La Chine super-puissance, mais…
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La Chine super-puissance, mais…
TOPIC Janvier 2012 www.hec.fr/eurasia L’ASIE EN 2012, ANNEE DU DRAGON D’EAU La Chine super-puissance, mais… L’Asie, malgré son dynamisme propre toujours impressionnant, n’est pas découplée d’une conjoncture mondiale incertaine pour 2012. L’Asie émergente continuera à être la locomotive principale de l’économie globale, mais à un rythme qui va se contracter de plus d’un point en moyenne. La Chine reste la principale dynamo de tous les pays de la région, du nord au sud. Elle parviendra à produire une croissance supérieure à 8% en 2012. Mais la montée de problèmes structurels lourds assortie d’un bouillonnement social croissant créent un climat d’incertitudes à moyen terme, sur fond de succession politique. L’Inde et l’Indonésie continueront leur remarquable progression, sans pourtant pouvoir s’affranchir de systèmes de décisions peu en phase avec leurs besoins de développement. Globalement, l’année du Dragon se présente sous d’assez bons augures. Les prévisions de croissance pour 2012 +3,7% +8,5% +2,5% Comparaisons : +3% HK+3,6% +7,5% USA : +3% Europe : +1,7% +4% +6% +5,6% +5,4% 1 CHINE Bien que robuste, la croissance chinoise est à la recherche d’un second souffle. Pour nos entreprises européennes, la Chine restera encore en 2012 l’horizon indépassable de la croissance, mais… Bien que robuste, la croissance chinoise est à la recherche d’un second souffle, à la mesure des mutations de fond du pays. Un tassement durable de deux points est un virage important pour toute économie : c’est ce qui est en train de se passer en Chine, par delà des incertitudes de la conjoncture internationale. En 2010, la croissance du PIB était de +10,4%, proche des résultats « historiques » ; en 2011 de +9,2%. Les prévisions pour 2012 indiquent pour l’instant des chiffres de l’ordre de +8,5%. Et l’on s’attend à +7/8%, pas davantage, dans les années qui viennent. Les « trente glorieuses » de la Chine sont donc sans doute derrière nous, marquées par une réussite fulgurante au plan macroLe tassement de économique : une puissance économique qui est passée en trente ans de 300 à l’économie est plus de 7 000 milliards de dollars (courants) ; un PIB par habitant moyen qui a l’enjeu majeur des bondi de 280 dollars à plus de 5 000 ! Mais les paradigmes fondateurs de cette prochaines croissance, à commencer par les « réformes » (Gaige) lancées par Deng années. Xiaoping, doivent subir des révisions déchirantes. C’est tout l’enjeu de la période qui s’ouvre et qui, symboliquement, sera conduite pour les dix ans qui viennent par une nouvelle équipe politique, dite de la « cinquième génération », qui sera intronisée à l’automne 2012. Les investissements fixes restent le moteur principal de la croissance chinoise. Il en résulte un endettement effarant des collectivités locales. L’endettement public serait supérieur à 70% du PIB. 2 Les moteurs de la croissance chinoise sont extrêmement déséquilibrés. L’investissement fixe reste – et de loin – la composante principale. On aurait pu penser que l’impulsion du plan de relance de 2008 était nécessaire pour conjurer une baisse possible d’activité à cause de la crise financière mondiale, laquelle ne s’est pas produite. Mais au-delà des échéances de 2009 et 2010, la part des investissements fixes aurait dû baisser. Il n’en est rien. Par rapport au PIB, lesdits investissements ont encore augmenté, passant du chiffre colossal de 71% en 2010 à 75% en 2011. Et sous ce chiffre général se cache une gigantesque fièvre du béton, très souvent spéculative, dont l’immobilier occupe une large place, entre les constructions d’immeubles d’habitation ou de bureaux, les centres commerciaux et pas moins de 8 000 « projets de développement » sans réelle valeur économique. Ces investissements ont été financés à crédit, grâce aux banques (d’Etat) complaisantes et dépendantes des pressions des caciques locaux. Il en résulte un endettement effarant des collectivités locales. Le bureau officiel de l’audit admet que ces dettes représentent 27% du PIB. Mais des estimations un peu sérieuses de sources différentes indiquent le double. Au passage, le mythe de l’endettement chinois explose. L’Etat central, si l’on en croit les déclarations des dirigeants, ne serait endetté que de 20% environ du PIB. Mais si l’on intègre la réalité des données locales, l’endettement public serait supérieur à 70% du PIB, score comparable à ceux des économies européennes. Et si l’on ajoute les prêts qui ne seront jamais remboursés – rapidement escamotés de la catégorie des « prêts non performants – la réalité des finances chinoises est beaucoup moins rose que la propagande ne l’affiche. Et ce ne sont pas les réserves de change superlatives (3 185 milliards de dollars) qui peuvent sérieusement faire l’objet de vases communicants entre les différentes composantes, pour quantités de raisons, techniques et politiques. Les conséquences d’un tel modèle sont connues : spéculation, corruption... Cette économie de casino, où la spéculation effrénée s’appuie sur des protections politiques locales – sans même parler de corruption – se conforte de circuits parallèles non officiels. Les masses financières de la tontine (Hui) ou le shadow banking (formé de placements de particuliers) représentent sans doute le double des dépôts bancaires. Que des difficultés interviennent, et le système peut être atteint de thrombose, comme l’illustrent en 2011 les milliers de faillites d’entreprises dans la région de Wenzhou, lesquelles avaient emprunté aux shadow banks à des taux jusqu’à 70% l’an ! Ce modèle de soutien de la croissance par l’investissement massif était similaire au Brésil dans les années 70 ou au Japon dans les années 80. On connait la suite. Le modèle d’ Deuxième moteur : l’exportation. Le modèle d’« usine du monde » «usine du monde» montre ses limites actuellement, à la fois parce que les marchés occidentaux montre également sont moroses et parce que les coûts de main d’œuvre augmentent ses limites… inéluctablement. Certes, les exportations chinoises ont encore caracolé cette année, passant de 1 577 milliards de dollars en 2010 à 1 898 en 2011. Certes, les