La Chine super-puissance, mais…

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La Chine super-puissance, mais…
TOPIC
Janvier 2012
www.hec.fr/eurasia
L’ASIE EN 2012, ANNEE DU DRAGON D’EAU
La Chine super-puissance, mais…
L’Asie, malgré son dynamisme propre toujours impressionnant, n’est pas découplée
d’une conjoncture mondiale incertaine pour 2012. L’Asie émergente continuera à être la
locomotive principale de l’économie globale, mais à un rythme qui va se contracter de plus
d’un point en moyenne. La Chine reste la principale dynamo de tous les pays de la région, du
nord au sud. Elle parviendra à produire une croissance supérieure à 8% en 2012. Mais la
montée de problèmes structurels lourds assortie d’un bouillonnement social croissant créent
un climat d’incertitudes à moyen terme, sur fond de succession politique. L’Inde et
l’Indonésie continueront leur remarquable progression, sans pourtant pouvoir s’affranchir de
systèmes de décisions peu en phase avec leurs besoins de développement. Globalement,
l’année du Dragon se présente sous d’assez bons augures.
Les prévisions de croissance pour 2012
+3,7%
+8,5%
+2,5%
Comparaisons :
+3%
HK+3,6%
+7,5%
USA : +3%
Europe : +1,7%
+4%
+6%
+5,6%
+5,4%
1
CHINE
Bien que robuste,
la croissance
chinoise est à la
recherche d’un
second souffle.
Pour nos entreprises européennes, la Chine restera encore en 2012
l’horizon indépassable de la croissance, mais… Bien que robuste, la
croissance chinoise est à la recherche d’un second souffle, à la mesure des
mutations de fond du pays. Un tassement durable de deux points est un virage
important pour toute économie : c’est ce qui est en train de se passer en Chine,
par delà des incertitudes de la conjoncture internationale. En 2010, la
croissance du PIB était de +10,4%, proche des résultats « historiques » ; en
2011 de +9,2%. Les prévisions pour 2012 indiquent pour l’instant des chiffres
de l’ordre de +8,5%. Et l’on s’attend à +7/8%, pas davantage, dans les années
qui viennent. Les « trente glorieuses » de la Chine sont donc sans doute
derrière nous, marquées par une réussite fulgurante au plan macroLe tassement de
économique : une puissance économique qui est passée en trente ans de 300 à
l’économie est
plus de 7 000 milliards de dollars (courants) ; un PIB par habitant moyen qui a
l’enjeu majeur des bondi de 280 dollars à plus de 5 000 ! Mais les paradigmes fondateurs de cette
prochaines
croissance, à commencer par les « réformes » (Gaige) lancées par Deng
années.
Xiaoping, doivent subir des révisions déchirantes. C’est tout l’enjeu de la
période qui s’ouvre et qui, symboliquement, sera conduite pour les dix ans qui
viennent par une nouvelle équipe politique, dite de la « cinquième
génération », qui sera intronisée à l’automne 2012.
Les
investissements
fixes restent le
moteur principal
de la croissance
chinoise.
Il en résulte un
endettement
effarant des
collectivités
locales.
L’endettement
public serait
supérieur à 70%
du PIB.
2
Les moteurs de la croissance chinoise sont extrêmement déséquilibrés.
L’investissement fixe reste – et de loin – la composante principale. On aurait
pu penser que l’impulsion du plan de relance de 2008 était nécessaire pour
conjurer une baisse possible d’activité à cause de la crise financière mondiale,
laquelle ne s’est pas produite. Mais au-delà des échéances de 2009 et 2010, la
part des investissements fixes aurait dû baisser. Il n’en est rien. Par rapport au
PIB, lesdits investissements ont encore augmenté, passant du chiffre colossal
de 71% en 2010 à 75% en 2011. Et sous ce chiffre général se cache une
gigantesque fièvre du béton, très souvent spéculative, dont l’immobilier
occupe une large place, entre les constructions d’immeubles d’habitation ou de
bureaux, les centres commerciaux et pas moins de 8 000 « projets de
développement » sans réelle valeur économique. Ces investissements ont été
financés à crédit, grâce aux banques (d’Etat) complaisantes et dépendantes des
pressions des caciques locaux.
Il en résulte un endettement effarant des collectivités locales. Le bureau
officiel de l’audit admet que ces dettes représentent 27% du PIB. Mais des
estimations un peu sérieuses de sources différentes indiquent le double. Au
passage, le mythe de l’endettement chinois explose. L’Etat central, si l’on en
croit les déclarations des dirigeants, ne serait endetté que de 20% environ du
PIB. Mais si l’on intègre la réalité des données locales, l’endettement public
serait supérieur à 70% du PIB, score comparable à ceux des économies
européennes. Et si l’on ajoute les prêts qui ne seront jamais remboursés –
rapidement escamotés de la catégorie des « prêts non performants – la réalité
des finances chinoises est beaucoup moins rose que la propagande ne l’affiche.
Et ce ne sont pas les réserves de change superlatives (3 185 milliards de
dollars) qui peuvent sérieusement faire l’objet de vases communicants entre
les différentes composantes, pour quantités de raisons, techniques et
politiques.
Les conséquences
d’un tel modèle
sont connues :
spéculation,
corruption...
Cette économie de casino, où la spéculation effrénée s’appuie sur des
protections politiques locales – sans même parler de corruption – se conforte
de circuits parallèles non officiels. Les masses financières de la tontine (Hui)
ou le shadow banking (formé de placements de particuliers) représentent sans
doute le double des dépôts bancaires. Que des difficultés interviennent, et le
système peut être atteint de thrombose, comme l’illustrent en 2011 les milliers
de faillites d’entreprises dans la région de Wenzhou, lesquelles avaient
emprunté aux shadow banks à des taux jusqu’à 70% l’an ! Ce modèle de
soutien de la croissance par l’investissement massif était similaire au Brésil
dans les années 70 ou au Japon dans les années 80. On connait la suite.
