Bulletin numero 27 Août 2007 _ Sauver la petite exploitation

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Bulletin numero 27 Août 2007 _ Sauver la petite exploitation
GrafInfos
Bulletin de liaison du Groupe de recherche et d’action sur le foncier n° 27, août 2007
Editorial
Agrobusiness Au burkinA
Sauver la petite
exploitation
familiale
Entre tâtonnements,
réussites et échecs
Daniel
Thiéba,
président
du GRAF
D
epuis quelques années, le
gouvernement burkinabé
mène une campagne massive en faveur de l’agro-business.
Il espère ainsi moderniser le secteur en augmentant les rendements.
Une étude en cours commanditée par le gouvernement révèle que
le concept d’agrobusiness connaît des difficultés dans sa mise en
œuvre.
Lancé en 2005 pour booster la production sur les périmètres aménagés, l’agrobusiness, s’enlise sur le terrain. La mécanisation des
moyens de production et l’emploi de main d’œuvre qui le caractérisent sont quasi inexistants. Pour survivre, les promoteurs ont
développé des partenariats avec les petits exploitants agricoles.
La cohabitation se révèle bénéfique.
T
Mais plusieurs de ces entreprises
agricoles connaissent l’échec.
Sommaire
Des enquêtes menées par
l e G R A F m o n t re n t q u e d a n s
d e n o m b re u s e s r é g i o n s , l ’ a g ro - b u s i n e s s a f a i t p re u v e
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gouvernement, il n y a qu’un seul producteur sur 13 qui satisfait à ces critères. Tout le reste, sont des exploitants
familiaux»,
constate
Oumar
Ouédraogo, un chercheur chargé de
conduire l’étude.
Les raisons de ce relatif échec : le
coût élevé de la main d’œuvre et des
charges de fonctionnement. Les
manœuvres payés à 1000 F par jour
préfèrent exploiter un lopin de terre
susceptible de leur rapporter jusqu’à
140 000 F l’hectare d’oignon. On note
Agrobusiness au Burkina
Entre tâtonnements, réussites et échecs
Vie du GRAF
Le Réseau décentralisation, une étude sur les périmètres irrigués
s
s
s
Le discours gouvernemental a
séduit plusieurs agro-businessmen qui ont acquis de grandes
superficies et investi d’importantes sommes dans l’exploitation
agricole.
rois ans après son lancement,
l’agrobusiness n’a pas encore
atteint les objectifs escomptés : accroître la production et participer au développement des zones rurales. Les résultats sont alarmants : sur
treize agro businessmen installés en
2005, un seul répond aux critères
édictés par l’Etat. Onze ont basculé
dans l’exploitation familiale et un a
abandonné. « Si nous décidons de
faire passer les producteurs de l’agrobusiness par le moulin des termes de
faire valoir, en suivant les critères du
1-2-4
3
dossier
s
s
s
également une connaissance insuffisante du contexte local. « Un Malien
et un Pakistanais s’étaient installés.
Mais ils ont par la suite abandonné,
car les réalités du terrain les en ont
dissuadés », révèle le chercheur.
Cet échec est accentué par le rôle
ambigu joué par l’Etat dans l’agrobusiness. Désireux de rentabiliser ces
ouvrages acquis à coup de millions de
francs, l’Etat s’est impliqué dans la
gestion et l’exploitation de ces
terrains. « Il faudrait que l’Etat clarifie son rôle pour accompagner les
agro businessmen. Pas une trop grande implication, mais son désengagement ne doit pas non plus lui faire
oublier son devoir d’appui à la production nationale », recommande
M.Oumar Ouédraogo.
Ce jugement des chercheurs est à
nuancer cependant. L’agrobusiness a
Oumar Ouédraogo, consultant
ramani Traoré, consultant
produit du changement dans l’organisation autour des périmètres aménagés. Finie l’époque des petits exploitants familiaux coincés sur une petite
parcelle au rendement dérisoire.
Conscients de leur incapacité à
exploiter la totalité de leurs superfi-
cies, les agro businessmen cèdent une
partie de leurs terres aux petits
exploitants. Cela leur permet de respecter leur engagement auprès de
l’Etat qui les oblige à mettre en valeur
l’espace. Cette collaboration est aussi
favorable aux petits exploitants qui
peuvent ainsi agrandir leur surface de
production et accroître leur productivité.
L’exception qui confirme la règle
L’agrobusiness ne dresse pas partout un tableau aussi sombre. Le
seul agro businessman qui répond
aux critères possède une vaste
exploitation de près de 70 hectares.
