Indochine - Pas de repos pour l`aventurier
Transcription
Indochine - Pas de repos pour l`aventurier
IN_INDO:Layout 2 28/04/10 10:10 Page 5 aux origines d’indo Aux origines d’Indo Trônant aujourd’hui au sommet du rock français, Indochine est un groupe qui revient de loin, mais qui vient de plus loin en core. Et pas juste par son nom. Ainsi trois des membres du groupe fondateur ont des origines étrangères. Le grandpère de Dimitri est venu de Russie, et l’ascendance paternelle des frères Sirkis est 100% moldave. Ce qui tranche avec l’origine vos gienne de leur mère. Nicola et Stéphane sont ainsi au croise ment de deux lignées très différentes. D’un côté, une bourgeoisie très vieille France où l’on vouvoie ses parents. De l’autre, des exilés fuyant l’antisémitisme et que l’exil fera défi nitivement déchoir de leur vie bourgeoise. Le père des jumeaux Jean Sirkis est en effet arrivé de Moldavie avec ses parents en 1933, à l’âge de 6 ans. Ceuxci, de confession juive, ont vu leur situation se dégrader lentement depuis 1917 et après quelques années passées à travailler en Palestine dans ce qui deviendra aprèsguerre un kibboutz, le grandpère Sirkis a décidé de par tir s’installer en France, empruntant à ses parents le prix du bil let. Il quitte donc Chisinau, capitale de la Moldavie russe, envahie depuis 1917 par la Roumanie qui revendique ce terri toire et atterit à Toulouse avec les siens. La chute est brutale pour le couple Sirkis qui menait en Moldavie une vie bourgeoise et est contraint en France de s’embaucher comme manœuvres dans une imprimerie. Il ne réussira jamais à retrouver le standing 5 IN_INDO:Layout 2 28/04/10 10:10 Page 6 qui était le sien, vivant longtemps dans une chambre de 12 m2 avec un simple lavabo et un vague coincuisine. Les grandspa rents des jumeaux le troqueront plus tard pour un logement à peine moins exigu où ils vivront jusqu’à leur mort. A 12 ans, Jean Sirkis perdra son petit frère encore bébé d’une mauvaise chute. Puis ce sera la guerre qui verra la Milice piller les maigres affaires de ses parents, prévenus de la rafle à venir à la dernière minute. Plus tard, le père des jumeaux, devra se battre pour étudier car en tant que juif, il n’a pas le droit d’entrer à l’Ecole de chimie de Toulouse avant la Libération. Ensuite, c’est l’armée qui lui mettra la main dessus. Et le fait qu’il ait été résistant durant la guerre ne changera rien à l’affaire. Il travaillera donc le jour pour aider ses parents et étudiera le soir avant d’obtenir son diplôme. Cultivé, il rencontre sa future femme Michèle Henry, l’aînée de cinq enfants sur son lieu de travail : à Saclay dans l’Essonne où il est devenu ingénieur chimiste. Michèle dont le père est lieutenantcolonel ne vient pas du même monde que son mari à qui il arrivait jusquelà parfois, comme un certain Jacques Chirac de vendre l’Humanité sur les marchés. Mais sa famille voit finalement d’un bon œil ce ma riage avec ce jeune chimiste de 31 ans promis à une belle car rière. Et puis nous sommes en 1956, époque où pour une femme, se marier à 27 ans paraît déjà tard ! D’ailleurs à l’église, ce sera une bénédiction plus qu’un mariage comme c’est encore souvent le cas quand les deux époux sont de religion différente. Et bizarrement, le nondit associé aidant, au fait que Jean Sir kis ne soit pas croyant, fait que les enfants Sirkis n’entendront durant leur enfance, jamais parler des origines juives de leurs grandsparents paternels. C’est leur mère qui finalement abor 6 IN_INDO:Layout 2 28/04/10 10:10 Page 7 dera la question avec eux, du bout des lèvres alors que les trois frères sont déjà majeurs. Ceci à la grande surprise de Nicola tout d’abord incrédule. C’est que le catholicisme de la branche ma ternelle avait d’emblée pris le dessus : tout ce petit monde ayant été baptisé à l’église avant de faire sa communion. Double naissance et petite enfance à Igny Quand on annonce à Michèle Sirkis qu’elle attend des jumeaux, la fratrie Sirkis se compose déjà d’un petit Christophe né en avril 1957 et envoyé chez ses grandsparents maternels à l’occa sion de la venue au monde des jumeaux. C’est Nicola qui naî tra le premier, et si les deux frères sont de faux jumeaux, ils ont quand même une ressemblance assez flagrante ! Après que leur maman leur a donné naissance à l’hôpital d’Antony le 22 juin 1959, les deux bambins Sirkis passeront leurs deux premières années à Igny, paisible bourgade de l’Essonne, accolée à Massy Palaiseau. Pour l’heure, voilà la famille Sirkis installée dans une petite maison donnant sur le cimetière ! Du moins le cadre des premiers tours de poussette des jumeaux estil verdoyant, aux confins de la vallée de la Bièvre et du plateau de Saclay. Et au moment où Nicola et Stéphane percent leurs premières dents dans cette ville ô combien endormie, Igny gagne finalement son passeport pour la gloire en servant en partie de cadre à la bande dessinée S.O.S Météores, une des meilleures aventures de Blake & Mortimer signée du grand Edgar P. Jacobs. La ville s’y retrouve immortalisée sous la neige lors d’une pour suite en voiture entre Blake, chef du contreespionnage anglais (le fameux M.I 5) et de vilains gangsters américains lancés à ses trousses sous les ordres du méchant légendaire de la série : 7 IN_INDO:Layout 2 28/04/10 10:10 Page 8 le fourbe Olrik. Après une course poursuite rue GabrielPéri, Blake finit par abandonner sa Buick au passage à niveau d’Igny, un peu à l’écart de la ville (qui ne compte alors pas plus de 5000 habitants) et à se hisser sur la dernière voiture du train de ban lieue qui mène à Paris. C’est alors ce qu’on appelle la ligne de Sceaux devenue depuis une des branches de l’actuelle ligne du RER C. Stéphane Sirkis qui appréciait la BD a sûrement lu cet album, même s’il ne devait plus guère avoir de souvenirs d’Igny qu’il a quittée à deux ans. Et Indochine qui entre Bob Morane, le comte de Monte Cristo ou J.D Salinger a toujours su rendre hommage à ses héros d’enfance, réels ou de papier auraient aussi bien pu chanter les louanges de Blake & Mortimer. Mais Bob Morane du fait de sa popularité en Belgique trône définitive ment au premier rang de leurs souvenirs d’enfant, c’est donc lui qui inspirera l’Aventurier. Peutêtre son côté plus sexy que les deux quadragénaires anglais jouerail aussi ! En tous cas, aujourd’hui, Igny abrite depuis 1998 son festival annuel de bande dessinée, chaque mois de décembre mais rien n’y rappelle la trace du passage des landaus de la fratrie Sirkis. Il est vrai qu’elle fut brève puisqu’à deux ans à peine, toute la fa mille prend la route de Bruxelles où le père a trouvé un nou veau poste d’ingénieur, plus passionnant. Et Igny retombe dans sa torpeur bourgeoise. Il faudra attendre la hardeuse Tabatha Cash qui y habitera durant son adolescence pour pimenter un peu sa réputation. Alors que Diam’s passera elle par le collège privé St Nicola que les Sirkis auraient aussi pu fréquenter s’ils y étaient restés. 8