Introduction - Infirmiers.com

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Introduction - Infirmiers.com
Introduction
J’ai souhaité traiter ce sujet car dans certaines structures la question du port ou du non port
de la tenue se pose. Je pense qu’il est important d’avoir un large point de vue sur ce sujet.
Pour les soignants qui ont le choix, j’espère amener à une réflexion, qui par la suite leur
permettra d’adopter l’attitude la plus adaptée compte tenue de leur ressenti et de l’état dans
lequel se trouvent leurs patients.
Pour cela, je vais aborder le sujet en trois points. La psychiatrie avec les représentations
sociales ainsi que son évolution depuis sa naissance. La communication sera traitée car elle
me paraît essentielle pour établir un contact avec le patient, pour cela il faut trouver sa
place et donc l’importance de la distance thérapeutique prend toute sa dimension.
Et pour terminer je vais décrire les influences que peut avoir la tenue autant au niveau
infirmier qu’au niveau patient.
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Dans un premier temps, je pense qu’il est important de commencer ce travail en
amont de ma formation en soins infirmiers. J’avais une idée assez arrêtée de l’image de
l’infirmière : elle devait porter une tenue, blouse ou l’ensemble tunique pantalon, qui me
semblait indissociable de l’infirmière. Ne connaissant pas encore le secteur psychiatrique,
pour moi elle avait sa place dans un service en soins généraux. Lors de visites à l’hôpital,
je reconnaissais immédiatement le personnel soignant grâce à sa tenue, elle était le
symbole du corps médical et paramédical.
Le premier jour de ma formation à l’institut en soins infirmiers, le personnel de la
lingerie a demandé à la promotion de se présenter pour l’essayage des tenues, il s’agissait
de la tunique pantalon. J’ai donc associé le début de mes études, à l’acquisition de cette
tenue, qui semblait donc indispensable pour me rendre sur mes lieux de stage.
Au cours de ma première année d’étude, j’ai effectué un stage en hôpital de jour,
accueillant des personnes atteintes de psychoses maniaco dépressive. Ce stage m’a permis
de clore mon année, ayant eu auparavant des terrains d’apprentissage tels que la médecine,
la chirurgie et la gérontologie. Dans tous ces lieux la tenue était de rigueur. A travers ce
stage, j’ai découvert le milieu psychiatrique et la possibilité du non port de la tenue qui
était si importante et indispensable dans les autres services.
Dans la structure les portes ouvraient à 9h30, les infirmières arrivaient toutes entre
9h et 9h30 pour pouvoir accueillir les patients. J’ai ainsi vu arriver les infirmières les unes
après les autres habillées en civil, le vestiaire se trouvant dans l’enceinte du service. Je me
suis rendue compte que chacune avait ses habitudes. Certaines passaient par le vestiaire
pour y déposer leurs effets personnels, d’autres revêtissaient partiellement ou totalement
leur tenue de travail (tunique ou ensemble complet tunique pantalon). Pour les étudiants, le
port de la tenue complète était exigé par le personnel encadrant.
Lors de certaines activités, les attitudes des soignants se modifiaient face au port de
la tenue, certains mettaient leur blouse alors que d’autres l’enlevaient.
Pendant les activités manuelles salissantes, les infirmières m’ont conseillé de me
vêtir avec une des blouses qui était mise à disposition pour les ateliers, elles avaient pris
l’habitude de se protéger de cette façon. Les blouses étaient usagées, il s’agissait
d’anciennes blouses qui avaient été récupérées à cet effet.
Durant ce même stage, nous étions allés voir le Tour de France à vélo, nous nous y
étions rendus à pied car il passait en centre ville. Le personnel soignant et moi-même
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étions allés nous changer, pour nous mettre en civil. Je pense qu’il s’agissait de garder le
secret professionnel, d’éviter de faire remarquer notre présence. Effectivement si nous
étions sortis en tenue avec l’étiquette de l’établissement, les spectateurs auraient reconnu
qu’il s’agissait de patients psychiatriques. Les réactions, attitudes envers eux, auraient
peut-être été pour certains différentes. Les passants ne devaient pas savoir que ces patients
se faisaient soigner en psychiatrie, les réactions des passants auraient pu être dures par la
non-connaissance de ce milieu et à toutes ses représentations. Ainsi en civil, les patients
ont été perçus dans la rue non comme des patients mais comme des passants par rapport à
la foule.
Une journée à la campagne avait été proposée aux patients, la fondation ayant une
maison à leur disposition avec un grand jardin où nous avions pique-niqué et passé le reste
de la journée. Il n’y avait aucune personne extérieure à la structure, mais au niveau des
soignants, nous étions habillés en civil. D’après moi il n’y a plus le problème de la
confidentialité. L’appréciation des patients ainsi que celles des soignants tout au long de la
journée fut différentes des autres jours, j’ai perçu cela comme une journée « normale »,
c’est-à-dire avec un encadrement thérapeutique, mais sans le poids de l’institution.
Le fait que le personnel soignant ne portait pas la tenue, m’a fait réaliser qu’elle
permettait de nous identifier. Sans cette distinction la reconnaissance du personnel en était
perturbée. Le repérage des infirmiers était difficile à effectuer, infirmiers et patients étant
tous deux habillés en civil, cela permettait ainsi une communication égalitaire. Ceci ne
voulait pas dire que le patient se confiait plus facilement. L’infirmier aux yeux du patient
pouvait perdre sa qualité de soignant et tout ce qui l’entourait avec des points aussi
essentiels que le secret professionnel.
Au cours de ma seconde année, j’ai de nouveau effectué un stage en psychiatrie, il
s’agissait d’un service spécifique : un CATTP (centre d’accueil thérapeutique à temps
partiel) pour enfants âgés de 5 à 12 ans. Dans ce service tout le monde observait la même
attitude par rapport au port de la tenue : aucun infirmier ne la portait, il en était de même
pour les étudiants. Je pense qu’il est important de décrire la structure. Une première partie
était composée du hall d’accueil, lieu où les familles, les taxis, les enfants ainsi que le
personnel soignant pouvaient accéder. Une seconde partie était plus spécifique aux soins,
accessible uniquement aux enfants et au personnel soignant. Etant donc inaccessible aux
personnes extérieures de l’établissement, les enfants le percevaient peut-être comme un
lieu thérapeutique, ainsi la tenue serait-elle superficielle ? Dans ce CATTP, les enfants
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étaient atteints de psychoses, dans ces pathologies, la tenue peut être utilisée comme
moyen thérapeutique. Peut-être que la contenance des murs suffisait à les apaiser.
Pour certaines activités, comme la cuisine, nous devions effectuer des achats
d’ingrédients à l’extérieur, et accompagnions les enfants au supermarché en civil. On peut
ainsi remarquer une similitude avec le stage précédent.
Lors de l’activité peinture, les soignants ainsi que les enfants étions revêtus de
blouses usagées prévues à cet effet.
