Mélanome - Cabinet de dermatologie

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Mélanome - Cabinet de dermatologie
D e r m a t o l ogie
mélanome
FZ. Belgnaoui1, K. Setti2, A. Al Bouzidi2, N. Benchakroun3, H. Malajati4, Y. El Fakir4, K. El Khatib5
1
2
3
4
5
Dermatologue, Anatomo-pathologiste, Oncologue, Radiologue, Chirurgien plasticien
Le mélanome est une tumeur maligne qui se développe à partir des cellules mélanocytaires. D’origine
neuro-ectodermique, les mélanocytes migrent durant l’embryogénèse vers l’épiderme, les follicules
pileux, certaines muqueuses, et aussi vers l’uvée, la conjonctive, l’oreille interne et les leptoméninges.
Leur rôle est de produire de la mélanine. Plus de 90% des mélanomes naissent des mélanocytes cutanés
mais les autres sites de mélanocytes peuvent aussi en être le point de départ.
Il s’agit de la tumeur cutanée la plus redoutable à cause de son agressivité locale et de son très fort
potentiel métastatique, à l’origine de 90% de la mortalité par cancer cutané. Elle constitue un véritable
problème de santé publique dans certains pays comme l’Australie. Dans le reste du monde, quoique
rare, la maladie connaît une hausse régulière de son incidence. Il est donc essentiel que tout praticien
garde cette pathologie à l’esprit et qu’il en connaisse les principaux aspects cliniques afin de permettre
un diagnostic précoce, seul garant d’une guérison. De même, toutes les mesures préventives sont à
connaître et à conseiller aux patients, en particulier à ceux parmi eux qui présentent des facteurs de
risque les prédisposant à développer cette maladie.
Données générales
Epidémiologie
Mortalité
Incidence
La mortalité est de 1,2 à 1,5 /100.000 en France, de 5 en
Australie et tend à augmenter (7% de 1990 à 2006 aux
Etats Unis d’Amérique) mais pas de façon proportionnelle
à l’élévation de l’incidence.
Le mélanome est classiquement considéré comme une
tumeur rare, représentant 1% des cancers en général et
5% des cancers cutanés. Cependant, son incidence a
connu une très nette augmentation au point de devenir,
après le cancer du sein de la femme, le cancer dont
l’incidence a le plus augmenté durant ces 10 dernières
années. Son incidence double ainsi environ tous les
10 ans et continue d’augmenter de 5% par an chez les
personnes de phototype clair, soumises à un fort taux
d’ensoleillement.
Variant en fonction de la latitude (exposition au soleil)
et du phototype des patients, l’incidence est de 5 à 10
nouveaux cas/100.000 habitants/an en France et dans la
majorité des pays européens, de 20 à 30 nouveaux cas
/100.000 habitants/an aux Etats Unis et de 40 nouveaux
cas/100.000 habitants/an en Australie.
Age et sexe
Le mélanome peut se voir à tout âge mais c’est l’un des
cancers les plus fréquents chez l’adulte jeune et surtout
la femme jeune. Il reste exceptionnel chez l’enfant avant
la puberté. Le sex-ratio est proche de 1.
250
CANCER
Données marocaines
Au Maroc, ainsi que dans les autres pays du Maghreb
et d’Afrique, cette maladie est qualifiée de rare malgré
le fort ensoleillement, avec une incidence variant entre
0,07 et 0,14/100000 habitants/an. Une étude marocaine
réalisée entre 1973 et 1994 a permis de chiffrer le nombre
de nouveaux cas par an à 13, ce qui réalise un chiffre de
prévalence évaluée à 0,048 cas/100.000 habitants/an et
une fréquence relative de 5% par rapport aux autres cancers
cutanée. Ce chiffre doit toutefois être relativisé notamment
en raison du nombre élevé de patients opérés sans étude
histologique ou encore de patients ne consultant pas.
L’âge moyen des patients était de 51 ans chez la femme
et 60 ans chez l’homme (extrêmes de 6 à 95 ans). Le sexratio femme/homme était de 61%.
Les facteurs prédisposant qui ont pu être relevés sont :
les traumatismes (6%) et le xéroderma pigmentosum (1,2%).
La maladie est survenue sur naevus pré-existant dans
18% des cas.
La localisation plantaire était nettement prédominante
(49,3%), suivie des membres supérieurs (12%), des
localisations céphaliques (10%) et des localisations
muqueuses (8,5%).
Les formes nodulaires étaient les plus fréquemment
observées mais ceci est plutôt témoin d’un retard de
diagnostic : la majorité étant déjà aux stades II et III de
la maladie.
E nf in, s ur le p l a n é v o l u ti f, i l a é té o b s ervé une
augmentation de fréquence de la maladie, déjà notée dans
l’étude de Biaz et al, puisque 58% des patients avaient
été diagnostiqués durant les 5 dernières années. L’étude
plus récente de Benchikhi et al, conforte ce phénomène.
Facteurs de risque
Les principaux facteurs de risque sont la génétique et des
facteurs environnementaux, principalement représentés
par l’exposition solaire.
Facteurs génétiques
Antécédents personnels ou familiaux de mélanome :
Un mélanome familial se définit par l’existence d’au
moins deux mélanomes sur trois générations (surtout
parents de premier degré). Ces conditions sont présentes
en fonction des séries, chez 0,6 à 12,5% des mélanomes
et sont souvent associées à un nombre élevé de naevi
atypiques. Une personne qui a parenté de 1er degré
atteint de mélanome, voit son risque de développer un
mélanome multiplié par 2 à 3. Lorsque ceci survient dans
un cadre de mélanome familial, le risque avoisine les
100%. D’autre part, une personne qui a elle même déjà
développé un premier mélanome est plus à risque d’en
développer d’autres.
Plusieurs gènes de susceptibilité au mélanome ont été
identifiés et leurs voies de signalisation sont de mieux
en mieux connues. Les récentes études ont également
révélé l’hétérogénéité de la génétique du mélanome.
C‘est ainsi que la principale mutation concerne le gène
CDKN2A et a été corrélée aux mélanomes du tronc et
des extrémités, chez des sujets ayant eu des expositions
solaires intenses et intermittentes. Une mutation de
NRAS est observée, quoique moins fréquemment, au
cours des mélanomes de l’extrémité céphalique de sujets
exposés de façon chronique au soleil. Enfin, de plus rares
mutations de cKIT ont été associées au mélanome acral.
Ces avancées dans les domaines génétique et biologique
ont permis de mieux comprendre les modalités de
développement et de progression des mélanomes.
Le développement de traitements inhibiteurs ciblés a
également eu un très net impact sur l’amélioration de
la prise en charge de cette maladie. La recherche de
ces mutations, fait actuellement partie du bilan préthérapeutique de certains mélanomes évolués où le
traitement chirurgical est insuffisant.
Phototype : représenté par la couleur de la peau, des
yeux et des cheveux et du type de réaction à l’exposition
solaire. Les personnes les plus à même de développer un
mélanome sont les sujets se rapprochant des phototypes
I et II avec une peau claire, des cheveux blonds ou surtout
roux, des éphélides (taches de rousseur) et ayant plutôt
tendance a bruler qu’à bronzer lorsqu’ils s’exposent au
soleil.
Phototype
Cheveux
Carnation
Ephelides
Coups de soleil
bronzage
0
I
II
III
IV
V
VI
Blancs
Roux
Blonds
Blonds à chatains
Bruns
Bruns
Noirs
Albinos
Laiteux
Claire
Claire à Mate
Mate
Brune
Noire
0
+++
++
+à0
0
0
0
Constants (+++)
Constants (++)
Constants (+)
Fréquents
Rares
Exceptionnels
Absents
0
0
Hâle
Clair à moyen
Foncé
Très foncé
Noir
Tableau I : Classification des phototypes selon Fitzpatrick
Xéroderma pigmentosum (XP) : Il s’agit d’une
génodermatose de transmission autosomique récessive
caractérisée par le déficit en facteurs de réparation des
lésions d’ADN causées par les rayonnements ultra-violets.
Sa fréquence est élevée au Maghreb et au Moyen Orient
à cause de la fréquence des mariages consanguins. La
connaissance de cette maladie est essentielle dans notre
contexte étant donné la fréquence de survenue chez ces
patients de tumeurs cutanées et oculaires : 80% selon une
étude de Casablanca contre 45% dans la littérature, avec
11% de cas de mélanomes versus 1% dans la littérature.
Le XP est aussi le plus grand pourvoyeur de mélanomes
de l’enfant dans notre pays.
251
CANCER
D e r m a t o l ogie
Capacité de générer des naevus (ou naevi) atypiques.
Ces derniers sont caractérisés par leur grande taille (> à
6 mm de diamètre), leurs formes ou couleurs irrégulières et
leur siège pouvant se situer en zones non photoexposées.
Une forme particulière est représentée par le syndrome
du naevus atypique, où le nombre de naevi atypiques
dépasse les cinquante. Dans ce contexte, le risque de
développer un mélanome est d’autant plus important qu’il
est associé à un contexte familial de naevus atypiques
et/ou d’antécédents personnel ou familial de mélanome.
Il est important de noter qu’il est inutile de réaliser
des exérèses prophylactiques, le mélanome peut se
développer sur n’importe quelle zone du tégument et pas
seulement sur les naevi atypiques.
Naevus congénitaux : Classiquement, seuls les naevus
congénitaux géants dont la taille dépasse les 20 cm
sont à risque de générer des mélanomes. Cette
transformation peut être observée dans 5 à 15% des
cas, le plus souvent durant l’enfance. Le risque de
dégénérescence sur des naevi congénitaux de petite
taille et de taille intermédiaire est controversé. Une étude
tunisienne en a rapporté des cas.
Exposition solaire
Ce facteur de risque est évoqué devant la forte prévalence
de la maladie chez les sujets de phototype clair exposés
à des climats très ensoleillés (exemple des australiens).
L’exposition aux rayons ultraviolets (UV) est un facteur de
risque prouvé, et ce d’autant plus qu’elle a été intense, à
l’origine de coups de soleil durant l’enfance.
Une exposition continue ou répétée est plutôt incriminée
dans la survenue des mélanomes de Dubreuilh. Les UVA
(320-400 nm) et UVB (280-320 nm) sont tous les deux
incriminés et agissent en créant des mutations au sein
des molécules d’ADN.
