Mémoire Le patient souffrant de la maladie d`Alzheimer peut

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Mémoire Le patient souffrant de la maladie d`Alzheimer peut
Mémoire
Le patient souffrant de la maladie d’Alzheimer peut-il être inclus, en tant que
patient-témoin, dans la chaîne de soin ?
Etude exploratoire par le biais d’une recherche-action
Promoteur :
Professeur Philippe Meire
Mémoire présenté en vue de l’obtention
du grade de Master en
Sciences psychologiques
par Isabelle Henkens
Louvain -la-Neuve, Août 2015
DVD Vidéo témoignages
Je vous invite à regarder cette vidéo-témoignages
après avoir lu l’introduction.
Remerciements
A ma très chère grand-mère, que j’ai si souvent sollicitée dans les cieux, pour qu’elle
me montre le chemin, m’envoie de l’énergie, me protège des maux les plus divers en
cas de gros stress. Sa douce chaleur continue de me bercer.
A mes chers parents, toujours à mes côtés pour m’encourager et me soutenir – voire me
nourrir !!!- et dont le solide bon sens me ramène toujours les pieds sur terre. A 84 et 81
ans, ils sont tous les deux dans une maison de retraite…une demi-journée par semaine,
comme bénévole. Leur belle vitalité, leur humour et leur générosité m’aident à
apprivoiser sereinement l’idée de vieillir.
A Elsa, Mouloud, Paul et Annick, les patients-témoins avec lesquels j’ai eu le privilège
de faire un petit bout de chemin. Ils m’ont donné leur confiance et ont participé à ce
projet avec une sincérité qui m’a infiniment touchée. Ce n’est pas seulement des
témoignages qu’ils m’ont donnés, mais des leçons de vie. Je ne les oublierai jamais.
A Inge Cantegreil, Docteur en psychologie, qui a été mon Maître de stage à l’hôpital
Broca. C’est parce qu’elle m’a impliquée dans tous les aspects de son travail que j’ai été
‘exposée’ au concept de patient-expert. C’est grâce à nos échanges à bâtons rompus que
l’idée de ce mémoire a jailli. Elle m’a efficacement épaulée tout au long de ce projet,
tant dans la réalisation de la phase clinique que dans la réflexion. Ses connaissances
nourries par ses recherches, son expérience, son sens de l’éthique et son empathie ne
cessent de m’impressionner. Elle représentera toujours pour moi un exemple de
professionnalisme et d’humanisme. Son amitié m’honore.
Au Professeur Philippe Meire, qui a accepté de superviser la rédaction de ce mémoire
qui a été, d’un bout à l’autre, peu orthodoxe. Je le remercie très sincèrement pour ses
conseils – qui ont eu une importance capitale dans l’appréhension de la problématique
et la rédaction dans un style académique -, sa flexibilité, sa patience …que j’ai poussée
un peu à bout. J’espère que ce mémoire reflètera, au moins un peu, la richesse de nos
discussions.
A Manon, Raphaëlle et Maud, qui m’ont efficacement « vitaminées » aux cours des
longues heures qu’ont nécessitées la transcription des verbatim.
Table des matières
1. Vidéo-témoignages
2. Introduction
page 1
3. Revue bibliographique
page 4
4. Objet :
page 14
1. Méthodologie
page 14
A. Le protocole initial
page 14
B. Journal de recherche
page 16
2. Résultats
page 34
5. Analyse du discours des patients-témoins
page 42
6. Discussion
page 64
7. Conclusion
page 77
8. Références bibliographiques
page 80
Annexes
Introduction
C’est en mangeant un sandwich dans le joli cloître de l’hôpital Cochin que l’idée est
venue !
Je terminais mon stage au service de ‘consultations-mémoire’ de l’hôpital Broca1. Inge
Cantegreil, (neuropsychologue), mon Maître de stage, m’avait gentiment proposé de
l’accompagner à un séminaire consacré au concept de ‘patients-experts’, qui se donnait
à l’hôpital Cochin (précurseur dans ce domaine). Tout au long de la journée, des
patients-experts, atteints de diabète, de polyarthrites, d’obésité sont venus témoigner. Et
c’est donc à la pause déjeuner qu’Inge et moi en sommes arrivées à faire ce
raisonnement : le concept de patient-expert est une nouvelle approche qui s’applique
aux maladies chroniques. Si on considère la maladie d’Alzheimer comme une maladie
chronique, cette approche pourrait-elle être applicable aux patients qui en souffrent ?
Le premier obstacle était flagrant : impossible de former des patients : les
caractéristiques de la maladie sont précisément des difficultés d’apprentissage ….Très
rapidement, il est donc apparu que le terme ‘patient-témoin’ serait plus adapté que
‘patient-expert’.
Ce concept semblait néanmoins intéressant : On sait que la représentation de la maladie
d’Alzheimer est souvent assimilée au stade le plus sévère de celle-ci. (voir revue
bibliographique infra) Qui peut mieux faire évoluer la représentation de la maladie
d’Alzheimer que des patients qui incarnent la maladie au stade débutant ? Qui peut
suggérer efficacement des stratégies de coping sinon les personnes qui les mettent en
place au quotidien ? Qui peut mieux contrer la stigmatisation des malades atteints de la
maladie d’Alzheimer que les patients qui témoignent avec dignité ? C’est fort de ces
arguments que nous avons osé poser cette question de recherche : est-ce que, d’une
manière ou d’une autre, le patient souffrant de la maladie d’Alzheimer, pourrait être
inclus, en tant que ‘patient-témoin’, dans la chaîne de soins ?
1
L’hôpital Broca est un hôpital gériatrique Universitaire qui se situe dans le 13ème
arrondissement de Paris. Il héberge 420 lits et la consultation mémoire est la plus
importante d’Europe (4000 consultations/an).
1
Explorer cette question me tenait à cœur, si bien que j’ai changé en dernière minute de
sujet de mémoire pour pouvoir l’explorer. Le Professeur Meire, s’est laissé convaincre
de bien vouloir superviser mon travail et a été mon allié pour convaincre avec
diplomatie l’administration de la faculté et le Professeur qui devait superviser mon
premier projet de mémoire, d’accepter ce changement….je crains que ce n’ait été que le
début des maux de tête que j’ai dû lui causer !
Pour répondre à cette question de recherche, j’ai filmé le témoignage de quatre patients
souffrant de la maladie au stade débutant. (En effet, l’idée d’organiser des ‘face-à-face’
entre patients-témoins et patients nouvellement diagnostiqués ne m’est pas apparue
comme adaptée : il me semblait y avoir un risque que la détresse d’un patient
nouvellement diagnostiqué ne puisse avoir un impact négatif sur l’état psychique du
patient-témoin.)
La démarche était prévue en deux étapes comme suit :
1 : sous l’angle d’une expérience partagée :
La parole de personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer peut-elle être utilisée pour
aider des personnes nouvellement diagnostiquées avec ce type de maladie ? A cette fin,
il m’a semblé qu’il fallait d’abord évaluer l’acceptabilité de la démarche par les
patients-témoins en leur montrant la vidéo réalisée sur base de leurs témoignages.
2 : sous l’angle de l’impact :
Si la démarche était acceptable, il s’agirait
d’évaluer si la transmission de vécu
expérientiel pouvait avoir un impact positif sur l’état de santé et la qualité de vie du
patient ‘apprenant’.
Dans les faits, cette étude exploratoire s’est arrêtée après la phase d’acceptabilité. Les
raisons majeures qui ont motivé la suspension de cette étude à ce stade sont liées aux
questions qui ont mobilisé les chercheurs au cours des deux dernières décennies à
savoir :
L’annonce du diagnostic : qu’est-ce qui est dit au patient ? qu’est-ce qu’il
entend ? Qu’est-ce qu’il en retient ?
Comment le patient traite-il l’information sur son état ?
2
: la question du moment singulier à saisir : quand la vidéo témoignage
pourrait-elle être proposée au patient ? quels seraient les facteurs pertinents pour
définir le moment où le patient nouvellement diagnostiqué pourrait bénéficier de
l’expérience de ses pairs ? Cette question nous amène logiquement à la dernière
question, fondamentale :
Etant donné la singularité de chaque individu, de la manière éminemment
personnelle dont chaque patient vit sa pathologie et l’évolution très hétérogène
de l’expression de la maladie d’Alzheimer ou associée, le témoignage de
certains peut-il être pertinent pour d’autres ?
Ces questions m’ont amenée à prêter une attention particulière au discours que tiennent
des auteurs comme Nathalie Rigaux (1992, 1998, 2012), Peter Whitehouse (2008) et
Anne-Claude Juillerat Van der Linden et Martial Van der Linden (2014).
Voici comment je résumerais le débat auquel nous invitent ces auteurs : les troubles
cognitifs et fonctionnels chez le sujet âgé, doivent-ils être considérés comme une
maladie aux expressions multiples, qui doit dès lors être ‘traitée’ ? ou, doivent-ils être
abordés comme un processus qui peut faire partie du vieillissement, et qui doit être
accompagné ? Ce questionnement remet radicalement en cause toute l’approche actuelle
de la maladie d’Alzheimer et notamment la question-clé du diagnostic : si il n’y a pas
maladie, il n’y a pas de diagnostic à poser.
La conclusion de cette étude exploratoire est double :
la vidéo témoignage est plébiscitée par les patients-témoins comme outil pour mieux
se faire comprendre du personnel médical (médecins spécialistes, généralistes,
infirmières et aides-soignants).
certains patients-témoins pourraient, sous certaines conditions, être susceptibles
d’être intégrés dans la chaine d’accompagnement de sujets âgés qui en feraient la
demande. De nouvelles études exploratoires pourraient examiner l’impact de cette
insertion, portant tant sur les sujets-témoins2 (surtout en terme d’estime de soi) que
sur les sujets commençant à être affectés par des troubles cognitifs.
2
Si il n’y a pas de maladie, il n’y a pas de patient.
3
2. Revue bibliographique
En mai 2014, lorsque j’ai mené une première recherche bibliographique en introduisant
le terme « Alzheimer » dans la banque de données de PSYCHINFO, il y avait 32000
travaux de recherche qui étaient répertoriés. En juin 2015, il y en a plus de 51000 !
Dans cette revue bibliographique, je vais me focaliser sur les concepts-clés de mon
mémoire :
Pour rappel : la maladie d’Alzheimer
l’annonce du diagnostic au patient : cette question, on le verra par la suite, a été
un facteur majeur des limites de ma recherche exploratoire
L’éducation thérapeutique et le concept de patient-expert
la façon dont la parole de patients souffrant de la maladie d’Alzheimer a été
utilisée jusqu’à présent
La maladie d’Alzheimer
Le vieillissement est un processus multifactoriel
qui
est observable sur le plan
biologique, psychologique et social. La frontière entre le vieillissement cognitif normal
et pathologique est l’objet de multiples controverses.
En effet, les expressions du vieillissement cognitif sont très hétérogènes, tant au niveau
inter que intra individuel. (Géry-Nargeot & Raffard, 2013) Parallèlement, de
nombreuses recherches ont permis de démontrer que les symptômes de la maladie
d’Alzheimer sont eux aussi très hétérogènes et que l’évolution de ces symptômes est
également très variable. (Arfeux-Vaucher & Ploton 2012 )
À l’heure actuelle, la confirmation du diagnostic ne peut être apportée que post mortem,
par l’autopsie du cerveau, car les critères de la maladie sont anatomopathologiques. Du
4
vivant du malade, on ne peut en toute rigueur poser qu’un diagnostic de maladie
d’Alzheimer « possible » ou « probable ». (Pasquier, Lebert & Delacourte 1999)
Il est dès lors très difficile de définir la frontière entre vieillissement cognitif ‘normal’ et
maladie d’Alzheimer, tant sur le plan de la manifestation des symptômes que sur le plan
neuropathologique.
Il est intéressant de constater que, dans le DSM IV, la maladie d’Alzheimer était
considérée comme une catégorie dans le chapitre ‘démences’. Sous la pression,
notamment de patients et de leurs proches, qui souffraient de la stigmatisation qui allait
de pair avec le mot ‘démence’, ce chapitre s’appelle désormais ‘troubles neuro-cognitifs
‘. Ce changement de vocable ne semble pas permettre de différencier de manière plus
claire le vieillissement normal de la maladie d’Alzheimer ou des maladies associées
(Ballenger 2010)
Malgré ce flou, des diagnostics de MA sont réalisés partout dans le monde occidental.
Ceux-ci reposent sur un examen clinique qui comprend généralement un entretien avec
le patient (et éventuellement un membre de son entourage), une anamnèse et un bilan
neuropsychologique. Celui-ci objectivera les troubles mnésiques (encodage, stockage,
récupération), la désorientation temporelle et spatiale, les troubles de la mémoire
épisodique (rappel de mots, impact de l’indiçage) et une altération des fonctions
exécutives. Le neuropsychologue s’intéresse aussi à l’apparition (insidieuse ou brutale)
des troubles, leur évolution (linéaire ou fluctuante) et leur retentissement sur la vie
quotidienne. Un examen complémentaire d’imagerie cérébrale peut compléter les
données (essentiellement afin d’écarter d’autres pathologies) (Fernandez & Sagne
2013).
La question centrale reste : où déterminer la frontière entre vieillissement normal et
pathologique. Cette question est d’autant plus cruciale que d’une part la maladie
d’Alzheimer est toujours très stigmatisante pour le patient diagnostiqué MA
(Carbonelle, Casini & Klein, 2009) et que d’autre part, au niveau sociétal, des moyens
considérables sont engagés pour la prévenir et la guérir. (Gzil, 2013) En effet, sur base
de l’examen clinique mentionné ci-dessus, on estime actuellement que la maladie
d’Alzheimer concerne 185.000 Belges soit une prévalence de 9,3 % de la population de
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plus de 65 ans et un quart de la population de plus de 85 ans. On estime que ce nombre
devrait passer à 389.000 en 2050 (Ligue Alzheimer Belgique, 2015). En France, (France
Alzheimer 2015). l’estimation est d’environ 800.000 personnes atteintes par la maladie
d’Alzheimer (soit 1,5% de la population). Au niveau mondial, l’OMS estime que 35,6
millions de personnes sont atteintes de démence. Ce nombre devrait tripler d’ici 2050.
(Organisation Mondiale de la Santé 2012) A titre d’exemple, une des sources les plus
alarmistes à ce sujet est sans doute la vidéo en ligne (2015 Alzheimer’s facts and
figures) réalisée par l’association Alzheimer Américaine (sur le fond et surtout sur la
forme !)
Au vu des arguments exposés ci-dessus, on peut donc légitimement se poser des
questions sur la ‘pathologisation’ (excessive ?) des manifestations de vieillissement. Où
placer les curseurs ? Martial Van der Linden répond « qu’il n’est pas possible de définir
de façon précise la limite entre le normal et l’anormal. (2014, p.43)
L’annonce du diagnostic
Je vais aborder cette question car elle est centrale, dans l’étude exploratoire que j’ai
menée et que je décrirai ci-après (voir infra). La revue bibliographique que j’ai menée
sur ce sujet laisse perplexe : je me suis intéressée aux données qui émanent de la
recherche, aux recommandations des Hautes Autorités de santé et aux données qui
émanent de la pratique clinique.
En ce qui concerne la pratique clinique. En France, une étude (Cantegreil-Kallen,
Turbelin, Olyay, Blachon & Moulin, 2005) portant sur 616 médecins généralistes,
rapporte que 28% des médecins généralistes annoncent le diagnostic au patient MA. Un
quart utilisait le mot explicite ‘maladie d’Alzheimer’ lors de cette annonce. Lors de la
consultation durant laquelle le diagnostic était annoncé, 25% abordent la nature de la
maladie. Les médecins se disent plus disposés à annoncer le diagnostic à l’aidant. Les
données sont assez similaires en Belgique : 30 à 40 pourcents de médecins annoncent
eux-mêmes le diagnostic. Les données sont contradictoires, quant à savoir si le fait
d’être généraliste ou spécialiste influence ce pourcentage. Selon Salmon et al (2009), il
n’y a pas de différence. Selon une étude européenne, (Gely-Nargeot, Derouesne, &
Selmes, 2003), les psychiatres seraient plus enclins à révéler le diagnostic aux patients.
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Cette même étude rapporte également que le diagnostic est plus volontiers donné dans
les pays Anglo-saxons que dans les pays latins. Comme leurs collègues Français, les
médecins Belges confirment aussi qu’ils sont plus enclins à annoncer le diagnostic MA
à l’aidant qu’au malade lui-même. (Raymaekers & Rondia, 2009). Un étude française
(Trichet-Llory, Mahieux, 2005) rapporte que, dans le cadre des consultations mémoire,
le diagnostic est annoncé aux patients dans environ 70 % des cas.
Au niveau international, on estime qu’environ 50% des patients qui souffriraient de la
maladie d’Alzheimer ont obtenu un diagnostic en ce sens (Bamford, Lamont, Eccles,
Robinsons, May & Bond, 2004). Ces chiffres sont
comparables aux estimations
réalisées en France : parmi les 850.000 personnes considérées comme malades de la
maladie d’Alzheimer, on estime que la moitié n’a pas reçu de diagnostic (Gzil, 2013)).
Une étude rapporte que les médecins se sentent mal à l’aise pour annoncer le diagnostic
surtout parce qu’ils ne se sentent pas bien formés pour faire le diagnostic étiologique,
pour l’annoncer et pour ensuite prendre le patient sur le plan médico-social. En
conséquence, ils se sentent dans l’embarras en face du patient et ressentent le besoin de
le protéger (Cantegreil et al., 2005).
Les médecins rapportent aussi un grand sentiment d’impuissance car ils ont des
difficultés à évaluer ce que le patient veut savoir et avouent avoir eux-mêmes du mal à
accepter le diagnostic de démence (Salmon et al., 2009). Le manque de temps est
également un facteur qui est rapporté. Or, l’annonce d’un diagnostic de maladie
d’Alzheimer, requiert plus de temps qu’une consultation standard (Raeymaekers et al.,
2009).
Malgré le flou qui existe entre vieillissement naturel et maladie d’Alzheimer (voir plus
haut), le diagnostic précoce est une revendication forte des associations Alzheimer.
(Alzheimer Europe, 2014 ; Alzheimer’s Disease International, 2015, ;Bamford et
al.2004). Celles-ci encouragent directement ou indirectement les personnes qui
consultent leur site à faire le diagnostic précoce. Un exemple de ce type de
communication est « The importance of early diagnosis » (Alzheimer’s Disease
International, 2015). Il est à noter que cette organisation est une ONG qui est financée
par de nombreux laboratoires pharmaceutiques. Le témoignage d’une patiente de Porto
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Rico semble bien illustrer le paradoxe du diagnostic précoce (Cuidateduidador, 2015)3.
En résumé, cette patiente explique que grâce à un diagnostic précoce, elle a pu être prise
en charge (psycho éducation, groupe de parole, exercice physique, nutrition,
médicament) si bien que 10 ans plus tard, son état est stable. Ce témoignage laisse
perplexe à plusieurs égards : d’une part, si la patiente est restée stable pendant 10 ans, il
peut sembler légitime de remettre en cause le diagnostic. Par ailleurs, la prise en charge
décrite me semble si exemplaire que je me demande si le témoignage est véridique.
Une méta-analyse de données empiriques portant sur l’annonce du diagnostic réalisée
en 2004 (Bamford, 2004) rapporte qu’il existe une très grande variété de croyances et
attitudes par rapport à l’annonce du diagnostic4. Ainsi, il est rapporté que, environ 50%
des médecins sont en faveur de l’annonce du diagnostic, de 17 à 100% aux proches et
de 32 à 96 % aux malades. En 2003, Turnbull (2003) fait état d’une double norme : 92%
des proches d’un patient voudraient connaître le diagnostic si eux-mêmes étaient
concernés. Néanmoins, ils ne sont plus que 17 à 68% à être favorables à l’annonce du
diagnostic à leur proche malade. La disparité semble être liée au niveau socio-culturel et
à des aspects géographiques.
Les réactions du patient semblent dépendantes des conditions de l’annonce.
(Marzanski, 2000) Il est tout d’abord important que le patient n’apprenne pas sa maladie
de façon fortuite (par exemple en s’informant sur le médicament qui lui est prescrit). Il
semble y avoir unanimité sur le fait que c’est le médecin qui établit le diagnostic qui
doit l’annoncer. (Salmon et al, 2009).
Quant à l’impact de l’annonce du diagnostic sur le patient, voici les données émanant de
la recherche : une étude rapporte que l’utilisation du mot « Alzheimer » cause plus de
réactions émotionnelles négatives que le mot « démence » ou trouble cognitif léger ».
(Carpenter, Xiong & Porensky, 2008)5 Le niveau de détérioration et la qualité de
l’entourage affectif semblent jouer un rôle clé (Lin, Liao, Wang & Liu 2005). L étude
Il ne m’a pas été permis d’établir quelle organisation a mis ce site en ligne
Cette méta-analyse est à considérer comme un indicateur car elle n’est pas exempte de
biais méthodologiques.
5 On verra plus loin que cette étude n’est pas prise en compte par les Hautes études de
santé qui recommandent spécifiquement aux médecins d’utiliser les mots ‘maladie
d’Alzheimer.
