NOTE DE SYNTHESE Surcharge des Structures
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NOTE DE SYNTHESE Surcharge des Structures
NOTE DE SYNTHESE Surcharge des Structures des Urgences et gestion des hospitalisations François BRAUN, Dominique PATERON, Marc GIROUD Samu-Urgences de France – 16 septembre 2013 1) Surcharge des Structures des Urgence La surcharge des Structures des Urgences (SU) est une souffrance et une doléance des urgentistes depuis plusieurs années. Toutes les SU connaissent de façon chronique, ou lors de périodes plus ou moins longue, une activité qui déborde leurs capacités d’accueil. Cet hiver, l’ensemble des SU a alerté les autorités de tutelle sur une surcharge inhabituelle des services avec des conséquences importantes sur les possibilités et la qualité de prise en charge des patients. Samu-Urgences de France a également alerté les autorités sanitaires et la population sur cette situation vécue comme intolérable par les professionnels et les patients. Cette problématique de surcharge des urgences, récemment prise en compte dans notre pays, est étudiée depuis quelques années par les urgentistes anglo-saxons, confrontés aux mêmes difficultés. 2) Conséquences d’une surcharge des urgences a. Pour les patients Outre le mécontentement des patients, lié à des délais de prise en charge jugés trop long et des attentes dans les couloirs, les conséquences d’une surcharge des SU sont maintenant bien connues en terme de morbi-mortalité : - 1/3 des évènements sentinelles de dysfonctionnement liés à un mauvais pronostic sont en relation avec une surcharge des urgences (Cowan RM, Trzeciak S, Crit Care, 2005;9:291-5) - la prise en compte de la douleur est moins bonne en cas de surcharge des SU (Pines, Hollander, Ann Emerg Med, 2008) l’ « Emergency Department Owercrowding » augmente la mortalité hospitalière, les délais de mise en route d’une antibiothérapie, d’un traitement antalgique (Kulstat E et al. Am.J. Em. Med, 2010,38,304-9) (Bernstein S. et al. Aca. Em. Med. 2009, 16,1-10) - la mortalité à 10 jours est augmentée (OR = 1,34) lors d’une admission en cas de surcharge de la SU (Richardson DB. Et al. MJA, 2006, 184, 213-6) La durée de séjour est corrélée à la morbi-mortalité (Etude canadienne sur 5 ans, 14000000 de patients), cette surmortalité et cette surmorbidité s'observent pour les malades considérés à leur arrivée comme les 1 plus graves et aussi pour les malades les moins graves (Guttmann A et al, BMJ, 2011;342:d2983) - Dans une étude australienne, la mortalité à 7 jours de patients admis par les urgences est également augmentée en cas de surcharge de l’hôpital avec comme facteurs prédictifs indépendant une durée de séjour aux urgences plus longue et une durée d’attente d’un praticien plus importante (Sprivulis PC et al, MJA, 2006,184:208-12). Le score défini dans cette étude, et directement lié à la mortalité, prenait en compte le taux d’occupation et l’établissement et le nombre de patients, en attente d’hospitalisation, présents aux urgences. Plus difficile à évaluer, la maltraitance imposée aux patients, entassés dans les couloirs, sans intimité, est largement dénoncée par les urgentistes. b. Pour les professionnels L’actualité récente a mis en évidence le « raz le bol » des urgentistes : - Mouvements sociaux dénonçant les conditions de travail (Grenoble, Lyon, Strasbourg, Nord-Pas-de-Calais, hôpitaux du Léman, Angers …) - démission de Chefs de Service (Paris -St Louis, Roubaix, Cambrai, Rambouillet…) Le « burn out » des médecin urgentistes a été largement étudié dans les pays anglosaxons. Récemment, une étude française (Sende J, Beili C, Schvahn S, et al. Facteurs de stress et conséquences du stress en médecine d’urgence : enquête nationale. Ann Fr Med Urgence (2012) 2 :224-231), démontre que, même s’ils s’estiment heureux dans leur travail (71%), plus de la moitié des urgentistes sont en pré-brun-out et 11% en burn-out. Parmi les causes de cette situation, les difficultés liées à la recherche d’un lit d’aval sont, dans toutes les études, mises en avant. - - - Strasbourg : "Comment tolérer qu'une de nos aînées puisse se trouver (…) allongée sur un brancard plus de 24 heures durant en attendant une place d'hospitalisation, sans intimité, sans pouvoir