Roadsters laissez-vous emballer

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Roadsters laissez-vous emballer
Série "LAmérique minquiète".
Roadsters laissez-vous emballer
Les Français, cest nouveau, sortent à découvert. Après Internet, les voilà qui surfent sur de drôles
dengins. Les Anglo-Saxons nomment cela roadster, les Latins spider. Et nous qui navons pas le
génie du langage contracté, nous dirons : petites voitures courtes, ludiques, bien dessinées,
décapotables, sans arceau, offrant deux places, un moteur vigoureux et une propulsion arrière. Dans
les années 60 et 70, les Anglais, avec leurs Triumph, MG, Sunbeam, Lotus, sen étaient fait une
spécialité. Puis vint la crise, qui engendra lère de la voiture utile. Elle se devait dêtre solide, sobre
et spacieuse. La dépression qui sabattit sur les économies balaya les Anglais. Seuls Mercedes et
Alfa-Romeo gardèrent ce genre de modèle dans leur catalogue. Sur le marché de loccasion les
petites anglaises sachetaient au prix fort. Au début des années 90, le renouveau devait venir du
Levant. Sinspirant largement de Lotus, le japonais Mazda a sorti la MX-5, vite surnommée
« Miata ». Un concept copié mais largement amélioré. Le moteur était fiable, puissant, économique,
la capote était incoupable, les commandes (direction, boîte de vitesses, pédalier) étaient vives et
directes. Et lagrément de conduite sans pareil. Le succès fut immédiat. Notamment aux Etats-Unis.
Les autres constructeurs ont vite compris la leçon. La plupart ont rejoint Mazda et les quelques
artisans passionnés restés fidèles au roadster (TVR, Morgan, Caterham, Donkervoort). Les plus
grands sy sont employés : BMW, Mercedes, Porsche, Rover (MG), Lotus, Renault, Fiat,
Alfa-Romeo. Chacun a apporté sa réponse, ses idées. Et voilà le marché qui explose. Pour la
première fois Porsche a été obligé de délocaliser sa production (en Finlande) pour satisfaire sa
clientèle ; BMW consacre à son Z3 la totalité des chaînes de son usine américaine de Spartenburg
initialement prévue pour fabriquer deux modèles. Enfin, chez Mercedes, on prend des commandes
pour... 1999. En France, il se vendra environ 5 000 roadsters cette année (contre 1 500 en 1996) et
plus de 6 500 en 1998. Bien sûr, ce plaisir nest pas à la portée de tous les budgets : de 100 000
francs pour une Mazda à presque 300 000 francs pour une Porsche. Mais toutes les marques
devraient y trouver leur compte. Car le roadster est souvent une « troisième voiture ». Ainsi chez
Mercedes lacheteur « moyen » est-il souvent une femme, la cinquantaine, qui achète le modèle haut
de gamme (SLK 230 Kompressor), une voiture que lon croise dans les beaux quartiers. Porsche, en
proposant sa Boxster pour la moitié du prix dune classique 911, cherche à se trouver de nouveaux
fidèles. Renault ou Lotus sadressent à ceux que la seule vue dun virage, fût-ce un rond-point,
transporte de joie. Mazda, Fiat ou MG, grâce à des voitures équilibrées, amusantes, à des prix
abordables, attireront les plus jeunes ou les moins fortunés. Seul BMW chasse, avec succès, sur les
terres de tous ses concurrents et propose une gamme complète de son élégant Z3, allant de 160
000 francs à beaucoup, beaucoup plus pour un modèle équipé dun moteur monstrueux de 321
chevaux. Alors, bon vent ! Renault Spider : elle bondit Voilà une voiture dont on ne sort plus. Dabord
parce que lexercice nest pas simple, mais surtout parce que le plaisir de la piloter est incomparable.
Ici il ny a ni chauffage, ni capote, ni radio. Le strict nécessaire, sans assistance daucune sorte :
attention ! le premier freinage sera délicat. Mais la route vous est transmise brute de goudron. Les
sensations sont délicieuses. Un moteur qui rugit, une voiture qui bondit. Le confort reste raisonnable
même sur autoroute. On est vite tenté de demander 50 chevaux supplémentaires, une boîte
séquentielle (type rallye ou moto) et un véritable harnais de sécurité. Sous la pluie le spider
nécessite quelques bons réflexes et des notions de pilotage. Dans la même veine, Lotus a conçu
lElise, moins puissante mais plus légère. Spider : 4 cyl. de 1 998 cm3, 150 ch, 215 km/h, 195 000 F.