3
4
8
menée pour OPDAL par Gely-Nargeot et al (2003) rapporte que les réactions des
patients sont par ordre décroissant : anxiété (45%), résignation (28%) soulagement
(17%), rejet (16%) et déni (12%). On pourrait arguer que ces résultats corroborent le
fait qu’il peut exister une raison valable de ne pas divulguer le diagnostic à environ un
quart des patients (en cas de déni et de rejet), à savoir la crainte de générer une
perturbation émotionnelle très importante, voire de créer un risque suicidaire
(Blanchard, Novella, Quignard, Morrone, Debart, Courtaigne & Dramé, 2009). Les
patients semblent utiliser un système de coping qui oscille entre acceptation (mise en
place de stratégies pour faire face aux symptômes) et déni (qui s’exprime par la
minimisation, rappel de compétences et de réussites) (MacQuarrie, 2005). Une
étonnante étude récente, réalisée pour l’association Alzheimer Europe, établit que le
niveau de dépression des patients varie très peu et que le niveau d’anxiété tend à
baisser, après l’annonce du diagnostic (Alzheimer Europe and Harvard School of Public
Health, 2014)
Bere Miesen, (2002) rapporte quant à lui des données basées sur sa pratique clinique.
Selon lui, il y a quatre facteurs qui déterminent la réaction d’un patient à l’annonce du
diagnostic : sa personnalité, son parcours de vie, ses connaissances de la maladie et son
modèle d’attachement.
Voici comment les Hautes Autorités de Santé (2009) résument les bonnes pratiques du
diagnostic :
l’annonce du diagnostic doit faire l’objet d’une consultation longue et dédiée
le médecin doit être explicite (le terme maladie d’Alzheimer doit être prononcé)
le patient doit être informé du diagnostic en premier au cours de l’annonce, le
médecin doit mettre en avant les capacités préservées du patient
o proposer une stratégie thérapeutique
o évoquer des aides possibles
o informer de l’existence d’associations de malades
o parler de la recherche dans ce domaine
o parler de l’évolution clinique qui peut être lente
le patient doit pouvoir être revu rapidement après l’annonce du diagnostic avec
ses proches.
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Certaines de ces recommandations semblent être en contradiction avec le résultat des
recherches. En effet : l’étude de Carpenter (2008) semble démontrer que le mot
‘démence’ cause moins de réactions émotionnelles négatives. Pour Dérouesné (2005),
l’annonce du diagnostic doit être progressive, réitérée, parfois limitée, mais toujours
claire et cohérente. Afin de pouvoir adapter au mieux le discours au patient, Hoerni
(2004) recommande d’écouter le patient avant de partager la mauvaise nouvelle. …La
recherche rapporte que, quels que soient les mots choisis par le médecin, il arrive
fréquemment que le malade atteint de troubles cognitifs ne comprenne pas clairement ce
qui lui est dit (Acton, Mayhew, Hopkins, & Yauk, 1999). …Aussi le médecin doit-il tenir
compte du fait que le patient perçoit souvent autre chose que ce qu’il lui a expliqué »…
Tous les éléments repris ci-dessus reflètent bien les difficultés auxquelles les médecins
font face pour ciseler l’annonce du diagnostic quand ils sont face-à-face avec un patient.
L’éducation thérapeutique et le concept de patient-expert
L’éducation thérapeutique est définie comme « l’aide apportée aux patients, à leurs
familles et/ou leur entourage pour comprendre la maladie et les traitements, collaborer
aux soins, prendre en charge leur état de santé et conserver et/ou améliorer la qualité de
vie. » « L’éducation thérapeutique diffère de l’éducation pour la santé dans la mesure où
l’apprentissage du patient intéresse la maladie, le corps, la chronicité, la mort et engage
des réaménagements psychologiques et identitaires….L’éducateur se trouve ainsi
confronté au pari des compétences du patient en situation. Celles-ci sont liées aux
apprentissages développés par le patient tout au long de sa vie à son rapport à la
temporalité (depuis l’annonce du diagnostic jusqu’à l’appropriation du problème de
santé) et à la confrontation avec l’évolution de sa maladie (Balcou-Debussche, Bury,
Eymard & Foucaud ,2010).
L’éducation thérapeutique est généralement dispensée par le personnel soignant
(infirmière, diététicien, kinésithérapeute, médecin,….), formé à cet effet par le biais de
formation universitaire spécifique. L’éducation thérapeutique s’inscrit depuis quelques
années dans une approche constructiviste, « en se centrant sur la capacité du patient à
agir sur son environnement….Les savoirs d’expérience du patient occupent une place
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centrale dans l’activité d’éducation thérapeutique qui inclut un travail sur le
développement de la connaissance de soi du patient. » (Balcou et al 2010)
Basée sur le constat que nul ne connaît mieux sa maladie que le patient qui en souffre,
les formations à l’éducation thérapeutique se sont récemment ouvertes aux patients.
C’est ainsi que le concept de patient–expert a vu le jour.
Le patient-expert est « une personne atteinte d’une maladie chronique, qui, au fil du
temps ou par le biais d’une formation spécifique, a développé une connaissance solide
de sa propre maladie, jusqu’à en tirer une expertise. Celle-ci n’est pas scientifique…Il
s’agit d’une expertise tirée du vécu de la maladie, des symptômes du quotidien aux
relations avec les proches, et développée aux côtés de l’équipe soignante qui lui
transmet les clés pour gagner progressivement en autonomie dans la gestion de sa
maladie. Le patient-expert devient ainsi acteur de sa propre prise en charge, et peut
également s’avérer une ressource précieuse pour ses pairs… jusqu’à jouer un rôle dans
certaines décisions de santé publique ! » (Voix des patients, 2015)
Le concept de patient-expert a été développé pour les maladies chroniques telles que le
diabète, mais aussi l’obésité, la lombalgie, la polyarthrite rhumatoïde, l’hypertension
artérielle, le VIH et l’asthme.
Sur le plan des maladies mentales, des plans d’éducation thérapeutiques ont été
développés, notamment pour les patients souffrant de troubles bipolaires, et
la
transmission de savoir se fait essentiellement du personnel soignant au malade. En ce
qui concerne la maladie d’Alzheimer, un programme d’éducation thérapeutique a été
mis en place pour former les aidants des malades (Bourdillon, Gagnayre, Grimaldi,
Simon & Taynnard 2013).
La parole des patients
Bère Miesen a lancé en Hollande dès 1997 des ‘Alzheimer Café’ qui se déploient petit à
petit dans de nombreux pays (Blom 2011), notamment en Belgique (Alzheimer Belgique
2015) et en France (où ils sont parfois appelés ‘Cafés Mémoire’ (France Alzheimer
2015), et également au Royaume Uni, en Grèce, en Italie, en Finlande, au Danemark, au
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Canada et aux USA (où il n’y a pas de discussion entre participants mais simplement
une activité récréative) et à Aruba et Curaçao. La particularité du concept français des
cafés de la mémoire est que ni les animateurs, ni les participants ne savent qui est
patient et qui est aidant. Chacun vient pour participer librement et échanger sur des
sujets suggérés par les participants. (Cantegreil, Chausson, de Rotrou, Moulin,
Batouche, Wenisch, Richard, Garrigue, Thévenet, & Rigaud 2006) Les ‘Alzheimer
Cafés’ – tels que pratiqués en Europe -, ont pour but de rompre l’isolement social et de
libérer la parole des patients et des aidants en leur permettant de surmonter le tabou de
la maladie et d’échanger, dans une ambiance conviviale. Le nombre croissant de
participants à ces « cafés » laisse présager de leur utilité mais à ce stade, il n’existe pas
d’étude scientifique rapportant leur effet (Cantegreil et al 2006) (un ouvrage de Bére
Miesen rapportant les résultats des Alzheimer cafés était annoncé pour janvier 2015
mais n’a pas encore été publié).
Force est de reconnaître que, pendant longtemps, la parole semble être peu souvent
donnée aux patients, qui ont reçu un diagnostic de la maladie d’Alzheimer ou de
démences apparentées. Cela semble évoluer rapidement au cours des cinq dernières
années.
Lorsque la parole a été donnée aux patients, cela a été pendant longtemps
essentiellement dans le but de se faire mieux comprendre par les aidants, le personnel
soignant, la communauté au sens large… et aussi – parfois – des instances politiques.
En voici quelques exemples : au Royaume Uni, un site web a récemment été créé :
http ://www.patientvoices.org.uk. Il réalise de courtes vidéos (environ 3 minutes) en
donnant la parole à des patients souffrant de maladies mentales (ci-inclus Alzheimer),
mais aussi aux aidants et au personnel soignant. Ce site a été créé pour que le National
Health Service (NHS) prenne en compte le point de vue des malades et pour
promouvoir les formations en e-learning auprès de son personnel soignant.
Aux Pays Bas, un groupe a été constitué, rassemblant uniquement des malades souffrant
de démences, dont la maladie d’Alzheimer, « de kerngroep dementie » (Alzheimer
Nederland 2015). Ce groupe – essentiellement formé de patients mais également de
proches – a pour but de faire entendre la voix des patients aux proches, au personnel
soignant et aux politiques. Ce ‘kerngroep’ a par exemple défini une sorte de ‘mode
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d’emploi’ basé sur 10 sujets, qui définit ce que le patient souffrant de démence ressent
et comment agir en conséquence.. Ce document est simple à comprendre et
pragmatique. Par exemple : ‘continuez de me parler : conduisez-vous avez moi de
manière normale. Demandez-moi si j’ai compris. Tenez compte de moi, laissez-moi
mes valeurs. Ne parlez pas au- dessus de ma tête : j’entends toujours bien. Ne me posez
pas de questions sur hier ; je ne m’en souviendrai pas. Posez-moi une question à la fois,
sinon il y a vite trop de choses dans ma tête.’
Pendant longtemps, lorsque des personnes atteintes de la MA apparaissaient sur des
sites en ligne, ce n’était pas véritablement des patients mais des acteurs. Un exemple
est la vidéo « you are not alone » où semblent apparaître une actrice, pour délivrer le
message clé, et une patiente MA. (Alzheimer Association 2015) Récemment, il semble
que la parole a été donnée à des patients véritables pour partager leur vécu avec
d’autres, patients, aidants ou grand public,. Ainsi, en octobre 2014, la Croix Rouge
française a réalisé une vidéo intitulée ‘Et n’oublie pas ma liberté…’(Croix Rouge
française, 2014) qui donne la parole aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer
et de maladies apparentées, à leurs aidants et aux professionnels et bénévoles de la
Croix Rouge qui leur viennent en aide. Avec cette vidéo a été publiée une enquête
qualitative
intitulée « Regards croisés » qui reprend les verbatim de malades
d’Alzheimer et de leurs proches. « L’objectif de ces démarches est de permettre à tous
les acteurs de l’association de progresser dans le sens de son projet associatif, en
nourrissant la réflexion sur les pratiques professionnelles à partir des perspectives
croisées. » (Croix Rouge française, 2014)
L’association Alzheimer Ecossaise a récemment mis en ligne sur son site des
témoignages de patients
sur le thème « Living well with dementia » (Alzheimer
Scotland, 2015) Cette initiative est la plus proche de la démarche que j’ai initiée dans ce
mémoire. Le but poursuivi par cette association, me semble-t-il, est de faire évoluer la
représentation de la maladie dans le grand public, de mettre des visages dignes et
avenants sur la maladie d’Alzheimer, plutôt que les visages vides et absents qui sont
encore associés à la MA le plus souvent dans l’inconscient collectif. Les témoins
expliquent également, comme le titre le laisse entendre, qu’on peut vivre heureux après
le diagnostic.
13
Le témoignage de Blandine Prévost, une jeune femme de 38 ans, qui a eu un diagnostic
d’une maladie apparentée à la démence il y a 3 ans, décrit de manière poignante le vécu
du patient et le changement de regard que porte sur lui l’entourage. Il vise à changer le
regard social porté sur ce type de maladie et à donner un ‘mode d’emploi’ à l’entourage
et le personnel soignant. En effet, ce témoignage décrit très bien la façon dont le regard
des proches et du corps médical, change après que le diagnostic ait été posé. Ceux –ci
interprètent les dires ou comportements du patient via le prisme de la représentation
qu’ils ont de la maladie (Espace éthique Alzheimer, 2012). Ce témoignage n’est pas
spécifiquement destiné aux autres malades (jeunes ou moins jeunes) mais à l’ensemble
des personnes concernées par la démence et maladies associées : patients, aidants,
associations, corps médical et pouvoir politique.
Tous ces témoignages contribuent aussi à faire évoluer la représentation de la maladie
(mais la route est encore longue) et par conséquent, à contrer la stigmatisation dont
souffrent les patients MA. Ils n’ont, selon mes recherches, jamais été réalisés dans le
seul but d’aider les patients nouvellement diagnostiqués à mieux accepter la maladie et
à s’inscrire dans la prise en charge du patient.
3. Objet
3.1 Méthodologie
Dans les pages qui suivent, je vais expliquer quel était le protocole initialement prévu
(partie A), et par le biais de mon journal de recherche, pourquoi et comment il a été
adapté (partie B).
3.1.A. Le protocole initial
L’objectif de l’étude était de former 10 patients atteints de la maladie d’Alzheimer au
stade débutant et connaissant leur diagnostic, à partager leur savoir expérientiel avec des
malades qui viennent de recevoir le diagnostic. A cette fin, les malades « témoins »
devraient bénéficier de 4 sessions de groupes de parole, et d’un entretien individuel,
Leur témoignage serait ensuite enregistré par vidéo.
14
Nous pensions que, sur les 10 patients témoins recrutés en amont, nous aurions
probablement la moitié qui ne pourraient pas assister aux différentes sessions de
préparation de manière régulière, de sorte que nous estimions que nous aurions
finalement 5 patients témoins ‘formés à’ témoigner. La compilation de ces 5
témoignages filmés (vidéos) serait projetée aux patients-témoins, pour valider
l’acceptabilité de la démarche. Si cette étape était validée, la vidéo-témoignage serait
proposée à 10 malades nouvellement diagnostiqués. (NB :le témoignage vidéo a été
préféré à une rencontre ‘face-à-face’ pour éliminer le risque que la détresse du malade
nouvellement diagnostiqué ne puisse être transférée au patient-témoin.) Pour évaluer
l’impact de l’intervention, leur état anxio-dépressif serait mesuré avant et après le
visionnage, et comparé à l’état anxio-dépressif de 10 patients-contrôle.
Le déroulement devait donc être le suivant :
1ère étape : Recrutement de 10 patients-témoins : entre le 25/11/2014et le 10/1/2015
Critères d’inclusion : diagnostic Alzheimer stade débutant (selon DSM V).
MMS au dessus ou égal à 22
Critères d’exclusion : Episode dépressif majeur (selon le DSM V)
Procédure d’inclusion :
-
Proposer l’étude au patient (médecins et neuropsychologues lors
d’une
consultation ou d’un bilan). Si acceptation : déposer la fiche patient dans le
casier de Inge Cantegreil
-
Contacter le patient par téléphone (Isabelle Henkens)
-
Entretien d’inclusion pendant lequel le patient signe le consentement éclairé
(Isabelle Henkens)
-
« Formation » du patient-témoin par quatre sessions de groupe de parole et un
entretien individuel (Isabelle Henkens)
2nde étape : Recrutement de 20 patients : entre le 5/1/2015 et fin février 2015
Total 20 patients : 10 sujets expérimentaux + 10 contrôles
Critère d’inclusion : diagnostic MA au cours des 3 derniers mois + annonce du
diagnostic
15
Critère d’exclusion : patient suivi en psychothérapie, patients ayant un aidant
bénéficiant de l’éducation thérapeutique
Procédure d’inclusion : idem qu’étape 1
3ème étape : Etude d’acceptabilité
Interview qualitative, semi-structurée, avec chacun des patients-témoins après
visionnage de la vidéo reprenant leurs témoignages.
Résumé de l’étape acceptabilité :
-
La population patient-témoins : patients diagnostiqués avec la maladie d’Alzheimer
à la consultation mémoire de l’hôpital Broca
-
Le type d’étude : il s’agit d’une étude, « avant-après », sans groupe témoin.
-
Le critère d’évaluation : l’acceptation de la maladie par le patient-témoin.
-
L’instrument d’évaluation : entretien individuel avec le patient-témoin après le
visionnage de la vidéo reprenant les témoignages
4ème étape : Evaluation d’impact
-
Population expérimentale : patients ayant reçu un diagnostic MA endéans les 3
mois à la Consultation Mémoire de Broca.
-
Evaluation : entretiens avant et après intervention (=visionnage de la vidéo des
témoignages) ainsi que la passation de tests mesurant leur état anxio-dépressif :
échelle d’évaluation analogique (EVA) ; anxiété : STAI, et dépression : échelle
de Beck
-
Intervention =visionnage de la vidéo des témoignages
-
Evaluation deux semaines après intervention : échelle d’évaluation analogique
(EVA) ; anxiété : STAI, et dépression : échelle de Beck.
-
Comparaison avec résultats des tests mesurant l’état anxio-dépressif des
patients-contrôle
16
3.1.B. Journal de recherche :d’un protocole simple
à une ’opérationnalisation …beaucoup moins
simple
Pour que l’analyse des résultats soit la plus pertinente possible, j’ai choisi de garder une
trace de toutes mes démarches en tenant un journal de recherche.
Octobre 2014 :
Je rédige un projet de protocole, je le discute avec Inge Cantegreil, qui a été mon Maître
de stage.
Je le présente au Professeur Meire, qui le valide. Il m’encourage à le
soumettre le plus rapidement possible au Comité d’éthique car par expérience, il sait
que le processus d’approbation peut être long… Une seule semaine a suffi pour obtenir
le feu vert : ceci me paraît de très bon augure.
Il me met en garde sur l’ambition de mon projet : il lui semble que le nombre de
patients à recruter est très important pour un mémoire de Master. La suite lui donnera ô
combien raison !
Comme indiqué plus haut, l’hôpital Broca est la plus grande consultation mémoire
d’Europe. J’y ai effectué mon stage, au printemps 2014 et j’avais donc pu nouer des
liens amicaux avec quelques membres de la –grande équipe (13 gériatres, 13
neuropsychologues et 4 infirmières). J‘étais donc confiante et optimiste quand j’ai pris
mon ordinateur sous le bras pour aller présenter ma démarche (j’ai préparé une belle
présentation powerpoint et j’ai imprimé en 50 exemplaires les brochures de recrutement
de patients – annexe 1) lors de la réunion d’équipe de l’hôpital de jour et leur demander
leur aide pour recruter les patients.
24 novembre 2014 :
En fait, seules 8 personnes (sur une trentaine) vinrent à cette réunion….le mot plus
exact serait sans doute ‘passèrent’ à cette réunion car plusieurs arrivèrent en retard ou
partirent plus tôt. Quand l’un des gériatres qui était là, dit à son collègue qui l’appelait
que ‘ce n’était pas la peine de venir’, ma belle confiance en ma démarche, qui me
semblait si intéressante, en prit un coup !….Je pris conscience que je n’étais qu’une
petite étudiante de Master, qui essayait de se faire entendre parmi les très nombreuses
17
sollicitations que recevaient tous les membres d’équipe. Je me rendis compte que ma
petite étude était en compétition avec au moins 20 études cliniques à grande échelle,
initiées par des laboratoires ou les gériatres ou les neuropsychologues eux-mêmes. ….
Il allait falloir être futée ! Je fis un rapide calcul : Broca recevait en moyenne 365
patients par mois en consultations mémoire (le mois d’août est fermé). J’avais le soutien
de Inge Cantegreil (qui partageait mon intérêt pour cette étude), du Docteur Seux, l’une
des gériatres qui est un ‘pilier’ à Broca et du Professeur Anne-Sophie Rigaud, qui dirige
le pôle hospitalier. Cela ne pouvait pas être si compliqué de recruter 10 patients ! C’est
ainsi que je retrouvai mon optimisme mais, comme la suite le prouvera, il allait être mis
à rude épreuve.
Pour donner plus de poids à ma démarche, je me permis de demander au Professeur
Rigaud d’envoyer un mail pour demander à son équipe de m’aider à recruter les
patients, ce qu’elle fit le 25 novembre.
1er décembre : je passe à Broca : aucun patient recruté.
5 décembre : toujours aucun patient recruté.
Le retard s’accumule par rapport à mon planning. De plus, je vais bientôt avoir mes
examens…Cela commence à sérieusement m’inquiéter. Comment vais-je bien pouvoir
faire ? J’en parle à Inge Cantegreil pour essayer de comprendre où sont les freins/les
blocages éventuels. Elle me confirme que ma démarche est peu audible dans le flux
d’informations et de sollicitations reçus par l’équipe. Comme je croise le Professeur
Rigaud dans le couloir, je me résous à lui demander à nouveau son soutien. Elle accepte
à nouveau et envoie encore un mail de rappel le 8 décembre. Résultat : ….NADA !
Noël arrive et ma démarche est au point mort. Il va falloir changer mon fusil d’épaule.