investissements directs étrangers continuent leur progression, passant de 106 milliards de dollars en 2010 à 115 en 2011. Mais l’inflation très importante rogne la compétitivité. Le chiffre moyen admis est de +5,5% en 2011, mais ceci masque des hausses de +60% pour les légumes et la viande de …L’inflation porc, du même ordre pour les logements, le tout à l’avenant. Alors on rogne la augmente les salaires de l’ordre de +20% par an. Et – fait nouveau depuis compétitivité, et l’année dernière – on le fait maintenant de plus en plus sous la pression de les salaires grèves à répétition, de plus en plus ouvertes et commentées. continuent de Le troisième moteur, celui de la consommation intérieure, devrait donc grimper. servir de relai. C’est même devenu la doxa officielle. Mais la part de la consommation dans le PIB n’augmente pas. Elle a même légèrement régressé de 40% du PIB en 2010 (total des ventes de détail) à 39% (même en période de récession, la consommation américaine représente 70% du PIB). La nouvelle classe moyenne chinoise est plus riche que les statistiques ne le disent. L’argent caché des Chinois (cf. TOPIC février 2011) représente vraisemblablement près du double des revenus totaux recensés. Mais ils vont Pour autant, la se placer dans des biens durables. Un garçon en ville ne peut tout simplement consommation pas se marier aujourd’hui s’il ne possède pas un appartement. Le reste des intérieure revenus, déclarés ou non, est stocké sous forme d’épargne, parce que le n’augmente pas financement public de la santé, de l’école, des retraites est encore à un stade comme elle le peu avancé et que seul un matelas personnel de liquidités peut y parer. Les devrait, et les autorités, qui mettent en place des systèmes variés de protection sociale, le problèmes se savent bien. Elles savent aussi que la fenêtre de tir pour le faire se refermera multiplient. en 2015, lorsque la courbe de dépendance démographique (actifs par rapport aux jeunes et aux vieux), exceptionnellement favorable actuellement, va s’inverser. Mais tout cela va moins vite que la musique ou que l’inflation. La recherche permanente et brouillonne de la croissance à tout prix a privilégié la quantité au détriment de la qualité, comme l’illustre, parmi bien La saga du TGV d’autres, la saga du TGV. Dans sa hâte à se doter du plus vaste système en juillet 2011 ferroviaire au monde (13 000 km de voies initialement prévues fin 2012, reflète la 50 000 d'ici 2020), la Chine a mis la charrue avant les bœufs. La destitution en recherche d’une février 2011 du ministre des Chemins de fer, Liu Zhijun, pour corruption avait croissance à tout levé un coin du voile. On savait que le ministère du Rail était devenu un Etat prix, où la quantité dans l’Etat et qu’il dépensait au-delà de toute raison. Les projets de néglige la qualité. développement, financés par la dette, ne représentaient pas moins de 3 Un accident sur la nouvelle ligne Pékin-Shanghai a causé la mort de quarante personnes environ. 330 milliards de dollars ! Fin juillet 2011, un accident sur la ligne à grande vitesse entre Pékin et Shanghai a provoqué la mort de quarante personnes, un mois à peine après son inauguration. On découvre aujourd’hui que la fuite en avant s’était accompagnée de pratiques opaques et dangereuses : recours à des prestataires non-certifiés, utilisation de ciment et d’acier de qualité douteuse. L’inspection de 6 000 kilomètres de nouvelles voies a révélé que les entreprises sous-traitantes avaient souvent mis du sable et des cailloux au lieu de béton, le tout à l’avenant. Plutôt que de développer un système complexe par une patiente acquisition d’expérience, des défauts béants de signalisation et de management ont conduit à l’accident de juillet. On retrouve les mêmes carences lors d’un accident du métro de Shanghai un mois plus tard. On aperçoit l’envers du décor de cette politique de croissance à tout prix, de cette croyance aveugle dans le « Dieu PIB », dans nombre d’autres secteurs stratégiques où la quantité néglige la qualité. La recherche louable de sources alternatives d’énergie a provoqué une ruée des entreprises chinoises On aperçoit dans l’éolien. Déjà dotée d’une capacité théorique de 20 000 MgW installés aujourd’hui l’envers du décor, actuellement, souvent dans les steppes du grand ouest, la Chine en prévoit 100 000 en 2020… mais les deux tiers de ces modernes moulins à vent ne sont où le gâchis financier n’a pas toujours pas raccordés à un quelconque réseau. L’enthousiasme à anticiper un développement fulgurant a conduit chaque province à se doter d’aciéries ou de de limites. cimenteries dernier cri, au point que la capacité installée pour l’acier excède d’un tiers la production (déjà considérable à 650 millions de tonnes) et de plus du double pour le ciment. La grande province centrale du Hubei annonce sans rire un plan d’investissements sur cinq ans égal à douze fois son PIB annuel ! Le coût de la croissance incontrôlée n’est pas seulement financier. Il est aussi social. Et parce que les frustrations des nouvelles classes urbaines n’ont d’égales que leur capacité à communiquer grâce aux quelques 500 millions d’internautes – en majorité des jeunes – et au milliard de téléphones portables, il est devenu politique. L’accident du TGV en juillet a Les inégalités provoqué une bronca inouïe sur les réseaux sociaux chinois (weibo entre sociales se autres, cf. TOPIC mars 2011). L’opacité des autorités, leur hâte à enterrer les creusent, et la wagons accidentés sans pousser plus loin l’enquête, a ulcéré une bonne partie frustration des classes urbaines se de la classe moyenne chinoise. Le mépris d’entreprises sans foi ni loi avait fait de plus en plus déjà soulevé une vive émotion des citoyens il y a deux ans lors du scandale du lait pour enfants « dopé » à la mélamine. évidente. Comme si de rien n’était, l’histoire se répète. En septembre 2011, la police arrête 32 personnes dans un vaste trafic d’huile fabriquée à partir de restes prélevés dans le caniveau. Ce scandale survient quelques mois seulement après la découverte de porcs contaminés au clenbutérol, un anabolisant qui vise à réduire les graisses, ainsi que de la vente de petits pains à la vapeur colorés avec des produits chimiques toxiques. Des pastèques qui explosent, du lait frelaté… la longue litanie de cas d’empoisonnements collectifs ou d’incidents liés à la sécurité alimentaire provoque le désarroi des consommateurs, qui n’arrivent plus à distinguer les aliments sains, de ceux Les problèmes de contaminés. On trouve désormais sur tous les marchés populaires des légumes, de la viande etc… étiquetés en trois catégories : les produits censément sains sécurité alimentaire se sont (les plus chers), ceux qui sont un peu moins « garantis », et les moins chers, succédés en 2011. pour lesquels chacun prend sa responsabilité. 