1 Actes 13.4-12 : La mission Chypre
Transcription
1 Actes 13.4-12 : La mission Chypre
Actes 13.4-12 : La mission Chypre Pensez-vous avoir un appel de Dieu ? Comment pouvez-vous le confirmer ? Cherchez-vous à comprendre quel est le rôle de nos propres choix, et comment savoir si nous sommes dirigés par le Saint-Esprit ? Nous nous limiterons ce matin, dans le premier voyage missionnaire, à ce que j’ai appelé « la mission Chypre », car ce court passage aide à répondre à ces questions de l’appel, de la direction de l’Esprit, et du rôle de nos choix dans le service du Seigneur. Nous avons peut-être encore une image assez « mystique » de l’appel missionnaire, que ce passage peut aider à « démystifier ». Il est vrai que certaines personnes semblent avoir reçu un appel très clair non seulement pour être missionnaires, mais pour un endroit et pour un ministère précis. Je ne les contredirais pas. L’Esprit indique parfois une direction très claire, qui peut être à l’opposée de ce que nous pensons ou voulons. Cela est arrivé à Paul, comme nous le verrons un peu plus loin dans les Actes, lorsqu’il voulait aller vers le nord-est de l’Asie-Mineur, vers l’Arménie et le Caucase, alors que l’Esprit l’a dirigé vers la Grèce et l’Europe. Mais nous voyons plutôt une « bonne collaboration » si je puis dire, dans ce passage, entre la direction de l’Esprit et les décisions humaines. Pour le souligner, demandons-nous quelles étaient les raisons pour aller à Chypre comme destination missionnaire. La réponse à cette question révèle deux motivations bien pratiques, très « terre à terre », et, si je puis dire, très humaines, très logiques, en plus de la direction de l’Esprit. Pour voir la première raison, relisons tout simplement le v.4 : « Eux donc, envoyés par le Saint-Esprit, descendirent à Séleucie, et de là ils s’embarquèrent pour Chypre ». Le premier voyage missionnaire commence donc non seulement par une question de géographie, mais nous pouvons 1 constater que la géographie était un élément déterminant dans la direction qu’ont prise Barnabas et Saul. Consultons une carte de ce premier voyage missionnaire. Si l’Esprit les a bien conduits, il les a conduits par les chemins les plus « pratiques », si je puis dire. Antioche est située sur l’Oronte, et Barnabas et Saul ont tout simplement descendu ce fleuve, arrivant à Séleucie, ville qui était le port d’Antioche. Nous pouvons tout de suite comprendre pourquoi ils ont choisi d’aller à Chypre. Ayant Antioche comme point de départ, ils auraient pu aller vers l’est, vers les provinces orientales de l’empire romain et au-delà, au lieu de choisir l’ouest. Mais cela aurait complètement changé l’histoire du monde, car qui sait quand l’Évangile aurait atteint l’Europe, si Paul était parti vers l’est ! Mais ils ont choisi d’aller plutôt vers l’ouest, guidés aussi par l’Esprit. Si vous regardez la carte, vous voyez tout de suite que Chypre était le chemin le plus facile pour atteindre l’Asie Mineur. Il était beaucoup plus facile et rapide de prendre le bateau que d’essayer de traverser à pied les montagnes. Nous pouvons donc constater que la question pratique de la route est également entrée dans la direction donnée par l’Esprit, et cela, conformément à l’ordre de mission que nous avons tous reçu en Act 1.8 : « Mais vous recevrez une puissance, celle du Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre ». Prenons quelques instants pour situer ce départ missionnaire plus directement dans ce contexte-là Tout comme Jérusalem avant elle, Antioche est devenue l’Église « mère » de cette équipe, et il était donc logique d’atteindre en premier une région limitrophe, rendant ainsi le choix de Chypre très conséquent et plus que logique Mais il y a une autre raison qui a pu motiver ce choix Selon la même logique, l’équipe aurait pu aller vers le nord-ouest, pour évangéliser la Cilicie, pays d’origine de Saul Mais en regardant la carte, vous pouvez constater que cette région était assez enclavée, et donc, la mission n’aurait pas eu d’autres débouchées faciles comme suite. Cette logique nous amène à une deuxième motivation pour choisir Chypre. Si vous vous rappelez, Barnabas était originaire de cette île.1 De plus, l’Église à Antioche a été fondée, entre autres, par des Chypriotes.2 Alors, il est fort probable qu’il y avait