Fin Janvier 2015 :
Nouvelle tactique : Je vais à plusieurs reprises à Broca en début de matinée et je
consulte tous les dossiers des patients qui vont être vus pendant la journée. Pour ceux
qui semblent correspondre aux critères d’inclusion, j’essaie de voir le gériatre ou le
neuropsychologue qui va les recevoir ou je mets un mot dans le dossier demandant de
18
proposer l’étude au patient. En échangeant avec les personnes qui sont en charge de
l’administration des recherches cliniques, j’identifie un fichier où sont répertoriés une
centaine de patients qui seraient susceptibles de répondre aux critères d’inclusion de
mon étude. Je regarde les dossiers un à un. Le logiciel reprenant les dossiers des patients
n’étant pas connecté avec le logiciel de prise de rendez-vous ( ?!), et le personnel
soignant (les neuropsychiatres et gériatres et infirmières) n’y ayant pas accès, je me
connecte en fin de journée, après les consultations, via les codes d’accès des
réceptionnistes, au logiciel de prise de rendez-vous, pour voir si les patients que j’ai
‘pré-sélectionnés’ dans le fichier, vont venir sous peu en consultation à Broca. C’est
ainsi que je repère les dossiers de deux patients.
Pour les autres personnes du fichier qui n’ont pas de rendez-vous programmés avant
longtemps, je prends contact par téléphone et envoie ensuite un courrier que je fais
approuver par Inge Cantegreil. J’insère dans ma lettre des photos et présentation d’Inge
Cantegreil et moi, pour que cela soit plus vivant et plus sécurisant (pour pouvoir nous
reconnaître). Je l’envoie à une dizaine de patients. (Annexe 2).
Comme je croise le Professeur Rigaud et que je lui parle du travail de fourmi qu’est le
mien, elle me propose de faire un nouveau mail de rappel (le 8 février).
Hourra : un
nouveau patient émerge.
Inge Cantegreil anime un café Alzheimer. Elle y rencontre Elsa. Celle-ci ne correspond
pas strictement aux critères d’inclusion (MMS inférieur à 22) mais elle participe à de
nombreuses initiatives culturelles et sociales dédiées aux patients souffrant de la
maladie d’Alzheimer ou maladie apparentée : je l’inclus dans ma présélection.
1er mars
J’ai finalement 7 dossiers. Il est plus que temps de passer au stade suivant : prendre
rendez-vous pour aller rencontrer les patients et leur présenter ma démarche de vive
voix et en face-à-face.
Je prends donc mon téléphone avec enthousiasme pour appeler le premier patienttémoin de ma liste. Mon étude lui a été proposée lors d’un rendez-vous à Broca et elle a
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accepté d’y participer. Je ne m’attends donc à aucune difficulté….je déchante
rapidement. Lorsque je décris le projet à la patiente, elle me répond qu’elle n’a pas du
tout envie d’être filmée. Je conviens avec elle que je lui envoie le descriptif du projet
par courrier et que je la rappelle dans quelques jours…et je m’en veux. Mon
enthousiasme a pris le pas sur la prudence. Je me demande si il ne vaut pas mieux que
je présente le projet en mettant l’accent sur le témoignage et en minimisant l’aspect
‘enregistrement filmé’.
Je m’interroge : où commence la manipulation ? Je me dis que l’objet de ma démarche
est noble et que l’utilisation du témoignage est déontologiquement contrôlée.
L’enregistrement filmé me semble ne pouvoir directement ou indirectement faire de mal
à personne, il ne sera pas diffusé à grande échelle…mais quelles que soient mes
réponses à mes interrogations, j’ai perdu un des 7 patients-témoins ‘pré-recrutés’ avec
tellement d’effort et je ne vais probablement pas pouvoir la récupérer.
Seconde déconvenue : le numéro de téléphone de la patiente suivante est incorrect
(c’était supposé être le numéro de portable de son fils). Je fais des recherches sur les
pages blanches, regarde à nouveau son dossier : pas de numéro. Elle n’a pas de
téléphone à l’adresse indiquée. Après de multiples recherches, je réalise qu’elle est
partie vivre dans le sud, chez sa fille pour quelques mois.
Là, je demande à ma grand-mère dans les cieux d’aller dire bonjour à Sainte Rita,
chargée des causes désespérées. J’ai eu confirmation que ma grand-mère est bien au
paradis- j’en étais sûre !- et que je peux continuer à lui faire confiance : il semble bien
qu’elle ait convaincu Sainte Rita d’intercéder ! Je finis par avoir 4 patients qui acceptent
de participer à mon étude. Alléluia !
15 mars
J’ai enfin des rendez-vous avec 4 patients- témoins. Il semble d’emblée plus simple que
j’aille les rencontrer chez eux (pour une question de confort, de logistique et
de
finances : les frais de transport ne leur auraient pas été remboursés). Je prends contact
avec l’aidant et j’envoie un courrier pour confirmer ma visite. Mon stage m’a rendu
sensible à la vulnérabilité des malades : il me semble important que patient et aidant
20
aient les coordonnées de la personne qui vient chez eux et comprennent le but de sa
visite.
Trois nouvelles questions se posent : le consentement éclairé, la caméra et la
préparation au témoignage.
Ma première visite au patient a pour but d’expliquer à nouveau ma démarche au patient
et à son aidant et de leur demander leur consentement éclairé. Je me mets donc en quête
de modèle de consentement éclairé. J’obtiens un modèle de consentement utilisé à
Broca : il n’est pas adapté car il concerne une étude clinique où il y a une intervention
physique (ponction lombaire). Il va donc falloir que j’en prépare un moi-même. Je suis
juriste de formation (mais c’est un très vieux souvenir) : cela devrait - au moins un peu
- m’aider. Le fait que je vais filmer le patient a une implication particulière qui
concerne le droit à l’image, c’est une matière complexe….Finalement, je décide d’opter
pour la simplicité. Je prépare un document clair et concis, que je fais valider par Inge
Cantegreil : celui-ci reprend le descriptif de la recherche, le document de consentement
destiné au patient, et à l’aidant. (annexe 3)
En ce qui concerne la caméra, je me rapproche de Gérontec, le centre de recherche
attaché à l’hôpital Broca. Etant donné que les recherches qui y sont menées sont
focalisées sur l’acceptabilité de nouvelles solutions technologiques par les personnes
âgées, j’ai bon espoir d’y trouver une caméra. Après plusieurs coups de fil, je rencontre
un très gentil chercheur qui me montre une caméra…très ancienne et m’explique que
c’est un casse-tête de transférer les fichiers sur un ordinateur. Moi qui n’ai pas le goût
de la technologie, je pressens la galère dont on sort énervé et épuisé. J’opte pour l’achat
d’un nouveau smartphone avec une plus grande capacité de mémoire. Comme vous le
lirez bientôt, cette idée a vite rencontré sa limite.
Enfin, le protocole initial prévoyait de réunir les patients-témoins à 4 reprises, pour
échanger sur leur vécu expérientiel et les préparer à témoigner devant la caméra. Cette
étape semble à présent difficile à mettre en place dans le temps imparti. En commun
accord avec le Professeur Meire et Inge Cantegreil, nous décidons de faire une seule
rencontre avec chaque patient-témoin individuellement, avant de passer directement à
l’enregistrement du témoignage
21
2 avril : Première rencontre avec Elsa, patient-témoin Numéro 1.
Elsa est d’origine scandinave. Elle est artiste : elle peint et elle joue du piano. O, son
mari et elle appartiennent clairement à un milieu socio-culturel privilégié. A l’annonce
de la maladie d’Elsa, O, son mari, ‘a pris sa maladie comme un projet’. Il a suivi des
formations pour les aidants et participe activement à 3 cafés des aidants dont il me
décrit les différents mérites en détails. Ensemble, ils participent à de nombreuses
initiatives socio-culturelles organisées pour les patients souffrant de la maladie
d’Alzheimer et leurs aidants, notamment du théâtre. Constamment stimulée,
encouragée, par O., Elsa peint toujours et joue toujours au piano.
C’est lors d’un café des aidants qu’Inge Cantegreil avait recruté Elsa en proposant
l’étude à son mari. Ayant lu son dossier, et après notre première rencontre, mes attentes
quant à la qualité de son témoignage étaient très mesurées. J’estimais que les passages
‘exploitables’ comme témoignage transmissible à d’autres patients seraient sans doute
rares. En effet, Elsa était très apathique et avait le regard ‘absent’.
J’ai donc abordé ce premier entretien filmé comme une manière de me tester, moi.. Je
suis partie munie de mon nouveau smartphone, d’une lampe pour améliorer l’image,
d’une liste de 11 questions. J’étais un peu stressée car je m’inquiétais de la qualité des
images et du son de l’enregistrement video.
Voici les questions que j’avais préparées :
1. Est-ce que vous avez des problèmes de mémoire ?
2. Quand/Comment le remarquez-vous ?
3. Qu’est-ce qui est pénible quand on a des problèmes de mémoire ?
4. Qu’est-ce qui est le plus difficile ?
5. Qu’est-ce qui vous aide ?
6. Qu’est-ce qui vous fait peur ?
7. Comment avez-vous vécu l’annonce du diagnostic ?
8. Comment cela se passe-t-il avec l’entourage, depuis que vous avez des
problèmes de mémoire ?
9. Est-ce que vous avez parfois de la peine ?
22
10. Qu’est-ce qui vous donne le plus de joies ?
11. Que voudriez-vous dire à d’autres personnes qui commencent à avoir des
problèmes de mémoire ?
12. Comment envisagez-vous l’avenir ?
Parmi ces questions, le mot “Alzheimer” ne figure pas. Ce n’est pas par hasard. Je me
pose énormément de questions à ce propos : est-ce que je parle de problèmes de
mémoire ou de maladie d’Alzheimer ? J’ai bien vérifié, en parlant aux gériatres qui les
suivent, que les quatre patients-témoins ont reçu le diagnostic, donc a priori, le mot ‘
Alzheimer’ a été prononcé pour chacun d’entre eux. (à l’hôpital Broca, la procédure
d’annonce du diagnostic prévoit que le mot « Alzheimer » est explicitement prononcé)
J’ai du mal à faire la part des choses : il y a d’une part ma peur de prononcer ce terrible
mot devant un patient qui est affecté par cette maladie, en craignant de le faire souffrir ;
d’autre part la posture du psychologue que j’aspire à devenir, est précisément de mettre
des mots sur ce qu’on a du mal à exprimer, pour pouvoir se le représenter et le gérer.
Comme je l’expliquerai plus loin, ce tiraillement ne m’a pas quittée, tout au long de ce
travail. Les rencontres avec les patients n’ont fait que l’alimenter.
Je pars enregistrer le premier témoignage en me disant que je vais faire au mieux pour
me mettre dans la posture d’un psychologue et me fier à mon instinct.
Première surprise quand je suis revenue voir Elsa pour la filmer : elle m’a reconnue.
Elle ne connaissait plus mon nom, mais elle savait qu’elle m’avait déjà vue. O. lui avait
certainement rappelé notre rendez-vous car (et ce fut la seconde surprise) quand je suis
arrivée, j’ai vu une Elsa transformée : ses yeux pétillaient, elle était ‘pomponnée’,
joyeuse et parlait très spontanément. Elle avait beaucoup de charme ! J’ai pris un café
pour bavarder et lui rappeler le motif de ma visite. L’enchainement avec l’entretien
filmé (qui demandait peu de mise en scène et c’était très bien comme ça car sa capacité
de concentration est limitée) a été très fluide.
La qualité de l’entretien que j’ai pu capter a été la troisième surprise. Je me suis rendu
compte des limites techniques de l’enregistrement sur téléphone : au bout de 12 minutes
, la mémoire de mon téléphone était pleine. ..mais j’ai pu juste capter tout ce qui avait
été dit. Sans être angélique, le témoignage d’Elsa était empreint de joie de vivre (même
23
si je pouvais me rendre compte, au vu de ma première visite, que cela ne correspond
pas à la réalité de tous les jours). Je n’ai pas suivi à la lettre le questionnaire que j’avais
prévu, je me suis laissée guider par elle. Je suppose que j’ai été un peu lâche car je ne
lui ai pas posé la question sur la façon dont elle regardait l’avenir : sa baisse de
concentration en fin d’entretien a été la parfaite excuse (je me dis que je dois
absolument oser la question la prochaine fois).
Elsa a montré un excellent sens de la répartie pendant l’entretien. Elle ne manquait pas
de me retourner les questions que je lui posais et de me faire des commentaires. Par
exemple, quand elle a évoqué un tableau du Christ qu’elle avait peint et qui était
accroché au mur devant nous, je lui ai demandé si elle avait la foi et si cela l’aidait. Elle
m’a répondu positivement et m’a fait sourire en me demandant si moi aussi j’avais la foi
(voir verbatim d’Elsa, en annexe). Quand je lui ai demandé plus tard si elle voulait dire
quelque chose aux personnes qui qui allaient regarder son témoignage et qui souffraient
de problèmes de mémoire, elle a répondu ‘je lui donne ton nom et ton numéro de
téléphone’.J’ai pris cette réponse comme un joli compliment (même si j’avais bien
conscience que le cercle des personnes auxquelles elle aurait donné la même réponse
était sans doute très large) et le meilleur encouragement que pouvait recevoir la
psychologue en herbe que je suis !
L’entretien a été filmé en la présence de O., le mari d’Elsa. Je sentais sur nous son
regard, un peu (voire très) frustré : il me semblait que la joie d’Elsa, ses réponses
insouciantes, sous lesquelles apparaissaient parfois toute sa vulnérabilité, étaient vécues
par lui comme une non reconnaissance de son dévouement total au quotidien. Elsa
pétillait devant moi et la caméra alors que lui, c’est l’apathie à laquelle il faisait face la
grande majorité du temps.
Comme, en partant, je remerciais Elsa et je la complimentais sur la qualité de son
témoignage et sa vivacité, O. me répondit ‘mais c’est normal, vous êtes venue juste pour
elle et elle a eu toute votre attention.’ Je me dis qu’il y avait peut-être matière à creuser
(une étude à faire ?) sur l’impact sur l’estime de soi que peut entrainer le fait de
témoigner (est-ce juste le fait de témoigner ou le fait d’être filmé ?).
7 avril : rencontre avec le second patient-témoin : Mouloud
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J’avais laissé un message à Mouloud pour prendre contact et lui présenter l’étude. En
deux heures, j’ai reçu trois messages de sa part : il est enthousiasmé par mon projet
(…cela fait du bien !!!) et serait très heureux d’y participer.
Au rendez-vous que je lui donne à l’hôpital Broca, apparaît un homme élégant,
séducteur, plein de panache ! Il m’apparaît d’emblée comme très intelligent et très
profond à la fois. Il a un parcours international. Il a beaucoup d’aisance dans son
élocution, si bien que je n’identifie son problème de mémoire qu’en toute fin d’entretien
quand il me pose plusieurs fois la même question. Un élément intéressant dans son
parcours est qu’il a créé et géré une maison de retraite. C’est là qu’il a été confronté
pour la première fois à la maladie d’Alzheimer (de nombreux patients souffraient de
cette maladie ou une maladie apparentée).
Le MMS de Mouloud est à 28. Il me dit spontanément qu’il a la maladie d’Alzheimer.
Son récit comprend des aspects pratiques très malins (à sa ceinture pendent trois chaines
attachées respectivement à ses papiers, son portefeuille et son portable – pour ne pas les
perdre m’explique-t-il. Il me dit aussi que ses papiers sont des photocopies et que les
originaux sont dans son coffre, pour ne pas les perdre encore une fois, comme cela est
arrivé). Déjà, il m’explique qu’à l’annonce de sa maladie, il a fait son testament et fait
des procurations sur ses comptes bancaires. Il a ensuite écrit le récit de sa vie (en 3
tomes : les années d’insouciance, la vie d’adulte et la vie professionnelle. Il a ajouté un
4ème tome sur la religion et ensuite un 5ème sur les rites religieux).
Il y a cependant deux considérations qui me frappent :
1. Comme Elsa, Mouloud fait partie d’un monde socio-culturel très privilégié. Sachant
que mon 3ème témoin est une religieuse, je me dis que mes témoins peuvent certes dire
des choses intéressantes mais ils ne sont pas précisément « monsieur et madame tout le
monde ». Est-ce que les personnes qui vont voir les témoignages vont pouvoir
s’identifier à eux ?
2. L’autre considération est d’ordre technique : je ne vais pas pouvoir faire l’économie
de l’achat d’une caméra avec une capacité de mémoire largement supérieure à mon
téléphone car le témoignage de Mouloud, je le pressens, va être long. C’est ainsi qu’à
25
50 ans, j’ai acheté ma première caméra et que j’ai étudié le mode d’emploi comme si
ma vie en dépendait !!!
14 avril : Recrutement d’Annick et de Paul
J’ai recruté deux patients-témoins aujourd’hui. Annick, religieuse, qui était jusqu’il y a
quelques mois, responsable d’une congrégation de 35 sœurs à Paris. Elle a 76 ans et des
résultats au MMS de 25/30. Elle me reçoit à la maison-mère de son ordre. Elle a un
beau visage qui irradie la bonté. Je sens qu’elle n’a pas l’habitude d’exprimer ses
émotions et je me demande comment je vais obtenir un témoignage qui soit aussi
personnel que possible.
Mon troisième sujet s’appelle Paul. Il a été expert-comptable (j’apprendrai plus tard
qu’il a eu 14 professions au cours de sa vie, dont son métier favori : menuisier). J’ai fait
là aussi une entorse aux critères d’inclusion : il a 92 ans (j’avais fixé la limite d’âge à 90
ans pour des raisons logistiques, quand j’imaginais encore réunir les participants à
Broca. Il me semblait qu’au-delà de 90 ans, les déplacements seraient plus difficiles.
Son MMS est à 22/30. Lui et sa femme sont très attendrissants : ils sont très menus,
‘tirés à 4 épingles’ et me reçoivent dans un appartement immaculé. Je m’assieds pour
leur expliquer ma démarche.
Deux choses me frappent :
L’épouse termine toutes les phrases de son mari. Elle a elle-même des
problèmes de santé et m’apparaît assez déprimée. Quand j’explique à Paul que je
vais filmer son témoignage, elle dit ‘est-ce que tu en seras encore capable ? Je
réponds que j’ai étudié le dossier de Paul et que cet élément plus la conversation
que je viens de mener avec lui me laissent penser qu’il est tout à fait capable de
le faire.
Le patient semble avoir une attitude très ambivalente vis-à-vis de la maladie
d’Alzheimer. Quand je l’ai appelé, il m’a dit qu’il pourrait d’autant mieux
témoigner que sa sœur, de deux ans son ainée, a la maladie d’Alzheimer, « mais
bien plus grave que moi ». Quand je le rencontre, je lui parle donc de problèmes
de mémoire. Là, quand, il me reparle de sa sœur qui a la maladie d’Alzheimer
26
‘mais ça c’est encore autre chose’. On le verra, cette ambivalence va se
manifester tout au long de nos discussions.
15 avril : Ca alors !
Un nouveau problème inattendu apparaît : clôturer l’étude. On m’envoie les fiches de 3
nouveaux patients-témoins recrutés à Broca. Or, maintenant, je voudrais commencer à
recruter des patients qui vont visionner l’entretien, plus des patients qui vont témoigner.
Dans un monde idéal, la seule chose que je voudrais faire en ce qui concerne les
patients-témoins, c’est obtenir une mixité sociale. Tous mes patients-témoins sont des
personnes émergeant d’un milieu socio-culturel assez homogène. Finalement, je ne
peux pas tergiverser, je vais avancer avec les 4 patients recrutés. Si les résultats sont
probants, il faudra de toute façon faire une étude à grande échelle pour valider les
résultats. Je remercie donc les pourvoyeurs de fiches de patients-témoins
supplémentaires en leur expliquant que je dois avancer mais qu’on garde les patients
identifiés ‘sous le coude’ pour une prochaine étude éventuelle.
Demain, je vais faire l’entretien de Mouloud. Je m’attends à un récit fleuve. Il faut que
je me prépare à gérer l’entretien sinon je vais être débordée par lui (le médecin qui le
suit m’a précisé que Mouloud était ravi de notre premier entretien et qu’il était sur les
« starting blocks » pour l’interview filmée : il a des tas de choses à me dire).
Le 15 avril : interview de Mouloud
Je me rends à mon rendez-vous avec Mouloud : il n’est pas là. Il a oublié le rendezvous. Il me rappelle pour s’excuser avec profusion : je me rends compte que les
problèmes de mémoire occasionnent de multiples blessures à l’estime de soi.
Je retourne voir Mouloud l’après-midi : il me guette dans le hall d’entrée ‘pour faire
amende honorable’. Il m’amène dans ce qui m’apparaît comme une garçonnière qu’il
s’est aménagé au-dessus de son appartement et j’avoue avoir été mal à l’aise pendant
quelques secondes dans ce studio, devant ce grand lit. J’ai, je le crois, automatiquement
adopté un ton et une posture un peu distante pour donner le ton juste à cet entretien. Une
fois que l’entretien est lancé, j’ai vécu un moment de profonde émotion et à certains
moments, les larmes me sont montées aux yeux. La dignité de cet homme, sa sincérité,
sa profondeur face à une maladie qui n’a pas de secret pour lui (il a géré une maison de
27
retraite, et a lu tout ce qu’il pouvait sur cette maladie, une fois que le diagnostic a été
posé) m’ont profondément touchée. Je pense souvent à sa maxime finale : ‘quel que
soit le temps qu’il nous reste à vivre, ce que nous avons vécu n’est rien devant ce peu de
chose, qu’il nous reste encore à vivre’. J’ai trouvé assez extraordinaire qu’une personne
ayant la maladie d’Alzheimer puisse dire cela. Quelle leçon d’espoir et de courage !
