Allez les Merlus ! : la fabuleuse histoire du FC Lorient

Allez les Merlus ! : la fabuleuse histoire
du FC Lorient
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PASSAGE CHOISI
Elle a débuté en vendant des sardines et en criant comme la belle, à la fraîche, avec sa
brouette. Sur le port de pêche de Keroman, qui voit tout juste le jour en ce milieu des années
1920, chacun connaît ce petit bout de femme énergique, au visage rond et au regard franc.
Elle a quitté son Forez natal et son étal de poissons aux halles de Saint-Étienne pour venir
humer l'air iodé de la Bretagne. À Lorient, de l'industrie du mareyage aux chantiers navals,
dans un monde d'hommes rudes et de dur labeur, Caroline Cuissard gagne très vite le
respect et la sympathie de tous. D'autant qu'elle sait communiquer avec entrain à ceux qui
l'entourent sa passion pour le sport, et en particulier pour le football, auquel s'intéresse
également de près l'un de ses fils, Joseph. Il vint alors à quelques personnes occupées dans
les affaires du mareyage de l'Estacade l'idée de constituer une équipe de la criée qui
disputerait des parties contre les autres groupements semi-corporatifs qui existaient déjà,
racontera quelques années plus tard Joseph Le Hen, pionnier de l'aventure.
À l'époque, les mareyeurs employés dans les établissements Cuissard disputent quelques
matches amicaux sous le maillot bleu à parements rouges de la Marée sportive qui, à force
de victoires et de beau jeu (déjà !), se taille rapidement une réputation flatteuse. Les
adversaires du moment sont les équipes des entreprises concurrentes, aux noms qui sentent
bon les Années folles : Gargantua Sports, Charbons Sports... Les parties sont courtoises
mais viriles, toujours âprement disputées. C'est alors que Joseph Cuissard, le fils de
Caroline, me demanda de servir d'intermédiaire entre la Marée sportive et mon excellent ami
Georges Le Lardeux afin que nous nous mettions d'accord pour la création officielle d'un
club qui serait affilié à la Ligue de l'Ouest, écrit Le Hen dans une chronique d'antan. Et
d'ajouter : Grâce à madame Cuissard et à son fils, ces pourparlers furent menés rondement
et le 2 avril 1926, dans l'arrière-salle du café-tabac Eon, qui faisait l'angle de la rue Carnot et
du quai Rohan, le Football Club Lorientais tenait son assemblée générale constitutive.
Joseph Cuissard en est le président et la presque totalité des membres du bureau, ainsi
qu'une grande partie de l'équipe des joueurs du tout nouveau Football Club, sont employés
par la Maison Cuissard ou travaillent au port de pêche. Très vite, en ville, fleurira ainsi la
boutade : le FCL signifie évidemment Football Club Lorientais, mais aussi Famille Cuissard
Lorient ! Dans l'euphorie de cette soirée de printemps, les discussions vont bon train au café
Eon. Chacun s'interroge notamment sur la couleur à donner au maillot de l'équipe. La fille
aînée de Caroline Cuissard, Charlotte, porte un vêtement à carreaux tango et noir. Pourquoi
ne prendrions-nous pas modèle sur ces motifs ?, suggère alors l'un des membres
fondateurs, Georges Le Lardeux. Ce qui fut dit fut fait et voilà comment les joueurs du
Football Club Lorientais devinrent les «Damiers».
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