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MEMORANDUM DE LA COBEFF – mai 2013
QUI SOMMES-NOUS ?
La COBEFF, asbl d’insertion socioprofessionnelle basée à Schaerbeek, a fêté ses 20
ans en 2012. Elle est la partenaire des femmes et des hommes qui souhaitent
accéder à l’autonomie professionnelle avec dignité. Elle organise des formations
qualifiantes (vente, cuisine, aide-soignant, auxiliaire de l’enfance, assistant en
logistique, agent d’entretien hospitalier, deuxième degré, aide à domicile) et propose
un accompagnement personnalisé pour une intégration socioprofessionnelle
durable et de qualité.
http://www.pokitinprod.eu/cobeff-paroles-de-femmes-le-webdocumentaire/
NOS CONSTATS
Depuis quelques années, nous faisons des constats inquiétants : le chômage
augmente, les conditions d’emploi se dégradent, les inégalités s’intensifient. Nos
stagiaires, demandeurs d’emploi, souvent des femmes seules avec enfants,
rencontrent des difficultés majeures pour faire aboutir leur projet professionnel.
NOS REVENDICATIONS
Ces situations compromettent les efforts individuels et collectifs de nos
apprenants. Il est de notre responsabilité de vous informer de la réalité du
terrain. Maintenant, à vous de prendre des mesures concrètes et à long
terme afin de réagir à ces inégalités.
Face aux situations de précarité que nous rencontrons, nous vous
demandons avec force de prévoir des mesures pensées sur le long terme
pour les priorités ci-dessous :
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lever les pièges à l’emploi et assurer des conditions de travail dignes
en termes de salaires et d’horaires.
ouvrir des places d’accueil d’enfants pour permettre aux parents de se
former et de travailler.
contrôler et réprimer les pratiques abusives ou illégales de certains
employeurs.
veiller à l’accompagnement des chômeurs et allocataires sociaux en
tenant compte du projet professionnel et de la réalité du marché de
l’emploi.
élargir l’accès à la formation au niveau du CESS.
obtenir l’égalité des statuts entre auxiliaires de l’enfance et
puéricultrices.
donner aux associations le temps et les moyens pour former les
personnes mais aussi pour assurer leur suivi après la formation en
vue de la recherche et du maintien à l’emploi.
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A.
DES POLITIQUES SOCIETALES FAVORISANT L’INSERTION
1.
Supprimer les pièges à l’emploi
De nombreux allocataires voient leurs revenus diminuer et leur situation s’aggraver
en accédant à l’emploi. Les raisons sont, d’une part les conditions de travail dans
certains secteurs : montant du salaire minimum, temps de travail morcelés (vente,
horeca, santé…). D’autre part, les personnes engagées perdent plusieurs avantages
(allocations familiales majorées, certaines aides au niveau des soins de santé,
gratuité des transports publics…) sans bénéficier d’un complément pour temps
partiel ou bas salaire. A cela, des frais s’ajoutent (transports, gardes d’enfants,
d’habillement, …)
En outre, la situation de ces personnes est perturbée à la fin du contrat : elles ne
récupèrent leurs anciens avantages que plusieurs mois après la fin du contrat et
donc leurs revenus diminuent encore plus.
Sur le terrain : Nadia, 37 ans, séparée avec deux enfants, travaille comme aide
ménagère à mi-temps en contrat à durée indéterminée. Elle perd 297 euros par mois à
cause d’un salaire inférieur aux allocations de chômage et de la perte des allocations
familiales majorées.
Il est donc vraiment crucial de croiser davantage les politiques de l’emploi, de
la santé et de la sécurité sociale afin d’éviter que l’accès à l’emploi ne dégrade
le niveau de vie des travailleurs.
2.
Développer les services d’accueil de la petite enfance
La carence en structures d’accueil est bien connue de tous. Faute de places,
nombre de personnes ne peuvent accéder à une formation ou un emploi car elles
rencontrent des difficultés, que ce soit pour trouver une place en crèche ou chez
une accueillante, pour obtenir une garde d’enfants malades ou pour accueillir les
enfants pendant les vacances scolaires.