déjà une orientation directe du style « nous allons à Chypre, car il y a de la parenté des chrétiens d’Antioche qui y habite, nous y serons reçus, et cela nous ouvrira déjà des portes ». Suite à de tels constats, arrêtons-nous un instant pour tirer une première application pratique de ce passage. Comme nous le savons, l’appel à annoncer Christ n’est pas adressé à quelques-uns seulement, mais à tous les chrétiens. Si nous sommes cohérents et logiques, la mission, ce n’est pas seulement des pays lointains, mais nous voudrions aussi que notre famille, nos amis, entendent ce que nous avons appris, pour croire, eux aussi, en Christ. Ainsi, ce que nous sommes, nos origines, etc. jouent aussi un rôle, dirigé par l’Esprit, dans nos choix. D’une manière encore plus pratique, vous êtes-vous déjà demandé pourquoi vous êtes là où vous êtes, avec le travail que vous avez, etc. ? Une part importante de la réponse, c’est justement de souligner que l’Esprit de Dieu nous place là où il veut, non seulement dans l’Église qu’il veut, mais aussi dans l’immeuble, le quartier, le lieu de travail, etc. pour que nous puissions être des témoins, là où peut-être aucun autre chrétien ne peut entrer. Cela aussi doit 1 2 Voir Actes 4.36. Voir Actes 11.20. 2 entrer dans notre perspective missionnaire, avant même de considérer la possibilité que Dieu puisse nous envoyer ailleurs, plus loin, pour avoir plus directement un ministère d’évangélisation. Le deuxième élément de ce passage, c’est qu’il y avait déjà une stratégie cohérente pour accomplir cette mission. Nous le constatons aux v.5-6 : « Arrivés à Salamine, ils annoncèrent la parole de Dieu dans les synagogues des Juifs. Ils avaient Jean comme auxiliaire. Ensuite, après avoir traversé toute l’île jusqu’à Paphos… ». Pourquoi prêcher dans les synagogues ? Barnabas et Paul commençaient dans les synagogues pour deux raisons. Tout d’abord, comme Paul le souligne comme principe général, dans sa lettre aux romains, (Rom 1.16) « … je n’ai pas honte de l’Évangile : c’est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec ». Comme nous l’avons vu tout récemment dans l’Évangile selon Jean, Jésus est venu « chez les siens ». Et les apôtres ont également commencé en annonçant l’Évangile aux Juifs d’abord. Il y a plusieurs raisons pratiques pour cela. Au premier siècle, la synagogue était l’endroit où n’importe quel Juif, venu d’ailleurs, pouvait prendre la parole, pour approfondir un passage de l’Ancien Testament et donner ses commentaires. Ainsi, c’était le forum privilégié pour annoncer Jésus. La synagogue était aussi l’un des rares endroits du monde de l’époque où il pouvait avoir des échanges et des discussions sur de telles questions. Puis, au-delà des Juifs, c’était aussi l’endroit où se trouvaient les non-juifs qui avaient soif de la vérité, qui recherchaient Dieu, et qui étaient donc les plus aptes à être ouverts à l’annonce de l’Évangile. Nous lisons en Act 17.2 que c’était justement la « coutume » de Paul de faire ainsi. Cela a changé par la suite, mais Paul le considérait un devoir de commencer par les Juifs, pour ensuite annoncer aux autres.3 Ce qui n’est pas dit, mais qui est bien sous-entendu assez clairement, c’est le fait que l’équipe à fait le tour complet de l’île, annonçant le Seigneur d’est en ouest, d’un bout de l’île jusqu’à l’autre, dans tous les synagogues qui s’y trouvait. C’était donc une mission conduite par l’Esprit, mais en même temps, solide et systématique dans son approche pour atteindre les gens avec l’Évangile. Être conduit par l’Esprit ne signifie pas un manque de planification ou de projet clair – même s’il est aussi possible d’avoir des projets, sans être conduits par l’Esprit ! Arrêtons-nous un instant pour considérer une des raisons de cette séquence dans la prédication. En missiologie, on parle de cercles de culture. Il est toujours plus facile d’annoncer l’Évangile à quelqu’un qui est de sa propre culture et de la même langue. C’est déjà une raison valable de commencer ainsi. Puis, il est logique qu’on ait à cœur notre propre peuple. C’est, comme nous l’avons déjà vu, une des raisons pour comprendre le choix de Chypre dans cette première initiative missionnaire, puisque Barnabas était originaire de cette île, avant d’aller plus loin. Puis, il y a un dernier détail, juste mentionné en passant, dans cette stratégie. C’est ce que nous lisons au v.5, que Barnabas et Saul ont pris Jean-Marc comme auxiliaire. Ce dernier est en effet venu à Antioche, accompagnant Barnabas et Saul lorsqu’ils sont revenus après avoir apporté la collecte aux frères de Jérusalem.4 La perspective de l’équipe missionnaire, tout comme Jésus, lorsqu’il a appelé ses disciples, n’était pas uniquement de prêcher, mais avait aussi comme but la formation d’autres, en 3 4 Voir Act 13.46 ; Act 18.4, 19 ; Act 19.8. Voir Actes 12.25. 