4 Les atteintes massives à l’environnement ne se font désormais plus impunément, et ceci est très nouveau. Les atteintes massives à l’environnement ne se font désormais plus impunément, et ceci est très nouveau. A Dalian, dans le nord-est du pays, 12 000 personnes sont descendues dans les rues en août 2011 pour réclamer la fermeture d’un nouveau complexe pétrochimique. Ce dernier, qui fabriquait du paraxylène – ingrédient clé du polyester dont les vapeurs peuvent provoquer des irritations au nez et aux yeux, et en concentration trop élevée, la mort – a échappé de peu à une inondation après qu’une tempête tropicale ait dévasté la ville. Les craintes d’une fuite de paraxylène ont poussé les résidents à se mobiliser dans ce qui a été décrit comme une des plus grandes manifestations urbaines en Chine depuis longtemps. Inquiets de l’ampleur du mouvement, les dirigeants municipaux se sont rapidement pliés aux demandes des riverains. Le complexe, d’une valeur d’1,5 milliards de dollars, a été fermé et il devrait être relocalisé – une première en Chine pour des raisons d’intérêt public. Mais entre contamination et pollution, on en vient à se demander s’il n’est pas trop tard. Malgré la lutte proclamée des autorités pour améliorer l’environnement, on en vient à se demander s’il n’est pas trop tard : un épais nuage de particules fines et noires a littéralement paralysé Pékin début décembre 2011. L’aéroport a fermé pendant trois jours, avec des centaines de vols annulés, des milliers de passagers bloqués… du jamais vu pour une histoire de pollution. Mais avec des usines qui tournent à plein et 1 000 voitures de plus par jour dans les rues de la capitale, il faudrait une révolution pour sérieusement améliorer les choses. L’expulsion des paysans de leurs terres est également de plus en plus contestée… Une autre bronca publique, l’automne dernier, a amené les autorités provinciales du Guangdong à annuler un projet d’expulsion de paysans de leurs terres dans la petite ville de Wukan pour un improbable projet de développement. Les exactions sur les terres sont récurrentes. Elles provoquent plusieurs dizaines de milliers de révoltes chaque année. Les caciques locaux du parti s’en sortaient généralement en toute impunité, au prix d’une répression féroce. Mais Internet amène une nouvelle donne. Pour la première fois, Wukan a montré que l’on ne pouvait plus faire n’importe quoi. La société chinoise est désenchantée. La fracture sociale est béante. Les riches sont toujours plus riches. La répartition des fruits de la croissance est de plus en plus inégalitaire, comme le mesure très sérieusement le « coefficient de Gini », qui est passé pour la Chine de 0,25 il y a vingt-cinq ans à 0,51 aujourd’hui (France : 0,33 ; Etats-Unis : 0,41). La Chine est-elle encore « communiste » ? La société s’interroge de plus en plus ouvertement sur ses valeurs, qui ont sombré dans la marche forcée de l’urbanisation et de l’égoïsme ? La mort d’une petite fille écrasée par un chauffard à Canton cet …La société automne est bien plus qu’un fait divers. Une vidéo d’une caméra de s’interroge surveillance montre un camion écraser un enfant, s’arrêter, puis poursuivre son ouvertement sur chemin pour l’écraser à nouveau avec les roues arrières du véhicule. Pendant ses valeurs, qui ont sombré dans la pas moins de sept minutes, près de vingt piétons passent devant la fillette qui marche forcée de gît par terre sans s’en préoccuper. L’accident a créé une polémique d’ampleur nationale parmi les commentateurs : pour nombreux d’entre eux, il souligne l’urbanisation et l’inhumanité de la population chinoise dans sa course effrénée à la richesse et de l’égoïsme. au développement. Même les médias d’Etat s’interrogent sur l’état actuel de la société, dont les valeurs semblent aujourd’hui complètement déformées. 5 C’est sur ce fond d’extrême volatilité sociale que se présente la succession politique de l’automne 2012, qui verra une nouvelle équipe prendre les rênes du pays. C’est sur ce fond d’extrême volatilité sociale que se présente la succession politique de l’automne 2011, qui verra une nouvelle équipe prendre les rênes du pays. La « ZhongNanHaï-o-logie » est un sport très aléatoire ! (ZhongNanHaï est le « Kremlin » de Pékin). On sait tout au plus que Xi Jinping remplacera Hu Jintao comme secrétaire général du Parti et que Li Keqiang deviendra Premier ministre à la place de Wen Jiabao. Mais le fond de l’affaire n’est pas là. De l’avis même des meilleurs esprits qui briguent la succession, le temps est passé où seul les taux de croissance élevés pouvaient servir à masquer les problèmes multiples du pays en les sublimant, ce que nous avons appelé « le syndrome de la bicyclette » (tant qu’on pédale vite, la bicyclette garde sa trajectoire), si tenté que l’on puisse les maintenir. Les mêmes responsables confessent aujourd’hui (en privé bien entendu) qu’ils n’ont pas encore trouvé la martingale, le slogan ultime (celui de « l’harmonie » cher à Hu Jintao a fait long feu) qui serait « vendable » au bon peuple… dans un système où – faut-il le rappeler – on ne vote toujours pas. INDE Pour l’Inde, l’année 2011 aura été synonyme de croissance, mais également de tensions. Les investissements domestiques et étrangers ont quitté le pays en masse… Avec un déficit courant particulièrement élevé, la situation pourrait vite se dégrader. 