Le skateboard
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Le skateboard Analyse sociologique d’une pratique physique urbaine Logiques Sociales Collection dirigée par Bruno Péquignot En réunissant des chercheurs, des praticiens et des essayistes, même si la dominante reste universitaire, la collection Logiques Sociales entend favoriser les liens entre la recherche non finalisée et l'action sociale. En laissant toute liberté théorique aux auteurs, elle cherche à promouvoir les recherches qui partent d'un terrain, d'une enquête ou d'une expérience qui augmentent la connaissance empirique des phénomènes sociaux ou qui proposent une innovation méthodologique ou théorique, voire une réévaluation de méthodes ou de systèmes conceptuels classiques. Dernières parutions Ulrich BRAND, Michael LÖWY, Globalisation et crise écologique. Une critique de l’économie politique par des écologistes allemands, 2011. Fred DERVIN, Impostures interculturelles, 2011. Anne-Lise SERAZIN, Vies de travail en Loire-Atlantique au XXe siècle. Traversées du siècle, 2011. Jacqueline DEGUISE-LE ROY, Les solidarités à l'épreuve de la pauvreté. Expériences anglaises et françaises aux XIXE et XXe siècles, 2012. William GASPARINI et Lilian PICHOT (sous la dir. de), Les compétences au travail : sport et corps à l’épreuve des organisations, 2011. André GOUNOT, Denis JALLAT, Michel KOEBEL (sous le dir. de), Les usages politiques du football, 2011. Martine CHAUDRON, L’exception culturelle, une passion française ? Éléments pour une histoire culturelle comparée, 2011 Philippe ZARIFIAN, La question écologique, 2011. Anne LAVANCHY, Anahy GAJARDO, Fred DERVON (sous la dir.) Anthropologies de l’interculturalité, 2011. André DUCRET et Olivier MOESCHLER (sous la dir. de), Nouveaux regards sur les pratiques culturelles. Contraintes collectives, logiques individuelles et transformation des modes de vie, 2011. Frédéric MOLLÉ, Servir. Engagement, dévouement, asservissement... les ambiguïtés, 2011. Bernard FORMOSO, L’identité reconsidérée. Des mécanismes de base de l’identité à ses formes d’expression les plus actuelles, 2011. Hermano Roberto THIRY-CHERQUES, Survivre au travail, 2011. Isabelle LOIODICE, Philippe PLAS, Núria RAJADELL PUIGGROS (sous la dir.de), Université et formation tout au long de la vie, Un partenariat européen de mobilité sur les thèmes de l’éducation des adultes, 2011. Maxime QUIJOUX, Flaviene LANNA, Raúl MATTA, Julien REBOTIER et Gildas DE SECHELLES (sous la dir. de), Cultures et inégalités. Enquête sur les dimensions culturelles des rapports sociaux, 2011. Nathalie GUIMARD et Juliette PETIT-GATS, Le contrat jeune majeur. Un temps négocié, 2011. Julien LAURENT Le skateboard Analyse sociologique d’une pratique physique urbaine This is Street Skateboarding Préfaces de Christophe Gibout et Larry Balma © L’HARMATTAN, 2012 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-96051-0 EAN : 9782296960510 Remerciements Le sous-titre peut paraître présomptueux et assez direct pointant que cet ouvrage va vous révéler ce qu’est le skateboard qui se déroule dans la rue. Il a été choisi pour faire un clin d’œil à une vidéo de la marque Emerica. Celle-ci a influencé une majorité des skaters qui ont été observés durant mon travail de terrain, lors d’une période considérée comme un des plus significatifs pics de popularité du skateboard. Cet ouvrage est un condensé de ma recherche de doctorat « Le skateboard à Montpellier. Approches ethnosociologiques de populations, pratiques et espaces en tensions » soutenue en novembre 2008. Je tiens à remercier mon épouse, Agathe et toute ma famille qui m’ont supporté durant ce long processus de recherche doctorale puis de rédaction. Pour moi, ça n’a pas été compliqué de vivre cette aventure intellectuelle mais eux se sont posés beaucoup de questions sur les retombées professionnelles d’une