un premier grand pas vers le traditionnel

Transcription

un premier grand pas vers le traditionnel
RÉGLEMENTATION
Photo Fabemi
PATHOLOGIE
BLOCS DE COFFRAGE
UN PREMIER
GRAND PAS VERS
LE TRADITIONNEL
La mise en œuvre des blocs de coffrage en béton de
granulats courants ou légers va entrer dans le domaine traditionnel grâce à un
amendement à la norme NF DTU 20.1. Seuls sont concernés ceux destinés à la
construction de murs de soubassement ou de murs en élévation. Ils devront, de
plus, répondre à certaines exigences au niveau de leurs caractéristiques.
TEXTE : FRANCK GAUTHIER PHOTOS : FABEMI
58
QUALITÉ CONSTRUCTION • N° 133 • JUILLET / AOÛT 2012
résents sur le marché français depuis la
fin des années 1970, les blocs de coffrage (ou blocs à bancher) s’emploient
de plus en plus couramment sur différents types de chantiers : piscines, clôtures, équipements agricoles, murs de soutènement, murs de soubassement de construction
(aussi appelés murs de soutènement intégrés à
une construction), murs en élévation…
Préfabriqués en usine, ces éléments creux en béton sont constitués de deux parois extérieures
parallèles reliées par des entretoises. Ils existent
en plusieurs dimensions mais le modèle le plus utilisé mesure environ 500 mm x 200 mm x 200 mm,
pour un poids unitaire de l’ordre de 20 kg. Certains
fabricants proposent également des blocs de coffrage courbes pour réaliser des murs arrondis.
Selon les gammes de produits, ces blocs à bancher
peuvent être maçonnés de manière classique ou
montés à sec. Dans les deux cas, leurs armatures
métalliques verticales et horizontales sont mises
en place (si nécessaires) avant le coulage d’un béton confectionné sur site ou provenant d’une centrale
de béton prêt à l’emploi. Ensuite, jouant le rôle d’un
coffrage perdu, ces éléments forment un mur dont
les performances se situent entre celles d’un mur
classique en maçonnerie et celles d’un voile en béton armé. Ils ont cependant pour eux de nombreux
atouts: la rapidité d’exécution car cette technique
évite d’avoir à mettre en place deux peaux de coffrage, la suppression des joints verticaux grâce à
l’emboîtement de ces éléments et, si pose à sec,
l’absence de mortier de montage. Jusqu’à présent,
ils relevaient du domaine non traditionnel, donc de
procédures volontaires type Avis Technique (ATec)
ou Document Technique d’Application (DTA).
P
Un marquage CE
pour certains blocs
Photo Fabemi
Bloc de 20 ou 25 cm d’épaisseur,
aux faces d’appui rectifiées (au 10e
de mm près) pour pose à sec.
L’entrée en vigueur de la norme harmonisée NF EN
15435 de septembre 2008 est à la base du marquage
CE des blocs de coffrage en béton de granulats
courants et légers (argile expansée, schiste expansé, laitier expansé…). Son complément national
de juillet 2009 détaille notamment des exigences
en matière de résistance à la traction de leurs entretoises. Il existe aussi une norme harmonisée
NF 15498 d’octobre 2008, pour le marquage CE
des blocs de coffrage en béton utilisant des copeaux de bois comme granulats. En revanche,
aucune norme produit ne traite actuellement du cas
particulier de ceux en polystyrène expansé (PSE).
«La logique aurait voulu que ces différents produits
fassent l’objet d’une norme NF DTU spécifique pour
leur mise en œuvre, car ils se situent à mi-chemin
entre la maçonnerie et la construction de JUILLET / AOÛT 2012 • N° 133 • QUALITÉ CONSTRUCTION
59
PATHOLOGIE
RÉGLEMENTATION
POUR EN SAVOIR PLUS
TEXTES DE RÉFÉRENCE
• NF EN 15435 Produits
préfabriqués en béton – Blocs
de coffrage en béton de
granulats courants et légers –
Propriétés et performances des
produits (septembre 2008),
et son complément national
(juillet 2009).
• NF EN 15498 Produits
préfabriqués en béton – Blocs
de coffrage en béton utilisant
des copeaux de bois comme
granulat – Propriétés et
performances des produits
(octobre 2008).