6 2011 n’aura pas été une année facile pour l’Inde. Les déséquilibres – inflation, déficit budgétaire, déficit du compte courant – se sont creusés de façon inquiétante. Les données récentes reflètent un tassement de l’économie, ce qui a contraint le gouvernement à revoir à la baisse ses prévisions de croissance. Le pays devrait croître de +7,5% en 2011 et sans doute en rester là pour 2012. Les faibles taux d’investissements, aussi bien domestiques qu’étrangers, sont en partie responsables pour le mauvais tournant qu’a pris l’économie indienne (cf. TOPIC avril 2011). Les projets publics et privés, dans les secteurs clés des infrastructures et des métaux, ont ralenti en raison des délais d’approbation et des taux d’intérêt élevés. Les entreprises indiennes dénoncent des problèmes d’environnement, d’accessibilité aux terres, et de coûts élevés de l’énergie et du capital. Selon un dernier sondage, seuls un tiers d’entre elles prévoient une hausse des investissements de 10% au moins en 2012 : l’annonce de nouveaux projets se fait de plus en plus rare. Qui plus est, les investissements directs étrangers sont passés de 38 milliards de dollars en 2008/2009 à 23 milliards en 2009/2010. La Banque centrale indienne estime leur montant à 21 milliards sur les six premiers mois de l’année 2011/2012. Mais à l’inverse de ses voisins, l’Inde accuse un déficit courant important (54 milliards de dollars en 2011), ce qui signifie qu’elle a davantage besoin de capitaux étrangers pour équilibrer son système financier. Certes, une telle situation n’est pas inhabituelle pour l’Inde, mais l’environnement économique actuel la rend dangereuse : plus de 10% des emprunts des entreprises indiennes proviennent d’Europe. La crise a contraint les banques à se retirer du marché indien. Si la conjoncture s’aggrave, l’Inde pourrait connaître une crise sans précédent de sa balance des paiements. Afin d’éviter que la situation ne se dégrade, le gouvernement a annoncé in extremis une série de lois visant à encourager les investissements étrangers. Ce dernier a fait savoir qu'il allait ouvrir son marché financier aux Pour remédier au problème, le gouvernement a décidé d’ouvrir davantage son marché financier. Qui plus est, les mesures de la Banque centrale indienne pour limiter l’inflation commencent à se faire sentir. investisseurs particuliers étrangers – une première puisque jusqu'alors ces derniers étaient obligés de passer par des sociétés d'investissement ou des programmes institutionnels pour se positionner sur le marché d'actions indien. Désormais, un investisseur particulier peut acheter directement jusqu'à 5% du capital d'une société indienne à titre individuel. Cette mesure, attendue depuis plusieurs mois, est entrée en vigueur le 15 janvier. Sur une note moins positive, le gouvernement a suspendu début décembre l'ouverture de la grande distribution aux multinationales étrangères, un revirement majeur dû au tollé dans la classe politique et les petits commerçants. La roupie indienne a chuté à son plus bas niveau face au dollar, ce qui risque d'alimenter à nouveau l'inflation. Nombreuses sont les entreprises qui ont été contraintes de réduire leurs importations. Si l’Inde exporte davantage aujourd’hui qu’il y a quelques années, vendre ses biens à l’étranger demeure une infime partie de son économie : le pays ne bénéficie pas tant des avantages d’une monnaie faible. Début novembre 2011, la Banque centrale est intervenue pour la première fois en plus de deux mois pour tenter de limiter le déclin de sa monnaie, qui avait perdu quelque 14% depuis le début de l'année, faisant d’elle la devise la moins performante parmi les dix devises les plus échangées en Asie. Le marché d’actions indien reste également le moins performant d'Asie. Il a perdu 22% depuis janvier 2011. Treize relèvements des taux d'intérêt depuis mars 2010 ont ralenti la croissance de l'Inde, sans réussir à juguler l'inflation qui continue de frôler les 10%. Sur une note plus positive, l’été 2011 a marqué un tournant dans la lutte contre la corruption. Des milliers de personnes de tous âges, de tous milieux, de toutes castes transcendant tous les clivages sont partout Enfin, impossible descendues dans la rue cet été. Les grandes villes ont été le théâtre de rassemblements répétés de dizaines de milliers de personnes avec pour seul de résumer l’année 2011 sans sujet la corruption. Après plusieurs semaines de révoltes dans le pays, les autorités ont accepté trois des demandes principales d’Anna Hazare, leader évoquer le charismatique de ce mouvement – notamment qu’un médiateur anti-corruption mouvement anticorruption d’Anna soit nommé dans chaque Etat régional. Bien que les discussions au parlement se profilent comme longues et laborieuses, Hazare a déjà obtenu davantage Hazare qui a que nombre de ses prédécesseurs. Après cinquante ans d’immobilisme sur la déferlé sur le question, on sent désormais un changement, une prise de conscience, un « rascontinent… le-bol » qui transcende les divisions au sein du peuple indien. JAPON Pour le Japon, l’année 2011, et peut être même 2012, se résumeront à la seule date du 11 mars – jour du tremblement de terre et tsunami Les tremblement de terre et tsunami dévastateurs qui ont replongé le pays dans la récession. Si le PIB (en termes du 11 mars 2011 réels) a retrouvé la valeur qu’il avait avant le 11 mars 2011, il demeure plus de 4% en-deçà de celui avant la récession de 2008. De nombreux secteurs restent auront eu un très perturbés ; les touristes se font toujours aussi rares en raison des craintes impact sans de radiation. La consommation du gouvernement reste faible et précédent sur le l’investissement public a chuté de 3% sur le dernier trimestre. Qui plus est, les Japon. exportateurs s’inquiètent de l’envolée du yen face aux autres monnaies. 