Le sacré chez les indiens Navajos, Marie
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Le sacré chez les indiens Navajos, Marie
www.enseignement-et-religions.org/ _______________ Le sacré chez les indiens Navajos, Marie-Thérèse Cayol, septembre 2005 1 - LA GEOGRAPHIE RELIEE AU SACRE : DU PAYSAGE EXTERIEUR AU PAYSAGE INTERIEUR Aujourd’hui encore, les Navajos se définissent par rapport aux frontières de leur monde décrit dans la tradition orale. Cela leur permet de garder leur identité collective intacte et d’établir de l’ordre dans un monde mystérieux et complexe. Depuis toujours le peuple Navajo observe le monde physique. Pour chaque phénomène qui se produit dans l'univers, pour chaque relief qui se distingue, la contrepartie invisible est décrétée spirituelle. Le spirituel leur a été donné par les visions et les rêves et ils intègrent cette connaissance dans leur vie de tous les jours. Dès les premiers âges, l'observation du ciel - soleil, lune, étoiles - transposée de mémoire sur des pétroglyphes reflète une science précise des systèmes solaire et stellaire. Le Canyon de Chelly est un lieu où peuvent se lire de véritables cartes du ciel qui les guidaient pour établir le calendrier des cérémonies et des activités quotidiennes. Leur expérience des forces physiques et mystiques fait que le spirituel et l'humain ne sont pas séparés. Ainsi, se distinguent-ils des autres peuples, par leur vision spécifique de l'aire géographique dans laquelle ils vivent. Ils sont particulièrement attachés aux Quatre Montagnes sacrées qui bornent leur territoire. Elles sont réelles, elles existent physiquement, mais elles cachent la demeure des dieux. Chaque montagne est associée à une couleur qui correspond aux Quatre Directions : - Le Mont Blanca - Sisnaajini - à l'Est, dans le Colorado, représente la Femme-Coquillage, blanche. - Le Mont Taylor - Tsoodzil -, au Sud, dans le Nouveau Mexique, la Femme-Turquoise, bleue. - San Francisco Peaks - Dook'o'oosliid -, à l'Ouest, près de Flagstaff en Arizona, la Femme-Abalone, jaune. - Le Mont Hesperus, - Dibé Ntsaa -, au Nord, près de Cortes, au Colorado, la Femme-Jais, noire. A ces Quatre Montagnes s'ajoute Gobernador Knob, lieu où Femme-Changeante a vu le jour. Ses fils jumeaux, eux, vivaient sur Navajo Mountain. Quelques hauts lieux sacrés Le Canyon de Chelly avec Spider Rock où logeait Femme-Araignée qui enseigna l'art du tissage aux premiers Navajos ; Navajo Mountain, appelée aussi La tête de la Terre-Mère ; Rainbow Bridge, la plus grande arche naturelle en bordure du Lac Powell, considérée comme un miracle de la nature tant elle recèle de beauté et de mystère; Betatakin, la Maison-sous-le-Rocher et Monument Valley. Parfois, ces lieux sont à l'origine des clans : il en est ainsi pour le confluent des deux rivières, San Juan et Pine, Les Eaux-Mêlées. Ce symbolisme géographique a donc un but bien précis. Il relie la mythologie à la réalité physique. Les prières débutent toujours en désignant les lieux connus. Le hataalti, homme-médecine ou chanteur est entraîné ensuite dans des contrées situées hors d'atteinte du monde sensible. Ainsi, le psychisme qui a besoin de se fixer d'abord sur des images familières - montagnes - rivières canyons - va progressivement au-delà pour pénétrer dans le paysage mythique intérieur où se déroulent les mouvements de l'âme. _______________ Document issu du site www.enseignement-et-religions.org - 2006 1 2 - LA MYTHOLOGIE : LES VOIX DE LA NATURE La question des origines a toujours intrigué et fasciné. Comment le monde a-t-il commencé ? Y a-t-il un début du temps et de l’espace ? A travers les récits mythologiques, les hommes structurent leur mode de vie et de pensée et apportent des réponses aux grandes questions de l’existence. Les mythes sont un des points clés de cette expérience du sacré et les récits de la création constituent une toile de fond dont s’inspirent tous les chants utilisés lors des cérémonies. Les récits mythiques contiennent une sorte d’explication universelle qui donne à la vie humaine un sens et des valeurs morales. Les personnages sont des divinités qui évoluent dans un passé archaïque. L’utilisation des symboles ouvre au monde de l’imaginaire et permet de relier sa propre histoire à l’histoire du monde. Revenir aux origines, à la source, c’est donc mieux appréhender ce que l’on est, à quel peuple on appartient. On est soi-même à l’intérieur d’un groupe. Ces récits fixent des «identités fondatrices». C’est ce que nous fait découvrir l’expérience du sacré telle que les Navajos la vivent et l’expriment. Transmission des mythes par l’oralité Ces histoires considérées comme la bibliothèque du peuple maintiennent l’équilibre de la communauté. Presque chaque soir, un mythe était raconté l’enfant par un parent ou un grand parent. Le silence du hogan (voir page 8) est favorable à l’écoute et au rêve. Le feu crée une atmosphère particulière. Ces mythes ne sont pas racontés comme une belle légende. «Je suis de ceux qui sont désignés pour conserver l’histoire de la communauté, à qui il est demandé de prononcer des vœux et de promettre ai Grand Esprit de ne jamais la raconter comme une péripétie, et de ne la raconter qu’en présence d deux autres personnes aptes à le faire comme lui, et tous doivent s’accorder sur chacun des mots prononcés avant que le conteur ne puisse continuer». Le mythe de la création chez les Navajos Les Navajos se désignent