Une étude réalisée en 2013 sur 279 patients français a
clairement mis en évidence l’impact de l’exposition
solaire et de la photoprotection conférée par les cheveux
en montrant que chez la femme, le mélanome se localisait
plutôt dans la zone centrale de l’extrémité céphalique
(joues, nez ou menton), alors que chez les hommes, il
était de siège périphérique (tempes, cuir chevelu, oreilles,
cou) (p< 0,0001). D’autre part, lorsque ces mélanomes
étaient au niveau de ces zones périphériques chez la
femme, ils l’étaient sur le côté droit dans 73% des cas,
alors qu’ils étaient dans 58% des cas à gauche chez les
hommes. Une autre étude effectuée en 2014, a montré
un incidence rate ratio (IRR) supérieur chez la population
militaire active par rapport à la population générale : IRR
= 1.62, 95%, confidence interval = 1.40-1.86
Enfin, il est à noter que les UV artificiels des cabines de
bronzage sont aussi dangereux que les UV naturels.
Traumatismes
Ils sont depuis longtemps incriminés dans la survenue
des mélanomes acraux des maghrébins et africains subsahariens, sans que leur rôle en tant qu’inducteurs ou
révélateurs de la maladie n’ait jamais pu être démontré.
Plus récemment, une possible relation dose-effet entre
traumatismes répétés et progression tumorale a été
avancée, impliquant les cytokines secrétées lors de la
cicatrisation ou encore le relargage des cellules tumorales
dans la microcirculation.
Immuno-dépression
Constitue, quelle qu’en soit la cause, un facteur de risque.
Les sujets les plus à risque de développer un mélanome sont donc
Les personnes de phototype clair (couleur claire de la peau et des cheveux, cheveux roux, éphelides taches de
rousseurs), bronzant peu et brulant facilement à chaque exposition solaire
Les personnes ayant de nombreux naevi atypiques et ce d’autant plus qu’il existe des antécédents
personnels ou familiaux de mélanome
Les personnes ayant déjà fait un mélanome
Les personnes ayant des antécédents familiaux de mélanome, surtout
s’il s ‘agit d’une parenté de 1er degré
Les enfants ayant un naevus congénital géant
Les sujets fortement exposés au soleil avec coups de soleil fréquents, surtout dans l’enfance
Tableau II
252
CANCER
Aspects cliniques
Les mélanomes surviennent de novo dans 75% des
cas. Ils proviennent de la dégénérescence d’une lésion
préexistante dans 20-30% des cas, en sachant que le
risque de transformation d’un naevus dans une vie est
estimé à 0,03%.
Principales formes
Figure 1 : Histoire naturelle du mélanome et de ses différentes formes
anatomocliniques (extrait du Précis de dermatologie - 5ème édition)
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CANCER
D e r m a t o l ogie
Le mélanome superficiel extensif (SSM :
superficial spreading melanoma) : (Fig. 2, 3, 4, 5)
Il survient plus fréquemment chez les sujets de 40 à 50
ans, avec une prédilection d’atteinte du dos chez les
sujets de sexe masculin et des membres inférieurs chez
les sujets de sexe féminin.
Qu’il soit de novo ou sur naevus pré-existant, ce type
de mélanome se caractérise par une évolution en 2
phases. La première radiale ou horizontale va permettre
à la lésion d’évoluer lentement sur des mois voire des
années, parallèlement à la membrane basale, avant que
son évolutivité n’accélère lors de la deuxième phase dite
de croissance verticale. La membrane basale est alors
traversée et le risque d’emboles métastatiques devient
très important même pour une très petite épaisseur de
tumeur.
Sur le plan sémiologique, il s’agit d’une lésion pigmentée
dont le caractère de malignité est recherché par le
classique « ABCDE »:
A : Asymétrie
B : irrégularité des Bords, souvent encochés ou polycycliques
C : Couleurs inhomogènes (du brun au noir, bleu,
zone dépigmentée, érythème), alors qu’en pratique, les
patients sont plutôt alarmés par une lésion très foncée.
D : Diamètre supérieur à 6 mm
E : Extension en surface ou évolutivité récente
remarquée par le patient ou son entourage. L’évolutivité
peut concerner outre la taille, la couleur et/ou le relief.
Un saignement ou un prurit peuvent également être
rapportés.
Une lésion qui présente un ou plusieurs de ces critères
est très suspecte d’un mélanome en phase radiale
lorsqu’il s’agit d’une macule, alors que la présence en son
sein d’un nodule évoque un passage à la phase verticale.
Cette règle n’est toutefois pas applicable chez les patients
dont les naevi sont en majorité « inquiétants ». Dans ce
cas, c’est le naevus qui ne ressemble pas aux autres qui
devra être pris en considération. Il s’agit du signe du «
vilain petit canard ».
Le mélanome superficiel extensif est de meilleur pronostic
que le mélanome nodulaire, mais à épaisseur égale, le
taux de survie dans les deux formes devient similaire.
Figure 2 : Mélanome de type SSM : Macule
Figure 4 : Même patient en dematoscopie :
pigmentée de la cuisse, éléments d’orientation :
Survenue récente chez une patiente de 37 ans ;
irrégularité de forme et de la pigmentation, taille > 6 mm
Pigmentation épaisse envahissant les ostiums
folliculaires
Figure 3 : Mélanome de type SSm : Macule
pigmentée, asymétrique, bords irréguliers et
encochés, diamètre > 6 mm et évolutivité
Figure 5 : Mélanome SSM superficiel vu
254
CANCER
en dermatoscopie : Notons la présence
de pseudopodes disposés de façon irrégulière
à certains niveaux de la bordure de la lésion
Mélanome acrolentigineux (Fig. 7, 8)
Rare en occident où il représente 2 à 8% des cas, il s’agit
de la forme la plus observée au Maghreb et en Afrique
subsaharienne (49,3% au Maroc, 100% au Mali, 62%
en Côte d’Ivoire, 76% en Algérie). La marche pieds nus
a été longtemps incriminée mais cette prédominance
s’est maintenue jusqu’à présent, longtemps après
l’introduction du chaussage dans les sociétés africaines.
Cette prédominance a également été retrouvée chez les
noirs d’Amérique.
Figure 6 : Mélanome acrolentigineux du talon : Placard pigmenté
de grande taille et de limites irrégulières avec zone ulcérée de la
composante verticale
Chez des sujets âgés en moyenne de 50 à 60 ans, la
lésion se présente sous forme d’une macule brune à noire,
à bords irréguliers, siégeant volontiers sur le talon ou la
région péri-unguéale et évoluant également en 2 phases,
la phase verticale étant suspectée sur la présence d’un
nodule ou d’une ulcération.
De par sa localisation fréquemment cachée de la vue des
patients, son diagnostic en est souvent fait à un stade tardif.
Figure 7 : Mélanome acrolentigineux
au stade de tumeur mamelonnée.
La pigmentation visible à certains
niveaux de la bordure permet
d’orienter vers le mélanome
Figur e 8 : A s p e c t e n d e r m a t o s c o p i e : Pi g mentation orientant vers l’origine mélanique.
Multiples couleurs et vascularisation atypique
orientant vers la malignité
Mélanome de Dubreuilh (Fig. 9)
Il représente 5 à 10 % des mélanomes et présente de
nombreuses particularités par rapport aux autres formes
cliniques de mélanome :
Atteinte des zones photo-exposées, essentiellement le
visage (tempes et régions malaires ++)
Survenue chez les sujets de plus de 60 ans, plus
fréquemment de sexe féminin et ayant été exposés à un
rayonnement solaire chronique
Couleur généralement plus claire de la lésion (chamoix à
bistre) mais pouvant chez certains être brune ou même noire
Extension progressive et lente sur de nombreuses
années, aboutissant à une plaque parfois de plusieurs
centimètres de diamètre, à contours irréguliers,
bien limités et polycycliques. Sa surface est lisse ou
légèrement mamelonnée.
En revanche, l’apparition d’un nodule ou d’une ulcération
est là encore le témoin de l’évolution vers la phase verticale.
Figure 9 : Mélanome de Dubreuil de la joue : Placard
pigmenté de plusieurs centimètres, pigmentation et forme
irrégulières. Nodule témoignant de la phase verticale
255
CANCER
D e r m a t o l ogie
Mélanome nodulaire
Il représente 15 à 30 % des mélanomes mais en est la
forme la plus agressive puisqu’il présente une évolution
d’emblée verticale avec un risque d’invasion métastatique
rapide en quelques semaines ou mois. Les sujets de sexe
masculin de 50 à 60 ans sont plus souvent concernés
par cette forme clinique qui les atteint plus à l’extrémité
céphalique ou au tronc.
Cliniquement, il s’agit d’un nodule brun ou noir généralement homogène, de forme arrondie ou encore
surmonté d’une ulcération. La principale difficulté
diagnostique dans cette forme est rencontrée lorsque la
lésion est achromique, faisant plus évoquer un granulome
pyogénique, un carcinome basocellulaire ou un naevus
dermique.
Autres formes cliniques
Mélanome unguéal (Fig. 10, 11)
L’apparition ou la modification récente
La largeur supérieure à 4 mm et surtout l’élargissement
en allant vers la racine de l’ongle; ce qui témoigne de l’extension du processus
Bandes multiples sur un seul ongle avec une irrégularité
dans les épaisseurs des différentes bandes et dans les
distances séparant les unes des autres (photos). En
revanche, l’existence des bandes mélanonychiques sur
plusieurs ongles est plus rassurante et peut être d’origine
raciale ou iatrogène.
Débord de la pigmentation sur la peau péri-unguéale,
également dénommé signe de Hutchinson.
En pratique, au moindre doute, il ne faut pas hésiter à
réaliser une biopsie de l’appareil unguéal.
L’évolution spontanée du mélanome au niveau de cette
localisation se fait vers la dystrophie de l’ongle voire sa
destruction ou vers une tumeur ulcérée.