telle épreuve. De plus la rédaction d’une thèse puis d’un ouvrage est une période tellement prenante qu’il devient difficile de s’en détourner ce qui conduit forcément à la perte d’autres moments de vie avec ses proches. Je ne remercierai jamais assez mes directeurs de thèse Mme Guédez et M. Gibout qui ont eu confiance en mon projet et qui mon accordé l’attention nécessaire pour me faire progresser. Je n’ai pas eu la chance de rencontrer M. Duvignaud mais par ses lectures et la transmission de sa pensée et de ses réflexions, j’espère me positionner comme un de ses disciples qui fait survivre sa vision intellectuelle et sa manière de déchiffrer la réalité sociale. Le skateboard à Montpellier : Analyse sociologique d’une pratique physique urbaine Sommaire Préfaces Le skate : de l’objet social à l’objet scientifique Une vie dédiée au surf et au skateboard Avant-propos Introduction, L’univers de la rue Chapitre 1. Une enquête ethnographique Chapitre 2. La ville, ce terrain de jeu Chapitre 3. Le street Chapitre 4. Les streets skateboarders 1. Les skaters d’Albert Ier 2. Les légendes, puristes et experts Chapitre 5. Deux collectifs, deux approches 1. Les « skaters-vendeurs » 2. La transition 3. Les experts sponsorisés 4. Les garants du street Chapitre 6. Les spots de street 1. La place Albert Ier 2. Un spot de street idéal-typique 3. Défendre son territoire 4. Des transactions impossibles 5. Richter, un espace délaissé ? 6. Le hangar et le D.I.Y Chapitre 7. Un mode de vie Chapitre 8. L'underground Conclusion, Une bipolarité Bibliographie Liste des photos Table des Matières 7 9 9 17 19 23 35 43 61 73 77 85 97 99 109 115 125 129 131 139 147 157 161 175 189 209 221 233 243 245 Préfaces Le skate : de l’objet social à l’objet scientifique. Regards sur une expérience de recherche socio-anthropologique Christophe Gibout1 « Les livres les plus attachants sont souvent ceux qui provoquent la contradiction ou qui suscitent tout au moins le désir de les compléter. Une foule de choses nous viennent à l’esprit, choses que l’auteur ne mentionne même pas, bien que les rapprochements s’imposent (…). Nous restons ses débiteurs même là où la contradiction nous stimule » (Frisch : 1964, p. 102) Parce que le skateur est devenu une figure ordinaire de l’urbanité contemporaine, tenter un saisissement le plus exhaustif de cette population apparaissait plus que jamais comme une urgente nécessité. A l’instar de ce qui avait été fait pour les rollers avec le travail d’Yves Pedrazzini (2001), il importait de tirer le portrait juste, précis et achevé de ce groupe bigarré de personnes de tous âges, de conditions sociales variées et dont les pratiques ludo-sportives - dans leurs formes, leurs finalités et leurs enjeux - sont elles-mêmes hétérogènes. C’est, au travers d’une monographie montpelliéraine, le pari tenté – et tenu – par Julien Laurent. Ce travail est d’ailleurs bien plus qu’une simple monographie des skateurs de la capitale régionale de Languedoc-Roussillon. S’inscrivant dans une longue tradition ethnographique, l’auteur s’est servi du cas singulier de la ville natale d’Auguste Comte pour opérer ensuite une montée en généralité. Pour résumer en une expression, il s’est placé dans l’ambition décrite, en septembre 1994, par le cinéaste Louis Malle dans un entretien à la revue Positif : « Plus on est culturellement spécifique, plus on est universel ». 1 Christophe Gibout est sociologue au laboratoire « Territoires, Ville, Environnement, Société » (TVES, EA 4477, PRES Lille – Nord de France), Professeur des Universités en Aménagement et Urbanisme à l’Université du Littoral – Côte d’Opale (ULCO), Directeur de la Maison de la recherche en Sciences de l’Homme (MrSH) de Dunkerque, Président du CR 21 « Transactions Sociales » et coresponsable du GT 16 « Sociologie du Sport » de l’Association Internationale des Sociologues de Langue Française (AISLF). 