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ANALYSE DE L’UFC-QUE CHOISIR
SUR LE PRIX DU GAZ
Conférence de presse du 24 novembre 2009
Le marché français du gaz
1. Le gaz est la principale source de chauffage
Environ 9 500 communes sont raccordées au réseau de gaz naturel. Cela représente moins d’un tiers des
communes mais donne accès au gaz à près de 80% de la population française car les zones les plus
densément peuplées sont presque toutes desservies.
En France, au 30 juin 2009, 11,5 millions de sites sont raccordés au gaz pour une consommation de
484 TWh. Le marché résidentiel représente 94% des sites (10,8 millions) mais seulement 28% du volume
1
(135 TWh) . La consommation moyenne du segment résidentiel est de 12 500 kWh/an. Quand les ménages
2
sont chauffés au gaz, la consommation moyenne est de 17 000 kWh et la facture moyenne est de 900 €/an .
En 2006, le montant total des dépenses en gaz naturel des ménages a été de 8,4 milliards d’euros.
En expansion continue depuis 1960, le gaz naturel est devenu en 2000 la principale source d’énergie pour le
chauffage. En 2006, 44% des ménages utilisaient le gaz pour le chauffage de leur résidence principale, 30%
3
l’électricité et 19% le fioul . En termes de dépenses, le gaz représente 33% des dépenses de chauffage en
4
valeur, devant l’électricité (30 %) et le fioul domestique (25 %) .
Le prix des énergies fossiles a fortement augmenté ces dernières années mais elles restent compétitives par
rapport à l’électricité :
Evolution du prix des énergies de chauffage
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Fioul Domestique
Gaz Réseau (B1 - moy : 23 260 kWh/an)
Electricité (HC/HP - moy : 13 000 kWh/an)
Source : Pégase
1
2
3
Source : CRE
Source : Site DGEC. 890 € si distribution par GrDF / 1 080 € si distribution par une ELD (Entreprise Locale de Distribution).
Source : Maîtrise d’énergie - Chiffres Clefs 2007 – ADEME
1
La France importe la quasi-totalité de ses besoins en gaz naturel (plus de 97%), principalement par gazoduc
(75%), mais le transport de gaz liquéfié (GNL) par méthanier se développe fortement (25%).
L’approvisionnement se fait à près de 90% par le biais de contrats de long terme indexés sur le prix du
5
pétrole . L’approvisionnement sur les marchés de gros (gré à gré et marché organisé) est limité mais est en
cours de développement.
2. L’ouverture du marché du gaz
a) Le marché est ouvert à la concurrence pour les particuliers depuis le 1er juillet 2007
er
L’ouverture du marché du gaz s’est faite progressivement. Elle a eu lieu pour les particuliers au 1 juillet
2007. Depuis cette date, les consommateurs peuvent choisir de rester au tarif réglementé (proposé
uniquement par Gaz de France puis par GDF-Suez depuis la fusion en juillet 2008), fixé par l’Etat, ou
exercer leur éligibilité et passer au tarif de marché auprès de GDF-Suez ou d’opérateurs alternatifs.
Une fois passé au tarif de marché, il est impossible de revenir en arrière (non réversibilité). Depuis janvier
2008, la règle a été assouplie : lors d’un emménagement, il est possible d’avoir accès au tarif
réglementé pour un premier raccordement ou pour un logement précédemment occupé, quel que soit le
choix qu’avait fait le précédent occupant.
En revanche, la réversibilité est maintenant possible pour l’électricité (après une durée de 6 mois).
L’existence de deux modes de fonctionnement très proches sans être identiques ne se justifie pas par des
considérations techniques et crée une grande confusion pour les consommateurs.
Au 30 juin 2009, les concurrents nationaux de GDF-Suez pour la fourniture de gaz en France sont au
nombre de 12. Ils ne sont que 4 à proposer du gaz à destination des particuliers sur l’ensemble du territoire :
EDF, Altergaz, Poweo et Direct Energie (source : CRE).
A cette date, sur le marché résidentiel français, GDF-Suez possède 95% du marché, en nombre de sites. Le
développement de la concurrence se poursuit avec une progression de plus de 1 point depuis décembre
2008. Sa suprématie est moins importante sur le marché industriel, ouvert depuis plus longtemps, puisqu’il
détient 85% du marché, mais sa progression stagne.
GDF-Suez reste le principal fournisseur de gaz en France. L’Etat détient 35% de son capital (il avait 80% de
Gaz de France) et conserve une minorité de blocage.
b) Une concurrence pas assez développée aux yeux de la commission européenne
La France a été mise en demeure plusieurs fois par la commission européenne pour entrave à l’ouverture du
marché de l’énergie.
Cependant, la France n’est pas seule, loin s’en faut, à être pointée du doigt par la commission. En effet, le
25 juin 2009, elle a mis en demeure 25 des 27 pays de l’UE (Malte et Chypre excepté) pour ne pas avoir
respecté les dispositions des règlements applicables dans le domaine du gaz et de l’électricité. Elle leur
reproche de ne pas garantir une concurrence équitable dans l’intérêt des consommateurs.
4
Enquête budget INSEE 2006
5
En 2008, les principaux pays fournisseurs ont été la Norvège (33%), les Pays-Bas (18%), l’Algérie (17%) et la Russie (15%).
2
c) Un manque d’information sur l’ouverture du marché
Tous les sondages réalisés depuis l’ouverture du marché aux particuliers permettent d’affirmer que la
connaissance de l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz est très partielle.
A titre d’exemple, le sondage réalisé en septembre 2009 par LH2 pour Energie-Info nous informe qu’un an et
demi après l’ouverture du marché :
-
Seulement 36% des particuliers savent qu’ils peuvent changer de fournisseur de gaz et
d’électricité (ils étaient 31% fin 2007). Pourtant, ils se sentent globalement plutôt bien informés sur le
sujet (62%).
-
De plus, les modalités de changement sont mal connues. Une personne sur 5 déclare connaître la
marche à suivre.
3. Le prix du gaz à destination des particuliers
Aujourd’hui, en France, il existe des tarifs réglementés fixés par l’Etat et des prix de marché, fixés librement
par les fournisseurs.
La majorité des pays de l’UE27 appliquent des tarifs réglementés, que ce soit pour le gaz ou l’électricité
et que ce soit à destination des particuliers ou des entreprises. Par exemple, l’Espagne et l’Italie détiennent,
6
eux aussi, des tarifs réglementés pour le gaz à destination des particuliers .
En France, seul GDF-Suez peut (et doit) proposer les tarifs réglementés, fixés par l’Etat. Au 30 juin 2009,
89,6% des sites résidentiels sont encore au tarif réglementé (67% sur le marché industriel). Sur les
10,4% de sites résidentiels passés au prix de marché, la moitié est passée chez un fournisseur alternatif
(5,4%), l’autre moitié est restée chez GDF-Suez (5%). On appelle "site" un poste terminal de distribution (en
gros, un compteur) de particulier ou d'entreprise.
Le nombre de sites chez un fournisseur alternatif est en augmentation : +1,5 point depuis 6 mois (3,9% le 31
décembre 2008), +3,5 points depuis un an (1,9% le 30 juin 2008).
On constate que l’ensemble des fournisseurs alternatifs fixent leurs prix par rapport au prix réglementé, qui
constitue ainsi un aiguillon de la concurrence.
Il existe également, depuis le 15 août 2008, un tarif social pour les clients particuliers disposant de faibles
ressources : le tarif spécial de solidarité (TSS). Il a été décidé après les trois augmentations successives du
tarif réglementé de 2008. Environ 1,1 million de foyers sont éligibles au TSS, mais environ la moitié des
ayants droit n’y ont pas encore accès, principalement en raison de problèmes d’identification, en particulier
pour les personnes ayant un chauffage au gaz collectif.
6
Rapport de mars 2009 sur l’Etat d’avancement de la création du marché intérieur du gaz et de l’électricité de la commission des
communautés européennes
3
Pour finir, il est à noter que le prix du gaz hors taxe à destination des ménages se chauffant au gaz en
France est dans la moyenne européenne :
Prix Gaz - consommateurs domestiques - en €/GJ
(Consommation comprise entre 20 GJ et 200 GJ)
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Hors Taxe
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Source : Eurostat (2
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semestre 2008)
En revanche, il est plus élevé pour les ménages n’utilisant le gaz que pour la cuisson et l’eau chaude (tarifs
base et B0) :
Prix gaz - consommateurs domestiques - en €/GJ (Consommation < 20GJ)
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TTC
Source : Eurostat (2
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semestre 2008)
Pour réaliser notre étude sur le prix du gaz, nous nous sommes appuyés sur une expertise indépendante
confiée à Microeconomix. Le rapport de cette étude est disponible sur http://www.microeconomix.fr/.
