Les déficits jumeaux dans les pays de la région MENA Note

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Les déficits jumeaux dans les pays de la région MENA Note
Les déficits jumeaux dans les pays de la région MENA
Note : préparée par Baouzil lhoussein
Seule la liberté d’entreprendre combinée avec un rôle très réduit voir très minime de l’Etat
peut déclencher un réel processus de développement social. Les investissements publics, importants
aux regards des responsables, sont le moyen le plus sûr et le plus garanti pour dilapider les fonds des
contribuables sous la houlette de la réalisation du bonheur pour tous. Ces contribuables sont
simplement vous et moi. Les investissement publics ne peuvent jamais atteindre leurs objectifs
simplement pare ce qu’ils n’appartiennent en réalité à personne ; et que la rationalité des décideurs
publics relève de l’appartenance. En revanche, les projets privés sont toujours soumis à l’analyse
coût /avantage et la rationalité des décideurs s’inscrit dans une logique de rentabilité et de
performance, ce qui assure une meilleure allocation des ressources très limitées dans notre pays.
Introduction
Les économies des pays de la région MENA connaissaient depuis la fin des années 70
des déficits financiers externes permanents. Les facteurs à l’origine de ces déséquilibres
financiers peuvent être internes et/ou externes.
D’abord le renchérissement des prix des matières premières au milieu des années 60,
puis la détérioration qui s’ensuit créait, à l’époque, une dégradation des terme de l’échange, et
par la suite une augmentation de la valeur des importations comparée à celle des exportations.
Ensuit, la montée des taux d’intérêt sur le marché des capitaux mondial combinée avec des
taux de croissance faibles dans les principales zones économiques contribuaient à la baisse
des exportations de ces pays, ce qui par la suite entraînaient une détérioration plus marquée
des balances commerciales notamment dans les pays non pétroliers. Enfin, l’accroissement
des dépenses publiques c'est-à-dire l’augmentation des déficits budgétaires a entraîné une
détérioration de la balance des paiements courants dans presque l’ensemble des pays de la
région. Les déficits budgétaires devenus insoutenables, les pays sont confrontés aux énormes
difficultés pour stabiliser et pour rétablir le fonctionnement normal de leurs économies.
Dans le cadre de notre travail de recherche, nous avons mis l’accent sur les facteurs
internes des déficits financiers externes. Plus particulièrement, il était question de savoir
comment les déficits internes agissent sur le solde de la balance de paiements courants dans
un échantillon de pays de la région MENA.
Contrairement à certaines études, nous avons jugé fondamentale de décomposer le
solde externe en solde de la balance commerciale et en solde de paiements courants ; pour
pouvoir déterminer les effets directs de la politique budgétaire sur le système productif
national ainsi que sur la compétitivité global du pays. En effet, la politique budgétaire affecte
directement le système productif à travers son effet sur la balance commerciale. De même, il
affecte la compétitivité globale à travers l’évolution de la balance de paiements courants.
En vue de bien déterminer l’impact des dépenses publiques sur le solde externe, nous
avons décomposé l’absorption publique en dépense de consommation et en dépense
d’investissement. Ce choix est dicté par le souci de déterminer la quelle, de ces deux
composantes, affecte plus substantiellement l’équilibre de la balance de paiements courants.
Les pays de l’échantillon sont l’Egypte, la Jordanie, le Maroc, la Tunisie et la Turquie.
La période d’étude s’étale sur 31 ans de 1975 à 2005.
Problématique :
Notre problématique s’articule autour de l’analyse de la relation susceptible d’exister
entre l’évolution du solde financier externe d’un pays et l’évolution de son solde financier
interne. Il s’agit d’étudier théoriquement et empiriquement la nature des liens de causalités
qui existent entre le solde budgétaire, le solde externe et la structure des dépenses publiques.