9 De fait, le cas montpelliérain est un « pré-texte » pour saisir, à un niveau plus global, les manières d’être et les arts de faire des skateurs, leurs formes de sociabilité et leurs rapports à Autrui, leurs référents culturels ou les formes d’espace publics qu’ils mettent à l’œuvre. Il est tout à la fois le sous-texte, qui permet de donner chair et substrat empirique à une production de compréhension du skate comme fait social, et le prétexte, qui dans la logique du kaïros offre un rapport d’opportunité à la production d’une explication quant à l’entrelacs d’individus et de groupes, de lieux et d’espaces, de faits culturels communautaires et/ou sociétaux qui caractérisent la pratique contemporaine du skate à l’échelle du monde occidentale. Avant cependant de revenir rapidement sur le fonds de l’ouvrage que vous avez en main, il convient d’en préciser les ambitions et les modalités épistémologiques. Ainsi que nous le rappelait en effet Jean Duvignaud, "tout sociologue [doit] commence[r] par s'interroger sur la sociologie. Comme s'il fallait qu'une révision générale précédât l'analyse" (1966, p. 7). I. L’ambition d’un penser complexe pour donner sens à la banalité du social La richesse initiale du travail ci-après présenté tient, dans une première mesure, du rapport herméneutique dans lequel l’auteur l’a instruit. Considérant qu’il existe trois formes essentielles d’appréhension du social – le Corps, les Autres enfin la Raison -, il n’a pas arbitré entre elles mais a tenté une approche totale du fait social « skate » dans la ville contemporaine. Une approche d’ « artisan intellectuel [qui] associe son cheminement intellectuel et son aventure d’homme » (Mills, 1967, p. 206). Le rapport de connaissance fut d’abord un rapport sensible avec une mobilisation des sens, des sensations et des émotions. Skateur luimême et résidant à Montpellier à l’époque de l’enquête, Julien Laurent s’est servi de son vécu personnel et des expériences partagées avec ses collègionnaires – chutes, blessures, réunions plus ou moins formelles pour pratiquer, échanges avec d’autres usagers de l’espace public, etc. - pour amorcer une pré-enquête et, ensuite, pour alimenter en matériau empirique son travail sociologique. Pour autant, il n’est pas tomber dans le travers de nombre d’études en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives qui consiste à pratiquer bien plus une participation observante qu’une observation participante. Ici, dans l’inspiration d’un Pascal Dibie (1998), l’observation suscite un engagement passionné qui refuse une science froide mais qui n’exclue pas un souci de distanciation (Weber : 1991). S’il a bien réalisé un 10 « apprentissage par corps » des pratiques de skate, ce premier temps fut compléter par un apprentissage par la confrontation à l’altérité. Muni des outils scientifiques pertinents qu’il a tiré de ses lectures en épistémologie et méthodologie des sciences sociales, et opérant une distanciation avec son terrain, il a pu se plonger au cœur des pratiques de skate, rencontrer les différents usagers, échanger de façon informelle avec eux avant d’initier une série d’entretiens compréhensifs (Kaufmann : 2001) avec nombre d’entre eux. Facilité par sa connaissance intime du milieu social enquêté et par la légitimité qu’il y avait acquis par la récurrence de sa présence sur les principaux spots, ce second temps d’appréhension du social lui à permis de dessiner une cartographie plus juste des lieux de pratiques, des modes de pratiquer, des différents groupes de skateurs, des rapports aux institutions et à autrui. Il fut aussi compléter par des temps d’entretiens avec les personnes en interaction avec les groupes de skateurs : administration et élus locaux, riverains des lieux de pratiques, autres groupes de sportifs ou d’usagers des mêmes espaces publics ou