Lotus Elise : 4 cyl. de 1 795 cm3, 120 ch, 201 km/h, 173 000 F. Mercedes SLK : confortable Héritière
Jean-Paul Dubois
Première publication : 31 septembre 199
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des luxueuses SL, toujours disponibles à des prix exorbitants, la SLK (K pour Court) est le roadster
le plus intelligent du marché avec son toit qui la transforme en un vrai coupé. Les sensations
roadster ont été un peu (trop) gommées. On est ici dans une voiture confortable, sans charme
particulier. Le toit est parfait pour faire de la route, même à vive allure. Cest le seul roadster dans
lequel on peut tenir une conversation sans forcer la voix. Sur le modèle de base (SLK 200) la boîte
automatique est recommandée. SLK 200 : 4 cyl. de 1 998 cm3, 136 ch, 208 km/h, 203 000 F. SLK
230 Kompressor : 6 cyl. compressés de 2 295 cm3, 193 ch, 231 km/h, 242 800 F. Alfa Romeo
Spider : le style avant tout Mine agressive, profil tranché, arrière minimaliste, cette Alfa-Romeo a du
style et cest son principal argument de vente. Une voiture qui suscite le coup de foudre ou la
répulsion immédiate. Au volant, comme sur la Porsche, la musique des échappements est
étonnante. La caisse, elle, manque de rigidité et la traction avant rend la conduite de cette voiture
moins amusante. On est dailleurs à la limite de la notion de spider. La digne héritière des petits
spiders Alfa est plutôt proposée par la maison mère du groupe, avec une Fiat Barchetta amusante et
bon marché avec, là encore, un style sans concession. Alfa Romeo Spider : 4 cyl. de 1 970 cm3, 150
ch, 215 km/h, 180 800 F ; ou 6 cyl. de 2 959 cm3, 192 ch, 225 km/h, 240 800 F. Fiat Barchetta : 4
cyl. de 1 747 cm3, 130 ch, 200 km/h, 132 200 F. Porsche Boxster : musicale Ralentir, freiner puis
sarrêter. Sarrêter au milieu dune campagne déserte et là faire rugir son moteur. Pour le seul plaisir
de ce son inimitable. Une Porsche se doit dêtre musicale. La firme de Stuttgart, qui voulait mettre
sur le marché une auto moins onéreuse que la célèbre 911, a parfaitement réussi son essai. Tous
les regards convergent vers une ligne extraordinaire. Au volant, tout est facile, doux et luxueux.
Seule critique : la direction est un peu légère à haute vitesse, ce qui nempêchera pas les amateurs
de sensations de réclamer bientôt quelques chevaux supplémentaires... Ils auront vite satisfaction.
La capote entièrement automatique, repliée en 12 secondes, est la référence absolue. Boxster : 6
cyl. de 2 480 cm3, 204 ch, 240 km/h, 278 000 F. BMW Z3 : la star Cest la star de la catégorie. Son
style très réussi y est pour beaucoup. Le Z3 est un roadster et une BMW. Les habitués de la marque
trouveront sans doute le modèle de base peu cher. BMW tient dailleurs la tête des ventes. Les
impressions sont celles dun vrai roadster. On prend du plaisir cheveux au vent et lon samuse sans
souci dans les lacets des routes de montagne. BMW tient à son image de solidité, et la voiture
répond aux critères de la marque. Le modèle 1,9 litre est un peu inutile ; celui de 2,8 pourra satisfaire
les plus riches ou les plus sportifs. Quant au Z3 M, il nest pas à mettre entre toutes les mains. Son
prix est dailleurs dissuasif, ce qui nest pas plus mal. Le groupe BMW propose aussi la Rover MG-F,
une auto de bonne facture, peut-être un peu trop japonaise pour une anglaise, le monde à lenvers !
On regrettera les bonnes vieilles MG-B de papy. BMW Z3 : 4 cyl. de 1 796 cm3, 115 ch, 194 km/h,
159 900 F ; ou 4 cyl. de 1 895 cm3, 140 ch, 205 km/h, 178 900 F ; ou 6 cyl. de 2 793 cm3, 192 ch,
218 km/h, 219 900 F ; ou 6 cyl. de 3 201 cm3, 321 ch, 250 km/h, 334 000 F. Rover MG-F : 4 cyl. de
1 796 cm3, 120 ch, 193 km/h, 149 750 F ; ou 4 cyl. de 1 796 cm3, 145 ch, 209 km/h, 171 900 F.
Mazda Miata : vive et drle A moins de 100 000 francs, la Miata est une voiture formidable, vive et
drôle. Face à un Z3 ou à une Barchetta, la ligne est certes un peu banale, mais la Miata est vraiment
le modèle à recommander à tous ceux qui veulent profiter des joies du roadster sans sendetter pour
dix ans. On peut aussi noter que lon trouve des modèles doccasion en parfait état. Cest la voiture
parfaite pour débuter... avec un budget raisonnable. Mazda MX-5 : 4 cyl. de 1 598 cm3, 90 ch, 175
km/h, 99 900 F. Christophe Bouchet HEUREUX, SEREIN, AERIEN... Une vie sans toit Jean-Paul
Dubois a toujours eu la passion des décapotables. Il sy sent comme un fakir qui sillonnerait
lexistence sur son tapis volant Pour une fois, je sais vraiment ce dont je parle. Les cabriolets, cest
mon domaine. Je suis en quelque sorte né dedans. Mon père en possédait un splendide, et songez
que, pour ma part, dès lâge de 5 ou 6 ans, javais déjà modifié, en les décapotant, toutes les Dinky
Toys que lon moffrait. 203, 4cv, Simca 5, Chevrolet Bel Air, Dyna Panhard, 403, DS, Versailles,
Frégate et Studebaker. La Studebaker, vous ne saurez jamais leffet que me faisait cette voiture.