Par ce fait, ces parents sont freinés dans leur projet d’insertion et dans leurs
démarches. Ils sont d’autant plus relégués dans les difficultés sociales qu’ils ne
disposent généralement pas d’un réseau de solidarité privé.
Par ailleurs, cette carence amène des dérives qui se traduisent par une
augmentation du coût et une diminution de la qualité.
Sur le terrain : Gisèle, 28 ans, n’a pas pu commencer sa formation d’assistant en
logistique faute d’obtenir une place en crèche pour son bébé.
Il est donc vraiment primordial d’augmenter les places de qualité dans les
structures d’accueil et de garantir les conditions d’accès pour tous à ces
institutions.
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3.
Contrôler et réprimer les pratiques abusives ou illégales de certains
employeurs et agences d’intérim
Le rapport de force entre un demandeur d’emploi et l’employeur est à la faveur de
ce dernier. Le taux élevé de chômage et, en corollaire, l’augmentation du nombre de
travailleurs qualifiés qui cherchent du travail permettent aux employeurs
d’accroître leurs exigences même pour des postes à basse qualification (embauche
de personnes surqualifiées aux dépens de personnes correspondant au profil, par
exemple) ou de proposer des conditions de travail déplorables (horaires morcelés,
rémunération très basse, succession abusive de CDD,...).
Sur le terrain :
Marina, travailleuse en intérim, a signé chaque semaine un contrat à durée
déterminée pendant plusieurs mois parce qu’on lui faisait miroiter un CDI. Sa charge
de travail requérait des heures supplémentaires, payées en deçà de son salaire
normal. Elle savait que ces pratiques étaient incorrectes mais avait peur de perdre
son emploi.
Philippe, aide soignant, est engagé dans une maison de repos privée de la RBC en
mars 2010. Son contrat est un contrat à durée déterminée de un an à temps partiel.
Avant de lui proposer un CDI, l’employeur lui demande de faire ses preuves durant
un an de CDD. Très vite, Philippe se rend compte qu’il lui est imposé de travailler
d’abord un week-end sur deux puis tous les week-ends du mois de mai. Lorsqu’il
interpelle la direction, on lui répond que c’est normal puisqu’il est le dernier arrivé… Il
peut théoriquement récupérer les heures prestées mais ne touche pas régulièrement
les compensations salariales réglementaires pour prestations irrégulières…
Nous vous demandons d’empêcher la dérégulation du marché de l’emploi en
sanctionnant les employeurs qui n’appliquent pas le cadre légal ou qui le
transgressent.
4.
Veiller au suivi constructif des stagiaires par l’ONEM, les CPAS ou
l’Office des Etrangers
Les personnes qui viennent en formation sont porteuses d’un projet, d’une grande
motivation à s’insérer en prenant une place active dans la société. Elles sont parfois
freinées dans leur projet par ceux-là même qui devraient les soutenir dans leur
formation. Certains CPAS exigent de leurs allocataires d’être disponibles pour des
emplois le plus souvent précaires et non qualifiés, alors même que ces personnes
sont en formation qualifiante. De plus, certains futurs stagiaires doivent
« demander l’autorisation » à leur CPAS pour commencer une formation, ce qui
porte atteinte à leur liberté individuelle et à leur dignité. Il leur est aussi demandé
d’effectuer des démarches administratives en journée auprès de leur CPAS, du
syndicat ou de l’ONEM au détriment de leurs heures de cours ou de stage.
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Par ailleurs, les personnes en procédure de régularisation à l’Office des Etrangers
ou souhaitant acquérir le droit de vivre en Belgique par le biais de la formation
qualifiante sont ou bien incertaines de l’issue favorable de leurs efforts ou bien
simplement exclues du secteur de l’ISP.
Sur le terrain : Kadija, 26 ans, enceinte et donc écartée de ses stages à l’hôpital par
prophylaxie, a été sanctionnée par le chômage pour avoir arrêté sa formation, alors
que sa place était réservée l’année suivante pour achever celle-ci. Elle ne savait pas
qu’elle pouvait faire un recours.
