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Conférence de l’AIMS 2008
Coopétition et écosystèmes d’affaires dans les secteurs des
technologies de l’information :
le cas des Terminaux Mobiles Intelligents
Gaël GUEGUEN
Maître de Conférences en sciences de gestion - Université Montpellier III
ERFI – Université Montpellier I
[email protected]
06 12 92 71 66
Université Montpellier III
Route de Mende
34199 Montpellier Cedex 5 – France
Résumé
Les Terminaux Mobiles Intelligents (TMI) correspondent à des téléphones portables évolués
de type Smartphone, PDA communicants ou Iphone. Cette recherche vise à étudier les
comportements coopétitifs des entreprises (collaboration entre concurrents) qui ont animé
cette activité de 1998 à 2006. En retenant la notion d’écosystème d’affaires, à savoir une
coalition hétérogène d'entreprises partageant un destin stratégique commun structurée en
réseau autour d'un leader qui arrive à faire partager son standard technologique, et en se
focalisant sur les systèmes d’exploitation des TMI, il est possible d’identifier cinq
écosystèmes majeurs : Palm, Microsoft, Symbian, RIM et Linux. L’objectif de ce travail sera
d’analyser les relations coopétitives au sein et entre écosystèmes d’affaires en nous
demandant si une coopétition interne forte conditionne une coopétition externe forte. Pour ce
faire une analyse des réseaux sociaux sera pratiquée sur une base documentaire constituée
spécifiquement pour étudier l’activité des TMI.
Mots-clés : Coopétition, Ecosystèmes d’affaires, Technologie de l’Information, Analyse des
réseaux sociaux
1
Coopétition et écosystèmes d’affaires dans les secteurs des technologies de l’information :
le cas des Terminaux Mobiles Intelligents
L’annonce effectuée par Google en novembre 2007 de développer « Android », un système
d’exploitation pour les téléphones mobiles, nous semble être la conséquence des stratégies
observables dans les technologies de l’information. Le projet Android regroupe une trentaine
d’acteurs de l’industrie des télécommunications dont Motorola, Samsung, HTC ou LG pour
les constructeurs, NTT DoCoMo, China Mobile, Telefonica ou encore Sprint Nextel pour les
opérateurs. Sous le leadership de Google, ces entreprises vont travailler ensemble afin de
fournir des téléphones mobiles fonctionnant sous Android, un système d’exploitation à
l’architecture libre et ouverte permettant de favoriser le travail de nombreux développeurs
indépendants. Dix ans auparavant, Nokia avait développé une stratégie similaire en
regroupant les efforts de Psion, Nokia, Motorola, Matsushita-Panasonic, Siemens, SonyEricsson ou Samsung afin de mettre au point le système d’exploitation Symbian pour les
téléphones mobiles. En 2005, Bill Gates, alors que Microsoft lançait une nouvelle version de
son Windows Mobile (un autre système d’exploitation pour les téléphones mobiles),
s’exprimait en ces termes « l’idée est de créer un véritable écosystème avec les opérateurs,
les fabricants et les développeurs1 ».
Google avec Android, Nokia avec Symbian, Microsoft avec Windows Mobile ont développé
une même stratégie pour conquérir la prometteuse activité des Terminaux Mobiles Intelligents
(smartphones et PDA communicants) : proposer un standard technologique (un système
d’exploitation) en ralliant de nombreux partenaires internationaux issus de différents secteurs
et souvent concurrents en donnant la possibilité à des acteurs hétérogènes (les développeurs,
les réseaux de distribution, etc.) de proposer des contenus favorisant l’utilisation de ce
standard. Cette stratégie correspond à ce que James Moore (1996) nomme « écosystèmes
d’affaires ». Un écosystème d’affaires peut être défini comme « une coalition hétérogène
d'entreprises relevant de secteurs différents et formant une communauté stratégique d'intérêts
ou de valeurs structurée en réseau autour d'un leader qui arrive à imposer ou à faire
partager sa conception commerciale ou son standard technologique » (Torrès-Blay, 2000).
Des entreprises en concurrence ou non se retrouveront ainsi liées pour promouvoir un
standard.
1
La Tribune, 12/05/2005.
1
Au sein des industries des technologies de l’information, l’établissement d’un standard est un
élément clef du développement des entreprises du fait des externalités de réseaux (Shapiro et
Varian, 1998). Afin d’en assurer sa diffusion et sa pérennité, des entreprises vont nouer des
alliances et partager un destin stratégique commun notamment avec des concurrents. Ce
comportement collaboratif avec des concurrents se nomme « coopétition » (Nalebuff et
Brandenburger, 1996). Alliouat (1996) envisage la coopétition comme un combat associatif
entre entreprises concurrentes et considère que « chacun des acteurs tente d’atteindre ses
propres objectifs, tout en optimisant les chances des partenaires d’atteindre les leurs ». C’est
donc d’un intérêt commun que naitra la collaboration entre concurrents. A la suite d’une revue
de la littérature sur le sujet, Pellegrin-Boucher (2006) définit de façon synthétique la
coopétition comme « tout comportement à la fois coopératif et concurrentiel entre au moins
deux firmes concurrentes ». De ce fait, la mise en place d’écosystèmes d’affaires semble
apparaître comme une stratégie pertinente dans les industries des technologies de
l’information en raison de l’importance du standard. La difficulté majeure sera de rallier à sa
cause des concurrents mais aussi de coopérer avec des acteurs appartenant à des écosystèmes
d’affaires concurrents. En effet, l'écosystème « induit une nouvelle forme de concurrence qui
alterne coopération et compétition » (Moore, 1993).
Nous nous proposons donc d’étudier les rapports de coopétition qui peuvent exister au sein et
entre ces écosystèmes d’affaires dans les industries des technologies de l’information.
L’activité des systèmes d’exploitation des Terminaux Mobiles Intelligents (TMI) nous servira
de champ d’étude représentatif des industries des technologies de l’information en raison de
l’implication des entreprises les plus significatives de ces industries. En effet, l’importance de
la coopétition peut être jugée comme patente dans les secteurs liés aux technologies de
l’information (Pellegrin-Boucher et Gueguen, 2005). La littérature sur la coopétition a
clairement mis en avant l’intérêt, la fréquence et l’importance de ce type de stratégie
(Nalebuff et Brandenburger, 1996 ; Lado et al., 1997 ; Bengtsson et Kock, 2000) mais
rarement dans une analyse intégrant simultanément plusieurs écosystèmes d’affaires. Nous
nous demanderons donc si la coopétition interne peut favoriser la coopétition externe ou s’il
s’agit de deux stratégies indépendantes ?
Après avoir explicité les liens entre écosystèmes d’affaires et coopétition, nous présenterons
notre dispositif de recherche qui nous permettra de présenter l’historique des Terminaux
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Mobiles Intelligents (Smartphones et PDA communicants) et leurs principaux écosystèmes
d’affaires. Ceci nous conduira à l’analyse des différentes postures coopétitives « au sein » et
« entre » écosystèmes d’affaires. Au final, nous essayerons d’identifier les raisons qui
poussent les écosystèmes d’affaires à rentrer dans une logique de coopétition.
