Le point sur les écrans de télévision et les séquences vidéo des

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Le point sur les écrans de télévision et les séquences vidéo des
Épilepsie et photosensibilité
Épilepsies 2008 ; 20 (3) : 175-8
Le point sur les écrans
de télévision et les séquences
vidéo des dessins animés
Dominique Parain, Axel Lebas
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017.
Service de Neurophysiologie, Centre Hospitalier Universitaire 76000 Rouen
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Les premières crises d’épilepsie devant un écran de télévision ont été rapportées en 1962. L’événeRésumé.
ment le plus médiatisé a été l’hospitalisation de 700 enfants japonais pour malaise alors qu’ils regardaient le même
feuilleton, « Pokemon monster ». Nous décrivons les bases physiques des différents écrans de télévisions ou
ordinateurs et le rôle de certaines images. Les nouvelles technologies d’écran semblent avoir diminué l’incidence de
ces crises visuellement induites.
Mots clés : photosensibilité, écran de télévision, jeux vidéo
Abstract.
TV screens (CRT and others) and particular cartoon video sequences
The first epileptic seizures before TV screen have been described in 1962 and the most famous event has been the
hospitalistion of 700 japan children for a fit while they were viewing the same cartoon, Pokemon monster. We
describe the physical basis of the different types of television or computer screen and the role of some images. The
new technologies of the screen seem to be associated to a decrease in prevalence of visually induced seizures.
doi: 10.1684/epi.2008.0172
Key words: photosensitivity, TV screen, video-games
Depuis ces dernières décennies, notre environnement s’est enrichi progressivement de
différents types d’écrans : écrans de télévisions,
écrans d’ordinateurs, écrans de téléphones mobiles ou de jeux vidéo portables. La technologie
des écrans s’est également diversifiée. Sur les
écrans s’affichent des images avec des caractéristiques particulières. La conjonction des caractéristiques physiques des écrans et de certains types d’images peut être un facteur
déclenchant de crises visuellement induites ou
plus simplement de décharges de pointe-ondes
diffuses à l’EEG (photosensibilité).
Gastaut et al. ont été les premiers à décrire
en 1962 une série de 35 patients qui avaient des
crises alors qu’ils regardaient la télévision et un
grand nombre d’entre eux présentaient une
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photosensibilité. Harding et Harding (1999)
ont pour la première fois, rapporté qu’un
feuilleton américain dénommé « Captain
Powers » avec de nombreuses images de tirs et
d’explosions a entraîné une crise chez un jeune
garçon. En 1993, une publicité anglaise « Golden wonder, pot noodle » a entraîné des crises
chez 3 personnes dès sa sortie. Cet événement a
conduit l’Independant Television Commission à
émettre des recommandations concernant les
caractéristiques d’images produites par les télévisions commerciales pour éviter au maximum
ce type d’événement.
Enfin, l’épisode le plus spectaculaire a eu
lieu au Japon : en 1997 (Fylan et Harding,
1997), environ 700 enfants en âge scolaire ont
été hospitalisés pour un tableau associant
Épilepsies, vol. 20, n° 3, juillet, août, septembre 2008
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D. Parain, A. Lebas
convulsions, vomissements, troubles de conscience, alors qu’ils
regardaient un dessin animé intitulé « Pokemon Monster ».
Cette émission, d’environ 1 heure, montrait une succession
d’images très lumineuses, intermittentes, avec comme point
culminant une bombe qui explose et qui se présente à l’écran
sous la forme d’une succession de lumières très intenses avec
une alternance de bleu et de rouge (les extrémités du spectre
visuel), à 5 Hz et occupant tout l’écran.
Dans un premier temps, nous allons décrire les principes
physiques des différents écrans et montrer pourquoi certains
sont plus épileptogènes que d’autres, et dans un deuxième
temps, discuter du rôle des images et de leurs risques éventuels
selon le type d’écran sur lesquelles elles sont projetées.
Les écrans de télévisions plasma
Les différents types d’écran
Influence des images
Les écrans de télévisions et d’ordinateurs à tube
cathodique (CRT ou cathode ray tube)
Les rayons cathodiques sont des flux d’électrons à haute
vitesse provenant de la cathode du tube. Ces rayons sont focalisés
magnétiquement ou électrostatiquement de façon à obtenir un
mince rayon. L’ensemble du dispositif est appelé canon à électrons. Toute la surface du tube est scannée selon un parcours bien
défini et l’image est créée en faisant varier l’intensité du flux
d’électrons. Les télévisions en Europe ont une fréquence de 50 Hz
mais elles affichent 25 images/sec, ce qui est proche des 24 images
des films projetés en salles de cinéma. Mais contrairement au
cinéma qui projette une image entière à chaque fois, le tube
cathodique ne montre qu’un point lumineux à déplacement
rapide. Pour éviter une perception de clignotements des 625
lignes de l’image de télévision, le spot balaie d’abord les lignes
impaires puis les lignes paires (entrelacement). De cette façon, on
obtient artificiellement 25 images/sec et l’œil ne perçoit plus de
scintillement sauf lorsque l’appareil est vu de très près ou lorsqu’il
est déréglé. Il existe des télévisions à 100 Hz avec un phénomène
de scintillement dû à l’entrelacement, encore moins visible puisque l’image est projetée à 50 Hz.
Dans le cas des écrans d’ordinateurs, l’affichage des images
se fait à une fréquence plus élevée (60 à 70 sec) sans entrelacement.