Léa, en formation d’aide-soignante depuis 5 mois (et après le parcours de sélection), a
été soumise à des pressions de la part de son CPAS pour accepter un article 60
comme nettoyeuse qui se serait terminé en même temps que sa formation. Pour que
Léa puisse poursuivre la formation, la directrice de la Cobeff a du intervenir pour
prouver au CPAS que la fonction d’aide-soignant menait à l’emploi avec certitude en
Région Bruxelles Capitale.
Aïshat, 27 ans, en Belgique depuis 2008, termine avec succès la formation vente, en
juin 2012, après un parcours d’insertion en préformation, et au moment d’accéder à
un emploi suite à ses stages, se voit refuser son renouvellement de titre de séjour.
Nous demandons avec insistance que le suivi et le contrôle tiennent compte
de la cohérence du projet de la personne et respecte les procédures légales.
B.
POUR UNE POLITIQUE D’INSERTION SOCIO-PROFESSIONNELLE A
LONG TERME
1.
Donner accès à la formation pour tous
Les exigences légales ne correspondent pas à la réalité de terrain.
Par exemple, les personnes porteuses d’un CESS sont « surqualifiées » pour
Bruxelles Formation. Ou encore, l’entrée en formation d’assistant en logistique
requiert le deuxième degré. De nombreuses personnes qui n’ont pas leur 2ème
degré (ou équivalence) sont cependant tout à fait capables de devenir de très bonnes
assistantes en logistique et beaucoup de CESS n’offrent plus vraiment de débouché.
En revanche, nos stagiaires ont parfois une riche expérience professionnelle qu’elles
ne peuvent exploiter faute de diplôme.
Sur le terrain : Justine n’est pas prioritaire pour entrer en formation car elle est
titulaire d’un CESS. Il s’agit d’un CESS couture obtenu il y a 15 ans. Quelles portes ce
diplôme lui ouvre-t-il ?
Nous demandons un élargissement de l’accès aux formations qualifiantes aux
titulaires d’un CESS, tout en garantissant une place aux personnes les moins
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scolarisées, afin qu’elles puissent aussi se former et s’émanciper dans le
travail.
2.
Equivalence des diplômes et des fonctions entre la promotion sociale et
l’enseignement de plein exercice.
Dans le secteur de la petite enfance, la promotion sociale et l’enseignement de plein
exercice aboutissent à deux diplômes distincts, créant ainsi une discrimination au
détriment des titulaires d’un titre obtenu en promotion sociale.
De trop nombreuses structures d’accueil refusent d’engager des auxiliaires de
l’enfance sous divers prétextes alors qu’un arrêté de la Communauté Française
(A.G.C.F. du 9/12/2005 – M.B. du 6/1/2006) reconnait les auxiliaires de l’enfance
et les autorise à exercer toutes les tâches d’un puériculteur et d’en percevoir le
salaire au même barème….
Par ailleurs, compte tenu de la spécificité du diplôme d’auxiliaire de l’enfance, les
personnes qui en sont titulaires se voient régulièrement exclues des recrutements
pour des questions administratives liées au niveau de certification au détriment de
leurs compétences.
Parce qu’elle n’a pas de 7ème professionnelle, Leila n’a pas pu obtenir de la part
d’Actiris l’offre d’emploi ACS pour postuler dans une crèche bruxelloise. La directrice
voulait pourtant l’engager car Leila y avait fait un très bon stage. Le poste est
maintenant occupé par une autre auxiliaire de l’enfance qui avait auparavant eu la
‘chance’ d’obtenir un CESS coupe-couture…
Leila n’a aucun diplôme de l’enseignement de plein exercice et n’entre donc pas dans
le statut ACS pour ce poste-là. Elle est certifiée depuis un an et demi. En raison de ce
« handicap » administratif, elle est toujours à la recherche d’un emploi malgré un
certificat de la promotion sociale et des compétences reconnues et soulignées par les
lieux de stage…
Nous demandons que les diplômes de puéricultrice et d’auxiliaire de l’enfance
soient reconnus équivalents, qu’il s’agisse des fonctions occupées, des
rémunérations, des aides à l’emploi ou des évolutions de carrière et que les
conventions ACS puissent intégrer automatiquement le certificat d’auxiliaire
de l’enfance.