Cette année, il a fait 47 hectares de
pommes de terre et 15 de choux.
Après trois ans d’activité, cet agro
businessman, a mécanisé la chaîne
de production du labour jusqu’à la
récolte. La main d’œuvre, il en a
recours que par intermittence.
Uniquement lors du labour et du
ramassage des récoltes. Pour lui, les
affaires sont rentables. Il songe déjà
à prospecter dans les autres zones
aménagées tel le Sourou où il est
établi. « Après 3 à 4 ans de culture
de la pomme de terre, il sait qu’il
faudrait faire la rotation et c’est en
prévision de cela qu’il a soumis une
demande de 60 ha à Bagré », dit
avec admiration Dramani Traoré, le
second chercheur, chargé de la conduite de l’étude.
Cependant, l’arbre ne doit pas
cacher la forêt. Ce succès ne saurait
cacher les difficultés qu’il rencontre
à l’image de ses confrères agrobusinessmen. Après avoir expérimenté l’importation de la semence
de la pomme de terre, il se résout à
produire sa propre semence ignorant celle qui est produite localement. «L’agrobusiness a été handicapé au niveau de la semence. On
produit de la semence de pomme de
terre ici, mais lui a importé sa
semence de l’Europe. Ensuite, il
prétend produire sa propre semence. Comment se fait-il ? », s’interroge M.Dramani Traoré, à la fois surpris et fasciné par cette incohérence.
Petits exploitants, agro businessmen, un mariage réussi ?
Une autre forme de partenariat consiste pour l’agro-businessman à mettre à la disposition des petits exploitants les moyens de production. A la
récolte, ils procèdent au partage selon
une logique interne. « Les agro-businessmen mettent à la disposition des
petits exploitants sans terre, des parcelles et les facteurs de production.
Une fois la récolte finie, elle est divisée en 12 parties dont les 9/12ème
leur reviennent et les 3/12ème
reviennent à l’exploitant », explique
Dramani Traoré.
Ces arrangements ont donné naissance à une nouvelle classe de producteurs : celle des exploitants familiaux
l
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Graf Infos n° 27, août 2007
vie du graf
Le GRAF publie sa
documentation
Le vendredi 27 avril 2007, à
l’aBMaQ, le Graf a invité ses partenaires et l’ensemble des acteurs
intervenant dans le domaine du
foncier à une séance de présentation et de vulgarisation de documents produits par le Graf.
nationales (moore, jula, fulfulde), et
une enquête sur les périmètres aménagés n’ont pas manqué de susciter l’intérêt du public qui en attend la parution.
Enfin, un film traitant de la discorde
née de l’aménagement des terres a été
projeté. Deux amis de longue date ont
rompu tout lien d’amitié à la suite de
mésentente née de l’aménagement des
terres de leur village. Mais l’intermédiation de l’administration et des techniciens des projets en place dans la zone
permettra de renouer le lien. La rencontre qui s’est clôturée avec cette projection a été jugée instructive par les
participants. l
Une étude sur l’exploitation des périmètres aménagés
P
lus d’une vingtaine d’acteurs institutionnels et d’intervenants dans le
domaine du foncier prenaient part à la
rencontre.
Tour à tour, le catalogue sur la base nationale documentaire du foncier (BNDF), le
guide de vulgarisation de la RAF et d’animation sur «femmes et foncier» ont été
présentés à l’assistance.
Des documents en préparation tels que
le lexique sur le foncier en langues
Graf Infos n° 27, août 2007
f
aire ressortir les constats majeurs
sur les périmètres irrigués et en
tirer les leçons, c’est l`objectif d’une
étude commanditée par le réseau foncier rural. Cette étude met en évidence
les constats majeurs qui se dégagent
sur les grands périmètres. Ce sont
entre autres, l’inégal accès des femmes
à la terre ( 90% des parcelles sont attribuées aux hommes ), l`importance de
l’insécurité foncière, le succès des
exploitations familiales malgré les difficultés, et l’échec de la plupart des agro
businessmen. Dans les petits périmètres, on relève des superficies de très
petite taille (certaines parcelles s’étendent seulement sur 0,16 ou 0,25 ha),
une faiblesse des rendements, des revenus très faibles (43 % des producteurs
enquêtés estiment que l’exploitation
des périmètres aménagés ne s’est pas
traduite par une augmentation de leurs
revenus monétaires contre seulement
22 % de la population totale concernée
par l’enquête qui estiment que les aménagements ont entraîné pour eux un
accroissement significatif ou très significatif de leurs revenus. ). Selon les
résultats de l’étude, les actions à entreprendre pour inverser la tendance sont
de plusieurs ordres. Elles pourraient
consister dans un premier temps à faciliter l’accès des exploitants à une superficie minimum de viabilité pour la parcelle. Ensuite, il faut garantir une sécurité foncière bien comprise et partagée.