Figure 10 : Mélanome unguéal : Bandes mélanonychiques
Figure 11 : Mélanome unguéal : Même patiente vue en der-
de couleur, épaisseur et espacement irréguliers + élargissement de la pigmentation en allant vers le bord proximal de
l’ongle (Coll Pr FZ. Belgnaoui)
matoscopie (Coll Pr FZ. Belgnaoui)
Il atteint volontiers le pouce et le gros orteil, sous l’aspect
d’une mélanonychie ou bande pigmentée. Les signes
d’orientation sont :
D’autres diagnostics peuvent être évoqués devant
une pigmentation unguéale : hématome sous unguéal,
pigmentation ethnique
Figure 12 : Pigmentation raciale : régularité des bandes
par rapport au mélanome, ancienneté, stabilité et atteinte
polydactylique fréquente (Coll Pr FZ. Belgnaoui)
256
CANCER
Mélanome des muqueuses : Observé dans 5% des
cas. Il peut toucher les muqueuses buccale, nasale,
génitale ou ano-rectale. De diagnostic souvent tardif, le
pronostic est généralement très sombre
Mélanome de l’enfant :
Il représente 0,5% des
mélanomes et survient généralement sur naevus congénital géant ou sur terrain de xéroderma pigmentosum
Mélanome métastatique de primitif inconnu :
il
peut s’agir de métastases cutanées, ganglionnaires ou
viscérales d’un mélanome méconnu car ayant été détruit
(sans analyse histologique), régressé ou encore siègeant
sur une muqueuse.
Mélanome achromique (Fig. 13, 14) : Il fait partie
des formes les plus redoutables à cause du retard
diagnostic qu’il induit. Il se présente habituellement sous
forme d’un nodule rosée peu spécifique. Trouver une
pigmentation en périphérie permet de le rattacher à une
lésion mélanocytaire mais dans tous les cas, il ne faut pas
hésiter à le biopsier au moindre doute.
Figure 13 : Mélanome achromique plantaire
Figure 14 : Mélanome achromique plantaire en dermatoscopie :
vascularisation atypique et voile bleuté
Diagnostic positif
ou encore chronique et répétée lors d’activités
professionnelles ou de loisir, l’apparition ou la modification
récente d’une lésion pigmentée (lorsqu’elle est remarquée
par le ou la patiente).
Il est posé devant un faisceau d’arguments cliniques et
anatomo-pathologiques.
Clinique
Interrogatoire : A la recherche d’antécédents de
mélanomes personnel ou familial, la notion d’exposition
solaire intempestive, notamment durant l’enfance
Examen clinique : Il permet de retrouver des aspects
classiquement décrits ou d’autres moins typiques. Cet
examen clinique est aussi l’occasion d’évaluer l’état locorégional et général, à la recherche notamment de lésions
satellites ou « en transit ».
257
CANCER
D e r m a t o l ogie
Dermatoscopie (Fig. 15) : Il s’agit d’une technique non
invasive qui a été développé depuis quelques années
dans le but d’améliorer la sensibilité du diagnostic
clinique de mélanome qui est ainsi passé de 70% à 89%.
Son principe est d’utiliser un système optique permettant
un grossissement de la lésion cutanée de x10 à x80 en
interposant ou pas une goutte d’huile, en fonction du
type de lumière utilisée, polarisée ou non. Initialement
mise au point pour permettre de faire la distinction entre
lésions mélanocytaires ou non mélanocytaires, elle est
actuellement d’un grand apport pour aider le médecin
à distinguer une lésion naevique bénigne d’une lésion
suspecte de malignité. Sa performance dépend fortement
de l’expérience du manipulateur, l’obligeant ainsi à se
former à une sémiologie spécifique assez complexe.
Microscopie confocale in vivo : Il s’agit d’une nouvelle
technique d’imagerie cutanée non invasive. Elle permet
de visualiser l’épiderme et le derme superficiel avec une
résolution cellulaire. Le but étant d’aider le praticien pour
établir le diagnostic du mélanome. La sensibilité pour le
diagnostic de mélanome de Dubreuilh a ainsi atteint dans
certains cas les 100% avec une spécificité de 90%. La
microscopie confocale sert aussi au suivi pour la détection
des sites de récidives.
Télédermatologie : C’est une discipline en pleine
expansion dans certains pays comme la nouvelleZélande, l’Australie et l’Angleterre. Elle est basée sur
le principe d’envoie de la photographie de la lésion
suspecte à une plateforme pour être analysée par des
experts, permettant ainsi au praticien une collégialité
dans la décision thérapeutique. En Espagne, cette
méthode a permis une réduction du Breslow au moment
du dépistage.
Le principe a par la suite été vulgarisé par la mise au
p oi n t de r éc ent es a p p l i c a ti o n s p o u r s ma rtp hones
permettant aux praticiens mais également aux patients
tout venant de diagnostiquer un mélanome parmi ses
lésions pigmentées. Cette méthode s’est révélée pour
l’heure peu sensible et manque de cadre légal
Données anatomo-pathologiques
L’examen anatomo-pathologique permet le diagnostic positif
et l’appréciation des facteurs pronostiques. Il guide la
prise en charge thérapeutique. Actuellement, il fournit
aussi le matériel tissulaire nécessaire pour les examens
de biologie moléculaire. Ainsi, toute lésion suspecte
de mélanome doit être excisée en vue d’un examen
histopathologique.
Techniques et moyens d’étude
Cytodiagnostic, utile dans les tumeurs ulcérées ou
suintantes,
258
CANCER
Figure 15 : Dermatoscope
Pièce d’exérèse, doit être complète (proscrire les
biopsies partielles sauf au niveau des ongles ou en cas
de tumeur de très grande taille en vue de mettre en place
une stratégie thérapeutique après le diagnostic positif).
Examen extemporané, aucune indication sauf pour le
ganglion sentinelle.
Ganglions régionaux et ganglion sentinelle
Le principe du ganglion sentinelle est de réaliser
l’exérèse du premier relai de drainage lymphatique du
mélanome dans le but de dépister les micro-métastases
chez les patients ayant des ganglions palpables
cliniquement et de leur proposer, en plus d’un curage, un
traitement adjuvant.
La nouvelle classification de l’American Joint Comite
on Cancer (AJCC) qui est entrée en vigueur en 2002
comprend les données obtenues lors de l'examen du
ganglion sentinelle : le nombre de ganglions métastatiques
représente le meilleur indicateur de survie à dix ans lors
de ganglion sentinelle positif.
Immunohistochimie, d’une aide précieuse pour le
diagnostic positif et différentiel :
Anti-PS100 : Très sensible mais non spécifique.
Anti-HMB45 et Melan-A : plus spécifiques mais ne
marquent pas tous les mélanomes.
Anti-MiTF et anti-Tyrosinase : non spécifiques.
- Sensibilité : PS100 >Melan-A > HMB-45
- Spécificité : Melan-A et HMB-45
Classification histologique : La classification des
mélanomes repose sur l’architecture de la composante
latérale intra épidermique et sur le contexte cutané.
La composante mélanocytaire latérale est le témoin
histologique du développement d’abord horizontale (intraépidermique, au-dessus de la membrane basale) des
mélanomes. Dans une seconde phase, l’extension est
« verticale » avec envahissement du derme superficiel
(phase micro-invasive), puis du derme profond et de
l’hypoderme (phase invasive).
Mélanome avec composante latérale intra-épidermique
Mélanome a extension superficielle : SSM (superficial
spreading melanoma) : 50 - 60 % des cas,
Composante latérale de type pagétoïde (les cellules
tumorales prolifèrent sous forme de cellules globuleuses
isolées ou en thèques dispersées dans toute l’épaisseur
de l’épiderme) et ceci quelque soit la nature de la peau.
Mélanome sur mélanose de Hutchinson-Dubreuilh
(HMF-M/LMM) : 12% des cas, composante latérale
de type lentigineuse (multiplication des mélanocytes
dans l’épiderme sous forme de cellules isolées le long
de la basale),contexte de peau sénile, avec dommage
actinique.
Mélanome acrolentigineux : ALM/MLM : 13% des cas
de mélanome palmo-plantaire, péri unguéal et des
muqueuses : composante latérale de type lentigineuse.
Contexte : peau glabre ou muqueuse.
Mélanome avec composante latérale inclassable : 10%
des cas. La composante latérale est impossible à classer
dans l’une des 3 catégories sus-citées.
Mélanome sans composante latérale intra épidermique :
< 10% des cas. Mélanome nodulaire (MN) : pas de
composante latérale car le mélanome se développe
d’emblée de façon verticale vers le derme.
Mélanose / mélanome de Dubreuilh
Début : stade horizontal intra épidermique, stade de
«Mélanose» : prolifération mélanocytaire lentigineuse
atypique
Puis apparition de thèques horizontales avec extension
aux infundibulums pilaires
Puis envahissement du derme papillaire (souvent
Cellules fusiformes)
Mélanome acral lentigineux (ALM)
Hyperplasie épidermique
Prolifération mélanocytaire lentigineuse atypique avec
de longs dendrites
Composante invasive : extension aux canaux sudoraux
avec coulées périvasculaires
Mélanome nodulaire
Pas de composante intra-épidermique latérale
Co m p o s a n t e d e r m i q u e t r è s i n v a s i v e f a i t e d ’ u ne
population mélanocytaire polyclonale (grandes cellules
globoïdes, plages fusocellulaires…), pigmentée ou
achromique avec mitoses nombreuses et stroma-réaction
inflammatoire d’intensité variable (fig. 17) .
Mélanome inclassable
Aspects histologiques : Le diagnostic histologique
du mélanome repose sur des critères architecturaux et
cytologiques qui permettent de le distinguer d’une tumeur
naevique bénigne.
Les critères architecturaux : observés au faible grossissement. La nature maligne d’une lésion naevique, est
évoquée devant :
Asymétrie de la lésion
Mauvaise délimitation latérale
Thèques mélanocytaires épidermiques confluentes,
variables en taille et forme, disposées de façon
désordonnée (« pontage »)
Prédominance de mélanocytes isolés intra-épidermiques, disposés de façon désordonnée
Composante dermique invasive sans gradient de
maturation
Figure 16 : (HE, Gx40)
Les critères cytologiques : observés au fort grossissement
Pléomorphisme nucléaire.
Nucléole proéminent
Mitoses atypiques
Pigment mélanique poussiéreux, verdâtre ou brunâtre.
Formes histologiques classiques
Mélanome à extension superficielle (SSM)
Prolifération intra-épidermique de mélanocytes atypiques,
isolés ou groupés en thèques
Migration intra-épidermique pagétoide (fig. 16).
Composante invasive polyclonale au sein d’un stroma
inflammatoire
Figure 17 : (HE, GX100)
259
CANCER
D e r m a t o l ogie
Formes inhabituelles des mélanomes
Aspect clinique particulier : achromique, verruqueux,
de petite taille (< 6mm), multiples.
A cytologie particulière : ballonisantes, bagues à chatons,
rhabdoïdes, fusiformes.
A stroma particulier : desmoplastique, myxoïde, squelettogène.
