jerrycan_TdG_20120306

Transcription

jerrycan_TdG_20120306
Culture23
Tribune de Genève | Mardi 6 mars 2012
Performance
Jerrycan condense son univers
dans un premier album
En treize titres,
le Genevois réussit la
performance de sortir
un disque à son
image: «Pampa!»
Laure Gabus
Tel un superhéros, Jerrycan envahit la scène en combi de ski has
been, foudroie le public de son
regard bleu métallique, l’envoûte
de sa voix malicieuse et de ses
danses décalées. Le personnage
est né de l’imagination de son
père créateur – le Genevois Christophe Balleys. Son univers s’étend
grâce aux notes de Germain
Umdenstock et aux apports de vidéastes, danseurs et réalisateurs
amis.
Le 9 mars, Jerrycan sort son
premier album. Pampa! comme
un cri de victoire après trois années de maturation. Un aboutissement à (re)découvrir le 15 mars au
Casino Théâtre, dans le cadre du
festival Voix de Fête.
Christophe Balleys, vous avez
créé Jerrycan. D’où vient-il?
Il est né après ma première expérience musicale, Ensemble Vide.
Pour ne pas être trop seul, j’ai fait
un fanzine (ndlr: un journal intime
artistique) qui s’appelait le journal
d’un chanteur qui n’a (pas) peur.
L’acte de naissance a été de dessiner Jerrycan. Chaque planche correspondait à un état d’âme ou à
une expérience. Appeler une salle
de concert, par exemple. Dessiner
a permis de créer un monde imaginaire. C’était une façon de me
mettre face à mes désirs et de
prendre rendez-vous.
Et de réaliser les rêves de
Christophe Balleys…
Exactement. Jerrycan est un prolongement de ma vie, un espace
de liberté dans lequel il est possible de crier, de danser et de dire
des choses que je ne me permets
pas dans la vie.
Vous travaillez avec des
vidéastes, un musicien et
parfois un danseur. L’univers de
Christophe Balleys - alias Jerrycan - sort son premier album vendredi. Il se produira jeudi 15 mars au Casino-Théâtre. MAGALI GIRARDIN
Ecouter à Voix de Fête
U Une sélection de chanteurs
francophones à découvrir à Voix
de Fête.
Mardi 13 mars, Grand Corps
Malade «slamera» à 20 heures au
Palladium.
Mercredi 14 mars, le
Genevois Pierre Lautomne
chantera à 20 heures au CasinoThéâtre, juste avant Morabeza
Project.
Jeudi 15 mars, Thomas
Dutronc se produira à 20 heures
30 au Palladium et Jean-Louis
Murat à 20 heures au CasinoThéâtre.
Vendredi 16 mars, le jeune
Suisse Bastian Baker chauffera le
public du Palladium à 20 heures
30, juste avant le concert de Julien
Doré qui débutera à 22 heures.
Pendant ce temps-là et dès
21 heures 30, le groupe genevois
Aliose jouera au Casino-Théâtre.
Samedi 17 mars, Thomas
Fersen bercera le Palladium à
22 heures pendant que le rappeur
Orelsan se produit à Château
Rouge.
Dimanche 18 mars, Bertrand
Belin clôturera le festival au Chat
Noir.
Programme complet disponible sur voixdefete.com
Jerrycan se partage-t-il?
Cela m’intéresse d’ouvrir mon
univers à des domaines qui ne
sont a priori pas les miens. Je propose le cadre de jeu, et ils peuvent
le prolonger. Prenez le «Super
Guitar Hero». Sur scène, mon
image est projetée, et Germain
Umdenstock joue un solo de guitare sur la bande-son. Il devient le
superhéros!
vail avec le guitariste ont amené
cette énergie…
Vos performances mélangent
danse, vidéo et musique.
Comment fait-on rentrer trois
dimensions dans un CD?
Il faut trouver la manière d’amener l’énergie scénique de manière
sonore. L’enregistrement ne doit
pas être exactement comme la
scène. Les arrangements et le tra-
Mais qui est Jerrycan au fond?
