visite médicale controverses sur la charte
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visite médicale controverses sur la charte
DOSSIER VM 2 46 3/03/06 18:36 Page 46 Dossier VISITE MÉDICALE CONTROVERSES SUR LA CHARTE Charte, avenant limitant la fréquence des contacts promotionnels, référentiel de certification… La visite médicale est en pleine mutation. Les laboratoires s’y préparent. Non sans peine… Car la question du champ de certification n’est toujours pas tranchée. La HAS ayant choisi la norme ISO, la procédure s’avère donc très lourde pour la mise en place du référentiel. —————— a charte de la visite médicale est un élément de plus dans le sens de la modification des pratiques promotionnelles des laboratoires », affirme Jacques Cessot, directeur des opérations de Sanofi-Aventis France. « Le “ presque tout quantitatif ” des années 1990 est définitivement révolu. Il est déjà remplacé par une approche beaucoup plus qualitative, en phase avec les attentes des médecins ». Appliquée depuis un an, la charte reconnaît, en effet, le rôle majeur du visiteur médical favorisant le bon usage, grâce à la qualité de l’information qu’il délivre aux médecins. Mais elle ne révolutionne pas, pour autant, le secteur. Les avis sont unanimes : « la qualité de la visite médicale était déjà imposée au sein des laboratoires », rappelle Pascal Le Guyader, directeur des affaires sociales du Leem. « La charte reprend 90 % des dispositions que le Leem avait établi, dès 2003, dans son référentiel des bonnes pratiques de la visite médicale. Son mérite est d’avoir mis en place un standard commun partagé par tous. » Les industriels confirment : « présenter aux médecins la place du médicament dans la pathologie et la stratégie thérapeutique, respecter les règles de la publicité comparative, l’utilisation d’études publiées… toutes ces dispositions était déjà pratiquées dès 2001-2002 », explique Jacques Cessot, directeur des opérations de «L PHARMACEUTIQUES _ MARS 2006 3/03/06 18:36 Page 47 47 © PHANIE DOSSIER VM 2 Sanofi-Aventis France. La charte n’a pas non plus modifié étudiants doivent être au minimum titulaires d’un bac +2 l’activité des visiteurs médicaux chez Pfizer, Schering(et non plus bac +1) afin de pouvoir suivre une formaPlough ou GSK, dont « le code de promotion interne est tion de visiteur médical. La durée de celle-ci s’est aussi alplus stricte que la charte », note son président, Christophe longée : six mois de théorie et trois à six mois maximum Weber. Toutefois, Francis Lemoine, directeur des ventes de stage. La formation scientifique et réglementaire est de Schering-Plough précise que « depuis la charte, plus cossue. Les délégués doivent ainsi être capable d’aldavantage de traçabilité est organisée en ler sur le terrain dès qu’ils sont diplômés. » termes de suivi des performances et des Si la charte ne bouleverse pas l’activité Le directeur connaissances des équipes de visite médes visiteurs médicaux, elle renforce les régional au centre missions du pharmacien responsable. Autre dicale ». Par ailleurs, deux dispositions du dispositif de la charte ont eu un impact notable. acteur dont les missions se sont accrues : L’interdiction faite aux visiteurs médicaux le directeur régional. « Le pharmacien resde distribuer des échantillons aux médecins et de mettre ponsable va devoir lui déléguer le pouvoir de contrôle sur en place des études et enquêtes auprès de ces derniers a l’information délivrée au médecin par son équipe. Le diété immédiatement appliquée par l’industrie. recteur régional doit ainsi être le garant de la conformité De son côté, le Leem n’a pas attendu la charte pour de la communication sur le terrain », explique Christian améliorer la qualité de la formation des délégués médiGarbarini, président de l’ADREV (Association des direccaux. Il a ainsi initié une réforme de la formation initiale, teurs de réseaux de visite médicale). «La charte a aussi inappliquée dès septembre dernier. « Depuis la rentrée, les duit un