Nouveautés diagnostiques pour les hémopathies malignes

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Nouveautés diagnostiques pour les hémopathies malignes
C ompte rendu
doi:10.1684/hma.2014.0937
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Nouveautés diagnostiques
pour les hémopathies malignes :
lymphocytes B matures
Alexis Talbot
Service anatomie et cytologie
pathologiques, hôpital Necker-Enfants
malades, Paris
Caractérisation phénotypique et
fonctionnelle des cellules myéloïdes
suppressives (MDSC) dans le lymphome
diffus à grandes cellules B (DLBCL)
Imane Azzaoui, Fabrice Uhel, Delphine Rosille, Karin Tarte, Thierry Fest,
Mikael Roussel (Rennes)
es lymphomes B diffus à grandes
cellules (DLBCL) ont pour caractéristique les distinguant des autres
lymphomes une augmentation du
nombre de cellules myéloïdes circulantes, notamment les monocytes et
les histiocytes. Lenz et al. [1] ont montré en analyse d’expression génique
que le microenvironnement, et
notamment l’infiltration histiocytaire
sont impliqués dans la survie après
traitement ainsi que les gènes liés à
l’angiogenèse. D’autres auteurs ont
montré l’impact pronostique des
monocytes circulants en utilisant le
ratio des lymphocytes sur monocytes
[2, 3]. Plusieurs études françaises
sont venues confirmer ces résultats :
la cohorte GAINED du Lysa et l’étude
transcriptomique sur sang total réalisée sur la cohorte 075 du GOELAMS.
Les cellules myéloïdes suppressives
(MDSC) forment un groupe hétérogène de cellules progénitrices de
type myéloïde ayant un rôle immuno-
L
<[email protected]>
Hématologie
Tirés à part : A. Talbot
suppresseur. Plusieurs sous-types de
MDSC ont été étudiés dans diverses
pathologies [4, 5] mais peu d’études
sur les MDSC dans les DLBCL.
Les hypothèses quant au rôle de ces
cellules dans la lymphomagenèse des
DLBCL sont multiples [6] (figure 1) :
suppression de la réponse lymphoïde T,
effet pro-angiogénique, modulation
de la production de cytokines par les
macrophages, rôle dans l’apoptose
des cellules T, suppression de l’activité
NK.
L’équipe de Mickael Roussel a entrepris
d’étudier le compartiment myéloïde
circulant sur le plan phénotypique et
fonctionnel dans les DLBCL de novo
chez les patients de 18 à 70 ans : 45
patients et 33 témoins ont été inclus :
les auteurs ont retrouvé un taux
de cellules phénotypiquement caractéristiques de MDSC (MDSC1,
MDSC2, MDSC3, MDSC4 et
mono CD14+16+) plus élevé dans
le sang des patients par rapport
Pour citer cet article : Talbot A. Nouveautés diagnostiques pour les hémopathies malignes : lymphocytes B matures. Hématologie 2014 ;
20 : 13-17. doi : 10.1684/hma.2014.0937
Hématologie
vol. 20 n° supplement 4, mai 2014
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MDSC : mécanismes d’action
Recrutement MDSC
S100A9
S100A8
Développement
treg
Inhibition
différentiation
DC
A9
00
S1
RAGE
MDSC
STAT3
TGF-b
STAT6
Blocage
activité
NK
STAT1
NO
C/EBPb
HIF-a
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MYD88
...
Perte du TCR zéta
Tim-3
Gal-9
Privation arginine et tryptophane
par IDO et arginase I
Apoptose
cellule T
IL-10
Nitrosylation (NO)
CCL2
Arrêt
prolifération T
Inhibition
recrutement T via CCR2
Ratio IL-10/IL-12
macrophage
D’après gabrilovich et al, nat rev immunol, 2012
Activation
effecteur T
Figure 1. Mécanismes d’immunosuppression des MDSC [6]
MDSC1
∗∗
20 000
MDSC2
∗∗
400
200
10 000
10 000
100 µl
100 µl
300
5 000
1 000
0
Tem
DLBCL
Tem
DLBCL
50 000
40 000
10 000
30 000
100 µl
5 000
100 µl
50
40
30
20
10
0
MDSC4
MDSC3
∗∗∗
15 000
100
1 000
800
20 000
10 000
5 000
600
400
200
0
0
Tem
DLBCL
Tem
DLBCL
Figure 2. Taux de cellules MDSC circulantes par 100 µl de sang de patients DLBCL comparativement à des témoins sains (analyse en cytométrie
en flux).
14
Hématologie
vol. 20 n° supplement 4, mai 2014
Nouveautés diagnostiques pour les hémopathies malignes : lymphocytes B matures
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aux témoins (analyse par CMF, figure 2). En revanche les lymphocytes, les éosinophiles, les basophiles
et les monocytes CD14 low CD16+ sont diminués.