privés au cœur de Montpellier, forces de l’ordre, associations locales, etc. Le troisième et dernier temps fut celui du recours à la raison. Le travail de Julien Laurent s’inscrit ici dans le souci d’une « sociologie plurielle » (Dubar : 2006) où les différents paradigmes et les multiples grilles de lecture ne sont posées a priori sur le fait social mais où ils s’imposent du fait de l’objet et de la pertinence heuristique de leur confrontation pour donner sens à l’objet étudié. Si, à l’invite de Bernard Lahire (2001), nous nous rappelons la métaphore qui assimile le social a une feuille de papier pliée ou froissée qui ne se donne à voir que de façon univoque et multiplie les zones d’ombre autant qu’il ne laisse à voir des zones éclairées par le regard sociologique, l’appétence scientifique de Julien Laurent l’a conduit à multiplier les éclairages et les angles d’approche de l’objet afin de le « désombrer » au maximum. II. La densité d’un matériau empirique au service d’une ambition de saisissement de la totalité de l’objet skate Dans une seconde volonté, c’est la richesse du matériau qui doit est mentionné. S’il avait pu exister plusieurs travaux précurseurs ou plus anciens qui exploraient – çà et là – quelques aspects de ce monde social (Adamkiewicz : 1995 ; Bach : 1993 ; Beal : 1995 & 1996 ; Calogirou, & Touché : 1995-1 & 1995-2 ; Chantelat, Fodimbi & Camy : 1996 ; Fize & Touché : 1992 ; Loret & Waser : 2001 ; Pedrazzini : 2001 ; Pegard, O. : 1998 ; Vieille Marchiset : 2000 ; Wooley & Johns : 2001 ; Gibout : 2004) et/ou qui avaient participé de sa légitimation comme objet scientifique à défaut de reposer sur de lourdes recherches empiriques (Loret : 1995), le travail qui est ici présenté surprend et 11 séduit d’abord par son ampleur et son ambition : Proposer au monde l’ordre possible d’une lecture du skate et des skateurs dans l’urbain contemporain. Ce qui fonde la valeur de ce travail sur la pratique street du skateboard réside dans l’appréhension de la complexité de la pratique. Y sont d’abord saisies les populations de skaters, des premiers à avoir balbutier la pratique sur les terrains montpelliérains à ceux qui – aux yeux des actuels pratiquants de rue - sont devenus des légendes de cette pratique ludo-sportive, des débutants aux experts, des puristes à ceux qui agrègent leur passion pour la planche avec la possibilité d’une réussite commerciale, de ceux qui se professionnalisent et aspirent à vivre de leur sport à ceux qui cultivent une culture souvent qualifiée de fun (Calogirou & Touché : 1995-2 ; Loret : 1995 ; Pedrazzini : 2001), en tous les cas revendiquée comme libertaire, contestatrice, anticonsommatrice et antilibérale, même si elle ne l’est pas toujours (Gibout : 2004). Plus qu’un panorama juxtaposant les catégories de populations, il s’agit aussi de mesurer les relations à l’œuvre, les collaborations, les conflits et les tensions qui émergent entre ces groupes. Ainsi que d’apprécier et de nuancer les différentes formes de sociabilité et de socialité dans l’urbain et, finalement, de révéler les ambivalences du lien social dans les loisirs et sports de rue (Vieille Marchiset & Cretin : 2007). Ensuite sont référés et décortiqués les différents lieux et espaces où s’organisent les pratiques de skate. Là encore, il n’est pas seulement question de proposer un passage en revue des espaces montpelliérains arpentés par les skateurs mais plutôt, au travers de l’approche compréhensive de ces lieux, de mesurer les enjeux qui y prennent corps, de comprendre les actions sociales qui y sont à l’œuvre (Laurent & Gibout : 2010 ; Laurent : 2010 ; Pégard : 1998 ; Vieille Marchiset : 2007 ; Wooley & Johns : 2001), de saisir les formes et les fonctionnalités de l’espace public (Beal : 1995 ; Gibout : 2009) qui y émergent. Cette approche de la pratique du skate et de la population de skateurs