Traiter des réactions des collègues lorsque la santé mentale d`un
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Traiter des réactions des collègues lorsque la santé mentale d`un
RÉSUMÉ : Facteurs et stratégies visant à aider les infirmières et infirmiers en santé au travail à aborder les préoccupations des collègues et leurs réactions dans les cas de réintégration professionnelle de salariés qui ont eu des problèmes de santé mentale. RETOUR AU TRAVAIL Traiter des réactions des collègues lorsque la santé mentale d’un employé est en jeu L'auteure souligne que les sources principales du présent article sont le Centre pour la santé mentale en milieu de travail de la Great-West et l’initiative « La santé mentale au travail ». Le Centre pour la santé mentale consacre sa connaissance des problèmes de santé mentale à l’élaboration de plans d’action rentables pour les employeurs canadiens. La santé mentale au travail, initiative de l’Association canadienne pour la santé mentale (division de l’Ontario), aide les organismes à gérer leur devoir de conception d’aménagements pour les employés ayant des incapacités mentales, telles la dépression et l’angoisse, en milieu de travail. Tout retour au travail doit inclure une certaine dose de planification et de soutien. Lorsque la santé mentale est en cause, le processus peut s’avérer plus complexe. Malgré les politiques relatives à la protection de la vie privée et au respect de la confidentialité, les membres du personnel ont généralement un doute sur les causes de l’absence d’un collègue. Si cette absence est liée à une maladie mentale, comme la dépression ou l’angoisse, les gens ont tendance à ressentir de l’embarras et de la peur en raison des mythes et des stéréotypes liés à cette affection. Alors que l’employeur peut en grande partie être monopolisé par ses responsabilités relatives à la conception d’aménagements en vue du retour au travail du salarié, le processus se complique davantage lorsque les autres employés réagissent fortement au retour de leur collègue. Et ce, particulièrement s’il y avait des conflits ou des problèmes de rendement avant le congé. Les collègues du salarié qui revient au travail peuvent ressentir de la peur, de l’angoisse ou de la frustration s’ils étaient concernés par le conflit avec le salarié ou si leur charge de travail a été modifiée pendant l’absence du salarié ou en raison des aménagements prévus à son retour. Même si les craintes ne sont pas fondées, elles ont néanmoins le potentiel d’avoir des répercussions négatives tant sur le salarié qui revient au travail que sur les autres membres du personnel. De plus, selon les circonstances, il peut arriver que les collègues ne sachent pas comment aborder la maladie de la personne en sa présence. Enfin, l’embarras, l’appréhension, voire la honte que peut ressentir le salarié de retour au travail constituent autant de facteurs qui risquent de nuire à ses relations avec ses collègues. Bien que les employeurs soient conscients de leur responsabilité croissante en vertu de la loi1 en matière de protection de leurs employés contre les préjudices psychologiques – terme qui se rapporte à une détresse importante d’ordre émotionnel, évitable, causée par un tiers – beaucoup d’entre eux ne possèdent pas l’expertise nécessaire pour intervenir efficacement. Les infirmières et infirmiers en santé du travail, pour leur part, ont peut-être l’expertise nécessaire, mais ne disposent parfois que de peu d’influence ou de ressources pour agir. Voici certaines approches utiles dans plusieurs situations, ainsi qu’en attestent la recherche et la pratique. Vous êtes invités à les considérer comme autant de différents outils et stratégies parmi lesquels choisir selon votre poste, votre situation, votre expertise et votre influence au sein de l’organisation. Vous voudrez peut-être en proposer certaines à des tiers, comme à des professionnels des ressources humaines, alors que d’autres vous sembleront plus appropriées pour les superviseurs sur le terrain, lorsqu’il s’agit d’encadrer du personnel ou de lui apporter du soutien. D’autres encore vous paraîtront utilisables dans le cadre de vos méthodes courantes. L’objectif consiste à aider à traiter des réactions des autres employés envers le salarié qui a des troubles mentaux afin d’éviter des dommages psychologiques et d’améliorer la santé mentale du personnel dans l’ensemble du milieu de travail. Évaluer la situation 1 Rapport de Martin Shain, Le stress au travail et les dommages psychologiques dans le contexte juridique canadien, disponible auprès de la Commission de la santé mentale du Canada (www.mentalhealthcommission.ca). L’aptitude, dans un milieu de travail donné, à se pencher sur la méconnaissance des employés, sur leurs jugements préconçus ou sur leurs peurs peut constituer un élément crucial en vue de la réussite du retour au travail d’un salarié. De plus, le traitement et la résolution des conflits entre les employés peuvent améliorer la santé globale de l’organisation. Les trois principales stratégies visant à limiter les répercussions des réactions des collègues sont les suivantes : 1) Améliorer la connaissance et la compréhension des problèmes de santé mentale 2) Résoudre les conflits et aborder les craintes ou les préoccupations 3) Aider les employés ayant des problèmes de santé mentale à obtenir un soutien et un traitement efficaces. 