Au cours de ma troisième année, j‘ai effectué un stage en CMP (centre médicopsychologique). Personne ne portait la blouse ou la tunique pantalon. Nous faisions
souvent des visites à domicile. Je pense que nous en revenons au même cas que dans ma
première année, il s’agit de préserver le secret professionnel. Les voisins des patients dont
nous nous occupions, ne devaient pas savoir qu’un infirmier psychiatrique venait leur
rendre visite si celui-ci ne le souhaitait pas. Je me rappelle que lors de ce stage, nous
allions rendre visite à une dame qui avait besoin de séances de relaxation car elle ne se
sentait pas bien. Une voisine nous voyant venir régulièrement à la même heure, se posait
des questions : Qui étions-nous ? Que venions-nous faire ? Et elle est allée le demander à
la patiente. Si nous avions porté une blouse, sachant qu’elle n’avait pas de problème de
santé physique, elle aurait pu en déduire qu’il s’agissait du psychisme. Lors de ces visites
chez les patients, je me sentais mal à l’aise : je ne sais pas pourquoi ; était-ce le fait que je
ne voyais les patients qu’une ou deux fois dans mon stage ? Etait-ce le fait de ne pas me
sentir protégée par l’enceinte d’une institution ? Ou était-ce le fait de ne pas porter de
blouse ne sachant plus quelle était ma place ? Les trois hypothèses ensembles sont aussi
possibles.
Dans ce CMP, les patients venaient aussi pour avoir leur injection de
neuroleptiques. Malgré l’importance des règles d’hygiène, l’infirmier qui venait de chez
des particuliers, n’avait pas de blouse. De plus quand il faisait froid nous étions habillés
chaudement, en manches longues, ce qui pouvait augmenter le risque de faute d’hygiène.
Au long de mes trois années d’étude, j’ai effectué des stages dans les différents
lieux d’exercice professionnel d’une infirmière. J’ai pu constater qu’en service hospitalier
général la tenue (tunique pantalon) était de rigueur pour les infirmiers comme pour les
stagiaires. Au niveau du secteur libéral et du secteur psychiatrique, les avis étaient mitigés
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même si des gestes techniques y étaient pratiqués. Au niveau de la santé publique les avis
sont aussi partagés bien que le risque infectieux ne soit pas toujours présent.
En milieu hospitalier, la tenue occupe une place très importante pour faire respecter
les règles d’hygiène et d’asepsie, qui sont strictes pour la santé des patients. Il est donc
normal qu’elle soit obligatoire dans ce cas là. C’est dans les services généraux où le risque
infectieux est le plus important car des gestes techniques y sont pratiqués. Dans un service
comme la chirurgie, les soins à effectuer tel que des pansements, des prises de sang, des
poses de voies veineuses périphériques et parfois des manipulations sur des voies
veineuses centrales sont de nombreuses portes d’entrée à une infection. Mais il ne faut pas
oublier, la blouse ne sert pas uniquement à protéger le patient mais également à nous
protéger. Elle sécurise, en l’enlevant à la fin de son poste, on limite le risque de
transmission de germes envers soi-même et ses proches.
Le CCLIN (centre de coordination de lutte contre les infections nosocomiales)
décrit la tenue de base par sa forme, sa matière et son rythme de changement. Toutes les
recommandations exposées par le CCLIN sont importantes, mais il ne faut pas en oublier
la composante relationnelle. Je prends pour exemple, un patient qui va partir au bloc
opératoire : il va être en état de stress, d’angoisse, la tenue peut l’aider à l’apaiser car elle
renvoie un savoir et une connaissance. A l’inverse, un patient ayant de mauvais souvenirs
d’hospitalisation précédente, la tenue pourrait augmenter son angoisse. Ainsi je pense que
les effets antagonistes de la blouse ont une influence dans la relation.
On peut tout de même remarquer que dans des services spécifiques tel que la
pédiatrie, la tenue est souvent ornée de badge. Le CCLIN est contre le port de ce badge, car
la tenue est à l’origine prévue pour accumuler le moins de poussières contaminantes
possibles. Sur ce badge est uniquement noté le prénom à l’inverse des tenues où le nom est
mis en avant. De part la mise en avant du prénom, cela permet au patient de se sentir plus
proche du soignant. Il est également dessiné un animal, mettant ainsi un peu de couleur à la
tenue et permettant une individualisation de chaque soignant (l’enfant identifie un infirmier
à l’animal qu’il peut avoir sur son badge). Le dessin peut permettre également de rentrer
plus facilement en contact avec l’enfant.
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Après avoir vu les différents exercices professionnels d’un infirmier, je me suis
décidée à axer cette recherche au niveau de la psychiatrie, car au niveau des soins généraux
le port de la blouse est essentiel, la question du non port de la tenue ne se pose pas.
Après tous ces stages, je me suis interrogée, si le port de la blouse était obligatoire
pour l’infirmier. J’ai ainsi effectué des recherches dans les différents textes de loi, j’ai été
surprise de constater que rien n’y était mentionné. J’en suis venue à me poser une nouvelle
question, au niveau des services généraux où l’hygiène est très importante et où tous les
infirmiers sont habillés en blanc. N’y aurait-il pas tout de même une obligation ?
Effectivement, le règlement intérieur de l’établissement, la convention collective
applicable et le contrat de travail du salarié peuvent fixer son port obligatoire. C’est ainsi
que j’ai cherché dans les règlements intérieurs de certaines structures mais rien n’y était
mentionné.
Lors de mon stage en CMP, j’ai eu une discussion avec un des infirmiers, il me
disait qu’effectivement rien n’était mentionné mais qu’en général en milieu intra
hospitalier, tout le personnel devait mettre une blouse, me disant que même si rien n’était
mentionné cela serait mal vu et serait repris par les cadres de services ou les médecins.
C’est ainsi qu’il me proposa d’aller visiter un service intra hospitalier. N’ayant jamais pu y
aller en stage, j’allais y découvrir une face de la psychiatrie que je ne connaissais qu’au
point de vue théorique. Le service visité était une unité de crise, j’ai discuté avec un
infirmier qui me disait porter sa tenue uniquement parce qu’il y avait des gestes
techniques. Après approfondissement, il me disait qu’elle pouvait servir à s’identifier, à se
différencier des patients mais que pour lui cela n’était pas nécessaire. Selon ses dires, le
fait de ne pas porter de tenue ne le dérangeait pas du moment où il n’y avait pas d’actes
techniques à effectuer.
Il me parlait des services extrahospitaliers, où les infirmiers ne portaient pas la
tenue, malgré le fait que des actes techniques pouvaient y être pratiqués. Cela dépend de
l’hôpital psychiatrique duquel on dépend. Il faut préciser que mon premier lieu de stage ne
dépendait pas du même hôpital psychiatrique que les deux autres.
C’est ainsi que l’on peut se demander à quoi sert la tenue en psychiatrie
Question de départ : Quel rôle joue la tenue dans la communication infirmier/patient en
secteur psychiatrique adulte milieu ouvert ?
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I. Les représentations sociales de la psychiatrie
« Si le fou porte en lui l’humaine condition, l’homme porte en lui le terreau où la folie
s’enracine » R.Bastide 1965
Selon Foucault la folie n’était pas pensable avant le 17ième siècle. Au Moyen Age, la
folie était considéré comme un « surcroît démoniaque » à l’œuvre de Dieu, on lui conférait
un savoir de l’au-delà divin. La folie fait donc appel à un aspect démoniaque mais aussi
sacré et religieux. Jusqu'à la renaissance cette image représentait la folie, puis elle sera peu
à peu mise à distance de la raison.