correctement manger, boire et avoir accès aux sanitaires ? Qui le tolérerait pour ses proches ?" Rambouillet : « Est-il normal de voir des patients âgés, des heures durant sur un brancard, obligés de leur prodiguer des soins dans le couloir –un urinal par exemple faute de pouvoir les isoler ? » « Est-il normal de ne plus pouvoir consacrer aux patients un minimum d’écoute, et d’effectuer les soins infirmiers en un temps qui ne permet plus d’en assurer la sécurité ? » Bobigny : « Rien ne bouge. On est engorgé, mais la question de cet engorgement de malades vient de nos difficultés à faire hospitaliser nos patients.» Les facteurs liés à cet épuisement professionnel des urgentistes sont connus et pour certains, inhérents à l’exercice professionnel lui même : pression de l’entourage, rythmes de travail variables, surcharges périodiques de travail … D’autres sont directement liés à des facteurs organisationnels internes au service mais aussi à l’ensemble de l’établissement : les non respect de standards de prise en charge par manque de moyens, les difficultés liées aux lits d’aval et les relations difficiles qui en découlent avec les collègues sont régulièrement rapportés. 2 L’insatisfaction au travail est aussi un élément régulièrement identifié de stress professionnel. L’exercice de l’urgentiste consiste, en un temps contraint (au maximum 24 heures) d’assurer le juste soin à savoir : - qualifier la demande du patient : identifier derrière sa demande, son symptôme, le réel besoin de soins - agir pour préserver la vie et/ou la fonction en appliquant les thérapeutiques adaptées - orienter le patient, au bon moment, dans la filière de soins adaptée à son état. Si « qualifier » et « agir » relèvent des compétences mêmes de l’urgentiste et du plateau technique à sa disposition, « orienter » relève bien des disponibilités des filières de soins et donc de l’aval des urgences. Ne pouvoir assurer pleinement ses missions, son métier, est un facteur fort de désengagement professionnel et retenti sur l’ensemble de la prise en charge du patient : de nombreux urgentistes reconnaissent, en s’en plaignant, que leur principale préoccupation à l’arrivée d’un patient devient plus de se demander « ou le diriger » plutôt que « quelle est sa pathologie » … La maltraitance des patients est aussi une réelle souffrance pour les soignants, tiraillés entre ces patients-brancards et les patients bénéficiant d'une prise en charge active dans les boxes ; en outre, cette maltraitance des patients leur est moralement insoutenable et ils "ne reconnaissent plus leur métier" dans ces situations si contraires aux idéaux d'humanité qui ont fondé leur vocation. 3) Les causes LES FAUSSES BONNES IDEES : « Il y a trop de gens qui viennent aux urgences et qui n’ont rien à y faire ! » Contrairement aux propos très répandus et largement véhiculées, la surcharge des urgences n’est pas liée à des patients qui « se présentent pour rien » et qui « auraient du aller ailleurs » … Certes, la proportion de patients se présentant aux urgences et relevant plus de la médecine générale peut augmenter dans certains bassins de populations au sein desquels la permanence des soins ambulatoire n’est pas ou peu assurée, mais ces patients, qui ne nécessitent pas d’examen complémentaire et qui bénéficient de filières « ultra-courtes » de prise au charge au sein des SU ne participent pas à la surcharge constatée. Par ailleurs, décider a priori, sans examen médical et sur les simples doléances d’un patient qu’il n’a rien à faire aux urgences (se passer de « qualifier ») serait une erreur dramatique en terme de morbi-mortalité. Dans un article récent (Raven M.C. et al. Comparison of presenting complaint vs discharge diagnosis for identifying « nonemergency » Emergency Department visits. JAMA (2013) 309, 11 : 1145-53) sur la base de la doléance principale des patients et même avec l’utilisation d’un triage infirmier préalable, 93% des patients identifiés « non justifiés », le seraient à tort ! Dans une analyse critique de la littérature (Durand A-C et al. ED patients : how nonurgent are they ? Systematic review of the emergency medicine literature. American Journal of Emergency Medicine (2011) 29, 333-345) les auteurs reviennent sur la confusion faite entre