à la fois par les lieux et les liens permet, in fine, de poser la question de la culture du skate et de sa bipolarité. L’outil compréhensif est alors mis au service d’une volonté explicative dans la mesure où l’auteur nous donne des clefs de compréhension essentielles de ce qui, ici et maintenant, fonde la culture de l’urbanité. Pour conclure, j’aimerai souligner également que le travail qui arrive ici à lecture n’est pas la simple reproduction d’un travail de recherche doctorale que, avec Annie Guédez, nous avons eu le bonheur de codiriger en aidant l’auteur à accoucher de son entreprise initiale12 ment bien trop monumentale et ambitieuse pour être menée à bien dans les temps aujourd’hui impartis à la recherche doctorale. Il s’est aussi nourri des expériences ultérieures de l’auteur. De son parcours enseignant aux Antilles ou au Québec, de sa trajectoire de chercheur travaillant sur les cultures urbaines et menant ses recherches çà et là – parfois sur des objets assez éloignés comme les grapheurs ou les vitraillistes, les politiques publiques de santé et de prévention ou le management des courses de Formule 1 - , de la poursuite de ses lectures et de ses productions scientifiques (Laurent : 2008, 2009, 2010, 2010 & 2011 ; Gibout & Laurent : 2008), de ses confrontations renouvelées aux terrains ludo-sportifs montpelliérains ou à d’autres en Europe (Barcelone, Madrid, Marseille, Nice...) ou en Amérique (Fort-de-France, Pointe-à-Pitre, Los Angeles, Montréal, New-York, Québec, San Diego, San Francisco, Toronto, TroisRivières…), Julien Laurent a su en faire le miel dont il nous livre ici la substance encore enrichie. Alors que la vie le mène aujourd’hui vers d’autres projets et d’autres lieux, il conclue ainsi – et de façon fort plaisante – une première période déjà féconde de sa vie de skateur, de citoyen, de chercheur et finalement d’honnête homme… Se faisant, il nous rappelle combien souvent, encore aujourd’hui, il est nécessaire qu’un temps meurt pour qu’un livre naisse. Références bibliographiques : ADAMKIEWICZ, E. (1995). « Les usages sportifs des espaces publics urbains », dans (coll.) Sport, relations sociales et action collective. Talence : Editions de la MSHA, pp. 513-515. BACH, L. (1993). « Sports without Facilities : The Use of Urban Spaces by Informal Sports », International Review for Sociology of Sport, n°28, 2+3, pp. 281-296. BEAL, B. (1995). « Disqualifying the official: an exploration of social resistance through the subculture of skateboarding.», Sociology of Sport Journal (SSJ), n°12(3), pp. 252 – 267. BEAL, B. (1996). 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(2008). « Quand le skateboard “glisse” et quand il “racle” : la violence comme indicateur de la diversité des formes de pratique de roule urbaine », Esporte e Sociedade, n° 7/3. Consultable en ligne. GIBOUT, C. (2004). « Derrière le fun ou l’idéologie rampante des sports de glisse urbaine », dans, J.-F. Loudcher et al. (dir.), Sport et idéologie. Besançon : Presses universitaires franc-comtoises, Tome 2, pp. 319-328. GIBOUT, C. (2009). « L’espace public comme lieu de transactions sociales : une lecture à partir des pratiques de loisirs urbains », Pensée plurielle, n°20 (2009-1), pp. 153-165. KAUFMANN, J.-C. (2001). L’entretien compréhensif. Paris : Nathan. LAHIRE, B. (2001). L’Homme pluriel. Les ressorts de l’action. Paris : Hachette. LAURENT, J. & GIBOUT, C. (2010). « Ces décors urbains qui invitent aux voyages : « l’imagibilité » chez les skaters de Montpellier », Les Annales de la Recherche Urbaine, n° 106 (2010-2), pp. 110-120. LAURENT, J. 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(2001) « Skateboarding : The City as a Playground », Journal of Urban Design, Vol. 6, n° 2, pp. 211-230. 