1. ECOSYSTEMES D’AFFAIRES ET COOPETITION DANS LES SECTEURS DES
TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION
La notion d’écosystème d’affaires (Moore 1996 ; Iansiti et Levien, 2004) peut permettre une
meilleure compréhension de la notion de coopétition. L’importance de l’insertion d’une
entreprise au sein d’un réseau de partenaires n’est plus à démontrer (Gulati et al., 2000). La
perspective des écosystèmes d’affaires essaye d’analyser les comportements stratégiques à
travers les réseaux que tisse une entreprise tant en termes de rapports concurrentiels que
coopératifs mais aussi en termes de rapports coopétitifs. Selon Moore (1996), les écosystèmes
d’affaires correspondent à une communauté économique d’entreprises et d’individus en
coévolution partageant une ou plusieurs ressources sur la base d’un destin stratégique
commun. Cette notion d’écosystème d’affaires synthétise diverses approches fondées sur les
réseaux ou l’institutionnalisation des comportements stratégiques. Méthodologiquement, une
analyse en termes d’écosystème d’affaires ne repose plus sur une entreprise mais sur un
ensemble d’entreprises en coévolution. Ce concept se retrouve à proximité d’approches
mettant en avant les éco-systèmes (Aliouat, 1996), les écosystèmes industriels, les
écosystèmes d’affaires numériques ou encore les écosystèmes sociaux (Peltoniemi et Vuori,
2004). Les acteurs de l’industrie des technologies de l’information (Apple, SAP, Cisco, IBM,
Symbian,…) mobilisent régulièrement cette notion pour définir leur espace élargi de
fonctionnement.
Les écosystèmes d’affaires nous semblent particulièrement importants dans les technologies
de l’information du fait de l’importance des standards. Shapiro et Varian (1998) considèrent
que, du fait de la compatibilité entre technologies, les entreprises qui vendent des produits
complémentaires doivent considérer de façon cruciale le développement des relations avec
des alliés. Pour Moore (1993, 1996), le concept d'industrie perd alors de sa pertinence car la
compétition, telle qu'on la concevait sur la base d'une relation produits / marchés, n'est plus de
mise (Stanley, 1999). A la place du terme industrie, le terme écosystème est proposé. En effet,
les entreprises coévoluent avec d'autres au sein d’un environnement hétérogène. Ce processus
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va introduire de la coopération comme de la compétition. Cet écosystème va générer des
visions partagées, des alliances, des négociations entraînant un management des relations plus
complexe s’inscrivant dans un contexte de stratégies collectives (Gueguen et al., 2007). Les
frontières traditionnelles des entreprises tendent à s'estomper du fait de l'importance des
relations. L’objectif partagé étant essentiellement de promouvoir le standard technologique.
Utiliser un raisonnement sur les écosystèmes d’affaires suppose une réflexion sur les formes
d’organisations réticulaires (Gulati et al. 2000 ; Assens, 2003) : réseaux, clusters, grappes
technologiques. En effet, nous y retrouvons un ensemble de firmes liées entre elles. Certaines
caractéristiques des écosystèmes d’affaires dans les technologies de l’information permettent
d’en spécifier l’usage : les relations n’incluent pas nécessairement des relations de soustraitance, ne revêtent pas inéluctablement une forme directe et formelle, la dimension
territoriale n’est pas centrale. Ainsi, un écosystème d’affaire s’apparenterait à un cluster aterritorialisé, sans la dimension de concentration géographique. En effet, un cluster est
envisagé par Porter et Stern (2001) comme une concentration géographique d’entreprises et
d’institutions interreliées entre elles dans un secteur particulier. Roberts et Enright (2004)
proposeront une définition plus large en estimant que les clusters correspondent à des groupes
d’entreprises, d’organisations liées à une même industrie ou à des industries proches dont la
performance est interdépendante. Ce principe de convergence se fera spécifiquement dans
l’intérêt du standard pour les écosystèmes d’affaires.
Plus généralement, l'environnement technologique des entreprises des technologies de
l’information, directement lié à des manoeuvres d'écosystèmes, est soumis à des évolutions
fortes (Eisenhardt et Brown, 1999). Il s'agit de secteurs où des entreprises puissantes, ou en
passe de le devenir, essayeront d'introduire des standards qui sont sources de stabilité.
Toutefois cette stabilité s’avérera lorsque le standard sera établi, utilisé et reconnu.
Paradoxalement, le standard devra évoluer afin de s’imposer. De ce fait, une lutte
concurrentielle et coopérative intense est souvent menée et engendrera donc une forte
instabilité. Ainsi, l’existence d’un écosystème d’affaires semble particulièrement importante
pour imposer un système d’exploitation comme un standard. Par exemple, un système
d’exploitation indépendant pour un téléphone portable aux fonctionnalités limitées est
pertinent. Mais lorsque le système d’exploitation concerne un ordinateur, il est nécessaire de
développer une multitude d’applications afin de profiter d’effets de réseaux. Il faut donc se
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reposer sur une communauté de développeurs, sur d’autres entreprises qui retiennent ce
système d’exploitation et notamment des concurrents.
La perspective coopétitive est fortement liée aux écosystèmes d’affaires comme le suggère
Moore. Des entreprises concurrentes vont travailler ensemble à la promotion d’une ressource
commune, le standard. Cependant, un second niveau de coopétition peut exister : les
collaborations passées entre deux écosystèmes d’affaires concurrents. Si Gueguen et Torrès
(2004) identifient une concurrence interne et externe, ils ne prennent pas en considération les
mouvements coopétitifs entre deux ou plusieurs écosystèmes d’affaires. Nous pensons que les
dynamiques complexes qui animent les activités technologiques sont susceptibles d’entraîner
des rapprochements entre écosystèmes d’affaires. Dans son étude des éco-systèmes
technologiques, Aliouat (1996) considère que « les réactions concurrentielles mettent en
opposition des réseaux complexes dont les frontières sont perméables à d’autres projets
permettant à une entreprise d’appartenir à plusieurs réseaux qui ne sont antagonistes que
pour un temps et un projet précis ». En d’autres termes, la coopétition entre écosystèmes
d’affaires semble possible et particulièrement dans les technologies de l’information. L’idée
majeure qui anime notre perspective repose sur l’interopérabilité des standards. Des standards
technologiques concurrents doivent, sur certaines fonctionnalités, pouvoir être compatibles, ce
qui nécessite des efforts de coopération. En outre une entreprise peut supporter deux standards
technologiques issus de deux écosystèmes d’affaires concurrents. Ceci entraînant des
« ponts » entre écosystèmes d’affaires. Il reviendra à notre étude d’analyser la pertinence
d’une telle posture stratégique.
Cette dissociation entre la coopétition interne et externe aux écosystèmes d’affaires nous
servira de trame tout au long de cette recherche. De ce fait, nous construirons notre propos sur
la base de deux propositions permettant d’insérer notre raisonnement dans la spécificité des
secteurs des technologies de l’information en nous concentrant sur les systèmes d’exploitation
des TMI. La dimension normative des deux propositions s’inscrit dans une démarche de
confrontation au terrain. Il reviendra aux investigations empiriques de confirmer ou non la
nécessité supposée issue de la normativité de nos propositions de recherche.
Proposition 1 : dans les secteurs des technologies de l’information, afin de favoriser
l’établissement d’un standard, la coopétition au sein des écosystèmes d’affaires est
nécessaire.
5
Shapiro et Varian (1998) considèrent que l’établissement d’un standard transforme la
concurrence entre marchés en concurrence au sein d’un marché. En d’autres termes, nous
considérerons que dans les technologies de l’information il semble difficile de pouvoir
développer un standard et une communauté d’alliés sans travailler en collaboration avec des
concurrents directs.
Proposition 2 : dans les secteurs des technologies de l’information, en raison de la
compatibilité entre standards, la coopétition entre écosystèmes d’affaires est nécessaire.
L’idée développée est que les entreprises d’un écosystème d’affaires doivent pouvoir
s’assurer de la compatibilité de leur standard avec celui d’un écosystème d’affaires concurrent
afin de favoriser sa diffusion et profiter d’avancées technologiques spécifiques. De ce fait,
nous pouvons penser que des coopérations vont exister entre écosystèmes d’affaires
concurrents.