accroissement de sa charge administrative, MARS 2006 _ PHARMACEUTIQUES DOSSIER VM 2 3/03/06 18:36 Page 49 VISITE MÉDICALE, CONTROVERSES SUR LA CHARTE d o s s i e r 49 QUELQUES CHIFFRES notamment au niveau des budgets des relations professionnelles. Aujourd’hui, il doit vérifier de manière pointilleuse la conformité de l’utilisation de ces budgets de façon à ce qu’il n’y ait pas de débordements. Il doit aussi s’assurer de la bonne transmission au Conseil de l’Ordre de l’ensemble des autorisations, de la conformité des opérations… C’est un rôle qu’il avait déjà mais qui devient encore plus important. » 23 238 visiteurs médicaux 20% des emplois de l’industrie 19 200 sont employés par les laboratoires 4 038 par les prestataires 6 000 sont délégués hospitaliers 800 à 1 000 nouveaux VM sont embauchés chaque année 71% 29% Une population jeune 75% des VM ont moins de 45 ans -26 ans 3% + 46 ans 24% 35-45 ans 41% 26-35 ans 32% 55 000 médecins généralistes En moyenne, les généralistes reçoivent 6 VM par semaine et leur consacrent 1 heure 1/3 refusent de recevoir les VM La majorité ne limite pas les visites par laboratoire et déclare que la charte n’a pas d’impact sur la gestion des visites Echantillons Moyens de promotion du médicament (2004) La visite médicale en tête VM 69,6% SOURCE: LEEM, CRAM, CPNVM, IPSOS 3,1% Congrès 8,8% Presse médicale 8,8% Autres frais publicitaires 9,7% Dans l’attente d’une certification. La charte prévoit, par ailleurs, un référentiel de certification garantissant le respect de ses dispositions par les entreprises certifiées. Elaboré par la Haute Autorité de santé (HAS), ce référentiel se heurte, toutefois, à l’opposition du Leem. « Nous avons exprimé notre désaccord à la HAS en décembre dernier », confirme Pascal Le Guyader. « Nous souhaitons que le champ de la certification soit redéfini afin d’en exclure les points qui sont déjà contrôlés par l’inspection et la commission de la publicité. Par ailleurs, la HAS a calqué sa certification sur une norme ISO, ce qui est très lourd à mettre en œuvre en termes d’audit et de suivi des certificateurs. Nous souhaitons qu’elle soit établie sous des systèmes de “ bonnes pratiques ”, beaucoup plus légers. » Face à ces demandes, le Leem attend donc la réponse de la HAS. Et espère pouvoir reprendre les discussions sur des bases communes. De leur côté, les entreprises du médicament attendent elles aussi de savoir comment ce référentiel sera mis en œuvre et par qui il sera certifié. Elles sont donc, aujourd’hui, en train de créer leurs L’avenant est loin propres procédures. Comme de faire chez GSK qui reste toutefois critique par rapport au réfél’unanimité rentiel. « Pour que la situation se débloque, nous devons régler nos divergences de fond avec la HAS », affirme Christophe Weber. « Certains membres extrémistes sont contre la visite médicale, ce qui n’améliore pas le climat général. On ne peut pas créer un référentiel qui soit d’une lourdeur et d’une complexité exceptionnelle. » Chez Sanofi-Aventis, « nous soutenons le référentiel de certification car il va dans le sens de la qualité », affirme Jacques Cessot. « Nous nous y préparons déjà en interne en travaillant sur le processus de certification et en réfléchissant à l’amélioration des dispositifs de formation initiale et continue de nos visiteurs médicaux. » De même, chez Schering-Plough, la certification est une priorité. « Il a été dit que 80 % des process demandés par la certification existent déjà et méritent d'être améliorés », précise son directeur des ventes, Francis Lemoine. « Pour les 20 % restant, des groupes de travail ont été mis en place sous l’égide du pharmacien responsable. » Quant à l’avenant à la charte, signé en juillet dernier et visant à limiter la promotion dans certaines classes thérapeutiques, il est loin de faire l’unanimité. Chez GSK, la position prise vis-à-vis de l’avenant depuis septembre dernier est claire : « la visite médicale est indispensable à l’information des médecins. Or, l’avenant