3 les impliquant de manière pratique. Tout de suite, même avec le premier voyage missionnaire, il y a avait cette perspective d’assurer la pérennité de l’effort en formant d’autres. Je ne développerai pas plus cette idée ce matin, car nous le verrons à nouveau dans la suite du récit des Actes. Il est intéressant, par contre, de noter que Luc ne nous parle pas du tout des résultats de ces prédications de l’Évangile dans les synagogues. Il n’y avait pas, apparemment, de l’opposition, comme nous allons le voir par la suite. Nous pouvons également déduire que ces prédications ont porté leur fruit – car, plus tard, on trouve trois représentants des Églises de Chypre dans le Concile de Nicée (en 325 de notre ère). Nous pouvons comprendre cette « omission », en revenant au but de Luc, en écrivant les Actes. Il voulait montrer comment l’Évangile à progresser de l’état d’une « secte juive » pour devenir une foi qui a atteint tout l’empire romain. Alors, il s’arrête sur un détail assez important, dans cette perspective-là, pour montrer, dès le départ de la mission, comment un haut fonctionnaire de l’état – le proconsul Sergius Paulus – est venu à la foi en Christ. C’est d’ailleurs intéressant de souligner, dans le v.9, que c’est dans ce contexte de passage du milieu Juif au monde romain que Paul laisse derrière lui son nom juif, Saul, pour s’appeler presque exclusivement par la suite par son nom de citoyen romain. Puis, c'est aussi à partir de ce passage que Paul prend les devants, et Barnabas a un rôle plus en retrait – il y a eu un changement dans l’orientation de l’équipe, Barnabas reconnaissant les capacités et les dons de Paul, et lui laissant donc la place la plus importante. Après leur prédication systématique, Paul et Barnabas trouvent le proconsul à Paphos, à l’autre bout de l’île de Chypre, car si Salamine était la capitale traditionnelle des chypriotes, Paphos était le siège du gouvernement romain. Nous y trouvons en même temps la lutte avec Élymas, et son opposition à l’Évangile. Si nous regardons d’abord les raisons pour lesquelles Élymas était influent auprès du proconsul, nous constatons aussi justement pourquoi ce dernier était attiré par l’Évangile. Mais un mot d’abord sur qui était Élymas. C’était un « drôle de mélange » de genres, mais plus courant que ce que nous pourrions penser – et au premier siècle, et encore de nos jours. Élymas était quelqu’un qui avait gardé les traditions de ses origines, mais il avait mélangé cela avec d’autres choses, pour devenir un « gourou » influent. La traduction « magicien » est peut-être malheureux, car en fait, il était plutôt un « mage », dans le sens chaldéen du terme – sage, et un conseiller – et nous retrouvons d’ailleurs, ce qui est souligné au v.8, la même étymologie de son titre, Élymas, dans les Ulémas, les « sages » qui enseignent l’Islam. D’après le vocabulaire de Paul raconté par Luc au v.10, ce n’est pas du tout certain qu’Élymas ait réellement pratique la magie, car le verbe traduit « fraude » en français signifie en fait qu’il était surtout illusionniste, le mot signifiant le plus littéralement les « tours de magie, les tours de main, les illusions ». Élymas alliait donc un « enseignement spirituel » et des tours de main pour impressionner ses auditeurs. Mais pour revenir à Sergius Paulus, et l’influence d’Élymas sur lui, beaucoup de romains, déjà au premier siècle, délaissaient les dieux grécoromains, pour rechercher autre chose. Et beaucoup donc, même des empereurs romains (tels Pompée, Crassus et Tibère), sont tombés sous l’influence de gens comme Élymas, qui enseignait un genre de sagesse, mélangé de mysticisme. Quand Luc affirme que le proconsul était un homme intelligent, il parle moins de son QI que cette recherche de la vérité, et peut-être un certain