3.
Evaluer notre travail sur d’autres critères que les seules mises à
l’emploi
Nous obtenons nos subsides en regard de nos mises à l’emploi. Nous souhaiterions
que d’autres critères soient pris en compte pour assurer la pérennité de notre
travail car une personne formée, femme ou homme, mère ou père, apporte aussi
des ressources à son entourage. Nous veillons dans nos formations à donner des
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modules sur le fonctionnement de la société belge, le surendettement, les violences
conjugales, les premiers soins, la communication, l’informatique…
Les compétences que les stagiaires ont acquises comme citoyennes et citoyens leur
seront utiles ainsi qu’à leur entourage, même sans mise à l’emploi directe. Nous
sommes souvent témoins de la fierté d’un parent qui reprend confiance en lui, qui
étudie et qui réussit ses examens.
Nous demandons des financements structurels permettant d’assurer la
pérennité de notre activité et que soit reconnue la valeur de notre
intervention au-delà de la seule compétence technique ou de la seule mise à
l’emploi.
4.
4.1
Permettre un suivi personnalisé et transversal
Du temps pour se former
Nous adoptons une démarche globale d’insertion sociale et professionnelle.
La communication, la déontologie et la vie sociale sont des cours donnés dans
toutes les formations. Nous travaillons avec nos groupes la maturité
professionnelle, l’interculturalité, le recul à avoir sur ses propres représentations
pour s’ouvrir à celles des autres, l’assertivité, la gestion de ses émotions,
l’intégration dans une équipe de travail, l’autonomie…
Ces acquisitions ne peuvent pas être intégrées en une heure de cours. Nous faisons
un travail personnalisé tout au long de son parcours avec chaque apprenant pour
l’aider à avancer, à travailler ses forces et ses manquements. Il faut du temps pour
cela. Nous ne voulons pas de formations « copié-collé », qui dispensent des cours
techniques en un minimum de temps pour correspondre à une fonction ponctuelle.
Le niveau de compétences requis pour un poste à faible qualification comprend bien
souvent le bilinguisme, la connaissance de l’outil informatique, de bonnes capacités
relationnelles, de l’autonomie. Ce qui fait office maintenant de prérequis demande
déjà un apprentissage qui n’est pas à la portée de tous, créant de grandes
inégalités. De plus, une difficulté fréquemment rencontrée par les employeurs est
l’absentéisme. En donnant les outils à nos stagiaires pour affronter les difficultés
du monde du travail, nous préparons leur maintien à l’emploi en assurant leur
maturité professionnelle. Nous les aidons aussi à stabiliser leur situation privée en
les orientant vers les services adéquats pour résoudre les nombreuses difficultés
qu’elles rencontrent (logement insalubre, problèmes économiques, nonrecouvrement des pensions alimentaires, violences conjugales,…).
Nous demandons que soit davantage reconnue cette dimension de notre
travail essentielle à l’épanouissement personnel et professionnel et que les
moyens alloués soient à la hauteur de nos besoins.
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4.2.
Du temps pour accompagner vers et à l’emploi
En plus des outils donnés en formation, un suivi vers et à l’emploi est nécessaire
pour soutenir les apprenants dans leurs nouvelles fonctions. Nous croyons que ce
service ne peut prendre son sens et sa place qu’à condition d’accueillir les stagiaires
sur une base volontaire, sans contrainte ni contrôle, selon leurs besoins et à leur
rythme. Nous croyons fermement à la relation de confiance et à ses bénéfices et
nous travaillons sur base des ressources des stagiaires. Ce service existe déjà à la
Cobeff, et est très sollicité, mais il n’est pas reconnu en tant que tel par les pouvoirs
subsidiants.
Nous demandons les moyens nécessaires pour accompagner les stagiaires
pendant tout leur parcours à la COBEFF, pendant et après la formation.
L’équipe de la Cobeff.
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