remet en cause sa légitimité en établissant un lien direct entre mauvais usage et visite médicale. C’est inadmissible », affirme Christophe Weber. « Par ailleurs, la mise en œuvre d’une MARS 2006 _ PHARMACEUTIQUES DOSSIER VM 2 3/03/06 18:36 Page 51 VISITE MÉDICALE, CONTROVERSES SUR LA CHARTE d o s s i e r 51 régulation quantitative est extrêmement délicate. Pour POINT DE VUE améliorer la qualité de la relation avec le médecin, nous préférons limiter les multi-réseaux », poursuit-il. Pour Sanofi-Aventis, la limitation quantitative prévue par l’avenant risque de déresponsabiliser le médecin. « Comme s’il n’était pas capable de décider du nombre de visiteurs qu’il doit recevoir ! C’est une atteinte à sa liberté personnelle », déclare Jacques Cessot. De même, chez Pfizer, l’avenant n’est pas bien accueilli. « Le corps médical aurait dû être impliqué dans cet avenant. Les mesures qu’il prévoit ne sont pas la meilleure façon de faire baisser les prescriptions de médicaments remboursés Limiter les et d’améliorer le bon usage des soins. Nous comprenons mal multi-réseaux comment l’avenant pourra être appliqué », constate Annick Pichavant Rudy, vice-présidente des ventes de Pfizer France, dubitative. Une fois mis en place, l’avenant pourrait-il induire une réduction des effectifs ? « La mise en œuvre de l’avenant sera concertée avec l’industrie. Elle ne devrait donc pas avoir de conséquences négatives sur l’emploi. En outre, les futurs départs à la retraite des directeurs régionaux devraient constituer une bulle d’air pour les visiteurs médicaux », précise Pascal Le Guyader. Peuton, par ailleurs, affirmer que la diminution des contacts se traduira par une baisse du nombre de prescriptions et donc, par une réduction des dépenses de santé ? « Rien n’est moins certain », soulignent plusieurs observateurs. « Mais une chose est sûre, lorsque le message délivré par nos délégués est objectif, il concourt au bon usage et aux économies de santé souhaitées par l’assurance maladie », note Pascal Le Guyader. Quel avenir pour les visiteurs médicaux ? Si de nouveaux moyens d’information se développent ( téléphone, Internet, FMC…), ils ne devraient pas, pour autant, supplanter la communication « présentielle » plébiscitée par les médecins. « Je reste persuadé que le face à face reste le meilleur moyen de communication », affirme Francis Lemoine, directeur des ventes de Schering-Plough. Christophe Weber, président de GSK, partage cet avis : « Le médecin généraliste, notamment, a besoin du délégué médical pour suivre l’évolution et les spécificités des 3 000 spécialités pharmaceutiques qu’il doit connaître ». Annick Pichavant Ruty est aussi très optimiste : « il sera beaucoup plus intéressant d’être délégué médical dans les dix années à venir. La charte est très valorisante. La visite médicale devrait se recentrer sur son cœur de métier : la visite face à face de qualité avec le médecin ». Si pour Pfizer et Schering-Plough, le seul moyen d’informer correctement le médecin reste le « présentiel », d’autres laboratoires tel Sanofi-Aventis développent de nouveaux vecteurs d’information. « Nous disposons de notre propre call center », affirme Jacques Cessot. « Ce type de service mis à disposition des médecins pour les informer sur nos médicaments est amené à se développer. » Chez Sanofi-Aventis, la visite médicale traditionnelle n’est pas le seul vecteur des activités promotionnelles. Et elle le sera encore moins dans les années à venir. « Nous allons former nos visiteurs médicaux à d’autres métiers. Nous développons actuellement plusieurs projets “ pilotes ” dans lesquels nos délégués diffusent de l’infor- NOËL RENAUDIN Président du CEPS « J’espère que la charte s’appliquera le plus tôt possible à l’hôpital » © DR malades s’améliore pour certaines maladies chroniques, cela ne va pas entraîner une diminution de la dépense ! Quels sont, selon le CEPS, les premiers acquis visibles et notables de la charte ? La distribution directe d’échantillons par les visiteurs