L’entretien a été très fluide et a duré 39 minutes.
24 avril : interview d’Annick
Je vais enregistrer le témoignage d’Annick. Comme indiqué plus haut, lors de notre
première entrevue, j’ai pensé qu’il serait difficile d’avoir un témoignage intime : la
pratique de la vie religieuse me semblait avoir « gommé » dans un certain sens,
l’individualité. Le témoignage obtenu est finalement très authentique. Afin d’établir un
rapport plus personnel, je commence par parler des endroits où Annick a passé
l’essentiel de sa vie et de la vie dans sa congrégation. Après ce détour, nous sommes
entrées dans le vif du sujet et à nouveau, je vis des moments poignants.
29 avril : Interview de Paul
Paul est, comme je l’avais décrit, un petit homme très sec. Je me demande si lui et sa
femme ne sont pas l’un et l’autre un peu dépressifs (même si le dossier de Broca n’en
fait pas mention). L’entretien est finalement fort mais il est plus compliqué à gérer. Il
démarre en me décrivant des troubles de l’équilibre, ce qui me surprend. Il décrit
ensuite très bien l’inconfort de son état. Il poursuit en évoquant l’état de sa sœur, très
affectée par la maladie d’Alzheimer, qui est dans une maison médicalisée depuis 2
mois. Lorsqu’il parle de sa sœur, toute l’ambivalence de son rapport à la maladie
transparait. Il se dissocie d’elle à un moment, et s’associe à elle à un autre : il dit à un
moment « ma sœur aînée qui elle est dans le cirage le plus absolu » et ensuite « je
pense que je vais devenir comme elle, tout doucement ». De même, il dit qu’il ne
connaît plus de joie et pourtant à la fin de l’entretien, il me parle de sa foi en Dieu et il
s’illumine littéralement de l’intérieur (c’est très impressionnant). Quand je lui dis que
sa foi a l’air de lui procurer une joie profonde, il confirme.
Après l’enregistrement, je bavarde avec lui et nous convenons que, quand on n’est pas
affecté par les problèmes de mémoire, on identifie la perte de la mémoire avec une
28
déshumanisation, alors qu’en vérité, les problèmes de mémoire ne sont pas synonymes
de perte d’identité. Je regrette de ne pas avoir enregistré cette partie de l’échange.
J’hésite à ressortir la caméra pour lui faire répéter ses propos mais il me semble que ce
serait un peu lourd et artificiel. Je ne sais pas si j’ai eu raison.
1er mai : Isabelle Henkens, monteuse de film
Maintenant que j’ai tous les témoignages (109 minutes en tout), il « n’y a plus qu’à »
en faire un reportage de 15 à 20 minutes (c’est la limite que je me suis fixée. Il me
semblerait difficile de maintenir plus longtemps l’attention de patients souffrant de
problèmes cognitifs).
Je visionne et re-visionne les témoignages en prenant des notes pour essayer de dégager
une structure logique et des concordances. Les témoignages me semblent très riches et
ce n’est pas facile de sélectionner.
Voici la structure sur laquelle je décide de construire le documentaire.
1 Qu’est-ce qui s’est passé ? Quels ont été les premiers signes ?
Il me semble que, pour que les témoignages portent, il faut que les patients qui
regardent puissent d’abord se reconnaître dans les patients-témoins.
2 : Comment me suis-je senti ?
Je décide donc de garder la description des premiers troubles cognitifs qui ont conduits
les patients-témoins à consulter et surtout la description de la façon dont ces troubles
ont été vécus.
3 : Comment ai-je vécu le diagnostic ? L’annonce du diagnostic est un moment clé qui
cristallise les différentes approches possibles de la MA.
4. Comment est-ce que je vis avec la maladie ? Tant sur le plan pratique que sur le plan
psychique.
5. Qu’est-ce qui me fait peur ?
6. Comment est-ce que j’envisage l’avenir ?
Je télécharge un logiciel de montage de film et consulte –pour la première fois de ma
vie- des ‘tutorials’ en ligne pour apprendre à m’en servir. Ca ‘patine’ un peu au début
mais c’est finalement plus simple que je ne le craignais….C’est cependant un exercice
29
extrêmement chronophage et quand le montage est fini, je pense que je pourrais
« réciter » le film d’un bout à l’autre !
Je me rends compte en commençant à faire le montage à quel point cette opération peut
déformer le contenu des témoignages. On pourrait faire dire n’importe quoi aux
témoins. Je me rends compte aussi que ce n’est pas facile de couper les séquences, pour
des raisons tout à fait liées à la maladie dont souffrent les patients : beaucoup de phrases
ne sont pas terminées car il manque des mots, d’autres sont très longues car les mots
manquants ou l’idée qui s’enfuit est remplacée par une périphrase.
Au moment de choisir le sous-titre, j’hésite : est-ce que je mets « témoignages de
patients atteints de la maladie d’Alzheimer » ou « témoignages de patients ayant des
troubles cognitifs ? Je choisis finalement la première solution : la vidéo est destinée
précisément à aider des patients qui viennent de recevoir le diagnostic MA. Il me
semble que, si je n’utilise pas le mot, ma démarche perd son sens. Comme on le verra
plus tard (voir analyse des discours des patients, après avoir visionné la vidéo), ce choix
a probablement joué un rôle dans l’acceptabilité de mon étude exploratoire.
15 mai : la vidéo est prête et maintenant …
L’heure est arrivée de tester l’acceptabilité de ma démarche auprès des patientstémoins. Je prends donc rendez-vous avec chacun d’entre eux.
Je prépare un nouvel entretien semi structuré, qualitatif. Voici la liste des questions que
j’ai posées aux patients-témoins après qu’ils ont regardé la vidéo-témoignages, ainsi que
l’élément que j’essaie de qualifier :
Est-ce que vous êtes satisfait de votre témoignage (estime de soi) ?
Qu’est-ce qui vous a le plus frappé dans ce que vous avez dit ?
dans ce que les autres ont dit ? (préoccupation)
Est-ce que vous vous reconnaissez dans ce que disent les autres ? (représentation de
soi /de la maladie)
Quelle est la différence d’après vous, entre vous et les autres ? (identité)
30
Est-ce que vous voudriez changer quelque chose dans ce que vous avez dit ?
(préoccupation/évolution)
Est-ce que d’autres pensées vous sont venues depuis ? (préoccupation /évolution)
Est-ce que le fait de vous voir/entendre crée de l’inquiétude ? (anxiété)
Est-ce que le fait de voir/entendre les autres crée de l’inquiétude ? (anxiété)
A qui pourriez-vous souhaiter que ce film soit montré ?

Vos proches ?

Le personnel médical ?(reconnaissance/sympathie)
Est-ce que vous pensez que cela vous aurait aidé de voir le témoignage des autres à
l’annonce du diagnostic (utilité) ?
Est-ce que vous pensez que le film pourrait vous aider à dire à vos proches des
choses qui sont difficiles à dire ?
18 mai : présentation de la vidéo à Annick
Elle regarde la vidéo avec attention et fait des commentaires relativement positifs mais
en filigrane se manifeste une sourde anxiété. Celle-ci se manifeste par des questions sur
l’état d’avancement de la maladie chez les uns et les autres. Je pense que c’est le soustitre, plus que les témoignages, qui a créé cette anxiété. Je la quitte avec un sentiment
d’échec. Je m’en veux d’avoir écrit noir sur blanc dans le sous-titre ‘patients atteints de
la maladie d’Alzheimer’. Je repasse la vidéo du témoignage d’Annick où elle décrit sa
réaction à l’annonce du diagnostic « Je m’attendais évidemment à ce que ce ne soit pas
trop trop noir mais pas trop trop clair non plus, bon j’étais un petit peu, ….mais le
médecin a vraiment avec beaucoup de délicatesse, de gentillesse alors ça m’a rassurée si
vous voulez ». Je me demande ce qui a été dit par le médecin et si le mot « Alzheimer »
a effectivement été prononcé, comme le prévoit le protocole de prise en charge à Broca.
Je l’appelle le lendemain pour prendre de ses nouvelles et m’assurer que l’anxiété ne
persiste pas. Elle a une voix joyeuse et des propos sereins. C’est moi qui suis rassurée.
20 mai : présentation de la vidéo à Paul
…Et là c’est la douche froide. Paul n’exprime aucun commentaire positif quant à la
vidéo mais surtout, il me dit que je suis la première personne à lui parler de la maladie
31
d’Alzheimer. Il ajoute qu’il aurait bien aimé qu’on lui dise ce qu’il avait. Je suis tout
d’abord catastrophée, avant de me souvenir distinctement de la conversation que j’ai
eue avec le gériatre qui le suit depuis des années et qui m’a formellement autorisée à
inclure Paul dans l’étude. Oubli ? Déni ? Clivage ? ou le mot « Alzheimer » n’a-t-il pas
été explicitement prononcé par le gériatre ?Je discuterai de cet épisode dans l’analyse du
discours des patients témoins.
26 mai : présentation de la vidéo à Mouloud
Et là, j’ai un retour extrêmement positif. Il faut savoir que, après que j’ai enregistré son
témoignage (il s’agit de son témoignage intégral, où il est le seul patient à témoigner),
j’ai envoyé l’enregistrement à Mouloud, à sa demande. Il l’a montré à ses proches et a
eu des retours très positifs de son entourage (voir verbatim de Mouloud, post
témoignage).
A ce stade, je fais le point :
1. Les témoignages que j’ai recueillis m’ont permis de comprendre à quel point il est
difficile d’entendre et d’intégrer le diagnostic de la maladie d’Alzheimer. Trois
questions essentielles se posent :
Comment le diagnostic est-il annoncé par le médecin ?
A l’hôpital Broca, la procédure prévoit qu’après un bilan mémoire, le gériatre
communique le diagnostic au patient. Comment le fait-il ? Quels mots utilisent-ils ?
Qu’est-ce que le patient entend et retient de ce que dit le médecin ?
Il me semble que dans le cas de Paul et d’Annick, ces patients font comme des pas de
danse avec l’idée qu’ils sont affectés par la maladie de type Alzheimer : un petit pas en
avant, deux pas en arrière, un pas de côté…ils se dissocient parfois de la maladie, et
s’associent à elle à d’autres moments. Mouloud quant à lui a décrit la violence du choc
du diagnostic. Il décrit à la fois sa souffrance et son sentiment de délivrance et il dit que
cela lui a pris du temps de vivre avec sa maladie. Une troisième question s’impose
donc :
32
Y-a-t-il un ‘moment clé’ où il serait bon de montrer la vidéo-témoignage aux
patients nouvellement diagnostiqués ? Si oui, comment l’identifier ?
Nous avions prévu, dans le protocole initial, de montrer la vidéo témoignage dans les
trois mois qui suivent l’annonce du diagnostic MA. Pourquoi 3 mois ? Pourquoi pas 6
mois ? La littérature a clairement établi que chaque patient réagit à l’annonce de la
maladie en fonction de sa personnalité et du soutien apporté par ses proches. Peut-on
dès lors définir une période qui serait ‘le moment favorable’ pour montrer la vidéotémoignage ? Cela demande clairement des recherches en amont.
2. J’avais prévu de mesurer l’impact - que j’espérais positif – de la vidéo- témoignages
en utilisant une échelle d’évaluation analogique (EVA) ; le STAI pour l’anxiété, et
l’échelle de Beck pour la dépression. Or, en y réfléchissant, les dépressions et l’état
d’anxiété ont des causes multi factorielles. Comment pourrais-je isoler scientifiquement
l’impact de la vidéo-témoignage ? Il m’a semblé que cela ne pouvait pas être valide.
3. Les patients souffrent-ils véritablement de la maladie d’Alzheimer ?
J’ai assisté à la conférence que Martial Van der Linden a donnée à Louvain-la-Neuve,
qui remet en cause l’existence de la maladie d’Alzheimer, comme des auteurs comme
Whitehouse (2004), Arfeux-Vaucher et Ploton (2012) et Rigaux(1992, 2005, 2012)
avant lui). Au vu de la multitude de facteurs qui influencent le vieillissement cognitif,
du fait que certaines personnes développent des symptômes qui sont associés à la
maladie d’Alzheimer alors que l’autopsie de leur cerveau prouve qu’ils ne l’avaient
pas, et que le contraire est vrai aussi (l’autopsie du cerveau de certaines personnes
prouvent qu’ils avaient la maladie d’Alzheimer alors qu’ils n’en ont pas développé les
symptômes) , on peut se poser la question : est-il judicieux d’utiliser des témoignages de
patients ? Ne court-on pas un sérieux risque de présenter comme patient-témoin d’une
maladie, des personnes qui ne l’ont peut-être pas à des patients qui n’ont peut-être pas
cette maladie non plus ? Kafka n’est pas loin.
33
4. Résultats
La parole de personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer peut-elle être utilisée pour
aider des personnes nouvellement diagnostiquées MA ou maladies associées? Afin
d’évaluer l’acceptabilité de la démarche, j’ai montré la vidéo témoignage
individuellement, à chacun des quatre patients-témoins qui y ont témoigné.
Après le visionnage, je leur ai posé les 11 questions mentionnées ci-dessus.
Le tableau suivant reprend les résultats question par question.
Le second tableau résume l’impact de la vidéo-témoignage sur l’état psycho-affectif des
quatre patients-témoins. .
34
Résultats de l’étude exploratoire
Questions
Elsa
Mouloud
Annick
Paul
Résultat
Etes-vous satisfait de votre
oui
oui
oui
Neutre
3 oui
témoignage ?
Vous m’avez
1 neutre
ESTIME DE SOI
demandé de
témoigner, je l’ai
fait.
Qu’est-ce qui vous a frappé
Identité
Progression de
dans votre témoignage ?
Je me rends
la maladie.
- identité
PREOCCUPATION
compte que je
Je ne me cache
- progression de la
suis malade
pas que les
maladie
choses vont aller
2 neutre
rien
rien
préoccupations
en se dégradant
35
Questions
Elsa
Mouloud
Annick
Paul
Résultat
Qu’est-ce qui vous a frappé
oubli
Spiritualité
Progression de
rien
préoccupations
dans le témoignage des
Fin de vie
la maladie
+ Spiritualité
autres ?
Il m’arrive de
Elsa, elle est plus
- Fin de vie
PREOCCUPATION
m’accrocher à
atteinte que moi ?
- progression de la
l’idée que je ne
Et Paul ?
maladie
mourrai pas
1 oubli
comme un légume
1 neutre
Est ce-ce que vous vous
Oui
Oui
Oui
Non.
2 oui
reconnaissez dans ce que
Ils ont la même
Totalement
je me reconnais
On est tous
2 oui partiels
disent les autres ?
chose que moi
dans mouloud
différents mais je
REPRESENTATION DE
rencontre les
SOI
mêmes choses
REPRESENTATION DE
avec ma
LA MALADIE
personnalité
36
Questions
Elsa
Mouloud
Annick
Paul
Résultat
Quelle est la différence entre
Comparaison
Comparaison
Je ne suis pas
On est tous
2
vous et les autres ?
ce qu’il dit est
Ce n’est pas une
seule
différents
comparaisons entre
IDENTITE
très bien/
mise en
témoins
celui-là
concurrence
1 sens de l’identité
il manque
collective
quelque chose à
1 sens fort d’identité
sa tête
individuelle
Est-ce que vous voudriez
Non
changer quelque chose dans
ce que vous
avez dit ?
PREOCCUPATION/EVOL
UTION
Oui
Non
Non
1 préoccupation :
Le temps qu’on
- reconnaissance par
passe avec les
le personnel
personnes qui
médical
s’occupent de
3 non
notre maladie est
très court.
37
Questions
Elsa
Est-ce que d’autres pensées
Oubli
vous sont venues depuis ?
PREOCCUPATION/EVOL
UTION
Mouloud
Annick
Paul
Résultat
Oui.
Oui
Non
préoccupations :
Il faudrait créer
Ne pas voir trop
- progression de la
des groupes de
loin pour ne pas
maladie
patients avec un
se décourager
+ participer à sa
intervenant qui
prise en charge
ferait le lien avec
médicale
le médecin
1 non
1 oubli
Est-ce que le fait de vous
voir/entendre crée de
l’inquiétude ?
ANXIETE
Oui
Non
Non
Non
1 oui (réévaluation
je me rends
Au contraire, me
Pas du tout
négative)
compte tout d’un
voir me laisse
1réévaluation
coup, c’est
penser que j’offre
positive
tellement dure
encore de
2 non
que ça me rend
l’intérêt avec ce
un peu hystérique
que je dis
38
Questions
Elsa
Mouloud
Annick
Paul
Résultat
Est-ce que le fait de
Non
Non
Oui
Non
1 oui (progression
voir/entendre les autres crée
Je ne m’inquiète
Au contraire, je
Il faut s’attendre
Ils sont dans une
de la maladie)
de l’inquiétude ?
pas pour eux
vois que nous
à une certaine
phase pas
3 non
ANXIETE
sommes tous dans dégradation
agréable mais ils
la même barque
ne souffrent pas
mais pas à la
même position
Pourriez-vous souhaiter que
Oui
Oui
Oui
Non
3 oui
ce film soit montré à vos
Pour montrer que
Peut-être aux
Je ne vois pas
- quête de
proches ?
je ne suis pas seul sœurs de N
l’intérêt
reconnaissance
RECONNAISSANCE/EMP
(EPAD), à celles
- empathie pour les
ATHIE
qui acceptent la
autres malades
maladie
- sentiment d’utilité
et aux aidants
2 non
39
Questions
Elsa
Mouloud
Annick
Paul
Résultat
Pourriez-vous souhaiter que
Oui
Oui
Oui
Non
3 oui : manque de
ce film soit montré au
Absolument. Aux
Parfois ils ne sont On ne m’a jamais
reconnaissance
personnel médical ?
infirmières car le
pas au top
parlé
1 non :
RECONNAISSANCE/EMP
quotidien est fait
niveau. On
d’Alzheimer. On
problématique
ATHIE
de détails et aux
entend des
ne m’a jamais
d’annonce du
médecins qui
réflexions…C’est
rien dit dans ce
diagnostic
nous voient dans
blessant. Mon
domaine-là, à tort
un flash
généraliste ne me
ou à raison.Cela
prend pas au
ne me dérange
sérieux.
pas.
Est-ce que vous pensez
Oubli du
Oui/Non
Non
Je vous dirais que 1 non
que cela vous aurait aidé
diagnostic6
Il faut un temps
Moi, ça va. Je
j’aurais bien
1 réponse oui/non
de voir le témoignage des
pour absorber le
suis pas encore
aimé que le
1 déni ? problème
autres à l’annonce du
choc du
Alzheimer
médecin me dise
d’annonce du
diagnostic ?
diagnostic. Ce
ce que j’avais
diagnostic ?
UTILITE
temps est
1 oubli
incompressible
6
Information rapportée par le conjoint/aidant
40
Questions
Elsa
Mouloud
Annick
Paul
Résultat
Est-ce que vous pensez
Pas de réponse
Oui.
Oui
Non
2 oui
que le film pourrait vous
C’est difficile
De leur dire que
Comme ça, elles
Chacun a ses
1 non
aider à dire à vos proches
ça existe… mais
verraient qu’il y a problèmes, sa
des choses qui sont
ils le savent.
pas que moi
difficiles à dire?
manière d’être en
1 absence de
réponse
perte de vitesse
RECONNAISSANCE
41
En résumé :
Etat psycho-affectif
Impact Positif
Estime de soi
3
Préoccupations
1spiritualité
Impact Négatif
Neutre
Oubli
1
3 progression de la maladie
3
1
2 identité
1 fin de vie
Représentation de soi
4
Identité
1,5
0,5
2
Evolution
1
2
4
Anxiété
3
2
1
Reconnaissance par proches
5
1
2
Reconnaissance par personnel 3
1
1
médical
Utilité
0,5
1,5
1
1
42
5. Analyse des discours des patients-témoins
Je baserai mon analyse sur tous les verbatim que vous trouverez en annexe. Il y a d’une
part les verbatim de l’intégralité des témoignages de chaque patient-témoin (la vidéo ne
présente bien sûr qu’une partie de ceux-ci). Il y a ensuite les verbatim des entretiens que
j’ai menés avec chaque patient, après que nous ayons regardé ensemble la vidéo
témoignage.
En résumé, voici le profil des 4 patients-témoins interrogés.
NOM
AGE
RESULTAT AU MMS
Elsa
81
19/30
Mouloud
75
28/30
Annick
76
25/30
Paul
92
22/30
Mouloud Annick et Paul se situent dans la catégorie « Alzheimer débutant ». Elsa se situe
dans la catégorie « Alzheimer modéré ». Les patients ont été recrutés sur base de leurs
dossiers médicaux qui étaient en correspondance avec les critères d’inclusion et
d’exclusion (exception faite de l’âge de Paul et du MMS inférieur à 22 d’Elsa) et avec
l’accord explicite des gériatres qui les soignent.
Tous les patients-témoins vivent de manière autonome (ils ne sont pas en maison de
retraite), entourés de proches qui les aident à des degrés variés, en fonction de leurs
besoins. Ils ont tous le même niveau socio-culturel. Ils ont bien voulu répondre à mes
questions avec une très grande sincérité.