7 Les dégâts matériels ont été nombreux à travers le pays. Les dégâts matériels du tremblement de terre ont été nombreux. Si la catastrophe a prouvé que l’ensemble des bâtiments et infrastructures de la capitale peuvent soutenir de telles secousses sans dommages significatifs, ce sont essentiellement des problèmes d’ordre technique qui ont crée le trouble. Après l’arrêt généralisé des trains et des ascenseurs, des coupures d’électricité tournantes ont affecté la production et les transports. Des problèmes d’approvisionnement en essence, eau minérale et un certain nombre de produits de consommation courante ont également frappé la capitale, mais la situation n’est jamais devenue dramatique : les Japonais ont respecté les files d’attentes et autres restrictions. Ils avaient conscience du fait que les difficultés de ravitaillement pouvaient constituer un réel danger. Dans les régions plus proches du séisme, tels que Miyagi, Fukushima, ou Ibaraki, les maisons et bureaux ont dans l’ensemble bien résisté, mais les usines ont été sérieusement endommagées. Aux dégâts intérieurs (machines déplacées ou renversées, ponts roulants écroulés) se sont ajoutés des problèmes structurels (le niveau du sol de l’usine d’Iwaki a bougé à plusieurs endroits). Cela explique en grande partie pourquoi les industries d’assemblage (électronique et automobile) qui font appel à de très nombreux fournisseurs aient été tant frappées par le séisme. Certes, elles ont elles-mêmes subi des dommages importants, mais leurs fournisseurs ont également été très touchés. Loin d’être « préparées » à une telle Les industries étaient loin d’être « préparées » à un tel désastre, mais la catastrophe, les vitesse à laquelle elles ont rebondi a été impressionnante. Une solidarité sans industries parallèle entre les différentes entreprises s’est créée naturellement : les japonaises ont beaucoup souffert. constructeurs automobiles ont envoyé des effectifs importants chez leurs fournisseurs. Des solutions de fortune ont été mises en place : à Iwaki par exemple, l’usine Nissan a repris sa production au bout d’un mois seulement, mais manuellement car les robots de transport de pièces ne fonctionnaient plus en raison de la détérioration du sol de l’usine. Les industriels japonais vont désormais inclure dans leurs critères de sélection des fournisseurs des notions de « sécurité » de l’approvisionnement, jusqu’à présent inexistantes. Mais le moins « préparé » de tous était TEPCO. Sa gestion de la catastrophe soulève des questions quant à la production d’énergie nucléaire par des entreprises du secteur privé. Le détachement de l’agence de TEPCO, notamment, supervision nucléaire du METI est un premier pas dans le bon sens, mais qui a été vivement reste timide et insuffisant. Le gouvernement et son administration se sont critiqué pour sa également montrés inefficaces, mais ils n’étaient pas directement en charge et gestion de la crise leur responsabilité reste donc faible. A un moment où une coopération serrée nucléaire… aurait été la bienvenue, le gouvernement du Premier ministre Naoto Kan se défiait profondément – et non sans raison – de son administration et a voulu intervenir directement. Il s’est ainsi privé de spécialistes et s’est mis en première ligne là où du recul (afin de ne pas gérer dans la panique) aurait été opportun. Plus grave encore : les politiciens ont continué à se battre, non seulement entre partis (avec le LDP critiquant stérilement le gouvernement alors qu’il était responsable de la situation), mais au sein même du JDP. Les conclusions du 11 mars 2011 sont mitigées. La première concerne Tokyo, à savoir que si un tremblement de terre frappe directement la capitale, les dommages pourraient être graves, et que l’excessive concentration 8 Les chiffres de l’Asie en 2012 PIB asiatiques en 2012 (Md.$ nominal) 9 000 8 000 7 940 7 000 5600 6 000 5 000 4 000 4 Dragons 3 000 2 233 ASEAN 2 000 961 1 000 496 865 272 266 344 274 234 143 14 0 Sources : Asia Monitor, Global Insight Scénarii pour l'Asie émergente 2011 & 2012: Croissance du PIB en % 10 9 8 9,2 8,5 7,5 7,5 7 6 5 4,8 4,6 4 3 2 1 0 Sources : GS Economic Research 4,2 3,7 …Mais le gouvernement et son administration se sont montrés tout aussi inefficaces. Les conclusions du 11 mars restent mitigées, mais l’économie nippone commence enfin à se redresser. politique et économique sur la ville constitue un risque systémique pour le pays. La deuxième, beaucoup plus positive, concerne l’aptitude des Japonais à se mobiliser. La vitalité de l’économie japonaise est immense : si celle-ci a réussi à se sortir si vite et de façon quasi-totale de ce désastre, malgré une administration devenue sclérosée et un monde politique qui l’a toujours été, cela signifie que sa capacité à progresser est loin d’être épuisée. Les Japonais pourraient bien nous étonner à nouveau, à condition de régler quelques problèmes et de devenir enfin sérieux d’un point de vue politique. L’économie japonaise s’est légèrement redressée depuis. Le retour à une croissance, quoique limitée, confirme une reprise à la normale des chaînes de production, durement affectées par la catastrophe. Il signifie également que la confiance des consommateurs et la demande intérieure retrouvent progressivement leur niveau d’avant-crise. Tout porte à croire que la reprise se poursuivra, mais à un rythme moins soutenu : les dépenses publiques sur la reconstruction (un budget supplémentaire de 156 milliards de dollars a été débloqué début novembre 2011) devrait s’accélérer. INDONESIE Depuis quelques années, l’Indonésie s’est imposée en tant que puissance régionale, mais des problèmes de fond persistent. La qualité et la quantité des infrastructures restent largement en-deçà des besoins du pays. A mesure que l’Indonésie s’enrichie, le manque d’investissement devient de plus en plus criant. 10 La première économie du sud-est asiatique devrait croître de +6,5% en 2011, et de +5,4% en 2012. Moins sujette aux influences extérieures que ses voisins grâce à une consommation intérieure robuste, l’Indonésie pourrait néanmoins être affectée par la crise. Pour le monde des économistes, l'Indonésie est un membre du G20. Son PIB de 721 milliards de dollars en 2010 la place au dix-huitième rang mondial. Avec une croissance annuelle supérieure à 6%, elle devrait progressivement monter dans les années qui viennent. Le dynamisme économique de l'Indonésie est d'abord dû à son marché intérieur, avec une classe moyenne qu'on prévoit d'atteindre 150 millions de personne en 2014. L'agence de notation Moody's vient tout juste de relever la note souveraine de l'Indonésie dans la catégorie « investissement », très convoitée, un mois seulement après une décision similaire de l'agence d'évaluation Fitch. Pourtant, des obstacles persistent. Tandis que le pays se positionne comme puissance régionale, ses infrastructures deviennent un problème de plus en plus