Sur naevus préexistant : congénital ou acquis.
Mélanome régressif : disparition spontanée totale ou
focale des mélanocytes tumoraux dans le derme et/ou
l’hypo et /ou l’épiderme, ce qui peut poser d’énormes
problèmes de diagnostic positif.
Éléments pronostiques des mélanomes cutanés
Critères principaux obligatoires dans le compte rendu :
Niveau d’invasion selon Clark (fig. 18)
Il permet d'évaluer le pronostic du mélanome en fonction
du niveau d'invasion du derme. Cinq niveaux sont
distingués :
- Niveau 1 : Mélanome intraépidermique (mélanome
« in situ »)
- Niveau 2 : Invasion partielle du derme papillaire (DP)
sans atteindre l’interface DP/DR (derme réticulaire)
- Niveau 3 : Comblement du derme papillaire ou appui
des cellules sur l’interface DP-DR.
- Niveau 4 : Infiltration du derme réticulaire
- Niveau 5 : Invasion de la graisse hypodermique
Figure 18 : (niveau d’invasion de Clark)
260
CANCER
Epaisseur maximale selon Breslow
Sur coupe histologique colorée standard avec un micromètre oculaire étalonné, elle correspond à l'épaisseur
tumorale maximale : mesure verticale depuis la couche
granuleuse épidermique la plus superficielle jusqu’à la
cellule tumorale la plus profonde (fig. 4)
- Mesurée depuis le fond de l’ulcération en cas de
mélanome ulcéré.
-
Ulcération : de grande valeur pronostique (après
l’épaisseur)
- Corrélée à l’épaisseur et l’activité mitotique.
- Se définit par une interruption microscopique plus ou
moins étendue de l’épiderme par la tumeur.
Régression : Se définit par la disparition spontanée
totale ou focale des mélanocytes tumoraux dans le
derme et/ou l’hypo et /ou l’épiderme. Elle sous-estime le
pronostic réel.
Phase de croissance : Horizontale et verticale. Permet
de distinguer parmi les mélanomes superficiels et minces
ceux qui sont de bon pronostic (en phase horizontale) et
ceux qui sont de mauvais pronostic (en phase verticale)
Figure 19 (Epaisseur maximale selon Breslow)
Critères accessoires
- Type histologique : meilleur pronostic des mélanomes
de Dubreuilh
- Activité mitotique : mauvais pronostic si ˃1 mitose/
champ au G×40
- Profil tumoral : mauvais pronostic pour les lésions
polypoïdes et bon pour les planes
- Type cellulaire : mélanome fusocellulaire pur est de
meilleur pronostic
- Pigment mélanique : le mélanome achromique serait
de plus mauvais pronostic.
Éléments du compte rendu
- Type histologique
- Niveau de Clark et Mihm
- Epaisseur selon Breslow
- Ulcération
- Index mitotique
- Infiltrat lymphoïde : densité, topographie
- Existence ou non de zone de régression
- Existence ou non d’emboles vasculaires et d’envahissement nerveux
Classification TNM (AJCC/UICC 7th edition, 2009)
pTx : la tumeur primitive ne peut être évaluée
PT0 : pas de tumeur primitive identifiable
pTis : mélanome in situ
PT1 : mélanome ≤ 1mm d’épaisseur
a : sans ulcération, ˂ 1 mitose/mm2
b : avec ulcération et/ou au moins 1 mitose/mm2
- PT2 : mélanome >1 ≤ 2mm d’épaisseur
a : sans ulcération
b : avec ulcération
- PT3 : mélanome >2 ≤ 4mm d’épaisseur
a : sans ulcération
b : avec ulcération
-
-
PT4 : mélanome ˃ 4mm d’épaisseur
a : sans ulcération
b : avec ulcération
Biologie moléculaire des mélanomes
Les deux principales voies oncogéniques impliquées
dans les mélanomes sont la voie B-Raf et la voie C-kit ;
elles sont exclusives.
Voie RTK – Ras – B-Raf
Voie activée de façon permanente, hyperactivée dans
les tumeurs à cause de mutations somatiques des
protéines impliquées
- Mutation en aval du RTK
- 40-50% des patients sont B-Raf mutés
- 90% des mutations concernent le gène V600E (les
autres sont moins fréquentes et moins actives)
Voies C-kit
- C-kit est un RTK particulier
- 2-6% des mutations des mélanomes malins
- Voie surtout hyperactive dans les sites acro-lentigineux
(10-20%)
Autres voies
- Voies de CDKN2A / p16 : impliquée dans le contrôle du
cycle cellulaire
- Voie β-caténine / MITF : impliquée dans le développement et la survie des mélanocytes
Classification moléculaire et cytogénétique des
mélanomes
-
Basée essentiellement sur le type d’exposition solaire :
Exposition solaire intermittente : mutation B-Raf,
mélanome à extension superficielle (SSM)
E xposi ti on sol ai re chroni que (C S D : chronic sun
disease) : mutation C-kit, mélanome de Dubreuilh
Exposition solaire faible : mutation de C-kit ou B-Raf,
mélanome acro-lentigineux
Diagnostics différentiels
Le diagnostic différentiel se fera avec les autres lésions
pigmentées.
Lésion d’origine mélanocytaire
Naevus irrégulier ou atypique, surtout s’il est isolé,
Naevus traumatisé ou folliculite sous-naevique : à
l’origine d’un saignement et/ou de signes inflammatoires
locaux ou loco-régionaux. Ces modifications, quoique
généralement très inquiétantes pour le patient, sont très
rapidement régressives sous traitements cicatrisants ou
antibiotiques.
Lésion d’origine non mélanocytaire
Carcinome basocellulaire pigmenté ou tatoué. Très
fréquent sur zones photoexposées de personnes
de phototype clair et se caractérise par une bordure
surélevées par des perles translucides.
Kératoses séborrhéiques. Ressemblent à des lésions
«comme» posées sur la peau, à bordure nette et à surface
mate et verruqueuse, criblée de bouchons kératosiques.
Histiocytofibromes pigmentés, donnant à la palpation
un aspect de pastille indurée. Leur stabilité clinique, leur
bordure nette et leur symétrie sont autant d’éléments
rassurants.
261
CANCER
D e r m a t o l ogie
Granulome pyogénique, qui réalise une petite tumeur
inflammatoire, saignant au moindre contact. La distinction
clinique avec un mélanome achromique peut être difficile
si aucune notion de traumatisme antérieur de cette zone
n’est rapportée par le patient.
Hémangiomes thrombosés qui peuvent simuler un
mélanome nodulaire.
Hématome sous-unguéal : peut prêter à confusion avec
un mélanome unguéal à moins de retrouver les caractères
évocateurs : survenue brutale, notion de traumatisme
(même si le patient n’en garde pas toujours le souvenir),
absence de signe de Hutchinson et évacuation facile du
sang après percement de la tablette de l’ongle.
Profil évolutif de la maladie et pronostic
L’évolution spontanée du mélanome se fait vers :
Les métastases
La gravité du mélanome est liée au fait que ce risque
est très élevé chaque fois que la membrane basale est
traversée par les cellules tumorales. Les métastases
peuvent se faire par voie lymphatique ou hématologique,
et sont subdivisées en :
Micrométastases ganglionnaires régionales dont l’identification ne peut se faire que par la méthode du ganglion
sentinelle. La survie à 10 ans est de 30 à 70%.
Métastases cutanées satellites : lorsqu’elles se trouvent
dans un périmètre inferieure à 2 cm de la lésion initiale.
Métastases cutanées en transit : pouvant aller d’une
zone se trouvant dans un périmètre à 2 cm de la lésion
primitive au premier site de drainage ganglionnaire
(métastases en transit). Survie à 10 ans de 30 à 50%
dans le cas des métastases satellites et en transit.
Métastases ganglionnaires régionales. Survie à 10 ans
de 20-40%.
Métastases viscérales pouvant toucher n’importe quel
organe mais avec une prédilection pour le poumon, le
système nerveux central, le foie et l’os. Elles entrainent
généralement le décès après un délai de 6 à 9 mois.
La survenue d’un second
mélanome primitif
Ce risque est de l’ordre de 5-8%.
Les récidives
Les récidives après traitement sont étroitement liées à
l’indice de Breslow.
Bilan d’extension, classification et suivi
Classification et pronostic
L’étude histopathologique de la lésion et le bilan
d’extension initial éventuellement complété par l’étude du
ganglion sentinelle, permettent de définir le stade de la
maladie.
Classification TNM des mélanomes (AJCC 2009)
Classification T
épaisseur (Breslow)
Tis
mélanome in situ
Tx
épaisseur non déterminée
T1
< ou = à 1 mm
Ulcération/ mitoses
a : sans ulcération et mitoses < 1/ mm2
b : avec ulcération ou mitoses >ou= 1/mm2
T2
1,01- 2 mm
a : sans ulcération
b : avec ulcération
T3
2,01- 4,00 mm
a : sans ulcération
b : avec ulcération
T4> 4 mm
a : sans ulcération
b : avec ulcération
Tableau III : Classification TNM
262
CANCER
Classification N
Nombre de ganglions envahis
N1
N2
N3 > ou =
ou
ou
ou
Invasion métastatique
1 seul ganglion envahi
a : micrométastase
b : macrométastase
2 à 3 ganglions envahis
a : micrométastase
b : macrométastase
c : métastases en transit/nodules satellites sans envahissement ganglionnaire
4 ganglions envahis
masse polyganglionnaire
métastases en transit/nodules
satellites avec ganglions envahis
Classification M
Site des métastases
M1a
M1b
M1c
Taux sérique de LDH
Cutané, sous-cutané ou ganglionnaire
au delà de l’aire ganglionnaire régionale
Normal
Pulmonaire
Normal
Toutes métastases à distance
Augmenté
Micro-métastases : métastases ganglionnaires décelées à l’examen anatomopathologique du ganglion sentinelle
tandis que le ganglion n’est pas palpable.