4
Analyse du coût d’approvisionnement
Le coût d’approvisionnement en gaz naturel représente 50% du prix total du gaz. Il intègre le coût de la
matière mais également son transport jusqu’à l’entrée en France. Il se fait principalement par gazoduc mais
le transport par bateau de gaz naturel liquéfié (GNL) se développe et atteint aujourd’hui près de 25%.
Les coûts de transport, hors frontière, ne sont pas publics mais on estime qu’ils représentent environ 25% du
coût d’approvisionnement par gazoduc et 30% par méthanier. Il ne nous a pas été possible de réaliser une
analyse plus fine sur ce point.
L’objectif de notre analyse est de comparer dans le temps l’évolution du niveau du tarif réglementé à
celui du coût d’approvisionnement pour déterminer s’il y a eu une hausse ou une baisse de la rentabilité
liée au coût d’approvisionnement.
Avant cela, faisons un point sur les raisons de l’indexation du prix du gaz naturel sur celui du pétrole car
cette indexation rend le coût d’approvisionnement en gaz très volatile.
1. L’indexation du coût d’approvisionnement gaz sur celui du pétrole est-elle vraiment
justifiée ?
En France, l’approvisionnement en gaz est à près de 90% réalisé par des contrats de long terme indexés sur
le prix des produits pétroliers. Le prix d’approvisionnement en gaz est donc très lié au prix du baril de
pétrole.
Le graphique suivant montre que le prix d’approvisionnement en gaz suit le cours du Brent, avec une
amplitude moindre et un décalage temporel (tant à la hausse qu’à la baisse).
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Norvège [€/MWh]
Algerie [€/MWh]
Russie [€/MWh]
Pétrole Brent [€/baril]
Sources : CRE – Insee (indice 100 en décembre 2002)
5
L’indexation du prix du gaz sur celui du pétrole a d’abord une raison historique. Au moment du
développement de l’énergie gaz en Europe, dans les années 60-70, le gaz était en concurrence directe avec
les produits pétroliers, principalement le mazout. De plus, les pays exportateurs de gaz étaient (et sont
toujours) aussi exportateurs de pétrole et n’avaient pas intérêt à encourager la compétition entre les deux
combustibles. Les contrats d’approvisionnement gaz conclus à long terme ont donc été indexés sur le
pétrole. Mais aujourd’hui cette indexation n’est plus tout à fait justifiée.
Jusque dans les années 90, le gaz naturel était surtout utilisé pour le chauffage et la production de chaleur
industrielle. Depuis, la part du gaz dans la production d’électricité a fortement augmenté avec le
développement des centrales combinées gaz. Dans ce domaine, le gaz se substitue davantage à l’électricité
nucléaire et au charbon. De plus, les réserves de gaz sont supérieures à celles de pétrole (20 ans de plus).
Malgré cela, les marchés de long terme sont toujours indexés sur les produits pétroliers avec un décalage
de quelques mois (3 en général). Le développement du GNL et des marchés spot devrait permettre, à
terme, de créer un véritable prix de marché, moins corrélé de celui du pétrole.
Actuellement, aux Etats-Unis, après la forte baisse de fin 2008, le prix du baril de pétrole a augmenté et a
retrouvé son cours autour de 75-80 $. En revanche, le prix du gaz a continué de chuter et reste relativement
bas :
Cela est dû à la récession économique mais également à l’augmentation de la production de gaz aux EtatsUnis due à l’exploitation récente du gaz de roche grâce au développement de nouvelles technologies.
Même en Europe, sur le marché de gros en Grande Bretagne (NBP) -le plus développé -, le prix du gaz
reste bas, malgré la remontée relative du prix des produits pétroliers. Il est donc plus faible que celui des
contrats de long terme, indexés sur les produits pétroliers :
6
L’Agence Internationale de l’Energie a déclaré que la menace de surproduction et la variabilité des prix spot
du GNL va inciter les pays européens et d’Asie-Pacifique « à abandonner ou à réajuster le lien établi entre le
prix du gaz et du pétrole dans les contrats de long terme ».
Tous ces éléments montrent que l’indexation des contrats de long terme sur les produits pétroliers n’est plus
tout à fait légitime. Elle est, de plus, pénalisante pour les consommateurs car l’augmentation du prix du
pétrole est inévitable (appauvrissement des ressources plus rapide que pour le gaz) et il est, de plus, très
volatile (rôle de l’Opep pour limiter la production et jouer sur les prix, influence politique, spéculation, …).
Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, les contrats de long terme gaz sont indexés sur le prix spot du gaz et
non plus sur les produits pétroliers.
Par conséquent, il nous semble que les contrats de long terme devraient évoluer pour ne plus être
uniquement indexés sur le prix des produits pétroliers. Cette évolution nécessaire est du ressort des
négociations entre les producteurs de gaz et les fournisseurs importateurs, en particulier GDF-Suez, dont
l’Etat est le principal actionnaire.
Aujourd’hui, en France, 90% de l’approvisionnement en gaz se fait par le biais de long terme indexés sur les
produits pétroliers. Cette indexation historique n’est plus entièrement justifiée et elle pénalise les
consommateurs car les produits pétroliers sont dans une tendance haussière importante et ils sont très
volatiles.
Le mode d’indexation des contrats de long terme doit évoluer pour ne plus prendre en compte uniquement le
prix des produits pétroliers. Ils pourraient intégrer également le prix spot du gaz.
2. GDF-Suez déclare des pertes dues au niveau des tarifs réglementés
GDF-Suez, dans chacun de ses rapports annuels, affirme que le niveau des tarifs réglementés génère des
pertes presque chaque année car l’ajustement du coût d’approvisionnement est insuffisant. Il estime le
montant des pertes cumulées depuis 2004 à 1,6 milliard :
Pertes ou gains estimés par GDF-Suez
Année
en raison de l'évolution des tarifs administrés
au regard de l'évolution des coûts d'approvisionnement
2004
- 130 M€
2005
- 370 M€
2006
- 511 M€
2007
+ 84 M€
2008
- 679 M€
Total
- 1 606 M€
Ces chiffres sont issus d’une décomposition opérée par GDF-Suez suivant une comptabilité analytique qu’il
n’est pas possible de vérifier à partir des comptes publics et qui n’est pas auditée par les commissaires aux
comptes.
GDF-Suez a également présenté des estimations de ses pertes présumées au conseil de la concurrence
(suite à une saisine du conseil d’Etat à propos des tarifs de vente du gaz naturel en distribution publique).
Elles sont du même ordre de grandeur même si elles sont plus limitées (118 M€ en 2004 et 323 M€ en
2005). Elles ont été validées par ce dernier.
GDF-Suez annonce 363 M€ de perte pour le 1er trimestre 2009 et déclare « avoir pu couvrir ses coûts au
deuxième trimestre, la baisse des coûts d'approvisionnement ayant plus que compensé la baisse des tarifs
er
du gaz de 11,3% au 1er avril ». Mais le groupe estime que seulement 50% à 65% de « ses pertes » du 1
trimestre seront récupérées d’ici la fin de l’année.
7
En réalité, le « rattrapage », commencé au second trimestre, va se poursuivre aux troisième et quatrième
trimestres. En effet, en juillet dernier, l’application de la formule d’indexation du coût d’approvisionnement
er
aurait dû conduire à une baisse du tarif d’environ 10% qui n’a pas eu lieu. Elle n’a pas non plus eu lieu au 1
octobre même si l’application de la formule aurait, à cette date, conduit à une baisse de 4%.
3. Le coût d’approvisionnement de GDF-Suez
GDF-Suez établit des contrats avec les producteurs de gaz étrangers pour assurer les approvisionnements
en gaz naturel de ses clients en France. Les contrats sont signés à long terme pour garantir la sécurité
d'approvisionnement.
Dans ces contrats de long terme, le prix du gaz acheté est indexé sur le prix des produits pétroliers et sur la
parité euro/dollar afin de tenir compte des effets de change.
Dans la détermination des tarifs réglementés, pour estimer les coûts d’approvisionnement de GDF-Suez,
une formule de lissage dite « 6-1-3 » est appliquée :
-
« 6 » car le calcul de l’évolution des coûts d’approvisionnement est réalisé à partir de la moyenne
des cours des produits pétroliers de référence et du taux de change €/$ sur une période de six mois.
« 1 » car la période de référence de 6 mois pour le lissage se termine un mois avant la date du
mouvement tarifaire.
« 3 » car l’évolution tarifaire, si elle a lieu, est appliquée pour le trimestre suivant.
A titre d’exemple, un mouvement au 1er avril répercute le cours moyen des produits pétroliers de référence
des mois de septembre à février, comme illustré par le tableau suivant :
Les évolutions tarifaires liées au coût d’approvisionnement tiennent compte de la moyenne des produits
pétroliers 7 à 2 mois auparavant.