pressant. En effet, leur développement doit à tout prix s’accélérer : les besoins, estimés entre 150 et 200 milliards de dollars environ d’ici 2014, ont atteint un niveau critique en raison d’années de sousinvestissement. La qualité et la quantité des routes, ports, et ponts sont telles qu’elles menacent le potentiel économique du pays : l’aéroport international de Jakarta a atteint presque deux fois sa capacité initiale. La moitié des routes à travers le pays ne sont pas goudronnées. Deux cinquième des Indonésiens vivent sans électricité, et ils sont encore plus nombreux à vivre sans eau potable. Dans la décennie qui a suivi la crise financière asiatique, les dépenses de l’Indonésie dans ses infrastructures sont passées de +8% du PIB à +3% seulement (rien qu’en Inde, réputée pourtant très mauvais élève en la matière, elles sont de +5%) ! En 2011, le gouvernement a dépensé 12 milliards de dollars seulement dans ses infrastructures. Le président a mis au point un projet massif, mais les fonds manquent à l’appel. Hormis les infrastructures, l’éducation est un problème majeur. Le président indonésien, Susilo Bambang Yudhoyono, a annoncé en mai 2011 un plan massif de restructuration. Le gouvernement envisage d’ajouter des dizaines de milliers de mégawatts d’énergie au parc actuel, et construire des milliers de kilomètres de routes, tout en modernisant des centaines de ports et d’aéroports. Des centaines de milliards de dollars de fonds privés seront nécessaires pour que le projet aboutisse, mais ces derniers risquent d’être difficiles à trouver : la bureaucratie et les incertitudes légales pèsent sur le peu d’incitations commerciales existantes. L’éducation pèse également sur le potentiel de l’archipel. Malgré l’atout que représente la population (nombreuse, jeune, bon marché, et à même de consommer), elle pose également un réel défi. De source officieuse, le taux de chômage reste élevé (et bien supérieur à ce qu’indiquent les chiffres officiels), et les emplois sont très souvent précaires, notamment parce qu’en nombre important dans le secteur informel (60% de l’emploi total selon certaines sources). Les salaires réels semblent avoir augmenté moins rapidement que le revenu moyen par habitant ; et d’autant moins qu’ils se rapportaient à des emplois exigeants peu ou pas de qualification. Outre la nécessité d’améliorer « l’employabilité » de l’ensemble de la population, et donc d’élever le niveau général d’éducation, il s’agit aussi de proposer des formations adaptées aux besoins des entreprises. Seuls 13% des élèves scolarisés dans le secondaire suivent une formation professionnelle et technique. Il y a une pénurie de main d’œuvre qualifiée et compétente dans certains secteurs, ainsi que des insuffisances importantes sur les postes de middle management. Cette réalité restreint les possibilités de montée en gamme de la production nationale. Pour autant, l’Indonésie reste une des meilleures Grâce à une rupiah forte, le pays a été relativement épargné par la élèves de la classe poussée d’inflation qui a touché l’ensemble de la région. A +6% environ, la asiatique. hausse des prix à la consommation reste raisonnable. Dans ces circonstances, l’économie indonésienne a été l’une des plus dynamiques d’Asie de l’est cette année, et elle devrait le rester au cours des douze prochains mois. COREE DU NORD/COREE DU SUD L’année 2011 aura marqué un tournant dans l’histoire de la péninsule coréenne, suite à la mort du chef d'État nord-coréen Kim Jong-il d’une crise L’année 2011 aura cardiaque le 17 décembre. Des obsèques grandioses ont été organisées : sur les marqué un images retransmises, on voyait des dizaines de milliers de personnes pleurant tournant dans le long du cortège. Agé de 69 ans, le chef d’Etat dirigeait la Corée du Nord l’histoire de la d'une main de fer depuis 1994. Son fils Kim Jong-un a été désigné pour lui péninsule coréenne avec la succéder. Il accède à la tête d'un État parmi les plus pauvres du monde, doté de mort du dictateur l'arme nucléaire, mais sous-équipé, en proie à des famines meurtrières nord-coréen Kim récurrentes et à d'importantes pénuries énergétiques. Pourtant, ce dernier a fait savoir qu'il ne changera pas de politique et qu'il n'y aurait pas de dialogue. Jong-il. La Corée du Sud a quant à elle revu à la baisse ses taux de croissance pour 2011 et 2012, à +3,8% et +3,7% respectivement. Le pays n’est pas encore en situation dite « fragile », mais il pourrait bien le devenir si la crise de la dette européenne s’aggravait et l’économie mondiale ralentissait davantage. 11 Pays exportateur, la Corée du Sud s’en est jusqu’à présent bien sortie, La Corée du Sud a grâce notamment à une forte demande chinoise. L’empire du Milieu, quelque peu destinataire d’environ un quart des ses exportations, représente en effet le plus souffert de la gros marché de la péninsule. Pour la première fois en 2011, le commerce crise. extérieur de la Corée du Sud a dépassé les 1 000 milliards de dollars. Prises dans leur ensemble, les exportations sud coréennes ont augmenté de près de 12%, mais devraient se tasser au cours des prochains mois (5% de croissance prévus en 2012) tandis que l’empire du Milieu traverse une zone de fortes turbulences. Qui plus est, la consommation domestique reste modérée (2,5% Son taux en 2011, 3% en 2012), l’endettement des ménages ayant atteint un niveau d’exportations record. C’est pourquoi certaines banques sont même allées jusqu’à prévoir une devrait se tasser contraction de l’économie sud-coréenne de -0,1% sur le prochain semestre. au cours des prochains mois. Mais pas de quoi s’alarmer, une telle situation reste quasi-improbable. En vue des difficultés, le gouvernement a mis en place de nouvelles mesures fiscales pour relancer la croissance. Sa marge de manœuvre serait suffisamment large (son déficit budgétaire 2011 est de 2% seulement) pour protéger l’économie. A titre d’exemple, le gouvernement a annoncé des Afin de minimiser mesures pour stimuler le marché de l’immobilier. Le premier ministre à l’intention de dépenser 60% du budget 2012 sur les six premiers mois de l’impact de la l’année et débloquer 10 milliards de dollars supplémentaires. crise, le gouvernement a Sur une note plus politique, des