L’étude de la coopétion « au sein » et « entre » écosystèmes d’affaires est en amorce. La
complexité inhérente aux comportements stratégiques des entreprises (Le Roy, 2004) laisse
pourtant penser qu’il peut s’agir d’une piste de recherche pertinente du fait de la multiplicité
et de l’hétérogénéité des acteurs concernés. Les TMI qui regroupent des entreprises du
logiciel, des opérateurs téléphoniques, des équipementiers informatiques ou téléphoniques,
des entreprises mondialisées comme de jeunes entreprises innovantes semblent un terrain
d’étude adéquat pour envisager les diverses dynamiques coopétitives inhérentes aux
écosystèmes d’affaires. En partant du postulat que la coopétition est le comportement entre
concurrents le plus performant (Bengtsson et Kock, 2000), nous pouvons envisager une
attitude volontariste de la part des différents acteurs en présence.
2. METHODE
Notre étude des comportements coopétitifs concerne une « activité » aux évolutions
technologiques importantes. Plusieurs industries vont se retrouver en confrontation ou en
coopération. Les rapports étudiés sont complexes du fait du nombre d’entreprises et notre
difficulté sera de pouvoir comprendre les dynamiques inter-organisationnelles de façon
simultanée afin d’en dégager des points de convergence ou de divergence dans une logique
d’écosystème d’affaires. Afin d’appréhender ces comportements complexes et dynamiques,
nous mobiliserons une méthodologie d’essence qualitative. Nous avons donc pris le parti
6
d’obtenir des données secondaires via une revue de presse sur huit ans puis d’effectuer une
analyse de contenu des articles obtenus selon des thématiques de collaboration et de
compétition, d’identifier la nature des rapports trouvés et de procéder à une analyse des
réseaux pour caractériser l’activité des TMI. Ces résultats ont été confrontés à des études de
cas concernant les TMI. La technique mobilisée s’apparente à la réutilisation de données
qualitatives (Chabaud et Germain, 2006) notamment en termes « d’analyse assortie » puisque
nous avons mobilisé des sources différentes à des fins différentes de celles ayant animé leur
production. Le schéma en annexe A présente le dispositif de recherche suivi.
Un recensement d’articles concernant les écosystèmes d’affaires étudiés a été effectué sur la
période 1998-2006. Trois sources ont été utilisées : Les Echos, La Tribune et 01.Net en
retenant les articles comportant les noms des acteurs majeurs de notre étude. La période
d’étude retenue correspond au véritable développement de l’activité (1996-1998) et à une
période critique avant d’importants bouleversements (arrivée d’Apple et de Google à partir de
2007). Sur la base de plus d’un millier d’articles, nous avons retenu 738 articles concernant,
selon notre jugement, notre étude. Une analyse de contenu a permis de faire émerger des faits,
des déclarations des analyses liés à notre problématique de coopétition. Nous avons ainsi pu
identifier 818 éléments. En fonction de leur indexation, il a été établi une matrice
chronologique (Forgues et Vandangeon-Derumez, 2003) nous permettant de reconstruire
l’évolution des TMI. Nous avons ensuite confronté (à des fins de triangulation) cette matrice
chronologique à des travaux concernant nos écosystèmes d’observation (Bayus et al., 1997 ;
Yoffie et Kwak, 2001 ; Ancarani et Shankar, 2003 ; Allen, 2004 ; Nair et al., 2004 ; Boudès et
Fréry, 2005 ; Doz et Hunter, 2005).
Nous avons identifié, à partir de cette matrice chronologique, 241 relations de collaboration
entre les principales entreprises de l’activité étudiée (98). Nous supposons que certaines
entreprises sont en concurrence par leurs activités (produits substituables). Ensuite, un
découpage temporel a été effectué. Ceci a permis la création de matrices d’adjacence
permettant l’identification des liens coopératifs en fonction des différents acteurs retenus. Ces
liens ont été qualifiés selon leur importance. A l’aide de ces matrices d’adjacence et en
utilisant le logiciel dédié à l’analyse des réseaux sociaux Ucinet / NetDraw, nous avons
obtenu différents sociogrammes en fonction de la nature des relations et des périodes (Angot
et Josserand, 2003). Précisons que ce sont les relations entre entreprises concurrentes qui ont
mobilisé notre attention. L’analyse des rapports coopétitifs multiples par l’intermédiaire de
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l’analyse des réseaux sociaux est devenue de plus en plus courante en recherche (Chien et
Peng, 2005). Cette technique permet une analyse de situations complexes et d’envisager le
degré de proximité et de centralité des acteurs. Ceci a permis une évaluation de la coopétition
à l’intérieur et à l’extérieur des écosystèmes d’affaires étudiés.
La méthode de recueil des données par une revue de presse, bien qu’utilisée fréquemment en
recherche sur les dynamiques concurrentielles (Bensebaa, 2003), n’est pas sans comporter de
biais :
- Repérage imparfait des relations pouvant exister (non exhaustivité). Cependant, nous
envisagerons ces relations comme un échantillon au sein d’une population de relations.
- Prise en compte d’actions qui n’ont pas abouti. En effet, des entreprises peuvent signifier
leur collaboration sans que cela soit suivi de réalisations concrètes. Nous avons éliminé les
actions dont nous avons obtenu la certitude qu’elles n’avaient pas réellement abouti.
- Focalisation sur quelques acteurs importants. Les stratégies des entreprises les plus connues
sont plus souvent relatées. Toutefois, en partant du postulat que les acteurs principaux de
notre étude sont les moteurs d’industries aux investissements coûteux et au potentiel de
développement, nous pouvons penser que les écosystèmes d’affaires étudiés sont relativement
bien suivis. En revanche notre analyse nous a permis de constater un intérêt de la presse
relativement tardif pour l’entreprise RIM.
- Subjectivité dans l’importance de la relation. En fonction de l’analyse de contenu des
différents articles nous avons identifié, en importance croissante, les observations de la façon
suivante : accords, clients, fournisseurs, partenariats et alliances, participations au capital.
Comme le suggèrent Chabaud et Germain (2006), la présence de biais ne doit pas empêcher
l’utilisation de ces données secondaires ex ante ; le chercheur ayant pour tâche d’en minimiser
l’importance, ce que nous avons essayé de faire.
3. HISTORIQUE DES TERMINAUX MOBILES INTELLIGENTS
Le britannique Psion est considéré comme le pionnier lorsqu’en 1984 il lança le premier
agenda électronique de poche. Dès lors, plusieurs tentatives furent amorcées sans grand
succès. En 1993, Apple fabriqua le Newton : un ordinateur à écran tactile autonome mais qui
ne trouva pas son public. Sa production fut arrêtée en 1998. Très tôt, le marché des PDA se
développa sous l’angle de la coopétition puisque Apple mit au point un système d’exploitation
avec la participation de Motorola ou Sony (General Magic Caps au début des années 90). En
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1993, une collaboration entre Palm Computing, Casio, Geoworks, AOL et Intuit permis de
mettre au point le Zoomer, autre ordinateur de poche à écran tactile. Ses faibles performances
permirent à Palm de prendre conscience de plusieurs impératifs : il ne fallait pas séparer
conception du système d’exploitation et du matériel, l’utilisateur devait s’adapter à un
système de reconnaissance d’écriture pour un gain de ressources (Graffiti) et comme le PDA
devait être complémentaire à l’ordinateur fixe il fallait que la synchronisation soit
performante.
Fort de ces considérations, Palm Computing mis au point en 1996 son PalmPilot 1000, le
premier grand succès des assistants digitaux personnels ou agendas électroniques (PDA).
Qu’il s’agisse de Psion, d’IBM, de Motorola, de Sony, de Amstrad ou de Sharp, différents
constructeurs sortirent des PDA dans la seconde moitié des années 90 (Bayus et al., 1997).