L’application de l’évolution tarifaire due à l’évolution des coûts d’approvisionnement n’est pas systématique
et est soumise à la décision de l’Etat. Chaque mouvement tarifaire génère un grand nombre de litiges liés
aux estimations de consommation réalisées par GDF-Suez avant et après le mouvement tarifaire.
GDF-Suez élabore une formule permettant d’estimer ses coûts d’approvisionnement à partir de ses
différents contrats de long terme. Elle fournit à la CRE cette formule ainsi que les éléments concernant ses
contrats pour la valider.
En 2008, GDF-Suez a modifié sa formule d’indexation pour intégrer la valeur du baril de pétrole Brent
(auparavant seuls les cours du fioul domestique et lourd étaient pris en compte). L’audit de la CRE a conclu
que la formule reflète bien les variations de coûts d’approvisionnement de GDF-Suez de 2006 à septembre
2008 mais qu’elle surévalue légèrement le coût d’approvisionnement.
La publication d’informations concernant le coût d’approvisionnement en gaz naturel de GDF-Suez par le
biais de ses contrats de long terme indexés sur le cours des produits pétroliers est très récente. Elle date
d’avril 2009 et elle concerne l’évolution du coût d’approvisionnement et non son niveau en absolu pour ne
pas donner d’indications aux concurrents de GDF-Suez car ces données sont couvertes par le secret en
matière industrielle et commerciale (selon un avis de la CRE du 15 janvier 2009).
8
La formule utilisée jusqu’en 2008 n’a jamais été publiée. Les associations de consommateurs et un certain
nombre d’experts ont demandé avec insistance la publication de cette formule mais c’est la forte
augmentation du prix d’approvisionnement du gaz en 2008 qui l’a rendue inéluctable. C’est la nouvelle
formule élaborée en 2008 qui a finalement été publiée en avril 2009.
La nouvelle formule a été appliquée à partir de janvier 2009 et rendue publique en avril :
Evolution du coût d’approvisionnement (en € / MWh)
=
1,3107 x Evolution du cours du dollar (en € / $)
+
0,01988 x Evolution du cours du fioul domestique (en € / t)
+
0,02652 x Evolution du cours du fioul lourd (en € / t)
+
0,06206 x Evolution du cours du Brent (en € / baril)
4. Sur la durée, les variations des tarifs réglementés suivent celles du coût
d’approvisionnement
L’objectif de notre analyse est de déterminer s’il y a eu, au fil du temps, une hausse ou une baisse de la
marge des tarifs réglementés liée au coût d’approvisionnement.
L’analyse est réalisée sur les évolutions dues à l’approvisionnement uniquement, toutes choses égales par
ailleurs, c'est-à-dire sans tenir compte des évolutions liées à l’acheminement. Afin d’estimer les évolutions
des coûts d’approvisionnement de GDF-Suez, nous utilisons la formule d’indexation publiée par la CRE.
Nous n’avons pas d’éléments nous permettant de valider ou non cette formule mais c’est le meilleur
indicateur que nous ayons. Il nous parait plus fiable que la simple comparaison au cours Brent. La formule a
été validée par la CRE sur la période 2006-2008 uniquement. Pour les années précédentes, nous ne
savons pas si elle reflète bien les coûts d’approvisionnement.
L’analyse commence en janvier 2003. Les écarts sont donc réalisés en comparaison à cette date,
considérée ici comme le point 0. Les gains ou les pertes sont en fait des augmentations ou des baisses de
marge par rapport à cette date.
Le tableau suivant récapitule les évolutions des tarifs réglementés dues aux évolutions du prix de la matière
depuis 2003 :
Période
Mai 2003
Novembre 2003
Novembre 2004
Juillet 2005
Septembre 2005
Novembre 2005
Mai 2006
Janvier 2008
Avril 2008
Août 2008
Avril 2009
Variation de tarif appliqué en c€/kWh
(matière uniquement)
0,1220
-0,2790
0,1500
0,12417
0,09008
0,4450
0,2200
0,1730
0,2640
0,2370
-0,7730
Sources : CRE
Précision technique : seules les évolutions du tarif réglementé dues au prix de la matière sont prises en
compte. Les hausses dues à l’acheminement ne sont pas considérées car on ne s’intéresse ici qu’au poste
« approvisionnement », toutes choses égales par ailleurs.
7
8
Hausse de 0,02 c€/kWh, correspondant au rattrapage en niveau.
Hausse de 0,09 c€/kWh, correspondant au rattrapage en niveau.
9
Le graphique suivant présente les variations mensuelles du tarif réglementé (dues à l’évolution du coût de la
matière première uniquement) et les variations qui auraient eu lieu avec une application stricte de la formule
d’indexation de la CRE :
Source : Microeconomix
Les variations cumulées depuis 2003 sont présentées ci-après :
Source : Microeconomix
Les ventes de gaz aux consommateurs résidentiels sont variables au long de l’année. Un prix élevé
en hiver est plus pénalisant pour le client qu’un prix élevé en été car les volumes de consommation
sont plus élevés. Par conséquent, pour déterminer les marges, nous avons tenu compte de la
saisonnalité des volumes.
Ainsi, les variations des marges sont calculées comme la différence entre l’évolution des tarifs réglementés
(part matière) et l’évolution du coût unitaire d’approvisionnement (donné par la formule), multipliée par le
volume de gaz consommé.
10
Le graphique suivant présente les variations mensuelles de l'impact global sur la marge de GDF-Suez des
écarts entre l'évolution des tarifs réglementés (due aux évolutions de l’approvisionnement) et celle des coûts
d'approvisionnement réels :
Source : Microeconomix
GDF-Suez subit une diminution de marge importante entre 2004 et 2007 (en moyenne 25 M€ par mois mais
avec des pics de 40 M€ à 80 M€ par mois en hiver). GDF-Suez est en revanche gagnant tout au long de
l’année 2007 (en moyenne 16 M€ / mois). Pendant la première partie de l’année 2008, GDF-Suez est
faiblement gagnant mais devient fortement déficitaire au cours du quatrième trimestre, pour un montant
évalué à 88 M€/mois. En 2009, la baisse des coûts d'approvisionnement et l'absence d'évolution des tarifs
réglementés conduisent à une diminution de l'écart, qui reste cependant négatif jusqu'en mars 2009. A partir
d’avril 2009, GDF-Suez est gagnant.
L'étape suivante consiste à regarder si les décalages mensuels se compensent sur l’ensemble de la période
étudiée.
Le graphique suivant présente les écarts cumulés entre les variations des tarifs réglementés effectivement
appliquées (part « matière ») et les variations des tarifs qui auraient résulté d'une application stricte des
formules d'indexation :
Source : Microeconomix
11
En prenant comme « point 0 » janvier 2003, la marge a fortement baissé en 2004 et en 2005. La marge a
continué à baisser dans le courant de l’année 2006 pour ré-augmenter en 2007. Les pertes cumulées sur
l'année 2006 sont ainsi compensées par les gains sur l'année 2007.
La marge est stable au début de l’année 2008 (les augmentations de tarif ont compensé l’augmentation du
coût d’approvisionnement) puis des pertes importantes sont observées durant le dernier trimestre. Au mois
d'avril 2009, la perte cumulée est maximum. Depuis, la non application de la formule d’indexation en juillet et
en octobre, va permettre à GDF-Suez de compenser ses pertes de 2008.
Si l’on considère que le système tarifaire était à l’équilibre en 2003, entre 2003 et 2008, on constate une
baisse de marge liée au coût d’approvisionnement de 948 M€, en particulier entre 2003 et 2005 mais plus
limitée qu’annoncée par GDF-Suez.
De plus, il s’agit pour nous d’une baisse de marge et pas nécessairement de « pertes » :
Année
2004
2005
2006
2007
2008
Total
Estimation de la variation de marge
liée aux coûts d’approvisionnement
par rapport à 2003
- 271 M€
- 302 M€
- 304 M€
+ 196 M€
- 267 M€
- 948 M€
Gains / Pertes avancés
par GDF-Suez
- 130 M€
- 370 M€
- 511 M€
+ 84 M€
- 679 M€
- 1 606 M€
Source : Microeconomix
Il faut cependant analyser ces chiffres avec précaution. En effet :
-
-
La formule d’estimation du coût d’approvisionnement à partir du prix des produits pétroliers n’a été
validée par la CRE que sur la période 2006-2008. Avant, il n’est pas certain qu’elle reflète bien le
coût d’approvisionnement.
Les « pertes » estimées sont en réalité des baisses de marge par rapport à 2003, le point 0 de notre
analyse.
Dans ces estimations, seules les variations de marge dues au coût d’approvisionnement sont prises
en compte. La marge des autres postes est supposée constante.
GDF-Suez ne publie pas de comptes concernant la vente de gaz au tarif réglementé. Il annonce des pertes
sans possibilité de vérifier les chiffres avancés.