par l’expression diné qui signifie le Peuple. Comme tous les peuples autochtones, ils possèdent une trame culturelle et spirituelle très complexe. Leur point commun est la vision d’un univers dans lequel tous les éléments sont en interaction. Cette perception accorde une large place au mouvement et au devenir. Les Navajos ont une interprétation personnelle de la création du monde et de leur propre arrivée sur la terre. Ils racontent l’émergence de leur peuple hors d’un monde originel souterrain de créatures semblables à des insectes et la progression de monde en monde jusqu’à la surface du monde actuel où ces créatures se transforment en Nihookaà diné (Le Peuple de la Surface de la Terre). La tradition orale et les chants sacrés qui y sont associés transmettent cette culture depuis la nuit des temps. L’organisation du monde se fait à travers des étapes successives. Le premier monde Au commencement, il y avait un endroit appelé le Monde Noir où vivaient seulement le Peuple de l’Esprit et le Peuple Saint. Au-dessus des quatre coins de ce monde apparurent quatre colonnes de nuages : blanche, bleu, jaune et noire. La colonne du nuage de l'Est était appelée l'Aube. La colonne du Sud, le Ciel Bleu, celle de l'Ouest, le Crépuscule, et le Nord, l'Obscurité. Le Premier Monde était petit et ressemblait à une île flottant sur une mer de Brumes. A l'Est où se rencontrèrent le nuage blanc et le nuage noir, Premier Homme fut formé. Avec lui fut créé le maïs blanc dont les grains parfaitement organisés couvraient l'épi entier. Doo Honoot'inii est le nom navajo de la première graine de maïs et c'est aussi le nom de l'endroit où se rencontrèrent le nuage blanc et le nuage noir. L'homme n'avait pas son apparence actuelle. Les Créatures qui vivaient dans le Premier Monde étaient des Êtres de Brume. Ils devaient évoluer dans les mondes futurs pour devenir les êtres tels que nous les connaissons aujourd'hui. _______________ Document issu du site www.enseignement-et-religions.org - 2006 2 A l'Ouest du Premier Monde, apparut le nuage jaune et tout près le nuage bleu. Là où ils se rejoignaient, Première Femme fut formée. Avec elle, apparut un épi de maïs jaune. Avec Première Femme vint le coquillage blanc et la turquoise. Premier Homme se tenait à l'Est du Premier Monde. Il représentait l'Aube et était Celui-Qui-Donne-la-Vie. Première Femme se tenait à l'opposé, à l'Ouest. Elle représentait l'Obscurité et la Mort. Premier Homme brûla un cristal pour faire un feu. Ce cristal devint le symbole de l'esprit et de la clairvoyance. Ce fut l'éveil de l'intelligence. Première Femme brûla la turquoise pour faire un feu. Ils virent la lumière l'un de l'autre et commencèrent à se chercher. Trois fois, sans succès, ils essayèrent de se trouver. Ils réussirent à la quatrième fois. Première Femme vit que le feu fait avec le cristal était plus fort que le sien. Premier Homme lui demanda de venir vivre avec lui, ce que Première Femme accepta. Beaucoup d'Êtres Insectes vivaient dans le Premier Monde. Il y avait les Fourmis-Araignées, le Peuple des Guêpes, et les Fourmis Noires. Après, vinrent les Scarabées, les Libellules, le Peuple des ChauvesSouris, l'Homme-Araignée et la Femme-Araignée. Beaucoup de ces Insectes connaissaient le secret pour faire le mal. Les différents Êtres se querellèrent et se battirent entre eux jusqu'à ce que la population entière émerge dans le Monde Bleu à travers un trou à l'Est. Le groupe se déplaça comme des nuages, comme un tapis volant, jusqu'à l'Est. Ils emportèrent avec eux toutes les méchancetés du Premier Monde. Deuxième et troisième monde Le peuple émergea dans un deuxième monde, de couleur bleue (Nihodootliizh). Les criquets pèlerins furent envoyés comme éclaireurs pour explorer le monde dans chaque direction. Ce monde était relativement désert, peuplé seulement de geais et de hérons bleus, de lynx roux, de blaireaux, de renards nains, de pumas et de loups. Le peuple sacré se lia d'amitié avec les oiseaux mais l'entente fut de courte durée ; les dissensions conduisirent les êtres à quitter le monde bleu, emportant avec eux la discorde. Dans le troisième monde, de couleur jaune, vivaient les écureuils, les souris, les dindons, les cerfs, les araignées, les sauterelles, les lézards et les serpents. S'y trouvaient également des créatures chimères dotées d'un pouvoir spirituel qui permettait de se protéger dans l'avenir. Mais des querelles entre les sexes éclatèrent. L'adultère de Première Femme avec Loutre-de-Rivière entraîna la séparation des hommes et des femmes. La vie devenait difficile pour les femmes qui, vivant seules, ne pouvaient se nourrir comme le faisaient les hommes, de chasse et de cultures. Au bout de quatre ans, elles demandèrent à retourner auprès des hommes. Au moment de la réunion des sexes, Coyote déroba le bébé de l'esprit aquatique, et celui-ci, de colère, déclencha une inondation dans le monde jaune. Coyote Les Navajos croient que personne ne peut devenir un vrai Navajo sans s'être pleinement immergé dans les histoires traditionnelles de Ma ?ii - Coyote ; histoires qui ne se racontent qu'en hiver. Beaucoup d'éléments sont amusants, mais l'histoire elle-même est toujours très sérieuse. Par exemple, à un moment, Coyote perd ses yeux dans une partie de jeu ou bien il les laisse accrochés à un arbre ; alors il les remplace par des petites billes d'ambre et l'histoire finit en disant : c'est pourquoi