élections législatives sont prévues en mis en place un avril 2012 et les prochaines élections présidentielles auront lieu à la fin de plan de relance l’année, le mandat du Président Lee s’achevant en février 2013. d’envergure. HONG KONG, TAÏWAN, SINGAPOUR A l’instar de la Corée du Sud, Hong Kong est très sensible à l’environnement économique mondial. Etant donné le poids de la demande chinoise dans ses exportations, le ralentissement attendu de l’empire du Milieu en 2012 pourrait avoir un impact significatif sur la croissance d’Hong Kong, estimée à +5% environ en 2011, et à +3,6 en 2012. Hong Kong est également très sensible à son environnement : chômage et baisse La zone économique spéciale devrait en effet voir ses exportations de la chuter de 3% en volume cette année. Si en valeur elles enregistreront encore consommation une progression de +1%, celle-ci ne parviendra pas à « couvrir les coûts de sont à prévoir. revient en forte hausse ». Qui plus est, la hausse attendue du chômage à +4% d’ici fin 2012 pèsera de façon considérable sur la consommation intérieure. Des mesures fiscales sont donc à prévoir pour soutenir l’économie. Les pressions inflationnistes devraient s’atténuer sur fond d’une croissance ralentie, d’un marché immobilier faible et de prix alimentaires en baisse. La baisse de commandes de partenaires commerciaux aura eu un impact sur la croissance taïwanaise. 12 Taïwan devrait atteindre +4,4% de croissance en 2011, et +3% seulement en 2012. Les exportations taïwanaises, notamment high-tech, souffrent d’ores et déjà d’une demande extérieure en berne. Les commandes de ses principaux partenaires (Chine, Japon, Etats-Unis) sont en baisse, et les prévisions sont loin d’être encourageantes. Une diminution des taux d’intérêt (qui sont d’ores et déjà très bas) ne saurait avoir un impact significatif sur la demande intérieure. La productivité et les investissements sont affaiblis. La réélection du président Ma Ying-jeou, artisan du rapprochement avec la Chine, a été un soulagement, mais son prochain mandat s’annonce plus difficile que le précédent. C’est le saut à l’élastique pour Singapour, également très dépendante de ses exportations, notamment de biens manufacturés. Ainsi, le gouvernement taïwanais a mis en place un plan de travail dans lequel il surveillera étroitement l’impact de la crise, en particulier sur ses industries, lors de réunions hebdomadaires de haut-niveau. Les autres mesures phares du plan comprennent la stabilisation des marchés financiers, le contrôle de l’inflation, le développement de projets d’infrastructures, et la réduction des tarifs. Malgré des détails flous, l’annonce a eu l’effet désiré : les électeurs taïwanais ont réélu mi-janvier le président Ma Ying-jeou avec 51,6% de voix. La réélection d'un président artisan du rapprochement avec la Chine est un soulagement pour Pékin et Washington, mais ce dernier pourrait connaître un second mandat plus difficile, entre les différentes attentes. Malgré des prévisions de croissance de +5% pour 2011, Singapour devrait également connaître un ralentissement significatif avec un taux compris entre +1 et +3% seulement en 2012. L'économie de la ville-État a reculé de 4,9% au quatrième trimestre en raison de ses difficultés à l'exportation. Sa production manufacturière s'est effondrée de 22%. Pour le premier trimestre de cette année, le PIB menace d'être encore en baisse. Singapour est très dépendante de ses exportations : toute dégradation de la situation économique mondiale pourrait avoir un impact sévère sur sa performance économique. Malgré l’effort du gouvernement de dynamiser son secteur tertiaire (services financiers, tourisme), le pays-état qui abrite le deuxième port au monde, est très sensible aux fluctuations de la demande mondiale, notamment en biens manufacturés. Ses exportations (hors pétrole) devraient croître de +2 à +3% en 2011, et entre +3 et +5% en 2012. Mais les conséquences de la crise ont d’ores et déjà commencé à se faire sentir, tandis que les livraisons de produits électroniques ont chuté de façon considérable sur les trois derniers mois de l’année 2011. THAÏLANDE Pour la Thaïlande, En raison des inondations qui ont sévi dans le pays pendant quelques l’année 2011 aura mois, les prévisions de croissance de la Thaïlande ne cessent d’être revues à la été marquée par baisse : à peine +2,4% en 2011 et +4% en 2012. les graves inondations qui Ces inondations, les pires qu’ait connues le pays en plus de cinquante ont paralysé le ans, ont touché les 2/3 du territoire et provoqué la mort de plus de 800 pays. personnes. Au total, 65 provinces et plus de 13 millions de personnes ont été touchées par la catastrophe. Outre les 1,2 millions d’hectares de terres perdus, le secteur manufacturier subit de plein fouet l’impact du désastre : près de 7 parcs industriels, 1 000 usines et 11 000 entreprises, notamment automobiles et électroniques, ont été contraintes de freiner leur rythme de production ou de fermer complètement leurs portes. A titre d’exemples, Toyota a fermé ses trois A l’instar de la sites de production, Honda a abandonné ses usines noyées, Nikon a arrêté sa situation au production depuis octobre 2011 et Canon a déplacé la production de deux de Japon, les ses sites. Les usines de Western Digital, qui assurent 60% de la production industries thaïlandaises ont mondiale de disques durs ont également été touchées. Des centaines de été très affectées. milliers de personnes se retrouvent désormais sans travail, parfois même sans abri. On estime à 1,7 millions le nombre de touristes qui ne sont pas venus en raison des inondations. 