Notre analyse montre effectivement une baisse de marge liée au coût d’approvisionnement depuis
2003, en particulier entre 2003 et 2005 mais plus limitée qu’annoncée par GDF-Suez.
Depuis juillet 2005, date d’application de la formule de lissage « 6-3-1 », l’état n’applique pas la formule
d’indexation systématiquement : c’est parfois à l’avantage du consommateur, parfois à l’avantage de GDFSuez, mais globalement, l’ajustement a lieu sur la durée.
Nous constatons également un manque de pédagogie pour expliquer l’effet retard dû au lissage du prix du
pétrole sur 6 mois ainsi que sur la décision ou non de réviser le tarif.
Pour une meilleure transparence et information, nous demandons à la CRE de publier :
- un suivi trimestriel de l’écart entre le niveau du tarif réglementé et le niveau qu’il aurait avec la stricte
application de la formule d’indexation du coût d’approvisionnement,
- un bilan annuel des écarts, prenant en compte les volumes de consommation mensuels.
Dans ce chapitre, nous avons isolé le coût d’approvisionnement. Analysons maintenant les autres éléments
constituant le prix total du gaz.
12
Analyse du coût du gaz hors approvisionnement
Il y a un fort manque de transparence et de pédagogie sur l’ajustement du tarif réglementé au coût
d’approvisionnement mais finalement, il nous parait correct, voire à l’avantage du consommateur.
Nous allons maintenant analyser les autres postes de coûts car ils ne sont pas négligeables. En effet, le prix
du gaz se décompose de la façon suivante :
Source : MEEDAT - DGEC, 22/05/2009
ère
Le coût d’approvisionnement en gaz naturel est très volatile ; en revanche, le coût hors matière 1
évolution lente.
a une
L’analyse des coûts hors approvisionnement est difficile car il existe une forte opacité et un manque de
données publiques. Cette analyse nous a conduits à un certain nombre de critiques et surtout des
demandes d’éclaircissements à formuler auprès de la CRE.
Le transport et la distribution sont des activités régulées. Les conditions d’accès au réseau doivent être non
discriminatoires et les tarifs sont fixés par les pouvoirs publics sur proposition de la Commission de
Régulation de l’Energie (CRE).
En revanche, le stockage et la commercialisation ne sont pas régulés. Le stockage est une activité à accès
négocié. Le prix est fixé librement par les opérateurs mais il ne doit pas y avoir de discrimination d’accès
pour les tiers.
La branche Infrastructure de GDF-Suez est en charge de l’acheminement (transport, stockage et
distribution). Cette branche génère en 2007 et 2008 un ratio Excédent Brut d’Exploitation sur Chiffre
9
d’Affaires de plus de 50% . Même si des investissements sont nécessaires et importants pour ce type de
prestation, cela laisse présager une profitabilité conséquente.
Par ailleurs, il est important d’avoir à l’esprit que Jean-Louis Borloo, dans sa feuille de route issue du
Grenelle de l’Environnement pour les infrastructures énergétiques de la France a déclaré : « Dans le
domaine du gaz naturel, les enjeux de sécurité d’approvisionnement rendent nécessaire l’accélération des
investissements dans le domaine du transport, du stockage, et des terminaux méthaniers. »
9
EBE : 2,9 Mds € en 2008, 2,8 Mds € en 2007 / CA : 5,5 Mds € en 2008, 5,1 Mds € en 2007
13
1. Le coût de transport (10% du coût total)
Il s’agit du transport du gaz sur le territoire français uniquement. L’acheminement depuis les pays
producteurs par gazoduc ou par méthanier est inclus dans le prix d’approvisionnement.
Le transport du gaz est réalisé par GRTGaz (filiale de GDF-Suez créée en 2008) et TIGF (filiale de Total).
Chacun des deux opérateurs dispose d'infrastructures qui le placent en position de "monopole naturel" sur
son périmètre géographique : le sud-ouest pour TIGF (6000 km de réseau) et l’ensemble du reste de la
France pour GRTGaz (32 000 km de réseau).
En France, la loi du 9 août 2004 régit le transport de gaz naturel. Cette loi prévoit des obligations de service
public pour le transporteur mais exige également la neutralité et la transparence nécessaires pour favoriser
la concurrence entre opérateurs gaziers :
•
•
Le transporteur doit garantir que son réseau peut faire face à une augmentation des capacités
transportées, lors de pointes de froid inhabituelles. Cette obligation de service public conditionne en
partie les investissements à effectuer sur le réseau.
Le transporteur doit agir de manière non discriminatoire vis-à-vis de ses clients afin de favoriser la
concurrence.
Au niveau européen, dans le troisième paquet Energie signé en avril 2009 pour achever la libéralisation de
ce secteur, il était au départ envisagé une « séparation de propriété » complète entre les activités de réseau
(tels le transport et la distribution) et les activités de fourniture. Mais les pays ayant des opérateurs
verticalement intégrés, comme la France et l’Allemagne, ont fait pression pour assouplir cette règle. La
possibilité a finalement été laissée de transformer les gestionnaires de réseaux en société anonyme au sein
desquelles sont créés une gestion et un conseil d’administration séparés afin de limiter l’influence de la
société mère. C’est le choix qui a été retenu en France avec la création de filiale GRTGaz pour le transport
(et GRDF pour la distribution).
Aucune information n’a été trouvée concernant les comptes de TIGF. Dans les comptes de Gaz de France,
le transport est regroupé avec le stockage. Ils montrent une augmentation du chiffre d’affaires de près de
30% entre 2003 et 2007 alors que les quantités transportées stagnent :
Transport et stockage (millions d’€)
Quantités transportées (TWh)
2003
2004
2005
2006
2007
1 937
2 200
2 124
2 227
2 494
655
695
711
687
667
Source : Gaz de France
GRTGaz, la filiale de GDF-Suez chargée du transport, a obtenu un taux de résultat net de 10% en 2007 et
10
9% en 2008 (le ratio EBE/CA était respectivement de 53% et 50%) . C’est un taux habituel dans la vie
économique. Cependant, pour ce type d’activité où il n’y a pas de risque commercial (situation de monopole
sur le territoire géré), c’est un taux que l’on considère comme assez élevé.
Les tarifs d'accès au réseau de transport sont régulés et fixés par l'Etat sur proposition de la CRE. Le
tarif réglementé dépend de l’évolution des coûts supportés par le gestionnaire de réseau qui déterminent la
rémunération autorisée.
La rémunération autorisée correspond au revenu nécessaire au transporteur pour couvrir les charges
d’exploitation et les charges de capital.
10
CA : 1 464 M€ en 2008 et 1 380 M€ en 2007 / EBE : 733 M€ en 2008, 730 M€ en 2007 / Résultat net : 135 M€ en 2008 et 145 M€ en
2007. Données présentées dans le rapport annuel 2008. Elles concernent l’activité transport uniquement même si GRTGaz était
également en charge de l’activité stockage jusqu’à fin 2008.
14
Le tableau suivant synthétise l’évolution du revenu autorisé pour GRTGaz de 2005 à 2012 :
11
Charges de capital (a)
ATRT2
2005/2006
691
ATRT3
2007/2008
694
2009
756
Charges d'exploitation (b)
526
557
602
-
-16
-23
-23
-23
-23
1 217
1 236
1 335
1 403
1 464
1 492
M€
CRCP (Compte de régularisation des Charges
et des Produits) (c)
Revenu autorisé = (a)+(b)+(c)
ATRT4
2010
2011
2012
801
862
890
Année précédente
* (IPC + 1,1%)
Source : CRE
Le calcul des charges de capital suppose la délimitation et l’estimation de la Base d’Actifs Régulés (BAR).
Plus le capital engagé (la BAR) pour fournir les services de transport est important, plus les charges du
capital sont élevées, toutes choses égales par ailleurs. La BAR augmente avec les investissements et
diminue avec les amortissements :
M€
er
Base d’actifs Régulés au 1 janvier (1)
Investissements (2)
Amortissements (3)
Réévaluation (4)
(inflation estimée à 2% par an)
BAR au 31 décembre = (1)+(2)+(3)+(4)
12
ATRT2
2005/2006
-
ATRT3
2007/2008
5 426
705
-259
ATRT4
2010
2011
6 346 6 933
734
275
-282
-301
2009
5 934
560
-273
-
0
124
136
138
146
-
-
6 346
6 933
7 045
7 454
2012
7 045
573
-310
Source : CRE
Les investissements sur les réseaux de transport sont de deux types : d'une part, les investissements de
remplacement des infrastructures lorsqu'elles deviennent obsolètes, d'autre part, les investissements
nécessaires pour augmenter les capacités du système de transport (ou diminuer certains coûts
d’exploitation). Un taux de rémunération des capitaux engagés s’applique sur la base d’actifs régulés pour
déterminer les charges de capital.