Coyote a les yeux jaunes. C'est un personnage complexe, toujours en mouvement. Toutes les histoires commencent par : «Coyote trottait le long de ... ». II est capable de changer sa couleur et son apparence pour se confondre avec l'endroit où il est. Souvent, il échange sa peau avec les chasseurs pour avoir des relations sexuelles avec la femme du chasseur. Il est cependant presque toujours découvert en dépit de ses changements parce qu'il est paresseux et sent l'urine de Coyote. La mort elle-même n'a pas de pouvoir sur Coyote qui garde son principe vital au bout du nez et de la queue. Même quand le reste de son corps est détruit, comme cela arrive souvent dans les histoires, il peut se régénérer. _______________ Document issu du site www.enseignement-et-religions.org - 2006 3 Quatrième monde Conduit par le criquet pèlerin, le Peuple échappa à ce déluge en grimpant dans un énorme roseau, pour émerger dans le quatrième monde, blanc et étincelant. Pour beaucoup d'anciens qui se réfèrent à la tradition, l'emplacement où le diné a émergé se trouve dans les montagnes sacrées du sud du Colorado, près de Durango. Il s'agit donc du monde actuel. Alors, Premier Homme créa les Quatre Montagnes sacrées qui limitent le monde final dans lequel la vie va s'organiser. Les créatures sacrées décidèrent de se rassembler pour disposer tous les astres dans les ténèbres de la voûte céleste. Les huit constellations principales étaient soigneusement installées lorsque Coyote mal-faisant (l'esprit du chaos) jeta vers le ciel la peau de daim qui contenait toutes les étoiles ; ce qui en explique l'abondance et le hasard. La création du soleil et de la lune s'est faite à ce moment-là. Après l'émergence dans le quatrième monde, plusieurs femmes donnèrent naissance à des monstres, suite à des transgressions sexuelles intervenues dans le monde jaune. Ces monstres instaurèrent un climat de peur. Fort heureusement, des créatures vinrent rétablir l'harmonie. Un matin avant l'aube, Dieu-qui-parle trouva un bébé, une petite fille au sommet de la montagne. Il l'apporta à Premier Homme et Première Femme pour qu'ils s'en occupent. Ils l'élevèrent dans une atmosphère spirituelle. En douze jours, elle devint une jeune fille appelée Femme-Coquillage-Blanc et Femme Changeante, mère spirituelle de tous les Navajos. Le berceau dans lequel dormait Femme Changeante était constitué d'arcs-en-ciel et de faisceaux de lumière. Les liens du berceau étaient les éclairs. Quand la jeune fille se transforma en femme, on lui organisa une cérémonie de la puberté, le Kinaaldà (voir p. 5). Femme Changeante fut fécondée par le soleil et donna naissance à des jumeaux, fondateurs de la culture navajo, que l'on appela plus tard Tueurs-de-Monstres et Fils-nés-des-Eaux. Femme Changeante Si le mythe porte l'accent sur Femme-Changeante c'est parce qu'elle est le grand symbole de la régénération perpétuelle dans la vie de la terre et de l'homme. Elle représente la sagesse suprême, remplie de sollicitude maternelle envers ses enfants, mais soucieuse de les laisser libres. Elle est le principe féminin qui reconstitue l'unicité de l'être. À leur maturité, ils voulurent connaître leur père, le soleil. Avec l'aide de Femme-Araignée, l'arc-en-ciel les conduisit jusqu'à sa demeure. Les difficultés et les épreuves furent nombreuses, néanmoins ils franchirent tous les obstacles grâce à l'assistance des créatures du Peuple Sacré. Le soleil les reconnut pour ses fils. Il leur donna une armure spirituelle en obsidienne (lave ressemblant au verre, de couleur foncée), un pouvoir spirituel et les armes spirituelles de l'éclair : la flèche mâle en zigzag, et la flèche femelle droite pour tuer les monstres présents sur la terre. Une fois la sécurité et l'harmonie rétablies dans le monde, le Peuple sacré s'en alla vers les océans, les rivières, les brumes, les montagnes, l'arc-en-ciel et les ténèbres. Femme Changeante alla habiter sur un Ile du plan d'eau occidental, demeure spirituelle préparée par le soleil. A partir de son propre corps, elle créa les humains qui formèrent les quatre clans d'origine des Navajos : Todichi'iinii, le clan des Eaux Amères ; Honàghàahniii, le clan de Celui qui marche avec vous ; Hashtl'ishnii, le clan de la Boue ; Kinyaa'aanii, le clan de la Maison Haute. Avec leur animal protecteur, le serpent, le lion, le porc-épic, et l'ours, les quatre clans retournèrent sur le territoire des Quatre Montagnes sacrées. Tous les récits font état de migrations et d'adaptation depuis ce retour de l'Ouest du monde. _______________ Document issu du site www.enseignement-et-religions.org - 2006 4 Il est frappant de constater combien tous les Navajos sont familiarisés avec les épisodes du cycle de la Création, quels que soient leur âge, leur condition et leur statut social, comme cet Indien qui, voyant notre admiration devant le paysage des buttes du Monument Valley dit simplement :«C'est ici que la Terre et le Soleil se sont aimés» ou cet adolescent qui indique le meilleur endroit pour cueillir la sauge, là «où le sang d'un des monstres tué a enrichi la terre... ». Le mythe de la création est intégré dans tous les rituels. Les grands thèmes récurrents qui le composent sont l'acquisition d'un pouvoir surnaturel, concernant en particulier la préservation de la santé, le maintien de l'harmonie au sein des relations familiales et l'obtention du statut d'adulte par le jeune héros. 