• NF EN 206-1 Béton – Partie 1 :
spécification, performances,
production et conformité
(avril 2004) et ses
amendements A1 (avril 2005)
et A2 (octobre 2005).
• NF EN 771-3 Spécification
pour éléments de
maçonnerie – Partie 3 :
éléments de maçonnerie en
béton de granulats (granulats
courants et légers) (août 2011)
et son complément national
(mars 2012).
• NF DTU 20.1 Travaux de
bâtiment – Ouvrages en
maçonnerie de petits
éléments – Parois et murs
(octobre 2008).
• NF P18-210 (DTU 23.1)
Travaux de bâtiment – Murs
en béton banché – Cahier
des clauses techniques
(mai 1993).
• NF P18-201 (DTU 21) Travaux
de bâtiment – Exécution des
ouvrages en béton – Cahier
des clauses techniques
(mars 2004).
voiles en béton armé. Mais, dans un premier temps,
la solution retenue est l’ajout d’un amendement au
NF DTU 20.1 Ouvrages en maçonnerie de petits éléments plutôt qu’aux normes NF P18-210 (DTU 23.1)
Murs en béton banché ou NF P18-201 Exécution des
ouvrages en béton», explique Nicolas Juraszek, ingénieur spécialiste de l’enveloppe du bâtiment à
la direction des techniques et méthodes de Socotec.
« Les différentes parties prenantes se sont accordées sur le fait que la rédaction d’une norme NF DTU
pour les blocs de coffrage aurait été un peu prématurée. Le choix d’un amendement, qui devrait être publié
d’ici l’été 2012, marque déjà une première étape importante pour faire entrer certains de ces produits dans
le domaine traditionnel. Ces blocs sont employés de
longue date en soubassement et en élévation. Leurs
modalités d’emploi et leurs performances sont bien
connues et il était donc logique de les faire basculer
dans le domaine traditionnel. Parmi les différents types
de blocs à bancher, il était logique de commencer par
ceux déjà couverts par une norme produit et un marquage CE. Le DTU, propre aux techniques traditionnelles,
ne peut pas concerner des produits qui ne seraient
pas eux-mêmes jugés comme “traditionnels”, ce qui
exclut, pour l’instant, les blocs à bancher en PSE», précise Wilfried Pillard, directeur technique de l’Union
de la maçonnerie et du gros œuvre (UMGO-FFB)
de la Fédération française du bâtiment.
Un amendement
aux contours très précis
Du coup, seuls les blocs de coffrage à enduire en
béton de granulats courants ou légers sont concernés, qu’ils soient employés pour des structures
porteuses ou non. «Ceux à base de granulats très
légers (billes de polystyrène expansé, particules de
liège, vermiculite…), de granulats de pierre ponce et
ceux intégrant un isolant (même s’ils sont en béton
Photos Fabemi
1
60
2
QUALITÉ CONSTRUCTION • N° 133 • JUILLET / AOÛT 2012
de granulats courants ou légers) ne sont pas concernés
par cet amendement. Il en est de même pour ceux
en PSE et pour les blocs utilisant des copeaux de bois
comme granulats – bien que ces derniers bénéficient
d’un marquage CE. Selon les cas, leur mise en œuvre
reste donc sous ATec, sous DTA relevant d’un Agrément
Technique Européen (ATE), sous Pass’Innovation…»,
précise Nicolas Juraszek.
Pour assurer un remplissage effectif de leurs alvéoles, les blocs de coffrage doivent avoir une
épaisseur minimale de 20 cm. Seuls les blocs de
coffrage à remplissage complet sont visés par cet
amendement car ils permettent d’obtenir un voile
de béton continu et d’épaisseur constante sur toute
sa hauteur. Les blocs à remplissage partiel et les
blocs à isolation intégrée en sont donc clairement
exclus. Les seules utilisations prévues sont la
construction de murs de soubassement, enterrés
ou non, et de murs en élévation. Tous leurs autres
emplois possibles restent sous ATec ou DTA/ATE.
