Chroniques bleues 6 septembre 2006 : France

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Chroniques bleues 6 septembre 2006 : France
Chroniques bleues
6 septembre 2006 : France-Italie
lundi 6 septembre 2010, par Bruno Colombari
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Le dernier grand match des Bleus, la revanche de la finale de Berlin, le sommet de la carrière de Sidney Govou. Après
ça viendra le temps du déclin et de l’amertume.
Le contexte historique
Petit retour en arrière. Nous sommes 59 jours après la finale de Berlin, dont les images sont encore dans toutes les mémoires.
Zidane est désormais à la retraite, Barthez n’en est pas loin [1] et les Italiens sont en phase de préparation car leur championnat n’a
pas encore repris. Pour leurs débuts en phase qualificative de l’Euro 2008, les joueurs de Donadoni ont mal débuté (nul à domicile
contre la Lituanie) au contraire des Bleus qui sont allés gagner en Géorgie (3-0).
Le match
L’équipe de France aligne neuf des onze finalistes de Berlin, Coupet remplaçant Barthez dans les buts et Govou suppléant
(numériquement) Zidane au milieu. Le 4-2-3-1 de la coupe du monde est reconduit avec Govou à droite, Ribéry dans l’axe et
Malouda à gauche, Henry jouant en pointe. Les Italiens jouent sans Materazzi, Camoranesi, Totti et Toni, remplacés par Barzagli,
Semioli, Cassano et Gilardino.
Les derniers spectateurs du Stade de France ne sont pas encore assis que le score est déjà ouvert : après 68 secondes de jeu, les
Bleus repoussent les Italiens sur leur but, obtiennent un corner à la suite duquel Henry passe à Makelele qui décale Gallas (hors-jeu)
sur la gauche. Le centre en cloche au second poteau est repris de volée par Govou à l’angle des six mètres.
A cet instant, personne ne pense que le plus dur est fait, tant le
souvenir de Berlin et la panenka de Zidane sont encore chauds. Les Italiens entrent enfin dans le match, mais sont toujours aussi
nerveux derrière : Henry se retrouve seul à l’angle de la surface à la 14e, et c’est lui qui a le temps de reprendre une frappe lourde
de Malouda repoussée n’importe comment par un Buffon encore en vacances (16e). Le temps d’apprécier cette belle séquence, et
Coupet va chercher au fond un ballon repris tranquillement de la tête par Gilardino sur un coup-franc de Pirlo.
2-1 après 18 minutes, c’est parti sur un rythme inhabituellement élevé pour un France-Italie [2]. Juste avant la demi-heure, les deux
équipes sont tout près du but (tir de Sagnol repoussé en corner à la 25e, énorme occasion de Semioli sur un centre de Grosso et une
faute d’Abidal), puis ça se calme enfin. En attendant la pause, les Bleus font tourner le ballon pendant près d’une minute et
déclenchent les olés du public. Revoir Vieira en état de marche fait d’ailleurs toujours plaisir, d’autant qu’il va bientôt disparaître de
la circulation [3].
Le coup de grâce viendra tôt en deuxième mi-temps, avec encore une belle séquence Makelele à la récupération, Malouda, Henry,
Ribéry, Makelele encore pour Sagnol qui centre au point de pénalty pour Govou. Le Lyonnais frappe le ballon de la tête puis percute
le crâne de Cannavaro pour un KO technique. Buffon est encore battu et le score monte à 3-1. Dans un état second, Sidney
manquera de peu le triplé dix minutes plus tard sur une frappe du gauche dans la surface déviée à ras du poteau du bout des gants
par Buffon qui a décidé enfin de fermer boutique.
Ça n’empêchera pas les Bleus de continuer à garder le ballon et d’attaquer, comme avec ce tir du gauche de Ribéry un poil trop
large au terme d’une somptueuse action collective [4] (71e). Le temps additionnel verra les champions du monde courir après une
balle insaisissable pendant que des tribunes descend une Marseillaise enflammée.
La séquence souvenir
Elle arrive juste après le premier quart d’heure. Près de la ligne de touche côté gauche de la défense française, Abidal contre
Semioli, transmet à Vieira qui remet à Abidal. Le ballon circule dans le couloir gauche vers Ribéry, puis Henry qui accélère, déborde,
remet en retrait pour Ribéry. Ce dernier s’arrache au milieu de trois Italiens, glisse en retrait vers Makelele qui garde la balle car
Henry est resté à terre.
Après quelques secondes d’attente, le jeu continue vers Malouda, qui remet à Makelele, qui sert Govou côté droit. Ce dernier
combine avec Sagnol, Ribéry, Sagnol encore, puis Makelele qui finit par trouver Malouda. A 25 mètres dans l’axe, le Guyanais lâche
une frappe très sèche qui passe sous la jambe de Cannavaro et que Buffon repousse tant bien que mal dans la surface en perdant
l’équilibre.
