Courrier international, PSYCHOLOGIE • La qualité du

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Courrier international - 23 juin 2005
Chronique
PSYCHOLOGIE -
La qualité du lien maternel influe sur la dépendance aux
drogues
Chez l'être humain comme chez l'animal, les liens qui unissent la mère à son bébé revêtent une
importance fondamentale dans le développement de sa progéniture. C'est la raison pour laquelle les
neurobiologistes étudient les conséquences des perturbations de l'environnement néonatal. Une étude
du laboratoire de neurobiologie et psychiatrie de l'INSERM vient de montrer qu'une séparation du
nouveau-né avec sa mère pouvait modifier son fonctionnement à long terme et augmentait son risque
de dépendance aux opiacés.
Cette étude, qui vient d'être publiée dans The Journal of Neuroscience, renforce l'hypothèse selon
laquelle une perturbation du lien maternel peut entraîner un dysfonctionnement cérébral durable. Ainsi,
l'exposition postnatale à un environnement stressant, tel qu'un manque de soins, peut favoriser
l'émergence de troubles du comportement à l'âge adulte. Des perturbations relationnelles importantes
entre la mère et l'enfant (longue séparation dès les premiers jours de la vie, affect négatif de la mère…)
augmentent le risque d'apparition de maladies graves telles que psychoses, troubles du comportement,
syndromes dépressifs ou encore conduites addictives.
Le postulat selon lequel la relation maternelle revêt dans toutes les espèces une importance
fondamentale dans le développement a permis dès les années 1960 d'établir des "modèles animaux de
séparation mère/nouveau-né". Ces modèles, repris dans l'étude de l'INSERM, permettent de mieux
comprendre, chez l'être humain, les conséquences neurobiologiques et comportementales des
conditions postnatales.
Le "modèle de séparation" a permis de montrer que toutes les réactions du système nerveux impliqué
dans la réponse au stress et à l'anxiété étaient rendues anormales par la séparation maternelle. Les
chercheurs ont donc étudié les conséquences de l'absence maternelle sur le comportement des rats
vis-à-vis des opiacés et au niveau cérébral.
Les travaux publiés dans The Journal of Neuroscience ont consisté dans un premier temps à étudier les
effets de récompense de la morphine. Les rats sont conditionnés pour associer un lieu précis avec une
injection de morphine – ils retournent et passent du temps dans l'endroit où ils ont obtenu du plaisir.
On constate que les rongeurs "séparés" ont répondu à ce conditionnement, à l'inverse des rats "non
séparés".
Au cours d'une seconde expérience, l'animal avait le choix entre deux biberons à disposition – l'un
contenait de l'eau, l'autre de l'eau plus de la morphine. Sur trois mois, les chercheurs ont constaté que
les rats "séparés" consommaient de plus en plus de morphine alors que les autres avaient une
consommation stable. "Nous avons montré que 67 % des rats séparés devenaient dépendants contre
seulement 22 % des rats non séparés", explique Valérie Daugé, coauteur de l'étude. Ces résultats
montrent que les rats "séparés" sont hypersensibles au plaisir procuré par la morphine et développent
rapidement une dépendance.
Sur le plan neurobiologique, les chercheurs ont mis en évidence une baisse d'activité du système
opioïdegique. (Ce système s'active, par exemple, lors de l'ingestion de sucre – ou de manière très forte
par une prise de morphine ou d'héroïne – en induisant une production d'opiacés endogènes qui produit
des peptides liés au plaisir.) Or la baisse d'activité de ce système entraîne peu à peu le sujet vers une
consommation plus forte.
Les travaux de l'équipe de l'INSERM suggèrent que des relations mère-enfant perturbées peuvent
induire chez l'homme une modification durable du fonctionnement cérébral. Deux questions se posent
maintenant : cette vulnérabilité s'applique-t-elle également à d'autres substances telles que le cannabis
ou l'alcool ? Et comment pallier les dysfonctionnements ? "Une première approche, pharmacologique,
consiste à tester des médicaments susceptibles de débloquer ce système. L'autre approche consiste à
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redonner du plaisir à l'animal en dehors de la drogue, grâce à un environnement enrichi…" conclut la
chercheuse Valérie Daugé.
Elisabeth Berthou
© Courrier international 2007 | ISSN de la publication électronique : 1768-3076
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