Existe-t-il de relation de cause à effet entre le solde interne mesuré par le solde
budgétaire et le solde externe mesuré par le solde de la balance de paiements courants ? Si la
réponse est affirmative, nous nous demandons si il s’agit d’une relation unidirectionnelle ou
d’une relation bidirectionnelle. En effet, la théorie économique suggère que la nature de la
relation est unidirectionnelle allant du solde interne vers le solde externe, cependant des
travaux empiriques ont révélé que la nature de la relation peut aussi être bidirectionnelle.
Autrement dit, le solde interne affecte et est affecté par le solde externe ! Il existe aussi une
autre explication théorique dit la théorie de l’équivalence ricardienne qui stipule qu’entre les
deux solde, il n’existe aucun lien de causalité.
Par la suite, nous mettons l’accent sur les liens de causalité existants entre d’une part
le solde externe et la consommation publique, d’autre part entre le solde externe et la dépense
publique d’investissement. Cette décomposition est fondamentale pour déterminer laquelle de
ces composantes doit subir l’ajustement pour atténuer les effets de l’absorption publique sur le
solde externe.
Ce choix de décomposition de l’absorption publique est dicté par le souci de bien
distinguer l’impact de la consommation publique de l’impact de l’investissement public en
vue de remédier à une lacune de la théorie de l’absorption. En effet, cette théorie suggère que
le pays désirant réduire son déséquilibre financier externe devrait réduire l’absorption
publique, sans préciser la composante à réduire. De ce fait, les pays agissent généralement sur
la composante investissement public qui est facile à réduire contrairement à la consommation
publique. Or, des travaux théoriques et empiriques ont démontré que dans les pays en voie de
développement, il existe une relation de complémentarité ente l’investissement public et
l’investissement privé. La réalisation d’un taux de croissance susceptible de déclencher un
réel processus de développement ne peut se faire que grâce à la combinaison des efforts
d’investissement entre le secteur public et le secteur privé.
Cadre théorique :
Comme nous l’avons signalé plus haut, l’apport de la théorie économique reste
ambigu dans l’explication de la nature de lien de causalité entre le solde externe et le solde
interne. Cette ambiguïté provient du fait que différents courants théoriques ont étudié cette
question.
D’abord, il s’agit de la théorie de l’absorption qui stipule que seule l’absorption
interne est le facteur de détérioration du solde financier externe. De ce fait, le lien de causalité
est unidirectionnel allant du solde interne vers le solde externe.
Ensuite, la théorie connue sous le nom de l’approche monétaire de la balance de
paiements préconise que le déséquilibre externe s’explique par un déséquilibre dans le marché
de la monnaie. Toute politique d’ajustement doit exclusivement passer par la mise en place
d’une politique monétaire d’inspiration monétariste.
Enfin, une nouvelle approche théorique développée par Robert Barro et connue sous le
nom de l’approche de l’équivalence ricardienne apporte de nouveaux éléments à ce débat
théorique. Sur la base d’un raisonnement altruiste, Barro a montré qu’il n’existe aucun lien de
cause à effet entre le solde interne et le solde externe. De ce fait, toute politique budgétaire
quelque soit son fondement théorique est inefficace, car il sera neutralisée par le
comportement altruiste des citoyens soucieux de l’essor de leurs progénitures.
Cadre méthodologique :
Pour apporter des éléments de réponse à notre problématique, nous avons opté pour un
cadre méthodologique qui consiste à combiner l’aspect théorique et empirique du phénomène
des déficits jumeaux.
Dans ce sens, nous avons fait une présentation critique de toutes les théories sues
mentionnées. Nous avons interrogé la littérature théorique en vue de bien specifier les liens
théorique de causalité entre les deux soldes. Par la suite, il a été question de savoir si la
théorie économique apporte des éclaircissements relatifs à la nature de la relation de causalité.
Autrement dit, nous avons essayé de voir est ce que la relation est bidirectionnelle ou
unidirectionnelle ? A ce niveau, seule une relation unidirectionnelle existe, alors nous étions
contraint de chercher d’autres explications théoriques susceptibles de bien justifier
l’existence d’une relation bidirectionnelle entre le solde externe et le solde interne.