Le modèle d’
Deuxième moteur : l’exportation. Le modèle d’« usine du monde »
«usine du monde» montre ses limites actuellement, à la fois parce que les marchés occidentaux
montre également sont moroses et parce que les coûts de main d’œuvre augmentent
ses limites…
inéluctablement. Certes, les exportations chinoises ont encore caracolé cette
année, passant de 1 577 milliards de dollars en 2010 à 1 898 en 2011. Certes,
les investissements directs étrangers continuent leur progression, passant de
106 milliards de dollars en 2010 à 115 en 2011. Mais l’inflation très
importante rogne la compétitivité. Le chiffre moyen admis est de +5,5% en
2011, mais ceci masque des hausses de +60% pour les légumes et la viande de
…L’inflation
porc, du même ordre pour les logements, le tout à l’avenant. Alors on
rogne la
augmente les salaires de l’ordre de +20% par an. Et – fait nouveau depuis
compétitivité, et
l’année dernière – on le fait maintenant de plus en plus sous la pression de
les salaires
grèves à répétition, de plus en plus ouvertes et commentées.
continuent de
Le troisième moteur, celui de la consommation intérieure, devrait donc
grimper.
servir de relai. C’est même devenu la doxa officielle. Mais la part de la
consommation dans le PIB n’augmente pas. Elle a même légèrement régressé
de 40% du PIB en 2010 (total des ventes de détail) à 39% (même en période
de récession, la consommation américaine représente 70% du PIB). La
nouvelle classe moyenne chinoise est plus riche que les statistiques ne le
disent. L’argent caché des Chinois (cf. TOPIC février 2011) représente
vraisemblablement près du double des revenus totaux recensés. Mais ils vont
Pour autant, la
se placer dans des biens durables. Un garçon en ville ne peut tout simplement
consommation
pas se marier aujourd’hui s’il ne possède pas un appartement. Le reste des
intérieure
revenus, déclarés ou non, est stocké sous forme d’épargne, parce que le
n’augmente pas
financement public de la santé, de l’école, des retraites est encore à un stade
comme elle le
peu avancé et que seul un matelas personnel de liquidités peut y parer. Les
devrait, et les
autorités, qui mettent en place des systèmes variés de protection sociale, le
problèmes se
savent bien. Elles savent aussi que la fenêtre de tir pour le faire se refermera
multiplient.
en 2015, lorsque la courbe de dépendance démographique (actifs par rapport
aux jeunes et aux vieux), exceptionnellement favorable actuellement, va
s’inverser. Mais tout cela va moins vite que la musique ou que l’inflation.
La recherche permanente et brouillonne de la croissance à tout prix a
privilégié la quantité au détriment de la qualité, comme l’illustre, parmi bien
La saga du TGV
d’autres, la saga du TGV. Dans sa hâte à se doter du plus vaste système
en juillet 2011
ferroviaire au monde (13 000 km de voies initialement prévues fin 2012,
reflète la
50 000 d'ici 2020), la Chine a mis la charrue avant les bœufs. La destitution en
recherche d’une
février 2011 du ministre des Chemins de fer, Liu Zhijun, pour corruption avait
croissance à tout levé un coin du voile. On savait que le ministère du Rail était devenu un Etat
prix, où la quantité dans l’Etat et qu’il dépensait au-delà de toute raison. Les projets de
néglige la qualité. développement, financés par la dette, ne représentaient pas moins de
3
Un accident sur la
nouvelle ligne
Pékin-Shanghai a
causé la mort de
quarante
personnes environ.
330 milliards de dollars ! Fin juillet 2011, un accident sur la ligne à grande
vitesse entre Pékin et Shanghai a provoqué la mort de quarante personnes, un
mois à peine après son inauguration. On découvre aujourd’hui que la fuite en
avant s’était accompagnée de pratiques opaques et dangereuses : recours à des
prestataires non-certifiés, utilisation de ciment et d’acier de qualité douteuse.
L’inspection de 6 000 kilomètres de nouvelles voies a révélé que les
entreprises sous-traitantes avaient souvent mis du sable et des cailloux au lieu
de béton, le tout à l’avenant. Plutôt que de développer un système complexe
par une patiente acquisition d’expérience, des défauts béants de signalisation
et de management ont conduit à l’accident de juillet. On retrouve les mêmes
carences lors d’un accident du métro de Shanghai un mois plus tard.
On aperçoit l’envers du décor de cette politique de croissance à tout
prix, de cette croyance aveugle dans le « Dieu PIB », dans nombre d’autres
secteurs stratégiques où la quantité néglige la qualité. La recherche louable de
sources alternatives d’énergie a provoqué une ruée des entreprises chinoises
On aperçoit
dans l’éolien. Déjà dotée d’une capacité théorique de 20 000 MgW installés
aujourd’hui
l’envers du décor, actuellement, souvent dans les steppes du grand ouest, la Chine en prévoit
100 000 en 2020… mais les deux tiers de ces modernes moulins à vent ne sont
où le gâchis
financier n’a pas toujours pas raccordés à un quelconque réseau. L’enthousiasme à anticiper un
développement fulgurant a conduit chaque province à se doter d’aciéries ou de
de limites.
cimenteries dernier cri, au point que la capacité installée pour l’acier excède
d’un tiers la production (déjà considérable à 650 millions de tonnes) et de plus
du double pour le ciment. La grande province centrale du Hubei annonce sans
rire un plan d’investissements sur cinq ans égal à douze fois son PIB annuel !
Le coût de la croissance incontrôlée n’est pas seulement financier. Il
est aussi social. Et parce que les frustrations des nouvelles classes urbaines
n’ont d’égales que leur capacité à communiquer grâce aux quelques
500 millions d’internautes – en majorité des jeunes – et au milliard de
téléphones portables, il est devenu politique. L’accident du TGV en juillet a
Les inégalités
provoqué une bronca inouïe sur les réseaux sociaux chinois (weibo entre
sociales se
autres, cf. TOPIC mars 2011). L’opacité des autorités, leur hâte à enterrer les
creusent, et la
wagons accidentés sans pousser plus loin l’enquête, a ulcéré une bonne partie
frustration des
classes urbaines se de la classe moyenne chinoise. Le mépris d’entreprises sans foi ni loi avait
fait de plus en plus déjà soulevé une vive émotion des citoyens il y a deux ans lors du scandale du
lait pour enfants « dopé » à la mélamine.
évidente.
Comme si de rien n’était, l’histoire se répète. En septembre 2011, la
police arrête 32 personnes dans un vaste trafic d’huile fabriquée à partir de
restes prélevés dans le caniveau. Ce scandale survient quelques mois
seulement après la découverte de porcs contaminés au clenbutérol, un
anabolisant qui vise à réduire les graisses, ainsi que de la vente de petits pains
à la vapeur colorés avec des produits chimiques toxiques. Des pastèques qui
explosent, du lait frelaté… la longue litanie de cas d’empoisonnements
collectifs ou d’incidents liés à la sécurité alimentaire provoque le désarroi des
consommateurs, qui n’arrivent plus à distinguer les aliments sains, de ceux
Les problèmes de contaminés. On trouve désormais sur tous les marchés populaires des légumes,
de la viande etc… étiquetés en trois catégories : les produits censément sains
sécurité
alimentaire se sont (les plus chers), ceux qui sont un peu moins « garantis », et les moins chers,
succédés en 2011. pour lesquels chacun prend sa responsabilité.