Pour inciter les gestionnaires de réseau de transport à réaliser les investissements stratégiques, des taux de
rémunérations majorés sont appliqués sur certains types d’investissements (création de nouveaux points
d’entrée sur le réseau national ou investissements permettant de diminuer la congestion du réseau) dont le
coût n’est pas totalement compensé par les souscriptions supplémentaires de capacités :
M€
Coût Moyen Pondéré du Capital
Rémunération des actifs avant 2004
Rémunération des actifs après 2004
Rémunération majorée des nouveaux
investissements
ATRT2
ATRT3
2005/2006
2007/2008
7,75%
7,75%
9%
7,25%
7,25%
8,5%
12%
11,5%
2009
ATRT413
2010 2011 2012
7,25%
7,25%
7,25%
11,5%
Source : CRE
11
Un nouveau cadre tarifaire est entré en application au 1er janvier 2009 : l’ATRT 4 (Tarif d'Accès des Tiers aux Réseaux de
Transports) pour une période de 4 ans afin de donner de la visibilité aux différents acteurs du marché.
12
Un nouveau cadre tarifaire est entré en application au 1er janvier 2009 : l’ATRT 4 (Tarif d'Accès des Tiers aux Réseaux de
Transports) pour une période de 4 ans afin de donner de la visibilité aux différents acteurs du marché.
13
Un nouveau cadre tarifaire est entré en application au 1er janvier 2009 : l’ATRT 4 (Tarif d'Accès des Tiers aux Réseaux de
Transports) pour une période de 4 ans afin de donner de la visibilité aux différents acteurs du marché.
15
Le montant des charges d’exploitation inclut :
-
les dépenses nécessaires à la gestion et à la maintenance du réseau, y compris les dépenses de
consommation de gaz pour le fonctionnement des installations ;
les frais de gestion et les dépenses de recherche et de développement.
Les charges d’exploitation sont estimées sur la base des budgets prévisionnels présentés par les
gestionnaires de réseau à l’occasion des révisions tarifaires.
Les augmentations du revenu autorisé pour GRTGaz dans le nouveau cadre tarifaire (ATRT4) sont
importantes : +8% en 2009, +5% en 2010, +4% en 2011 et +2% en 2012. Les hausses sont principalement
liées à trois facteurs :
•
•
•
un important programme d’investissements mené par les transporteurs ;
les effets d'une nouvelle réglementation en matière de sécurité sur les coûts d’exploitation et de
maintenance des réseaux ;
la hausse des coûts de l’énergie nécessaire au fonctionnement des réseaux.
Les investissements ont pour objectif une augmentation des capacités de transport (en particulier pour la
connexion de nouvelles centrales à cycle combiné et de nouveaux terminaux GNL) et une amélioration de la
fluidité du réseau entre les zones.
Après analyse du revenu autorisé pour GRTGaz, nous avons plusieurs critiques ou questionnements.
Tout d’abord, le taux de rémunération des actifs est passé en 2007 de 7,75% à 7,25%. Malgré cette
baisse, c’est un taux élevé comparé aux autres pays d’après une étude commandée par la CRE à un
consultant externe. En effet, il est au-dessus de la valeur médiane de 6,3% (la fourchette observée dans 8
pays est comprise entre 4,7% et 8,2%). Dans une étude interne de la CRE, ce taux médian est même
estimé à 5,7%. Une baisse du taux de rémunération des actifs nous parait souhaitable. Un alignement sur
celui des autres pays entrainerait une baisse de revenu autorisé de 50 millions d’euros, soit une baisse de
4%.
L’augmentation du revenu autorisé liée à la réalisation d’investissements est justifiée, en revanche,
l’augmentation des coûts d’exploitation de 6% en 2007, 8% en 2009 et de l’inflation, +1,1% pour les années
suivantes, est davantage sujette à discussion :
-
Un facteur important de l’augmentation des coûts d’exploitation est l’augmentation du coût de
l’énergie nécessaire pour le fonctionnement du réseau de transport. Le montant de ce poste pour
GRTGaz a été estimé pour les années 2005, 2007 et 2009 respectivement à 73 M€, 93 M€ et 131
M€. Ces montants en forte hausse (27% entre 2005 et 2007, 41% entre 2007 et 2009) représentent
une partie non négligeable des charges totales d’exploitation (respectivement 14%, 17% et 22%).
14
Cette hausse est globalement conforme entre 2005 et 2007 mais surévaluée entre 2007 et 2009 .
-
De plus, pour contenir les coûts d’exploitation, il est également nécessaire de réaliser des gains de
productivité. Pour inciter GRTGaz à réaliser des gains de productivité sur les charges d’exploitation
maitrisables, la CRE a décidé que GRTGaz conserverait 50% des gains. C’est une incitation légère.
Pour la distribution du gaz, un effort de productivité annuel de 2,7% a été demandé par la CRE sur
les charges d’exploitation maîtrisables par la CRE. Les gains ne sont conservés par le gestionnaire
qu’au-delà de ce seuil. Une mesure semblable pourrait être envisagée pour l’activité Transport.
Pour finir, la CRE a souligné dans son rapport d’activité que les groupes intégrés interviennent trop dans la
gestion du réseau.
Les terminaux méthaniers assurent la réception et la transformation du Gaz Naturel Liquéfié importé. Cette
activité est réalisée par Solengy, une filiale de GDF-Suez qui détient les 2 terminaux en activité. Elle est
également régulée. Nous n’avons pas fait d’analyse spécifique sur cette activité.
14
Nous ne savons pas si ce poste est bien actualisé dans le Compte de régularisation des Charges et des Produits.
16
Conclusion sur le coût de transport :
-
Concernant les charges d’exploitation : on peut souhaiter un meilleur contrôle des charges
d’exploitation maitrisables, avec un effort de productivité sur cette activité, comparable à celui
demandé pour la distribution.
-
Concernant les investissements :
-
-
Baisser le taux de rémunération des actifs à 6,3% (au lieu de 7,25% actuellement) pour être
en ligne avec la moyenne des autres pays européens.
Pour réaliser les investissements stratégiques, donner plus de poids au PIP Gaz (Plan
Indicatif Pluriannuel des Investissements) qui aurait un rôle contraignant et non plus
uniquement indicatif.
Concernant le manque de transparence : les comptes analytiques fournis par les gestionnaires sur
cette activité régulée (donc non soumise à concurrence) à la CRE ne sont pas publics.
2. Le coût de stockage (7% du coût total)
Le stockage joue un rôle stratégique majeur en assurant un niveau de fourniture qui représente aujourd’hui
en France près de 30% de la consommation annuelle de gaz.
Il a un rôle majeur en cas de crise d’approvisionnement comme cela a été le cas avec la Russie en janvier
dernier. En dehors de ces périodes critiques, il joue un rôle de modulation saisonnière en permettant de
répondre aux fortes consommations de pointe. Et au niveau purement commercial, il permet d’exploiter les
différentiels de prix en fonction de la période, avec un déstockage au moment où le gaz est cher et un
stockage au moment où les prix baissent.
La loi n°2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marc hés du gaz et de l'électricité et au service public de
l'énergie confère aux fournisseurs autorisés un droit d'accès aux capacités de stockage et définit les
conditions dans lesquelles cet accès ne peut être refusé (article 6).
La directive européenne du 26 juin 2003 a laissé le choix aux Etats membres entre un accès régulé et un
accès négocié aux stockages souterrains. En Europe, la Belgique, l’Espagne et l’Italie ont fait le choix d’un
accès régulé.
Avec la loi du 9 août 2004, le législateur français a choisi l’accès négocié. Une capacité de stockage de base
est réservée aux fournisseurs détenteurs d'un portefeuille effectif de clients finals.
Etant donné qu’il s’agit d’un accès négocié et non régulé, les tarifs et les conditions générales
d’utilisation des stockages sont librement fixés par les opérateurs. De même, les investissements en
infrastructure de stockage sont du ressort des opérateurs gaziers bien qu’il s’agisse d’un élément
crucial pour garantir la sécurité d’approvisionnement.
La capacité de stockage actuelle est de 133 TWh. Elle est partagée par Storengy (79%) et TIGF (21%).
17
La capacité de stockage en France est élevée comparée à d’autres pays européens non producteurs :
Source : Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, DGEMP, 2006
Le volume de stockage représente près de 30% du total de volume annuel de consommation. Mais le
volume de stockage offert est au même niveau depuis plus de 15 ans. Il n’y a pas de nouveaux sites de
stockage depuis 1993.
En revanche, les prix libres pratiqués par les opérateurs ont fortement augmenté entre 2006 et 2008 (+24%
pour TIGF et +19% pour Storengy). Malgré ces augmentations, toutes les capacités de stockage ont été
allouées. De plus, le mode de calcul de ces prix reste opaque et leur évolution future difficilement prévisible.