Après ce débat théorique, l’accent était mis sur l’utilisation de l’outil économétrique
pour estimer la ou les relations de causalité entre les deux soldes. Nous avons fait une analyse
individuelle c’est-à-dire par pays, puis nous avons fait recours à l’analyse des données de
panel pour augmenter la robustesse de nos estimations. Nous avons privilégié une analyse de
cointégration afin de se situer dans le long terme. De ce fait, les tests de racine unitaire ont été
conduits en vue de déterminer si les variables sont stationnaires du même niveau ainsi que
pour déterminer la possibilité d’existence de relations de cointégration entre les variables de
différents modèles. Les tests ont révélé que les relations de cointégration existent bel bien
entre les variables des modèles de certains pays de l’échantillon. De ce fait, des modèles à
correction d’erreur ont été estimés. L’objectif était de bien distinguer les effets de court terme
de ceux du long terme.
Les modèles suivants ont été estimés pour le cas de chaque pays ainsi que pour
l’échantillon de pays :
A- Relation solde budgétaire, solde commercial et solde de paiements courants
a- relation entre solde budgétaire et solde commercial
SCt = αο + α 1.SBt + εt
(1)
SCt est le solde commercial, SBt est le solde budgétaire.
b- relation entre le solde de paiements courants et le solde budgétaire
SPCt = β 0 + β 1 .SB t + ε t ( 2)
Dans cette équation, le SPCt désigne le solde de paiements courants.
B- Relation solde externe et composante de l’absorption publique
a- relation entre le solde externe et la consommation publique
SCt = α 0 + α 1.CPt + εt (3)
SPCi, t = α 0 + α1.CPi, t + εt (4)
b- relation entre le solde externe et l’investissement public
SCt = α 0 + α1.IPt + εt (5)
SPCt = β + β .IPt + µt (6)
SPCt et CPt désignent respectivement l’investissement public et la consommation
publique.
Résultats et conclusions :
L’ensemble de nos estimations empiriques ont révélé que l’absorption publique
détériore le solde financier externe aussi bien dans la cas individuel que dans le cas de
l’échantillon de pays. Ce résultat est attendu conformément aux prescriptions de la théorie de
l’absorption d’inspiration keynésienne. De ce constat, les pays de notre échantillon sont
sollicités d’agir sur les dépenses publiques afin de rétablir la balance externe. Les estimations
ont aussi démontré sans aucune ambiguïté que le principe de l’équivalence ricardienne ne
tient pas dans le cas de notre échantillon de pays.
Conformément à nos résultats, l’absorption publique affecte plus substantiellement le
solde externe mesuré par le solde commercial. En effet, l’augmentation de la dépense
publique se traduit par l’augmentation des importations en biens et services ce qui affecte
négativement la balance commerciale. Ce résultat empirique implique que les pays de notre
échantillon doivent procéder à des réformes structurelles visant l’amélioration de la
performance des entreprises exportatrices. En outre, il est important de doter le système
productif national des éléments lui permettant de devenir plus compétitif par rapport aux
principaux pays concurrents. Ces éléments sont entre autre, un capital humain hautement
qualifié, des infrastructures de base, un marché de capitaux transparent… une meilleure
gouvernance aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public.
Parmi les autres résultats de nos estimations, il y le fait que la relation entre les deux
soldes est bidirectionnelle suggérant que le solde interne affecte et est affecté par le solde
externe. Toute recherche de l’équilibre interne et externe doit procéder à des ajustements aussi
bien au niveau interne c’est-à-dire au niveau de la conduite de la politique budgétaire qu’au
niveau de la politique commerciale extérieure. Dans ce sens, il est fondamental de revoir la
politique de change, les stratégies de l’exportation et les stratégies qui visent à promouvoir le
tourisme dans ces pays qui sont tous des pays à vocation touristique.
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