Macro-métastases : ganglion cliniquement palpable (et/ou d’allure tumorale à l’échographie ganglionnaire) et
métastatique
Tableau III : Classification TNM
Stades anatomiques selon la classification AJCC 2009
Stade I :
Mélanome localisé (N0M0) à faible risque évolutif
- IA
T1a
- IB T1b ou T2a
Stade II :
Mélanome localisé (N0M0) avec risque de rechute
- IIA T2b ou T3a
- IIB T3b ou T4a
- IIC T4b
Stade III :
Mélanome avec atteinte ganglionnaire régionale (N+M0)
- IIIA N1a ou N2a (mélanome non ulcéré T1- T4)
- IIIB
N1a ou N2a (mélanome ulcéré T1- T4b)
N1b ou N2b (mélanome non ulcéré T1- T4a)
N2c (mélanome ulcéré ou non T1- T4a/b)
- IIIC N1b ou N2b (mélanome ulcéré T1- T4b)
N3 (mélanome ulcéré ou non)
Stade IV :
Mélanome avec métastases au delà du 1er relai ganglionnaire régional (M+)
Tableau IV : Stades anatomiques selon la classification AJCC 2009
Le pronostic est essentiellement en rapport avec les caractéristiques histopathologiques de la lésion : indice de
Breslow, présence d’une ulcération, taux de mitoses et
indice de Clark. Ces deux derniers arguments sont pris
en considération seulement dans les cas où la tumeur a
moins d’1 mm d’épaisseur.
263
CANCER
D e r m a t o l ogie
Risque de récidive
Risque d’être décédé
5 ans plus tard
Risque d’être décédé
10 ans plus tard
Mélanome primitif, après exérèse
- intra-épidermique 0%-- Breslow : 0,20- 0,75mm<10%<5%<5%
- Breslow : 0,75- 1,5 mm
20%
10%
15%
- Breslow : 1,5- 4 mm
40%
30%
40%
- Breslow : > 4 mm
70%
40%
50%
Mélanome régional, après curage
- 1 adénopathie +
- > 4 adénopathie +
70% > 80%
> 70%
50%
> 80%
> 60%
Tableau IV : Risque de récidive et risque de décès à 5 et 10 ans (à titre informatif)
D’autres facteurs pronostic cliniques sont à noter : l’âge avancé, sexe masculin, atteinte
du tronc et de l’extrémité céphalique
Place de l’imagerie médicale
Échographie de contraste
Le staging actuel du mélanome souligne l’importance de
l’atteinte ganglionnaire, de l’épaisseur et de l’ulcération de
la tumeur primaire. L’échographie ganglionnaire est plus
fiable pour dépister les envahissements loco-régionaux,
ce qui a un intérêt potentiel, car ils sont chirurgicalement
curables.
Elle est indiquée dans la récidive locorégionale, non
opérable de mélanome du membre initialement atteint
(le plus souvent sous forme de nodules en transit) sans
métastase à distance. Elle sera réalisée dès J+1 après
traitement des patients « non répondeurs » afin de leur
proposer rapidement un nouveau traitement. Elle permet
de détecter et quantifier les modifications précoces de la
perfusion tumorale après chimiothérapie.
Échographie
L’échographie est fiable dans la détection des ganglions
envahis. La sémiologie échographique du ganglion
métastatique est celle d’un ganglion hypertrophié,
sphérique, très hypoéchogène, avec perte du hile hyperéchogène. Le seul signe doppler intéressant est la
disparition des vaisseaux hilaires et parfois une perfusion
périphérique. L’échographie est également fiable pour
la détection de métastases en transit (visibles dès 3
mm, car très hypoéchogènes). Des signes plus subtils
ont été décrits (nodule hypoéchogène au sein d’un
ganglion normal, hile excentré, épaississement cortical
asymétrique). Les aires ganglionnaires explorées correspondent aux deux premiers relais ganglionnaires, en étant
plus large et bilatéral pour les mélanomes de la tête et du
tronc. Cette échographie est réservée aux mélanomes de
stade II et III.
Si le ganglion est échographiquement envahi, une biopsie
chirurgicale confirme le diagnostic avant curage (après
repérage par un harpon si le ganglion n’est pas palpable).
Si le ganglion est échographiquement douteux, un
contrôle échographique à quatre semaines est demandé
et une cytoponction peut être proposée.
264
CANCER
Scanner
Les métastases du mélanome peuvent siéger n’importe où.
Elles sont volontiers hypervascularisées, d’où la nécessité
de réaliser des scanners triphasiques comportant un
temps artériel à l’étage thoracique, abdominal et pelvien,
pour augmenter leur fiabilité.
La détection systématique de métastase(s) cérébrale(s) est
importante, car elle induit un changement de chimiothérapie
+/- une radiothérapie stéréotaxique. Le scanner s’impose
par sa résolution spatiale à l’étage pulmonaire.
IRM
Il est réalisé sur l’ensemble du corps une séquence
pondérée T2 STIR (Short Tau Inversion Recuperation),
une séquence d’écho planar avec gradient de diffusion
(DW EPI) et une séquence 3D pondérée T1 après injection
de chélate de gadolinium.
Les métastases, riches en mélanine, ont une sémiologie
IRM évocatrice (hypersignal T1 et hyposignal en T2), les
métastases cérébrales sont souvent multiples et souspiales.
L’IRM est supérieure au scanner et au Pet scan pour
les localisations osseuses, hépatiques et cérébrales.
La séquence de diffusion est particulièrement sensible
dans la recherche des adénopathies et des lésions des
parties molles. L’IRM corps entier est en passe de devenir
l’examen de base dans le bilan d’extension.
Le Pet scan
Le Pet scan au 18FDG a un rôle important à jouer dans
la prise en charge du mélanome, mais elle ne doit pas
être utilisée dans toutes les situations. C’est un examen
intéressant chez les patients porteurs d’un mélanome
à risque métastatique élevé (Breslow sup à 1,5mm)
ou dans le bilan d’opérabilité des patients de stade III
ganglionnaire et IV : bilan avant curage ganglionnaire (sauf
dans le cadre où seule une micrométastase du ganglion
sentinelle est retrouvée) et bilan d’extirpabilité d’une
métastase viscérale unique. Il permet de rechercher des
métastases occultes à distance et d’éviter une chirurgie
inutile qui n’apportera aucun gain de survie à des patients
déjà polymétastatiques.
Le Pet scan est moins sensible que la TDM pour la
détection des petites métastases pulmonaires, et moins
sensible que l’IRM pour les métastases cérébrales. En
l’occurrence, il est plus sensible pour la détection des
métastases dans le médiastin, la région abdominale,
la peau, les aires ganglionnaires, les muscles et les
os. Les faux positifs sont représentés par les lésions
inflammatoires, notamment les sites opératoires récents
et les tumeurs bénignes.
Le Pet scan au 18FDG a aussi un intérêt pour confirmer
ou infirmer la malignité d’une lésion douteuse, en tenant
compte des possibilités des faux positifs et des faux
négatifs. Il peut également permettre en cas de lésions
douteuses profondes peu accessibles à un diagnostic
histologique, de trouver des lésions hypermétaboliques
plus superficielles. Enfin, le pet scan, n’est pas indiqué
pour l’évaluation de la réponse aux thérapies systémiques,
hors protocoles de recherche clinique.
Indications de l’imagerie selon
les recommandations de pratiques
cliniques de 2005
Stade I
Aucun examen d’imagerie complémentaire n’est à
réaliser en dehors de signes d’appel.
Stades IIA et IIB
Le bilan est optionnel. Il est fait sur avis spécialisé
et repose sur une échographie locorégionale de la zone
de drainage tous les 3 à 6 mois pendant les 5 premières
années.
Aucun autre examen d’imagerie n’est recommandé en
dehors de signes d’appel ou pour les patients recevant un
traitement adjuvant.
Stades IIC et III
Le bilan est optionnel. Il est fait sur avis spécialisé et
repose sur :
Une échographie locorégionale (fig. 20) de la zone
de drainage tous les 3 à 6 mois pendant les 5 premières
années
Une TDM abdomino-pelvienne (fig. 21), cérébrale et
thoracique (fig. 22) et parfois un Pet scan (fig. 23) qui
peuvent être pratiquées pour la recherche de métastases
à distance. Leur fréquence est à adapter au cas par cas
Eventuellement une IRM cérébrale.
Figure 20 : Échographie axillaire au cours de l’évolution d’un mélanome inguinal : Adénomégalies axillaires
265
CANCER
D e r m a t o l ogie
Figure 21 : Même patient : TDM Abdomino-pelvienne en coupes axiales après injection de produit
de contraste : Métastases ganglionnaires : iliaques
externes, iliaques internes, retro péritonéale et inframédiastinales postérieures
266
CANCER
Figure 22 : TDM Thoracique : Métastases parenchymateuses et ganglionnaires
Figure 23 : Pet scanner : Récidive d’un mélanome du dos. Localisations ganglionnaires axillaires et sus
claviculaires droites avec lésion active de la paroi thoracique
267
CANCER
D e r m a t o l ogie
Traitement
Traitement chirurgical
Quelque soit le protocole thérapeutique choisi, la première
étape reste souvent chirurgicale.
Exérèse de la lésion primitive : L’exérèse d’une
lésion cutanée mélanocytaire, suspecte de malignité ou
non, doit à chaque fois que cela est possible être complète
et de pleine épaisseur (on parle de biopsie-exérèse),
afin de pouvoir déterminer de façon fiable sa nature
histologique et, en cas de malignité, de pouvoir déterminer
la profondeur de son envahissement en terme d’indice de
Breslow et de niveau de Clark. De nombreuses études ont
montré la supériorité de cette technique devant les autres
types de biopsie. La biopsie-incision ne sera utilisée que
pour les lésions de grande taille ne permettant pas la
fermeture directe après exérèse, ou pour les localisations
qui nécessitent un procédé de reconstruction complexe.
La biopsie exérèse est alors réalisée avec une marge
péritumorale macroscopique, en zone saine, d’au moins
2 mm pour lecture histologique fine. L’infiltration de
l’anesthésique local doit se faire à l’extérieur de la
ligne d’incision, en intra et sous-dermique pour ne pas
disséminer des cellules tumorales par voie hématogène.
L’incision cutanée doit se faire perpendiculairement à la
peau, au bistouri lame froide pour ne pas détériorer les
berges de la pièce d’exérèse et permettre une bonne
analyse histologique. Les pièces sont orientées et
adressées en anatomo-pathologie.
reprise chirurgicale en cas de malignité. L’examen
extemporané de la lésion primitive est abandonné car
le taux de faux négatifs est trop important. L’envoi en
analyse définitive de la pièce d’exérèse, fixée au formol,
devra être accompagné d’une fiche de renseignements
cliniques qui précisera l’âge, le sexe, le phénotype, les
antécédents personnels et familiaux du patient, le site et
les caractéristiques de la lésion, le dessin de la pièce avec
orientation des berges ainsi que les marges chirurgicales
employées car il se produit une rétraction trompeuse des
berges après fixation.