L’entretien avec Paul m’a laissé penser qu’il traversait, au moment où je l’ai rencontré un
épisode dépressif. En effet, il exprimait beaucoup d’impuissance face à ses troubles « les
autres ne peuvent pas faire grand chose pour moi » ou « c’est pas ce que nous faisons
(voir la vidéo témoignage) qui va changer le cours des choses ! » « J’ai de moins en moins
de vocabulaire à ma disposition pour essayer de sortir des impasses dans lesquelles je
tombe ». J’ai aussi pu observer des symptômes d’anhédonie « je n’ai plus de joies ».
Je vais structurer mon analyse autour des thèmes qui sont ressortis de ces entretiens.
43
Pertes de mémoire ? Oui. Malade ? Non.
Des entretiens que j’ai menés avec les quatre patients-témoins, il y a unanimité sur deux
sujets : oui j’ai des problèmes de mémoire et non, je ne suis pas malade. La maladie est
associée à la souffrance physique. Voici ce que dit Paul « On ne souffre pas quand on
perd la mémoire… alors que quand on a un cancer, c’est terrible ce que perdent…,
supportent les patients, les malades. » Pour Mouloud « je me refuse à dire que c'est une
maladie, parce que l'Alzheimer est certes une plaie au niveau du cerveau, mais elle n'est
pas apparente, elle n'a rien de microbien, elle n'a rien de viral, et pourtant c'est une
dégénérescence au même titre que la dégénérescence musculaire etc... »
En ce qui concerne la souffrance psychique, les attitudes semblent être diverses. Paul
exprime deux attitudes différentes : en parlant des autres patients-témoins « la souffrance
morale, les personnes que j’ai vues, aucune d’elles n’a fait part d’une situation qui les met
dans le désarroi » et plus tard, en parlant des malades d’Alzheimer qui n’ont pas la foi
« « je les plains ».
En ce qui concerne Elsa, elle « ne se fait pas de souci pour les autres » (commentaire
obtenu après le visionnage de la vidéo). Peut-on en conclure qu’elle se rend compte que les
autres témoins se situent à un stade moins avancé de la maladie ? C’est une hypothèse
parmi d’autres.
Les patients-témoins semblent, pour des raisons variées, penser que la souffrance
psychique est plus importante pour ’les autres’ (en général) que pour eux-mêmes. Paul :
« parce que je moi, j’ai pas besoin d’être plaint alors ça va très bien… mais j’ai de la
peine de les voir comme ça…, c’est tout ce que ressens dans ce domaine. » On peut se
demander si ils surévaluent la souffrance psychique des autres patients souffrant de MA, si
ils minimisent leur propre souffrance psychologique ou les deux. Dans le cas de Paul,
j’aurais tendance à penser qu’il minimise sa souffrance psychologique.
Il est intéressant de noter que, si Mouloud considère qu’il n’est pas malade, ses proches
refusaient d’accepter l’idée qu’il le soit. En conséquence, il a traversé une période très
solitaire, lorsqu’il a commencé à se rendre compte qu’il avait des troubles cognitifs. Voici
44
comment il décrit cette situation : « Quand je leur disais ‘Mes enfants, voilà ce que j’ai
l’impression qui s’installe un peu en moi’, ils ne m’ont pas cru. Ils ont dit « tu
fabules !... » « Mais non ! c’est parce que tu es fatigué ! » « Mais papa, on te connaît !
t’es capable de faire une conférence de 3h 4h tout le temps ! » Pendant cette période, il
n’avait pas toujours la sollicitude qu’il espérait : « dans le vécu du quotidien, ils ne
faisaient pas assez attention à mon état. Alors il y avait quelques réflexions qui faisaient
« Mais enfin papa, je te l’ai dit ! » « Mais tu me fais répéter quand même, ça n’a pas de
sens ! » « Non, ce n’est pas ce que tu m’as dit ! Je t’ai dit cette autre chose ! Au début, je
refusais ça, je me braquais ! Moi aussi je me disais ‘ non’ etc …en pensant être dans le
vrai. En pensant n’avoir pas dit alors que peut-être, sûrement, je l’ai dit. »
Cette période difficile avec l’entourage semble aller de pair avec le début de la MA. C’est
le passage difficile que décrit Blandine Prévost (2012) dans son témoignage : il faut
apprendre à faire plus confiance aux autres qu’à soi-même.
L’estime de soi
Il m’a semblé que l’estime de soi des patients-témoins était renforcée, à des degrés divers,
par le fait d’apporter leur témoignage. En effet, quand, après une première rencontre, je
suis allée revoir chacun d’eux pour filmer l’entretien, ils m’ont tous reconnue (pas
forcément nommément mais, à part Elsa, ils avaient tous retenu que je venais pour filmer
un entretien avec eux). J’en ai déduit que le fait de témoigner devant une caméra était un
événement spécial et que d’une manière ou d’une autre, ils s’y étaient préparés.
En ce qui concerne Elsa, elle me reconnaissait vaguement mais ne savait plus pourquoi je
venais. En revanche, comme je l’ai indiqué dans mon cahier de recherche, elle était
particulièrement tonique quand je suis venue l’interviewer. C’est son époux qui a interprété
ce comportement par le fait que je venais uniquement pour Elsa et que je lui consacrais
toute mon attention. Mouloud s’exprime de la manière la plus claire à ce sujet « le fait de
me voir me dit que j’offre encore de l’intérêt avec ce que je dis ». La valorisation liée au
fait qu’il témoigne peut sembler avoir d’autant plus d’importance qu’il constate que son
rôle dans la famille a changé. Il semble penser qu’il a perdu son rôle de ‘pater familias’ «
j’ai perçu, je dis bien que j’ai perçu mais avec le doute d’avoir,…. de commettre une
erreur, mais il m’a semblé que … je suis moins sollicité par mes enfants, en tant que
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conseil de ce que j’étais il y a à peine encore 2 ans et 3 ans, bon. J’essaie de mettre ça au
compte pour ne pas faire … une fixation là-dessus, je, je mets ça sur le compte du fait qu’
ils ont aussi l’âge de réfléchir maintenant, ils l’ont largement hein,… ils n’ont pas besoin
de moi pour dire nécessairement, … »
Quant à Annick, elle dit ‘j’étais contente de le faire…je me suis dit si ‘cela peut rendre
service !’ Cela pourra peut-être encourager des personnes à parler.» Quant à Paul, il dit
très sobrement « vous m’avez demandé de le faire, et bien je l’ai fait » et plus tard
« regardons voir si on peut faire mieux que ce qu’on a fait jusqu’à présent ».
‘Se sentir utile’ ressort comme une dimension majeure de l’estime de soi. Je fais
l’hypothèse que, dans le cas des personnes affectées par la maladie d’Alzheimer, cette
dimension est d’autant plus importante que la maladie est stigmatisante. Voici ce qu’en dit
Mouloud « Pourquoi dramatiser dès maintenant ? Au contraire, je préfère utiliser la
clairvoyance que j’ai encore et qui me restera, je l’espère, encore un peu, pour faire
quelque chose d’utile. » Il renchérit : « Je n’ai pas trouvé le miracle, je n’ai pas trouvé
parce que, je veux quand même être sincère avec vous, je n’ai pas trouvé la solution mais
j’ai senti que je pouvais être utile, je pouvais finalement, de mon vécu, tirer un quelque
chose,… »
Résumé sur les facteurs qui affectent l’estime de soi
Obtenir de l’attention, de l’intérêt
Rendre service
Encourager les autres
Etre utile
Satisfaction sur son parcours de vie
Perdre le rôle qui était le sien au sein de la famille
L’image de soi
Voici ce que dit Mouloud à ce sujet: « le mot « Alzheimer » a véhiculé tant
d’appréhension, tant de fausses définitions et surtout tant d’inquiétude chez les gens qui,…
pensant avoir Alzheimer, se taisaient ou le cachaient. J’ai commencé à être cette,… ce type
de personne honnêtement, puisque que je dois tout vous dire, j’ai eu cette appréhension
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tout à fait au début ». Il poursuit: « Mais c'est épuisant quand même, lorsqu'on veut
s'accrocher à l'image qui était la nôtre auparavant. » « J’avais peur de détruire l’image
qu’ils conservaient de moi donc il a fallu encore, pas cacher, mais disons… jouer le rôle
qu’ils ont bien voulu me prêter puisqu’ ils me pensent comme ça, alors autant le jouer. »
« J’étais pas à l’aise, j’étais,…. j’avais l’impression que quand je quittais les 3 ou 4
personnes avec qui je discutais (souffle),… je soufflais, je reprenais un peu de souffle.
J’étais pas à l’aise, franchement, j’étais pas à l’aise mais je culpabilisais pour rien,
culpabiliser comme si quelqu’un cachait une tare,… comme s’il était un ivrogne qui ne
voulait pas l’avouer,… je sais pas, qui n’ose pas regarder en face… et j’ai vécu comme
ça .» Il termine à ce sujet d’une manière poignante : « Il y a un effort extraordinaire à faire
pour rencontrer ce personnage, parce d’abord il faut détruire l’autre, il faut d’abord
détruire l’autre »
Annick quant à elle décrit sa gêne devant les premiers signes de MA : « quand moi-même,
j’ai commencé à me rendre compte que je cherchais mes mots ou que, les personnes avec
lesquelles je vivais, je ne me souvenais plus de leur prénom, c’est quand même un petit
peu gênant ». Elle répond ainsi quand je lui demande ce qui est difficile dans sa vie
actuelle : « c’est de me vexer de rencontrer une personne et ne pas être capable de, de, de
la nommer alors je disais ‘bonjour’ mais je peux même pas dire son prénom ! C’est quand
même bête ! » Elle poursuit : (avant)« on me disait ‘ mais t’as une mémoire d’éléphant’
alors depuis j’ai dit bah,… ma mémoire d’éléphant, elle s’effrite. »
Quant à Paul, voici comment il vit son état : « ,… je ne suis plus ce que j’étais » ‘je
souffre, c’est de ne pas pouvoir m’exprimer correctement ». … « alors j’oublie, j’oublie,
j’oublie. C’est pas très douloureux mais c’est pas très confortable. »
Résumé de l’impact de la MA sur l’image de soi
honte
frustration
malaise
inquiétude
appréhension par rapport au changement l’image de soi
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culpabilité
deuil d’une certaine image soi
gêne
tristesse
regret
inconfort
La reconnaissance
Voici ce qu’en dit Annick à propos du bilan effectué à Broca : « ils expliquent bien
pourquoi on fait tel exercice ou même les prises de sang, bon alors je voyais pleins de
tubes, je disais ‘dites donc, est-ce qu’il va m’en rester ? (rires) alors on me …m’expliquait
bon vous avez plusieurs ceci, ceci cela, bon très bien ».
Elle parle aussi des réactions de son entourage : « ça agace quoi, évidemment,… surtout
quand c’est la 3e ou 4e fois que vous demandez »
Un résumé des modes de reconnaissance
+ donner des explications au patient
- agacement
La représentation de la maladie
Pour Mouloud et Annick, les troubles qui les affectent font partie du vieillissement
normal et des deuils successifs qui l’accompagnent. Pour Mouloud « il y a des
pourcentages qu’on perd dans d’autres domaines pour lesquels on ne fait pas de drame. Je
ne cours plus, ça fait déjà plus de quinze ans que je ne cours plus, et je n’en ai pas fait un
drame tant que je peux marcher ! » Annick dit « il n’y a rien d’anormal »…. « à notre
époque, il y a en a de plus en plus alors euh…. il ne faut pas s’affoler quoi ! »
Pourtant, Mouloud relate son expérience avec les patients atteint de MA alors qu’il
dirigeait une maison de retraite : « j’ai vu arriver des personnes qui me semblaient tout à
fait saines de corps et d’esprit …. et que je voyais … un peu partir. J’étais pas médecin,
mais le quotidien du vécu avec ces gens là me permettait de voir la dérive, voyez-vous. »
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Paul a une représentation de la maladie qui passe par le biais de sa sœur, qui semble avoir
les mêmes problèmes cognitifs que lui, mais à un stade plus avancé. Voici comment il
décrit la situation de sa sœur : « ma sœur ainée qui elle est dans le cirage le plus absolu.
Elle est en maison de repos maintenant… ou je ne sais pas comment ça s’appelle, elle (n’)
est plus chez elle pace qu’elle se trompait dans tout ce qu’elle faisait, euh… je l’ai déjà
emmené la voir pour l’aider mais elle ne savait pas que j’étais venu etcétéra, etcétéra puis
ça, ça s’est aggravé. … et puis comme elle disait tout le temps « mais faut absolument que
je me sépare de ma vie actuelle, que j’abandonne ma vie actuelle et puis que j’agisse
différemment, il faut absolument qu’on s’occupe de moi. Bon puis ça s’est fait. »
Paul semble avoir une vision des problèmes cognitifs dans toutes leurs complexités. Il ne
voit pas la MA dans une continuité mais dans des catégories
qui ne semblent pas
connectées. Il insiste sur la différence qu’il y a entre les patients-témoins, lui inclus, et des
personnes qui manifestent l’expression la plus sévère de la maladie « Je veux bien qu’on
appelle ça Alzheimer mais c’est plus compliqué que ça ! Il y a des personnes qui
vraiment…qui perdent totalement la parole...pratiquement tout ce qu’elles font, c’est
incohérent. Ce n’est pas mon cas !….et ce n’est pas le cas de toutes les personnes que je
viens de voir là s’exprimer ». Plus tard, alors que je rebondis sur un de ses propos et lui
demande: quand vous parlez du désarroi des personnes que vous avez rencontrées dans le
passé (qui avaient MA), c’est un désarroi qui est lié à quoi ? à la perte de mémoire ou à
quelque chose de tout à fait différent ? Il répond « c’est très très différent ! il y avait une
dame, j’ai bien connu son mari…. Quand son époux lui disait : c’est Monsieur D, elle
faisait euh… euh et puis c’était tout ! »
La conclusion qui suit illustre bien toute l’ambivalence qui caractérise la représentation de
la maladie MA par Paul. En parlant de sa soeur « Il y a deux ans, …elle a commencé à
perdre la mémoire » Il dit ensuite « maintenant elle est complètement dans le cirage. »
Quand je lui dis « Donc vous m’avez dit que votre sœur est malade ? Il répond : « Oui, elle
n’est pas malade » Je poursuis « Est-ce qu’elle a l’air malheureuse ? Et il répond : « Elle ?
Jamais ! » J’enchaine : « Hum, donc elle a perdu la mémoire mais elle n’est pas
malheureuse ? Il répond par non mais continue avec un long descriptif du comportement
chaotique qui a amené sa sœur à aller dans une maison de retraite. Le fait que sa sœur ne
soit pas malheureuse ne semble pas faire évoluer sa représentation.
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Annick, elle, compare ses réactions vis à vis d’autres qui avaient des problèmes de
mémoire à celles dont elle est l’objet actuellement. Quant il s’agissait des autres: « je me
disais …. c’était des personnes d’un certain âge déjà,…. bien qu’il y avait une sœur qui
était quand même assez jeune déjà, elle devait avoir 45-50 ans et vraiment je me disais
‘c’est pas possible !’ On a vécu ça hier, elle devrait se souvenir, je voyais pas bon, ….alors
euh des fois ca m’énervait un petit, mais je lui mettais quand même sur le papier certaines
fois. » Elle relate un dialogue avec ses proches pour illustrer qu’elle est à présent l’objet du
même type de commentaires : « vous ne l’avez pas marqué » ! Vous savez que j’en suis à
ce stade. » Réponse de ses interlocuteurs : « Oui, c’est vrai mais tu parais pas alors on se
figure pas ! » Elle conclut : « maintenant instinctivement quand quelqu’un semble
s’excuser parce qu’elle a oublié, je dis « T’inquiète pas : moi je connais ça ! »
Résumé de la représentation de la maladie
fait partie du vieillissement normal
clivage : vison catégorielle plutôt que longitudinale
comportement incohérent
dérive
clivage entre l’être et le paraître
La stigmatisation
Le renforcement de l’estime de soi semble se construire comme une réaction par rapport à
la stigmatisation de la maladie. C’est Annick qui reprend à plusieurs reprises le sujet « On
n’ose pas parler parce qu’on a peur d’être pris un petit peu pour des gens…plus ou
moins détraqués. » Elle dit de son médecin généraliste : « il ne prenait pas ça au
sérieux. »
En résumé la stigmatisation associée à la maladie d’Alzheimer
la folie
la perte de crédibilité
Les stratégies de coping
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Une stratégie de coping observée est la relativisation. Annick dit à ce sujet: « pour nous
c’est la tête, pour d’autres des déformations corporelles,…je dirais à chacun son
infirmité ». Elle poursuit en disant « mais il faut quand même prendre ça au sérieux, c’est
sûr, c’est vrai que pour éviter d’être plus handicapée ou au moins pas trop insupportable
pour les autres, je me suis dit il n’y a pas…. faut faire quelque chose ». Et plus tard
encore : « je refuse de grossir ni de mettre en avant ah oui ….mais c’est parce que je suis
Alzheimer ou non, pas question. Ca viendra mais en son temps. » Voici comment elle
décrit les meilleurs moments de sa vie actuelle : « Quand je suis avec d’autres personnes
bien sûr, quand je peux encore faire des projets. » Ses rapports avec les autres semblent
plus faciles quand elle fait clairement état de ses difficultés : « vous savez que j’ai pas de
mémoire, alors excusez mais répétez ». Elle termine sur ce conseil à ses pairs : « il faut se
dire un jour à la fois ! A chaque jour suffit sa peine, c’est ça. Et puis euh… bon, accepter
qu’il y a des gens qui ne comprennent pas, ….ça partout ! »
Paul est clairement dans l’évitement (voir infra, acceptation de la maladie). Il exprime sa
frustration : « maintenant pour exprimer mon état, il faut que je, que j’agisse doucement,
que je réfléchisse aux mots que je vais utiliser et que je trouve pour répondre à une
question comme celle que vous venez de me poser. » Il semble s’isoler « je me tais le plus
possible parce que parce que ça ne sert à …(rien) » Plus tard, dans le cadre de la
thématique de la spiritualité « c’est dans le silence qu’on fait beaucoup de choses
importantes » Il a trouvé refuge dans la méditation et la spiritualité. « alors euh quand on
perd la mémoire et qu’on n’a pas la foi, on ne sait pas pourquoi on est là tandis que moi
je sais ce que j’ai alors je suis heureux.! »…. « j’ai un but dans la perte de mémoire alors
que j’ai des gens qui sentent qu’ils ont perdu la mémoire mais qui n’ont pas de but, ils en
souffrent horriblement de tourner en rond. »
Elsa, quant à elle dit : « je m’en fiche, c’est comme si ça me fait rien, absolument ! » Etant
donné qu’elle est à un stade plus avancé de la MA que les autres patients, je ne sais si il
faut interpréter cette réaction comme une stratégie d’évitement ou une manifestation
proche de l’anosognosie. Etant donné le contexte (à ma question : « Est-ce que vous avez
des problèmes de mémoire ? » elle avait répondu après une longue réflexion «je crois que
oui ».), je pense qu’il y a un peu des deux. Elle a une conscience floue de son état (dont
témoigne la longue réflexion avant sa réponse) mais il me semble qu’elle est aussi dans
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l’évitement. J’en prends pour illustration poignante son commentaire après avoir vu la
vidéo témoignages :« je me rends compte tout d’un coup, c’est tellement dur que ça me
rend un peu hystérique ».
Elle semble osciller entre légèreté (que son aidant me décrit comme éphémère) et
dépression. Voici comment elle décrit les joies quotidiennes qui lui procurent du plaisir
dans la vie : « maintenant quand je me lève euh… je suis ravie quand on voit le soleil je…
il fait bon temps parce que je sors. Aujourd’hui, je (ne) suis pas sortie parce qu’il a plu
toute la journée, alors euh... La vie, en effet, tout ce que vous voyez, vous-même vous voyez
(Elsa me montre la fenêtre pour indiquer ce qui se passe dans la rue), tout ça me fait
plaisir, les.... aidez(-moi) à retrouver une expression pour ça, tous les gens qu’on voit, qui
se promènent, ….ça me fait plaisir. » je lui propose « joies quotidiennes » qu’elle accepte
pour traduire sa pensée. Je note qu’Elsa est artiste peintre et que c’est peut être sa
sensibilité artistique qui reste vibrer. Je rapproche cette stratégie de coping avec celle
décrite par Annick et Mouloud (voir ci-après) : fractionner le problème, prendre un jour à
la fois, éviter de penser à long terme.
Une autre stratégie qu’elle a mise en place est de demander de l’aide. Voici la façon dont
elle la décrit : « Oui, on peut quand même être heureux, parce que on peut demander (à)
quelqu’un qu’on voit, on voit plein de monde n’est-ce pas, quelqu’un qui a l’air gentil,
aide-moi et je crois que normalement les gens qui sont normal dans sa tête, il aide avec
plaisir. Tiens, j’ai jamais pensé à ça avant, mais.... tiens, oui, ça je crois absolument ... »
Mouloud a pris la décision de faire face à la maladie: « de deux choses l’une, ou je
persiste dans le noir, ou j’essaye de m’en sortir. C’est le combat qu’il faut oser mener. » et
de positiver « Mais je suis encore en vie, c'est ça l'essentiel. C'est...Quelle que soit la
préparation que l'on s'accorde pour recevoir l'événement, ce n'est pas comme le
vivre....c'est...il faut positiver après, on n'a pas le choix. Soit on sombre, soit on positive.