médicaux et les nouveaux recrutements de médecins par ces derniers pour des études de phase IV se sont manifestement interrompus. Les responsabilités confiées par la charte au pharmacien responsable ont déjà entraîné, dans un grand nombre d’entreprises, des modifications dans leur organisation. Par ailleurs, il est trop tôt pour évaluer l’impact de la charte sur la réduction de la dépense de médicaments. De toute façon, l’objet direct et principal de la charte n’est pas de réduire la dépense de médicament mais d’en améliorer l’usage. Et cela peut aussi bien entraîner une diminution qu’une augmentation des dépenses. Si grâce à l’information délivrée par la visite médicale, l’observance des Dans la charte, on peut lire : « Le CEPS peut tenir compte d’efforts spécifiques d’une entreprise en matière de présentation de médicaments ». Comment cette récompense se manifestera-t-elle ? On verra ! Elle pourra, par exemple, être liée au système de remise. Devrait-on adopter une mesure favorisant la présentation des classes les moins présentées ? Je ne pense pas que ce soit possible. L’administration ne pourra pas interférer à ce point dans la stratégie des entreprises. Sur quelles classes souhaiteriez-vous que les visiteurs médicaux insistent davantage auprès des médecins ? Nous aimerions qu’ils insistent sur les classes pas chères dont ils ne parlent plus parce qu’il n’y a plus ou presque plus de brevets. Ils ne parlent presque plus des IEC aux médecins. Aujourd’hui, la charte ne concerne que les médecins de ville. Quand devrait-elle être appliquée aux visiteurs médicaux hospitaliers ? Le plus tôt possible, je l’espère. MARS 2006 _ PHARMACEUTIQUES DOSSIER VM 2 3/03/06 18:36 Page 53 VISITE MÉDICALE, CONTROVERSES SUR LA CHARTE d o s s i e r 53 mation sur nos médicaments de façon différente de la visite médicale traditionnelle », poursuit Jacques Cessot. « A la fois par les moyens qu’ils utilisent et par les cibles qu’ils visitent, médicales ou non médicales (infirmières, pharmaciens…). Nous envisageons ainsi d’aborder différemment les professionnels de santé dans les années qui viennent. Nos visiteurs médicaux s’y préparent ». Sanofi-Aventis développe ainsi de nouveaux services pour les médecins, proposés notamment par la visite médicale. Exemple : « si les propositions de FMC élaborées par l’industrie pharmaceutique et ne concernant pas les produits eux-mêmes sont accréditées, les délégués médicaux auront un rôle à jouer en proposant aux médecins de bénéficier de ces modules ». Enfin, l’apparition des délégués d’assurance maladie (DAM, voir notre article par ailleurs) change la donne pour les visiteurs médicaux, notamment lorsqu’ils présentent un produit qui entre dans le champ de l’activité des DAM. « Le lien entre le prix du traitement et le risque de perte de chances est alors abordé par les visiteurs médicaux. Si un médicament présente par exemple un bénéfice supplémentaire de 20 % pour le patient mais coûte 50 % plus cher, de quel droit l’assurance maladie peut-elle faire pression sur les médecins pour qu’ils prescrivent le moins cher des deux médicaments ? C’est au médecin de décider s’il souhaite ou non le prescrire pour un bénéfice clinique plus important. Le visiteur médical est alors dans une discussion centrée sur le bon usage du médicament et son bénéfice comparé à son coût », conclut Jacques Cessot. ■ HÉLIA HAKIMI La charte vue par les prestataires « Il y a 25 ans, la prestation représentait 5% de l’effort de visite médicale des laboratoires. Je suis persuadé qu’elle en représentera 35 % dans cinq ans. La charte nous y aide : elle nous a obligé à améliorer la qualité de notre prestation », affirme Marc-Henri Boy, président de MBO et de l’OPPSIS*. Jacques Saliba, directeur général de CL Innovation, partage cet avis. « La charte est une opportunité de professionnaliser et crédibiliser davantage la prestation. » Toutefois, les prestataires n’ont pas attendu pour offrir un service de qualité. «Nous avions anticipé les obligations