les 3 consultations « non urgentes » et la surcharge des SU et les conséquences sécuritaires et éthiques d’une réorientation « a priori » de ces patients vers d’autres structures de soins. Ils identifient ainsi de nombreuses méthodes et critères de classification de patients « non urgents » qui aboutissent à des proportions de 4,8% à 90% de ces patients selon les études ! Ceci témoigne de l’extrême complexité de ces situations, des risques d’erreur et des difficultés à envisager des recommandations pertinentes. « il faut mettre des Maisons Médicales de Garde à l’entrée des Urgences ! » Dans son rapport sur la permanence des soins, Jean-Yves Grall écrivait « L’accès à une consultation de médecine générale sera organisé sur des points fixes, de type maison médicale de garde MMG. Ceux-ci seront situés préférentiellement au sein ou à proximité des services d’urgences ». Il convient, là aussi, de ne pas se tromper de cible ni d’objectif. Si les MMG répondent bien à une demande d’accès à des soins non programmés de médecine générale, il n’a jamais été question que celles-ci soient une solution à l’engorgement des urgences. Leur développement à travers le territoire national n’a d’ailleurs jamais permis de mettre en évidence une diminution de l’activité des SU, même lorsque ces MMG sont situées a proximité d’une structure des urgences. « Il n’y a cas transférer les patients vers d’autres établissements ! » A défaut de pouvoir trouver les places suffisantes au sein de l’hôpital, les urgences envoient une partie de leurs patients vers l’extérieur. Les autres hôpitaux publics et certaines cliniques privées jouent ainsi le rôle de soupape. «La gestion de l’aval, je ne l’ai réussie qu’avec les transferts dans d’autres établissements. Mais je trahis mes patients en les envoyant plus loin», déplore Enrique Casalino (Le Monde 10 avril 2013). Ces transferts sont souvent, malheureusement, la seule solution qui pourtant ne devrait être privilégiée que lorsqu’un établissement n’est réellement pas en capacité d’accueillir les patients. Cette attitude est effectivement une « trahison » : - envers les patients qui se sont adressé à l’hôpital public et que l’on hospitalise dans des structures privées - envers les familles par l’éloignement géographique de leurs proches - envers l’établissement en le privant d’un financement indispensable (T2A)... LES VRAIS PROBLEMES : Les « insurmontables difficultés de gestion de l’aval des urgences ! » Largement décriées depuis plusieurs années par les professionnels, les difficultés de gestion de l’aval des urgences sont la cause principale de leur surcharge. La durée de passage et donc la surcharge des SU sont directement liées à la disponibilité de lits de l’établissement (AJ Forster & coll. Acad Emerg Med. 2003, Sprivulis PC et al, MJA, 2006,184:208-12, Harris A, Sharma A, Emerg Med J, 2010 …) à tel point que l’Overcrowding Hazard Scale (OHS) mis au point par une équipe australienne pour identifier la surcharge d’une SU et directement lié à la mortalité à 7 jours, tient compte de deux facteurs : le taux d’occupation des lits de l’établissement et le pourcentage de patients en attente d’hospitalisation dans la SU. 4 Ces difficultés sont multi-factorielles et ont été décrites dans de nombreux travaux : - les règles tarifaires (T2A) favorisent l’hospitalisation de patients préalablement identifiés et donc « programmés », - les restructurations hospitalières, en regroupant les plateaux techniques, concentrent les patients vers certains établissements sans qu’il y ait augmentation ou même redistribution des capacités hôtelières, - les difficultés « médico-sociales » concentrent, vers les hôpitaux publics, des patients en rupture sociale qu’il est difficile de renvoyer à domicile (T Coughlan & coll. Ir Med J. 2001) - l’engorgement de « l’aval de l’aval » (services de soins de suite et réadaptation), souvent déclamé par les médecins ne facilite pas les sorties d’hôpital - la sur-spécialisation des filières de soins qui ne laisse plus de place aux patients polypathologiques, souvent âgés, - l’inadéquation des capacités d’hébergement aux activités (trop de lits de chirurgie, pas assez de médecine …) s’aggrave avec le développement de la chirurgie ambulatoire, - des