intérêt pour le 4 judaïsme, pour rechercher le Dieu véritable. Mais Élymas constate l’intérêt que le proconsul porte au message de l’Évangile, il se rend vite compte qu’il risque de perdre sa place d’influence ; alors, il s’oppose à Paul. Il est évident que l’annonce de la vérité révèle aussi le mensonge, ce qui reste une bataille permanente dans ce monde. Pour cette raison je prends la liberté de citer le commentaire de Matthew Henry sur ce passage : « Satan est d’une manière spéciale très occupé par les grands hommes et les hommes au pouvoir pour les empêcher d’être religieux, car leur exemple pourrait en influencer beaucoup. … Sous l’influence directe du SaintEsprit, (Paul) a donné son vrai caractère à Élymas, mais pas dans la passion. Une plénitude de supercherie et de malice qui sont ensemble font en effet d’un homme un enfant du diable. … Le proconsul a été étonné à la force de la doctrine sur son propre cœur et sa conscience, et de la puissance de Dieu par laquelle cela a été confirmé. … Ceux qui ne sont pas préparés à affronter l’opposition, et à endurer l’épreuve, ne conviennent pas parfaitement pour le travail du ministère ». Ce commentaire souligne quelques points importants. Tout d’abord, il ne faut pas négliger les gens « haut placés », car eux aussi peuvent non seulement rechercher le Seigneur mais croire en lui, et peuvent donc avoir une influence bénéfique sur le pays. Mais l’enjeu est encore plus important aussi, et pour cela, le combat est souvent plus rude pour qu’une personne « importante » ou « influente » dans ce monde accepte l’Évangile. Mais c’est une raison supplémentaire de prier pour les autorités – non seulement qu’ils gouvernent bien, sachant qu’ils auront des comptes à rendre devant Dieu - mais pour qu’ils viennent à la foi en Christ ! Deuxièmement, Luc souligne en fait que l’opposition à l’Évangile a sa source en Satan – même quand il ne s’agit pas directement des démons, ni même des « satanistes ». Comme Jésus l’a clairement dit, en Jean 8.44 : « Vous avez pour père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne s’est pas tenu dans la vérité, parce que la vérité n’est pas en lui. Lorsqu’il profère le mensonge, ses paroles viennent de lui-même car il est menteur et le père du mensonge ». Il n’y a donc pas besoin de pratiquer la magie occulte ou d’être un sataniste pour être « un enfant de Satan » ! Il suffit de croire et répandre le mensonge – tout ce qui est opposé à la vérité de l’Évangile ! Mais Dieu permet à Paul de prononcer un jugement puissant – Élymas, le « sage », qui se vantait donc de savoir conduire les autres dans la lumière de la vérité, est frappé d’aveuglement, et doit demander de l’aide pour trouver son chemin. Luc précise que ce jugement est temporaire – et on ne peut pas éviter l’association avec ce qui est arrivé aussi à Paul sur le chemin de Damas – où il était, lui aussi, aveuglé, ce qui lui a permis en fait de « remettre les choses en place » spirituellement, et retrouver, en Christ, non seulement la vue, mais surtout, la vérité ! Si c’était un jugement puissant, c’était donc surtout un avertissement pour qu’Élymas considère ses voies, et qu’il n’était en fait pas sage du tout de s’opposer à la vérité de Jésus-Christ. Le résultat, c’est la conversion de Sergius Paulus, qui constate, de toutes les manières, la différence entre l’annonce de l’Évangile, et ce que d’autres peuvent annoncer. Comme Paul dit aux Thessaloniciens, (1 Thess 1.5) : « … notre Évangile n’est pas venu jusqu’à vous en paroles seulement, mais aussi avec puissance, avec l’Esprit Saint et une pleine certitude ». En conclusion, ce 5 passage nous donne non seulement un cadre pour la perspective missionnaire et ses méthodes, mais souligne l’importance de nos choix, de notre participation, avec l’Esprit, pour accomplir son œuvre. Puis, cela montre aussi que, si Dieu peut se manifester parfois par des miracles puissants, ce n’est pas la seule manière de manifester sa puissance. Car au-delà des miracles, c’est l’Évangile lui-même qui est la puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit. Et quand nous annonçons Christ, la puissance de l’Esprit est manifestée, par l’Évangile, et aussi, dans nos vies, si seulement nous sommes soumis à l’Esprit pour accomplir la volonté de Dieu et être conduits par lui ! 6