Exérèse élargie :
Une fois cette exérèse initiale faite
et le diagnostic de mélanome malin confirmé histologiquement, on procédera à une reprise chirurgicale ou
exérèse élargie, en fonction des données histologiques,
afin d’éliminer les éventuelles micrométastases tégumentaires juxta-tumorales. Idéalement, cette reprise se
fera dans la troisième semaine après la biopsie-exérèse,
sans dépasser 2 mois, au risque de modifier le pronostic
de la maladie.
Figure 25 : Reprise chirurgicale d’une cicatrice de mélanome malin de la fesse droite. Marges d’exérèse de 2 cm
Ces marges d’exérèse latérales sont déterminées en
fonction de l’indice de Breslow :
Mélanome in situ (pTis) : marges latérales de 0,5 cm
Breslow < 1 mm : marges de 1 cm
Breslow de 1,01 à 2 mm : marges entre 1 et 2 cm
Breslow de 2,01 à 4 mm : marges de 2 cm
Breslow > 4 mm : marges entre 2 et 3 cm
Figure 24 : Pièce d’exérèse orientée par un fil à 12H
Il est contre-indiqué de fermer la perte de substance par
un lambeau de rotation ou de transposition qui va modifier
l’architecture cutanée et fausser la reprise chirurgicale
éventuelle.
Le patient sera, bien sûr, averti d’une possibilité de
268
CANCER
Pour les localisations difficiles (visage, extrémités), la
possibilité d’appliquer ces marges est appréciée au cas
par cas avec un minimum de 1 cm pour les mélanomes
invasifs.
L’exérèse emporte en profondeur tout le tissu cellulograisseux sous-cutané jusqu’à la structure anatomique
sous-jacente qui est respectée (fascia musculaire,
aponévrose…).
Figure 26 : exérèse en profondeur jusqu’au plan aponévrotique
La fermeture s’effectue si possible en cicatrisation dirigée,
de manière directe ou fait appel idéalement à des greffes
de peau de préférence non amplifiée dans le même temps
opératoire ou secondairement après bourgeonnement du
sous-sol.
Figure 28 : Mélanome malin du talon, exérèse reconstruction par un lambeau neurosural distal
Figure 27 : Cicatrisation dirigée de la perte de substance
après ablation d’un mélanome malin du bord externe du
pied. Résultats à 3 mois
Ces greffes de peau devant être prélevées à distance
de la lésion, en évitant les sites potentiels de métastase
en transit, et cela en particulier pour les membres, où
il faudrait mieux prélever sur le membre controlatéral à
la tumeur. L’utilisation du derme artificiel associé à une
greffe de peau mince permet, quand il est disponible, la
couverture de larges pertes de substance en un temps.
Certaines localisations particulières imposent une prise en
charge différente : les lésions digitales unguéales et sous
unguéales doivent être prélevées en totalité emportant
l’ongle, son lit et la matrice. Les tumeurs invasives, quant
à elles, imposent l’amputation du doigt.
Figure 29 : Amputation du 4ème orteil, siège d’un mélanome malin invasif
Au niveau de la face, il est préférable d’utiliser des
techniques de reconstructions autoplastiques plutôt que
des greffes de peau pour des raisons esthétiques.
269
CANCER
D e r m a t o l ogie
Chirurgie des ganglions régionaux
Il n’y a pas d’indication de curage ganglionnaire prophylactique car il a été prouvé qu’il n’apporte aucun bénéfice
en terme de survie. Selon la localisation de la lésion
primitive et de la présence de ganglion palpable dans
son territoire de drainage, sera indiqué un des curages
suivants :
Le curage inguino-crural : Il emporte l’aponévrose
fémorale superficielle et la crosse de la veine saphène
interne avec tout le tissu cellulo-ganglionnaire en avant
des vaisseaux fémoraux. Il peut être complété, si
nécessaire, le long des vaisseaux iliaques externes
après section de l’arcade crurale ou par une seconde
voie d’abord rétro péritonéale. Il n’est pas recommandé
d’effectuer un curage ilio-obturateur associé en l’absence
d’adénopathie visible au scanner ou de ganglion palpable
en per opératoire (ganglion de Cloquet).
Figure 30 : Curage inguinal, découverte d’une énorme
adénopathie mélanique
Le curage axillaire : Il emporte les ganglions des niveaux
I, II et III de Berg en avant des vaisseaux axillaires et
en particulier les ganglions situés le long de la ligne
axillaire postérieure, au niveau de la partie inférieure de
la paroi thoracique, et le long du nerf thoracique long. Il
doit respecter si possible le pédicule vasculo-nerveux du
muscle grand dorsal ainsi que les muscles pectoraux.
guidée par scintigraphie pré-opératoire et détection peropératoire (fig. 31).
Le curage cervical : Il est fonctionnel emportant les différents groupes ganglionnaires du cou. L’évidemment est
bilatéral si la lésion est médiane. Pour les mélanomes de
l’oreille et de la région temporale, on peut être amené à
réaliser un curage cervical associé à une parotidectomie
superficielle conservatrice du nerf facial.
Technique du ganglion sentinelle : Le mélanome malin
est une tumeur lymphophile. Le statut histologique ganglionnaire constitue par conséquent un facteur pronostique
majeur. Dans la majorité des cas, lors du diagnostic initial,
les patients ne présentent pas de gan-glions palpables
dans l'aire de drainage de la tumeur. En outre, si le curage
systématique en cas de métastases ganglionnaires est un
geste indiscutable dont l'impact positif sur la survie est
aujourd'hui reconnu, à contrario, le curage prophylactique
ne permet de détecter que 15 à 20 % de métastases
occultes, sans aucun effet statistiquement prouvé sur
la survie. De plus la morbidité per et péri-opératoire est
non négligeable. Le consensus actuel préconise donc la
surveillance clinique des aires ganglionnaires. Entre ces
deux attitudes extrêmes que sont la simple surveillance
clinique et le curage ganglionnaire systématique, une
voie médiane s'est dessinée ces dernières années, à
savoir: l'adénectomie fonctionnelle du ganglion sentinelle
270
CANCER
Figure 31 : Repérage préopératoire par scintigraphie du
ganglion sentinelle en acquisition dynamique et statique.
Marquage du ganglion sentinelle pour ablation chirurgicale
Le ganglion sentinelle correspond au premier relais de
drainage lymphatique du mélanome malin. Il est recherché,
prélevé puis analysé histologiquement. Le résultat de son
analyse va conditionner la poursuite ou non du curage
ganglionnaire. La procédure est actuellement fiable et
techniquement reproductible, son intérêt pronostique
est reconnu mais son intérêt thérapeutique est en cours
d’évaluation. Les indications de cette procédure pour le
mélanome malin sont un indice de Breslow supérieur à 1
mm et inférieur à 4 mm, une ulcération ou des signes de
régression clinique, une absence d’adénopathie suspecte
cliniquement (N0) et un âge supérieur à 18 ans.
Les recommandations actuelles proposent un curage
ganglionnaire régional chez les patients cliniquement N1
ou plus ou chez les patients dont le ganglion sentinelle
est positif.
Traitement oncologique
Radiothérapie
La radiothérapie est un traitement efficace pour les
patients atteints de mélanome.
Radiothérapie adjuvante
Elle permet de réduire le taux de récidive locale. L'impact
est observé chez les patients qui ont une maladie
régionale à haut risque mais sans preuve évidente dans
la littérature. Aucune étude randomisée n’en a confirmé
l’intérêt. Les indications sont discutées en concertation
multidisciplinaire surtout en cas d’atteinte ganglionnaire
ou de marges limites dans la chirurgie des mélanomes de
la sphère ORL et les métastases satellites.
Le mélanome a toujours était considéré comme radiorésistant. Pour pallier à cet effet, la radothérapie hypofractionnée a été développée mais n’a pas montré de
supériorité par rapport aux schémas classiques. La
technique utilisée pour irradier le lit tumoral est souvent
un faisceau direct aux électrons avec un bolus pour
bien couvrir la dose à la peau. Le volume est celui de
la cicatrice avec 3 cm de marges et une marge de PTV
de 5mm est rajoutée pour pallier aux problèmes de
positionnement. La dose est de 54 Gy en 27 fractions ou
30 Gy en 5 fractions.
L’irradiation des ganglions doit inclure toute l’aire
ganglionnaire avec des marges de 7 mm. La dose est la
même que celle du lit tumoral.
Radiothérapie des métastases
Métastases cérébrales : La radiothérapie de tout le
cerveau est le traitement standard des métastases
multiples des mélanomes à la dose de 30 Gy en 10 fractions.
Pour la métastase unique ou en cas d’oligométastases
du cerveau, un complément d’irradiation administré
par stéréotaxie a permis d’augmenter le contrôle de la
maladie.
Métastases osseuses : La radiothérapie des sites
osseux douloureux améliore la qualité de vie dans 70 à
80% des cas. La dose peut être 8 Gy en une fraction ou
30 Gy en 10 fractions.
Traitements systémiques adjuvants
L’Interféron alpha, utilisé dans l’hépatite est le premier
médicament utilisé dans le traitement adjuvant des
mélanomes des stades IIb et IIIc. 18 études randomisées
du traitement adjuvant par interferon rapporté par la méta
analyse de Cochrane montre une nette amélioration de la
survie sans rechute qui est de 0.83 avec un intervalle de
confiance de 0.78 à 0.87 et un p de 0.00001 mais aussi
en survie globale 0.91 avec un intervalle de confiance
de 0.85 à 0.97 et un p de 0.003. Cependant, une méta
analyse antérieure n’avait pas retrouvé un gain en survie
globale. Pour cela, le traitement par interferon n’est pas
considéré comme un standard dans les recommandations,
mais plutôt une option thérapeutique pour les patients
associant des facteurs de mauvais pronostic.
La dose
Si les ganglions ne sont pas envahis, l'interféron alpha
peut être proposé à faible dose (3 MUI - Millions d'Unités
Internationales) à raison de 3 injections sous cutanées 3
fois par semaine pendant 18 mois
Si les ganglions sont envahis, l'interféron alpha peut
être proposé à forte dose (20MUI/m 2 de peau/jour) en
perfusion intraveineuse 5 jours sur 7 pendant 1 mois suivi
d'une dose un peu plus faible (10MUI/m2) en sous cutanée,
3 fois par semaine pendant 11 mois. Une hospitalisation
est alors souvent nécessaire mais le traitement peut
être réalisé en ambulatoire. Les complications sont
très fréquentes et variables d’une personne à l’autre :
une fièvre et des courbatures, une grande fatigue, une
réaction dépressive, des troubles digestifs (nausées,
diarrhées), un mauvais fonctionnement de la thyroïde et
du foie, une leucopénie et une thrombopénie.