1) Améliorer la connaissance et la compréhension des problèmes de santé mentale La première étape pourrait consister à travailler de concert avec la direction afin de faire de la santé mentale au travail une priorité pour votre organisation. Pour vous y aider, la Commission de la santé mentale du Canada offre un « cadre de leadership pour la promotion de la santé mentale en milieu de travail », que vous trouverez à l’adresse www.mhccleadership.ca. Cette ressource peut s’avérer utile pour monter un dossier d’analyse afin d’investir des ressources dans le soutien de la santé mentale des travailleurs et de renseigner les salariés au sujet des problèmes de cet ordre. La stigmatisation et le manque de sensibilisation empêchent souvent le dépistage précoce et le traitement efficace et peuvent être préjudiciables à la réussite et à la durabilité du retour au travail du salarié qui a connu des problèmes de santé mentale comme la dépression ou l’angoisse. Vous trouverez ci-dessous des stratégies visant à aider à accroître la sensibilisation et la compréhension de la santé mentale en milieu de travail : √ Encouragez l’utilisation du site « Protégeons la santé mentale au travail » afin d’amener les membres de votre équipe à mieux comprendre la sécurité psychosociale. Cette ressource exhaustive comprend un sondage à l’intention des salariés, conçu par des experts en recherche, offert gratuitement et permettant d’évaluer les risques psychosociaux dans le milieu de travail et de s’y attaquer. Le site « Protégeons la santé mentale au travail » aidera à déterminer les secteurs présentant un risque de préjudice psychologique et, mieux encore, à fournir des stratégies afin de réduire ce risque. √ Ajoutez la santé mentale aux campagnes de promotion de la santé et du mieuxêtre au travail. L'Association canadienne pour la santé mentale a utilisé le slogan « Il n'y a pas de santé sans santé mentale » pour signaler le lien entre la bonne santé mentale et le bien-être physique. Des recherches ont établi le rapport entre une bonne santé mentale et la productivité. Vous pouvez trouver des ressources propres à vous aider dans la section « Créer un milieu de travail plus sain » du site Web du Centre pour la santé mentale en milieu de travail. √ Favorisez les occasions de sensibilisation de tous les membres du personnel. Beaucoup d’organisations offrent des activités visant à accroître ou à améliorer la sensibilisation à la santé mentale au travail pendant la Semaine de la santé mentale (au mois de mai) ou le Mois national de la santé au travail (octobre). Toutefois, des activités visant à approfondir les connaissances des membres du personnel peuvent être intégrées aux programmes ordinaires de santé et de mieux-être des salariés à tout moment de l’année. Beaucoup de ressources sont disponibles au sein des collectivités ou en ligne, et ce, à l’échelle du pays : o La santé mentale au travail www.mentalhealthworks.ca/fr/index.asp o Centre de toxicomanie et de santé mentale www.camh.net/fr/index.html o Association canadienne pour la santé mentale www.cmha.ca/bins/index.asp?lang=2 o Mood Disorders Association of Ontario www.mooddisorders.on.ca o The Schizophrenia Society of Ontario www.schizophrenia.on.ca o Beyondblue: the national depression initiative www.beyondblue.org.au o Depression Center www.depressioncenter.net o The Panic Center www.paniccenter.net 2) Résoudre les conflits et aborder les craintes ou les préoccupations Aborder les craintes • Il est important d’évaluer le bien-fondé des craintes. Dans bien des cas, elles sont exagérées ou sans fondement. Les répercussions sur les collègues de travail peuvent néanmoins être graves et ne devraient pas être banalisées. Il est possible d’apaiser ces craintes grâce à des programmes de formation et de sensibilisation et à la conception d’un plan pour assurer la sécurité de tous. Qu'un employé ait des problèmes de santé mentale ou non, les comportements violents ou menaçants et le harcèlement ne devraient jamais être tolérés en milieu de travail. Des études ont démontré que les personnes ayant des problèmes mentaux ne sont pas plus enclines à la violence que le reste de la population, mais sont beaucoup plus susceptibles d'en être victimes.2 • Assurez-vous que le personnel connaît la marche à suivre pour aviser la direction si un employé fait preuve d’un comportement agressif ou antisocial. La direction doit, quant à elle, établir un protocole dans le cas où des rapports de comportements de ce genre lui sont signalés. Des exemples de plans d’intervention en cas de violence sont accessibles sur le site Web du Centre pour la santé mentale en milieu de travail. Les membres du personnel doivent être rassurés et savoir que leur sécurité est importante et garantie. • Si les craintes ont un certain fondement, il faut penser à mettre en place des processus ou des mesures de protection pour minimiser ou éliminer les risques. Comme nous l’avons déjà mentionné, tous les employés doivent savoir qu'ils ont droit à un environnement professionnel sécuritaire et qu'il y a des processus en place qui contribuent à garantir leur sécurité. 