3 – LES CEREMONIES TRADITIONNELLES : HARMONIE ET BEAUTE La plupart des cérémonies relèvent de la guérison, des bonnes récoltes, de la paix mais certaines sont destinées à exorciser tout ce qui se rattache à la guerre ou à la violence. La religion des Navajos est une religion de la nature. Elle est considérée comme une recherche de l'harmonie, un souci d'établir une relation avec les éléments de la nature qui doit conduire l'homme dans un état d'Hozho. Hozho est l'idée centrale et le concept de base dans la pensée religieuse navajo. Si à ce mot, on ajoute le suffixe ji qui signifie dans la direction, la manière, le chemin, on trouve le nom d'un rite institué dans le but de faire acquérir à l'homme un savoir, pour vivre dans les meilleurs conditions. On le traduit par La Voie de la Sainteté. Une autre catégorie de cérémonies, moins nombreuses, La Voie malfaisante consiste à éliminer de la vie des participants les fantômes et les événements négatifs. Kinaaldà, cérémonie pour Alicia Le Kinaaldà, ou rite de puberté organisé pour les jeunes filles dès qu'elles ont leurs règles, relève bien sûr de La Voie de la Sainteté. Cette cérémonie leur offre une vision intérieure d'un monde auquel appartient le peuple navajo contemporain. Participer au Kinaaldà, c'est tout apprendre sur sa culture, comprendre la vie future et les responsabilités qui incombent à la femme. Le renouveau d'un rite ancien Abandonné pendant plusieurs décennies, ce rite connaît un renouveau compréhensible par le fait que chaque nation des Indiens d'Amérique du Nord éprouve l'urgence d'affirmer son identité. La cérémonie pour Alicia Whitethorne, à Shonto en Arizona, commence dès le vendredi soir. Alicia est déjà revêtue de la jupe traditionnelle blanche et chaussée de mocassins blancs qui lui enveloppent tout le mollet. Elle est parée de nombreux colliers, bracelets et bagues de turquoises. Le blanc rappelle ici la naissance de l'aube, et les turquoises si chères aux Navajos, leur attachement à la Terre et à ses beautés. Le lendemain, dès neuf heures du matin, tout le monde s'active. En face du hogan, dans le sable, a été creusé un grand trou circulaire d'environ un mètre et demi de diamètre. Un immense feu se consume à l'intérieur : il faut chauffer la terre pour la cuisson du gros «gâteau». Les hommes ont la charge d'entretenir le feu tandis que les jeunes tantes, un peu plus loin, prévoient la nourriture pour toute la famille, une trentaine de personnes. La plupart sont venues de loin. Elisabeth, professeur d'arts plastiques à Ramah (Nouveau-Mexique) et Elma, avocate à Albuquerque, retrouvent les gestes ancestraux pour la confection du fry bread (pain traditionnel) et la cuisine au feu de bois. Alicia porte aujourd'hui une robe noire, rouge et bleue, dite robe 8/7/, à deux pans que les grands-mères tissent pour cette occasion. Une ceinture concho, faite de sept disques (conchas ou coquillages) d'argent ciselé et de turquoise, fixés sur une ceinture de cuir, lui maintient la taille serrée. Vision sublime, dans cet espace désertique où le temps s'écoule comme dans le passé lointain. Deux grand-tantes ne la quittent pas et l'initient aux actes nécessaires à l'accomplissement du rite. _______________ Document issu du site www.enseignement-et-religions.org - 2006 5 Prières et offrandes Le plus souvent, les prières sont accompagnés d'offrandes de tabac ; interviennent aussi les bâtons de prière, les plumes, le maïs et le pollen. Le pollen est un des éléments principaux utilisé dans toutes les cérémonies pour accompagner les prières. Lors d'une cérémonie de guérison, par exemple, les gens sont assis au fond du hogan, en face de la porte. L'homme-médecine (appelé aussi le Chanteur) passe au groupe son petit sac rempli du pollen béni qu'il a ramassé dans son propre champ ou dont on lui a fait cadeau. Chaque personne prend une pincée de pollen et en met un peu au sommet de la tête puis sur la bouche et en souffle vers l'ouverture de la cheminée au centre du toit. Elle dit une prière et passe le sac à la personne suivante. La course vers l'Est Le premier acte consiste en une course vers l'Est, d'environ un kilomètre. Courir vers l'Est, c'est aller là où toute chose commence et donc retrouver les origines de son peuple, en direction de la Montagne sacrée et du lieu d'émergence. Dans la fraîcheur du hogan, réservé au rituel, Alicia mélange les deux farines, blé et maïs, qui vont entrer dans la composition du gâteau. Travail laborieux, étant donné les quantités - quarante kilos de pâte -, guidé par les grand-tantes qui parlent à mi-voix en langue navajo. Huit petits bâtons issus d'un bois résineux, attachés ensemble vont servir à mélanger l'eau bouillante dans laquelle a fondu le sucre brun. Cet instrument est précieux et sacré car il a déjà été utilisé pour le kinaaldà de sa grand-mère. Au coucher du soleil, le grand trou est vidé de ses braises et tapissé de feuilles de papier aluminium qui seront recouvertes de feuilles de maïs. On coule les seaux de mélasse, mélange d'eau, de farine et de sucre, et à nouveau, on recouvre de feuilles de maïs. Alicia dispose au centre des feuilles cousues ensemble pour former une étoile. Le geste de bénédiction commence avec le panier de farine de maïs élevé vers le soleil couchant, puis dans les autres Directions. Elle répand la farine sur le gâteau en tournant dans le sens du soleil, et toutes les femmes l'imitent. Enterré sous le sable