Les écrans de télévision ou d’ordinateurs à cristaux
liquides ou LCD (liquide cristal display)
Cette technique utilise la polarisation de la lumière grâce à
des filtres polarisants et à la biréfringence de certains cristaux
liquides en phase nématique dont on peut faire varier l’orientation du champ électrique. Les LCD peuvent exister en mode
réflectif (dans lesquels la lumière émergente est générée par la
modulation de la réflexion de la lumière environnementale), en
mode transmissif (dans lequel la lumière est issue d’un rétroéclairage) ou en mode transrétinoïque (qui est une combinaison
de 2 précédents). Sur ce type d’écran, il n’y a pas de scintillements car pas d’entrelacement.
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La technologie plasma permet des écrans de télévisions plats
de très grande dimension. Ils fonctionnent similairement aux
lumières néons. Ils utilisent l’électricité pour illuminer un gaz
ionisé (plasma) qui va exciter du phosphore. Le gaz est contenu
dans des cellules, correspondant aux pixels, dans lesquelles sont
adressées une électrode ligne et une électrode colonne, permettant
d’exciter le gaz de la colonne. En modulant la valeur de la tension
appliquée entre les électrodes et la fréquence de l’excitation, il est
possible de définir jusqu’à 256 valeurs d’intensités lumineuses.
Grâce aux différents luminiphores, les pixels peuvent varier selon
16 777 216 couleurs différentes. Ils se situent à mi-chemin entre le
CRT et le LCD. Il n’y a pas de phénomène de scintillement.
Dans une étude multicentrique (Badinand et al., 1998),
nous avons étudié 33 patients ayant une photosensibilité. Ils
ont été enregistrés devant un écran de télévision (à technologie
CRT) 50 Hz, puis devant un écran de télévision 100 Hz à des
distances variant de 50 cm à 1,50 m. Ils ont regardé un programme normal, de façon passive, et différentes séquences
d’extraits de jeux vidéo. Nous avons pu constater que plusieurs
types d’images pouvaient déclencher des pointes ondes diffuses
à l’EEG. Les paramètres physiques des images qui apparaissent
les plus sensibilisantes sont :
– soit un motif sous forme de rayure, animé d’un mouvement
lent (figure 1) ;
– soit une forte luminance statique (figure 2) ;
– soit surtout à type d’une image à forte luminance avec une
alternance de couleurs à l’extrémité du spectre coloré, c’est-àdire une alternance de bleu et rouge comme dans le feuilleton
« Pokémon » qui a été à l’origine de l’épisode japonais de 1997
(figure 3).
Ces images, pour être photosensibilisantes, doivent s’étendre sur tout l’écran. Une séquence, avec une figure très lumineuse de plusieurs couleurs, scintillant sur une partie de d’écran
seulement, n’entraîne habituellement pas de photosensibilité.
Conjonction des écrans et des images
Les écrans de télévisions et d’ordinateurs peuvent être photosensibilisants, même s’ils projettent des images neutres. Ce
phénomène peut se voir avec des écrans sans scintillement,
mais se voit d’autant plus fréquemment qu’il existe un scintillement et qu’il est plus net. Il est d’ailleurs observé une « attraction impulsive pour l’écran » chez certains jeunes enfants photosensibles qui, lorsqu’ils regardent la télévision, ne peuvent
s’empêcher de s’approcher très près. Ce type de comportement
est observé avec la télévision avec écrans CRT et peut disparaître
si l’on change d’écran avec un LCD ou un plasma (Sharma et
Cameron, 2007). Les images décrites ci-dessus augmentent le
caractère sensibilisant de certains écrans et seront donc particulièrement épileptogènes lorsqu’elles sont visualisées sur des
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Figure 1. Mouvement d’un pattern noir et blanc qui se déplace vers l’arrière, déclenchant une décharge de pointe-ondes diffuses.
Figure 2. Image blanche statique, très lumineuse (neige) prenant tout l’écran et déclenchant également une décharge de pointe-ondes
diffuses.
télévisions à CRT avec une fréquence de 50 Hz et une vision de
près, à 50 cm (Sharma et Cameron, 2007). Elles le sont moins
avec des écrans CRT à 100 Hz et encore moins (très probablement) sur des écrans plasma et LCD. Cependant, aucune grande
étude n’a été réalisée pour étudier l’effet sensibilisant de ces
écrans avec une technologie plus récente.
Par ailleurs, il n’y a pas de données concernant le pouvoir
épileptogène des écrans de téléphones portables ou des stations
de jeux vidéo portatifs. Leur petite taille, associée à une technologie LCD, explique certainement le fait qu’ils peuvent être
utilisés en toute sécurité par les patients épileptiques et photosensibles.
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Figure 3. Image issue du feuilleton « Pokemon monster ». Il existe une décharge de pointe-ondes diffuses lors de l’explosion d’une bombe avec
une alternance de lumière rouge et bleue, très lumineuse et couvrant tout l’écran.
Conclusion
Références
Même si les crises déclenchées par la télévision et les écrans
d’ordinateurs sont devenues probablement moins fréquentes
depuis l’apparition des nouvelles technologies plasma et LCD,
les recommandations du « Working group of the Epilepsy Foundation of America », élaborées en 2005 (Fischer et al., 2005) restent
valables :
1) regarder l’écran de télévision à plus de 2 mètres ;
2) pas de flashs à plus de 3 Hz ;
3) l’aire de ces flashs ne doit pas dépasser 25 % de l’écran.
Chez les patients qui font des crises sur moniteur d’ordinateurs CRT, il faut conseiller de baisser la luminance. S’ils doivent
travailler sur informatique des temps prolongés, il est préférable
d’utiliser un écran LCD. M
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