Cela montre que le maintien de capacités de stockage au même niveau permet une augmentation de la
marge. C’est avantageux pour les opérateurs. En revanche, c’est très dommageable pour la sécurité
d’approvisionnement.
Des augmentations de la capacité de stockage sont prévues dans les années à venir mais la durée de
développement de nouveaux projets est longue (15 à 20 ans).
Nous n’avons trouvé aucune information sur la rentabilité de l’activité stockage dans les documents publiés
par GDF-Suez et TIGF. En effet, les informations concernant cette activité sont regroupées avec le transport.
Cependant, si nous mettons en regard les résultats transport/stockage de GDF-Suez et les résultats
transport de sa filiale GRTGaz, cela laisse présumer une rentabilité encore plus élevée pour le stockage que
pour le transport.
En effet, les chiffres de GDF-Suez concernant le transport/stockage font apparaître un ratio Excédent brut
d’exploitation sur Chiffre d’affaires de l’ordre de 60% :
En millions d’€
2005
2006
2007
CA Transport et Stockage
2 124
2 227
2 494
EBE Transport et Stockage
1 271
1 295
1 534
Ratio EBE /CA
60%
58%
62%
Sources : GDF-SUEZ
18
Et les chiffres concernant uniquement le transport de sa filiale GRTGaz, laissent apparaître un taux de
15
résultat net de l’ordre de 10% et un ratio EBE/CA de 50% :
En millions d’€
2007
2008
CA Transport (GRTGaz)
1 380
1 464
EBE Transport (GRTGaz)
730
733
Ratio EBE /CA
53%
50%
Résultat Net
145
135
Ratio Résultat Net / CA
11%
9%
Sources : GRTGaz
La mise en parallèle des deux tableaux précédents laisse apparaître un ratio EBE/CA pour l’activité
Stockage supérieur à 60% et une rentabilité encore plus élevée que pour le transport.
En 2006, Altergaz avait fait état à la CRE d’un différend avec GDF-Suez sur les volumes d’accès au
stockage. Celui-ci n’a pas été jugé recevable par la CRE. Elle est cependant le signe d’une difficulté d’accès
aux capacités ou, au moins, d’une nécessité d’une plus grande capacité de stockage.
Conclusions sur le stockage :
-
-
-
Il n’y a pas publication de comptes spécifiques pour la partie stockage, ni pour GDF-Suez, ni pour
Total. Cet état de fait limite notre capacité d’investigation.
Le stockage est un élément clef de la sécurité d’approvisionnement en termes de volume mais
également en termes de niveau de prix ; dans cette perspective, il est nécessaire d’augmenter ses
capacités.
L’entretien d’une capacité de stockage limitée permet aux opérateurs de fixer des coûts d’accès
élevés (en forte augmentation). C’est une aubaine pour rentabiliser les infrastructures existantes des
opérateurs de stockage. En revanche, elle représente un risque en cas de crise
d’approvisionnement.
Nous demandons la mise en place d’un accès régulé et non plus négocié pour le stockage. La
régulation par l’Etat aura un double rôle : maîtriser le niveau de prix du stockage et mettre en place
une régulation incitative à la réalisation d’investissements pour augmenter les capacités de
stockage.
3. Le coût de distribution (25% du coût total)
L’activité de distribution constitue le prolongement du transport. Elle consiste à acheminer le gaz naturel
depuis le réseau de transport régional vers les sites de consommation finale. Les réseaux de distribution
sont de plus petites sections que les réseaux de transport principal et régional et couvrent en France plus de
185 000 km (soit plus de cinq fois la longueur du réseau de transport).
En France, les réseaux de distribution appartiennent de droit aux collectivités locales, qui en concèdent
l’exploitation à des distributeurs chargés d’assurer le service public de distribution de gaz naturel. Il existe
aujourd’hui trois types de distributeurs :
•
•
GDF-Suez, via sa filiale GrDF, le distributeur historique, à qui est concédée 96% des réseaux de
distribution en France ;
17 distributeurs non nationalisés historiques et 5 nouveaux distributeurs alternatifs.
15
Données présentées dans le rapport annuel 2008. Elles concernent l’activité transport uniquement même si GRTGaz était également
en charge de l’activité stockage jusqu’à fin 2008.
19
La distribution du gaz naturel en France est assurée par des monopoles locaux (un par zone territoriale).
Les chiffres de GDF-Suez présentés dans le tableau ci-dessous font apparaître un ratio Excédent Brut
d’Exploitation sur Chiffre d’Affaires (EBE / CA) de 42% :
En millions d’€
2003
2004
2005
2006
2007
CA Distribution
3 305
3 193
2 951
3 289
3 076
EBE Distribution
n.d.
n.d.
1 352
1 412
1 291
Quantités
distribuées (TWh)
321
335
337
327
310
Source : GDF-SUEZ
A l'instar du transport, la distribution de gaz en France est régulée. Le niveau et l’évolution du tarif
réglementé de la distribution dépendent de l’évolution des coûts supportés par le gestionnaire de réseau, qui
déterminent la rémunération autorisée. Cette dernière doit couvrir pour chaque gestionnaire de réseau
l’ensemble des coûts engagés dans le but d'assurer le service (charges d’exploitation et charges du capital).
Le tableau suivant synthétise l’évolution du revenu autorisé pour l’activité de distribution de GrDF de 2006 à
2012 :
M€
2006/2007
2008
2009
2010
2011
2012
Charges de capital
Charges d'exploitation
Revenu autorisé
Prévision de volume distribué
1 521
1 168
2 689
339
1 502
1 334
2 836
339
1 548
1 334
2 882
349
1 587
1 334
2 921
367
1 622
1 334
2 956
392
1 644
1 334
2 978
439
Source : CRE
Le revenu autorisé a augmenté de 5,6 % en euros courants entre 2006/2007 et 2008, puis il augmente plus
faiblement entre 2009 et 2012. Les facteurs principaux de l’évolution du revenu autorisé sont :
-
Pour 2008, l'importante augmentation des charges d’exploitation,
Pour les années suivantes, l’augmentation de charges de capital liées à la réalisation de nouveaux
investissements.
er
er
Un nouveau cadre tarifaire est entré en vigueur le 1 juillet 2008 pour 4 ans. Les évolutions au 1 juillet de
chaque année de la rémunération autorisée prennent en compte l’inflation, ainsi qu’un effort de productivité
annuel de 1,3%. Cet objectif de productivité de 1,3% est équivalent à un objectif de productivité de 2,7% sur
les charges d’exploitation maîtrisables de l’opérateur. Les gains de productivité supplémentaires que GrDF
pourrait réaliser au-delà de l’objectif de 2,7% seront déterminés sur les trois années calendaires 2009, 2010
et 2011. En fin de période tarifaire, GrDF conservera 40% des gains réalisés, les 60% restants venant en
déduction de l’évaluation des charges à recouvrer dans le prochain tarif.
Le calcul des charges de capital suppose la délimitation et l’estimation de la Base d’Actifs Régulés (BAR).
Plus le capital engagé (la BAR) pour fournir les services de distribution est important, plus les charges du
capital sont élevées, toutes choses égales par ailleurs. La BAR augmente avec les investissements et
diminue avec les amortissements :
M€
er
BAR au 1 janvier (1)
Investissements (2)
Amortissements (3)
Réévaluation (4)
(inflation estimée à 2% par an)
BAR au 31 décembre = (1)+(2)+(3)+(4)
2006/2007
12 980
786
-592
2008
13 174
636
-592
2009
13 453
621
-619
2010
13 694
613
-643
2011
13 894
600
-664
2012
14 061
597
-676
-
235
239
229
232
235
13 174
13 453
13 694
13 894
14 061
14 217
Source : CRE
20
Pour la révision tarifaire correspondant à la période 2008/2012, le régulateur a baissé le coût pondéré du
capital appliqué sur la BAR (de 7,25 % à 6,75 %) car il a estimé que les risques de l’activité de distribution
avaient diminué. Cela produit mécaniquement un effet de diminution des charges de capital, toutes choses
égales par ailleurs.
Mais ce taux reste plus élevé que ceux pratiqués par d’autres pays, d’après une étude commandée par la
CRE à un consultant externe. Il est au-dessus de la valeur médiane de 6,1% (la fourchette observée dans 8
pays est comprise entre 5% et 7,25%). Une étude interne de la CRE parvient aux mêmes ordres de
grandeur. Une baisse du taux de rémunération des actifs nous parait souhaitable. Un alignement sur celui
des autres pays entrainerait une baisse de revenu autorisé de près de 90 millions d’euros, soit une baisse
de 3%.
Conclusion sur le coût de distribution :
-
Nous ne comprenons pas à quoi est due la forte augmentation des charges d’exploitation en 2008.