et les braises, le gâteau va cuire durant toute la nuit. Nourriture enfouie dans la terre, à l'image du Peuple navajo, et qui émergera à l'aube. Alicia restera en prière toute la nuit, assise, jambes tendues, le dos bien droit, face à la porte du hogan qui ouvre à l'Est. Le chant du Hataaltii, lente mélopée, s'élève dans la nuit, dans l'attente du Soleil levant qui féconda Femme-Changeante. Les hommes quittent le camp, seules les femmes sont autorisées à rester auprès de la jeune fille pour la soutenir et poursuivre leur enseignement. Le chant Le chant accompagne chaque acte important du rituel. Les Navajos associent le chant avec le langage et le souffle ; la respiration elle-même est liée au chant, le chant à la prière et la prière à une longue vie. C'est un des grands cercles de la création. Le Hataalti est spécialisé dans un, deux ou au plus une demi-douzaine de Chants complets, car chaque Chant est un ensemble complexe qui demande la connaissance de centaines de chants, prières, plantes médicinales, symboles et actes rituels. Au petit matin, une énergie nouvelle Vers cinq heures, le chant unique résonne toujours dans le hogan, demandant protection au Peuple Sacré pour le long voyage qu'Alicia aura à accomplir. Des pas souples sur le sable, dans la frontière indéfinissable du jour et de la nuit : Alicia exécute la deuxième course. Les femmes procèdent au découpage du gâteau au moment où le soleil se lève. Elles l'entament par les bords, en arrondi et les morceaux sont portés avec respect dans le hogan. Assis en cercle sur les tapis navajos, chacun des convives reçoit sa part. Pour le dernier acte de la cérémonie, Alicia s'allonge sur des couvertures, les bras écartés et la vieille tante masse son corps chargé dorénavant d'une énergie nouvelle, promesse de fécondité. La jeune fille transmet ensuite à ceux qui le désirent la force qu'elle a reçu du Peuple Sacré, consciente des pouvoirs exceptionnels de guérison qui lui sont accordés en cette circonstance. Maintenant, des laines blanches retiennent en chignon les longs cheveux d'Alicia, à la manière des femmes navajos. Elle appartient désormais à son peuple. _______________ Document issu du site www.enseignement-et-religions.org - 2006 6 Yebichai Le mot navajo Yeibichai est un mot dérivé de Yé ?ii et de bechai qui signifie : son grand-père. Ceci fait référence au chef Ye ?ii, Dieu qui parle, le grand-père. Les Ye ?ii sont considérés comme les ancêtres du peuple navajo. La cérémonie des Yebichai se déroule en hiver. Le caractère sacré et secret de ce rituel rend parfois l'approche difficile et il est recommandé d'être accompagné par un ami navajo. A Tuba City, ce soir du 18 octobre, c'est la grande foire annuelle avec la participation de tous les artisans, les grands manèges bruyants et toutes les attractions pour petits et grands. Comment imaginer une cérémonie si proche de ce tapage ? Pourtant, très vite, la fumée odorante du bois de genévrier et la mélodie des chants choisis aident à se diriger vers l'emplacement. Il est onze heures du soir. Un réverbère éclaire un hogan de construction simple. L'ouverture est fermée par un rideau derrière lequel se devinent, grâce à la lumière intérieure, les gestes de l'homme médecine qui pratique un rituel. Beaucoup de va et vient de personnes qui entrent et sortent. Dehors, les gens sont assis autour de l'espace réservé à la danse. Chacun a apporté son siège pliant et sa couverture, car la nuit est fraîche. La lumière des six feux augmente les ombres mais assure un peu de chaleur. Une danse après un rituel de guérison Bientôt, sept danseurs entrent en une colonne, sur la place. Ils ont le corps peint en blanc et portent un masque sur le visage fait d'une peau blanche. Une couronne de genévrier ou de pin enserre le cou et un plumet se dresse sur la tête. Dans le dos, pend une longue bande de tissu avec des fils brillants. Ils vont pieds nus, et portent une longue jupe en peau. A la main, la gourde rythme les pas de danse. Après quatre danses, ils quittent la place et les chants reprennent dans le hogan. Cette danse sociale des Yebichai conclut un rituel de guérison, Le chemin de la Nuit, fait à la demande d'une personne malade et qui dure deux nuits. En effet, après la première intervention des Ye ?ii, deux femmes sortent du hogan et s'assoient devant. L'une d'elle est la patiente pour laquelle la cérémonie a été organisée. Le deuxième groupe des Yebichai arrive alors. Sept d'entre eux ont dans le dos un tissu noir avec des ronds blancs. Les sept autres qui les accompagnent portent une robe blanche qui arrive à la cheville. Un masque brillant leur couvre la bouche. On les prendrait pour des femmes car, tout, dans l'attitude, le geste de la main, le costume, évoque la féminité ; en vérité ce ne sont que des hommes qui incarnent les différentes divinités du Peuple Saint : Dieu qui parle, Dieu mâle, Dieu femelle, Dieu noir, Monstre tueur, Né de l'eau, Eau qui arrose, Bouche à franges, Dieu rouge... Ils se mettent en ligne et les deux femmes assises se lèvent pour venir les bénir avec la farine blanche. Ce geste affecte ainsi les Yebichai en les plaçant dans le domaine du sacré ; il sera répété à chaque nouvelle danse. Ensuite après une inclination vers le Sud puis vers le Nord, les danseurs se mettent sur deux files et la danse commence au son lancinant et répétitif des chants. Puis ils remontent vers l'Ouest par couples. Un