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Cest dailleurs avec elle quont commencé à se développer mes conduites compulsives de petit
carrossier. Je me souviens davoir admiré, jaugé, évalué ce coupé pendant des heures, des jours
entiers. Et puis, un soir, ce fut la révélation. Cette auto navait quun défaut. Elle avait un toit en trop.
Je décidai donc de revoir à ma façon ce chef-doeuvre dessiné par Virgil Exner et Raymond Loewy
et le transformai en cabriolet. Un mois plus tard, grâce à une paire de pinces, une petite scie à
métaux et un gros trousseau de patience, je me retrouvais à la tête dun parc automobile remodelé,
exclusivement composé de roadsters. Les garant avec soin le long de la bordure du tapis, loeil collé
au parquet pour mieux apprécier leurs nouvelles perspectives, je redécouvrais les lignes épurées de
toutes mes voitures. Plus tard, lorsque je fus en âge dobserver certaines subtilités de lexistence, il
mapparut, sans que je fus vraiment capable den expliquer les raisons, quun conducteur de
cabriolet deux places semblait toujours, au volant comme dans la vie, plus heureux, plus serein, plus
aérien, quun possesseur de conduite intérieure. Cela tenait à peine debout, mais ces sommaires
impressions ajoutées à mes juvéniles obsessions mamenèrent tout naturellement aux alentours de
19 ans à acheter à la casse une Volkswagen 1200 sévèrement rudoyée à la suite dun tonneau.
Retrouvant mon inspiration et mes gestes denfance, je scalpai le toit, les montants affaissés, et
après quelques emplâtres sommaires, soudai un nouveau cadre de pare-brise. Un sellier sous acide
consentit à me coudre une capote quasi transparente qui donnait à mon véhicule des allures de
sabot brodé de mica. Bâché, lengin évoquait une vague inclusion sous résine qui effrayait pigeons
et nourrices. Toile pliée, la voiture ressemblait à un vieux porte-savon. Et pourtant, dès que je roulais
dans cette vasque disgracieuse, jéprouvais le sentiment dexister sans toit ni loi, dincarner une
sorte de fakir sillonnant la vie sur un tapis volant. Aujourdhui, au volant de ma vieille MGB, après
avoir usé quelques Triumph, Sunbeam et autres Karmann Ghia, je continue, été comme hiver, de
rouler turban au vent, tel le magicien dantan. Jécope toujours les infiltrations de la pluie, je
mobstine à faire taire les langues du froid qui se faufilent dans les interstices de la capote, je
mefforce de parer aux pannes mécaniques, électriques, éclectiques qui mimmobilisent parfois
comme un mauvais lumbago. Au fond, chaque voyage ressemble à une sorte de petite Croisière
Jaune. Mais bon Dieu, quand jarrive au bout, un peu fourbu, le dos rossé par les ressorts à lames,
le visage cuit par le soleil, la cuisse brûlée par la chaleur du tunnel de boîte, les cheveux aspirés vers
le ciel et noués par le vent de la vitesse, jéprouve le sentiment confus davoir réussi un petit truc
dont mon père serait fier. Et puis il y a la joie de suivre sa route au grand air, de rouler le front
humecté par une bruine dautomne, le bonheur de se faufiler dans la vie comme une salamandre, et
pourquoi pas, le jour venu, de mourir dans une Dinky Toys. Parfois, au détour dune route ou au coin
dune rue, un gosse me regarde passer les yeux grands ouverts comme si jétais une étoile filante.
Et à cet instant précis, je sais parfaitement ce quil pense. Que les types qui roulent en cabriolets ont
une chance du diable. Et cela na rien à voir avec une sellerie de cuir Connely, la course de
lalésage, le cumul des soupapes ou la fulgurance du kilomètre arrêté. Pour rejoindre le club des
fakirs, point besoin des nouvelles et dispendieuses SLK, Z3 ou Miata. Pour le tiers du prix de la
moins chère des sinistres berlines familiales à toit dur vous pouvez vous offrir un bon vieux roadster
de toile molle. Bien sûr, cela inclut un style de vie qui exclut pas mal de monde. Mais lorsque, un soir
dété, roulant cheveux au vent sur la route de la côte, vous sentirez, derrière le pare-brise, se mêler
toutes les odeurs de la terre et de la mer et que votre passagère vous passera la main sur la nuque,
alors, vous vous retrouverez infiniment jeune, heureux, pareil à cet enfant qui jadis rêvait de
Studebaker allongé sur les franges dun tapis volant.
Jean-Paul Dubois
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N°1 Série "LAmérique minquiète".
Jean-Paul Dubois
Première publication : 31 septembre 199
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