fonctionnements et comportements insuffisamment centrés sur l’activité globale de l’établissement, dont le manque d’investissement des professionnels des services de soins pour les admissions via les urgences, - l’absence de visibilité des lits disponibles et de pilotage des hospitalisations - etc … Parallèlement, bien que le nombre d’hospitalisation à partir des structures d’urgence ne cesse de croître (+ 50% en 10 ans dans une étude américaine récente : Schuur JD, Venkatesh AK. N Engl J Med. (2012)), le nombre quotidien d’hospitalisations, et donc de lits nécessaires est stable dans l’année en dehors, bien entendu, d’épisodes épidémiques. Paradoxalement, l’activité d’urgence n’est pas régulable mais est prévisible et relativement stable, alors que l’activité programmée est régulable et pourrait, logiquement, s’adapter aux besoins du « non programmé ». Les structures des urgences qui doivent se réorganiser ! La prise en charge, au fil de l’eau, des patients se présentant dans une SU ne peut plus être un mode de fonctionnement pertinent. Devant leur augmentation d’activité et l’afflux constant des patients, les SU doivent aussi s’organiser en interne. Le temps du « premier arrivé / premier servi » n’est plus de mise et une formalisation de l’accueil, autour de l’IOA, doit être mise en place et expliquée aux patients. La Société Française de Médecine d’Urgence a défini un référentiel de l’IOA, la dotant d’outils validés pour assurer une classification des patients selon leurs besoins de prise en charge (CIMU : Classification Infirmière des Malades des Urgences). Il faut aller plus loin, et la mise en place de filières au sein des SU, dédiées à des modalités de prise en charge différentes, doit être développée. La mise en place, en particulier, d’une filière courte, dédiée aux patients les moins graves, permet d’améliorer l’efficience de l’ensemble d’une SU en diminuant aussi, ce qui peut paraître paradoxal, les durées de prise en charge des patients plus graves (The impact of a fast track area on quality and effectiveness outcomes : a Middle Eastern emergency department perspective. Devkaran S. et al. BMC Emergency Medicine 2009,9 :11). 5 4) Des solutions Faute de prendre en compte l’ensemble de ces difficultés, les Structures des Urgences et l’Hôpital Public dans sont ensemble, bien que plébiscités par la population et souvent citées en exemple, courent à leur perte. La qualité des soins ne doit pas être en danger, pourtant une dérive « britannique » est à craindre (la politique du chiffre ronge l’hôpital britannique – Le Monde, 14 février 2013). S’il n’y a pas de solution miracle, une « boite à outils » de mesures existe, agissant autant sur les admissions que sur les organisations, les sorties et le parcours du patient (S Schneider & coll. Acad Emerg Med. 2001 - FY Shih & coll. Am J Emerg Med. 1999 - I Feferman & coll. CMAJ. 1989), chaque établissement pouvant y puiser les outils qui lui sont les plus adaptés. Le concept de « bed management », développé aux Etats-Unis, a largement fait la preuve de son efficacité (Howell et al, Active bed management by hospitalists and emergency department throughput. Ann Int Med, 2008) La mesure, toutefois incontournable, est une prise de conscience collective, politique, institutionnelle, d’établissement … avec, comme le propose l’ANAP « une démarche institutionnelle reposant sur des droits et des devoirs de chacun ». Avoir une vraie visibilité sur les disponibilités des lits Peu d’établissements disposent d’un réel tableau de bord de leurs disponibilités. Les raisons en sont multiples : manque d’anticipation pour les hospitalisations programmées, lits « bloqué » pour des raisons matérielles, entrées et sorties non renseignées en temps réel … Pourtant, l’informatisation des hospitalisations, des mouvements, autorise une telle vision, dès lors que toutes les informations, issues de logiciels différents, puissent être colligées. Cette visibilité doit être à un instant « t » mais également prospective permettant de réguler les hospitalisations programmées. Si la durée prévisible d’une hospitalisation en fonction du motif de recours reste délicate, affecter à chaque admission une DMS correspondant à la DMS de l’unité concernée (qui souvent reste