2 Disponible auprès de l’Association canadienne pour la santé mentale (www.cmha.ca) Résoudre les problèmes de collègues Les points qui suivent décrivent brièvement des stratégies visant à résoudre certains des problèmes les plus complexes en ce qui à trait aux réactions des collègues d’un salarié qui retourne au travail après avoir eu une maladie mentale. Le site du Centre pour la santé mentale en milieu de travail propose des lectures et des ressources additionnelles à l’adresse www.gwcentrepourlasantementale.com/index.asp?lc=1&. √ S’il s’agit d’un conflit entre le salarié et ses collègues, il est important de découvrir ce qui serait raisonnablement nécessaire pour que les employés aient des relations de travail plus saines. Il existe une différence notable entre prendre parti et découvrir une solution visant à aller de l’avant. La première option pousse souvent les gens à défendre leurs positions, tandis que la seconde permet à chaque partie de sauver les apparences tout en trouvant une façon de mettre les anciennes blessures de côté et d’adopter un comportement permettant de progresser. √ Si la difficulté se pose à l’égard des relations de travail, La santé mentale au travail, initiative de l’Association canadienne pour la santé mentale (division de l’Ontario), recommande d’intégrer les stratégies suivantes au plan d’adaptation. Ces stratégies doivent être adaptées, selon les besoins, tant au salarié qui retourne au travail qu’à ses collègues : • Définir ce que sont de bonnes relations de travail • Enseigner à tous les employés des techniques de communication efficaces • Tenir des rencontres régulièrement pour revoir les problèmes et les régler • Demander une rétroaction franche et honnête sans tarder • Définir des attentes claires, ainsi que les conséquences concrètes de ne pas les respecter, notamment quant au comportement professionnel. √ Si le problème est lié à la culture du milieu de travail, peut-être qu’il n’y a pas de conflit particulier entre le salarié de retour et ses collègues, mais si le milieu de travail est soumis à du stress, des tensions, de la confusion ou de l’angoisse chroniques, vous pouvez recommander une approche globale pour reconnaître et régler les problèmes organisationnels ou systémiques, comme la stratégie « Protégeons la santé mentale au travail » dont il est question plus haut dans le présent article. √ Si les aménagements nécessaires en vue du retour au travail du salarié ont des répercussions sur ses collègues, il serait judicieux d’inviter ces derniers à se joindre aux discussions concernant les tâches de travail (p. ex. s'ils doivent assumer certaines tâches du salarié en question, ils pourraient prendre part aux décisions relatives au partage de ces tâches entre les membres de l'équipe). √ S’il s’agit d’un problème de rendement, il faut comprendre en quoi ce problème a touché les autres employés. Voyez quelles solutions pourraient être adoptées. L’impression de devoir prendre en charge le travail d’un collègue ou de le corriger peut s’avérer plus préjudiciable que la tâche comme telle. Il faut tenir compte de la réaction des collègues lors de l’élaboration des plans d’adaptation qui les concerneront. Dans certains cas, l’employé qui retourne au travail peut vous donner un aperçu de la réaction probable de ses collègues ainsi que des solutions de rechange qui seront mieux accueillies. Le fait de ne pas aborder ce sujet pourrait entraîner des conséquences négatives inattendues. En fin de compte, il faut s’assurer que les collègues, incluant l'employé qui retourne au travail, comprennent qu'ils doivent agir de façon professionnelle et qu'ils ne doivent pas se livrer à du harcèlement ni à de la discrimination au travail. Tolérer ces types de comportement pour quelque raison que ce soit pourrait nuire à la santé mentale de ceux qui en sont victimes au travail. Parfois, on tend à « médicaliser » les problèmes de rendement ou de comportement, souvent en raison d’un manque d’aptitude à déterminer ou à résoudre les conflits. Cherchez des façons de soutenir les travailleurs afin qu’ils résolvent les problèmes sans attendre, en ayant recours à des ressources extérieures, s’il y a lieu. Malheureusement, certains milieux de travail invoquent le principe du respect de la confidentialité comme excuse pour éviter d’aborder ces préoccupations. Même s'il est nécessaire de respecter la confidentialité des renseignements médicaux personnels d'un employé, rien n'empêche d'aborder, de manière appropriée, les réactions des collègues et les inquiétudes à l'égard de l'employé absent ou qui est revient au travail. Cette mesure peut aider à diminuer le risque de rechute d’un employé qui a eu une maladie mentale tout en enrichissant la culture de l’organisation. 