Les deux types de montage, maçonné et à sec,
sont prévus. L’empilement à sec implique l’emploi
de blocs aux faces d’appui rectifiées, comme pour
les autres maçonneries à joints minces (monomur
terre cuite, par exemple). Dans le cas présent, les
blocs doivent alors être classés D3 ou D4 au titre
de la norme NF EN 771-3 et de son complément
national. Rappelons d’ailleurs que lorsqu’elles
sont régulièrement satisfaites, ces exigences sur
le parallélisme et la planéité des faces d’appui (tolérance inférieure à 1,5 mm en D3 et inférieure à
1 mm en D4) sont un des critères pouvant être visés par la marque de qualité NF «Blocs en béton
de granulats courants et légers».
Si les blocs ne sont pas classés D3 ou D4, ils
devront impérativement être maçonnés pour éviter l’apparition de points faibles dans la paroi et
se prémunir des risques de fuites de laitance.
Une mise en œuvre plus précise
Après la pose de la première rangée de blocs de
coffrage sur une arase parfaitement plane et horizontale, les blocs doivent être montés avec un décalage minimal correspondant au tiers de leur longueur.
«Le décalage des blocs, comme dans tout autre type
de maçonnerie, est réaffirmé dans cet amendement
pour mettre fin aux écarts constatés sur certains chantiers. Cela sous-entend un bon positionnement des
entretoises pour ensuite laisser un passage aux aciers
de l’armature», souligne Nicolas Juraszek.
Dans la plupart des cas, des armatures verticales et
horizontales seront nécessaires en partie courante.
«Les dispositions minimales à respecter en matière
de ferraillage sont précisées dans l’amendement. En
résumé, en horizontal, il faut prévoir une densité
d’acier de 0,96/m, avec un espacement maximal de
33 cm, et de 0,48/m, en vertical, avec un espacement
maximal de 50cm. Il faut utiliser des aciers haute adhérence HA de limite d’élasticité 500 MPa pour ces chaînages», précise Wilfried Pillard.
Des joints de dilatation et de retrait sont nécessaires
tous les 15 m sauf si les murs comportent des armatures répondant aux dispositions précédentes.
Dans ce cas, les espacements peuvent être portés
à 20 m dans les régions sèches ou à fort différentiel de températures, et à 35 m dans les régions
humides et tempérées. Des valeurs intermédiaires
peuvent être admises (30 m en région parisienne,
par exemple).
Dans le cas de blocs à maçonner, il convient évidemment d’attendre le durcissement complet du
mortier de montage avant de procéder au coulage
du béton de remplissage. Celui-ci doit avoir une
classe de résistance à la compression C20/25. Sa
classe de consistance doit être S4 au sens de la
norme NF EN 206-1 d’avril 2004. Très fluide (son
affaissement au cône d’Abrams est compris entre
160 et 210 mm), ce béton pourra ainsi bien enrober les aciers d’armature et remplir les moindres
recoins des alvéoles. Sa granulométrie doit être de
0/12 pour les blocs de 20 cm d’épaisseur. Pour des
épaisseurs plus importantes, le diamètre maximal des granulats ne doit pas dépasser 10 % de la
dimension maximale des alvéoles.
«Au niveau du dimensionnement d’un mur de soubassement ou d’un mur en élévation, le coefficient de
sécurité employé est celui de la maçonnerie, même
si le reste du dimensionnement correspond à celui
d’un mur banché. Cela est dû aux spécificités de cette
technique», précise Nicolas Juraszek.
Pas plus de 1,5 m par jour
Le texte de l’amendement fixe une hauteur maximale de coulage de 1,50 m par jour. En effet, les caractéristiques mécaniques minimales des blocs ne
permettent pas de garantir une résistance sous la
pression hydrostatique due à la poussée du béton
frais suffisante pour une hauteur plus importante.
Ainsi, le mur n’a pas besoin d’être étayé. Autre avantage, cette limite permet d’éviter la ségrégation du
béton et garantit un bon remplissage des alvéoles.