On se dit «J'ai l'Alzheimer, qu'est-ce que je peux faire? Comment je peux continuer à
vivre? J’ai finalement compris tout simplement, pourquoi ne pas positiver avec cette
affaire. » Cela ne l’empêche pas d’avoir une tendance à s’isoler « il y avait quelque part
dans mon idée, ce besoin de sortir un peu de mon cadre familial dans lequel j’ai toujours
vécu. »
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Il a également préparé le transfert de certains dossiers – surtout d’ordre financier- à sa
femme. « Je lui ai fait sentir, et je pense même le lui avoir dit, … qu’il était temps qu’elle
s’intéresse maintenant à un certain nombre de chapitres » … « donc on a appris à ouvrir
des chapitres de communication qu’on n’avait pas ouvert avant, ou tout au moins qu’on
n’avait pas ouvert de manière systématique donc je (le) fais maintenant voyez-vous ?....
(silence) je crois que, je crois que les choses vont bien, vont bien de ce côté…. et je dis
surtout, et il y a quelque chose qui a vraiment changé en moi c’est de lui dire, parce que
j’ai pris conscience finalement que ce quelque chose qui m’arrive va aller …. dans le
mauvais sens, il ne va pas repartir dans le bon sens. … En l’impliquant de plus en plus, en
lui disant maintenant ‘prends les décisions comme si je n’étais pas là et tu m’en parles tout
simplement ».
Mouloud a également rédigé le récit de sa vie pour ses enfants en 3 tomes« vu l’âge qu’ils
ont, je n’allais pas attendre qu’ils aient l’âge de m’écouter, l’âge de me comprendre,….. je
me suis,…. je pense qu’à ce moment-là, j’aurais raté le coche ! Je ne pourrais pas leur
dire, comme je le,…. comme je le perçois maintenant. Alors je me dis ‘je vais, je vais
laisser ça comme étant une, …sur disquette tout simplement’ et puis je me suis dit ‘au
fond, pourquoi ne pas leur donner carrément des livres avec des photos de mon jeune âge,
avec des photos de …. mon parcours. »
Sur un plan pratico-pratique, Mouloud a trouvé des stratagèmes pour se faciliter la vie. Il a
une ceinture qui comporte un étui pour ranger son téléphone portable, et deux chaines
auxquelles sont attachés son portefeuille et ses clés. « avant de changer, j’enlève ma
ceinture. Quand j’enlève ma ceinture, je suis obligé de voir mon téléphone, obligé de voir
ma clé. Voici mon portefeuille avec la chaine que je …Et j’ai mes papiers qui sont de faux
papiers, qui sont là. Quand je prends ma voiture, je les prends avec moi. ». Comme il a, à
plusieurs reprises perdu ses papiers, il garde les originaux dans son coffre et circule avec
des copies.
En résumé les stratégies de coping qui émergent des témoignages sont :
+ relativiser
+ agir
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+ dédramatiser
+ profiter des joies quotidiennes
+ vivre dans le court terme
+ fractionner le problème
+ demander de l’aide
+ faire face
+ positiver
+ prendre les dispositions pour mettre de l’ordre dans ses affaires
+ trouver des stratagèmes pour faciliter la vie pratique au quotidien
+ contacts sociaux
+ faire des projets à court terme
+ faire clairement état de ses problèmes de mémoire à ses proches
+ vivre dans le présent
+ accepter l’incompréhension de certains
+ parler en prenant le temps
+donner du sens à sa vie
- Déni
- Evitement
- Isolement
Préoccupation/anxiété
La progression de la maladie et la fin de vie apparaissent comme des préoccupations
majeures.
Certaines activités du quotidien créent progressivement de l’appréhension. Paul : « J’avais
du plaisir à sortir maintenant j’appréhende de sortir ». Il parle de l’évolution de son état
de manière contradictoire, au cours de la même conversation (après avoir regardé la
vidéo) : « on ne peut pas dire que ça s’aggrave, mais ça ne s ‘améliore pas non plus » et
quelques minutes plus tard « depuis qu’on se voit, j’ai perdu beaucoup de ma capacité à
m’exprimer ». (NB : je n’ai pas fait ce constat).Il semble être dans un état d’hyper
vigilance et être proche du désespoir.
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C’est Annick qui manifeste la plus grande anxiété. Elle se compare aux autres patientstémoins « la dame (Elsa),…elle est plus marquée que les autres témoins ?...et Paul, il est à
quel stade ? ». A sujet de la maladie, elle dit « il y a des chances que cela progresse » « il
faut s’attendre à une certaine dégradation » et elle met immédiatement en place une
stratégie de coping « mais bon, c’est peut-être pas pour demain ! » « quand ça
(l’inquiétude) me vient, je me dis à chaque jour suffit sa peine ».
Quand je demande à Annick si il y a des choses qui lui font peur, voici sa réponse : «
d’être complètement Alzheimer, ça, ça me fait peur ! surtout que….il y a l’une ou l’autre
là. Alors on a une maison EPAD à Nogent. Alors des sœurs qu’on a vues brillantes, qui
avaient des responsabilités. puis tout d’un coup,….. mais vraiment un légume, alors ça, ça,
oui, ça me fait peur. »
La fin de vie semble être une préoccupation tant pour Annick, Mouloud que Paul (Elsa ne
s‘est pas exprimée sur ce point). Ils expriment tous le souhait d’être emportés rapidement,
avant que leur état ne se dégrade. Paul le dit en ces termes « Alors comment ça se
terminera…je ne suis pas en mauvaise santé...mais j’ai quand même une insuffisance
cardiaque, ce qui est très important (rires) pour mon départ définitif ! …Cela va arriver
un de ces jours, il ne faut pas être pressé. » Il m’explique qu’il a pris toutes les
dispositions concernant sa mort et termine par « Ca peut aller vite, ça peut durer très
longtemps. Voilà ! »
Voici ce qu’en dit Mouloud : « j'ai eu une remarque qui m'a beaucoup plu de cette dame
du reportage qui a dit:«Je m'endors et peut-être que je vais disparaître avec une crise
cardiaque» et vous savez, il m'arrive de m'accrocher à l'idée que je ne mourrai pas comme
un légume. Mais ce qui me reste, je vais l'utiliser de façon à aller de plus en plus loin
jusqu'au moment où je disparaîtrai peut-être d'autre chose. »
En résumé :
- progression de la maladie
- dégradation
- perte de dignité
- sentiment de vulnérabilité
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- hyper vigilance
- fin de vie
L’empathie/la sympathie
Mouloud décrit sa relation avec des patients MA, avant que lui-même ne soit atteint. «
Parce que les seules expériences que j'ai eues de relations avec des Alzheimer, c'était
pendant ma vie professionnelle (quand il gérait une maison de retraite), où je n'en étais
pas un! Donc je n'étais qu'un spectateur d'une situation. Il n'y avait que du relationnel, pas
de partage. Mais quand on discute avec des gens comme ça...et peu importe le niveau
intellectuel parce que cela n'a rien à voir avec le vécu....la masse d'informations qu'on a
rassemblée, ce qu'on peut appeler l'expérience, peu importe. C'est surtout le côté humain,
l'échange d'un regard, une main qui se tend, c'est porteur de message! »
Annick parle de cet aspect à plusieurs reprises : « … à l’hôpital Broca, j’ai été très bien
accueillie et puis c’est encourageant !» Comme je lui ai demandé ce qui était encourageant
elle répond : « Bah, déjà l’accueil ». Ensuite « d’abord il y a beaucoup de délicatesse de
la part du personnel et ça vraiment euh, ….bon même quand je cherchais à me souvenir de
ce que j’avais vu, bon on me donnait des petites questions pour pouvoir me mettre sur la
piste, par exemple, c’était un légume on me disait ‘ tiens, c’est un légume’ et tout de suite
je voyais que c’était le poireau et je les ai vraiment tous trouvés. C’est très encourageant »
Ce commentaire (qui prête à sourire quand elle donne son interprétation de l’indiçage)
illustre l’importance pour les neuropsychologues, de ne jamais laisser partir un patient sur
un sentiment d’échec. Elle dit enfin « on a besoin d’être rassuré, bon …. d’une certaine
sympathie quoi, c’est ça ! »
Paul quant à lui dit de son entourage : « ils ont beaucoup de patience ».
Résumé des manifestations d’empathie/sympathie
- le contact sensoriel
- la qualité de l’accueil
- la délicatesse
- la sympathie
- la réassurance
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- la patience
L’acceptation du diagnostic
Il me semble que Paul et Annick, illustrent parfaitement le paradoxe entre acceptation et
déni que décrit McQuarrie (2005).
Voici tout d’abord comment Annick décrit sa réaction lorsqu’elle a commencé à avoir des
problèmes de mémoire : « je pensais pas que ca pouvait m’arriver, ah non non ! j’avais
une mémoire phénoménale au contraire, je racontais des histoires qui s’étaient passées il
y a 30 ans avec tous les détails. »
La façon dont elle décrit l’annonce diagnostic me semble particulièrement intéressante:
« le médecin qui a conclu les rendez-vous que j’avais eus m’a dit « non, vous n’êtes pas
encore ,…. mais bon il faut prendre ça en considération quand même » et la façon dont
elle l’a reçu et ce qu’elle a perçu « je m’attendais évidemment à ce que ce soit pas trop
trop noir mais pas trop trop clair non plus, bon j’étais un petit peu, ….mais le médecin a
vraiment avec beaucoup de délicatesse, de gentillesse alors ça m’a rassuré si vous
voulez. ». Il semble bien que cette perception confirme que c’est plus la façon dont le
diagnostic est annoncé que le contenu du diagnostic lui-même qui conditionne la manière
dont le patient reçoit le diagnostic (Marzanski, 2000).
Annick dit encore ces phrases, qui reflètent bien toute l’ambivalence qu’elle semble
ressentir vis à vis de la MA : «il faudrait qu’on s’habitue à vivre dans la réalité,
quoi,…quelle qu’elle soit » « on ne la choisit pas (la maladie) mais elle est certainement
plus facile à porter si elle est acceptée que si on la traîne, enfin il me semble. ..et je n’ai
pas du tout envie de la traîner. » Elle conclut: « je suis Alzheimer ou non, pas question. Ca
viendra mais en son temps. »
Voici ce que dit Paul avec de la colère dans la voix (tant le propos que le ton m’ont pas
mal ébranlée sur le moment) : « On ne m’a jamais parlé d’Alzheimer. C’est vous qui m’en
parlez ! Le médecin qui me suit à Broca ne m’a jamais rien dit dans ce domaine-là ! Et il
poursuit avec ce curieux commentaire, d’un ton neutre « A tort ou à raison, moi cela ne me
dérange pas ! ». J’analyse ces propos comme une expression d’une stratégie de coping par
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la distanciation et le déni. Il poursuit sur le ton de la colère « J’aurais aimé entendre le
médecin me dire ce que j’avais mais elle n’a JAMAIS RIEN DIT ! C’est VOUS qui, par
votre intermédiaire, me dites que j’aurais la maladie d’Alzheimer. Alors Alzheimer,
Alzheimer, c’est une chose mais il n’y a pas qu’Alzheimer dans les pertes de mémoire !.
Il poursuit, en totale contradiction avec son propos précédent « je regarde ma sœur qui a
commencé la maladie deux ans avant moi. ». Il décrit l’état de sa sœur, qui vient d’entrer
dans une maison de retraite car elle ne pouvait plus vivre de manière autonome et
commente « Ma sœur elle a une avance, une grande avance sur moi, le passé et bah elle
en parle déjà plus, elle est comme moi, elle prend, elle pense à l’avenir. » NB : Paul et sa
sœur sont profondément croyants. « C’est très différent de moi, ce que j’ai, ce que je
supporte à l’heure actuelle. Moi, c’est de constater tous les matins que j’ai un petit peu
moins de vocabulaire que la veille. » Je rebondis : « Qu’est-ce que vous pensez quand
vous voyez votre sœur ? Paul répond: « Bah, je pense que je vais devenir comme elle, tout
doucement (sourire). » Et quand vous pensez ça, qu’est- ce que vous ressentez alors ?
Paul : « Rien (sourire), rien de particulier parce que moi, …, étant croyant, de passer
n’est-ce pas vers un avenir très différent, très différent… alors il faut le passer c’est tout et
puis euh… ça sera une découverte à ce moment- là. Bon, beh,…. alors je ne vais pas,… ça
ne me contrarie pas, au contraire : c’est une découverte. »
Mouloud quant à lui a décrit la violence du choc du diagnostic. Sa première réaction a été
ça m ‘a fait « mal, en me disant « il a fallu que ça m’arrive aussi ! » … » « je me suis dis
‘voilà, là c’est ton tour maintenant, ça fait mal ! ça fait vraiment mal !.. ..et ce n’est que par
la suite que j’ai positivé. » « Si j'étais sorti de chez le médecin après l'annonce du
diagnostic et que j'étais rentré dans une salle de réunion où il y a des Alzheimer, je
n'aurais pas participé, je n'aurais pas pu apporter quoique ce soit, et je n'aurais emmené
rien du tout avec moi. Parce qu'on est choqué, c'est un coup de masse, dur, même pour
quelqu'un qui sait ce que c'est que l'Alzheimer comme dans mon cas, c'est excessivement
dur. C'est comme un boxeur qui est tombé au sol, il a besoin de se relever, il a besoin de se
relever, pour reprendre son combat. Et ce temps-là est incompressible. Et je crois qu'on
fait mieux de digérer par soi-même, on a le temps de ne pas l'exposer. Il faut d'abord le
comprendre : «Est-ce que c'est vrai? Est-ce que j'ai vraiment ça?». Ensuite, on y va. »
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Il donne le sentiment d’avoir complètement ‘ingéré’ sa maladie qu’il appelle : « Mon
Alzheimer ». « C'est très simple: je suis sûr et certain que mon Alzheimer (parce que mes
troubles de mémoire j'ai commencé à les ressentir il y a trois ans environ, alors que le
résultat a tout juste une année)...j'étais sûr et certain que quelque chose n'allait pas mais
j'attribuais ça à autre chose, à la fatigue, que j'ai décroché sur le plan professionnel, que
je vivais au jour le jour sans avoir de projet. Et boum! Ça arrive. Lorsque que ça arrive,
ça arrive comme brutalement, mais aussi comme si c'était une espèce de délivrance, parce
que maintenant je sais ce que j'ai. Ça me fait mal, mais je sais ce que j'ai. Donc il y a un
certain répit que l'on a »
Et il parle ensuite du temps requis pour accepter sa maladie. « Je vous dis que franchement
vous êtes arrivée au bon moment, où j'ai développé ma propre idée de la chose. Vous
seriez venue un an auparavant, vous auriez trouvé un homme qui broie du noir (silence). Si
vous arriviez un an plus tard, je ne sais dans quel état physique vous me trouveriez. Donc
vous avez choisi le moment où vous aviez quelqu'un qui s'est fait à l'idée de sa maladie, l'a
acceptée, intégrée dans son système de vie et de pensée, qui s'en est accommodé par des
petites choses de tous les jours, qui sait en tirer le meilleur pour ne pas laisser les siens
dans le désarroi le jour où il disparaîtra. »
Plus tard, il revient sur ce sujet : « Honnêtement, honnêtement, on a besoin de digérer
l'événement, de s'y faire soi-même, de le mesurer, parce que de toute façon, quelle que soit
la chose qu'on nous dit par ailleurs, s'impose d'abord notre perception de nous-mêmes.
Et on ne peut pas en faire l'impasse. »
L’utilisation de la vidéo témoignage pour communiquer avec le corps médical
Elsa, Mouloud et Annick ont été très positifs quant à l’idée d’utiliser la vidéo-témoignages
pour faire passer des messages au corps médical. Mouloud est très demandeur: « je crois à
cette démarche. Je vais vous dire pourquoi. Parce que c’est les médecins qui actuellement
sont encore au début de cette maladie (ils sont encore loin de la maîtriser)..donc ils sont
dans la découverte. Mais quelqu’un qui la vit de l’intérieur et qui peut encore s’exprimer
dessus, et aligner des phrases dessus, c’est un sacré pont, un sacré pont ! »... Il
poursuit : «… parce que c'est une dimension qui manque. Le personnel médical entoure
ces gens-là...l'infirmière a peut-être plus à dire. Parce que notre vie de malade de cet
59
Alzheimer est faite de détails que seul celui qui est quotidiennement en contact peut
apprécier. Le médecin, lui, est face à un flash, à une situation donnée qui peut être
mauvaise au moment où il ausculte. Il ne s'inscrit pas dans une certaine périodicité. »
Il plaide ensuite en faveur d’un suivi que j’appellerais psycho-social, qui inclurait des
groupes de patients. « En fait, si on mesure le temps que l'on passe avec les personnes qui
s'occupent de notre maladie, c'est un très très court moment. Je vois mon médecin une fois
tous les six mois, pour 20 minutes. Je me suis surpris à vouloir lui donner le maximum de
choses pendant ces 20 minutes et j'en oublie évidemment. Ou alors on ne sait pas quelle
chose l'intéresserait le plus. Ce qui manquerait peut-être, c'est un rapport de la médecine
où il y a des intervenants, qui multiplieraient la relation soit de manière hebdomadaire ou
mensuelle en suscitant même de l'intérêt chez une personne pour qu'elle s'occupe de telle
question, de façon à ce qu'elle vienne rapporter dessus. Bref, rejouer une sorte
d'intégration dans une vie collective où les malades ne seraient pas livrés à eux-mêmes,
mais un peu guidés en fonction de leurs centres d'intérêt mais dans une perspective qui
pourrait être utile à ceux qui orchestrent ce type d'opération. Quel que soit mon désir
d'être très positif, et je le suis, vis-à-vis de personnes telles que mon médecin ou les
infirmières, ce n'est pas suffisant pour essayer d'obtenir des gens, et surtout la possibilité
éventuellement d'exploiter ce qu'ils apportent en vue de…recherches »
En ce qui concerne le rôle de l’intervenant, il décrit son rôle en parallèle avec celui que j’ai
joué pour capter cet entretien « Vous m'avez mis en état de communiquer. C'est drôle, mais
c'est vrai, vous m'avez conditionné, parce que vous êtes quelque part du milieu, donc on
est ouvert. Je n'ai pas besoin de tricher avec vous parce que je sais que vous venez vous
occuper de la maladie d'Alzheimer, que j'en suis un, et que c'est au niveau de ça que le
dialogue va se faire. J'aurais été sur mes gardes si vous aviez été autre chose... »
Quant à Annick, elle constate que son généraliste « ne prend pas ça au sérieux » et à
propos du personnel médical « ils ne sont pas toujours au top niveau…on entend des
réflexions blessantes..involontairement…ils ne savent pas de quoi il retourne, je pense. »
Quant à Paul, il ne s’affirme pas directement en faveur de l’utilisation de la vidéo pour le
personnel médical mais quand il dit « J’aurais bien aimé qu’un médecin me dise ce que
60
j’ai », on peut faire l’hypothèse qu’il voudrait que le personnel médical entende sa voix.
L’utilisation de la vidéo témoignage pour communiquer avec ses proches
J’ai donné à Annick, Mouloud et Paul une copie de leur témoignage personnel, en
intégralité. Paul et Annick n’en n’avaient pas fait usage, quand je les ai revus. En revanche,
Mouloud a partagé son témoignage filmé avec sa femme, ses enfants et des amis
proches. « Tout le monde a été en gros touché parce qu’ils m’ont trouvé pathétique. »
Comme je lui demande si ses proches l’ont trouvé pathétique ou touchant, il me répond
« touchant, sans inspirer une peine aux autres. »…mes proches m’ont dit « tu ne pouvais
pas en dire plus parce qu’on t’a reconnu, on t’a retrouvé là-dedans ». Quand je demandé
à Mouloud si le fait que ses proches ont vu son témoignage, a changé quelque chose, il
répond « Surement. Ils se sont habitués, ils ont démystifié le mot « Alzheimer » à partir du
moment où je leur ai expliqué mon état d’âme et après qu’ils ont surtout compris que moi,
j’ai assimilé d’abord la situation. Et aussi que j’accepte l’idée que j’ai un processus de
dégénérescence qui s’est installé ».
Voici l’avantage qu’il voit à l’utilisation de l’intermédiaire de la vidéo plutôt qu’une
conversation en direct avec ses proches : « J'ai pris l'avantage de ne pas leur asséner ça
dans un monologue. Mais je leur ai donné quelque chose, parce qu'on reçoit mieux un film,
car on est obligé de se taire pour recevoir le contenu, il n'y a pas de communication, de
marge. Par exemple, si je sortais avec une idée que j'expose dans mon film et que mon fils
n'aperçoit pas, il va m'arrêter. C'est le principe du dialogue. Mais là on est obligé
d'attendre jusqu'au bout. »
Il continue : « Il faut nécessairement faire accepter aux autres l'état dans lequel on est,
sans tricher, sans faire pitié. Ce n'est pas la pitié qu'on recherche, c'est la
compréhension. »
Quant à ses amis, voici la description des retours qu’il a obtenu : « je l’ai (il s’agit de la
vidéo avec son seul témoignage) montrée à quelqu'un qui a travaillé à la maison de repos
pendant quinze ans (la maison de retraite dont Mouloud était le Directeur), je lui ai
envoyé sa copie et elle m'a dit: «J'en ai pleuré, parce que vous n'étiez pas dans une
situation de détresse et vous en parliez comme...alors que moi je ressentais de l'effroi en
parlant d'Alzheimer, mais là on sent de l'aisance dans ce que vous dites». J'ai aussi eu un
61
feedback d'un ami qui est presque un frère pour moi, et m'a dit : «Il est difficile, même en
écoutant ton message, de dire que tu es Alzheimer au sens où nous, les profanes,
l'entendons. C'est pas possible que tu puisses avoir conservé ton aptitude à parler et à
raisonner alors que d'un autre côté, tu as des résultats qui te situent dans le clan des
malades».