3) Aider les employés ayant des problèmes de santé mentale à obtenir un soutien et un traitement efficaces À titre de professionnel de la santé au travail, vous connaîtrez probablement le diagnostic du salarié de retour au travail. Vous êtes peut-être la personne la mieux placée pour prendre en considération tous les facteurs qui peuvent influer sur la réussite de son retour au travail, tout en tenant compte des tâches à réaliser au sein de l’organisation. Dans certains cas de retour au travail, des infirmières et infirmiers en santé du travail ont dû prendre les mesures suivantes : √ Fournir au salarié des outils d’auto-évaluation lorsque celui-ci n’était pas conscient de son état de santé mentale. √ Intervenir en faveur du salarié afin qu’il ait accès à un traitement efficace. √ Interroger le médecin traitant sur l’absence d’amélioration de l’état du salarié et proposer des modifications à l’égard de la médication ou recommander des soins complémentaires. On pourrait croire que l’infirmière ou l’infirmier qui intervient ainsi dépasse les limites de ses compétences, mais la maladie mentale altère parfois la capacité d’une personne à poser des questions pour son propre compte ou à se défendre. En effet, si la personne considère l’absence d’amélioration comme un échec personnel, il est peu probable qu’elle demande un changement de plan de traitement à son médecin. Puisque vous connaissez bien le patient et sa maladie, vous êtes le plus à même de combler le fossé entre la dure réalité du patient et la conscience que le médecin en a. √ Renseigner le salarié sur les ressources mises à sa disposition au sein de l’organisation, par les fournisseurs d’avantages sociaux et les services communautaires. √ Recommander le visionnement de la série de vidéos Se rétablir en travaillantMC, dans lesquelles des personnes racontent leur expérience de problèmes de santé mentale au travail, en dehors du travail ou pendant leur retour au travail. Il s’agit d’une excellente ressource à mettre à la portée d’un salarié au moment de son retour au travail et de ses collègues qui ont besoin d’approfondir leurs connaissances au sujet des problèmes de santé mentale. La partie Qui peut m’aider au travail? présente des segments vidéo touchant la façon dont les infirmières et infirmiers en santé du travail contribuent à l’amélioration du processus de rétablissement et de retour au travail des employés ayant ce type de problèmes. Vous y trouverez également des conseils à partager avec les salariés afin de les aider dans la gestion de leurs relations au travail. Il est possible d'accéder gratuitement à cet outil par l’entremise du site Web du Centre pour la santé mentale à l’adresse : www.gwcentrepourlasantementale.com/french/wti/. Bon nombre de professionnels de la santé au travail doivent abattre une tâche colossale compte tenu du temps et des ressources qui leur sont alloués. Le présent article n’a pas pour objectif de vous imposer encore plus de stress, mais plutôt de vous informer que beaucoup de ressources sont maintenant offertes dans le domaine public et qu’elles peuvent vous aider. Que votre mandat consiste à persuader la direction de s’attaquer aux questions de santé mentale en milieu de travail ou encore à travailler auprès d’un salarié ayant une maladie mentale, de précieux outils sont disponibles. Votre expérience, vos compétences, vos connaissances et votre situation uniques vous permettent de participer à la résolution de ces problèmes. Prochain article Le prochain article de la série abordera les façons dont les infirmières et infirmiers en santé du travail peuvent encadrer le superviseur tout au long du processus de retour au travail et d’adaptation au profit du salarié. Mary Ann Baynton, de la société Mary Ann Baynton & Associates Consulting, est la directrice des programmes du Centre pour la santé mentale en milieu de travail de la Great-West, ressource publique financée par La Great-West, compagnie d’assurance vie. Elle est également consultante auprès de La santé mentale au travail, initiative primée de l’Association canadienne pour la santé mentale, qui fournit formation et consultation aux employeurs. Spécialisée dans le domaine de la santé mentale en milieu de travail, elle offre des services de consultation individuelle pour le retour au travail, des services de consultation en gestion, des initiatives de formation et de sensibilisation ainsi que des services d’évaluation et de mise en place de stratégies en milieu de travail destinées à renforcer la santé mentale, le moral et la motivation. Références Le Centre pour la santé mentale en milieu de travail de la Great-West : www.gwcentrepourlasantementale.com Se rétablir en travaillant : http://www.gwcentrepourlasantementale.com/display.asp?l1=2&l2=17&l3=173&d=173 Protégeons la santé mentale au travail : http://www.guardingmindsatwork.ca//fre/info/index Mental Health Works: www.mentalhealthworks.ca