Situation no 4 Accusation de harcèlement

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Situation no 4 Accusation de harcèlement
Situation no 4
Accusation
de harcèlement
Un salarié dénonce votre style de management
en le qualifiant de harcelant
LA SITUATION : CONTEXTE ET ÉVÉNEMENTS
Un collaborateur avec lequel la tension est au plus fort depuis plusieurs semaines a
dénoncé, auprès de la direction des ressources humaines, des pratiques de votre part qu’il
a qualifiées de « harcèlement moral ».
Son travail et son comportement vous ont amené récemment à lui faire plusieurs
remarques et à le relancer sur ses objectifs.
Vous avez remarqué que l’utilisation du mot « harcèlement » est devenue de plus
en plus courante dans l’entreprise. Quoi qu’il en soit les accusations sont graves et, en
la matière, vous – mais aussi la direction –, ne pouvez pas prendre les choses à la
légère.
LES ACTEURS : ENJEUX ET ÉTAT D’ESPRIT
Pour le collaborateur. Il n’avait peut-être jamais vécu un management aussi présent. La succession de remarques, de critiques, de recommandations et de conseils est
vécue comme une ingérence permanente, voire une agression.
Son intervention auprès de la direction des ressources humaines est une façon de
« desserrer l’étau ». A-t-il vraiment conscience de la portée de ses accusations ? Ou bien
essaie-t-il, inconsciemment peut-être, de retourner la pression contre vous ?
Pour le manager. Vous savez parfaitement que le harcèlement moral, s’il est avéré,
est passible d’une sanction pénale. C’est donc, pour vous, un véritable coup de massue. Il
se peut que vous ayez du mal à être lucide. Êtes-vous allé trop loin ? S’agit-il de fausses
accusations ?
Au premier degré, il vous semble difficile de prendre du recul pour en juger. Vous êtes
désarmé, vous avez le sentiment que ces accusations sont injustifiées et vous ressentez
une certaine amertume, voire de la rancœur, à l’égard de ce collaborateur.
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LES RISQUES
Le premier niveau de risque concerne la sanction professionnelle, voire pénale. Si
les accusations étaient prouvées, il est probable que la personne mise en cause serait non
seulement poursuivie mais également qu’elle perdrait sa fonction dans l’entreprise ou
son emploi.
À l’inverse, de fausses accusations peuvent, elles aussi, faire l’objet de sanction, en
particulier si le règlement intérieur le prévoit.
Le deuxième niveau de risque est psychologique. Il est généralement difficile pour
une personne qui n’a pas le sentiment d’avoir harcelé quelqu’un de se sortir de ses doutes
et de ses inquiétudes personnelles sans se faire aider sur le plan psychologique autant que
sur le plan managérial (par une personne support ou un coach). Une personne accusée à
tort de harcèlement peut finir par devenir une victime. C’est pour elle une remise en
cause profonde de ses méthodes de travail, de son comportement et de ses relations avec
les autres.
Enfin, le troisième risque est de l’ordre managérial. Comment faire face à son équipe
quand on est ainsi remis en cause ? Sauf si l’ensemble des autres collaborateurs s’accorde
à dire que vous n’êtes par un harceleur, il subsistera un trouble qui va nourrir vos doutes
sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire dans tout contexte de management, y compris des
situations aussi banales que fixer des objectifs ou donner des consignes ; que dire alors du
moment de l’évaluation annuelle !
LES OUTILS D’ANALYSE
À quelle grille de diagnostic peut-on se fier pour savoir si une situation relève ou non
du harcèlement ?
– Les droits, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique du salarié ont-ils été
atteints ?
– La situation est-elle le résultat de conditions de travail, d’un contenu du travail et/
ou de relations interpersonnelles dégradés ?
– Cette dégradation a-t-elle été répétée dans le temps ? (Mais attention, une seule
intervention suffit comme preuve de discrimination.)
Si la réponse à chacune de ces trois questions est positive, on peut qualifier la
situation de harcelante. Il peut ne pas y avoir de volonté de nuire, mais les effets, les
instruments et la répétition vont conforter le caractère harcelant.
Il faut donc être particulièrement prudent. Le harcèlement ne présuppose aucune
perversité. Il suffit parfois de mettre en place une organisation du travail contraignante et
dégradante pour que les conditions d’une atteinte à la santé physique ou mentale d’un
ou plusieurs salariés soient réunies. Les relances téléphoniques tard le soir, les réunions
systématiques à 18 heures ou plus tard, les demandes de reporting fastidieux sous
contraintes de temps ou les courriels durant le week-end n’impliquent pas une relation
dégradée, mais pourraient être vécus comme une pression excessive.
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La Cour de cassation a considéré récemment qu’une communication systématiquement à distance via les NTIC pouvait être considérée comme une organisation
harcelante.
