pouvez-vous évoquer
la collaboration avec
les partenaires ?
Nous travaillons en étroite
collaboration avec l’INRA de
Dijon et Végénov. Ils réalisent
une veille bibliographique,
une recherche au niveau
microscopique et une culture
in vitro pour établir un
programme expérimental.
Dans la mesure où les observations microscopiques
révèlent la viabilité de la
Banksia ericifolia L.
graine, nous pouvons passer
à l’étape suivante, à savoir la
culture in vitro, pour régénérer
la plante entière.
Nous avons l’impression
d’être dans une enquête
policière avec des indices
à découvrir. L’enquête
sera-t-elle longue ?
Nous avons débuté les travaux
en avril 2011 pour découvrir la
présence de cellules vivantes
au cœur des semences. Si
les résultats montrent une
viabilité, des essais de régénération pourront débuter
pour une durée d’un à deux
ans, selon la complexité des
milieux de culture à mettre
au point. Dans le meilleur des
cas, fin 2012, de jeunes plants
sortiront des tubes pour
acclimatation. C’est
effectivement passionnant
et il y a là un suspens qui va
durer quelques mois… Nous
en saurons donc plus dans
quelque temps.
Enfin, Monsieur Buord,
pourquoi un partenariat
avec l’Institut Klorane ?
Comme vous l’avez dit en
préambule, le Conservatoire
botanique national de Brest
est très souvent en lien avec
votre fondation d’entreprise.
Je dirais donc que l’association du CBNB et de l’Institut
Klorane sur ce projet tout à
fait remarquable, a au moins
deux raisons d’être :
• le caractère historique
de nos relations : je me
souviens que cela a vraiment débuté en 1995 avec
le souhait de sauvetage
de Normania triphylla à
Madère. … Et depuis, de
nombreux projets ont été
menés à bien.
• la qualité de ces
relations : pour reprendre
l’exemple de Normania,
il faut rappeler que l’opération de ce sauvetage a duré
en tout 15 ans et que c’est
bien grâce à la coopération et
la rigueur de nos équipes que
nous y sommes parvenus.
Merci Monsieur Buord pour
ce projet passionnant que
nous allons suivre de près.
Lors de l’expédition 2003, Elisabeth Veyrat, archéologue
du Département des recherches archéologiques
subaquatiques et sous-marines, expertise un des canons
en fonte de 8 livres de l’Astrolabe, l’un des deux bateaux
de l’expédition de La Pérouse, qui sera relevé au cours
de la mission 2005.
LE CONSERVATOIRE BOTANIQUE NATIONAL DE BREST
Le Conservatoire botanique national de Brest s’est spécialisé, dès ses débuts
en 1975, dans la conservation des plantes menacées et ce, grâce à la passion
de son initiateur, Jean Yves Lesouëf.
Ce conservatoire, véritable « SAMU végétal », et Stéphane Buord sont des
interlocuteurs privilégiés pour notre fondation d’entreprise en raison de leur
expérience et compétence dans le domaine du sauvetage d’espèces végétales
en danger.
L’Institut Klorane est allé encore plus loin dans son engagement, par le biais
d’un récent partenariat sur le thème palpitant de la « Résurrection de graines
d’espèces disparues ». Ce sera l’occasion de collaborer sur un projet à plusieurs
facettes qui ont toutes pour objectif principal de tenter une exploration
systématique et rationnelle des potentialités de régénération d’espèces
disparues.
Regards Botaniques - Février 2012
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