Pendant la révolution Française, la liberté humaine prenait toute sa dimension et par
conséquent le malade mental perdait toute sorte de liberté. Il se trouvait expulsé d’une
société basée sur les libertés individuelles, il n’était donc plus à sa place dans celle-ci. De
plus, il dégageait au monde des notions de peurs, de dégoûts, de dangerosité, et de
mensonge. Ainsi la folie devenait donc un sujet tabou, un sujet que l’on cachait pour ne pas
effrayer. Le « fou » était objet de honte, on ne disait pas de la même façon que l’on
hospitalisait un proche en asile d’aliénés ou en soins généraux. Il était devenu aux yeux du
monde un hors la loi. En juillet 1791, une nouvelle loi stipulait que ceux qui laisseraient
divaguer des insensés ou des furieux seraient passibles de peines correctionnelles. Ainsi,
ceux qui souhaitaient les aider devenaient des hors la loi. Je pense que cette loi, rend aux
yeux du monde les malades psychiatriques plus dangereux encore. En plus de l’exclusion,
des sanctions sont possibles, cela conduit à des comportements discriminatoires.
Certains tentent d’établir une cause à la folie, elle serait générée par le groupe
social, le problème ne serait donc plus intrinsèque comme pendant le moyen âge, mais
comme un processus externe, propre au groupe qui utilise le fou pour se protéger.
Il ne faut pas oublier qu’à cette époque ils étaient enfermés et attachés à des
chaînes. On peut y voir une grande similitude avec les prisonniers. Les conditions de vie
du patient étaient semblables voir même plus dures que les conditions de détention des
meurtriers.
La psychiatrie souffre d’une image négative que ce soit la maladie mentale, les
lieux de soins et les patients. Effectivement, la maladie mentale est souvent associée à la
folie. Cette image négative ne serait-elle pas due au passé ?
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II. Du gardien de fou à l’infirmier diplômé d’état
Jusqu’au XXième siècle les infirmiers psychiatriques n’étaient pas considérés comme
tel mais comme des « gardiens de fou ». En 1788, selon Tenon, un membre de l’académie
royale des sciences, on parlait de gardiens en termes de « véritables gardiens de
chiourmes ». Les gardiens ne se distinguaient pas des patients, ils étaient aussi mal
considérés qu’eux. Ils vivaient à l’intérieur des murs, étaient nourris et logés à l’hôpital
appelé asile d’aliénés. Ils étaient célibataires et partageaient la vie de ceux qu’ils gardaient.
La sélection pour devenir gardien était basée principalement sur la corpulence physique.
N’ayant pas besoin de savoir lire, la plupart étaient donc illettrés, ils étaient le plus souvent
issus des classes sociales défavorisées. Il arrivait que certains patients stabilisés deviennent
gardiens à leur tour. Ils servaient essentiellement à contenir les patients, et à éviter la
divagation des infirmes. Leur image était celle d’un individu dangereux, ignare, dépravé,
violent et alcoolique. Les gardiens étaient tout de même indispensables, personne n’était en
mesure de prendre leur place, que ce soit les médecins ou les religieuses. Leur rôle étant la
maîtrise physique des symptômes psychiques. La violence des patients s’opposait à la
violence des soignants, cette image du gardien de fou donne de nos jours encore une
connotation négative de la psychiatrie.
Dans les années 1790, Jean-baptiste Pussin fut le premier gardien surveillant
humaniste. Il a permis une évolution importante au niveau de la psychiatrie. Il a poussé les
médecins à enlever les chaînes aux patients. A ce moment là, les infirmiers n’existaient pas
encore, donc on ne parlait pas de lui en tant que cadre infirmier mais comme chef de la
police intérieure des loges ou encore gouverneur des sous employés.
Du fait que les patients ne soient plus enchaînés, Philippe Pinel, le médecin chef, a
remarqué que les « aliénés » traités avec plus d’humanité réagissaient beaucoup mieux.
Depuis, Jean baptiste Pussin est le père symbolique de l’Infirmier psychiatrique.
Il faut savoir que jusqu’en 1801, les gardiens n’avaient pas de réel statut car ce ne
fut seulement cette année là que le terme apparut dans les documents officiels de la maison
de Charenton.
En 1901, on pouvait sentir une évolution, au congrès des aliénistes à Limoges, une
question était posée « y a-t-il lieu de remplacer le terme de « gardien » par celui
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« d’infirmier ». Le nombre et la qualité des infirmiers y sont évoqués comme une condition
de la réussite de l’approche thérapeutique.
Après la seconde guerre mondiale, un courant désaliéniste mené par deux
psychiatres, les docteurs Daumézon Bonnafé visait à la déségrégation de la maladie
mentale amenant ainsi à la disparition des gardiens de fou.
En 1947, les infirmiers étaient formés aux techniques artisanales, ces sont les
prémices de l’ergonomie.
Un pas important était fait en 1955, il s’agissait de l’apparition du premier diplôme
national d’infirmier des hôpitaux psychiatriques. Par la suite, en 1969, les infirmiers étaient
appelés infirmiers de secteur psychiatrique. Ils développaient leur rôle autour de cinq axes :
le soin dans les dimensions somatiques et psycho affectives aux personnes présentant des
troubles psychiatriques, l’utilisation et la maîtrise de la relation avec la personne
souffrante, l’ouverture sur la communauté, l’observation de la personne et la gestion d’un
paradoxe être soignant et gardien de fou.
En 1992, le diplôme d’infirmier de secteur psychiatrique disparaît pour laisser place
au seul diplôme d’infirmier, qui peut agir autant au niveau psychologique qu’au niveau
somatique. Le diplôme d’infirmier d’état apparaît.
Contrairement aux services généraux, les soins techniques n’occupent qu’une petite
place dans le temps infirmier. Le plus souvent, il s’agit d’actes non réglementés, non
encadrés. Je pense qu’il est important d’en dégager les principaux points pour mieux
comprendre en quoi consiste le travail d’un infirmier d’état travaillant en psychiatrique. Le
propre du soin en psychiatrie est d’entrer en relation. Il applique aussi des prescriptions
médicales, participe à l’élaboration d’un plan de traitement, de déceler les signes
annonciateurs d’une amélioration ou d’une détérioration de l’état du patient, d’établir une
relation efficace pour favoriser un rétablissement optimal, et assiste le patient et ses
proches. C’est ainsi que la communication est essentielle pour l’infirmier et le patient.
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I. La communication
Comme base de la communication je vais utiliser le modèle de la théorie de l’information
« émetteur-récepteur » mis au point par Claude Shannon et Warren Weaver. Ce système
est inspiré de la transformation des informations à travers les lignes téléphoniques. Le
patient et l’infirmier sont tour à tour émetteur puis récepteur. C’est donc l’émetteur qui
envoie le message et le récepteur qui le reçoit. Le modèle est centré sur le contenu et le
transfert de l’information. La préoccupation des hommes qui pensaient avec ce modèle
était que la signification du message de départ subisse le moins de déformations possibles
lors de la transmission et de la réception.