de formation, de validation et de certification ». Chez GTF, « cela n’a pas bouleversé l’activité », note Gérard Sinabian. Toutefois, pour Marc-Henri Boy, « elle a renforcé le lien entre le pharmacien responsable et les VM. Et amélioré le suivi, l’évaluation et le contrôle de la formation des équipes. » Chez GTF, «des formations médicales, de pharmacovigilance et d’environnement professionnel ont lieu deux fois par an ». CL Innovation a même mis en place des modules à la carte et créé en interne un service de validation et de certification de tous ses réseaux. Cider Santé a aussi beaucoup investi pour la formation de ses délégués médicaux et directeurs régionaux, précise son président du conseil de surveillance, Nanoue Belaval. Pour sa part, MBO, possède sa propre école de VM, MBO Institut. « De plus en plus de clients préfèrent nous sous-traiter la formation», explique Marc-Henri Boy. Enfin, une chose est sûre, la prestation de service devra s’internationaliser. Une réflexion bien entamée chez Cider Santé, racheté par Pharmexx, et chez MBO, qui, avec Innovex et Quintiles, fait partie d’un groupe de prestation international. * Organisation professionnelle de la prestation de service aux industries de santé. TROIS QUESTIONS À… DR ROBERT DAHAN, président ET MARYSE GONNORD, directeur des opérations commerciales, AstraZeneca France La charte est appliquée depuis un an. Quel a été son impact sur l’activité de vos visiteurs médicaux ? R.D. : La charte a rappelé les règles qui s’imposaient à nous depuis longtemps. Elle n’a donc pas bouleversé notre activité de visite médicale. Dès 2001/2002, nous avons systématiquement évalué la qualité des connaissances et de la communication de l’ensemble de nos visiteurs médicaux. Notre laboratoire a continué sa démarche qualité de manière indépendante. Nous avons donc décidé il y a plus d’un an, de nous engager dans une démarche de certification ISO 9001 de notre centre de formation. Ce dernier va être astreint à obéir à un certain nombre de critères de qualité vis-à-vis des visiteurs médicaux. Nous venons d’obtenir cette certification. M.G. : Cette certification est un process qui décrit exactement ce que nous faisons, du stage de formation initiale du délégué médical, jusqu’à la qualité du message qu’il délivre chez le médecin. Que pensez-vous du dispositif expérimental de limitation des fréquences des visites pour certaines classes thérapeutiques prévu par l’avenant ? R. D. : Je ne comprends pas pourquoi les laboratoires seraient empêchés de faire massivement de la qualité. A mon sens, seul le médecin peut et doit réguler la fréquence à laquelle il souhaite être visité. Ma politique a toujours été d’adapter les forces vives aux besoins. Seul le besoin doit déterminer la structure d’une entreprise et le nombre de collaborateurs qui y travaillent. Je ne vois pas aujourd’hui ce qui pourrait m’amener à modifier de façon sensible et notable l’organisation d’AstraZeneca. Comment percevez-vous l’avenir et l’évolution des visiteurs médicaux en France ? Etes-vous optimiste ? R. D. : L’ambiance actuelle de dénigrement du métier de visite médicale est inconsidérée et insupportable. Le visiteur médical a un difficile et beau métier. Même si d’autres moyens d’information se développent, il restera l’interlocuteur privilégié des médecins. Informer et promouvoir ne pourront se concevoir que dans une dynamique de qualité de l’information délivrée. Celle-ci est partagée par l’ensemble des métiers de l’industrie pharmaceutique. MARS 2006 _ PHARMACEUTIQUES DOSSIER VM 2 3/03/06 18:36 Page 56 56 d o s s i e r ASSURANCE MALADIE AU BONHEUR DES DAM ? 