Perfusion du membre isolé sous circulation extra
corporelle : Les métastases en transit du mélanome
par les lymphatiques sont difficiles à traiter. Plusieurs
traitements locaux ont été tentés comme l’exérèse au
bistouri, au laser ou la cryocoagulation. Cependant les
rechutes restent importantes.
Un traitement récent largement utilisé dans le traitement
des sarcomes des membres inopérables est celui de la
perfusion du membre isolé (ILP) qui a donné de très bons
résultats (fig.. 32). Ce traitement régional consiste en une
isolation chirurgicale du membre atteint par un garrot,
raccordé à un cœur poumon artificiel, ce qui permet de
donner des doses très importantes de chimiothérapies
impossible à donner par voie intraveineuse. Les
résultats sont très satisfaisants : Une dose importante
de Melphalan seule sous hyperthermie, donne 50%
de rémission complète et 80% de réponse objective et
quand on associe du TNF qui augmente la perméabilité
des vaisseaux, le taux de réponse complète est de 80 %
et de réponse objective de 99 %. C’est un traitement
locorégional efficace qui permet d’éviter une amputation
inutile, mais sans impact sur la survie puisque les malades
meurent de métastases à distance.
271
CANCER
D e r m a t o l ogie
Figure 32 : Perfusion du membre isolé sous circulation extra
corporelle
Traitements systémiques dans
la maladie métastatique
Les traitements systémiques contre le mélanome cutané
métastasique, la forme la plus agressive de tous les
cancers de la peau, restent décevants. Des rémissions
de faible durée sont obtenues et l'objectif thérapeutique
reste palliatif. De nombreux agents sont utilisés seuls ou
en association et présentent des degrés de toxicité et des
coûts variables.
Les métastases à distance sont très fréquentes, elles sont
de 10% au moment du diagnostic. La bio-chimiothérapie
associant interféron interleukine et le cisplatine donnent
de très bonnes réponses objectives à 60 % mais aussi
sans impact sur la survie.
Le standard jusqu’en 2011 était une monochimiothérapie
à base de dacarbazine. Le témozolomide et la fotemustine
ont montré un intérêt en particuliers pour les mélanomes
avec métastase cérébrale.
Les inhibiteurs de BRAF
Les mélanomes sont dépendants de facteurs de
croissance et plus de la moitié des mélanomes expriment
le BRAF muté qui augmente la survie et la prolifération
des cellules tumorales. Les inhibiteurs de BRAF vont
272
CANCER
alors bloquer la voie de signalisation MAPKinase et
arrêter la prolifération.
Une étude phase 3 comparant un inhibiteur de BRAF
(apparue en 2011) le Vemurafenib versus Dacarbazine sur
plus de 600 patients de stade IV métastatiques au niveau
du foie et de l’os a montré une survie sans progression
supérieure 5 mois versus 2 mois et une survie globale de
7mois versus 1.5 mois pour la dacarbazine.
Les complications du Vemurafenib sont à connaitre pour
une bonne observance du traitement : fatigue, arthralgies,
photosensibilité mais aussi une majoration d’incidence
de carcinome épidermoïde de la peau notamment par
transformation des kératoses actiniques.
Les rechutes sont rapides dans les 6 mois dans près
de 50 % de cas. Ceci s’explique par le relais des autres
voies de signalisation notamment AKT. Les études sont
en cours pour valider des médicaments des deux voies
de signalisation.
Immunothérapie : Les mélanomes sont immunosensibles.
L’interféron alpha est le seul traitement
La vaccination est très décevante, elle donne des
réponses de 15 à 20 %
Lpilimumab est un anticorps monoclonal visant à
lever de l’immunotolérance de l’organisme vis-à-vis des
cellules tumorales par ciblage des récepteurs CTLA4.
Les données de la littérature reste contradictoire même
si une étude randomisée comparant l’Ipilimumab plus
Dacarbazine versus Dacarbazine a montré une augmentation de la survie sans rechute avec certaines
stabilisations prolongés.
Le traitement des mélanomes métastatiques reste
modeste, aucun traitement ne permet de dépasser
des survies médianes au delà de 12 mois sauf pour le
veurafenib, qui donne des réponses de l’ordre de 50%
avec une survie médiane de 14 mois.
Suivi des patients
Le rythme et les modalités de surveillance des patients
opérés d’un mélanome primitif dépendent de ses risques
évolutifs et en particulier de son indice de Breslow.
Ce suivi a pour but de :
Diagnostiquer précocement une récurrence ou une
métastase en sachant que 90% de ces dernières surviennent durant les 5 années suivant le traitement du
mélanome
Identifier précocement la survenue d’un second mélanome primitif
Apporter le support psychologique nécessaire
Inculquer au patient et à sa proche famille les mesures
préventives nécessaires et l’intérêt de l’auto-surveillance
Evaluer l’efficacité des traitements adjuvants lorsqu’ils
sont administrés et évaluer leur tolérance
La prise de photographies et la vidéo-dermatoscopie
sont d’un grand apport lorsque plusieurs lésions sont à
surveiller.
Le tableau ci-dessous, récapitule le rythme de surveillance
en fonction des cas et les examens à réaliser.
Modalités de suivi après exérèse d’un mélanome primitif (Consensus 2005)
Mélanome stade I AJCCExamen clinique tous les 6 mois pendant 5 ans, puis tous les ans pendant toute la vie
Education à l’auto-dépistage d’un nouveau mélanome et d’une récidive
Mélanome stade IIA AJCC
Examen clinique tous les 3 mois pendant 5 ans puis 1 fois / an toute la vie
Education à l’auto-dépistage d’un nouveau mélanome et d’une récidive
Option : échographie de la zone de drainage tous les 3 à 6 mois pendant 5 ans
Mélanome de stade IIB et III AJCC
Examen clinique tous les 3 mois pendant 5 ans puis 1 fois / an toute la vie
Education à l’auto-dépistage d’un nouveau mélanome et d’une récidive
Option : échographie de la zone de drainage tous les 3 à 6 mois pendant 5 ans. Les autres examens d’imagerie
peuvent être pratiqués ; leur fréquence est à adapter au cas par cas
273
CANCER
D e r m a t o l ogie
Prévention
La prévention primaire :
La photo-protection externe
La prévention primaire est basée sur la protection contre
les effets néfastes du rayonnement solaire. L’exposition
solaire est le seul facteur étiologique de mélanome
sur lequel peuvent être menées des campagnes de
sensibilisation de la population générale afin d’induire
des modifications de comportement face au soleil. Le
soleil est une étoile distante de la terre de 149 millions
de kilomètres. Il s’y produit des réactions chimiques
continues qui donnent naissance à un rayonnement
électromagnétique qui diffuse dans l’espace et parvient
entre autres à la terre.
Un tiers de ce rayonnement est bloqué par la couche
d’ozone : rayons cosmiques, rayons X, rayons gamma et
ultraviolets C. Ce qui ne laisse parvenir à la surface de la
terre que des rayons ultraviolets A et B (5% de l’énergie
lumineuse totale), de la lumière visible (39%) et des
rayons infrarouges (56%). Parmi ces rayons, nous nous
intéresserons aux ultraviolets (UV), pour leur aptitude à
induire des réactions biologiques au niveau du corps.
Les rayons UV parvenant à la surface de la terre sont
constitués des :
UVB : 290 à 320 nm. Rayons très énergétiques.
UVA : divisés en UVA1 ou longs (340- 400 nm) et UVA2
ou courts (320-340 nm). Leurs effets biologiques néfastes
se sont avérés beaucoup plus importants qu’il n’était
admis initialement.
L’intensité des rayons UV varie selon
L’épaisseur de la couche d’ozone
La saison : les rayons UV sont les plus intenses en été
Le moment de la journée : les UVA sont présents du
lever du soleil à son coucher alors que les UVB sont
prédominants en milieu de journée (11h à 15 heures mais
à adapter aux horaires d’été)
La latitude : l’intensité des UV est maximale à l’équateur
L’altitude : les rayons UV sont plus intenses en montagnes
L’épaisseur de l’atmosphère : les nuages et la pollution
atténuent l’intensité des rayons UV mais sans les faire
disparaître, donc attention aux surexpositions dans ces
conditions
Certains environnements tels que les étendues d’eau,
le sable et surtout la neige sont dangereux dans la mesure
où ils sont source de réflexion et donc d’amplification des
rayonnements initiaux.
Principaux rôles bénéfiques du soleil
Réchauffement et illumination : 2 conditions essentielles
pour permettre une vie sur la terre
Action antirachitique par stimulation des UVB de
la synthèse cutanée de vitamine D. Toutefois, avec la
multiplication des campagnes de sensibilisation solaire,
274
CANCER
il s’est avéré que plus d’un milliard de personnes sur
terre sont carencées en vitamine D. De plus, avec la
découverte des propriétés préventives de cette vitamine
contre la survenue de différents types de cancers, se
pose actuellement la question de savoir que favoriser. La
solution proposée consiste en des expositions de moins
de 15 minutes, 3 à 4 fois/ semaine, sans protection des
mains, avant-bras et visage en dehors de l’intervalle 1015h entre Octobre et Mars. Une étude cas-témoin de F.
Allali et coll. a mis en évidence une élévation du risque
d’ostéoporose chez les femmes marocaines ménopausées
et portant le voile (couvrant la tête, les bras et les jambes)
avec un odds-ratio de 2,20 (IC : 95%, 1,22- 3,9)
Action anti-dépressive : le meilleur exemple est représenté par le taux élevé des suicides dans les pays
scandinaves où les nuits sont très longues durant
plusieurs mois de l’année.
Le soleil a aussi des effets néfastes
Aggravation de certaines maladies comprenant une
photosensibilité (exemple : maladie lupique)
Survenue de toxidermie en cas de prise de médicament
(s) photosensibilisant (s)
Survenue d’un érythème actinique (ou « coup de
soleil »). Le plus souvent de 1er degré sous forme
d’érythème mais des brûlures de 2ème degré (Bulles
ou phlyctènes), ne sont pas rares. Les UVB sont plus
en cause mais les UVA peuvent aussi l’être à des doses
beaucoup plus élevées. Ce qui explique que les brûlures
pouvent survenir lors d’expositions en début ou fin de
journées.