Henry récupère, Cannavaro le suit pensant qu’il va centrer, mais Henry choisit de frapper au but. Le ballon est rabattu vers le sol par
le talon de Cannavaro et trompe Buffon en hommage à Wiltord, Nesta et Toldo à Rotterdam en 2000. En résumé, 51 secondes de
possession, 13 passes, huit joueurs impliqués (tous sauf Coupet, Gallas et Thuram) et des Italiens aux fraises.
L’adversaire à surveiller
Andrea Pirlo avait déjà fait très mal aux Français lors de la finale de la coupe du monde avant les vacances (corner pour la tête
victorieuse de Materazzi, but refusé en deuxième mi-temps). A la rentrée, il est dans les mêmes dispositions et sème la panique sur
chaque coup de pied arrêté. A la 4e, il sert Zambrotta en profondeur (tir au-dessus de la lucarne) et à la 18e, il dépose un amour de
centre rentrant que Gilardino transforme en but. Thierry Gilardi (paix à son âme) nous apprend incidemment qu’en Italie on le
surnomme la fée clochette, allez savoir pourquoi. En deuxième mi-temps, alors que la Squadra boit la tasse, le milieu milanais se fait
un peu oublier jusqu’à la 71e, où son coup-franc pour Di Michele est contré. Six minutes plus tard, il frappe des 25 mètres à droite
sur la tête de Cannavaro qui oblige Coupet à se détendre à l’horizontale. La faiblesse des Bleus en défense sur les balles en hauteur
se fait de plus en plus criante. On n’a pas fini d’en entendre parler.
Le Bleu du match
Quand il est convoqué par Raymond Domenech, Sidney Govou a exactement zéro minute de compétition dans les jambes, à peine
un obscur match de CFA avec la réserve lyonnaise. En Géorgie trois jours plus tôt, il a remplacé Ribéry à vingt minutes de la fin,
mais sa titularisation contre les champions du monde (à la place de Louis Saha) est une énorme surprise, à tout le moins une bonne
blague. Il ne faut que soixante-huit secondes à Sidney pour faire taire les sceptiques d’une superbe volée croisée du droit. Et moins
d’une heure pour les contraindre à applaudir suite à un deuxième but qui lui vaudra un étourdissement passager. Govou ovationné à
sa sortie du terrain par un stade de France debout, qui l’eût cru ? Probablement pas son cousin qui a pris sa place dans la liste des
23 en Afrique du Sud.
La petite phrase
Elle n’arrive qu’un mois après le match, mais elle est quand même chouette, dans la bouche de William Gallas. Le 5 octobre, avant
de partir pour Glasgow affronter l’Ecosse, il lâche : « Aujourd’hui, je le dis haut et fort, on est la meilleure équipe au monde, je n’ai
pas peur de le dire, et on va le prouver à chaque match. »
50 rencontres, 15 défaites et deux éliminations piteuses au premier tour plus tard, effectivement la preuve est faite.
La fin alternative
Battus 2-3 par l’Italie après une deuxième mi-temps ratée, les Bleus tombent à nouveau en Ecosse sur une erreur de Coupet (« cette
reprise de Caldwell à bout portant ? Oui, je crois que je l’aurais arrêtée » affirme Fabien Barthez). Début 2007, les cinq points perdus
face à la Lituanie entraînent l’élimination prématurée et le remplacement de Domenech par Deschamps.
Ce dernier s’appuie sur la génération 87 avec laquelle il se qualifie pour la coupe du monde 2010. Mais une bataille rangée dans le
bus de l’équipe entre Nasri, Ben Arfa, Benzema et Menez pour avoir les places dans l’axe à l’arrière entraînent leur éviction de
l’équipe. Julien Rodriguez termine avant-centre, les Bleus sont éliminés au premier tour et Deschamps va entraîner Nantes en ligue
2.
Notes
[1] il annoncera la fin de sa carrière un mois plus tard avant de faire une dernière — et calamiteuse — pige au FC Nantes début 2007.
[2] La dernière fois que les Bleus avaient mis trois buts aux Italiens, c’était en 1927 (défaite 3-4 aux JO d’Amsterdam), à une époque où même
Jean-Pierre Escalettes n’était pas né.
[3] Après France-Italie, il jouera 3 matches en 2006, 4 en 2007, 2 en 2008 et un en 2009, soit 10 matches en tout en près de 3 ans. (lire
l’article Vieira, un inter à mi-temps)
[4] Elle est décrite en détail par les Cahiers du football