690 délégués de l’assurance maladie (DAM) visitent depuis près de 18 mois l’ensemble des 252 000 professionnels de santé implantés sur le territoire. Au regard des différents avis formulés, les DAM semblent satisfaire une grande majorité de médecins et de pharmaciens, un certain nombre d’ajustements susceptibles d’améliorer la communication devant être encore apportés. Bilan et témoignages. —————— u point de vue du ressenti, l’accord courant de l’année 2005, pour informer médecins et pharconventionnel relatif au parcours de soins maciens de la conduite à tenir en vue de « promouvoir la et à la maîtrise médicalisée des dépenses réduction des prescriptions inappropriées, particulièrede santé a fait l’objet de nombreuses supment coûteuses pour le régime général des assurés ». putations au sein du corps médical. Dans ce contexte empreint d’incertitudes, les délégués de l’assurance maladie Un projet ambitieux. Depuis le 12 janvier 2005 et la ont globalement bénéficié d’un bon accueil auprès des signature de la nouvelle convention médicale entre praticiens et ce en dépit des inquiétudes suscitées par le l’UNCAM et les principaux syndicats médicaux représencôté inquisiteur de la démarche. Ceci étant dit, ces rentatifs (CSMF, SML et Alliance), les DAM ont d’ores et déjà contres doivent néanmoins évoluer vers le développerencontré « au moins une fois » l’ensemble des médecins ment d’une information plus pédagogique à l’attention (généralistes et spécialistes libéraux confondus) pour leur des prescripteurs ». En substance, les proen présenter les modalités. Outre les précisions pos du Dr Dinorino Cabrera, président du concernant le parcours de soins, ils les ont plus Bon accueil syndicat des médecins libéraux (SML), résugénéralement informés sur les six thèmes auprès des ment pratiquement à eux seuls la tendance conventionnels de maîtrise médicalisée des générale. Mis en place en septembre 2004, les dépenses. Ce programme chiffré en termes praticiens DAM ont depuis vocation à délivrer une ind’objectifs quantifiés (-5 points sur les presformation individuelle et personnalisée des criptions par item sélectionné) et traduit en actions entreprises par la direction nationale des Caisses termes d’économies attendues (998 millions d’euros d’ici aux 252 000 professionnels de santé conventionnés. à 2007) concerne, en premier lieu, les affections de longue Concrètement, leur rôle consiste à les éclairer sur les durée (respect de la réglementation concernant le remproduits et services de l’assurance maladie, tout en faciboursement de soins sans rapport avec les ALD prises en litant leurs relations administratives avec la caisse pricharge à 100%), les arrêts de travail (limitation des presmaire. Selon Emmanuel Gomez, responsable du départecriptions et de la durée), les statines (limitation du monment des opérations de gestion du risque (DOGR) de la tant des dépenses remboursées), les antibiotiques (diCNAMTS, les DAM ont d’abord cherché, en 2004, à « exminution significative de leur prescription), les pliciter le contenu des accords conventionnels (bon anxiolytiques/hypnotiques et les génériques (augmenusage du médicament, référentiels de bonnes pratation de leur prescription et de leur délivrance). Pour metiques) ». Par la suite, ces derniers sont intervenus, dans le ner à bien cet ambitieux projet visant à atteindre l’équi- «D PHARMACEUTIQUES _ MARS 2006 DOSSIER VM 2 3/03/06 18:36 Page 57 © BSIP 57 libre des comptes à l’horizon 2007, trois vagues successives de visites ont eu lieu l’année dernière (avril-juin, juin-août, septembre-novembre). A titre d’exemple, 28 749 médecins ont été rencontrés dans la seule région Ile-de-France, soit 9 583 visites par vague. Absence de concret. Au dire du Dr Cabrera, « le contenu de l’entretien répondrait globalement aux attentes des médecins ». Ce dernier posant, malgré tout, la question de « la périodicité des rencontres et de l’absence de concret réel dans la communication ». « L’idée est loin d’être stupide mais elle reste à parfaire », surenchérit-il. Dans cette optique, l’assurance maladie compte sur ses 690 délégués pour faire remonter réactions et propositions en provenance des professionnels du secteur. En vue d’évaluer l’impact de ces échanges et d’adapter son discours, un questionnaire d’évaluation individuel est distribué à l’issue de chaque entretien. Lucien