Pigmentation à l’origine du bronzage. La stimulation
du processus de mélanogénèse par les UV a pour rôle
de produire plus de mélanine pour se mettre en bouclier
autour du noyau cellulaire. L’ADN est ainsi mieux protégé
contre des expositions ultérieures. Ce processus pourrait
selon certains être utilisé comme « écran naturel » mais
il s’accompagnerait indéniablement d’un certain degré
d’inflammation même si elle est infra clinique
Immunosuppression avec suppression de l’hypersensibilité retardée. Cet effet est toutefois recherché en
photothérapie ou photochimiothérapie (exposition aux UV
avec ou sans prise de photosensibilisants) dans certaines
maladies tels que le psoriasis ou le lymphome cutané.
Vieillissement cutané photo-induit encore appelé
héliodermie. Y ont été incriminés pendant longtemps les
UVB avec leur effet épidermique puis le rôle des UVA sur
l’altération dermique a été démontré.
Carcinogénèse cutanée : Il s’agit d’un effet à long
terme, dose-dépendant. Les UVA et UVB sont là aussi
tous deux incriminés notamment en induisant des
mutations d’ADN en même temps qu’une tolérance visà-vis de ces mutations voire des cancers induits. Ces
cancers peuvent être à agressivité locale (carcinome
basocellulaire) ou à forte agressivité locale et potentiel
métastatique (carcinome épidermoïde et mélanome)
Quels sont les moyens de protection
contre les méfaits du soleil ?
Protection naturelle : Certains systèmes de protection
naturelle agissent dans la mesure où l’exposition solaire
reste modérée, mais ces systèmes sont très rapidement
dépassés dès que l’exposition est intense :
La couche cornée de l’épiderme : Possède un effet de
réflexion des UV sur la kératine
Les poils et les cheveux : Constituent un bon moyen de
protection pour certains
Le sébum : Permet un certain degré de protection
La mélanine : Les grains de mélanine servent à donner
la couleur à la peau. Synthétisée par les mélanocytes, il
existe en fait deux types de mélanine : les phéomélanines
retrouvées chez les sujets roux et les eumélanines
retrouvées chez les sujets plus bruns. Les mélanines
agissent en se mettant en bouclier autour du noyau pour
protéger l’ADN de l’agression des UV et les eumélanines
sont plus performantes pour cet effet
Les systèmes de réparation de l’ADN : L’irradiation
par les rayons UV crée des altérations de l’ADN sous la
forme de dimères de pyrimidines. Au quotidien et dans
les conditions habituelles, ces dimères sont rapidement
repérés par des systèmes de réparation (endonucléase,
exonucléase, ADN polymérase et ADN ligase) qui vont
permettre une excision des segments d’ADN lésés suivie
d’un remplacement de ce segment par un ADN normal.
En revanche, dès que l’exposition est trop intense ou trop
répétée ou encore lorsqu’existe un déficit en ces systèmes
de réparation (cas du xéroderma pigmentosum), les
dimères de pyrimidine vont s’accumuler dans la cellule, à
l’origine des propriétés mutagènes des rayons UV.
Protection artificielle
Photo-protection vestimentaire : Elle est toujours à
préconiser pour son efficacité et son coût bas. L’efficacité
sera fonction de la surface couverte, de la couleur du
vêtement (le noir et les couleurs foncées protégeant
plus), de son épaisseur (un jean par exemple, protège
beaucoup plus qu’un tissu plus fin) et de son humidité (un
tissu mouillé protégea moins qu’un tissu sec). Il existe
actuellement des vêtements anti-UV qui permettent une
meilleure protection, surtout pour les personnes les plus
vulnérables au soleil.
Moyens de mise à l’ombre : Ils sont eux aussi à
conseiller très largement : chapeaux (et pas visières ou
casquettes qui ne protègent pas les bords latéraux des
joues, les tempes et les oreilles), foulards, lunettes (dont
les propriétés protectrices sont bien prouvées), gants,
parasols…
Filtres et écrans solaires : il s’agit de produits topiques
qui, appliqués sur la peau, vont réfléchir (cas des écrans
minéraux) ou absorber (cas des filtres chimiques) les
rayons UV, protégeant ainsi la peau sous jacente des
méfaits de ce rayonnement.
- Les filtres chimiques sont donc des chromophores qui
absorbent l’énergie des photons mais avec un spectre
d’absorption variable en fonction des molécules. Parmi
ces molécules, nous pouvons citer : l’acide para-aminobenzoïque (PABA), les cinnamates, benzophénones,
l’octocrylène et les meroxyls. Ils sont très bien acceptés
sur le plan cosmétique mais certains peuvent manquer
de stabilité ou encore être pourvoyeurs de réactions
allergiques
- Les écrans minéraux (encore appelés écrans physiques)
sont constitués de poudres minérales chimiquement
inertes, bloquant les UVA, UVB, IR et le visible. Citons
certains exemples : oxyde de titane et de zinc et
le Tinosorb M. Leur principal intérêt est d’être non
immunogène et donc de pouvoir être utilisés à tout âge
(même le nourrisson) et chez la femme enceinte, mais
la principale limite à leur utilisation réside dans l’aspect
blanchâtre qu’il confère, le rendant très peu acceptable
sur le plan cosmétique.
C‘est pourquoi les filtres actuels associent des filtres
chimiques et minéraux pour augmenter la stabilité des
molécules, élargir le spectre d’action du topique tout
en améliorant les caractéristiques cosmétologiques.
D’autres molécules leur sont fréquemment associées :
anti-radicalaires, anti-inflammatoires. D’autre part, de
nouvelles formulations ont plus récemment été développées pour permettre de réduire la fréquence des
applications. Afin de déterminer le niveau de protection
conférée par un produit donné, deux paramètres sont
importants à connaître :
FPS (facteur de protection solaire) qui renseigne sur le
degré de protection contre l’érythème solaire donc contre
les rayons UVB
Degré de protection contre les UVA, notamment, la
PPD ou persistent pigmentation darkening
Pour optimiser leur efficacité, les filtres et écrans
doivent être bien tolérés, être acceptables sur le plan
cosmétologique et avoir une bonne rémanence tout en
restant photostables.
Au total, les rayons solaires constituent depuis l’amincissement de la couche d’ozone une réelle agression de
la peau. C’est pourquoi il est essentiel de transmettre à
nos patients et à la population générale des messages
clairs sur les risques inhérents à une exposition solaire
excessive et sur les moyens de s’en protéger notamment
en leur inculquant des règles générales d’exposition :
Faire connaître sa propre sensibilité : phototype,
antécédents de tumeurs cutanées dans l’entourage
familial, nombre important de naevus… et insister sur
le fait que les personnes les plus vulnérables sont les
enfants et aussi les sujets de phototype clair, bronzant
peu et brûlant facilement.
Eviter les expositions solaires prolongées, en particulier si c’est en position allongée mais un enfant qui
passe une journée entière à jouer au soleil reçoit une très
grande quantité de rayons UV.
Bannir le soleil entre 11 heures et 15 heures mais à
adapter aux horaires d’été
Conseiller des expositions solaires progressives en
début de vacances pour aboutir à un bronzage sans
coups de soleil.
275
CANCER
D e r m a t o l ogie
Faire doublement attention lorsque le temps est
nuageux (risque de surexpositions) ou encore lorsque
les conditions sont propices à une réflexion des rayons
(proches de points d’eau, neige, sable).
(p = 0,013) : lunettes solaires (19%), vêtements (28,2%),
chapeaux et casquettes (16,3%).
Une mauvaise acceptabilité du port de chapeaux chez
les personnes voilées.
Afin d’évaluer les connaissances de la population
générale marocaine en la matière, et se basant sur les
résultats d’un questionnaire remplis par 411 personnes,
M. Meziane et coll ont rapportés les résultats suivants :
Cette étude est une très bonne illustration des lacunes à
combler dans le domaine de la sensibilisation solaire dans
notre pays. Des campagnes annuelles ont été initiées
au service de dermatologie du CHU Ibn Sina de Rabat
puis élargies à d’autres CHU du Royaume du Maroc, mais
restent très largement insuffisante, surtout dans un pays
ensoleillé comme le Maroc et à une ère où l’altération de
la couche d’ozone et ses conséquences sur la santé sont
une réalité qui ne pourra plus être occultée.
Une connaissance des méfaits du soleil était retrouvée
chez 160 personnes questionnées (39%), avec un
score de connaissance amélioré chez les femmes (OR :
2,99 (95% IC), 1,44-6,2, p= 0,003) et avec le niveau
d’instruction (OR : 3,27 (95% IC); 1,44- 7,64 ; p : 0,006).
Les méfaits reconnus étaient constitués par les cancers
cutanés (36,9%), le vieillissement cutané (25,3%), les
hyperpigmentations (23,1%) et les brulures (11%).
Une connaissance de l’existence de mesures de photoprotection chez 259 personnes (63%) : photo-protecteurs
topiques (écrans solaires) (52,8%), photo-protection
vestimentaire (36%) et éviction solaire en mi-journée
(32,8%).
Une utilisation effective des produits solaires chez
43% des personnes mais le plus souvent à raison d’une
seule application par jour. Ces produits solaires sont plus
fréquemment utilisés par les femmes (p< 0,001), d’origine
urbaine (p = 0,004) et ayant reçu au minium une scolarité
de niveau secondaire (p< 0,001). Le facteur limitant coût
a été rapporté par 231 patients (56,2%).
Une meilleure connaissance des mesures physiques
de photo-protection chez les personnes de phototype V
La prévention secondaire
Elle repose sur :
Le diagnostic précoce des cas de mélanome, au mieux
avant que le diamètre de la tumeur ne dépasse 1 mm
La surveillance des personnes à risque :
Un examen des parents, des enfants et de la fratrie des
patients atteints de mélanome sporadique afin d’identifier
les formes familiales et de diagnostiquer les sujets à haut
risque (naevus atypique, très nombreux naevus, naevi
congénitaux géants)
S’il s’agit d’un mélanome familial, proposer un examen
systématique des membres de la famille et proposer une
surveillance clinique annuelle à chacun des membres
apparentés au 1er degré, associée à des conseils d’autosurveillance et de protection solaire
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