Entre 1987 et 1997, Allen (2004) recense 34 entreprises qui ont proposé 71 PDA différents
utilisant soit un clavier (palmtop), soit un stylet (pen-based computing) ou permettant de
communiquer (personnal communicator). Mais souvent ces PDA reposaient sur des systèmes
propriétaires confidentiels ne permettant pas l’appui de développeurs indépendants comme pu
en profiter Palm (Yoffie et Kwak, 2001). Lorsque le nombre de logiciels disponibles devint de
plus en plus important, des effets de réseaux entraînent un intérêt fort de la part des
consommateurs pour ces appareils. Nair et al. (2004) ont ainsi démontré l’importance des
effets de réseaux indirects (issus de l’interdépendance matériel – logiciels) dans l’industrie
des PDA (analyse portant sur les cas de Palm et de Microsoft) nécessitant donc la
collaboration au sein de l’écosystème d’affaires. Microsoft y vit un prolongement naturel de
ses systèmes d’exploitations pour PC et rentra dans cette activité avec son système
d’exploitation Windows CE. Ses premières tentatives (1996) ne furent pas réussies et ce n’est
qu’à partir de 2000 que le système d’exploitation pour mobile de Microsoft devint réellement
intéressant. Au début des années 2000, Handspring a l’idée de produire un PDA qui
permettait d’échanger des données via le réseau téléphonique mais aussi de téléphoner (le
VisorPhone).
Le
PDA
devenait
donc
véritablement
communicant.
Profitant
de
l’accroissement de la vitesse de transmission pour la téléphonie mobile, ces PDA devinrent de
plus en plus performants, effaçant progressivement leurs faiblesses dans le domaine de la
téléphonie.
Concomitamment, la miniaturisation des composants et l’évolution naturelle des téléphones
portables conduisirent les équipementiers à proposer des téléphones intelligents ou
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« Smartphones » à savoir des téléphones – ordinateurs. Le même problème évoqué plus haut
se produisit : chaque équipementier de téléphone portable utilisait un système d’exploitation
propriétaire et confidentiel. A partir du moment où les Smartphones allaient permettre des
usages développés, il était important que les efforts se concentrent sur un système
d’exploitation qui pouvait devenir la norme. Ce fut l’ambition du consortium Symbian. Si les
qualités de téléphonie de ces appareils étaient évidentes, différentes lacunes dans la partie
« ordinateur » était présentes et progressivement la qualité de ces appareils fut améliorée en
fournissant de plus en plus de fonctionnalités permettant de rivaliser avec les PDA
communicants.
L’identification des rapports de force entre les différents acteurs des TMI comporte plusieurs
difficultés. Le processus de convergence fait que deux activités différentes vont se retrouver
progressivement en superposition. Ainsi, certaines données concernent soit les PDA, soit les
Smartphones, soit les deux et il s’agira souvent d’estimations. En fonction des données issues
de plusieurs cabinets d’étude (Dataquest Gartner, IDC, Canalys) et d’un processus de
triangulation, nous pouvons dresser le bilan suivant. En ce qui concerne les PDA, Palm a
dominé initialement le marché avec des parts de marché de plus de 60%. A partir de 2001, la
concurrence de Microsoft s’est faite plus forte de telle manière à dépasser Palm en 2004. En
ce qui concerne les Smartphones, Symbian a toujours été largement leader (plus de 80% des
parts de marché). La présence de Microsoft y demeure encore faible. Du fait d’une importante
prépondérance des ventes de Smartphones sur celle des PDA communicants, l’analyse des
parts de marché dans une perspective de convergence permet de considérer qu’en 2006
Symbian (65%) est nettement leader devant Microsoft (15%), RIM (8%), Palm (5%) et Linux
(2%). Le marché des PDA a décollé le premier (1998-1999) puis a connu une période de
stagnation (2002-2003) avant de se relancer du fait de la demande des consommateurs pour le
GPS et des solutions de gestion des e-mails. Les acteurs des PDA sont, sur les dernières
observations, en ralentissement du fait d’une concurrence de la part des acteurs des
Smartphones. Si les Smartphones ont commencé à percer plus tardivement, leur croissance ne
s’est jamais ralentie. Nous pouvons considérer ainsi qu’il s’est vendu, en 2006, 10
Smartphones pour 1 PDA bien qu’il soit de plus en plus difficile de différencier un
Smartphone d’un PDA communicant. L’arrivée de Apple et de son Iphone, le développement
d’appareils véritablement polyvalents, le lancement d’offres abordables (sur la base de
standards mobiles 3ème génération (Vialle, 2007)) de la part des opérateurs et la
10
communication afférente laisse supposer que l’accélération des ventes des TMI se fera à partir
de 2008.
4. PRESENTATION DES PRINCIPAUX ECOSYSTEMES D’AFFAIRES
Nous nous sommes focalisés sur cinq écosystèmes d’affaires majeurs, souvent en situation de
concurrence mais développant de nombreuses coopérations, qui nous permettront de
comprendre les différentes évolutions des TMI. La présentation de ces écosystèmes d’affaires
repose sur l’analyse des sociogrammes issus de notre base documentaire.
Palm : premiers succès et déclin
L’écosystème d’affaires Palm a été développé par Palm Computing et fut le premier
bénéficiaire de la réussite des PDA. En 1997, Palm commença à licencier d’autres entreprises
(IBM et son « WorkPad », Symbol Technologies, Qualcomm,…) et rentra de plain-pied dans
la coopétition puisque des alliances concernant le système d’exploitation étaient nouées avec
ses concurrents sur le matériel. Palm se développa initialement en établissant des
collaborations avec des acteurs isolés (qui n’ont pas de liens de collaborations fort avec
d’autres acteurs des TMI) et des entreprises issues des logiciels (Sybase, Oracle, Siebel,…).
Cependant un rapprochement est opéré auprès de Symbian. Sur la période 2001-2002, Palm
noue des relations avec des acteurs centraux (Intel, Sony, Nokia,…) tout en conservant des
collaborations avec des acteurs isolés (Canon, Good Technology,…). Cette période est celle
de la scission en deux entités distinctes. Au cours de la période 2003-2004, PalmSource
commence à se retrouver éloigné des acteurs centraux et multiplie des relations avec des
acteurs spécialisés dans des solutions spécifiques mobiles (Garmin, Founder, Fossil,…). La
période 2004-2006 marque une perte manifeste de centralité de l’écosystème d’affaires Palm
et un rapprochement avec celui de Linux.
Microsoft : le prolongement logique des PC
Cet écosystème d’affaires a été fondé par le géant du logiciel Microsoft. A des fins de
simplification, nous retiendrons le vocable de « Microsoft OS » tout au long de cette
recherche. Comme nous l’indiquerons lorsque nous nous intéresserons à Symbian, une
réticence forte des équipementiers « historiques » de la téléphonie à l’égard de systèmes
d’exploitation de Microsoft conduisit l’entreprise à faire fabriquer des téléphones auprès de
sous-traitants asiatiques et de passer des accords avec une multitude d’opérateurs
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téléphoniques. A partir de 2003, cette « cabale » s’estompa quelque peu : des accords furent
signés avec Motorola, Samsung ou PalmOne. Le développement de Microsoft (1998-2000)
repose sur des collaborations avec des acteurs isolés souvent issus du monde informatique
traditionnel (Compaq, HP, Toshiba, Fujitsu,…) répliquant ainsi les relations existantes au
niveau de l’industrie du PC. Mais Microsoft sait séduire des acteurs des écosystèmes
d’affaires concurrents puisque un accord concernant son logiciel Mobile Explorer est passé
avec Ericsson (membre fondateur de Symbian) dès 1999. Sur la période 2001-2002, Microsoft
intègre de nouveaux partenaires d’importance (Dell) tout en développant ses relations avec
des opérateurs de téléphonie (ATT, Orange, Bristish Telecom,…). Cette stratégie
collaborative se poursuit jusqu’en 2006 mais des relations coopétitives apparaissent que cela
soit avec PalmOne, Symbian ou RIM.