Toute communication contient un double message : le contenu et la manière dont le
message est émis.
La communication est fonction d’un certain nombres de choses comme les aptitudes à
communiquer avec des partenaires impliqués, il s’agit de la capacité d’expression du désir
et de la motivation, des attitudes et des comportements, du statut social et des normes
culturelles car les cadres de référence sont différents, les valeurs et les croyances le sont
aussi.
Il y a des lois dans la communication. La plus importante pour moi est le fait que
nous ne pouvons pas ne pas communiquer. Dans la transmission d’informations ce n’est
pas l’intention de faire passer un message qui compte mais c’est le résultat c’est-à-dire la
réaction de l’interlocuteur qui nous renseigne sur ce que nous avons fait passer. Nous
obtenons chez les autres ce que nous avons suscité chez eux. Chacun a un point de vue
différent dans la communication, certains voient des choses qui n’existent pas, d’autres ne
voient pas celles qui existent et nous ne voyons pas les mêmes choses. Cela rend difficile
la transmission d’informations.
Je vais donc citer ce qui me semble essentiel pour avoir une bonne communication
ainsi que ses barrières.
Il est fondamental de parler des facteurs influençant une bonne communication. Le
plus important, selon moi, est la confiance en soi, c’est-à-dire ce que chacun pense de luimême. Une personne se sentant faible, inférieure aura du mal à communiquer. Une
seconde qui n’a pas confiance en elle aura du mal à admettre ses torts et à accepter les
critiques. Il est donc essentiel d’avoir confiance en soi pour permettre une bonne
communication et accepter les remarques des autres. On peut paraître fermé et cela nous
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condamnant les portes à une bonne communication. Quand on arrive à avoir confiance en
soi, par la suite il est possible d’avoir confiance en l’autre. Ainsi notre capacité d’écoute
est plus importante. Il faut aussi être clair au niveau de son expression, sans cela nous
n’obtiendrons pas ce que nous demandons.
Il y a de nombreuses barrières à la communication :
- l’influence que peut avoir les différences qu’il y a entre les personnes. Chaque
personne est différente, spécifique et a ses propres réactions. Les réactions et autres
attitudes sont marquées et formées par des réalités différentes : le passé de chacun, le
milieu familial, scolaire, le travail, l’ouverture d’esprit de chacun et la culture.
- les jugements de valeur sont une seconde barrière à la communication, il ne faut
pas se satisfaire uniquement d’un jugement se dégageant d’une analyse objective des
comportements. Effectivement nous avons tendance à juger et à jouer au moraliste et nos
réactions sont fonction de nos préjugés.
- à l’inverse des facteurs favorisants, il y a le repli sur soi, notre préoccupation
première est de vouloir faire passer un message sans au final tenir compte des autres et
donc de ce qu’ils ont dit.
Au niveau de la relation soignant/soigné il ne s’agit pas d’une simple
communication mais d’une communication duelle soit d’un face-à-face.
Nous communiquons pour nouer des relations avec autrui, pour partager des émotions, des
sentiments, pour pouvoir agir sur autrui, pour confronter notre identité à celle des autres.
Mais dans cette conversation duelle, notre place détermine notre position dans la relation
ainsi que notre communication. C’est ce rapport de place qui la structure. En
hospitalisation chacun à une place prédéfinie, l’un est le patient et l’autre le soignant. Ce
rapport peut aussi être déterminé par référence à trois grands axes s’inscrivant chacun dans
des polarités antagonistes.
Le premier grand axe est le rapport symétrique ou asymétrique. Dans un rapport
symétrique, les deux interlocuteurs se situent comme pairs, ils sont à égalité dans la
communication. Ici il n’y a pas de place aux jugements de valeurs, ni au repli sur soi. A
l’inverse dans une communication asymétrique, les positions, les attitudes et les messages
sont différents. Les deux interlocuteurs ne sont plus à égalité mais en position hiérarchique,
une position haute que l’infirmier tente de donner avec sa tenue, une position basse par le
patient qui est en état de passivité et en attente de soin.
Le second axe est celui de la distance et de la proximité, celui-ci, me paraissant très
important dans la relation, sera développé plus amplement ci-dessous.
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Le troisième est le degré de divergence ou de convergence entre les protagonistes.
S’il y a convergence entre les deux protagonistes la communication sera de bonne qualité
mais s’il y a divergence et que l’identité et le rapport des places n’a pas été bien définis, la
communication ne le sera pas elle non plus. Cette ambiguïté peut être source d’embarras, il
y a une négociation implicite pour redéfinir la relation ainsi que la place de chacun.
II. La distance thérapeutique
Il est important avant tout de définir ce qu’est la distance thérapeutique. Le terme
de distance signifie de l’écart séparant un objet d’un autre. En adaptant ce terme au niveau
relationnel, il exprime la nature des relations entre deux personnes. En y associant le mot
thérapeutique, on prend ainsi en compte la notion de soignants et de soignés. La distance
thérapeutique d’après ces déductions est le « bon » écart entre un patient et un soignant.
Il est recommandé aux étudiants d’avoir la bonne distance avec les patients. Il ne
nous faut pas être trop proche, ni trop éloigné, il faut donc être à la juste distance. Pour cela
il n’y a pas de règles strictes et il faut souligner que la distance est en évolution constante.
Il est important de développer les différentes formes de distances qui ont été
établies par Halls :
- la distance intime ou le contact du peau à peau. Dans un premier temps on
pourrait penser que cette distance n’est pas possible dans une relation de soignant/soigné,
mais lors d’un atelier esthétique le contact du peau à peau est présent. Quatre des cinq sens
sont actifs, comme dans toutes les communications, il y a l’ouie et la vue, mais ici
nettement influencé par le toucher et l’odorat
La distance intime de mode éloigné est définie comme l’écart entre deux personnes
comprises entre quinze et quarante centimètres. Il n’y a plus de contact, de corps à corps
mais on reste suffisamment proche pour que l’autre puisse ressentir notre présence. Dans
ce mode de distance, le toucher disparaît.
Peu à peu on s’éloigne du patient et l’écart entre les deux personnes se situe entre
quarante-cinq et soixante-dix centimètres. On peut parler de distance personnelle, au fur et
à mesure que les deux personnes s’éloignent l’une de l’autre, les sens sont de moins en
moins utilisés.
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En s’éloignant un peu plus c’est-à-dire en ayant un écart compris entre soixantequinze et cent vingt-cinq centimètres, la distance personnelle de mode lointain apparaît :
l’interlocuteur est tenu à distance et les sens utilisés sont réduits à l’ouie et à la vue.
J’ai choisi de ne parler que de ces quatre premières distances, car les quatre qui
suivent : la distance sociale sur un mode propre et de mode lointain, la distance publique et
celle de mode lointain ne me semblent pas appropriées en termes de relation
soignant/soigné, les deux interlocuteurs étant trop éloignés l’un de l’autre.
La distance évolue continuellement, il en est donc de même pour la distance
thérapeutique. On navigue entre les quatre premières distances citées ci-dessus.