Il me parle ensuite des visites quotidiennes de son fils, qu’il appelle les visites
‘d’inspection’. (NB : ces visites ont commencés bien avant que son fils ait regardé la vidéo
témoignage de son père).Quand je l’interroge sur l’utilisation de ce terme, il répond :
« j’utiliserais volontiers le même mot (inspection) pour qualifier quelqu’un qui vient voir
que je ne manque pas de quelque chose ou si je n’ai pas un problème ou si…ce n’est pas
négatif. »
Il me semble exprimer une ambivalence. « Quand vous êtes avec quelqu’un, vous sentez
que la personne est là pour un échange de discussions qui est neutre, même s’il peut être
dans la contradiction. Mais quand vous sentez que la personne est à vous regarder comme
si elle essayait de lire derrière…on s’y prête d’autant plus volontiers qu’il m’accorde de
l’attention. Il ne faut pas que je la rejette, au contraire, il faut que je la reçoive bien. »
« Mais je ne suis pas pour autant à écourter ce moment de bonheur qu’il m’offre en me
disant que je vais le rejeter dans son…problème. Au contraire, je consomme ce petit
instant. » Ce propos permet d’illustrer la difficulté de l’accompagnement d’une personne
diagnostiquée MA. Je tenterai de donner un éclairage sur ce point dans la partie consacrée
à l’image de soi ci-après.
Voici enfin ce qu’il dit sur le fait de montrer la vidéo avec les quatre témoignages : « je
voudrais montrer la vidéo à ma famille, pour montrer à mon entourage que je ne suis pas
seul avec ce que je vis. Parce que mes enfants, à part moi, ne savent pas qui est Alzheimer
autour d'eux. Donc leur montrer que cela existe aussi chez d'autres.. »
L’utilisation de la vidéo-témoignages pour les autres patients MA
Pour des raisons déontologiques, je n’ai pas pu donner d’exemplaire de la vidéo reprenant
les quatre témoignages aux patients-témoins. Voici ce que Mouloud dit au sujet de la
vidéo-témoignage «J’aurais voulu pouvoir garder la vidéo pour la regarder parce que
cela m’aurait fait chaud au cœur ». Il dit plus tard « J'ai certainement exprimé mon plaisir
62
de solliciter une copie mais je comprends très bien la réserve qui est la vôtre et je la
respecte. Mais la raison pour laquelle j'avais exprimé cette demande, c'est parce qu'on a
besoin de se retrouver dans un film avec les autres comme si je poursuivais avec eux...la
même discussion. » Il ajoute : « Lorsque je vous ai parlé la première fois,…. j'étais seul
face à moi-même. Là je fais partie d'une équipe, d'un petit groupe. Un peu comme les
groupes que j'ai voulus...j'en ai d'ailleurs parlé avec mon médecin...de créer un groupe,
avoir des discussions, une fois par semaine, une petite demi-heure ensemble, c'est
quelque chose d'extraordinaire, parce que d'abord ça isole de la solitude, si j'ose dire. Et
en plus, chacun apporte son éclairage, son vécu. » Notons que ce concept est très proche
des cafés Alzheimer ou cafés de la mémoire.
Il commente sa participation en tant que patient-témoin comme suit : « Je donne mon
vécu, je donne ce que j’ai ressenti et les autres, et les autres qui l’ont perçu, ils en feront
ce qu’ils veulent. …Je ne me sens pas … nanti d’apporter l’espoir, de donner l’espoir ou
la bonne parole ou le, …un message un peu qui viendrait de l’au-delà, absolument pas !
C’est une vie que je partage avec les autres, je donne ma façon dont je l’ai perçue, c’est
tout …et si les autres peuvent en faire autant vis à vis de moi, mais je serais très heureux
à écouter parce que ça m’aiderait. De leur part, je l’accepterais peut-être un peu plus
facilement que de la part de médecins qui sont occupés à leurs recherches. Je ne leur
jette pas la pierre parce que c’est un domaine qu’on est en train de découvrir, mais je
suis plus en relation, presque demandeur avec celui qui vit la même chose que moi tout
en le vivant peut-être un peu différemment. …Donc chacun est un prisme à multiples
facettes. » Plus tard, il continue en comparant les différents publics possibles (proches,
corps médical ou autres patients MA « Mais....c'est plus intéressant (de montrer la vidéo
des 4 témoignages)
pour des gens qui sont Alzheimer et qui vivent ça de manière
solidaire. »
Ce commentaire est évidemment en ligne avec la démarche de cette étude exploratoire. Il
est cependant à noter qu’un seul patient sur quatre s’exprime en ce sens. (voir discussion
ci-après)
63
6. DISCUSSION
Le patient souffrant de la maladie d’Alzheimer, peut-il être inclus, en tant que patienttémoin, dans la chaîne de soin ? Cette étude exploratoire ne permet pas de donner de
réponse claire. Il me semble qu’il faudrait faire davantage de recherche pour répondre à la
question: est-ce que certains patients-témoins pourraient être inclus dans la chaine de soins
de certains patients développant des troubles cognitifs.
En effet, cette étude exploratoire permet d’établir - avec toutes les précautions d’usage
étant donné la petite taille de l’échantillon - que le fait de participer à cette vidéo et de la
voir ont un impact positif sur la représentation de soi, et positif ou neutre sur l’estime de
soi. Est-ce le fait de témoigner ou de se regarder qui crée l’impact positif ? L’étude ne
permet pas de le dire étant donné que tous les témoins étaient aussi leurs propres
spectateurs.
Tous les patients-témoins plébiscitent avec force, directement ou indirectement,
l’utilisation de cette vidéo pour être en mesure de mieux communiquer avec les médecins,
et être mieux reconnu et mieux compris par le corps médical au sens large (médecins,
infirmiers, aides-soignants, etc). C’est certainement l’usage le plus simple simple et le
plus efficace qui pourriat être fait de ce type de vidéo-témoignages.
Sur base volontaire, la vidéo-témoignages est aussi considérée par les patients-témoins
comme un outil qui pourrait être utile pour communiquer avec les proches et être mieux
compris d’eux.
En revanche, le fait d’apparaître sur la vidéo parmi d’autres patients qui ont la maladie
d’Alzheimer peut avoir un effet défavorable sur l’anxiété de certains patients, alors qu’il
est favorable pour d’autres. La vidéo confronte le patient à sa maladie, sans qu’il puisse
éluder. Il se crée un phénomène de comparaison qui peut renforcer les préoccupations des
uns (cristallisées essentiellement sur la progression de la maladie) alors qu’elle peut
générer des idées positives pour d’autres (je vaux encore la peine d’être écouté).
64
La problématique la plus importante qui est apparue au moment de regarder la vidéo tient à
l’acceptation de la maladie et l’annonce du diagnostic. Les gériatres ont annoncé le
diagnostic MA aux quatre patients témoins pourtant deux d’entre eux ne se considèrent
pas comme des personnes qui ont la maladie d’Alzheimer. Fort de ce constat, il apparaît
qu’il serait peut-être intéressant de faire une étude concernant l’annonce du diagnostic, vue
du point de vue du patient. Après la(es) consultation(s) durant la(es)quelle(s) le diagnostic
est communiqué7, il s’agirait de demander au patient si il a obtenu un diagnostic et si oui,
lequel ?
Je vais aborder ci-après des sujets qui me semblent être au centre de cette étude
exploratoire. J’ai déjà évoqué certains de ces sujets soit dans la section ‘revue
bibliographique’, soit dans la section ‘analyse du discours des patients’. Je les aborderai ici
sous un autre angle, à savoir à la lumière de l’expérience de la préparation de ce mémoire.
De nombreuses questions se posent en effet, notamment au sujet de :
La méthodologie
En ce qui concerne les patients-témoins : il me semble que les critères d’inclusion et
d’exclusion que nous avons déterminés pour le recrutement étaient pertinents. Je me suis
tout de même rendu compte que, entre le dossier médical du patient et le moment X où je
le rencontre, il peut se manifester des symptômes (notamment dépression ou anxiété) qui
ne sont pas forcément présents lors de la consultation. Cela pourrait donc avoir du sens
d’inclure une échelle d’évaluation comme le STAI, pour mesurer l’anxiété et l’échelle de
Beck pour mesurer la dépression. Cependant si on considère le cas de Paul : même si il
avait des symptômes dépressifs, il a tenu des propos très pertinents. Simplement, le fait de
témoigner ne semble pas avoir eu un impact positif sur l’estime et l’image qu’il a de luimême, comme cela a pu être le cas pour les 3 autres patients-témoins. Il serait certainement
utile de faire une évaluation (de type avant - après) sur l’impact qu’a, sur l’estime et
l’image de soi, le fait de témoigner.
7
Comme indiqué dans la revue bibliographique, de nombreux auteurs plaident pour
l’annonce progressive du diagnostic MA
65
: quand l ‘inclusion du témoignage de patient-témoin pourrait-elle être utile ? Ce
qui apparaît clairement, est que l’inclusion de patients-témoins dans la chaine de soin n’est
pas pertinente pour les patients nouvellement diagnostiqués. Plutôt que d’essayer de
définir des paramètres complexes pour définir un niveau d’acceptation de la MA, il me
semble que la réponse simple est de proposer l’inclusion du patient témoin dans la prise en
charge, si le patient MA le demande. Il s’agirait donc d’informer le patient MA de
l’existence de cette possibilité comme faisant partie intégrante de l’accompagnement
psycho-social.
En ce qui concerne la forme : Vidéo ou face-à-face ? La vidéo semble avoir l’avantage
de pouvoir être regardée ‘à la demande’ et de pouvoir être regardée plusieurs fois. Il me
semble qu’elle a aussi l’avantage de pouvoir être regardée par des personnes qui ont du
mal à se déplacer (et peut-être dans les zones rurales où l’accompagnement psycho-social
est plus difficile à mettre en place). Pour les patients qui n’ont pas de lecteur de DVD,
peut-être peut-on penser à des solutions telles que donner des tablettes avec le DVD aux
infirmiers qui suivent les patients, à domicile ou en institution.
En revanche, les groupes de paroles, de type ‘café Alzheimer’, qui peuvent prendre
différentes formes – le concept du café Alzheimer va de pair avec un protocole strict
(Blom, Miese 2013)- continue de se développer.
Le sous-titre de la vidéo : il m’a semblé que les réactions d’anxiété qui ont été exprimées
par les patients-témoins, après avoir regardé la vidéo-témoignage, étaient essentiellement
liées au sous-titre de la vidéo : « témoignages de patients atteints de la maladie
d’Alzheimer ». A mon sens, rétrospectivement, ce sous-titre était une erreur. Il existe une
grande différence entre le fait d’entendre le diagnostic MA et de l’accepter. C’est la raison
pour laquelle j’ai voulu examiner en détails la complexité de l’annonce du diagnostic (voir
plus haut). Le choix de ce sous-titre n’est pas arrivé par hasard. Il a fait l’objet d’une
longue discussion avec Inge Cantegreil qui était mon Maître de stage à l’hôpital Broca et
qui est Docteur en psychologie clinique. Voici notre raisonnement : la question de
recherche qui est l’objet de ce mémoire est basée sur la difficulté, pour un patient
nouvellement diagnostiqué, d’accepter le diagnostic MA. Nous avons vérifié avec soin,
notamment en demandant l’accord explicite des gériatres qui suivent les patients-témoins
66
intégrés dans cette étude, que chacun avait bien reçu l’annonce du diagnostic MA. Nous
avons émis l’hypothèse qu’en mettant des patients aux visages avenants, qui tiennent des
propos intelligents, qui ne minimisent pas les difficultés, qui expriment leurs émotions de
manière sincère et proposent des stratégies de coping qui fonctionnent pour eux, nous
pourrions aider les patients nouvellement diagnostiqués. Nous espérions que ces
témoignages allaient contribuer à changer leurs représentations de la maladie, développer
leurs propres stratégies de coping et se sentir moins seuls, et par la même diminuer leur
niveau d’anxiété et/ou les symptômes dépressifs. Je pense que ces messages positifs n’ont
pas ou peu été entendus par trois des quatre patients-témoins parce qu’ils se sont vus
« étiquetés » Alzheimer, dans le sous-titre de la vidéo. Ceci a mis à mal les stratégies
d’acceptation et de déni qu’ils mettent alternativement en place et généré de l’anxiété
(Annick), de la colère (Paul) et de la souffrance (Elsa).
On peut spéculer que, si j’avais utilisé le sous-titre « témoignages de personnes vivant avec
des troubles cognitifs », j’aurais peut-être pu éviter de générer ces affects négatifs pour ces
trois patients. Est-ce que cette vidéo témoignage ‘édulcorée’ aurait suscité autant d’affects
positifs en ce qui concerne Mouloud, qui lui, a clairement accepté le diagnostic MA ? On
ne peut répondre. De nouvelles recherches seraient nécessaires pour définir le meilleur
sous-titre (il semblerait difficile de l’enlever : il semble indispensable d’annoncer l’objet
des témoignages).
Les limites de cette étude exploratoire
Certaines limites de cette étude étaient très claires depuis le départ: l’échantillon des
patients est très restreint, et très homogène sur le plan socio-culturel. Au fur et à mesure
des entretiens avec les patients-témoins, je me suis aussi rendu compte qu’ils avaient tous
en commun d’avoir le même facteur de protection : la spiritualité.(voir infra) Au cours de
cette recherche, je me suis aussi rendu compte des limites éthiques et déontologiques de
cette démarche. Bien qu’il me semble avoir pris toutes les précautions de cet ordre, en
validant l’inclusion avec les gériatres (certains ont recruté des patients), en demandant le
consentement éclairé du patient et de son aidant, j’ai eu des moments de malaise quand j’ai
été confrontée aux remarques anxieuses d’Annick, à la détresse d’Elsa et à la colère de
Paul. En ce qui concerne Paul et Annick, ces expressions d’affects négatifs me semblent
liées à la confrontation au mot « Alzheimer » et est en conséquence à mettre en lien avec
67
l’annonce du diagnostic. En ce qui concerne Elsa, la détresse qu’elle a exprimée me
semble être due au fait que la vidéo-témoignage lui a rappelé qu’elle avait la maladie
d’Alzheimer. Il est possible que la comparaison défavorable avec les autres patientstémoins, qui sont à un stade MA débutant alors qu’elle est à un stade modéré, aie participé
à sa détresse. J’en arrive à la conclusion que, déontologiquement, il ne faut pas inclure de
patients qui ont un MMS en-dessous de 22.
La dignité
De nombreuses publications ont pour sujet la dignité du patient atteint de MA ou de
démence. Une des questions qui se posent est: où se situe-t-elle ? Au niveau du patient ou
dans le regard que porte sur elle son interlocuteur. (53) En ce qui me concerne, voilà les
réponses que j’apporterais à cette question, sur base des relations que j’ai construites avec
les patients-témoins. En ce qui concerne les patients qui se situent au stade débutant de la
maladie, la dignité émane de manière flagrante des patients.
En ce qui concerne les patients atteints de MA à un stade plus avancé, il faut porter un
regard très attentif et écouter avec
une concentration maximale, pour dépasser la
stigmatisation et reconnaître le patient, dans toutes ses dimensions.
J’en prends pour exemple mes échanges avec Elsa. Lorsque je suis allée la voir, mes
attentes étaient très mesurées quant à la contribution qu’elle pouvait apporter à la vidéotémoignages. Quand je l’ai interviewée, si la quantité de sa contribution était plus modeste
(il est difficile de soutenir son attention au-delà de 10 minutes), sa qualité m’a
surprise…mais c’est surtout en transcrivant les verbatim et en les relisant que j’ai vraiment
pris conscience, à sa juste mesure, de l’intelligence et de la sensibilité qui se cachent
derrière sa vulnérabilité. J’ai pris conscience du fait que, même si les propos sont décousus
et la voix frêle, il y a une personne qui a des choses à dire. Au-delà de tout ce que j’ai pu
lire à ce sujet, c’est cette expérience qui m’a fait comprendre que je n’étais pas exempte
des préjugés que je dénonce et que j’avais encore beaucoup à apprendre. Ce qui m’amène
au sujet suivant …
La spiritualité comme facteur de protection
68
Comme évoqué plus haut, les 4 patients-témoins ont en commun d’avoir la foi ou une
autre forme de spiritualité. Ils m’en ont tous parlé spontanément alors que cela ne faisait
pas partie de mes questions et ils ont unanimement répondu ‘oui’ quand je leur ai demandé
si cela les aidait au quotidien. Il ne s’agit pas d’une stratégie de coping car ils avaient tous
une vie spirituelle riche, avant d’être malade.
L’exemple de Paul m’a beaucoup impressionné à cet égard. Au cours de la première partie
de l’entretien que j’ai eu avec lui, il est apparu très abattu et impuissant devant sa maladie.
Quand je lui ai demandé quelles étaient les choses qui lui faisaient plaisir au quotidien, il a
répondu « je n’ai plus de joie ». Pourtant, lorsqu’il a commencé à me parler de sa foi, il
s’est littéralement transfiguré. Je n’avais jamais vu cela chez personne auparavant : c’est
comme si on avait allumé une lumière en lui. Il évoque spontanément sa maladie en ces
termes : « La vie ne nous appartient pas, elle nous est donnée par le créateur et il la
reprend. Et ce que je trouve bien, chez ma sœur et chez moi, par rapport à cette foi, c’est
qu’il me reprend tout doucement ma vie, comme il l’a dit que, …. Et c’est beau de
traverser ça, et je suis heureux. » ainsi que sa mort «étant croyant, de passer n’est-ce pas
vers un avenir très différent, … ça sera une découverte à ce moment- là. …ça ne me
contrarie pas, au contraire : c’est une découverte ! »
Alzheimer : une expression du processus du vieillissement naturel ou une maladie ?
Lorsque j’ai fait mon stage à la consultation mémoire de l’hôpital Broca, il m’est apparu
qu’on ne peut pas ignorer qu’un nombre non négligeable de personnes âgées développent
des troubles cognitifs. En résumé, et de manière schématique, il me semble qu’il se
dessine deux approches, diamétralement opposées, pour qualifier et aborder ces troubles.
Il y a d’une part l’approche qu’ont mise en place des psychologues comme Bere Miesen
(1997, 2002) et Bart Deltour (2008). L’un a créé le concept du café Alzheimer dès 1997. Il
a œuvré tout au long de sa carrière pour faire évoluer la représentation de la maladie et
aider les patients à mettre des mots sur leur vécu et sortir de la stigmatisation. Les « cafés
Alzheimer » ont été retransmis à la télévision à des heures de grande écoute (c’est devenu
une émission dominicale et a connu un grand succès d’audience pendant plusieurs années),
Il espérait que cette médiatisation change la représentation de la maladie dans l’inconscient
collectif. Pourtant il reconnaît que, en 2008, malgré ces programmes grand public et la
69
popularité des cafés Alzheimer (il y en a à présent 170 en Hollande), la représentation de
la MA en Hollande n’a pas évolué. Elle est encore associée au regard vide et absent qui est
caractéristique de la phase la plus sévère de la MA et pas aux 75% des patients qui vivent
avec une bonne qualité de vie à la maison. Ce constat illustre de manière flagrante à quel
point les stéréotypes ont la vie dure ! Il plaide en faveur de l’annonce du diagnostic en
utilisant explicitement le mot Alzheimer. Il considère que NE PAS accepter le diagnostic
MA est une stratégie d’évitement aux conséquences néfastes. Il milite pour un
accompagnement psycho-social multi-disciplinaire et des aides pratiques pour le quotidien
qui permettent aux patients de se sentir en sécurité et de garder le contrôle de leur vie.
Quant à Bart Deltour (2009), il a joué un grand rôle dans le fait de faire de Bruges une ville
où il fait bon vivre pour les patients atteints de démences (dementievriendelijk). Il a créé
Foton qui est un centre d’expertise de la démence qui est à la fois un lieu d’information, de
formation (pour développer la qualité des soins), et de rencontre pour toutes les personnes
intéressées ou affectées par la démence. Il propose une large palette d’activités aux patients
atteints de démence de tout âge : cours de cuisine, chorale, musique,….Foton héberge aussi
des groupes de parole qui accueillent des personnes qui sont au stade débutant de la
démence. Celles-ci décident elles-mêmes des sujets qu’elles veulent aborder. Un
accompagnateur est présent pour faciliter le groupe de parole.
Ces deux experts développent la même approche : encourager les patients à consulter en
cas de troubles cognitifs, annoncer explicitement le diagnostic, accompagner les patients
avec une équipe mutidisciplinaire, mettre les patients au centre du dispositif
d’accompagnement. Sur le plan sociétal : faire évoluer les représentations associées à la
démence et garder les patients déments insérés dans la société.