stable) permet déjà une approche pertinente. Le développement de cette gestion « hôtelière » est indispensable ! Adapter l’activité programmée à l’activité non programmée en non l’inverse Les admissions par la SU étant stables et non régulables, il convient de contrôler ce qui l’est, à savoir les admissions programmées. Toutefois, il ne faut pas oublier dans l’équation les admissions « urgentes » réalisées directement dans les services et une évaluation chiffrée de ces hospitalisations, unité par unité, semble un préalable indispensable. Favoriser les solutions alternatives à l’hospitalisation Hospitalisations à domicile, médicalisation et para-médicalisation accrues des EHPAD, accès direct à des consultations et avis de médecins spécialistes, valorisation du maintien à domicile, mises en réseaux avec la médecine libérale … sont des solutions qui doivent permettre de diminuer les hospitalisations indues. Fluidifier le parcours du patient au sein de l’établissement Une bonne coordination de l’ensemble des examens et soins est nécessaire afin de ne pas générer de journées d’hospitalisation indues par l’attente d’examens 6 complémentaires et de « rentabiliser » au mieux la première journée d’hospitalisation. Il semble intéressant se s’intéresser particulièrement aux séjours ne dépassant que d’une journée la DSM cible. Une étude locale (CHR Metz-Thionville) réalisée par le DIM met en évidence une libération quotidienne de 30 lits si ces séjours étaient diminués d’une journée Favoriser l’investissement des services de spécialité dans la prise en charge des patients « hors filières » La « sur-spécialisation » des praticiens et des unités d’hospitalisation tend à n’accepter, dans ces services, que des patients « mono-thématiques », ne relevant que de cette spécialité. Les établissements de santé, et particulièrement l’hôpital public, sont confrontés au vieillissement de la population et à la prise en charge de patients présentant de multiples pathologies, intriquées, qui relève d’une prise en charge globale. Des « fausses bonnes solutions » ont pu être envisagées : - les services de gériatrie aiguë ne doivent pas être le seul recours des personnes de plus de 75 ans, qui peuvent et doivent être prises en charge dans des services de spécialités, - la création de services « de post-urgence », trop souvent pris en compte par d’anciens urgentistes « recyclés » ne répond pas non plus totalement aux besoins (D Sinclair & coll. Ann Emerg med. 1998): ces services exposent au risque de « ghettoïsation » de la filière urgence, créant un « hôpital au sein de l’hôpital » et risquent d’accentuer le désintérêt des services de soins pour les urgences. Cette solution, retrouvée fréquemment dans les CHU doit être évaluée à moyen terme. - La notion « d’impôt lit », qui vise à imposer à chaque service de réserver des lits pour les urgences, atteint rapidement ses limites dès lors que les médecins du service n’acceptent plus de patient directement et les dirigent tous vers la structure des urgences … - Les « hébergements en service hôte » et les « réquisitions administratives », solutions souvent utilisées lors de déficit de lit ne sont satisfaisantes ni pour les praticiens peu enclins à pratiquer le nomadisme et occupés par leur propre service déjà saturé, ni surtout pour les patients dont la prise en charge est rarement satisfaisante. Anticiper la sortie dès l’admission Les problèmes médico-sociaux doivent être anticipés le plus tôt possible afin de ne pas retarder une sortie médicalement justifiée. La présence de travailleurs sociaux dans les SU, destinés à réaliser une enquête sociale dès l’admission, est promue dans un référentiel métier par la SFMU (B Tran & coll. Rev Epidemiol Santé Publique. 