Nous demandons des éclaircissements à la CRE sur ce point.
Nous demandons, comme pour le transport, une baisse du taux de rémunération des actifs pour être
en ligne avec la moyenne des autres pays européens (de 6,75% à 6,1%).
Comme pour le transport, les comptes analytiques fournis par les gestionnaires à la CRE ne sont
pas publics bien qu’il s’agisse d’activités régulées.
4. Le coût de commercialisation
L'évolution des coûts de gestion de la relation avec les clients est fonction de l'inflation et prend en compte
les gains de productivité annuels et l'évolution de la consommation de gaz naturel. L’évolution du coût de
commercialisation ne peut donc pas dépasser l’inflation. Nous n’avons réussi à trouver d’éléments plus
précis pour analyser ce poste de coût.
5. Conclusion : le débat concernant le prix du gaz doit porter sur l’approvisionnement
mais également sur l’acheminement
Après une analyse approfondie des différentes composantes des tarifs réglementés du gaz, de notre point
de vue, le débat ne se situe sans doute pas où il devrait être.
Certes, il existe un décalage entre les fluctuations du prix du gaz pour les particuliers et le coût
d’approvisionnement de la matière première ; et il existe un décalage encore plus grand avec le prix du
pétrole. Cependant, depuis 2005, un ajustement a globalement bien lieu à la hausse comme à la baisse
mais avec une amplitude limitée : c’est d’ailleurs le décalage dans le temps qui permet une amplitude limitée
par un effet de lissage pour les consommateurs. On constate même une baisse de marge sur ce poste
depuis 2004.
La critique concernant le niveau du tarif réglementé du gaz et son évolution basée sur le coût
d’approvisionnement n’est donc pas fondée. C’est la pertinence de l’indexation du prix du gaz sur celui des
produits pétroliers qui doit être questionnée.
De plus, le coût d’approvisionnement ne représente que 50% du coût du tarif réglementé. Les autres postes
ne sont pas négligeables. Le coût de transport (par gazoduc et méthanier), du stockage et de la distribution
sont très peu mis sous les feux des projecteurs et encore moins critiqués, tout du moins dans le débat
public.
Pourtant, même s’ils sont régulés (à l’exception du prix du stockage) et contrôlés par la CRE, il y a une forte
opacité sur leur fixation et leur évolution.
Notre analyse nous a conduits à émettre un doute sur le niveau de certains postes entrant dans l’estimation
du revenu autorisé pour ces activités.
21
Soulignons que si les tarifs des activités régulées (transport, terminaux méthaniers et distribution) sont fixés
à un niveau trop élevé, cela constitue un risque de subventions croisées pour GDF-Suez, les activités
régulées permettant de financer les activités en concurrence.
Par ailleurs, la Commission de Régulation de l’Energie a pour rôle de veiller au bon fonctionnement des
marchés de l'électricité et du gaz en France. En plus de son rôle d’expertise et de régulation, elle doit aussi
permettre une meilleure transparence.
Sur l’amont, la publication de la formule d’estimation de la variation du coût d’approvisionnement est une
bonne chose ; elle nous a permis de réaliser une analyse approfondie sur ce poste (mais avec la formule
actuelle uniquement !). En revanche sur l’aval, le manque d’informations publiques demeure. Il serait
souhaitable que la CRE publie les comptes analytiques fournis par les gestionnaires sur le transport et la
distribution qui sont des activités régulées et non soumise à concurrence sur leur zone géographique.
22
Les propositions de l’UFC-Que Choisir
1- Vers une déconnexion du prix du gaz et du prix du pétrole
L’UFC-Que Choisir s’interroge sur la pertinence de l’indexation des contrats de long terme
uniquement sur le cours des produits pétroliers. Celle-ci, en dehors des raisons historiques, n’est ni
justifiée ni pertinente. Nous incitons donc GDF-Suez et l’Etat actionnaire à entamer une réflexion sur ce
sujet.
2- Mieux encadrer la rentabilité du transport et de la distribution
L’UFC-Que Choisir a demandé à la Commission de Régulation de l’Energie un meilleur encadrement
de la rentabilité des activités régulées liées à la gestion des réseaux. Nous demandons :
-
Un alignement des taux de rémunération de l’ensemble des capitaux engagés sur celui des
autres pays européens. Ils sont aujourd’hui en France supérieurs de 1 point pour le transport et 0,5
point pour la distribution.
-
La répercussion des gains de productivité réalisés sur les charges d’exploitation sur les tarifs de
détail.
3- Assurer la transparence sur l’ensemble de la filière
L’UFC-Que Choisir a également demandé à la Commission de Régulation de l’Energie plus de
transparence sur l’ensemble de la filière, avec la publication :
-
Pour le coût d’approvisionnement des tarifs réglementés : un suivi trimestriel du niveau du tarif
réglementé réel par rapport au niveau qu’il aurait eu avec la stricte application de la formule
d’indexation.
-
Pour le transport et la distribution : les comptes analytiques fournis par les gestionnaires sur ces
activités, en particulier ceux concernant les charges d’exploitation.
4- Réguler le stockage pour éviter la surchauffe des prix
Concernant la gestion des infrastructures, l’UFC-Que Choisir a demandé au ministre d’Etat JeanLouis Borloo d’étendre la régulation à l’activité stockage. L’activité de stockage est aujourd’hui en
France une activité négociée, c'est-à-dire que l’accès doit être non discriminatoire mais, au contraire d’une
activité régulée, le prix est fixé librement par les opérateurs. Pour maîtriser les coûts et mettre en place une
rémunération incitative à la réalisation d’investissements pour augmenter les capacités de stockage, il est
nécessaire que le stockage devienne une activité régulée comme le transport et la distribution.
23
Annexe :
Estimation de la rentabilité de la vente de gaz naturel
aux particuliers
Les comptes de GDF-Suez sont présentés globalement. Il n’existe pas de documents publiés concernant les
comptes de fourniture du gaz naturel aux particuliers en France (segment résidentiel) et encore moins au
tarif réglementé. Dans ces comptes, les résultats sont présentés au niveau international par branches
d’activité. Le niveau de profit global n’est pas une information suffisante.
Nous avons donc réalisé, à partir des comptes de GDF-Suez et d’hypothèses, une estimation des comptes
spécifiques concernant la vente de gaz au segment résidentiel en France (chiffre d’affaires, coûts,
rentabilité). En d’autres termes, nous avons pris les comptes de GDF-Suez et « isolé » ce qui concerne les
particuliers.
L’analyse a donc consisté à recouper les informations et, en l’absence d’informations publiques, à faire des
hypothèses pour élaborer une estimation de la rentabilité de la vente de gaz aux clients résidentiels. Celle-ci
se fait en plusieurs étapes :
-
estimation du chiffre d’affaire du segment résidentiel,
estimation des coûts alloués au segment résidentiel,
estimation de la rentabilité du segment résidentiel.
Il s’agit uniquement d’un retraitement des données publiées par GDF-Suez. Les clés analytiques que nous
avons utilisées peuvent toujours être discutées et GDF-Suez devrait publier un compte détaillé sur la
fourniture du gaz au segment résidentiel en France.
1. Estimation du chiffre d’affaire du segment résidentiel
Pour estimer le chiffre d'affaires réalisé par GDF-SUEZ sur le segment résidentiel, nous avons besoin des
volumes de vente au segment résidentiel et du prix de vente hors taxe.
Les ventes totales de gaz, ainsi que les ventes aux clients résidentiels sont publiées :
TWh
Ventes totales de gaz du
groupe GDF-SUEZ
Ventes de gaz au segment
résidentiel en France
2003
2004
2005
2006
2007
590
623
644
636
609
138
139
133
125
n.d.
16
Source : GDF-Suez
16
Donnée non disponible, estimée à 131 TWh (hypothèse : part identique du segment résidentiel en 2003 et 2004).
24
Nous avons estimé le prix moyen hors taxe d’un mégawatt pour les clients résidentiels à partir des
17
informations disponibles :
Source : Microeconomix
Nous avons estimé le chiffre d'affaires réalisé par GDF-SUEZ sur le segment résidentiel en multipliant les
volumes de gaz naturel consommés par le prix moyen hors taxe payé par un client résidentiel. Nous
incluons également le chiffre d'affaires résultant de l'abonnement payé par chaque client résidentiel.
Millions d’€
2003
2004
2005
2006
2007
CA résidentiel : vente de gaz
3 610
3 638
4 092
4 612
4 489
CA résidentiel : abonnement
931
947
965
958
992
4 542
4 586
5 057
5 569
5 481
18
CA résidentiel : total
Source : Microeconomix
2. Estimation des coûts alloués au segment résidentiel
Le choix de l'allocation des coûts (achat d'énergie, coûts de transport, stockage, distribution et autres
charges) constitue des hypothèses clefs.