Ce débat oppose parfois de façon caricaturale deux positions antagonistes : le trop
proche et le trop loin. Effectivement comme le dit Elke Mallem « il est impensable de
réduire l’écart entre deux personnes à zéro « moi » n’est pas « toi ». »1
a)
Etre suffisamment distant.
Il ne faut pas être trop près pour ne pas se confondre avec l’autre personne.
Etre éloigné de la personne et de certaines situations permet de voir, de comprendre
ce qu’il se passe autour de nous, de ne pas être l’objet de manipulations. Nous voyons ainsi
que toute nouvelle situation doit être abordée avec un minimum de recul. Il ne faut pas être
trop impliqué car nous ne prenons pas tous les éléments en compte. Notre point de vue
n’est pas objectif, n’aidant pas forcement le patient. Cela ne nous aide pas non plus, quand
nous sommes proches, on peut parler de proximité, nous sommes exposés et ainsi une
angoisse peut être générée. Lors d’une communication de proximité certains éléments que
nous tentons de cacher peuvent transparaître. On peut craindre la perte de nos limites
quand celles-ci sont floues, la communication du patient pouvant bousculer l’équilibre du
soignant. En étant trop proche et en voulant aider le patient, c’est notre équilibre que nous
pouvons mettre en péril, sans pour autant aider le patient. Le soignant est donc en
souffrance et pour faire face, il met en place divers mécanismes de défense avec un repli
sur soi, une projection et une négation.
1
MALLEM Elke. La distance professionnelle. Objectif soins, mai 2005, n°136,pp 22-23
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Il est nécessaire de parler de l’origine du mot proximité. En Hébreu, les mots
«autorité», «proximité» et «protection» ont la même racine. On peut en déduire que ces
trois termes sont compatibles et non pas contradictoires.
La proximité peut aussi avoir un côté négatif chez le patient. Il peut ne plus se
sentir libre d’exprimer ses sentiments ainsi que ses conflits. Il peut se confier plus
facilement à une personne qu’il ne connaît pas beaucoup, pour ne pas avoir peur d’être
jugé, bien que le rôle de l’infirmier est de ne pas porter de jugement. Cela pourrait
entraîner une baisse de la liberté d’expression.
Elle ne nous permet pas de prendre le minimum de recul dont nous avons besoin
pour observer une situation relationnelle. Nous ne pouvons pas observer tout les bienfaits
qui sont apportés au patient, et ne pas pouvoir les apporter. Ce dernier risque alors de ne
plus considérer le soignant comme tel, voire de perdre les repères des différents soins
qu’offre le cadre thérapeutique.
Cependant, au point de vue psychothérapeutique la proximité, soit le fait d’être
proche, signifie avoir de l’empathie. C’est ainsi un moyen de mieux comprendre le patient.
Néanmoins, il faut faire attention car en étant trop prés du patient, même en ayant
l’intention de l’aider et de le comprendre, il y a tout de même un risque de s’identifier au
patient.
Mais il ne faut pas oublier une composante essentielle de la proximité. Il s’agit de
l’affectivité. Il faut être suffisamment proche car celle-ci fait partie intégrante du soin. Elle
permet d’établir une relation de bonne qualité, en son absence il peut y avoir naissance à
un soin déshumanisé, impersonnel, froid et dénué de toute forme d’affectivité.
b)
Etre assez proche
Lorsque l’écart entre les deux personnes devient trop important, cela peut devenir
gênant et avoir des conséquences négatives sur la communication. En étant trop loin,
étudiants comme infirmiers peuvent paraître effacés voire même transparents. Dans ce cas,
aucune relation n’est possible. Or l’homme n’est pas un être solitaire, nous sommes tous
concernés les uns par les autres et ainsi nous exerçons une influence sur autrui. Et
inversement, la torture de l’homme est l’isolement.
Il faut donc être perceptible par le patient pour éviter qu’il se sente seul, comme
coupé du reste du monde.
17
« Se rapprocher, s’approcher de quelqu’un ou de quelque chose c’est en même
temps s’éloigner de quelqu’un d’autre ou de quelque chose d’autre »2. D’après cette
citation, on prend en compte la notion d’évolution constante de la distance et de l’élasticité.
On évolue constamment entre la distance et la proximité car le patient n’a pas toujours
besoin de notre présence, ou du moins que l’on soit proche. A certains moments il peut
vouloir être seul, il sent notre présence, ainsi quand il a besoin de parler il peut venir nous
voir.
« La bonne distance dans le soins serait celle qui nous permettrait d’entendre
qu’elle soit grande ou petite »3. Ce n’est pas l’écart physique qu’il y a entre les deux
personnes qui est important mais ce que perçoivent les deux individus concernés.
Effectivement pour certains être assis un à côté de l’autre peut être normal, pour un autre
cela peut paraître intrusif. Dans cette citation, je pense qu’il est aussi important de revenir
sur le mot clé « entendre ». Au niveau de la communication, il s’agit de capter des flux
informationnels qui nous parviennent du monde à l’aide des canaux des organes sensitifs.
Ensuite le cerveau analyse ces flux qui pourront ainsi être filtrés par les récepteurs
spécialisés de la peau. Cela permet de faire émerger à notre conscience les éléments
essentiels qui lui paraissent importants, tout cela permettant un bien-être dans l’organisme.
Le cerveau peut aussi diriger notre attention vers un détail, c’est aussi pour cela que tout le
monde n’entend pas la même chose.
Mais à quoi sert réellement cette distance professionnelle ? Elle permet de tenir la
souffrance à un niveau qui nous tolère de travailler avec elle afin de dégager le manque à
combler, l’atteindre et le réparer. J’en déduis donc que travailler la distance professionnelle
en revient à travailler ses propres limites autant que celles du patient. Il faut se créer une
bonne peau, elle permet de se protéger.
2
BARKAN Ahuva, Approchez la distance, de la distance à la proximité thérapeutique.
www.serpsy.org
3
MALLEM Elke. La distance professionnelle. Objectif soins, mai 2005, n°136,pp 22-23
18
19
Comme je l’ai abordé au niveau de mon constat, la tenue est évocatrice de mots cachés :
certains concernant les patients (un soin, un repère, une douleur, une peur, un fantasme,
une sécurité, un respect, des préjugés) d’autres concernant les infirmiers (un statut, une
identité, un pouvoir).
La tenue infirmière révélant des notions différentes chez le patient et chez l’infirmier, je
pense qu’il est important de les étudier à part, et ensuite de voir en quoi la tenue peut
modifier la relation.
I. Côté patient
a)
Le port d’une tenue
Le fait de porter une tenue professionnelle, peut donc révéler certaines notions. A
titre d’exemple une élève infirmière raconta une de ses expériences de stage. Elle était en
milieu psychiatrique, au sein de la structure aucun des infirmiers ne portaient de tenue,
mais elle, étant étudiante, devait en porter une. Un jour, un des patients de la structure lui a
dit qu’il la respectait car elle portait une tenue. Cela veut dire que les infirmiers qui portent
une tenue et ceux qui n’en portent pas ne sont pas perçus de la même façon. Ce point de
vue ne concerne pas tous les patients, je ne tiens pas à en faire une généralité. Toutefois, la
tenue a une influence importante dans la communication car le respect est une base pour
construire une bonne relation.