Ces résultats sont spécifiques aux DLBCL. L’étude de la
prolifération des cellules T issues du sang des patients
DLBCL montre que les MDSC circulantes ont une activité
suppressive. Leurs mécanismes d’action sont étudiés par
analyse transcriptomique sur PBMC ; les gènes impliqués
dans l’homéostasie des cellules T sont sous-exprimés
(ex. : CD4, CD3zeta…). En revanche, les gènes impliqués
dans l’activité suppressives des MDSC sont surexprimés
(ex. : S100A9, S100A12, ARG1).
Enfin, le dosage plasmatique cytokinique des patients
retrouve une élévation de l’IL-10, cytokine immunosuppressive mais également du CD163 soluble, du TNFα et IL-6.
Il existe donc une augmentation des MDSC circulantes
dans les DLBCL étudiés. Ces cellules ont une action immunosuppressive. L’impact de ces observations sur le pronostic reste encore à démontrer que ce soit au diagnostic ou lors du suivi. Par ailleurs, des travaux sont encore
nécessaires pour démontrer que ces cellules sont bien infiltrantes au niveau des tumeurs ou des organes lymphoïdes
dans ce contexte, et pour étudier les interactions entre les
MDSC et les autres acteurs du microenvironnement.
Mutations activatrices dans les lymphomes diffus à grandes cellules :
description et implications cliniques
Élodie Bohers, Sylvain Mareschal, Abdelilah Bouzelfen, Vinciane Marchand, Philippe Ruminy, Catherine Maingonnat,
Anne-Lise Ménard, Pascaline Etancelin, Philippe Bertrand, Christian Bastard, Hervé Tilly, Fabrice Jardin (Rouen)
Les lymphomes B diffus à grandes cellules représentent
entre 30 et 40 % des lymphomes non hodgkiniens de
l’adulte. Ils sont hétérogènes par leurs caractères histologiques, génétiques et pronostiques.
Il est possible d’individualiser deux sous-types principaux,
notamment par le profil d’expression génique : les DLBCL
GCB (germinal center B-cell like) et les ABC (activated
B-cell like). Cette distinction a un impact pronostique
puisqu’il est démontré que les DLBCL GCB ont un meilleur
pronostic que les ABC [7].
Dans les GCB, les gènes mutés interviennent fréquemment dans la régulation épigénétique (ex. : EZH2 mutation
Y641 augmentant la triméthylation de l’histone H3), dans
les ABC il s’agit préférentiellement des gènes impliqués
dans la voie NF-kB.
Dans une cohorte de 161 DLBCL (77 ABC, 62 GCB et 22
intermédiaires) le statut mutationnel de cinq gènes principaux a été analysé par méthode Sanger :
- MYD88 est retrouvé muté dans 19 % des DLBCL : 31 %
des ABC, 9,7 % des GCB (p = 0,003). La mutation L265P,
située dans le domaine TIR et conférant un gain de fonction, est la plus fréquente [8] ;
- CARD11 [9] est muté dans les trois sous-types de manière
non préférentielle : 11 % des DLBCL, 3,5 % des ABC,
11 % des GCB et 23 % des intermédiaires ;
- CD79A et CD79B : 6,5 % des DLBCL sont mutés pour
CD79A uniquement dans les ABC, 5,6 % des DLBCL sont
mutés pour CD79B : 9 % des ABC, 1,6 % des GCB et 4,5 %
des intermédiaires. Pour CD79B il s’agit le plus souvent de la
mutation Y196 aboutissant à un gain de fonction par réduction de régulation négative par la kinase Lyn [10] ;
- EZH2 : 12 % des DLBCL sont mutés : 24 % des GCB,
3,9 % des ABC et 9 % des intermédiaires.
Dans cette étude, 38 % des DLBCL ont au moins une
mutation sur les cinq gènes testés (MYD88, CARD11,
CD79A/B, EZH2) : 42 % des ABC, 35 % des GCB et
32 % des intermédiaires. Dans 12 % des cas il est retrouvé une double mutation sur deux gènes différents. Il
n’a pas été observé de cas avec plus de deux mutations
sur ces gènes.
Il existe des associations préférentielles : MYD88 (L265P)
avec CD79A/B dans les ABC et EZH2 avec CARD11 ou
MYD88 (différent de L265P) dans les GCB.
Les mutations des gènes de la voie NF-kB sont plus
fréquentes dans les ABC mais non exclusives, ABC : 39 %,
GCB : 23 %, p = 0,04.
Vingt-sept échantillons ont pu être analysés à la rechute
de la maladie. Toutes les mutations présentes au diagnostic l’étaient également à la rechute. Il n’a pas été retrouvé
de nouvelle mutation à la rechute.