Symbian : un regroupement issu de la téléphonie
Microsoft considéra que Symbian était la principale menace pour Microsoft dans le domaine
des TMI. Cet écosystème d’affaires a pour leader le finlandais Nokia. Symbian est l’archétype
d’une dynamique coopétitive puisque des concurrents vont se retrouver alliés pour éviter une
menace. En effet, les différentes analyses soulignent la volonté des équipementiers de
téléphonie d’éviter que le modèle du PC ne se reproduise dans les téléphones intelligents. Ce
modèle souligne la « confiscation » de la valeur ajoutée de la part de Microsoft (mais aussi
d’Intel) et de son système d’exploitation. Comme le soulignait en 2003 San Jin Park,
responsable de Samsung, « Microsoft et Intel ont pris toute la valeur et laissent les fabricants
de matériel informatique devenir des producteurs banalisés2 ». Ainsi, afin d’éviter que les
équipementiers de téléphonie deviennent de simples constructeurs ou assembleurs, sans
véritable capacité de différenciation, le regroupement des principales entreprises pour mettre
au point un système d’exploitation ouvert concurrent à celui de Microsoft devint effectif et
regroupa les « anti-Microsoft » comme Oracle ou SUN (Ancarani et Shakar, 2003). En 1999,
Par ailleurs, la complexification croissante des systèmes d’exploitation pour des téléphones
toujours plus intelligents rendait nécessaire l’alliance entre concurrents afin de partager les
coûts de développement. La centralité de l’écosystème d’affaires Symbian est forte car
constitué d’entreprises multipliant des relations avec d’autres entreprises également
connectées et souvent concurrentes. Cela laisse supposer un avantage en termes de transfert
de connaissances. Par ailleurs, la rapidité est un impératif dans ce type d’activités (Doz et
2
Les Echos, 19/02/2003.
12
Hunter, 2005). Afin d’obtenir une taille suffisante et permettre le développement d’un
standard entre les partenaires et fournir des applications, Symbian a été plus rapide, pour
développer un réseau dense, que Microsoft.
RIM : du marché des entreprises vers le grand public
Il s’agit d’un écosystème d’affaires concentré sur l’entreprise Research In Motion dont le
produit phare est le « BlackBerry ». L’émergence collaborative de RIM arriva à la suite
d’accords passés avec des opérateurs téléphoniques. L’importance de RIM est constatable à
partir de la période 2002-2004 puisque cet écosystème d’affaires commence à devenir central.
Avec son BlackBerry et la technologie associée, RIM multiplie les accords avec des acteurs
concurrents qui utilisent d’autres systèmes d’exploitation. Cependant, les relations de RIM
apparaissent comme moins impliquantes car se basant uniquement sur des ventes de licence
de ses applications. Jusqu’en 2006, RIM continue à nouer des partenariats avec des opérateurs
de téléphonie : ceci est relativement logique puisque le fonctionnement du BlackBerry
suppose une connexion à un réseau téléphonique.
Linux : une alternative aux leaders
Il s’agit d’un écosystème d’affaires en émergence (dans les technologies mobiles) sans
véritable leader. A partir de 2003, différents regroupements d’acteurs majeurs ont été mis en
place pour permettre d’établir Linux comme un standard des TMI : Consumer Electronics
Linux Forum (2003), Mobile Linux Initiative (2005), LiMo Foundation (2007). Ces
regroupements sont souvent le fait d’entreprises concurrentes (par exemple, Sony, Matsushita,
Philips, Sharp,…). D’un point de vue collaboratif, Linux commence à apparaître dans
l’univers des TMI lors de la période 2001-2002, du fait du soutien de Sharp. Son
développement le conduit à une centralité de plus en plus grande. L’analyse des réseaux
montre que ses promoteurs sont des entreprises qui ne nouent pas de véritables liens sur la
période avec Microsoft. Nous pouvons donc envisager la distance qui existe entre le monde
du libre et le monde du propriétaire (bien que Microsoft ait commencé à ouvrir son système
d’exploitation mobile). En revanche, Linux se rapproche des acteurs de l’écosystème
d’affaires Symbian qui par certaines caractéristiques se rapproche du modèle Linux
(ouverture). La période 2004-2006 montre l’intégration dans l’écosystème d’affaires Linux de
différents opérateurs de téléphonie mobile (Vodafone, DoCoMo, etc.). Les opérateurs
semblent donc se ménager une issue alternative au pouvoir de quelques écosystèmes
d’affaires.
13
5. LES SYSTEMES D’EXPLOITATION MAJEURS AU SEIN DES TMI
Il existe un grand nombre de systèmes d’exploitation dans les TMI. Cependant, quatre
systèmes d’exploitation principaux sont repérables. Si RIM avec son BlackBerry connaît une
utilisation forte, notamment chez ses concurrents, il s’agit surtout des applications de
messagerie et non de son système d’exploitation issu du Java de SUN. Nous avons donc fait le
choix de ne pas le représenter ici afin de gagner en clarté. Par ailleurs, nous avons regroupé au
sein d’une même catégorie (MicrosoftOS, LinuxOS,…) des systèmes d’exploitation différents.
Schéma 1 : utilisation des principaux systèmes d’exploitation (OS) 1998-2006
Compaq
HP
HTC
HP-Compaq
Packard-Bell
JVC
Dell
Fujitsu-Siemens
BenQ
Casio
Mitsubishi
Toshiba
LG
MicrosoftOS
Microsoft
Siemens
Psion
Sagem
Motorola
Sanyo
Philipps
SymbianOS
Mitac
NEC
Sharp
Samsung
Nokia
Ericsson
Acer
Matshushita Panasonic
LinuxOS
Sony - Ericsson
Palm One
Symbol
Téléphonie
Handspring
Sony
Access
Garmin
Kyocera
Legend
Qualcomm
Ordinateur
Mobile
PalmOS
IBM
Systèmes
d’exploitation
Palm
Palm Source
ALP
Logiciel
Divers
Adoption récente
Adoption ancienne
Principal acteur (historique)
du système d’exploitation
La répartition des acteurs montre des entreprises qui utilisent exclusivement un seul système
d’exploitation tandis que d’autres (Motorola, Samsung,…) ne donnent aucune exclusivité. Par
exemple, Motorola reconnaît utiliser ses systèmes d’exploitation en fonction des demandes
des opérateurs. MicrosoftOS est particulièrement privilégié par des entreprises issues de
l’industrie informatique classique (HP-Compaq, Dell, Toshiba,…) et noue des liens avec des
sous-traitants informatiques (HTC, Mitac,…) souvent asiatiques. Cette stratégie a été
conditionnée par la méfiance des équipementiers téléphoniques. A l’opposé, SymbianOS est
14
plutôt retenu par des fabricants de téléphone (Nokia, Sony-Ericsson, MatsushitaPanasonic,…), constat évident en regard de la qualité de ses fondateurs. Le système
d’exploitation de Palm, montre une diversité d’utilisateurs issus d’industries différentes.
Souvent, il s’agit d’entreprises assez récentes, en comparaison des autres acteurs, créées afin
de fournir une solution liée à la mobilité (Garmin, Handspring, Kyocera,…). Linux apparaît
en position centrale du fait de son adoption par des entreprises déjà présentes au sein des TMI
et donc utilisatrices d’autres systèmes d’exploitation (Samsung, Motorola, Sharp, Siemens,…).
L’épaisseur des traits liant LinuxOS aux autres acteurs montre que l’adoption réfléchie de ce
type de système d’exploitation est plus récente.