En plus de cette notion de respect, elle reflète une notion importante : le secret
professionnel. Le patient sachant que tout ce qu’il dit est protégé par le secret
professionnel, arrivera plus facilement à communiquer et donc à se confier.
Il ne faut pas oublier que la tenue reflète également une institution, un cadre. Elle
permet à certains patients de se sentir en sécurité, d’être encadrés et protégés par une
institution et non par une personne. L’uniforme donne une position de domination et le
patient est en position de soumission : la communication est hiérarchisée.
b)
Le non port de la tenue
Le non port de la tenue peut être très important pour certains patients. Ils peuvent ne
pas être prêt à entrer en institution, cependant ils font leur entrée en psychiatrie. Parfois
pour eux il ne s’agit pas de psychiatrie mais d’une simple aide. Effectivement, le port de la
20
blouse renvoie à une maladie avec des conséquences. Or s’il ne s’agit pour eux que d’une
simple conversation (aide psychologique), bien cadrée tout de même par l’infirmier, pour
résoudre des problèmes. Son non port peut faciliter la première approche, il s’agit d’une
communication d’égal à égal.
Le fait de ne pas porter de tenue professionnelle oblige donc l’infirmier à être vêtue
d’une tenue civile et donc personnelle. Selon le Proverbe « l’habit ne fait pas le moine », le
vêtement ne laisserait pas transparaître la personnalité de celui qui porte ses propres
vêtements. Je pense néanmoins qu’ils dévoilent tout de même certains traits de
personnalité. En dévoilant ces traits, c’est une part de nous-même que nous montrons aux
patients.
Le fait d’enlever la tenue professionnelle peut enlever une part de l’identité
professionnelle. Mais le fait d’être habillé en civil peut faire percevoir aux patients une
affirmation personnelle et individuelle.
Les différents styles de tenue peuvent avoir une influence sur la communication. La
tenue peut faire transparaître des traits de personnalité, bien que cela ne soit pas toujours le
cas. Effectivement, habillé en civil il peut apparaître des préjugés de la part des patients.
Face à une personne habillée de façon stricte, nous ne réagissons pas de la même façon que
face à une personne habillée de façon décontractée. Face à ce dernier, on peut percevoir
dans un premiers temps, une personne ayant l’esprit ouvert, amenant à communiquer plus
facilement. A contrario, une personne portant une tenue stricte, le paraîtra autant au niveau
vestimentaire qu’au niveau relationnel. Ainsi, d’un premier abord, elle paraîtra
pointilleuse, fermée d’esprit, mais respectant parfaitement les règles établies.
Après avoir exposé les différents styles de tenue, je pense que les couleurs ont elles
aussi leur importance. Le blanc a plusieurs significations comme celle de la pureté, de
l’innocence, de la franchise, de la neutralité qui aident à calmer et à mettre en confiance,
alors que d’autres couleurs, comme les couleurs sombres peuvent évoquer des idées
morbides ou la couleur rouge associée au sang.
II. Du côté du soignant
a)
La blouse, une seconde peau
J’ai décidé de comparer, la tunique pantalon à une seconde peau. Pour cela, je me
suis basée sur les neuf fonctions du Moi-Peau de Didier Anzieu. Ce concept de moi peau
21
établit une correspondance entre le psychisme et l’organisme. La peau aurait le même but
que la tenue professionnelle. Je vais donc analyser chacune des ses fonctions pour voir ce
que la tenue peut apporter.
Didier Anzieu décrit dans un premier temps la fonction de maintenance. Il la
compare au Holding qui a été décrit par Winnicott, le Holding étant la façon dont la mère
soutient le corps de son enfant. On peut déduire que le Moi-Peau et donc la blouse aide
l’individu à maintenir son corps. Cela permet à cet individu de garder son corps dans un
état d’unité et de solidité. Le Moi-peau soutient l’organisme mais aussi le psychisme, c’est
ainsi qu’elle le maintient en état de fonctionner. Le corps et l’esprit ainsi maintenus par le
Moi-peau peuvent mettre en œuvre des mécanismes de défense.
La seconde fonction est la contenance exercée par le handling. Il s’agit des
manipulations corporelles. Notre peau est ainsi comparée à un sac ayant à l’intérieur, les
organes et le psychisme. Il s’agit de nos limites corporelles et psychiques. Certaines
personnes ne sentent pas leurs limites, ainsi il leur est proposé des séances thérapeutiques
appelés : packing. Cela leur permet de renforcer la conscience de soi. Le Packing est un
enveloppement humide, très ritualisé. A l’aide des sensations d’enveloppement et de
chaleur provoquées, elle permet de renvoyer l’individu à sa petite enfance voir même à la
vie fœtale, ces séances mobilisent beaucoup le lien maternel. Dans un second temps il y a
un travail de contenance, la tenue étant une autre sorte d’enveloppe, elle garde tout de
même certains points en commun avec le Packing. Effectivement, nous sentons les limites
de notre corps, mais cela peut nous permettre de mieux en prendre conscience.
La troisième fonction est le pare excitation, notre peau sépare les organes et le
psychisme des éléments extérieurs, elle sert de médiateur, elle protège contre les agressions
physiques et les excès de stimulation. Il faut tout de même que sa propre peau ait un
étayage suffisant pour activer cette fonction. La peau est une structure virtuelle qui
s’actualise au fil du temps, selon D. Anzieu « au cours de la relation entre le nourrisson et
l’environnement primaire »4 soit au niveau infirmier entre lui-même et l’environnement
professionnel.
La quatrième fonction est l’individuation du Soi, la tenue nous protège « en
distinguant les corps étrangers auxquels elle refuse l’entrée et les substances ou
complémentaires auxquelles elle accorde l’admission ou l’association »5. Cette seconde
peau protège, elle permet de pouvoir s’affirmer comme un être unique. Effectivement
4
5
ANZIEU Didier. Le Moi-Peau. Paris : Dunod, 1985. p 101.
ANZIEU Didier. Le Moi-peau. Paris : Dunod, 1985. p. 102
22
chaque peau à sa particularité, une texture, une odeur, une couleur différente. Cela permet
à chaque individu de s’affirmer comme ayant sa propre peau. Pour certains la tenue peut
être narcissiquement et socialement surinvesties. Au niveau infirmier la tenue protège en
nous mettant à distance. Mais il s’agit d’un uniforme, je ne sais pas s’il permet de
s’affirmer en tant qu’être unique. Effectivement le propre de l’uniforme est que tout le
personnel soit habillé de la même façon. Il s’agit plus d’un groupe que de personne a part
entière. L’individualité de l’uniforme est donc remis en question, mais cet esprit de groupe
ne permettrait-il pas de protéger et de rassurer.