15 Une vie dédiée au surf et au skateboard Larry Balma2 J’ai commencé le skateboard en 1958 comme un adjuvant au surf. Dans l’océan la puissance des vagues propulse le surf, porte la planche. En skateboard la simple gravité permet de rouler, dévaler des collines. Le skateboard peut aussi être propulsé par la force motrice et mécanique du skater. Rouler avec son skate offre des sensations de liberté, d'euphorie, de vol et parfois même d'apesanteur. Le skateboard, engin sportif relativement peu onéreux peut être utilisé sur la plupart des surfaces à la fois dure et lisse. Le skateboard est une activité saine promouvant le tonus musculaire, le développement de la coordination, l’attention et la prise de décision. C’est une activité qui doit être encouragée et adoptée par les parents, les professeurs et nos décideurs parce qu’elles offrent beaucoup comme va le démontrer cet ouvrage. Tous les skaters, jeunes comme vieux, bénéficient de ces exercices et les nombreux sentiments d’accomplissement et de satisfaction à la suite d’une session de skate. Ce sont les mêmes bénéfices qu’après une journée de surf ou de ski. Cependant le skateboard est bien moins dispendieux, plus sûre au niveau de la santé et tellement plus accessible à tous les âges et à toutes les catégories socio-économiques puisque la pratique est possible dans la rue, dans sa ville. Julien est passionné par l’analyse sociologique et anthropologique des skaters et de l’activité skateboard, ce dont vous vous rendrez compte en lisant son ouvrage. J’encourage sa lecture et sa traduction pour que la population dans sa globalité, étudiants, parents, décideurs locaux et nationaux, puisse se rendre compte de la portée du skateboard, la comprenne et ne se contente plus de relever ses aspects négatifs. Cet ouvrage est un excellent outil pour comprendre les skaters et le skateboard. 2 Larry Balma a grandi en Californie du sud, lieu de naissance du skateboard. Il a fondé Tracker Trucks en 1975 et a inventé le truck moderne, l’embase où vient se fixer les roues afin de rendre optimale l’exploitation de l’engin. Il a ensuite fondé TransWorld Skateboarding Magazine en 1983, le magazine le plus populaire et diffusé dans le monde. 17 Avant-propos C’est suite au refus de voir publier de nombreux articles dans des revues de sociologie que j’ai réellement commencé l’écriture de cet ouvrage. Englué dans le processus universitaire et celui de la publication pour gravir les échelons académiques, ce que j’écrivais sur le skateboard manquait d’apports théoriques, mes articles n’avançaient pas une problématique suffisamment séduisante pour susciter des publications dans des revues à comité de lecture de rang international : Cher Collègue, J'ai le regret de vous informer que l'article "Comment les street skaters utilisent et défendent leur spot" a fait l'objet d'un retour négatif de la part des relecteurs de la revue. Le texte est en effet apparu, sur plusieurs plans, insuffisamment abouti pour faire l'objet d'une publication. Il a été noté que l'article souffre d'une absence de réelle problématique : on ne voit pas véritablement ce qu'il apporte ni d'un point de vue théorique, ni simplement en terme de connaissance du milieu des skaters ; les références théoriques apparaissent plaquées, n'étant ni véritablement utilisées, ni non plus remises en question. Enfin, la forme (construction des phrases, etc.) pose des problèmes récurrents. Par contre, je ne cessais de lire des articles écrits sur ce sujet qui n’évoquaient que le rapport à l’urbain soulignant d’ailleurs explicitement l’incapacité des chercheurs à pénétrer ce milieu et à avancer des données concrètes sur les skaters. Ils semblaient les étudier de loin, sans pouvoir parler de leur mode de vie, de ce qu’ils faisaient dans la ville, pourquoi ils le faisaient alors qu’une montée toujours plus prononcée des interdits à l’encontre de cette pratique ne les empêchaient pas de rester dans les rues et d’utiliser les places