Des entreprises vont donc promouvoir des systèmes d’exploitation concurrents tandis que
d’autres vont se concentrer sur un système d’exploitation précis. En d’autres termes, une
entreprise comme Samsung, par exemple, se retrouve en situation de concurrence avec
Motorola mais a un intérêt réciproque à collaborer pour promouvoir le système d’exploitation
Linux. A un autre niveau d’analyse, le système d’exploitation de Palm va être promu par des
entreprises qui vont également favoriser le développement d’un autre système d’exploitation
(exemple : PalmOne utilisant PalmOS et MicrosoftOS). Par delà, plusieurs questions
concernant des conflits d’intérêt peuvent apparaître. Nous en discuterons les issues par la suite.
Tableau 1 : synthèse des principaux écosystèmes d’affaires des TMI (1998-2006)
Ecosystème
Leader
Orientation
Acteurs historiques de l’écosystème
Palm puis
PDA puis
PalmOne,
PalmSource
Smartphone
Garmin,…
Microsoft
PDA
d’affaires
Palm
Microsoft
Sony,
HP-Compaq,
Kyocera,
Dell,
HTC,
Handspring,
opérateurs
téléphoniques,…
Symbian
Nokia
Smartphone
Samsung,
Siemens,
Sony-Ericsson,
Psion,
Mitsubishi, Motorola,…
Linux
-
Smartphone
IBM, DoCoMo, Motorola, Samsung, Sharp,…
RIM
RIM
Hybride
Opérateurs téléphoniques, SUN, concurrents
utilisant ses applications,…
15
6. ANALYSE DES RAPPORTS COOPETITIFS
L’analyse va dissocier la coopétition au sein des écosystèmes d’affaires de la coopétition entre
écosystèmes d’affaires. Afin de présenter les actions coopétitives, un classement sera réalisé
selon l’importance de la coopétition estimée par l’auteur en regard de la fréquence des
accords entre concurrents et l’importance de ces accords.
6.1. LA COOPETITION AU SEIN DES ECOSYSTEMES D’AFFAIRES
Coopétition faible
L’analyse interne des écosystèmes d’affaires de RIM et de Microsoft conduit à une
observation similaire. Le développement interne de l’écosystème d’affaires RIM ne s’inscrit
pas dans une logique coopétitive. Il en va de même pour l’écosystème d’affaires Microsoft.
S’il contient de nombreux concurrents entre eux (les constructeurs, les opérateurs), ceux-ci ne
coopèrent pas beaucoup. Microsoft est l’entreprise pivot de cet écosystème d’affaires et en
étant spécialisée sur le système d’exploitation, elle ne collabore pas avec des concurrents pour
le développement de sa propre technologie. Pour la partie logiciels, les collaborations avec
des concurrents sont plus fréquentes.
Coopétition forte
En ouvrant sa licence à d’autres constructeurs en 1999, Palm Computing adopte une
démarche coopétitive puisqu’elle se retrouve en situation collaborative sur le système
d’exploitation et les logiciels et en concurrence sur le matériel. Si la coexistence avec des
constructeurs de faible taille ou très spécialisés ne pose pas de difficultés (Kyocera, Garmin,
Legend,…), le management stratégique de la coopétition avec un acteur de grande taille (Sony
en 2000) ne se passe pas sans problèmes. Cela va conduire Palm à se scinder en deux entités
distinctes : PalmOne (matériel) et PalmSource (logiciels). Comme l’expliquait David Nagel
(PDG de PalmSource) : « cette séparation (nous) permet de clarifier notre relation avec nos
partenaires qui utilisent PalmOS dans leurs produits 3 ». Ainsi, la scission résulte de la
difficulté de gérer la coopétition sur des ressources majeures : certains développements
technologiques du système d’exploitation peuvent d’abord profiter à Palm avant de profiter à
ses partenaires / concurrents. Ce « train de retard » peut entraîner des réticences. A la suite de
3
La Tribune, 25/02/2002.
16
cette scission, Sony rentra dans le capital de PalmSource puis arrêtera la production des PDA
(2004) sous ce système d’exploitation pour privilégier Symbian. La relation avec Handspring
témoigne également de la difficulté pour Palm de gérer la coopétition. PalmOne racheta en
2003 son concurrent qui utilisait le même système d’exploitation.
La naissance de Symbian (1998) reposait sur une logique coopétitive puisque Nokia, Ericsson,
Motorola, Matsushita-Panasonic, en collaboration avec Psion, fondèrent ce joint-venture.
L’arrivée de Sony, de Samsung et de Siemens et les retraits de Motorola et Psion entraînèrent
une recomposition de ses actionnaires. Cependant, en 2004 lors de la vente de la participation
de Psion, un conflit survint. Nokia souhaitait racheter les parts de Psion et ainsi prendre le
contrôle de Symbian. Les autres actionnaires (mis à part Samsung) firent jouer leur droit de
préemption afin de contenir l’hégémonie de Nokia. Cette situation est le témoin des tensions
pouvant exister au sein d’un écosystème d’affaires animé par une dynamique coopétitive.
De part sa nature ouverte, Linux est nécessairement dans une logique coopétitive. Plusieurs
concurrents vont s’associer pour promouvoir un Linux mobile. Ce sera par exemple le cas en
2006 avec la mise en place d’un groupe constitué (entre autres) de Motorola, Samsung ou
Panasonic afin de développer un système d’exploitation pour les TMI s’appuyant sur Linux.
6.2. LA COOPETITION ENTRE ECOSYSTEMES D’AFFAIRES
Coopétition faible
Les liens entre Microsoft et Linux sont peu identifiables dans l’analyse menée bien que de
façon indirecte Motorola, NEC, Sharp ou Philips ont appartenu à l’un ou à l’autre de ces
écosystèmes d’affaires.
Peu d’éléments coopétitifs directs semblent lier les écosystèmes d’affaires RIM et Linux si ce
n’est des partenaires communs (DoCoMo, Vodafone, Motorola,…). Ceci peut s’expliquer par
le fait que RIM établit essentiellement des accords avec des entreprises des TMI afin de
licencier ses applications de messagerie. Le développement de Linux dans les TMI pour le
marché des entreprises n’est pas encore suffisamment abouti.
17
Coopétition modérée
Symbian a été créée pour faire face à Microsoft mais plusieurs relations collaboratives ont pu
être identifiées. Différentes entreprises ont passé des accords simultanés en ce qui concerne
l’utilisation de leurs systèmes d’exploitation (Samsung, Motorola, Siemens) ou l’utilisation de
logiciels (Ericsson). Les acteurs évoqués sont les actionnaires de Symbian. Nokia, considéré
comme « l’ennemi » de Microsoft, a passé des accords en 2005 dans le domaine des standards
technologiques (musique, logiciels pour entreprises). L’entité Symbian passa également un
accord de licence avec Microsoft (2005) en ce qui concerne la synchronisation à distance du
courrier électronique (ActiveSync de Microsoft).
Dès 2002, un accord de licence a lié RIM à Nokia pour utiliser son logiciel de messagerie
électronique. Par la suite, les solutions BlackBerry Connect et BlackBerry Built-In ont
également permis de disposer d’un BlackBerry virtuel sur des appareils fonctionnant sous
Symbian (mais aussi sous d’autres systèmes d’exploitation).
Une première alliance entre Palm et Symbian a été mise en place en 1999. Ils ont passé un
accord de licences croisées permettant de développer des Smartphones sur la base du système
d’exploitation de Palm. Cet accord a été particulièrement promu par Nokia. Il a été envisagé
que Palm participe au capital de Symbian. En 2001, Palm et les principaux acteurs de
Symbian ont établi une alliance afin de mettre au point une norme de transmission permettant
la synchronisation à distance des appareils mobiles (SyncML). Par ailleurs, Sony, appartenait
aux deux écosystèmes d’affaires avant de faire le choix de Symbian. Samsung était également
dans cette situation (mais utilisait les systèmes d’exploitation Microsoft et Linux).