autre personnage se détache de ces groupes : le clown. La foule rit à le voir courir après un chien, faire semblant d'être en retard et gesticuler comme pour tourner en dérision l'aspect quelque peu figé des danseurs. Les ancêtres du peuple navajo La mythologie raconte que ces Ye ?ii furent créés dans une position assise, hiératiques, incapables de parler ou de bouger. Plus tard, Premier Homme mit en place des actes rituels pour leur donner des nerfs, des veines et des artères et il souffla des vents à l'intérieur d'eux, ce qui les anima. Alors les Ye ?ii purent marcher, se tenir debout, se déplacer, voir et respirer. Leur visage était recouvert d'une perle blanche, d'une turquoise, d'une abalone, et d'une perle noire. Ils demandèrent à ce que les êtres humains reproduisent ces visages avec des peaux, fondant ainsi l'origine des masques. Aujourd'hui, lors de ces danse publiques, les Navajos masqués incarnent ces divinités. En souvenir de l'origine, ils ne doivent jamais parler. Les danses vont se répéter jusqu'au lever du jour. La nuit captivante des Yebichai est le témoignage d'une culture profondément enracinée au cœur des Navajos. _______________ Document issu du site www.enseignement-et-religions.org - 2006 7 Comment conjurer le mal ? Squaw Dance est une cérémonie destinée à combattre les attaques des mauvais esprits, des fantômes et des étrangers. Elle se pratique encore aujourd'hui pour chasser l'angoisse qui peut subsister au cœur d'un jeune homme qui revient de la guerre. Dans ce contexte, au cours de l'été 1995, à Rainbow City dans l'Utah, près de Navajo Mountain, ce rituel était organisé pour un navajo qui revenait de la guerre du Golfe. La cérémonie se déroule sur trois lieux souvent très distants. Le trajet de l'un à l'autre se fait à cheval en commençant par le hogan du patient. C'est ainsi que dans la soirée, amis et parents rassemblés, attendent l'arrivée des cavaliers. Ils poussent des cris de joie au moment où les hommes posent pied à terre et entrent dans le hogan. Le jeune homme élève à bout de bras un trophée, bâton garni de tissus colorés qui rappelaient sans doute quelque chose de l'ennemi. Le visage peint en noir et rouge, le corps noirci à la suie et décoré de taches blanches représentant les étoiles, il s'identifie à Tueur-de-Monstres qui utilisait ces couleurs pour effrayer les monstres qu'il devait éliminer. De plus, le noir et les étoiles protègent les hommes en les rendant invisibles dans la nuit. Ensuite, à la nuit tombée, va commencer la danse sociale organisée avec des jeunes filles à marier, la Squaw Dance. Elle se déroule de l'autre côté de Païute Canyon. Le trajet en pick up, sur des chemins très rocailleux et accidentés est long et difficile. En approchant, on entend les tambours résonner. Les véhicules se garent en cercle assez loin de l'emplacement où va commencer la danse. Chacun reste dans sa voiture. Trois feux sont allumés relativement distants les uns des autres, et autour des feux, les chanteurs sont assis en rond. Pendant de longues heures, ils vont se répondre sur le rythme lancinant du tambour. A tour de rôle, les jeunes filles invitent les hommes pour danser en rond sur des pas identiques. Un seul couple à la fois. Au bout de plusieurs tours, le danseur doit offrir quelque argent symbolique pour garder le privilège de danser avec sa partenaire. La vision d'un couple isolé sur fond nocturne, illuminé par les flammes dans la mélopée ininterrompue, n'est pas sans remémorer le mythe originel. Comme Femme-Changeante, la jeune fille, ici, redonne vie, à celui qui, marqué par les traces douloureuses laissées par la guerre, avait sombré dans le désespoir. Le mal est exorcisé par le bien. Ainsi, l'homme retrouve force et courage. Le hogan En se déplaçant du côté de Navajo Mountain sur une étendue nommée Surprise Valley, ou dans Païute Canyon, l'œil va s'habituer à découvrir ces constructions en dôme qui se fondent dans le paysage. Il s'agit de ces hogans d'autrefois qui sont néanmoins encore utilisés à la saison d'hiver quand on déplace les troupeaux de moutons et de chèvres. Le hogan est le lieu où se recentrent les actes religieux et qui réunit les membres de la communauté. Autrefois, le peuple navajo se dénommait lui-même le Peuple-qui-construit-des-hogans. En tant qu'habitation traditionnelle, le hogan a cédé la place à la maison préfabriquée, mais il reste le lieu sacré réservé aux cérémonies. Par son architecture, il apparaît comme un microcosme de l'univers, porteur de toutes les énergies cosmiques. Une architecture qui s'intègre à merveille aux buttes de grès arrondies parmi lesquelles ils ont été bâtis. Les huit parois de poutres de genévriers placées horizontalement jusqu'à une hauteur d'un mètre soixante environ, constituent la base octogonale qui donnera ensuite la forme circulaire. Tout un jeu savant d'autres poutres plus fines sont assemblées pour former un dôme, scellées avec de l'écorce de pins puis recouvertes de trente centimètres de sable argileux, jaune orangé. Le dôme représente le ciel, et le sol, la terre. Au centre du dôme, une ouverture carrée est destinée à la circulation de l'air et à l'évacuation des fumées. Ce passage sur le « crâne » du hogan, correspond à celui de la fontanelle chez le petit enfant : c'est par là que l'Esprit peut descendre et c'est par là qu'il s'en ira à la mort. Sa forme reflète la vie du monde des Indiens navajos. Celle-ci