On voit bien que cette notion est encore très « mouvante » et que la prudence est de
mise dans les pratiques de management. Rien ne vaut d’en parler avec les professionnels
de la fonction ressources humaines pour détecter des risques au regard de telle nouvelle
procédure, de telle évolution de fonction et surtout de telle nouvelle exigence à l’égard
d’un ou plusieurs collaborateurs. Certaines entreprises ont ressenti le besoin de créer une
fonction nouvelle, appelée « référent », chargée d’accueillir les plaintes ou les témoignages concernant des situations de stress ou de risque de harcèlement. Cette nouvelle
mission pourrait, dans un proche avenir, se généraliser. Elle prouve à quel point la
vigilance en matière de risques psychosociaux est primordiale.
CONSEILS POUR AGIR
Dans cette situation, évitez...
. de chercher à vous défendre vous-même. Il est bien difficile d’être objectif dans
une situation de harcèlement. Étant impliqué au premier plan, êtes-vous légitime
pour dire que ces allégations sont infondées ? Laissez à d’autres témoins ou médiateurs le soin de le faire, leurs arguments seront bien plus pertinents et convaincants. Comment, par ailleurs, pourriez-vous accuser votre collaborateur de fausses
déclarations ? Il est peut-être sincère dans sa perception, même si la réalité est
différente. C’est évidemment difficile à admettre pour vous, mais il va vous falloir
cette prise de recul pour sortir de l’impasse relationnelle.
. de vouloir convaincre votre collaborateur de votre bonne foi. Avec la personne
qui vous accuse, la relation est consommée. Vous êtes entrés tous les deux dans
une opposition de perception. Il vous est donc impossible d’envisager de réconcilier
vos deux points de vue seuls. Au contraire, d’arguments en contre-arguments, vous
risquez d’envenimer les choses et de vous laisser emporter par vos émotions dans
des accusations encore plus graves. Seule une personne neutre pourra juger à partir
des faits s’il y a véritablement eu des « agissements répétés » de votre part, « discriminants » et qui « portent atteinte aux droits et à la dignité» de ce collaborateur.
Dans cette situation, préférez...
. adopter des relations neutres avec ce collaborateur. Compte tenu de la situation,
il vous sera impossible de faire comme si de rien n’était. À l’inverse, opter pour une
mise à distance et mettre en quarantaine cette personne pourrait entraîner un
sentiment de discrimination supplémentaire. Faites intervenir un tiers : le DRH
par exemple, pour définir à trois les modes relationnels qui permettront de protéger les deux parties, le temps de résoudre cette situation.
. soutenir le lancement d’une procédure interne pour évaluer la réalité du harcèlement. Rien ne serait pire pour vous et pour les relations au sein de votre équipe
que la situation reste en l’état et que ces accusations de harcèlement planent sur
votre management au quotidien. Le simple fait de montrer votre volonté de faire
avancer la vérité est déjà le signe que vous cherchez à comprendre la situation, les
causes et, s’il y a lieu, que vous êtes prêt à admettre votre responsabilité. Si le
harcèlement est confirmé, vous saurez à quoi vous en tenir en ce qui concerne vos
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méthodes de management. C’est évidemment dur à assumer, mais il faudra bien
l’admettre pour en sortir. Si, à l’inverse, vous êtes blanchi, c’est un moyen pour vous
reconstruire et surtout pour conforter vos relations managériales avec vos autres
collaborateurs.
. garder la même ligne de conduite vis-à-vis des autres collaborateurs. Les doutes
qui sont nés de cette accusation peuvent vous amener à ne plus savoir comment
réagir et agir vis-à-vis de vos collaborateurs. Jusqu’à ce que la procédure parvienne à son terme, vous ne devez pas être en «démission managériale».
Efforcez-vous de garder le même type d’attitude avec les autres membres de
votre équipe. Si, pour eux, votre style de management n’a pas lieu d’être remis
en cause, ils ne comprendraient pas votre changement de comportement.
. vous confier à un proche ou un professionnel de la santé au travail. Vous avez de
bonnes raisons d’être affecté par ce qui vous arrive. Au même titre que le collaborateur qui vous accuse, vous avez le droit de faire part de ce que vous ressentez
dans cette affaire. Ne pas le faire peut vous rendre les choses plus difficiles à vivre,
à plus ou moins long terme.
LES IDÉES CLÉS
Dans le cas d’une accusation de harcèlement, laissez quelqu’un de neutre et,
de préférence, extérieur à l’entreprise, établir la part des responsabilités de
chacun. S’il existe une procédure d’enquête et d’analyse, faites confiance aux
acteurs de cette procédure.
. Évitez toute situation qui pourrait aggraver les relations avec le collaborateur
qui vous accuse et efforcez vous de continuer à être vous même vis à vis des
autres membres de votre équipe.
. Faites-vous aussi accompagner pour assumer dans les meilleures conditions
cette remise en cause qui peut avoir des conséquences psychologiques pour
vous.
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