4
Les atteintes
massives à
l’environnement
ne se font
désormais plus
impunément, et
ceci est très
nouveau.
Les atteintes massives à l’environnement ne se font désormais plus
impunément, et ceci est très nouveau. A Dalian, dans le nord-est du pays,
12 000 personnes sont descendues dans les rues en août 2011 pour réclamer la
fermeture d’un nouveau complexe pétrochimique. Ce dernier, qui fabriquait du
paraxylène – ingrédient clé du polyester dont les vapeurs peuvent provoquer
des irritations au nez et aux yeux, et en concentration trop élevée, la mort – a
échappé de peu à une inondation après qu’une tempête tropicale ait dévasté la
ville. Les craintes d’une fuite de paraxylène ont poussé les résidents à se
mobiliser dans ce qui a été décrit comme une des plus grandes manifestations
urbaines en Chine depuis longtemps. Inquiets de l’ampleur du mouvement, les
dirigeants municipaux se sont rapidement pliés aux demandes des riverains. Le
complexe, d’une valeur d’1,5 milliards de dollars, a été fermé et il devrait être
relocalisé – une première en Chine pour des raisons d’intérêt public.
Mais entre
contamination et
pollution, on en
vient à se
demander s’il
n’est pas trop
tard.
Malgré la lutte proclamée des autorités pour améliorer
l’environnement, on en vient à se demander s’il n’est pas trop tard : un épais
nuage de particules fines et noires a littéralement paralysé Pékin début
décembre 2011. L’aéroport a fermé pendant trois jours, avec des centaines de
vols annulés, des milliers de passagers bloqués… du jamais vu pour une
histoire de pollution. Mais avec des usines qui tournent à plein et 1 000
voitures de plus par jour dans les rues de la capitale, il faudrait une révolution
pour sérieusement améliorer les choses.
L’expulsion des
paysans de leurs
terres est
également de plus
en plus
contestée…
Une autre bronca publique, l’automne dernier, a amené les autorités
provinciales du Guangdong à annuler un projet d’expulsion de paysans de
leurs terres dans la petite ville de Wukan pour un improbable projet de
développement. Les exactions sur les terres sont récurrentes. Elles provoquent
plusieurs dizaines de milliers de révoltes chaque année. Les caciques locaux
du parti s’en sortaient généralement en toute impunité, au prix d’une
répression féroce. Mais Internet amène une nouvelle donne. Pour la première
fois, Wukan a montré que l’on ne pouvait plus faire n’importe quoi.
La société chinoise est désenchantée. La fracture sociale est béante.
Les riches sont toujours plus riches. La répartition des fruits de la croissance
est de plus en plus inégalitaire, comme le mesure très sérieusement le
« coefficient de Gini », qui est passé pour la Chine de 0,25 il y a vingt-cinq ans
à 0,51 aujourd’hui (France : 0,33 ; Etats-Unis : 0,41). La Chine est-elle encore
« communiste » ? La société s’interroge de plus en plus ouvertement sur ses
valeurs, qui ont sombré dans la marche forcée de l’urbanisation et de
l’égoïsme ? La mort d’une petite fille écrasée par un chauffard à Canton cet
…La société
automne est bien plus qu’un fait divers. Une vidéo d’une caméra de
s’interroge
surveillance montre un camion écraser un enfant, s’arrêter, puis poursuivre son
ouvertement sur
chemin pour l’écraser à nouveau avec les roues arrières du véhicule. Pendant
ses valeurs, qui
ont sombré dans la pas moins de sept minutes, près de vingt piétons passent devant la fillette qui
marche forcée de gît par terre sans s’en préoccuper. L’accident a créé une polémique d’ampleur
nationale parmi les commentateurs : pour nombreux d’entre eux, il souligne
l’urbanisation et
l’inhumanité de la population chinoise dans sa course effrénée à la richesse et
de l’égoïsme.
au développement. Même les médias d’Etat s’interrogent sur l’état actuel de la
société, dont les valeurs semblent aujourd’hui complètement déformées.
5
C’est sur ce fond
d’extrême
volatilité sociale
que se présente la
succession
politique de
l’automne 2012,
qui verra une
nouvelle équipe
prendre les rênes
du pays.
C’est sur ce fond d’extrême volatilité sociale que se présente la
succession politique de l’automne 2011, qui verra une nouvelle équipe prendre
les rênes du pays. La « ZhongNanHaï-o-logie » est un sport très aléatoire !
(ZhongNanHaï est le « Kremlin » de Pékin). On sait tout au plus que Xi
Jinping remplacera Hu Jintao comme secrétaire général du Parti et que Li
Keqiang deviendra Premier ministre à la place de Wen Jiabao. Mais le fond de
l’affaire n’est pas là. De l’avis même des meilleurs esprits qui briguent la
succession, le temps est passé où seul les taux de croissance élevés pouvaient
servir à masquer les problèmes multiples du pays en les sublimant, ce que
nous avons appelé « le syndrome de la bicyclette » (tant qu’on pédale vite, la
bicyclette garde sa trajectoire), si tenté que l’on puisse les maintenir. Les
mêmes responsables confessent aujourd’hui (en privé bien entendu) qu’ils
n’ont pas encore trouvé la martingale, le slogan ultime (celui de
« l’harmonie » cher à Hu Jintao a fait long feu) qui serait « vendable » au bon
peuple… dans un système où – faut-il le rappeler – on ne vote toujours pas.
INDE
Pour l’Inde,
l’année 2011 aura
été synonyme de
croissance, mais
également de
tensions.
Les
investissements
domestiques et
étrangers ont
quitté le pays en
masse…
Avec un déficit
courant
particulièrement
élevé, la situation
pourrait vite se
dégrader.
6
2011 n’aura pas été une année facile pour l’Inde. Les déséquilibres –
inflation, déficit budgétaire, déficit du compte courant – se sont creusés de
façon inquiétante. Les données récentes reflètent un tassement de l’économie,
ce qui a contraint le gouvernement à revoir à la baisse ses prévisions de
croissance. Le pays devrait croître de +7,5% en 2011 et sans doute en rester là
pour 2012.