est circulaire comme le mouvement des saisons et les formes du soleil et de la lune. _______________ Document issu du site www.enseignement-et-religions.org - 2006 8 Au cours des cérémonies, chacun a sa place bien déterminée : les femmes s'assoient au Nord, les hommes au Sud et l'homme-médecine à l'Ouest. La porte est toujours orientée à l'Est. A l'intérieur, on se déplace dans le sens du soleil car c'est le sens dans lequel toutes choses se meuvent dans ce monde (Ya'ah ah teen) et hors de ce monde (Che’ eh Teen). Bâtir un hogan, c'est donner du sens au monde, vivre en harmonie avec les cycles et les énergies qui donnent la vie. Une cérémonie de la Voie de la Bénédiction commence toujours par un Chant du Hogan qui rappelle toutes les étapes de sa construction : les poutres principales rappellent les Quatre Montagnes sacrées qui délimitent le territoire navajo. Elles représentent aussi la Femme-Terre, la Femme-Montagne, la Femme-Eau, la Femme-Maïs avec les couleurs qui leur sont attribuées. Le feu central qui se consume est l'image de l'Etoile-du-Nord qui reste immobile. A la naissance, une mère tourne la tête de son enfant vers le feu : la place du foyer pour toujours restera dans sa mémoire, même s'il doit vivre ailleurs. On retrouve dans ce geste, le symbolisme du corps humain : les os de l'homme tiennent de la terre, le sang de l'eau, les poumons de l'air et la tête du feu. Mariage Un mariage traditionnel chez les Navajos est beaucoup plus qu'une simple union entre deux personnes. Il unit les familles de deux clans différents, ce qui va consolider les relations à travers toute la communauté. A l’image du couple myhique Le couple renouvelle ce qui eut lieu entre Femme Changeante et Sunbearer, couple mythique. Le mari guidera et nourrira sa famille. Son épouse le soutiendra. Ensemble, ils construiront un foyer où respect, responsabilité, charité et vérité rayonneront comme vertus fondamentales de la philosophie navajo. Préparatifs Du côté de la mariée : Les hommes arrangent le hogan pour la cérémonie, s'occupent du feu et de l'eau pour faire cuire le mouton qui a été tué la veille. La famille garnit les paniers de cadeaux - couvertures, linge de maison, ustensiles de cuisine - qui seront offerts à la famille du jeune marié pour sceller l'amitié entre les deux familles. La mère prépare la bouillie de maïs bleu - cornmeal - pour sa fille, le marié et sa famille. La farine de maïs bleu cuit dans l'eau bouillante avec une pincée de cendres de genévriers qui supprime l'acidité du maïs. Une fois cuite, elle est versée dans le panier navajo confectionné spécialement pour l'occasion, et on la laisse refroidir. La cérémonie La cérémonie proprement dite commence juste avant le coucher du soleil. Le marié arrive à cheval en tête d'un troupeau de chevaux : cadeau offert à la famille de son épouse. Il entre dans le hogan avec sa famille et ils s'asseyent à même le sol. La mariée, vêtue de la blouse en velours traditionnelle des Navajos et parée de bijoux de turquoises et d'argent, apporte le cornmeal qu'elle place devant le marié, et s'assied à ses côtés. Son père la suit, portant la jarre d'eau de source. Le père de la mariée accueille les invités qui entrent dans le hogan et procède à la bénédiction du cornmeal avec le pollen. Il répand une traînée de pollen sur le panier, d'Est en Ouest, puis du Sud au Nord. Ainsi les Chemins du Pollen se croisent au centre du panier. Il en répand aussi sur les bords du panier sans fermer totalement le cercle de manière à laisser toujours une ouverture à l'Est, vers la lumière. Le Chemin du Pollen représente le foyer pour la jeune famille qui accueillera les valeurs familiales, les enseignements, les prières et les chants pour cheminer ensemble toute la vie. Le pollen est le symbole de l'union entre les éléments sacrés et le Peuple Saint. La mariée verse un peu d'eau sur la paume de sa main droite et en répand dans les mains de son époux. Il fait alors le geste de se laver. Même rituel de la part du marié. L'eau court sur le sol du hogan, sur la Terre-Mère. _______________ Document issu du site www.enseignement-et-religions.org - 2006 9 Le père de la mariée qui conduit la cérémonie et donne, en navajo, les enseignements nécessaires au jeune couple, indique au jeune homme de prendre, à l'Est, une pincée de cornmeal et de le manger. La jeune fille fera de même. Les invités ensuite s'approchent du panier et prennent chacun une pincée en signe de partage. Quand le panier est vide, la mère de la mariée le retire et le conserve soigneusement. Il servira pour ses petits enfants quand ils auront leur premier rire et feront leurs premiers pas. Le panier de mariage Le centre du panier symbolise la Création, le commencement de la vie qui va s'ouvrir vers l'extérieur. Les parties noires représentent les régions lointaines de l'univers, les montagnes, les nuages, la nuit. Le rouge, circulaire, est l'image de l'arc-en-ciel, du soleil couchant qui encercle la terre et le peuple. Le blanc représente la terre et le peuple. L'ouverture est le passage pour l'émergence du peuple en référence au mythe de l'émergence. C'est aussi le chemin de la conscience. 