Enfin, il faut un accompagnement
technique et financier de l’Etat sur tout
le processus allant de la valorisation à
la commercialisation des produits.
La société civile
se prépare.
N
euf organisations de la société civile se sont rencontrées le jeudi 10
mai 2007 au GRAF pour échanger sur
leur participation à la revue CSLP du 6
avril 2007. A l’issue des débats, des
résolutions ont été prises. Il s’agit entre
autres d’engager des échanges avec la
partie gouvernementale pour s’accorder sur le temps de parole à accorder à
la société civile lors de la revue, de travailler en réseau pour engranger plus
d’acquis et de mettre en exergue la
contribution de la société civile à la
lutte contre la pauvreté et le renforcement de la bonne gouvernance. Avant
de se séparer les participants ont formulé des propositions dont la plus
importante est de mener un travail de
large information pour impliquer le
maximum d’OSC dans les préparatifs
de la revue du CSLP.
Par consensus, M. Jonas Hien de la cellule nationale de renforcement des
capacités de la société civile a été désigné pour piloter la mise en œuvre des
recommandations de la rencontre. l
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dossier
Suite de l’article sur l’agrobusiness
agro businessmen. Propriétaires de
petites parcelles, ces producteurs
exploitent aujourd’hui de vastes
superficies dont la production n’est
plus destinée à la consommation, mais
à la commercialisation. « Au Sourou,
un producteur a commencé sur 0,5 ha.
Aujourd’hui, il exploite plusieurs
dizaines d’hectares et est l’un des
exploitants familiaux agrobusiness
man le plus important », remarque
M.Oumar Ouédraogo.
Toute chose qui signifie que les deux
systèmes peuvent cohabiter. « En fait,
nous sommes à une étape où nous
pensons que les deux systèmes doivent cohabiter. L’agrobusiness a ses
Suite de l’éditorial
d e c o n t re p e r f o r m a n ces, se
caractérisant par l’occupation
d’espaces non exploités, la faible
rentabilité voire la faillite et le
déboisement excessif.
Le recours à l’agro-business
comme unique moyen de production a démontré ses limites.
Face à cela, il convient, dans le
contexte de l’agriculture au
Burkina, de donner la priorité à
l’exploitation familiale.
Dans les organisations familiales,
le travail est organisé autour de la
famille qui maîtrise les processus
de production et qui en a l’expérience. Si toutes les conditions de
sécurisation foncière, de commercialisation et d’accès au crédit
sont réunies, ces petits exploitants agricoles sont capables
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limites objectives mais on ne peut pas
dire qu’il n’a pas d’avenir. Pour cela,
l’Etat doit prendre du recul pour se
recentrer sur les exploitations familiales. Cela peut déboucher sur l’agro
business », pense-t-il. l
Produire pour le marché : une vieille idée remise au goût du jour
d’entrer dans un processus de
modernisation de la production et
de la compétitivité. Les exploitations familiales sont capables
d’intégrer les techniques les plus
avancées.
native viable à la modernisation de
l’agriculture burkinabé.
Mais cela ne signifie pas qu’il faut
mettre un point final au projet d’agro-business. Il ne s’agit pas de
dire que la toute petite exploitation familiale peut réussir à coup
sûr. Illusion ! Certaines vont disparaître. Emergeront seulement celles qui sont capables d’intégrer
ces conditions de modernité, celles qui sont capables de s’engager de façon plus dynamique.
Bulletin de liaison du Groupe de Recherche et
d’Action sur le Foncier
Tél. 50 34 14 57
E-mail: [email protected]
Il faut éviter de défendre toutes les
exploitations familiales, mais permettre à cette minorité de récupérer les terres des autres et lui donner les conditions de viabilité et de
consolidation. C’est l’unique alter-
Directeur de publication
Dr Daniel Thiéba
Coordonnateur de la publication
Souleymane Ouattara
Rédaction
Valérie Koutou et les membres du GRAF
Maquette, photos & impression
Jade Productions
Ce numéro a été tiré à 800 exemplaires. Il
en existe une version électronique et
téléchargeable sur le site du GRAF.
www.graf-bf.org
Graf Infos n° 27, août 2007

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