La septième fonction est la recherche libidinale du fonctionnement psychique, cela
permet de maintenir la tension énergétique interne et de répartir inégalement entre les soussystèmes psychiques.
b)
Un masque social
Avant le développer plus amplement le masque social, je pense qu’il est important
de partir de l’origine de ce mot. Effectivement d’après le disciple de Freud, l’un des
premiers archétypes que l’on rencontre sur la piste qui mène au plus profond de nousmême se nomme la persona. La persona était le nom donné au masque que les acteurs du
théâtre antique portaient sur leur visage lors des représentations. Il faisait résonner leur
voix (per-sonare) et donnait au public la possibilité de reconnaître leur rôle. La persona
représente donc un masque social. Le visage que nous montrons aux autres, celui qui
permet d’entrer en communication avec eux et qui les aide à nous identifier. Mais le plus
souvent nous ne nous rendons pas compte que nous portons ce masque. « La persona est ce
que quelqu’un n’est pas en réalité, mais ce que lui-même pense qu’il est »6
An niveau soignant, on peut ainsi comparer la blouse à un masque social. Elle
matérialise ce qui nous différencie du patient, on enfile un personnage. Ainsi la tenue que
nous portons renvoie à notre qualification de soignant, et donc à nos connaissances, qui
nous donnent un certain pouvoir. Il est ainsi facile de nous distinguer, ceci est important
car l’infirmier est un personnage social essentiel pour le patient. Un masque qui nous
6
CORDONIER DANIEL. Le pouvoir du miroir [en ligne] 2nd ed. Genève : Edition Georg,
1999 [date de consultation le 02.01.07] Chapitre 3, Les tyrans intérieurs, le masque qui
parle. Disponible sur Internet : www.pouvoir.ch/monde/main/m_2009mon.htm
23
permet d’affronter la souffrance des malades, nous ne voyons ni le beau, ni l’horrible, nous
ne percevons plus de la même façon tout ce qui nous entoure, il en est de même de la
douleur. Mais quand on enlève la tenue, une partie du vécu y reste collée.
Il est dangereux de se mettre à nu devant autrui, encore plus devant des patients.
Chacun a besoin de garder son jardin secret à l’abri des demandes, des jugements et des
pressions sociales. Le masque nous aide à préserver la part la plus intime de nous même
tout en établissant des relations avec autrui de manière à pouvoir vivre en société. Il s’agit
d’un intermédiaire entre l’extérieur et l’intérieur le plus confidentiel, un médiateur nous
permettant d’entrer dans le réseau des interactions sociales et de remplir notre rôle dans la
communication humaine. Lorsqu’on ne se rend pas compte que ce masque existe, il y a un
risque de ne plus faire la différence entre notre rôle social et notre véritable personnalité.
La blouse nous permet d’entrer dans un rôle que l’on pourrait appeler rôle social. Mais
lorsque certains s’identifient à ce rôle de soignant, le costume peut ainsi devenir lourd à
porter car son identité se confond avec son rôle. Il y a des dangers à cette identification,
l’identification d’une fonction soit à un masque. Il suggère tout de même une possibilité de
vie authentique. On choisit une fonction, ainsi que la personne que l’on désirerait devenir.
Le rôle que l’on choisit peut être la solution d’un conflit entre fonctionner et être, il en est
même entre ambition et réalité.
Ci-dessus, j’ai voulu comparer la tenue soignante à un masque social, mais il faut
savoir que certaines personnes n’ont pas besoin de porter une tenue pour se fabriquer leur
propre masque. Je pense que cela dépend de chacun, de leur façon d’être mais aussi de leur
passé, l’histoire de chacun. Le temps passé à travailler dans une structure peut suffire à un
soignant à se construire une carapace protectrice empêchant le risque d’identification vis-àvis des patients. Ainsi peu à peu il peut laisser de côté la tenue au profit d’un masque plus
personnalisé mais peut être moins visible de l’autre côté. Mais il faut se construire un autre
masque car il a une fonction importante celle d’être un filtre, c’est une protection
nécessaire dans la communication avec l’autre. Soit l’homme civilisé a besoin de masques
dans ses rapports avec autrui, il lui sert à se protéger en cachant ses propres sentiments,
émotions et pulsions, et à protéger autrui pour les mêmes raisons. Ce masque inspire aux
patients des notions de respect. Il permet de paraître serein face aux patients, qui ne voient
pas nos sentiments, nos émotions ; dans le cas inverse l’infirmière risquerait de perdre
toute crédibilité.
24
Sans le masque qui transparaît à l’aide de la tenue, le rôle transparaît à travers ses
manières de faire, d’être, de se comporter, le rôle est visible grâce au jeu d’acteur de
chacun.
Face à une situation difficile que nous avons déjà vécu, la blouse peut nous servir à
nous replacer en tant que soignant et ainsi à prendre du recul face à une situation
douloureuse
c)
Anonymat
J’ai choisi de développer, ce point de vue car cela m’est arrivé dans différents
stages. En tenue dans le service, les patients, ainsi que la famille me reconnaissaient, mais
une fois dans la rue, sans tenue, ils observaient mon visage, sans me reconnaître. Faisant le
premier pas je leur demandais « me reconnaissez-vous ? ». Ma voix leur donnait un second
indice, mais il n’avait pas encore la solution. Je leur disais le lieu où j’avais effectué mon
stage et tout devenait clair, ils me reconnaissaient. Sans la blouse, malgré le son de ma
voix, et la vue de mon visage, les patients avaient beaucoup de mal à me reconnaître. Pour
certains le port de la blouse peut être un avantage pour conserver l’anonymat.
25
26
La psychiatrie ayant fortement évolué depuis sa naissance, elle a laissé cependant
derrière elle des représentations négatives. Actuellement, l’essentiel du travail infirmier se
résume dans la communication avec le patient. Pour cela il est nécessaire de trouver sa
place et ainsi d’être à la juste distance permettant une « bonne » communication, il s’agit
de la distance thérapeutique. C’est ainsi que je me suis demandée si la blouse pouvait
influencer cette distance. Effectivement selon les personnes, elle peut influencer
positivement comme négativement. Pour le patient, elle peut révéler des notions de respect,
de discrétion professionnelle, comme son non port peut lui permettre de se sentir à égalité
avec l’infirmier. Pour l’infirmier, elle peut permettre de donner des notions de limites, de
protection contre les agressions ainsi que les excès de stimulations, d’individuation et de
maintien des tensions énergétiques. Il s’agit aussi d’un masque social protégeant de la
souffrance qui permet tout de même d’entrer dans une communication à mode
hiérarchique. Son non port lui fait ressortir la personnalité de l’infirmier, qui s’est lui
même construit son propre masque et non pas un masque uniformisé.
C’est ainsi que je me pose les questions suivantes :
Selon les moments, le port et le non port de la tenue par un même infirmier pourrait-il être
bénéfique pour le patient ?
Serait-il probable qu’un infirmier puisse enlever et remettre sa tenue professionnelle selon
les attitudes des patients ?
Un infirmier pourrait-il changer d’attitude face au port de la blouse selon ses envies ?
En conséquence ma question de recherche est : Serait-il bénéfique pour le patient et
l’infirmier que le port de la tenue soit fonction de la situation de chacun ?
Pour conclure, je pense qu’en ce qui me concerne, j’ai essayé de traiter les points
qui me semblaient essentiel sur ce thème, toutefois d’autres avis peuvent être possibles et
discutables. L’annexe comporte un poème qui pourra en conforter certains ou en dissuader
d’autres.
Je considère qu’il appartient à chacun de faire son choix par rapport au port de la
tenue, si ce choix est possible selon le service d’affectation.