Excepté pour l’âge (plus élevé chez les patients avec la
mutation MYD88) il n’existe pas de corrélation entre
la présentation clinique et biologique des patients au
diagnostic (IPI, LDH, Stade Ann Arbor…) et le profil
mutationnel [11].
Au niveau clinique, seuls les patients ayant reçu une
combinaison rituximab et chimiothérapie ont été analysés. Comme décrit dans la littérature, le profil GCB est
de meilleur pronostic que le profil ABC. De plus, la mutation des gènes impliqués dans la voie NF-kB confèrerait un pronostic encore plus défavorable parmi les ABC
(figure 3).
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15
100
Survie globale (%)
80
60
40
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Mutation NFKB (ABC)
20
WT (24)
MT (19)
P = 0,0337
0
0
10
20
30
40
50
60
Temps (mois)
Figure 3. Courbe de survie globale des DLBCL ABC selon le statut mutationnel des gènes de la voie NFκB.
Avec des techniques plus sensibles, le taux de mutations
dans les DLBCL devrait être plus élevé. L’objectif serait de
personnaliser la prise en charge thérapeutique en fonction
des profils mutationnels du lymphome.
MicroARN et lymphome folliculaire : une signature originale
des cellules tumorales en lien avec les variations d’expression
du transcriptome
Aurélie Decaux, Gersende Caron, Karin Tarte, Thierry Fest, Céline Pangault (Rennes)
Les cellules du lymphome folliculaire (LF) dérivent du centre germinatif. Le réarrangement Bcl2 /IgH a un rôle précoce important auquel s’ajoute des altérations secondaires
qui confèrent à la cellule tumorale un avantage de survie
[12].
Les miARN sont des petits ARN non codants de 21 à
25 nucléotides agissant comme des régulateurs posttranscriptionnels en réprimant l’expression génique [13].
L’importance du rôle des miARN dans la différenciation lymphocytaire normale [14, 15] et tumorale [16] est
aujourd’hui connue.
Le travail de l’équipe de Rennes a pour objectif, d’une
part, de caractériser le profil miARN dans la différenciation lymphocytaire B tardive et, d’autre part, de mieux
comprendre les mécanismes fonctionnels de dérégulation dans le LF par la mise en évidence d’une signature
miARN des cellules tumorales intégrée aux données
transcriptomiques.
16
Des échantillons de LF (n = 6) et d’amygdales saines
(n = 6) ont été triés par cytométrie de flux, l’ARN total
extrait des différentes populations cellulaires a servi, d’une
part, à établir leurs transcriptomes et, d’autre part, leurs
miRNomes [17, 18].
Les centrocytes non tumoraux et les cellules tumorales du
LF ont une signature identifiable propre et sensiblement
différente dans les deux approches (miRNA et transcriptomique)
L’analyse du miRNome (FDR p < 0,05) montre que 49 miARN sont significativement différents entre les centrocytes
et les cellules du LF : 14 % sont surexprimés et 86 % sousexprimés dans le LF.
Plus de 70 % des miARN significativement surexprimés
dans le LF appartiennent aux familles des miARN 26 et 29
(résultats validés par qRT-PCR).
Plus de 20 % des miARN significativement sous-exprimés
dans les cellules du LF appartiennent au cluster 17-92.
Hématologie
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8
PI3K
miR-29
FL
_L
N
4
CC
Signal affy_log2
∗∗
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C-MYC
miR
17-92
PTEN
AKT
E2F1
EZH2
miR-26
HDAC3
CCND2
Juan L, Cancer Res, 2011
Gao, Oncol Letter, 20111
mTOR
NFKB
Antiapoptotique
Survie
cellulaire
Figure 4. Implication des miR-26, miR-29 et cluster 17-92 dans la voie PI3K/AKT.
8. Ngo VN, Young RM, Schmitz R, et al. Oncogenically active MYD88 mutations in human lymphoma. Nature 2011 ; 470 : 115-9.
Ces résultats sont d’autant plus intéressants qu’il a été montré dans d’autres cellules que ces deux miRNA 26 et 29 peuvent jouer un rôle dans la voie PI3K/AKT [19] (figure 4). Ainsi
ces miRNA pourraient être impliqués dans la prolifération et
la survie des cellules LF, ce qui fait l’objet de travaux en cours.
10. Davis RE, Ngo VN, Lenz G, et al. Chronic active B-cell-receptor signalling in
diffuse large B-cell lymphoma. Nature 2010 ; 463 : 88-92.
Conflits d’intérêts : Aucun.
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of activated B-cell like subtype among de novo diffuse large B-cell lymphoma
increases with age. Haematologica 2011 ; 96 : 1888-90.
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