C’est ce type d’approche qui est mis en place à l’hôpital Broca où j’ai fait mon stage. C’est
la raison pour laquelle, c’est avec un grand étonnement que j’ai découvert la littérature
scientifique qui remet en cause l’existence de la maladie d’Alzheimer. En effet, bien que
ce courant existe depuis 20 ans déjà, l’hôpital Broca y est totalement imperméable. Et pour
rappel : c’est la plus grande consultation-mémoire d’Europe (4000 consultations par an).
70
Arfeux-Vaucher et Ploton (2012) Rigaux (1992, 2005, 2012), Van der Linden (2014) et
Whitehouse (2004)
proposent une tout autre approche : considérer que les troubles
cognitifs peuvent faire partie du processus naturel de vieillissement et ne sont pas, en soi,
une pathologie. En conséquence, il faut arrêter de diagnostiquer les patients atteints de
troubles cognitifs, enlever le mot Alzheimer du vocabulaire (sauf pour des cas précoces,
très précis) et accompagner les patients comme des personnes normales qui connaissent
des problèmes liés à l’avancée en âge.
A titre informatif, j’ai demandé à Inge Cantegreil, parmi les patients qui viennent à la
consultation mémoire, quel est le pourcentage de patients qui ont des problèmes cognitifs
avérés. Voici sa réponse : environ 40% des personnes qui consultent ont des troubles
cognitifs, les 60%
restant manifestent plutôt des symptômes liés à la dépression, à
l’anxiété, aux troubles du sommeil ou ont des troubles cognitifs légers, de type MCI (NB :
je ne dispose pas des statistiques, cette information a été l’objet d’une conversation).
Je ne suis pas médecin et je ne peux pas me prononcer sur l’aspect anatomopathologique
du raisonnement. Je trouve personnellement que les autres arguments utilisés pour mettre
en cause la pathologisation des troubles cognitifs, sont convainquants.
Les chiffres
mentionnés ci-dessus laissent penser que 6 patients sur 10, en consultation mémoire, n’ont
pas de troubles cognitifs avérés ou que ceux-ci sont majoritairement liés à des états anxiodépressifs. Par ailleurs, (…en tant que psychologue en herbe !), le mode d’annonce du
diagnostic que propose par exemple Whitehouse (2004) me semble pertinent.
Ces deux approches, diamétralement différentes, me semblent portées par des experts
humanistes qui n’hésitent pas à mettre tout en œuvre pour apporter aux patients
l’accompagnement qu’ils considèrent comme le plus adéquat. Je note aussi que, dans ces
deux approches, le patient est au centre du dispositif en tant que personne à part entière,
respectée dans sa singularité.
J’ai donc été un peu surprise -…enfin pas vraiment- que les associations et fondations
Alzheimer ne fassent pas écho (dans un sens ou dans un autre) au discours des auteurs
cités ci-dessus, qui proposent une approche non pathologique des troubles cognitifs. Il me
semble en effet, que ce serait conforme au but et à l’éthique qu’elles revendiquent.
71
Je me suis souvenue d’un passage que j’ai lu dans la biographie de Tony Blair (2010) où il
disait que le problème avec les associations et les ONG, c’est que si on règle le problème
pour lequel elles luttent, elles perdent leur raison d’exister. Bien entendu, cette formule est
lapidaire. Dans ce cas-ci, ce n’est pas parce qu’on appelle un phénomène par un nom ou un
autre, qu’il cesse d’exister : il y a un très grand nombre de personnes âgées qui sont
affectées par un processus de dégénérescence neuronal. Ces personnes auront toujours
besoin d’être accompagnées, qu’on donne ou non un nom spécifique aux troubles dont
elles sont atteintes. Cependant, si on considère ce phénomène de dégénérescence neuronal
comme faisant partie intégrante du processus de vieillissement normal, cela remet en cause
l’approche de la maladie sur tous les plans, parmi lesquels :
Le plan médical (si MA n’est plus considéré comme une pathologie : le processus
de diagnostic, ci-inclus les consultations-mémoire, n’a plus lieu d’être).
Le plan politique (il faudra repenser la politique vis-à-vis d’une partie des
personnes âgées …)
Le plan économique (le développement de molécules destinées à ralentir/contrer la
MA est un enjeu majeur pour l’industrie pharmaceutique, tant en tant que sources
de revenus, actuels et futurs, qu’en terme d’investissement. Si le sens de leurs
recherches n’est pas remis en cause, les politiques de remboursement des
médicaments pourraient l’être).
Le plan psycho-social (il faudra trouver de nouveaux critères pour fonder la
politique d’accompagnement des personnes qui ont des troubles cognitifs)
Le plan associatif : une nébuleuse d’associations ont été créées autour de la
maladie d’Alzheimer. Il faudra qu’elles repensent leur positionnement et leur but.
C’est en ce sens que je n’ai pas été si étonnée de constater que les institutions et
associations « Alzheimer » ne relaient pas cette approche ‘non-pathologique’. Loin de moi
l’idée de remettre en cause le professionnalisme, l’éthique, la bonne volonté, l’énergie et la
générosité des professionnels qui prennent en charge, d’une manière ou d’une autre, les
patients MA. A l’hôpital Broca, j’ai croisé tous les jours des professionnels compétents
dont l’engagement, le professionnalisme, l’éthique et l’humanisme forcent le
respect…mais ce n’est pas simple de faire changer de trajectoire un aussi lourd paquebot !
72
Il me semble, au vu du stage et du travail que j’ai réalisés en préparation à la rédaction de
ce texte– mais je reconnais que c’est loin d’être suffisant pour avoir un avis d’expert –
qu’un grand nombre de patients me semblent pouvoir bénéficier de cette nouvelle
approche. Il m’apparaît par exemple, dans le cas d’Annick: éviter de la confronter au mot
« Alzheimer », mettre en évidence sa singularité, ses ressources, donner des informations
sur les multiples façons dont les troubles qui l’affectent peuvent évoluer, serait une
approche pertinente.
Dans le cas de Mouloud, au contraire, l’annonce du diagnostic, aussi douloureux qu’il ait
été, lui a permis de monopoliser ses ressources pour vivre le mieux possible avec sa
maladie, prendre les dispositions pour transmettre ses biens et son vécu à ses proches.
L’approche que propose l’hôpital Broca est donc tout à fait adaptée à sa personnalité.
« One size does not fit all » (une seule taille n’habille pas tout le monde) : il me semble
que ces deux approches peuvent être mises en place par des acteurs différents (peut-être un
peu comme la médecine douce peut cohabiter avec la médecine classique, pour traiter les
pathologies mineures). Cette cohabitation nécessiterait cependant que les informations sur
le type d’accompagnement que les institutions mettent en place, soient clairement
communiquées au grand public. Les personnes concernées pourraient dès lors choisir la
façon dont elles veulent vivre leurs troubles.
Il me semble que ce serait véritablement permettre à chacun de vivre la maladie de la façon
qui lui convient le mieux. (NB : ceci pourrait être préjudiciable aux catégories socioprofessionnelles défavorisées, qui ont sans doute moins accès à l’information. On peut
imaginer que les médecins généralistes qui les suivent leur donnent les informations et les
assistent dans leur choix.)
Quelle que soit l’approche, il m’apparait que, au niveau du type d’accompagnement
proposé, les prises en charge sont similaires, à savoir un soutien psycho-social, un suivi par
une équipe multi-disciplinaire et la mise en place d’aides pratiques.
73
Il me semble enfin que le temps est venu pour que les mérites respectifs de ces deux
approches soient débattus sur la place publique. En effet, il me semble que la grande
majorité des citoyens connaît quelqu’un (proche ou moins proche) dont on dit
familièrement ‘il a Alzheimer’. Or, le grand public est largement tenu dans l’ignorance
quant aux difficultés et à l’incertitude du diagnostic, la singularité de la progression des
troubles. La question du vieillissement concerne l’ensemble de la société et comporte des
aspects politiques, économiques et sociaux importants. Pour que la société prenne des
dispositions qui sont en ligne avec ses valeurs, il semble indispensable que les citoyens
soient correctement informés.
CE QUE CE MEMOIRE M’A APPRIS A TITRE PERSONNEL
L’écoute
Lorsque j’interviewais les patients témoins, j’étais très concentrée. Quand je les quittais
après l’interview, j’avais le sentiment honnête de leur avoir prêté ma totale attention.
J’ai appris, dans le cadre du cours ‘entretien psychologique’ qu’une grande partie de
l’information verbale, n’était pas entendue. Je ne m’en suis jamais aussi bien rendue
compte qu’en rédigeant les verbatim. Or, l’écoute des patients est fondamentale pour
actualiser sa représentation de la maladie et pour reconnaitre la singularité de chaque
patient. Voici ce que j’en tire comme leçon : je pense qu’on peut développer sa
concentration dans une certaine mesure, mais qu’on ne capte jamais la totalité des
informations. En conséquence, il faut, à mon sens, relativiser la confiance qu’on a en sa
mémoire.
Ma nouvelle posture de psychologue
En tant que personne, devant la vulnérabilité d’une personne – en particulier âgée -, mes
premiers réflexes sont protecteurs : rassurer, conforter et éviter les zones d’inconfort, en
particulier la maladie et la mort. J’étais donc assez anxieuse à l’idée de poser les questions
qui allaient m’emmener dans cette zone d’inconfort. L’une des raisons de cette inquiétude
était aussi qu’il n’y avait aucune demande de la part du patient-témoin : ce n’était pas lui
qui venait au devant de moi avec un problème ; c’était moi qui le sollicitait pour faire un
74
témoignage sur un sujet intime, anxiogène et douloureux. Par le biais du consentement
éclairé, ils me donnaient leur confiance. J’avais une grande responsabilité.
Alzheimer ou problèmes de mémoire ?
Une fois devant les patients-témoins, je me suis sentie assez à l’aise. Je me sentais parfois
capitaine et parfois passager du bateau : j’essayais de garder le contrôle de la conversation
mais je me laissais aussi parfois emmener par les patients-témoins vers des sujets auxquels
je n’avais pas pensé et qui me semblaient intéressants…euh ou parfois un petit peu moins
quand même, mais je prenais le temps. Pour certains entretiens – notamment la première
entrevue avec Paul - j’ai pensé que j’aurais dû plus garder le contrôle de l’entretien.
Je n’ai jamais prononcé le mot « Alzheimer » devant les patients-témoins au cours des
premiers entretiens, sauf lors de mes entretiens avec Mouloud (c’est lui qui a prononcé ce
mot en premier et c’était « mon Alzheimer »). J’utilisais les mots « problèmes de
mémoire » ou « problèmes cognitifs ». Manque de courage ? Inconfort ? Evitement ? Peur
de blesser ? Sans doute tout ça à la fois. Je pense surtout que j’absorbais l’anxiété
d’Annick et le sentiment de lassitude et d’impuissance de Paul et que je n’ai pas toujours
posé les questions que je voulais.
Mais l’usage de ce mot, c’est aussi qu’il génère en moi un grand malaise. Si je me suis tant
attachée au sujet de l’annonce du diagnostic tout au long de ce travail, c’est parce que je
n’ai moi-même toujours pas compris où se situe la frontière où commence Alzheimer.
Quand je rencontre Mouloud, qui a un MMS à 28 et qui a un diagnostic Alzheimer depuis
plus d’un an, je ne comprends pas pourquoi il a été diagnostiqué MA. Bien sûr, il a des
troubles cognitifs. En transcrivant le verbatim de notre entretien, je peux suivre les
circonvolutions de son esprit, qui perd et retrouve le fil de sa pensée, je constate le manque
de mots. L’IRM a montré une atteinte du cortex. Est-ce que ces interrogations reflètent ma
propre difficulté à accepter qu’un homme qui ose se montrer sans armure et partager ses
pensées et ses émotions avec profondeur et humilité, sombre petit à petit dans l’oubli ?
Certainement. Mais même si je reconnais que Mouloud a la maladie d’Alzheimer, je me
demande toujours où se situe la ligne rouge entre troubles cognitifs et MA. Bien sûr, je n’ai
pas d’expérience clinique et je peux comprendre que des professionnels sur le terrain
75
puissent faire la part des choses. Mais c’est sans doute à cause de mon incompréhension
que je prête une oreille attentive au discours de Peter Whitehouse.
Face à la colère
J’ai été complètement déstabilisée lorsque Paul s’est mis en colère en disant que c’était
moi qui, pour la première fois, lui disait qu’il avait la maladie d’Alzheimer. Tout d’abord,
de manière générale, l’expression de la colère a tendance à me désarçonner. Ma première
réaction est toujours de me remettre en cause et il me faut un certain temps avant de
pouvoir revenir à un raisonnement rationnel. Dans ce cas-ci,
j’étais complètement
catastrophée et je me suis dit que j’avais commis une faute déontologique majeure. J’avais
l’impression diffuse d’avoir trahi Paul. Il m’a donc fallu un certain temps pour me reconcentrer sur la conversation et noter les incohérences dans son discours. J’ai relu son
dossier, appelé Inge Cantegreil pour avoir son conseil et c’est elle qui m’a rassurée. La
gériatre qui suit Paul depuis plusieurs années avait donné son feu vert. En transcrivant les
verbatim, il m’est apparu clairement que Paul sait qu’il a la maladie d’Alzheimer ou une
forme apparentée…Mais je me demande toujours si le médecin le lui a dit en utilisant ce
mot ou si lui a oublié ce diagnostic dans une posture de déni….il me reste une poussière de
culpabilité dans l’œil.
Emotion
Lors de chaque entrevue avec chaque patient, j’ai eu à un moment ou à un autre la gorge
nouée ou les larmes aux yeux. Lorsque Paul a évoqué sa mort, de manière très sereine, je
n’ai pas pu empêcher une larme de couler. Ce débordement d’émotion a semblé surprendre
Paul, qui s’est mis à me rassurer : il était effectivement encore bien vivant ! Après
l’entretien, il m’a raconté son enfance (faite de grandes joies et de grandes peines) et on a
pleuré tous les deux !
Je n’ai pas encore assez de contrôle sur mon empathie. Après chaque entretien, je me
sentais émotionnellement épuisée. Je suis parfois plus dans une posture de confidente que
dans une posture de psychologue. Je pense que c’est une tendance de fond chez moi (ma
mère m’appelait Ménie Grégoire quand j’avais 6 ans !). Je pense aussi que le cadre y était
pour quelque chose : j’étais chez Paul, assise dans son salon.
76
Je pense que là où je fais clairement la différence et où je me mets de manière cohérente
dans une posture de psychologue, c’est quand je fais face à un patient qui a une demande.
Je pense que j’y arrive 95% du temps : il faut que je reste vigilante à ce sujet.
Je pense aussi que je dois évaluer à leurs justes mesures mes capacités à faire face à la
souffrance. Dans mon idéal, je voudrais aider ceux et celles qui en ont le plus besoin. Dans
la réalité, je pense que c’est en gardant mon équilibre que je peux le mieux aider et que je
ne peux pas faire face à trop de souffrances à la fois
7. CONCLUSION
Quand j’ai terminé cette étude exploratoire, j’étais assez déçue des résultats. J’avais
naïvement espéré avoir trouvé une bonne idée pour aider les patients à faire évoluer la
représentation qu’ils avaient de la MA, et à expérimenter pour eux-mêmes certaines
stratégies de coping que les patients-témoins décrivaient dans leur témoignage.
En analysant les résultats de plus près, mon état d’esprit a complètement changé pour deux
raisons.
Tout d’abord, le type de vidéo-reportage réalisé peut être utilisé quasi en tant que tel dans
le cadre de la formation du personnel médical. C’est une demande forte des patients et je
pense que le vecteur des témoignages pourrait avoir un impact fort.
Ensuite, si on se focalise sur les « zones rouges » des résultats (celles qui créent de
l’anxiété), celles-ci sont liées à deux phénomènes :
Se comparer aux autres
Etre « étiqueté Alzheimer » explicitement ou implicitement
Or ces deux causes d’anxiété sont directement liées au fait :
d’être patient-témoin et de regarder la vidéo où chacun apparaît parmi d’autres
personnes (phénomène de comparaison)
que l’étude exploratoire est focalisée sur des patients qui ont été diagnostiqués MA,
ce qui provoque une perception d’assimilation à la représentation négative de la
MA
77
Or, le but ultime de cette étude exploratoire était d’évaluer si les témoignages de patients
MA peuvent aider des patients nouvellement diagnostiqués (Alzheimer débutants), pas les
patients-témoins, même si, bien entendu, cette étape était déontologiquement et
éthiquement indispensable.
Il me semble qu’une autre idée pourrait être l’objet de recherche. Il s’agirait de créer un
site internet grand public.
Qui ?
Ce serait des patients qui ont des problèmes cognitifs au stade débutant qui y joueraient un
rôle essentiel (voir infra).
Quoi ?
Ce site relaierait l’approche « non-pathologisante » des troubles cogntifs.
Comme je l’ai mentionné plus haut, il me paraît en effet important que le grand public
apprenne que la frontière entre vieillissement normal et vieillissement pathologique est
floue. Le fait qu’on ne peut établir un diagnostic MA qu’en faisant une autopsie du cerveau
et que, même à cette étape, on se rend compte que certaines personnes ont développé les
symptômes associés à MA, sans avoir les marqueurs biologiques et que l’inverse est vrai
aussi n’est pas du tout relayé par les médias. Ce site sera le bon endroit pour en parler.
Les personnes vivant avec des problématiques de mémoire seraient véritablement au cœur
de cette démarche. Elles témoigneraient, comme l’ont fait les 4 patients-témoins, mais via
des vidéos plus courtes (3 à 5 minutes) sur des sujets précis, associés aux rubriques
suggérées ci-après. Pour proposer une palette de réponses, la plus large possible, les
témoins seraient plus nombreux et chaque témoignage serait individuel. Voici quelques
rubriques possibles :
Comment je me suis rendu compte que j’avais des problèmes de mémoire
o Le point de vue d’Annick (courte vidéo de 3 à 5 minutes)
o Le point de vue de Paul (idem)
o Et ainsi de suite
Et maintenant, qu’est-ce que je fais ? (identité/image de soi)
78
o Le point de vue de ….etc.
Je t’aime, moi non plus : mes relations avec mes proches
o Le point de vue de ….etc.
Les trucs pour me faciliter la vie (coping)
o Le point de vue de ….etc.
Les trucs pour sortir des coups de blues (stratégie de coping)
o Le point de vue de ….etc.
Comment je regarde l’avenir
o Le point de vue de ….etc.
Le site relaierait également de courtes informations (sous forme écrite et en vidéo)
données par des experts (gériatres, psychiatres, psychologues).
Diagnostic ou pas diagnostic ? qu’en pensent les experts ?
Traitement : ce qui donne les meilleurs résultats
Coups de blues : sortir de l’ornière
Pour qui ?
Il s’adresserait à tous ceux et celles qui ont des problèmes de mémoire bénins ou plus
sérieux (MA débutant), avec ou sans diagnostic.
Pourquoi ?
Les buts de ce site seraient les suivants :
Laisser les personnes qui souffrent de problèmes cognitifs parler en leur nom
Valoriser les personnes qui ont des problèmes cognitifs en les rendant utiles
Faire évoluer la représentation de la MA
Proposer des stratégies de coping
Sortir de la stigmatisation
Proposer une approche différente des problèmes cognitifs
Par rapport au site « le mythe-alzheimer.org » qu’ils ont créé, le site que je propose serait
plus grand public, moins militant et serait abordé du point de vue de la personne qui
commence à avoir des problèmes cognitifs.
79
Par rapport à tous les sites ‘Alzheimer’ en ligne : le mot Alzheimer ne serait mentionné
que pour mettre en évidence la difficulté du diagnostic. ET SURTOUT : le ton serait
différent. Il ne s’agit pas d’être léger mais d’être juste, accordé au ton utilisé par les
témoins.
Comment ?
Pour donner le ton juste, il faudrait, à mon sens qu’il porte un titre attractif pour
dédramatiser cette problématique. (J’ai pensé à des exemples du type ‘où ai-je mis mes
lunettes.com ? ou ‘mais comment s’appelle-t-il encore.com ? avec un sous-titre : ‘site pour
tous ceux et celles qui trouvent les lunettes quand il est temps de dormir’ ou ‘site pour tous
ceux et celles qui se souviennent de ce fameux nom quand la personne est partie.’Pour
donner de la crédibilité à cette approche, il est important que des experts de premier plan y
participent. Par ailleurs, Au 21ème siècle, la communication visuelle a beaucoup plus
d’impact que la communication écrite. Comme indiqué plus haut, le site comprendrait
donc peu de texte et un grand nombre de courtes vidéos.
Combien ?
Je suppose que c’est toujours la grande question. La création d’un site n’est pas chère en
soi. L’investissement se mesurera surtout en terme de temps pour réaliser et actualiser en
permanence les informations et témoignages. Je peux faire don de ma toute nouvelle
caméra !
Pourquoi pas ?
Ce site ne conviendra pas à tous : les personnes qui ont besoin d’un diagnostic Alzheimer
pour monopoliser toutes leurs ressources de coping seront mieux aidées par les sites des
associations qui se consacrent à ce sujet.
La question à laquelle je n’ai pas de réponse est qui (hôpital ? association ?) pourrait être
intéressé à faire de cette idée une réalité, à supposer que ce soit une bonne idée !
…..Voici donc l’idée qui m’est venue après avoir fait un très beau bout de chemin avec
Paul, Mouloud, Annick et Elsa. Ils resteront dans mon cœur.
80
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