Comme l’a dit le programmateur
de Voix de Fête, le projet Jerrycan
est premier degré, deuxième degré et troisième dimension. Il peut
arriver que l’on soit dans l’humour, mais il y a une fragilité que
j’ai envie de prendre au premier
degré.
Et sur scène, quel est le moteur
de Jerrycan?
Sur scène, je recherche la spontanéité tout en restant juste et précis. C’est bien joli d’être maladroit, amateur et spontané, mais
cela ne veut pas dire que le public
peut le digérer.
Il pleut au
Quai Branly
Exposition
Toutes les cultures sont
préoccupées par l’eau du ciel.
Paris propose un tour du
monde, de l’Afrique au Japon
Attendue par les uns, redoutée par
les autres, la pluie inspire toutes les
cultures humaines. C’est encore le
cas aujourd’hui, même si on a en
principe renoncé aux sacrifices humains pour faire tomber des gouttes non plus de sang, mais d’eau.
Grâce à 95 accessoires de pluie
et objets rituels, l’exposition La
Pluie présentée au Musée du Quai
Branly permet de comprendre des
relations complexes. Ce sont celles
qu’entretiennent les hommes avec
l’eau du ciel, de l’Afrique à l’Amérique en passant par l’Océanie.
L’idée de revisiter les collections
du quai Branly à travers ce thème
est venue à la commissaire de l’exposition Françoise Cousin, ethnologue, lors d’un voyage en Inde, pays
des moussons. «Des fillettes jetaient
dans le fleuve deux figurines qu’elles avaient sculptées et mariées au
début du cycle agricole. Il s’agit
donc là d’un rituel existant encore.»
Il accompagne les saris à rayures
diagonales portés par les femmes,
avant et pendant la mousson. Le
vêtement adopte des couleurs évoquant les jeunes pousses.
C’est par les manteaux de pluie
que le visiteur commence l’exposition. Sont notamment là un incroyable anorak d’enfant en intestin de phoque, venu d’Alaska, ou un
abri tressé d’Indonésie. Il existe en
effet une grande variété dans le degré de sophistication, comme l’illustre une vitrine consacrée au Japon.
«Dans ce pays, il existe plus de 400
mots pour dire qu’il pleut.»
A l’image de la scénographie,
Françoise Cousin a souhaité que les
objets sélectionnés dans les énormes collections du quai Branly se
répondent. «Ils doivent se parler
autour de rituels. Il s’agit d’aborder
les symboles et représentations des
mondes de la pluie.»
L’Occident, normalement absent des collections du Quai Branly,
se retrouve ici présent. Lui aussi
poursuit sa quête de pluie. Il suffit
de penser au gouverneur républicain du Texas, Rick Perry. L’homme
a organisé «trois jours de prière
pour que tombe la pluie» sur son
Etat… A Hollywood, on dirait plutôt
Chantons sous la pluie. ED/AP
«La pluie» Musée du Quai Branly,
37, quai Branly, Paris, jusqu’au
13 mai. Ouvert du mardi au
dimanche. Site www.quaibranly.fr
Robert Combas met K.-O. un musée lyonnais. Le peintre montre 600 œuvres
Lyon célèbre le retour d’un
peintre qu’on disait oublié et
fini. L’homme s’y montre et s’y
fait entendre en musique
Ecolier, il gribouillait dans les marges. Un peu comme tout le monde…
Sauf qu’entre-temps il est devenu
Combas. Chantre de l’immédiateté
dans un univers parfois urbain, parfois religieux, souvent dur et violent, mais où on ne meurt jamais,
l’homme exorcise la peur de l’inéluctable. «Je dis souvent que j’aimerais apprendre à mourir. Quand le
commissaire de cette exposition a
voulu appeler une salle Mort, j’ai
changé en «tête de mort», comme
on dirait «tête de veau». C’est tout
de suite plus rigolo.»
«Combas, c’est Combas», affirme Richard Leydier, commissaire
de la rétrospective que lui consacre
le Musée d’art contemporain de
Lyon (MAC). L’accrochage escomptait 300 œuvres. Il y en a plus de
600! Des Mickeys, des monstres et
autres personnages triangles qui
Contrôle qualité
A 55 ans, Combas s’installe au musée. HARALD GOTTSCHALK
fondent le style Combas jusqu’aux
motifs qui s’autonomisent avec les
anges déchus inspirés par le Paradis
perdu du poète anglais John Milton.