Les faibles taux d’investissements, aussi bien domestiques
qu’étrangers, sont en partie responsables pour le mauvais tournant qu’a pris
l’économie indienne (cf. TOPIC avril 2011). Les projets publics et privés,
dans les secteurs clés des infrastructures et des métaux, ont ralenti en raison
des délais d’approbation et des taux d’intérêt élevés. Les entreprises indiennes
dénoncent des problèmes d’environnement, d’accessibilité aux terres, et de
coûts élevés de l’énergie et du capital. Selon un dernier sondage, seuls un tiers
d’entre elles prévoient une hausse des investissements de 10% au moins en
2012 : l’annonce de nouveaux projets se fait de plus en plus rare. Qui plus est,
les investissements directs étrangers sont passés de 38 milliards de dollars en
2008/2009 à 23 milliards en 2009/2010. La Banque centrale indienne estime
leur montant à 21 milliards sur les six premiers mois de l’année 2011/2012.
Mais à l’inverse de ses voisins, l’Inde accuse un déficit courant
important (54 milliards de dollars en 2011), ce qui signifie qu’elle a davantage
besoin de capitaux étrangers pour équilibrer son système financier. Certes, une
telle situation n’est pas inhabituelle pour l’Inde, mais l’environnement
économique actuel la rend dangereuse : plus de 10% des emprunts des
entreprises indiennes proviennent d’Europe. La crise a contraint les banques à
se retirer du marché indien. Si la conjoncture s’aggrave, l’Inde pourrait
connaître une crise sans précédent de sa balance des paiements.
Afin d’éviter que la situation ne se dégrade, le gouvernement a
annoncé in extremis une série de lois visant à encourager les investissements
étrangers. Ce dernier a fait savoir qu'il allait ouvrir son marché financier aux
Pour remédier au
problème, le
gouvernement a
décidé d’ouvrir
davantage son
marché financier.
Qui plus est, les
mesures de la
Banque centrale
indienne pour
limiter l’inflation
commencent à se
faire sentir.
investisseurs particuliers étrangers – une première puisque jusqu'alors ces
derniers étaient obligés de passer par des sociétés d'investissement ou des
programmes institutionnels pour se positionner sur le marché d'actions indien.
Désormais, un investisseur particulier peut acheter directement jusqu'à 5% du
capital d'une société indienne à titre individuel. Cette mesure, attendue depuis
plusieurs mois, est entrée en vigueur le 15 janvier. Sur une note moins
positive, le gouvernement a suspendu début décembre l'ouverture de la grande
distribution aux multinationales étrangères, un revirement majeur dû au tollé
dans la classe politique et les petits commerçants.
La roupie indienne a chuté à son plus bas niveau face au dollar, ce qui
risque d'alimenter à nouveau l'inflation. Nombreuses sont les entreprises qui
ont été contraintes de réduire leurs importations. Si l’Inde exporte davantage
aujourd’hui qu’il y a quelques années, vendre ses biens à l’étranger demeure
une infime partie de son économie : le pays ne bénéficie pas tant des avantages
d’une monnaie faible. Début novembre 2011, la Banque centrale est
intervenue pour la première fois en plus de deux mois pour tenter de limiter le
déclin de sa monnaie, qui avait perdu quelque 14% depuis le début de l'année,
faisant d’elle la devise la moins performante parmi les dix devises les plus
échangées en Asie. Le marché d’actions indien reste également le moins
performant d'Asie. Il a perdu 22% depuis janvier 2011. Treize relèvements des
taux d'intérêt depuis mars 2010 ont ralenti la croissance de l'Inde, sans réussir
à juguler l'inflation qui continue de frôler les 10%.
Sur une note plus positive, l’été 2011 a marqué un tournant dans la
lutte contre la corruption. Des milliers de personnes de tous âges, de tous
milieux, de toutes castes transcendant tous les clivages sont partout
Enfin, impossible descendues dans la rue cet été. Les grandes villes ont été le théâtre de
rassemblements répétés de dizaines de milliers de personnes avec pour seul
de résumer
l’année 2011 sans sujet la corruption. Après plusieurs semaines de révoltes dans le pays, les
autorités ont accepté trois des demandes principales d’Anna Hazare, leader
évoquer le
charismatique de ce mouvement – notamment qu’un médiateur anti-corruption
mouvement anticorruption d’Anna soit nommé dans chaque Etat régional. Bien que les discussions au parlement
se profilent comme longues et laborieuses, Hazare a déjà obtenu davantage
Hazare qui a
que nombre de ses prédécesseurs. Après cinquante ans d’immobilisme sur la
déferlé sur le
question, on sent désormais un changement, une prise de conscience, un « rascontinent…
le-bol » qui transcende les divisions au sein du peuple indien.
JAPON
Pour le Japon, l’année 2011, et peut être même 2012, se résumeront à
la
seule
date du 11 mars – jour du tremblement de terre et tsunami
Les tremblement
de terre et tsunami dévastateurs qui ont replongé le pays dans la récession. Si le PIB (en termes
du 11 mars 2011 réels) a retrouvé la valeur qu’il avait avant le 11 mars 2011, il demeure plus de
4% en-deçà de celui avant la récession de 2008. De nombreux secteurs restent
auront eu un
très perturbés ; les touristes se font toujours aussi rares en raison des craintes
impact sans
de radiation. La consommation du gouvernement reste faible et
précédent sur le
l’investissement public a chuté de 3% sur le dernier trimestre. Qui plus est, les
Japon.
exportateurs s’inquiètent de l’envolée du yen face aux autres monnaies.
7
Les dégâts
matériels ont été
nombreux à
travers le pays.
Les dégâts matériels du tremblement de terre ont été nombreux. Si la
catastrophe a prouvé que l’ensemble des bâtiments et infrastructures de la
capitale peuvent soutenir de telles secousses sans dommages significatifs, ce
sont essentiellement des problèmes d’ordre technique qui ont crée le trouble.
Après l’arrêt généralisé des trains et des ascenseurs, des coupures d’électricité
tournantes ont affecté la production et les transports. Des problèmes
d’approvisionnement en essence, eau minérale et un certain nombre de
produits de consommation courante ont également frappé la capitale, mais la
situation n’est jamais devenue dramatique : les Japonais ont respecté les files
d’attentes et autres restrictions. Ils avaient conscience du fait que les
difficultés de ravitaillement pouvaient constituer un réel danger.