Rico, médecin généraliste à Nice, en témoigne. « A la lecture des chiffres m’ayant été présentés, je peux affirmer que ces rencontres sont majoritairement considérées comme bénéfiques par la grande majorité de mes confrères. A mon niveau, je suis amplement satisfait de cette discussion à laquelle j’attribue la mention de quasi-confraternelle. Au-delà, des informations de base qui m’ont été livrées, j’ai obtenu les renseignements que je souhaitais. En matière de prescription, j’ai par exemple pu observer ma courbe personnelle en comparaison de la courbe moyenne dans l’ensemble du département ». S’il n’a toujours pas, pour l’heure, reçu la moindre visite d’un DAM dans son cabinet situé dans l’Essonne, Jacques Henry Gulié estime à contrario que « les Caisses ont suffisamment communiqué à ce sujet ». 25 jours de formation spécifique A l’heure actuelle, l’assurance maladie compte 690 délégués dans ses rangs. Répartis dans les 132 Caisses existantes (Dom-Tom y compris) en fonction du nombre de professionnels de santé installés dans chaque zone, ces DAM ont reçu une formation de base leur permettant notamment de répondre aux attentes des médecins et des pharmaciens. Concrètement, ces sessions de formation, disponibles à la demande, sont respectivement axées sur la maîtrise médicalisée des dépenses (limitation des prescriptions inappropriées) et les techniques d’entretien. L’ensemble des participants effectuant notamment une mise à niveau des connaissances relatives à la démarche marketing (prise de rendez-vous, compte-rendu, démarchage, relationnel). Par ailleurs, une formation had hoc, plus technique, se propose d’éclairer les DAM au sujet des particularités du parcours de soins, des différents outils mis en place par le régime général des assurés, ou encore des formulaires « questions-réponses » distribués à l’issue de chaque entretien. A noter également qu’un processus de professionnalisation spécifique a été instauré fin janvier 2006. Au total, 25 jours de formation au rythme de 5 journées par mois sont nécessaires. Durant ce laps de temps, le droit médical, l’économie de la santé, la manipulation des données statistiques, la convention ou encore la maîtrise du langage médical, y sont abordés. Selon le responsable du département des opérations de gestion du risque (DOGR) de la CNAMTS, Emmanuel Gomez, cette initiative va « s’installer dans la durée » et sera reconduite « dès le mois de juillet ». A terme, cette démarche ambitionnant de créer un lien « dans sa dimension humaine » entre le professionnel du secteur et l’assurance maladie, doit permettre de former plus de 250 DAM d’ici à la fin 2006. MARS 2006 _ PHARMACEUTIQUES DOSSIER VM 2 3/03/06 18:36 Page 59 ASSURANCE MALADIE d o s s i e r 59 Par ailleurs, ce dernier ne voit pas de « différence fondamentale » entre « les DAM et les médecins-conseils » avec lesquels il juge « plus intéressant de s’entretenir du fait de leurs connaissances pointues sur ce segment ». contre devrait concerner en priorité les officinaux qui ne substituent pas suffisamment. « Pour ma part, je me situe actuellement aux alentours de 63 %, soit légèrement hautdessus de la moyenne nationale. De ce fait, la simple présentation de statistiques faisant état du niveau de délivrance 70 % de génériques. En vertu de l’accord conclu entre des génériques, molécule par molécule, par rapport à l’enl’UNCAM et les syndicats représentatifs des pharmaciens semble de la région, ne confère pas un caractère primord’officines (USPO, FSPF, UNPF), le 6 janvier dernier, dial à la teneur de ces échanges. D’autant qu’à titre perl’objectif de pénétration des génériques a été sonnel, je suis entièrement convaincu du fixé à 70 % du répertoire d’ici à décembre 2006 bien-fondé de la substitution dans l’intérêt (avec un pré-objectif de 66 % à la mi-juin). 