Nos hypothèses ont été les suivantes :
-
les coûts concernant l’achat de la matière sont alloués au prorata des volumes de ventes au segment
résidentiel dans l’ensemble du volume total de gaz naturel acheté par GDF-Suez pour être vendu ou
utilisé pour produire de l’électricité :
2003
2004
2005
2006
2007
Ventes totales de gaz naturel (TWh)
590
623
644
636
609
Volume total (vendu ou utilisé pour
19
produire de l’électricité (TWh)
590
623
651
643
616
Ventes au segment résidentiel (TWh)
n.d.
138
139
133
125
22 %
21%
21 %
20 %
Part du segment résidentiel dans le
volume total
22 %
20
clé d'allocation pour les charges d'achat d'énergie
Source : GDF-Suez (calculs Microeconomix)
17
L’estimation a été faite à partir des tarifs publiés dans la base de données Pégase (pondérés par les volumes mensuels pour tenir
compte des augmentations en cours d’année) avec la répartition suivante : 3% de tarifs B0, 83% de tarif B1 et 13% de tarif B2I.
Les résultats estimés sont cohérents avec les données avancées par GDF-Suez pour 2004 et 2005. GDF-Suez indique en effet avoir
réalisé un chiffre d'affaires de 4,6 milliards d'euros (resp. 4,8) en 2004 (resp. 2005) résultant de la vente de gaz naturel aux clients
résidentiels.
19
La centrale de Dunkerque consomme environ 7 TWh / an depuis 2005 (site GDF-Suez).
20
Estimation : part identique du segment résidentiel en 2003 et 2004.
18
25
-
Les coûts concernant le transport/stockage sont alloués au prorata des volumes de ventes au segment
résidentiel dans le volume total transporté par GRTGaz :
Volumes totaux transportés (TWh)
Ventes au segment résidentiel
(TWh)
Part du segment résidentiel dans
le volume total transporté
2003
2004
2005
2006
2007
655
695
711
687
667
131
138
139
133
125
20 %
20 %
20 %
19 %
19 %
clé d'allocation pour les coûts de transport et de stockage
Source : GDF-Suez (calculs Microeconomix)
-
Les coûts concernant la distribution sont alloués au prorata des volumes de ventes au segment
résidentiel dans le volume total distribué par GrDF :
Volumes totaux distribués (TWh)
Ventes au segment résidentiel
(TWh)
Part du segment résidentiel dans
le volume total distribué
2003
2004
2005
2006
2007
321
335
337
327
310
131
138
139
133
125
41 %
41 %
41 %
41 %
40 %
clé d'allocation pour les coûts de distribution
Source : GDF-Suez (calculs Microeconomix)
-
Les coûts concernant les autres charges sont alloués au prorata du chiffre d’affaires réalisé :
CA Achat/Vente d'énergie (M€)
CA résidentiel
(M€) hors transport, stockage et
distribution
Part du segment résidentiel dans
le CA gaz
2003
2004
2005
2006
2007
14 274
15 126
17 704
20 934
20 991
2 800
2 834
3 425
3 800
3 773
20 %
19 %
19 %
18 %
18 %
clé d'allocation pour les autres charges
Source : GDF-Suez (calculs Microeconomix)
26
A partir de ces clés d’allocation, nous déduisons une estimation des différents postes de coûts (achat,
transport, stockage, distribution et autres charges) pour la vente de gaz naturel au segment résidentiel :
En millions d’€
2003
2004
2005
2006
2007
Achat matière
7 890
8 975
11 517
14 175
13 610
Clé d'allocation
22 %
22 %
21%
21 %
20 %
=> Coûts d'achat d'énergie alloués à la
vente de gaz naturel au segment
résidentiel
1 752
1 988
2 459
2 932
2 762
Transport et stockage
1 937
2 200
2 124
2 227
2 494
Clé d'allocation
20 %
20 %
20 %
19 %
19 %
387
437
415
431
467
Distribution
3 305
3 193
2 951
3 289
3 076
Clé d'allocation
41 %
41 %
41 %
41 %
40 %
=> Coûts de la distribution alloués à la
vente de gaz au segment résidentiel
1 349
1 315
1 217
1 338
1 240
Autres charges
3 609
3 755
4 471
4 790
4 825
Clé d'allocation
20 %
19 %
19 %
18 %
18 %
708
704
865
869
867
=> Coûts du transport et du stockage
alloués à la vente de gaz au segment
résidentiel
=> Autres charges allouées à la vente
de gaz au segment résidentiel
Source : GDF-Suez (calculs Microeconomix)
3. Estimation de la rentabilité du segment résidentiel
Au final, cela permet d’estimer l’Excédent Brut d’Exploitation de la fourniture de gaz naturel aux clients
résidentiels :
En millions d’€
2003
2004
2005
2006
2007
Chiffre d'affaires
4 542
4 586
5 057
5 569
5 481
Achat matière pour fourniture
gaz
1 752
1 988
2 459
2 932
2 762
Marge sur matière
2 790
2 598
2 598
2 637
2 719
Marge sur matière (% du CA)
61 %
57 %
51 %
47 %
50 %
Coûts du transport et du
stockage
387
437
415
431
467
Coûts de la distribution
1 349
1 315
1 217
1 338
1 240
Autres charges
708
704
865
869
867
Excédent brut d'exploitation
346
142
101
-1
144
EBE (% du CA)
8%
3%
2%
0%
3%
Source : Microeconomix
27
Pour l’année 2008, il n’a pas été possible de réaliser une allocation des coûts comparable car, suite à la
fusion avec GDF-Suez, la présentation des comptes a été profondément remaniée.
Pour extrapoler les résultats pour l’année 2008, nous fondons notre estimation sur un coût moyen d’achat de
21
la matière à 26,6 €/MWh et supposons que les autres charges évoluent dans la lignée de l’évolution
constatée entre 2006 et 2007. Les résultats sont présentés au niveau unitaire :
€ / MWh
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Chiffre d'affaires
34,6
33,2
36,4
41,9
43,8
46,8
Achat matière
13,4
14,4
17,7
22,0
22,1
26,6
Marge sur matière
21,3
18,8
18,7
19,8
21,8
20,2
Marge sur matière (% du CA)
61 %
57 %
51 %
47 %
49 %
43 %
Coûts du transport et du
stockage
3,0
3,2
3,0
3,2
3,7
4
Coûts de la distribution
10,3
9,5
8,8
10,1
9,9
10
Autres charges
5,4
5,1
6,2
6,5
6,9
7
Excédent brut d'exploitation
2,64
1,03
0,72
-0,01
1,15
- 0,80
EBE (% du CA)
8%
3%
2%
0%
3%
- 1,7 %
Source : GDF-Suez (calculs Microeconomix)
Ce tableau montre que l’estimation de la rentabilité de GDF-Suez sur ce segment est faible. Elle a baissé en
2004 par rapport à 2003. Entre 2004 et 2007, on ne constate pas d’érosion due à l’augmentation du prix
d’approvisionnement en gaz.
2008 a été marquée par une très forte augmentation du baril de pétrole (jusqu’à plus de 140$) et donc du
coût d’approvisionnement en gaz (avec le décalage que l’on connaît). Elle s’est traduite également par une
augmentation importante du tarif réglementé (+15,2% au total) mais relativement plus limitée. D’où un
Excédent Brut d’Exploitation négatif.
Pour réaliser ces estimations de rentabilité sur le segment des particuliers en France, nous avons « isolé »
les éléments concernant ce segment dans les comptes publiés par GDF-Suez. Il s’agit uniquement d’un
retraitement. Ce retraitement ne signifie pas que les coûts déclarés par GDF-Suez nous paraissent justifiés.
Conclusions :
-
Les coûts d’approvisionnement ont fortement augmenté depuis 2003. A part en 2008 où
l’augmentation des tarifs n’a pas compensé l’augmentation du prix de la molécule, la marge
d’exploitation de GDF-Suez sur la fourniture gaz à destination des particuliers reste cependant
positive mais modérée d’après notre analyse.
-
Nous observons une relative stabilité des coûts de distribution. En revanche, les coûts de transport,
de stockage et les autres charges (dont commercialisation) ont également augmenté de plus de
20% depuis 2003.
21
Estimation à partir des informations et hypothèses suivantes : prix Norvège : 27,1 € / MWh (61%), Algérie : 26,5 € / MWh (22%),
Russie : 25,0 € / MWh (17%) ; le prix du gaz des Pays-Bas est similaire à celui de la Norvège ; tout le gaz naturel importé provient de
ses 4 pays ou est importé à un prix similaire. Pour 2007, avec les mêmes hypothèses, le prix estimé est de 21,4 € / kWh, soit du même
niveau qu’avec notre hypothèse d’allocation des coûts d’approvisionnement.
28

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