Dans les régions plus proches du séisme, tels que Miyagi, Fukushima,
ou Ibaraki, les maisons et bureaux ont dans l’ensemble bien résisté, mais les
usines ont été sérieusement endommagées. Aux dégâts intérieurs (machines
déplacées ou renversées, ponts roulants écroulés) se sont ajoutés des
problèmes structurels (le niveau du sol de l’usine d’Iwaki a bougé à plusieurs
endroits). Cela explique en grande partie pourquoi les industries d’assemblage
(électronique et automobile) qui font appel à de très nombreux fournisseurs
aient été tant frappées par le séisme. Certes, elles ont elles-mêmes subi des
dommages importants, mais leurs fournisseurs ont également été très touchés.
Loin d’être
« préparées » à
une telle
Les industries étaient loin d’être « préparées » à un tel désastre, mais la
catastrophe, les
vitesse à laquelle elles ont rebondi a été impressionnante. Une solidarité sans
industries
parallèle entre les différentes entreprises s’est créée naturellement : les
japonaises ont
beaucoup souffert. constructeurs automobiles ont envoyé des effectifs importants chez leurs
fournisseurs. Des solutions de fortune ont été mises en place : à Iwaki par
exemple, l’usine Nissan a repris sa production au bout d’un mois seulement,
mais manuellement car les robots de transport de pièces ne fonctionnaient plus
en raison de la détérioration du sol de l’usine. Les industriels japonais vont
désormais inclure dans leurs critères de sélection des fournisseurs des notions
de « sécurité » de l’approvisionnement, jusqu’à présent inexistantes.
Mais le moins « préparé » de tous était TEPCO. Sa gestion de la
catastrophe soulève des questions quant à la production d’énergie nucléaire
par des entreprises du secteur privé. Le détachement de l’agence de
TEPCO, notamment, supervision nucléaire du METI est un premier pas dans le bon sens, mais qui
a été vivement
reste timide et insuffisant. Le gouvernement et son administration se sont
critiqué pour sa
également montrés inefficaces, mais ils n’étaient pas directement en charge et
gestion de la crise
leur responsabilité reste donc faible. A un moment où une coopération serrée
nucléaire…
aurait été la bienvenue, le gouvernement du Premier ministre Naoto Kan se
défiait profondément – et non sans raison – de son administration et a voulu
intervenir directement. Il s’est ainsi privé de spécialistes et s’est mis en
première ligne là où du recul (afin de ne pas gérer dans la panique) aurait été
opportun. Plus grave encore : les politiciens ont continué à se battre, non
seulement entre partis (avec le LDP critiquant stérilement le gouvernement
alors qu’il était responsable de la situation), mais au sein même du JDP.
Les conclusions du 11 mars 2011 sont mitigées. La première concerne
Tokyo, à savoir que si un tremblement de terre frappe directement la capitale,
les dommages pourraient être graves, et que l’excessive concentration
8
Les chiffres de l’Asie en 2012
PIB asiatiques en 2012 (Md.$ nominal)
9 000
8 000
7 940
7 000
5600
6 000
5 000
4 000
4 Dragons
3 000
2 233
ASEAN
2 000
961
1 000
496
865
272
266
344
274
234
143
14
0
Sources : Asia Monitor, Global Insight
Scénarii pour l'Asie émergente 2011 & 2012:
Croissance du PIB en %
10
9
8
9,2
8,5
7,5
7,5
7
6
5
4,8
4,6
4
3
2
1
0
Sources : GS Economic Research
4,2
3,7
…Mais le
gouvernement et
son administration
se sont montrés
tout aussi
inefficaces.
Les conclusions du
11 mars restent
mitigées, mais
l’économie
nippone
commence enfin à
se redresser.
politique et économique sur la ville constitue un risque systémique pour le
pays. La deuxième, beaucoup plus positive, concerne l’aptitude des Japonais à
se mobiliser. La vitalité de l’économie japonaise est immense : si celle-ci a
réussi à se sortir si vite et de façon quasi-totale de ce désastre, malgré une
administration devenue sclérosée et un monde politique qui l’a toujours été,
cela signifie que sa capacité à progresser est loin d’être épuisée. Les Japonais
pourraient bien nous étonner à nouveau, à condition de régler quelques
problèmes et de devenir enfin sérieux d’un point de vue politique.
L’économie japonaise s’est légèrement redressée depuis. Le retour à
une croissance, quoique limitée, confirme une reprise à la normale des chaînes
de production, durement affectées par la catastrophe. Il signifie également que
la confiance des consommateurs et la demande intérieure retrouvent
progressivement leur niveau d’avant-crise. Tout porte à croire que la reprise se
poursuivra, mais à un rythme moins soutenu : les dépenses publiques sur la
reconstruction (un budget supplémentaire de 156 milliards de dollars a été
débloqué début novembre 2011) devrait s’accélérer.
INDONESIE
Depuis quelques
années,
l’Indonésie s’est
imposée en tant
que puissance
régionale, mais
des problèmes de
fond persistent.
La qualité et la
quantité des
infrastructures
restent largement
en-deçà des
besoins du pays.
A mesure que
l’Indonésie
s’enrichie, le
manque
d’investissement
devient de plus en
plus criant.
10
La première économie du sud-est asiatique devrait croître de +6,5% en
2011, et de +5,4% en 2012. Moins sujette aux influences extérieures que ses
voisins grâce à une consommation intérieure robuste, l’Indonésie pourrait
néanmoins être affectée par la crise.
Pour le monde des économistes, l'Indonésie est un membre du G20.
Son PIB de 721 milliards de dollars en 2010 la place au dix-huitième rang
mondial. Avec une croissance annuelle supérieure à 6%, elle devrait
progressivement monter dans les années qui viennent. Le dynamisme
économique de l'Indonésie est d'abord dû à son marché intérieur, avec une
classe moyenne qu'on prévoit d'atteindre 150 millions de personne en 2014.
L'agence de notation Moody's vient tout juste de relever la note souveraine de
l'Indonésie dans la catégorie « investissement », très convoitée, un mois
seulement après une décision similaire de l'agence d'évaluation Fitch.
Pourtant, des obstacles persistent. Tandis que le pays se positionne
comme puissance régionale, ses infrastructures deviennent un problème de
plus en plus pressant. En effet, leur développement doit à tout prix
s’accélérer : les besoins, estimés entre 150 et 200 milliards de dollars environ
d’ici 2014, ont atteint un niveau critique en raison d’années de sousinvestissement. La qualité et la quantité des routes, ports, et ponts sont telles
qu’elles menacent le potentiel économique du pays : l’aéroport international
de Jakarta a atteint presque deux fois sa capacité initiale. La moitié des routes
à travers le pays ne sont pas goudronnées. Deux cinquième des Indonésiens
vivent sans électricité, et ils sont encore plus nombreux à vivre sans eau
potable. Dans la décennie qui a suivi la crise financière asiatique, les dépenses
de l’Indonésie dans ses infrastructures sont passées de +8% du PIB à +3%
seulement (rien qu’en Inde, réputée pourtant très mauvais élève en la matière,
elles sont de +5%) ! En 2011, le gouvernement a dépensé 12 milliards de
dollars seulement dans ses infrastructures.