151 000 visites de tous ». Malgré tout, il dit apprécier « la déCompte tenu du fort potentiel d’économies remarche » des délégués de l’assurance malapour 2005 présenté par ces médicaments lors des deux die visant à « attirer l’attention des officinaux prochaines années (soit 700 millions d’euros sur certaines classes thérapeutiques pour lessur la période), une liste de 20 molécules à subquelles les estimations sont largement en stituer en priorité a été dressée. Y figurent notamment le dessous des objectifs délimités conventionnellement ». Au Prozac® (fluoxétine), le Di-Antalvic® (dextropropoxynom de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, phène-parcétamol), le Mopral® (oméprazole), l’Elizor® les DAM auront tout de même effectué près de 151 000 vi(pravastatine), le Zocor® (simvastatine) ou encore le Stilsites (80% de médecins, 20% de pharmaciens) sur la seule nox® (zolpidem). Conscients du chemin qui reste à parannée 2005 renforçant, de facto, la concertation des accourir, les DAM se rendent donc « régulièrement » dans les tions entre l’assurance maladie et l’ensemble des profesofficines comme le souligne Daniel Brocher, pharmacien sionnels de santé. ■ JONATHAN ICART dans les Bouches-du-Rhône. A ses yeux, ce type de ren- TROIS QUESTIONS À… CHRISTIAN JEAMBRUN, vice-président du Syndicat des médecins libéraux © DR « Les caisses doivent mettre l’accent sur les formes» Avez-vous perçu un quelconque changement dans vos relations avec l’assurance maladie depuis que les DAM viennent vous rendre visite ? En qualité de spécialiste en médecine physique, je n’ai pas reçu la moindre visite d’un DAM depuis leur création en septembre 2004. Cependant, ces derniers font l’objet de nombreuses discussions à la commission paritaire locale des Pyrénées Atlantiques que je dirige. D’une manière générale, les délégués de l’assurance maladie satisfont relativement bien les attentes des médecins en matière d’informations relatives au parcours de soins ou au programme de maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Certaines précisions étant nécessaires de ce point de vue tant ces mesures sont plus complexes qu’elles n’y paraissent. Malgré tout, plusieurs confrères s’estiment parfois gênés dans leur travail. Lorsqu’en un trimestre, vous recevez 5 courriers des Caisses sur les ALD, les informations plus largement distribuées sur les statines, 3 appels téléphoniques de l’assurance maladie, la visite d’un DAM et, à l’occasion, d’un médecin conseil, vous ne pouvez pas assurer correctement votre exercice quotidien. Il faudrait donc essayer de limiter, dans certains cas, le nombre de visites. Pour quelles raisons, certains médecins (généralistes et spécialistes libéraux) sont-ils plus sollicités par les DAM ? Les praticiens les plus « visités » sont naturellement ceux qui émergent des statistiques du fait de leur activité soutenue. A ce titre, les Caisses sont plus attentives aux comportements de certains médecins. Malheureusement, la volonté d’obtenir des résultats (objectifs quantifiés, économies attendues) dans les six thèmes d’engagement retenus (les ALD, les arrêts de travail, les prescriptions statines, les antibiotiques, les anxiolytiques/hypnotiques, et les génériques) conduit la direction nationale des Caisses à mettre la pression sur les gros prescripteurs. Quelles évolutions susceptibles d’améliorer la communication entre prescripteur et assurance-maladie, pourraient être apportées ? Dans un premier temps, il faudrait consolider la concertation entre la direction des caisses et les syndicats signataires de la convention (CSMF, SML, et Alliance) pour un partage plus important des décisions de chaque caisse à l’attention des médecins. De leur côté, les prescripteurs réclament également qu’un soutien, à la fois logistique quant à l’application du parcours de soins et pédagogique au sujet de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, leur soit apporté. Cette initiative, louée par la grande majorité de mes confrères, constitue un élément novateur dans la vie de notre convention. Néanmoins, les caisses doivent encore adapter leurs discours et mettre l’accent sur les formes. MARS 2006 _ PHARMACEUTIQUES