publiques. J’étais conscient que mes connaissances sur le sujet qui avaient été relevées par quelques articles mais surtout ma thèse de sociologie apportaient une avancée pertinente et significative, relevée par les membres de mon jury, dans la compréhension des pratiques urbaines sans pouvoir me permettre de l’exposer à une plus grande échelle. Ces échecs de publication finissaient par faire monter à la surface certaines réflexions au sujet de la production scientifique, et le système dans lequel j’étais inscrit du fait de ma volonté de poursuivre une carrière universitaire. Pour débuter sa carrière universitaire, être élevé au rang de Maîtres de Conférences, il faut avoir publié dans des revues prestigieuses pour ensuite commencer un autre parcours du combattant et obtenir un poste dans une université. Dans ce milieu, il 19 faut être affilié à un département, se positionner dans la lignée d’une filiation intellectuelle, être « parrainé ». Apprenti sociologue aguerri au mode de vie du skateboard, je pensais pouvoir appliquer le « Do It Yourself » de la culture urbaine et le « make it by myself » en tentant de publier seul mes articles. Mais les règles de la rue ne sont pas les mêmes que celles de l’université et de la publication scientifique. Lesquelles sont les plus franches et honnêtes ? Cependant et à travers cet ouvrage, je vais pouvoir révéler ce qui me semble le plus pertinent au sujet du skateboard que j’ai commencé à étudier en suivant des critères académiques depuis mon inscription à l’université en 1999. Cet ouvrage reprend les grandes lignes de ma thèse. Ne voulant absolument pas corrompre la réalité des skaters en tentant de faire émerger une problématique abracadabrante ou tenter de les comparer à d’autres échantillons de jeunes (les basketteurs des playgrounds, les jeunes en trottinettes, les jeunes adultes qui font des randonnées en roller, les surfers, ceux qui pratiquent le parkours...) alors que ça n’a pas de sens, il ne m’a pas encore été permis de révéler dans des revues prestigieuses mes connaissances sur cette jeunesse, ce loisir, les multiples et diverses formes de ce mode de vie urbain contemporain. Certains directeurs de publication s’attendaient à ce que je corrompe mes données, la réalité des faits observés, mon analyse du quotidien des skaters, ma compréhension de cet objet, au final ma rigueur scientifique pour proposer une approche plus théorisée et une problématique à leur sens plus percutante, plus séduisante, plus novatrice mais qui ne me semblait pas traduire la réalité analysée pour mettre en avant ce qu’eux souhaitaient que la pratique et ces individus soient pour la problématique générale de leur numéro spécial. Comment est-ce possible de détourner une analyse scientifique et édulcorer une forme de réalité ? Je vais conserver cette posture dans cet ouvrage qui ne sera pas un livre de sociologie théorique mais plutôt un ouvrage de sociologie pratique et compréhensive. Je souhaite que ce livre permette à des parents, à des enseignants, à des élus locaux, à des personnes impliquées dans la jeunesse, dans le milieu associatif, à des jeunes qui souhaitent obtenir un skatepark bien conçu, mais aussi aux opposants qui ne supportent pas, chose parfaitement légitime, le bruit et les dégradations causées par les skaters, que toute cette population obtienne des explications, une vision de l’intérieur de ce que représente réellement cette pratique pour ceux qui s’y adonnent, pour mieux envisager ces pseudo «outsiders». Je ne cautionne pas l’occupation des places publiques ou une anarchie qui n’existe pas dans le skateboard. Cette activité présente des mauvais côtés qui lui sont inhérents et inévitables puisqu’elle est associée à la jeunesse, cette période durant laquelle de nombreuses expériences « festives parfois à l’excès » sont possibles. Seulement, les 20