Coopétition forte
Depuis 2003, Palm a passé plusieurs accords avec RIM en ce qui concerne l’accès ou
l’utilisation des logiciels de messagerie dans les systèmes d’exploitation Palm. L’orientation
stratégique de Palm pour mieux toucher le marché des entreprises l’oriente vers l’adoption de
ces solutions en même temps que la solution « exchange » de Microsoft. Un effort est
également mené afin de rendre les Treo (PalmOne) compatibles avec les BlackBerry (RIM)
(2006).
A partir de 2003, RIM a passé des accords avec Microsoft en licenciant son application de
messagerie électronique mobile. L’environnement Windows Mobile est le système
18
d’exploitation qui a bénéficié en premier des développements logiciels mis au point par RIM.
A partir de 2004, RIM développa des solutions (BlackBerry Connect et BlackBerry Built-In)
permettant une utilisation de ses applications sur d’autres systèmes d’exploitation et en
premier lieu les fabricants de machines fonctionnant sous le système d’exploitation Microsoft.
En proposant ces BlackBerry virtuels, RIM établit donc des interconnexions avec d’autres
écosystèmes d’affaires concurrents du sien.
Initialement Palm appartenait à 3Com. Palm était concurrent de Microsoft tandis que 3Com
était client de Microsoft. Cette dualité conduisit à l’indépendance de Palm (1999). Le
dirigeant de 3Com, Eric Benhamou expliqua cette nécessité : « Microsoft est le partenaire le
plus important de 3Com, puisque nos matériels utilisent son système d'exploitation Windows
NT, tandis que Palm est un concurrent direct de Microsoft et de son Windows CE. On pourra
désormais nouer plus facilement des partenariats stratégiques. 4 ». Par la suite, Palm et
Microsoft (2001) passèrent des accords de licence de logiciels afin d’améliorer les
fonctionnalités de leurs produits : Graffiti de Palm (logiciel de reconnaissance d’écriture) et
suite bureautique Office de Microsoft (Word, Excel, Powerpoint). PalmOne client du système
d’exploitation de PalmSource adopta également le système d’exploitation de Microsoft (2005).
Coopétition très forte
Le nombre d’acteurs partenaires de Symbian et de Linux permet de considérer ces deux
écosystèmes d’affaires comme proches : Samsung, Motorola, Matsushita-Panasonic, Siemens.
Outre une dimension ouverte commune à ces deux réseaux, plusieurs acteurs majeurs de
Symbian (Sony, Samsung, Nokia,…) se sont regroupés en 2003 afin de développer une
version de Linux adaptée à leurs équipements.
Les liens entre Palm et Linux sont nombreux et particulièrement importants. En 2004,
PalmSource achète le chinois China MobilSoft (développeur de solutions sous Linux).
PalmSource, acheté en 2005 par Access (entreprise japonaise spécialisée dans les logiciels
pour téléphones portables), se transforme en ALP (Access Linux Platform) lors de sa version
6.1 (2006). ALP est un mix de PalmSource, d’Access et de Linux. De tous les écosystèmes
d’affaires envisagés, Palm est celui qui est maintenant le plus proche de Linux.
4
Les Echos, 17/09/1999.
19
7. DISCUSSION
Les différentes analyses, menées plus haut, permettent d’effectuer une synthèse du niveau de
coopétition pour et entre chaque écosystème d’affaires.
Tableau 2 : évaluation de la coopétition des écosystèmes d’affaires (EA)
Coopétition
Ecosystème d’affaires
Interne à l’EA
Symbian
Très forte. Principe fondateur
de Symbian.
Microsoft
Faible (notamment sur la
partie système
d’exploitation).
Palm
Forte notamment lorsque
Palm était présent sur le
matériel et les logiciels.
RIM
Faible.
Linux
Forte du fait de la nature
ouverte et collaborative.
Externe à l’EA
Forte. Plusieurs des
participants de Symbian ont
passé des accords avec
d’autres écosystèmes
d’affaires.
Modérée. Plusieurs accords
concernant les logiciels.
Très Forte. Plusieurs accords
avec Symbian et Microsoft.
Les derniers développements
orientent Palm vers Linux.
Forte. Partenariats
commerciaux multiples avec
les concurrents.
Forte. Liens avec Palm et
Symbian.
Nous pouvons nous rendre compte que la coopétition est une stratégie fortement présente dans
les TMI notamment entre écosystèmes d’affaires. Nos observations semblent confirmer les
positions de Nalebuff et Brandenburger (1996) selon lesquelles la coopétition est nécessaire
dans les industries émergentes. Ainsi, tous les écosystèmes d’affaires sont rentrés dans une
logique coopétitive. Ces issues confortent notre deuxième proposition. Au niveau interne, ce
déterminisme apparent semble moins prégnant puisque les écosystèmes d’affaires RIM ou
Microsoft ne se démarquent pas par une forte coopétition et sont fortement centrés sur
l’entreprise nodale. Le schéma 2 représente le réseau des entreprises liées, au-delà de simples
accords, respectivement à Microsoft et à Nokia qui appartient à l’écosystème d’affaires
Symbian (« ego networks »). Nous nous rendons compte que le réseau de Microsoft est
constitué d’entreprises qui sont rarement en collaboration tandis que le réseau de Nokia est
constitué d’entreprises en interactions. Ceci relativise les analyses de Ancarani et Shankar
(2003) selon lesquelles il est important de s’allier avec des concurrents afin de profiter
d’effets de réseaux. La coopétition n’est pas inévitable, en interne (exemple : Microsoft), dans
20
la logique des écosystèmes d’affaires et nos observations ne valident pas les propositions de
Moore (1996). Notre première proposition n’est donc pas parfaitement envisagée. Toutefois,
si nous considérons la performance comme découlant de la part de marché, il semble que
Symbian est l’écosystème d’affaires le plus performant et le plus coopétitif tant en interne
qu’en externe. Notre constat rejoint les perspectives avancées par Bengtsson et Kock (2000)
en ce qui concerne les entreprises.
Schéma 2 : “Ego networks” de Microsoft et de Nokia dans les TMI (1998-2006)
Liens de Microsoft
Liens de Nokia
Par ailleurs, il ne semble pas exister de liens évidents entre coopétition « au sein » et « entre »
écosystème d’affaires. Si Symbian, Palm ou Linux connaissent simultanément ces deux types
de coopétition de façon intense, RIM, qui se caractérise par une coopétition interne faible,
noue plusieurs accords avec les écosystèmes d’affaires concurrents. Cependant, ces accords
concernent essentiellement des ventes de licence des applications de messagerie développées
par RIM. Il s’agit d’accords commerciaux définis dans le temps sur lesquels les coopétiteurs
pourront revenir. Microsoft, pour sa part, connaît une assez faible coopétition en interne et
noue de façon modérée des accords de coopération avec des écosystèmes d’affaires
concurrents. Donc, la coopétition interne ne peut être considérée comme le facteur explicatif
unique d’une coopétition externe aux écosystèmes d’affaires. La perspective de
l’apprentissage interne de la coopétition est à modérer.
Au final, quelles sont les raisons qui poussent des écosystèmes d’affaires à coopérer avec des
écosystèmes d’affaires concurrents ? Notre point de départ de l’analyse des industries des
technologies de l’information reposait sur l’importance des standards. Le cas des TMI permet
d’apporter quelques éléments de réponses supplémentaires. Lado et al. (1997) considèrent que
la coopétition entre entreprises va permettre de développer des connaissances, de favoriser la
21
croissance du marché et de réaliser des progrès technologiques. Après analyse des
comportements et liens au sein des TMI, nous pouvons considérer que quatre raisons peuvent
expliquer l’adoption d’une attitude coopétitive.