Le président a mis
au point un projet
massif, mais les
fonds manquent à
l’appel.
Hormis les
infrastructures,
l’éducation est un
problème majeur.
Le président indonésien, Susilo Bambang Yudhoyono, a annoncé en
mai 2011 un plan massif de restructuration. Le gouvernement envisage
d’ajouter des dizaines de milliers de mégawatts d’énergie au parc actuel, et
construire des milliers de kilomètres de routes, tout en modernisant des
centaines de ports et d’aéroports. Des centaines de milliards de dollars de
fonds privés seront nécessaires pour que le projet aboutisse, mais ces derniers
risquent d’être difficiles à trouver : la bureaucratie et les incertitudes légales
pèsent sur le peu d’incitations commerciales existantes.
L’éducation pèse également sur le potentiel de l’archipel. Malgré
l’atout que représente la population (nombreuse, jeune, bon marché, et à même
de consommer), elle pose également un réel défi. De source officieuse, le taux
de chômage reste élevé (et bien supérieur à ce qu’indiquent les chiffres
officiels), et les emplois sont très souvent précaires, notamment parce qu’en
nombre important dans le secteur informel (60% de l’emploi total selon
certaines sources). Les salaires réels semblent avoir augmenté moins
rapidement que le revenu moyen par habitant ; et d’autant moins qu’ils se
rapportaient à des emplois exigeants peu ou pas de qualification. Outre la
nécessité d’améliorer « l’employabilité » de l’ensemble de la population, et
donc d’élever le niveau général d’éducation, il s’agit aussi de proposer des
formations adaptées aux besoins des entreprises. Seuls 13% des élèves
scolarisés dans le secondaire suivent une formation professionnelle et
technique. Il y a une pénurie de main d’œuvre qualifiée et compétente dans
certains secteurs, ainsi que des insuffisances importantes sur les postes de
middle management. Cette réalité restreint les possibilités de montée en
gamme de la production nationale.
Pour autant,
l’Indonésie reste
une des meilleures
Grâce à une rupiah forte, le pays a été relativement épargné par la
élèves de la classe
poussée d’inflation qui a touché l’ensemble de la région. A +6% environ, la
asiatique.
hausse des prix à la consommation reste raisonnable. Dans ces circonstances,
l’économie indonésienne a été l’une des plus dynamiques d’Asie de l’est cette
année, et elle devrait le rester au cours des douze prochains mois.
COREE DU NORD/COREE DU SUD
L’année 2011 aura marqué un tournant dans l’histoire de la péninsule
coréenne,
suite à la mort du chef d'État nord-coréen Kim Jong-il d’une crise
L’année 2011 aura
cardiaque
le
17 décembre. Des obsèques grandioses ont été organisées : sur les
marqué un
images retransmises, on voyait des dizaines de milliers de personnes pleurant
tournant dans
le long du cortège. Agé de 69 ans, le chef d’Etat dirigeait la Corée du Nord
l’histoire de la
d'une main de fer depuis 1994. Son fils Kim Jong-un a été désigné pour lui
péninsule
coréenne avec la succéder. Il accède à la tête d'un État parmi les plus pauvres du monde, doté de
mort du dictateur l'arme nucléaire, mais sous-équipé, en proie à des famines meurtrières
nord-coréen Kim récurrentes et à d'importantes pénuries énergétiques. Pourtant, ce dernier a fait
savoir qu'il ne changera pas de politique et qu'il n'y aurait pas de dialogue.
Jong-il.
La Corée du Sud a quant à elle revu à la baisse ses taux de croissance
pour 2011 et 2012, à +3,8% et +3,7% respectivement. Le pays n’est pas encore
en situation dite « fragile », mais il pourrait bien le devenir si la crise de la
dette européenne s’aggravait et l’économie mondiale ralentissait davantage.
11
Pays exportateur, la Corée du Sud s’en est jusqu’à présent bien sortie,
La Corée du Sud a
grâce notamment à une forte demande chinoise. L’empire du Milieu,
quelque peu
destinataire d’environ un quart des ses exportations, représente en effet le plus
souffert de la
gros marché de la péninsule. Pour la première fois en 2011, le commerce
crise.
extérieur de la Corée du Sud a dépassé les 1 000 milliards de dollars. Prises
dans leur ensemble, les exportations sud coréennes ont augmenté de près de
12%, mais devraient se tasser au cours des prochains mois (5% de croissance
prévus en 2012) tandis que l’empire du Milieu traverse une zone de fortes
turbulences. Qui plus est, la consommation domestique reste modérée (2,5%
Son taux
en 2011, 3% en 2012), l’endettement des ménages ayant atteint un niveau
d’exportations
record. C’est pourquoi certaines banques sont même allées jusqu’à prévoir une
devrait se tasser
contraction de l’économie sud-coréenne de -0,1% sur le prochain semestre.
au cours des
prochains mois.
Mais pas de quoi s’alarmer, une telle situation reste quasi-improbable.
En vue des difficultés, le gouvernement a mis en place de nouvelles mesures
fiscales pour relancer la croissance. Sa marge de manœuvre serait
suffisamment large (son déficit budgétaire 2011 est de 2% seulement) pour
protéger l’économie. A titre d’exemple, le gouvernement a annoncé des
Afin de minimiser mesures pour stimuler le marché de l’immobilier. Le premier ministre à
l’intention de dépenser 60% du budget 2012 sur les six premiers mois de
l’impact de la
l’année et débloquer 10 milliards de dollars supplémentaires.
crise, le
gouvernement a
Sur une note plus politique, des élections législatives sont prévues en
mis en place un
avril 2012 et les prochaines élections présidentielles auront lieu à la fin de
plan de relance
l’année, le mandat du Président Lee s’achevant en février 2013.
d’envergure.
HONG KONG, TAÏWAN, SINGAPOUR
A l’instar de la Corée du Sud, Hong Kong est très sensible à
l’environnement économique mondial. Etant donné le poids de la demande
chinoise dans ses exportations, le ralentissement attendu de l’empire du Milieu
en 2012 pourrait avoir un impact significatif sur la croissance d’Hong Kong,
estimée à +5% environ en 2011, et à +3,6 en 2012.