13 Malgré sa récente élection, le nouveau Premier ministre n’aura pas été épargné : on lui reproche sa mauvaise gestion de la crise. Le Premier ministre, Madame Yingluck Shinawatra (sœur de Thaksin Shinawatra, Premier ministre entre 2001 et 2006) arrivée au pouvoir en août 2011, a vivement été critiqué pour sa gestion de la crise, et notamment de l’information. Les annonces du gouvernement ont été irrégulières, parfois même inexactes, faisant fuir jusqu’à des entreprises étrangères. Tandis que le coût estimé de la catastrophe ne cesse de grimper, le gouvernement s’est accordé pour creuser davantage le déficit budgétaire à 13 milliards de dollars. Madame Shinawatra a proposé qu’un budget de 4,2 milliards de dollars soit débloqué pour la reconstruction des infrastructures, ainsi que pour les victimes. Elle a également annoncé la création de comités pour développer un plan de gestion de l’eau sur le long-terme. Les opérations de grand nettoyage ont en revanche d’ores et déjà commencé dans les lieux où l'eau s'est retirée. VIETNAM Le Vietnam enregistre un taux de croissance élevé, mais les déboires financiers du pays s’aggravent. Avec des prévisions de croissance de +6% environ sur 2011 et 2012, le Vietnam est un des meilleurs élèves de la classe asiatique. Pourtant, les problèmes financiers du pays persistent. L’objectif du gouvernement – cibler la croissance aux dépens de la stabilité – a creusé les inégalités sociales, favorisé l’inflation et une monnaie instable, et nourri les craintes d’une crise bancaire. Il y a cinq ans à peine, le Vietnam était dans la ligne de mire de tous les investisseurs étrangers à la recherche du prochain marché émergent à haut potentiel. De grands groupes, d’Intel à Canon, ont trouvé refuge dans ce pays où la main d’œuvre est jusqu’à trois fois moins chère qu’en Chine. Qui plus est, le développement et l’enrichissement de sa classe moyenne a attiré un Inégalités sociales, nombre record de marques internationales désireuses de profiter d’une demande intérieure robuste. Mais la consommation de sacs Vuitton et autres risques de accessoires de luxe désormais très répandus, cache une réalité qui est tout surchauffe, autre. Les inégalités sociales entre les villes et les campagnes se creusent à inflation sont vive allure. Entre 60 et 70% des 87 millions de Vietnamiens vivent et autant de travaillent dans les campagnes, où l’agriculture à petite échelle est le seul et problèmes unique gagne-pain. Mis à part Hanoi et Ho Chi Minh City, très peu de villes auxquels le gouvernement doit peuvent prétendre au million d’habitants. faire face. Les risques de surchauffe ont poussé les analystes à revoir leur copie. Impossible désormais de passer outre les problèmes endémiques du pays, tels que la corruption, son mauvais système scolaire, et ses infrastructures engorgées. Si l’inflation pousse les salaires vers le haut, la main d’œuvre reste sous-qualifiée. Opérant sur des marges étroites, les usines sont réticentes à augmenter les ouvriers qu’ils ont, par ailleurs, eu beaucoup de mal à trouver. L’état de Alors pour attirer la main d’œuvre, certaines entreprises, telles que Canon, l’économie est vont même jusqu’à offrir des bonus supplémentaires : 5kg de riz et un loyer aujourd’hui inquiétant, et dans bon-marché, en plus du salaire mensuel et des augmentations biannuelles. cet environnement L’état de l’économie est inquiétant : la hausse des taux d’intérêt mondial instable, souhaitée par le gouvernement pour avoir mainmise sur la politique monétaire il risque fort de se a eu des répercussions désastreuses. Des milliers d’entreprises ont été dégrader contraintes de fermer leurs portes… les manifestations ont été nombreuses, les davantage. 14 L’ASIE EMERGENTE EN 2012 Chine Hong Kong Inde Indonésie Malaisie Philippines Singapour Corée du Sud Taïwan Thaïlande Vietnam Population 1 354 7,2 1 258 244,8 29,3 96,5 5,3 48 ,6 23 68,9 89,7 PIB nominal 7 940 266 2 233 865 274 234 272 961 496 344 143 PIB/tête 5 866 36 863 1 774 3 533 9 356 2 424 51 670 19 790 21 311 4 992 1 598 Croissance (2011e) 9,2 5 6,8 6,3 4,5 4,1 5 3,1 3,6 1,5 5,9 Croissance (2012 p) 7,5 3 7,3 5,8 3,2 3,9 6,1 2,4 3,4 4 5,7 3 1,7 8 4,5 2,6 3,7 2,8 3,5 0,9 3 4,1 6,6 0,3 9,6 26,5 26,1 32,6 20 39 21,6 30,8 25,9 1 898 425 360 203 237 52 420 559 305 227 87 3,3 5,1 -1,7 0,3 24,1 2 18,3 1 7,8 2,3 -4,6 3 200 296 302 117 108 73 256 315 423 179 23 Prix de détail Dette extérieure/PIB (%) Exportations Balance courante/PIB (%) Réserves de change Unités : population (millions), PIB (Md $), PIB/tête ($), croissance réelle du PIB en 2011 & 2012 (%), inflation (%), dette extérieure (% du PIB), Exportations (Md. $, réexportations incluses), compte courant/PIB (%), réserves de devises (officielles, Md. $). Chiffres à fin 2011 de sources officielles locales et internationales considérées comme fiables. C’est pourquoi la croissance vietnamienne devrait se tasser au cours des prochaines années. mauvaises dettes également. Qui plus est, l’environnement économique mondial ne fait qu’aggraver la situation de ce pays fortement dépendant de ses exportations de vêtements, chaussures, et autres marchandises. La Banque mondiale prévoit que le déficit commercial du pays atteigne 8 milliards de dollars en 2011. Le problème de l’inflation a pris des proportions hors-norme : le Vietnam souffre d’une hausse des prix parmi les plus élevées du continent. Les prix alimentaires ont augmenté de +30% environ sur 2011. Le taux d'inflation du Vietnam devrait s'élever à +19% sur l’année encourue, bien au-dessus de l’objectif du gouvernement. Ce dernier a également eu un impact sur la valeur du dong, la monnaie vietnamienne, qui a été fréquemment dévaluée ces dernières années. Sur une note plus positive, l’inflation devrait néanmoins chuter en 2012 (proche de 10%). Le PIB vietnamien, qui a connu une croissance de +8% en moyenne entre 2003 et 2007, devrait se tasser de façon considérable au cours des prochaines années. BIRMANIE Enfin, ce résumé ne serait pas complet sans un petit mot sur la Birmanie, qui avance à petits pas vers une démocratie. Enfin, ce résumé ne serait pas complet sans un petit mot sur la Birmanie. Le parti de l'opposante birmane Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), a été officiellement reconnu comme légal par la Commission électorale. La LND, qui avait boycotté les élections de novembre 2010, est désormais en course pour présenter des candidats, dont la lauréate du prix Nobel de la paix elle même, aux législatives partielles attendues d'ici quelques mois, mais dont la date n'a pas été annoncée. Avec une raisonnable prudence, on peut penser qu’un « printemps birman » est sérieusement en marche – enfin ! J.G. & E.L. SOMMAIRE Chine Inde Japon Indonésie Corée du Nord/Corée du Sud Hong Kong, Taïwan, Singapour Thaïlande Vietnam Birmanie 2 6 7 10 11 12 13 14 16 16