Fournir une réponse à la menace d’un concurrent
Cette raison ressort de notre analyse tant de façon interne qu’externe aux écosystèmes
d’affaires étudiés. Au niveau intra-écosystème, la mobilisation des différents équipementiers
téléphoniques au sein de Symbian semblait prioritairement motivée par les dangers éventuels
d’une hégémonie de Microsoft. La menace a poussé des concurrents à travailler ensemble. Au
niveau inter-écosystème, l’amorce de l’alliance entre Palm et Symbian en 1999 répondait au
même cas de figure. La situation difficile du système d’exploitation de PalmSource en 2006,
fortement concurrencé par Microsoft, Symbian et RIM, a entraîné une modification de la
nature propriétaire de cette solution. Le rapprochement avec Linux, pourtant concurrent, a
permis de modifier la ressource « système d’exploitation » afin de permettre une réponse
rapide.
Favoriser la domination de sa technologie
Au sein des écosystèmes d’affaires, la volonté de rallier des concurrents à sa cause afin de
profiter d’externalités de réseaux peut être un élément moteur de la dynamique coopétitive.
Rappelons que plus un système d’exploitation est utilisé, plus d’applications seront
développées, rendant encore plus fort l’intérêt du système d’exploitation. La modification
dans le capital de Symbian témoigne du besoin de rallier des concurrents. Motorola et Psion
ont quitté le capital de Symbian tandis que Sony, Siemens ou Samsung (équipementiers
téléphoniques) ont effectué leur entrée. Ceci a permis à Symbian d’être largement leader.
Cette perspective peut également être envisagée comme un moyen de lancer sur un marché un
produit nouveau. Le développement de l’écosystème d’affaires Palm semble également
correspondre à cette volonté de développement avec la participation active de Sony. Son
abandon en 2004 est à relier aux difficultés, rencontrées par la suite, de cet écosystème
d’affaires.
Structurer l’émergence d’une norme
La nécessaire interopérabilité de certaines applications a conduit des entreprises concurrentes
à développer des normes entre écosystèmes d’affaires : accord entre Nokia et Microsoft pour
le format de données (2005), entre Symbian et Microsoft pour la synchronisation à distance
22
du courrier électronique (2005) ou encore entre Ericsson, Nokia et Palm pour la mise au point
d’une norme permettant la synchronisation entre PDA (2001). Les alliances de concurrents
pour développer un Linux mobile appartiennent également à ce type de raisons. Cette
perspective se situe au niveau inter-écosystèmes.
Faciliter la diffusion d’une partie de ses activités spécialisées
Le cas de RIM mais aussi celui de Palm illustre cette raison. RIM a entrepris de vendre sa
licence concernant son application de messagerie électronique mobile à des écosystèmes
d’affaires concurrents. La spécialisation de cette application en diminuait le danger pour ses
concurrents qui trouvaient un moyen de satisfaire une demande de leurs clients. RIM pouvait
ainsi profiter de revenus tandis que Microsoft, Nokia, Motorola ou Samsung pouvait profiter
du savoir-faire de RIM tout en continuant à développer leurs propres applications. La vente de
la licence Graffiti de Palm à Microsoft correspondait également à cette même logique. Cette
raison apparaît comme interne et externe.
CONCLUSION
A l’heure où Apple investit les TMI avec le lancement du iPhone et que Google fédère autour
d’Android plusieurs partenaires, la convergence est forte. D’autant que des prévisions
estiment que plus d'un milliard d’appareils issus des TMI devraient être vendus d'ici à 2012 se
substituant aux téléphones classiques. Aux confluents directs de l’informatique, du
multimédia et de la téléphonie, les développements des nouveaux appareils communicants ne
peuvent faire l’économie des apports de plusieurs entreprises parfois en concurrence. Les
logiques d’écosystèmes d’affaires se retrouvent également renforcées puisque Apple, par
exemple, a accordé à l’opérateur ATT l’exclusivité de son appareil pour les Etats-Unis. Les
rapports de force au sein des TMI évolueront mais notre recherche a permis de mettre en
évidence l’importance des stratégies coopétitives notamment entre écosystèmes d’affaires
dans une industrie des technologies de l’information sans qu’il soit possible de conditionner
un comportement coopétitif externe à une posture coopétitive interne. Par ailleurs, la menace
que peut représenter Apple ou Google pourra entraîner un rapprochement coopétitif entre
écosystèmes d’affaires comme nous avons pu le constater précédemment. Nous noterons que
des partenaires de Google sont déjà présents au sein d’autres écosystèmes d’affaires des TMI.
23
Toutefois, au-delà de ces résultats, il semble que l’analyse des écosystèmes d’affaires et de la
coopétition au sein d’un secteur des technologies de l’information tel que les TMI comporte
de nombreuses difficultés. La participation de différentes entreprises à plusieurs écosystèmes
d’affaires rend difficile l’identification de leurs frontières, d’autant que si certaines sont
relativement formalisées (Symbian), d’autres sont plus floues (Linux). Du fait des évolutions
technologiques et du phénomène de convergence, il n’a pas toujours été aisé d’identifier les
actions et acteurs pertinents. C’est pour cette raison que nous nous sommes plus
particulièrement intéressés aux systèmes d’exploitation des terminaux sans fils en laissant de
côté des acteurs majeurs comme les opérateurs ou les fabricants de microprocesseurs, par
exemple. La focalisation historique adoptée a donné une grande place aux acteurs issus des
PDA alors que leurs parts de marchés demeurent faibles. Enfin, il est toujours difficile de
pouvoir juger des relations coopétitives sans erreurs. Notre approche a qualifié un certain
nombre d’actions collaboratives entre entreprises supposées concurrentes sans que leurs
issues soient pleinement prises en compte.
La prédominance de l’écosystème d’affaires Symbian, qui a multiplié des actions coopétitives
à plusieurs niveaux, témoigne du succès de la collaboration avec des concurrents dans les
technologies de l’information lorsqu’il est nécessaire d’innover (Nalebuff et Brandenburger,
1996 ; Lado et al., 1997 ; Bengtsson et Kock, 2000). Cependant, l’hégémonie d’un leader
(Nokia) peut entraîner un accroissement des conflits au sein de cet écosystème d’affaires
lorsque la menace concurrentielle s’atténuera du fait du déclin de certains concurrents. Un
écosystème d’affaires comme Linux (le projet Google s’en rapproche), supporté par des
entreprises liées à l’écosystème d’affaires dominé (constructeurs, opérateurs, sous-traitants,
éditeurs,…), peut fournir une nouvelle issue afin de contrer la domination de quelques-uns.
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Management Review, vol.43, n°1, pp. 55-63
26
Annexe A : Dispositif de recherche
Base documentaire
1998
Mots-clefs
2006
Symbian, PDA,
Windows mobile, CE,
Palm, RIM, Blackberry,
Linux, mobile,
Smartphone…
Analyse de contenu
738 articles
Coopérations, concurrence,
standard, stratégie,
innovation,…
Triangulation
818 événements
Etudes
sectorielles
Matrice
chronologique
Identification
n
n+1
n+2
Accords
Clients
Partenariat
Alliance
Rachat
241 relations
de collaboration
Matrice d’adjacence
A B C D …
x
A
B
x
C x
D
x
…
98
entreprises
Analyse des
réseaux sociaux
Ucinet / Netdraw
Evolution des rapports
de collaboration entre
concurrents dans les TMI
Interprétation
Ecosystèmes d’affaires /
Coopétition
27

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