Hong Kong est
également très
sensible à son
environnement :
chômage et baisse
La zone économique spéciale devrait en effet voir ses exportations
de la
chuter de 3% en volume cette année. Si en valeur elles enregistreront encore
consommation
une progression de +1%, celle-ci ne parviendra pas à « couvrir les coûts de
sont à prévoir.
revient en forte hausse ». Qui plus est, la hausse attendue du chômage à +4%
d’ici fin 2012 pèsera de façon considérable sur la consommation intérieure.
Des mesures fiscales sont donc à prévoir pour soutenir l’économie. Les
pressions inflationnistes devraient s’atténuer sur fond d’une croissance
ralentie, d’un marché immobilier faible et de prix alimentaires en baisse.
La baisse de
commandes de
partenaires
commerciaux aura
eu un impact sur
la croissance
taïwanaise.
12
Taïwan devrait atteindre +4,4% de croissance en 2011, et +3%
seulement en 2012. Les exportations taïwanaises, notamment high-tech,
souffrent d’ores et déjà d’une demande extérieure en berne. Les commandes
de ses principaux partenaires (Chine, Japon, Etats-Unis) sont en baisse, et les
prévisions sont loin d’être encourageantes. Une diminution des taux d’intérêt
(qui sont d’ores et déjà très bas) ne saurait avoir un impact significatif sur la
demande intérieure. La productivité et les investissements sont affaiblis.
La réélection du
président Ma
Ying-jeou, artisan
du rapprochement
avec la Chine, a
été un
soulagement, mais
son prochain
mandat s’annonce
plus difficile que le
précédent.
C’est le saut à
l’élastique pour
Singapour,
également très
dépendante de ses
exportations,
notamment de
biens
manufacturés.
Ainsi, le gouvernement taïwanais a mis en place un plan de travail dans
lequel il surveillera étroitement l’impact de la crise, en particulier sur ses
industries, lors de réunions hebdomadaires de haut-niveau. Les autres mesures
phares du plan comprennent la stabilisation des marchés financiers, le contrôle
de l’inflation, le développement de projets d’infrastructures, et la réduction des
tarifs. Malgré des détails flous, l’annonce a eu l’effet désiré : les électeurs
taïwanais ont réélu mi-janvier le président Ma Ying-jeou avec 51,6% de voix.
La réélection d'un président artisan du rapprochement avec la Chine est un
soulagement pour Pékin et Washington, mais ce dernier pourrait connaître un
second mandat plus difficile, entre les différentes attentes.
Malgré des prévisions de croissance de +5% pour 2011, Singapour
devrait également connaître un ralentissement significatif avec un taux
compris entre +1 et +3% seulement en 2012. L'économie de la ville-État a
reculé de 4,9% au quatrième trimestre en raison de ses difficultés à
l'exportation. Sa production manufacturière s'est effondrée de 22%. Pour le
premier trimestre de cette année, le PIB menace d'être encore en baisse.
Singapour est très dépendante de ses exportations : toute dégradation
de la situation économique mondiale pourrait avoir un impact sévère sur sa
performance économique. Malgré l’effort du gouvernement de dynamiser son
secteur tertiaire (services financiers, tourisme), le pays-état qui abrite le
deuxième port au monde, est très sensible aux fluctuations de la demande
mondiale, notamment en biens manufacturés. Ses exportations (hors pétrole)
devraient croître de +2 à +3% en 2011, et entre +3 et +5% en 2012. Mais les
conséquences de la crise ont d’ores et déjà commencé à se faire sentir, tandis
que les livraisons de produits électroniques ont chuté de façon considérable sur
les trois derniers mois de l’année 2011.
THAÏLANDE
Pour la Thaïlande,
En raison des inondations qui ont sévi dans le pays pendant quelques
l’année 2011 aura
mois,
les
prévisions de croissance de la Thaïlande ne cessent d’être revues à la
été marquée par
baisse : à peine +2,4% en 2011 et +4% en 2012.
les graves
inondations qui
Ces inondations, les pires qu’ait connues le pays en plus de cinquante
ont paralysé le
ans,
ont
touché les 2/3 du territoire et provoqué la mort de plus de 800
pays.
personnes. Au total, 65 provinces et plus de 13 millions de personnes ont été
touchées par la catastrophe. Outre les 1,2 millions d’hectares de terres perdus,
le secteur manufacturier subit de plein fouet l’impact du désastre : près de 7
parcs industriels, 1 000 usines et 11 000 entreprises, notamment automobiles
et électroniques, ont été contraintes de freiner leur rythme de production ou de
fermer complètement leurs portes. A titre d’exemples, Toyota a fermé ses trois
A l’instar de la
sites de production, Honda a abandonné ses usines noyées, Nikon a arrêté sa
situation au
production depuis octobre 2011 et Canon a déplacé la production de deux de
Japon, les
ses sites. Les usines de Western Digital, qui assurent 60% de la production
industries
thaïlandaises ont mondiale de disques durs ont également été touchées. Des centaines de
été très affectées. milliers de personnes se retrouvent désormais sans travail, parfois même sans
abri. On estime à 1,7 millions le nombre de touristes qui ne sont pas venus en
raison des inondations.
13
Malgré sa récente
élection, le
nouveau Premier
ministre n’aura
pas été épargné :
on lui reproche sa
mauvaise gestion
de la crise.
Le Premier ministre, Madame Yingluck Shinawatra (sœur de Thaksin
Shinawatra, Premier ministre entre 2001 et 2006) arrivée au pouvoir en août
2011, a vivement été critiqué pour sa gestion de la crise, et notamment de
l’information. Les annonces du gouvernement ont été irrégulières, parfois
même inexactes, faisant fuir jusqu’à des entreprises étrangères. Tandis que le
coût estimé de la catastrophe ne cesse de grimper, le gouvernement s’est
accordé pour creuser davantage le déficit budgétaire à 13 milliards de dollars.
Madame Shinawatra a proposé qu’un budget de 4,2 milliards de dollars soit
débloqué pour la reconstruction des infrastructures, ainsi que pour les
victimes. Elle a également annoncé la création de comités pour développer un
plan de gestion de l’eau sur le long-terme. Les opérations de grand nettoyage
ont en revanche d’ores et déjà commencé dans les lieux où l'eau s'est retirée.
VIETNAM
Le Vietnam
enregistre un taux
de croissance
élevé, mais les
déboires
financiers du pays
s’aggravent.