Les reprises de bétonnage doivent être particulièrement soignées: elles ne doivent jamais se trouver
entre deux rangées de blocs, ce qui constituerait
un futur point faible. Afin d’éviter une reprise de
bétonnage au droit du joint horizontal entre blocs,
le coulage du béton doit donc être arrêté à un minimum de 5 cm au-dessous de l’arase en attente
et, au plus, au milieu de la dernière rangée en attente. Seules exceptions: les arases de planchers,
de pignon et de couronnement, où le béton est coulé
jusqu’à l’arase. Lors des reprises intermédiaires de
montage des blocs de coffrage, un brossage des
parties horizontales des parois des blocs doit être
entrepris avant la pose du rang suivant. “Le texte fixe
une hauteur
maximale de
coulage de
1,5 m par jour:
le mur n’a pas
besoin d’être
étayé, cette
limite permet
d’éviter la
ségrégation
du béton et
garantit un bon
remplissage
des alvéoles”
Photos Fabemi
1 Pose des armatures verticales
et horizontales: le ferraillage
vertical est mis en œuvre suivant
les règles de béton armé.
Le ferraillage vertical est noyé
dans les fondations ou la dalle.
Le ferraillage horizontal est posé à
l’avancement du chantier.
2 et 3 Réalisation de l’arase au
mortier de part et d’autre des
aciers: l’arase se réalise à partir
du point haut de la dalle, à l’aide
de platines, d’une règle et d’un
niveau à bulle. L’assise doit être
parfaitement plane et horizontale.
La qualité de l’assise conditionne le
bon déroulement et la facilité de
pose de tout l’ouvrage.
3
4
4 Pose du premier rang: il faut
commencer par les angles et tirer un
cordeau repère entre les deux
Planicoffre®. Chaque Planicoffre®
est placé sur l’arase de mortier et
emboîté dans l’alignement. Le
réglage horizontal doit être parfait et
vérifié au niveau dans les deux sens.
JUILLET / AOÛT 2012 • N° 133 • QUALITÉ CONSTRUCTION
61
PATHOLOGIE
RÉGLEMENTATION
Photo Fabemi
Le basculement des blocs
de coffrage en béton utilisés
en soubassement ou en murs
en élévation simplifiera les
rapports des entreprises avec
les assureurs. Leur emploi
en soutènement ou en acrotère
demeure, en revanche, dans
le domaine non traditionnel.
Bien répercuter l’information
«Les blocs de coffrage concernés par cet amendement
sont essentiellement ceux de 20 cm d’épaisseur qui
représentent la majorité des ventes, aussi bien
chez nous que chez la plupart des fabricants. À notre
niveau, la communication sur ces nouvelles dispositions va s’effectuer aussi bien en amont auprès des
prescripteurs qu’en aval, auprès des entreprises et
des artisans. La clé de la réussite est, en effet, une
conception bien maîtrisée associée à une mise en
œuvre soignée. Cet amendement présente l’intérêt
majeur de mettre en avant des bonnes pratiques qui
s’appliqueront à tous les produits et à tous. Ceux qui
utilisent déjà régulièrement ces blocs à bancher ne
constateront pas de réels bouleversements. En
revanche, l’entrée de ces produits dans le domaine
traditionnel simplifiera leurs rapports avec leurs
assureurs », commente Frédéric Niguet, chargé
de prescription national du groupe Fabemi.
« Dès que la publication de cet amendement sera
officielle, nous en informerons nos adhérents via
notre site Internet. Ces informations seront également
diffusées par la lettre de l’UMGO-FFB Bâtissons
l’avenir et la revue Batimétiers de la FFB. La direction technique de l’UMGO prévoit aussi un ensemble
d’animations sur ce sujet dans les départements,
comme cela est de coutume à chaque nouvelle évolution normative. À cela s’ajoute la préparation d’une
fiche technique synthétique précisant les informations
essentielles à connaître: types concernés, usages, précautions, composition du béton… En parallèle, des
actions communes pourraient être organisées avec
les producteurs de blocs à bancher via le Centre
d’études et de recherches de l’industrie du béton
(Cerib) qui ne manquera pas de communiquer aussi
sur cet amendement», signale Wilfried Pillard. ■
“Ceux qui utilisent déjà régulièrement ces blocs
à bancher ne constateront pas de réels
bouleversements. En revanche, l’entrée de ces
produits dans le domaine traditionnel simplifiera
leurs rapports avec leurs assureurs”
62
QUALITÉ CONSTRUCTION • N° 133 • JUILLET / AOÛT 2012

Documents pareils