1995). Force est de constater que ces postes, affectés aux SU, sont trop souvent détournés vers d’autres missions au sein de l’établissement. Un audit de ces postes serait certainement justifié … Anticiper la sortie c’est aussi, pour des patients relevant de pathologies bien identifiées, orthopédiques ou neurologiques par exemple, réserver dès l’arrivée une place en SSR, là aussi sans attendre la veille de la sortie … Favoriser les sorties d’hôpital avant midi Une étude récente (Powell ES, et al. J Emerg Med. (2012)) a bien mis en évidence que la sortie avant midi (entre 10h et 11h) des patients hospitalisés permettait de libérer des lits plus tôt et de désengorger les urgences dont le pic d’activité entraine des 7 hospitalisations en début d’après midi. Ceci nécessite d’anticiper la sortie dès la veille (contre visite), et la mise en place d’une « check-list » de sortie est une aide précieuse. Toutefois, malgré la bonne volonté de tous, les sorties le matin ne sont pas toujours « humainement » possibles (personnes âgées devant attendre le retour des enfants du travail …) c’est pourquoi certains services mettent en place des salons d’attente ou les personnes valides (70% des hospitalisés retournent à domicile) peuvent attendre leur moyen de transport. Mettre en place une cellule médico-administrative d’hospitalisation La coordination de l’ensemble des actions est certainement un gage de succès. Celle-ci revient à une cellule spécifique dont la composition est à définir par chaque établissement même si un cadre supérieur de santé semble être un responsable adéquat dès lors qu’il (elle) aura nécessairement à traiter des informations médicales. Certains points sont cependant essentiels : - être sous l’autorité directe de la Direction Générale et du Président de Commission Médicale d’Etablissement - avoir autorité pour gérer les hospitalisations - s’assurer du bon respect du règlement mis en place - disposer d’un tableau de bord en temps réel des hospitalisations - garantir quotidiennement le nombre de lits nécessaire aux admissions via la structure des urgences. De principe, la participation d’un Médecin Urgentiste à cette cellule peut être envisagée, à titre de conseil, mais il ne doit pas en prendre la responsabilité. La situation actuelle montre l’échec de la gestion de l’aval des urgences par les urgentistes et il serait illogique de répéter le même schéma à l’avenir. Intégrer les procédures et objectifs dans les contrats de pôles L’implication des professionnels de santé doit impérativement être formalisée. Intégrer les objectifs et les modalités de la gestion des hospitalisations dans les contrats de pôles est une solution intéressante qui permet une valorisation des services qui « jouent le jeu » : « Envisager une révision annuelle du nombre de lits par pôle ou par groupe de service en fonctions de leur taux d’occupation, de leur DMS, de la proportion de patients accepté des urgences, des admissions directes, programmées ou non » (proposition des directeurs généraux et présidents de CME de CHU). EN CONCLUSION « Successful resolution of hospital and ED overcrowding may be the greatest challenge facing emergency medicine today » (Lynn SG and Kellermann AL, Ann Emerg Med, 1991). La surcharge des structures des urgences lors de l’hiver 2012-2013 a été un élément catalyseur du « raz le bol » des urgentistes, obligés de prendre en charge les patients dans des conditions inacceptables quant à la confidentialité et la qualité des soins. Le manque, réel ou relatif, de lits d’hospitalisation et donc de possibilité d’aval pour désengorger les services d’urgence afin d’admettre les patients « entassés » devant la porte, a été clairement mis en évidence. 8 Samu-Urgences de France a été le relai de cette situation, et une prise de conscience de l’ensemble de la communauté hospitalière a été favorisée par la mise en évidence d’une augmentation de la morbi-mortalité des patients et les mouvements sociaux déclenchés par les urgentistes. Des solutions existent dès lors que le fonctionnement actuel (gestion de l’aval des urgences par les urgentistes), visiblement inefficace, est remplacé par la mise en place du concept de « bed managment », concept anglo-saxon ayant fait ses preuves mais qui doit être adapté au fonctionnement de notre système de santé. Seul ce changement de cap, rapide, avant l’hiver prochain, permettra de pérenniser la filière urgence de nos établissements de santé, les urgentistes n’acceptant plus de devoir imposer des prises en charge inadaptée à leurs patients. « La FHF et les conférences de directeurs et de présidents de CME des CH, CHS et CHU sont persuadées que les solutions aux problèmes des Urgences doivent venir des professionnels eux-mêmes » (communiqué de presse FHF, 4 juin 2013) 9