Avec des prévisions de croissance de +6% environ sur 2011 et 2012, le
Vietnam est un des meilleurs élèves de la classe asiatique. Pourtant, les
problèmes financiers du pays persistent. L’objectif du gouvernement – cibler
la croissance aux dépens de la stabilité – a creusé les inégalités sociales,
favorisé l’inflation et une monnaie instable, et nourri les craintes d’une crise
bancaire.
Il y a cinq ans à peine, le Vietnam était dans la ligne de mire de tous les
investisseurs étrangers à la recherche du prochain marché émergent à haut
potentiel. De grands groupes, d’Intel à Canon, ont trouvé refuge dans ce pays
où la main d’œuvre est jusqu’à trois fois moins chère qu’en Chine. Qui plus
est, le développement et l’enrichissement de sa classe moyenne a attiré un
Inégalités sociales, nombre record de marques internationales désireuses de profiter d’une
demande intérieure robuste. Mais la consommation de sacs Vuitton et autres
risques de
accessoires de luxe désormais très répandus, cache une réalité qui est tout
surchauffe,
autre. Les inégalités sociales entre les villes et les campagnes se creusent à
inflation sont
vive allure. Entre 60 et 70% des 87 millions de Vietnamiens vivent et
autant de
travaillent dans les campagnes, où l’agriculture à petite échelle est le seul et
problèmes
unique gagne-pain. Mis à part Hanoi et Ho Chi Minh City, très peu de villes
auxquels le
gouvernement doit peuvent prétendre au million d’habitants.
faire face.
Les risques de surchauffe ont poussé les analystes à revoir leur copie.
Impossible désormais de passer outre les problèmes endémiques du pays, tels
que la corruption, son mauvais système scolaire, et ses infrastructures
engorgées. Si l’inflation pousse les salaires vers le haut, la main d’œuvre reste
sous-qualifiée. Opérant sur des marges étroites, les usines sont réticentes à
augmenter les ouvriers qu’ils ont, par ailleurs, eu beaucoup de mal à trouver.
L’état de
Alors pour attirer la main d’œuvre, certaines entreprises, telles que Canon,
l’économie est
vont même jusqu’à offrir des bonus supplémentaires : 5kg de riz et un loyer
aujourd’hui
inquiétant, et dans bon-marché, en plus du salaire mensuel et des augmentations biannuelles.
cet environnement
L’état de l’économie est inquiétant : la hausse des taux d’intérêt
mondial instable,
souhaitée
par le gouvernement pour avoir mainmise sur la politique monétaire
il risque fort de se
a
eu
des
répercussions désastreuses. Des milliers d’entreprises ont été
dégrader
contraintes de fermer leurs portes… les manifestations ont été nombreuses, les
davantage.
14
L’ASIE EMERGENTE EN 2012
Chine
Hong
Kong
Inde
Indonésie
Malaisie
Philippines
Singapour
Corée
du Sud
Taïwan
Thaïlande
Vietnam
Population
1 354
7,2
1 258
244,8
29,3
96,5
5,3
48 ,6
23
68,9
89,7
PIB nominal
7 940
266
2 233
865
274
234
272
961
496
344
143
PIB/tête
5 866
36 863
1 774
3 533
9 356
2 424
51 670
19 790
21 311
4 992
1 598
Croissance (2011e)
9,2
5
6,8
6,3
4,5
4,1
5
3,1
3,6
1,5
5,9
Croissance (2012 p)
7,5
3
7,3
5,8
3,2
3,9
6,1
2,4
3,4
4
5,7
3
1,7
8
4,5
2,6
3,7
2,8
3,5
0,9
3
4,1
6,6
0,3
9,6
26,5
26,1
32,6
20
39
21,6
30,8
25,9
1 898
425
360
203
237
52
420
559
305
227
87
3,3
5,1
-1,7
0,3
24,1
2
18,3
1
7,8
2,3
-4,6
3 200
296
302
117
108
73
256
315
423
179
23
Prix de détail
Dette extérieure/PIB (%)
Exportations
Balance courante/PIB (%)
Réserves de change
Unités : population (millions), PIB (Md $), PIB/tête ($), croissance réelle du PIB en 2011 & 2012 (%), inflation (%), dette extérieure (% du PIB), Exportations (Md. $,
réexportations incluses), compte courant/PIB (%), réserves de devises (officielles, Md. $).
Chiffres à fin 2011 de sources officielles locales et internationales considérées comme fiables.
C’est pourquoi la
croissance
vietnamienne
devrait se tasser
au cours des
prochaines
années.
mauvaises dettes également. Qui plus est, l’environnement économique
mondial ne fait qu’aggraver la situation de ce pays fortement dépendant de ses
exportations de vêtements, chaussures, et autres marchandises. La Banque
mondiale prévoit que le déficit commercial du pays atteigne 8 milliards de
dollars en 2011.
Le problème de l’inflation a pris des proportions hors-norme : le
Vietnam souffre d’une hausse des prix parmi les plus élevées du continent. Les
prix alimentaires ont augmenté de +30% environ sur 2011. Le taux d'inflation
du Vietnam devrait s'élever à +19% sur l’année encourue, bien au-dessus de
l’objectif du gouvernement. Ce dernier a également eu un impact sur la valeur
du dong, la monnaie vietnamienne, qui a été fréquemment dévaluée ces
dernières années. Sur une note plus positive, l’inflation devrait néanmoins
chuter en 2012 (proche de 10%).
Le PIB vietnamien, qui a connu une croissance de +8% en moyenne
entre 2003 et 2007, devrait se tasser de façon considérable au cours des
prochaines années.
BIRMANIE
Enfin, ce résumé
ne serait pas
complet sans un
petit mot sur la
Birmanie, qui
avance à petits pas
vers une
démocratie.
Enfin, ce résumé ne serait pas complet sans un petit mot sur la
Birmanie. Le parti de l'opposante birmane Aung San Suu Kyi, la Ligue
nationale pour la démocratie (LND), a été officiellement reconnu comme légal
par la Commission électorale. La LND, qui avait boycotté les élections de
novembre 2010, est désormais en course pour présenter des candidats, dont la
lauréate du prix Nobel de la paix elle même, aux législatives partielles
attendues d'ici quelques mois, mais dont la date n'a pas été annoncée. Avec
une raisonnable prudence, on peut penser qu’un « printemps birman » est
sérieusement en marche – enfin !
J.G. & E.L.
SOMMAIRE
Chine
Inde
Japon
Indonésie
Corée du Nord/Corée du Sud
Hong Kong, Taïwan, Singapour
Thaïlande
Vietnam
Birmanie
2
6
7
10
11
12
13
14
16
16

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