Acryliques, bois, papiers, sculptures, dessins couvrent trente-cinq
ans de carrière et affirment haut et
fort que la superstar des années 80
n’avait pas encore tout dit.
D’abord proche du graffiti, son
style s’est libéré pour s’abreuver à
sa propre source. Anecdotique, il
est devenu suprêmement contemporain pour une société qui a donné
les pleins pouvoirs à l’image. Compagnon de route de Ben, exposé
aux Etats-Unis avec Keith Haring et
Basquiat, Combas ne subit pas cette
suprématie du visuel. Il prend
l’image comme elle vient. Sans hiérarchie. «Mon cerveau est un incubateur qui agit de façon consciente
mais surtout inconsciente. Les images entrent en moi. Un jour, elles
rejaillissent. Mais pas seules. Les
émotions et les sensations aussi.»
«Après quelques années d’effervescence, j’ai eu le sentiment que le
style Combas était clos», reconnaît
Thierry Raspail, directeur du MAC.
Arrivé en 1977 sur la scène artistique, le Sétois a construit son succès
en déclinant en peinture les revendications des punks pour un renouveau culturel. Devenu un phénomène, un porte-voix, il s’est ensuite
retrouvé seul. Autant dire que les
3000 m2 de l’exposition lyonnaise
ont valeur de renaissance.
Toujours collectionné et exposé
en galerie, le quinquagénaire attendait un autre signe. Thierry Raspail
l’a senti lorsqu’il l’a appelé dans son
atelier parisien. «C’était il y a deux
ans. Je ne l’ai pas laissé parler, je lui
ai dit qu’on allait faire avec lui une
grande rétrospective.» La voici.
Arrivé avec son atelier, ses meubles et sa collection de 620 vinyles,
Combas a la ferme intention de travailler en public. «Un peintre, c’est
un peu un animal en voie de disparition, on viendra me voir comme
dans un zoo.» Venu avec une scène
et un programme de concerts,
l’auteur de l’affiche du Montreux
Jazz Festival de 1992 a débarqué
dans sa ville natale avec une envie
profonde. «J’ai toujours souffert
qu’on caricature mon œuvre,
qu’on me compare aux peintres de
graffiti américains. C’est faux! Cette
exposition permet de remettre les
pendules à l’heure et de montrer
que je ne dois rien à personne.»
Combas vit comme il peint.
Pense comme il parle. Contrairement aux apparences, il n’y a jamais d’improvisation, mais de la
spontanéité. L’homme est sûr de lui
pendant dix-sept secondes. Après,
tout change. «Mais il se sert et se
nourrit de cette spontanéité», explique Thierry Raspail.
Zappeur invétéré, le Français
passe de la parole à la peinture. Du
geste au verbe. Dans le rush qui
précède l’ouverture de Greatest
Hits, sa compagne, Geneviève, lui
tend les pots de couleurs. Il s’empare d’une paroi et parle musique,
cet art qui «lui a sauvé la vie». Adolescent, il a grandi avec cinq autres
gosses, un père chômeur et une
mère femme de ménage. «On était
bancals. Je rêvais de devenir une
vedette de rock, et m’entraînais devant la glace.»
Ses rêves, il les a peints habités
par des bestiaires drolatiques. Depuis bientôt deux ans, celui qui affirme «ma peinture, c’est du rock»
les a aussi mis en musique avec son
groupe Les Sans Pattes. «La création, c’est une nécessité. Sans cela,
je ne suis rien! A Lyon, on me permet de montrer que je ne suis pas
mort. Et qu’on peut compter sur
moi pour continuer à créer.»
«Robert Combas, Greatest Hits»
Lyon, Musée d’art contemporain.
Jusqu’au 15 juillet. Me-ve (11 h-18 h),
sa-di (10 h-19 h). Rens.: 00334
72 69 17 17, www.mac-lyon.com