4 - HOMME-MEDECINE : ENTRETIEN Gardien et responsable de la vie spirituelle, l’homme-médecine est la mémoire de la communauté. Connaissant les chants et les prières qui accompagnent les cérémonies de guérison, il permet au malade de se retrouver en parfaite harmonie avec le monde des ancêtres et l’univers cosmique. Chez les navajos, l'homme-médecine se nomme Hataaltii, ce qui signifie le Chanteur. Les chants sont la mémoire de la communauté ; ils évoquent toute l'histoire du Peuple Saint, les Ancêtres de qui le peuple tire tout son enseignement. «On ne choisit pas de devenir homme-médecine, on est appelé et alors on s'emploie à suivre un long apprentissage qui dure au moins sept ans. Le plus long, ce sont les chants, tant ils sont nombreux et adaptés à chacune des cérémonies de guérison», dit Buck Navajo, que nous avons rencontré à Navajo Mountain. Avec son père, dès l'âge de treize ans, il participait aux réunions entre hommes-médecine qui échangeaient leurs savoirs. «Tandis qu'ils parlaient, toute la nuit, - ils croyaient que je dormais, mais j'étais éveillé - je les écoutais et ainsi j'ai beaucoup appris d'eux.» Des couleurs sacrées II nous reçoit dans le hogan où il conduit les cérémonies. Il trace sur le sol des figures comme s'il commençait une peinture de sable : le Soleil et la Lune, une cérémonie mâle et femelle, explique-t-il dans son langage navajo : «J'utilise une plume, une pierre et une pointe de flèche pour la cérémonie. Le Soleil regarde en face, de cette manière ; cinq plumes sont là, exactement comme des humains. La Lune est blanche, avec un peu de rouge, de turquoise et de noir. Le Soleil est turquoise comme le corps d'un être humain. Nos quatre couleurs sacrées, bleu, jaune, blanc et noir se retrouvent sur le soleil comme une figure humaine. On prie séparément envers le Soleil et la Lune pour que la personne toute entière aille mieux.» Buck nous parle surtout des maladies survenues par des causes naturelles et que la science ne peut déterminer. Il cite par exemple le fait d'un malade que l'on devait opérer de la vésicule biliaire. L'hommemédecine a fait la relation entre sa maladie et le fait qu'il avait touché un arbre frappé par la foudre. Il l'a donc soigné et ainsi l'opération n'a pas été nécessaire. «S'il y a une éclipse, comme c'est arrivé ces derniers temps, vous ne devez ni manger ni boire de l'eau, ni dormir durant la durée de l'éclipse. Sinon, vous devenez malades. Des enfants avaient de la diarrhée et commençaient à vomir. Plus tard, on s'est aperçu de la relation entre l'éclipse et leurs symptômes, c'est pourquoi, les parents ont demandé une cérémonie. Si vous allez à la clinique, personne ne saura vous dire que c'est parce que vous avez mangé pendant l'éclipse... Au moment de l'éclipse, tout devient sombre quand la terre projette son ombre sur la lune... _______________ Document issu du site www.enseignement-et-religions.org - 2006 10 Le malade : «Celui sur qui on a chanté» Pour le rituel de cette guérison, on apporte du bois ramassé dans les Directions du Nord et du Sud que l'on dépose dans le hogan. On rassemble des plantes médicinales qu'on fera bouillir sur un feu au centre du hogan. En attendant, elles reposent dans cinq paniers navajos. Les malades ôtent leurs vêtements, et s'assoient sur une peau d'ours. Tandis qu'ils boivent l'eau des plantes infusées, je chante sur le malade. La cérémonie pour cette maladie dure quatre jours et toute la nuit pendant cinq nuits. A la fin, on met toutes les choses sur la personne malade, couvertures, tissus... Pendant les cinq jours qui suivent, «Celui sur qui on a chanté» - le malade - ne doit pas toucher de viande crue si l'on veut vraiment que la cérémonie fasse effet. Nous prions les plantes Nous, les Navajos, nous prenons des plantes et nous les prions pour que la personne aille mieux. Je prie le pouvoir du maïs par exemple. Cette prière, je l'adresse à la plante, ainsi, je lui parle afin que la personne guérisse. Tous les genévriers alentour et toutes les plantes nous ont été donnés pour être utilisés comme médecines. Voilà comment je conduis ma cérémonie. Quand vous allez chez le médecin, il contrôle votre pouls, mais il ne prie pas pour vous... Ce hogan, dans lequel nous nous trouvons, est réservé aux rituels. Les cérémonies ne peuvent pas se faire sur un rocher ou sur du ciment, mais seulement sur du sable comme ici. Certains hommes-médecine se sont convertis au christianisme, d'autres ont choisi la Native American Church... Aussi, il n'y a plus beaucoup d'hommes-médecine qui pratiquent selon la tradition. Pas assez. Certaines personnes viennent du Nouveau-Mexique pour avoir une cérémonie de guérison parce qu'il n'y a plus d'homme-médecine là-bas... » Buck a conclu cet entretien par un chant-prière pour notre voyage de retour qui était proche. Émotion... Ensuite nous avons partagé le petit déjeuner que nous avions apporté. Quand nous lui avions demandé la possibilité de parler avec lui, il nous avait dit avec l'humour qui caractérise si bien les Navajos : «Vous avez un mouton ?... » Le coût d'un chant Le montant des honoraires est convenu à l'avance avec le malade et sa famille, à l'issue d'une entente. Il n'y a pas de prix moyen, l'homme-médecine établit généralement son prix en fonction de la richesse du patient, le minimum demandé étant d'environ cent dollars. Au défraiement de l'homme-médecine, il faut ajouter les cadeaux spéciaux pour tous ceux qui participent à la cérémonie, de même que la nourriture des personnes pendant toute la durée du chant. Cela représente toujours une dépense considérable. _______________ Document issu du site www.enseignement-et-religions.org - 2006 11