27
28
LIVRES
ANZIEU D. Le Moi-Peau. Les neuf fonctions du Moi-peau. Paris : dunod, 1985 (pp. 97107)
DELOMEL M.A. La toilette dévoilée. Paris : Seli Arslan, 1996. L’uniforme : le premier
rempart institutionnel, pp 89-92
LHEZ P. De la robe de bure à la tunique pantalon étude sur la place du vêtement dans la
pratique infirmière. Paris : InterEdition, 1995 (176p)
MERCADIER C . Le travail émotionnel des soignants à l’hôpital. 3ième ed..Paris : Seli
Arslan, 2006. Les costumes. Blouse ou pyjama, une prescription du rôle, pp231-235.
Périodique
PERIODIQUE
HERAIL T. Soigner la bonne distance. Soins Psychiatrie, janvier/février 2004, n°230,
pp32-33
HILLION K, LE DEIST D. J’ai écrit sur ma blouse. Revue de l’infirmière, avril 1997,
n°26, pp 66-67
MALLEM E. La distance professionnelle. Objectif soins, mai 2005, n°136,pp 22-23
INTERNET
BARKAN A. Approchez la distance! De la distance à la proximité thérapeutique.[en ligne]
19 mars 2004 [visité le 17.02.07]. Disponible sur internet :
www.serpsy.org/colloques_congres/compte-rendu/serpsy_04/Barkan.html
CORDONIER D. Le pouvoir du miroir [ en ligne] 2nd ed. Genève : Edition Georg, 1999
[date de consultation le 02.01.07] Chapitre 3, Les tyrans intérieurs, le masque qui parle.
Disponible sur Internet : www.pouvoir.ch/monde/main/m_2009mon.htm
DAUNJ D. La distance thérapeutique [en ligne]. Mémoire infirmier : 1991 [visité le
23.11.06].
Disponible
sur
internet :
http://www.serpsy.org/etudiants/ecriture/distance_dorsaf.html
HIJAZI R. Peut-on vivre sans masque ? Café philosophique.[en ligne] Nancy : 4 Mars
2001
[visité
le
20.04.07]
Disponible
sur
internet :
www.toutnancy.com/articles/cafephilo/index.php3
LHUILIER G. L’homme-masque [en ligne] Methodos, 2004, [visité le 23.03.07] La
personne,
le
masque,
le
sexe.
Disponible
sur
internet :
www.methodos.revues.org/document125.html
29
LIVET M. Les représentations sociales de la folie [en ligne]. Maîtrise de gestion des
organisations sanitaires et sociales : Université Paris Dauphine Institut d’Enseignement
Supérieur des Cadres de Santé Hospitaliers, 1995 [visité le 17.12.2007] disponible sur
internet : www.serpsy.org/socio/livet4.html
FROT Y-M. Joueur de blouse. [en ligne] 19 mars 2004 [visité le 25.02.2007] Disponible
sur internet :
www.serpsy.org/colloques_congres/compte-rendu/serpsy_04/blouse_frot.html
30
31
Joueur de blouse
« On dit bien souvent « l’habit ne fait pas le moine »,
En psychiatrie parfois, celui-ci nous dédouane.
Et si dans les médias on nous dit « blouses blanches »,
Elles ne donnent surtout pas pour tout, « carte blanche ».
« Approchez la distance », voilà une injonction,
Une bonne occasion de se remettre en question.
Ce titre est accrocheur, voire interrogateur,
Mais il renvoie aussi, à tout notre intérieur.
Car comment réunir deux mots si opposés,
Dans une relation dite soignant-soigné.
L’équilibre est pour tous, une recherche permanente,
L’atteindre reste une chose, pas du tout évidente.
Avouez que dès le départ, tout est un peu faussé.
D’un côté les soignants, de l’autre les soignés.
Nos blouses et nos statuts sont là pour rappeler,
Où se trouvent la science et puis l’autorité.
On revêt donc ces blouses comme si cette carapace,
Pouvait nous protéger de nos peurs, nos angoisses.
32
Comme si le fait de porter ce signe distinctif,
Devait nous dispenser de rester attentif.
Sous prétexte de vouloir, ainsi se différencier,
Pour autant, certaines bases nous devons respecter.
Combien de fois, il nous arrive de rencontrer,
Sans même prendre la peine , de se présenter.
Cette blouse est un peu notre permis de soigner.
Mais reste trop souvent ceinture d’ sécurité.
Elle n’est finalement, qu’ vêtement d’identité,
Qu’on devrait n’utiliser, que comme un laisser-parler.
Respectez vos distances, il peut venir un choc,
Ne pas aller trop loin, surtout pas d’équivoque.
Comme si ce bout de tissu devait nous protéger,
D’une sortie de route, d’un dérapage non-contrôlé.
Pourquoi ne pas oser dire, qu’elles sont aussi pouvoir,
Quand on écoute parfois certains cris de couloir.
Elles devraient nous permettre des abus de «pour voir»,
Pour que tous nos patients retrouvent un peu l’espoir.
C’est vrai que quelquefois, on impose la loi,
Par le biais de « cachets », très souvent faisant foi.
33
Ils nous conduisent alors, dans des chambres d’isolement,
Pour des soins de proximité tout en restant dix, et tant !
Pour toutes ces vies, stoppées sur une aire d’auto-doute,
Qui ont besoin d’aide, pour continuer leur route,
Parce que parfois à une, deux ou même à quatre voix,
Ils traversent des mondes que nous ne maîtrisons pas.
A force de penser qu’on les connaît très bien,
On finit par oublier qu’il faut tisser du lien.
Et même si son propos souvent, peut dérouter,
Un de nos rôles propres est déjà d’écouter.
Quel droit avons-nous donc aussi de tutoyer,
Est–ce réduire la distance, cette familiarité?
Je suis de ceux qui pensent, que le vouvoiement,
Est marque de respect et non d’éloignement.
Mettre de la distance, c’est dire « à tout à l’heure »
Parler proximité , c’est arrêter une heure.
Qui parmi nous est capable d’infirmer,
Que nous avons bien du mal parfois, à préciser.
Nous sommes dans la maîtrise du savoir différer,
Cela nous permet ainsi de plus nous préserver.
34
Et puis ça nous évite, de trop nous engager,
Sans doute par cette crainte de devoir affronter.
Parce qu’elle reste bien plus qu’une vraie protection,
Parce qu’elle donne le pouvoir de trop souvent dire non.
Elle devrait être repère, et source de confiance,
Elle est synonyme trop souvent de puissance.
En matière de blouse, nous sommes donc joueurs,
Nous l’utilisons bien au gré de nos humeurs.
Aller vers le patient n’est pas toujours aisé ,
Mais alors pourquoi, rendre tout compliqué ?
Il suffit d’écouter, certainement respecter,
Ce que veut dire souffrance et puis fragilité.
Soigner c’est prendre un train, compartiment douleur,
Aider dans ces voyages, à mettre la vie à l’heure. »7
7
FROT Y-M. Joueur de blouse. [en ligne] 19 mars 2004 [visité le 25.02.2007] Disponible
sur internet :
www.serpsy.org/colloques_congres/compte-rendu/serpsy_04/blouse_frot.html
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