dossier densification douce

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dossier densification douce
DOSSIER THÉMATIQUE
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
la densification
douce
pour renouveler
la ville ?
AGRICULTURE
BÂTIMENT
BIODIVERSITÉ
DÉMOCRATIE
DROIT
ÉCO-CONCEPTION
ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE
ÉNERGIE
FINANCE
INNOVATION
LOGEMENT
MATÉRIAUX
RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE DES ENTREPRISES
RESSOURCES ENVIRONNEMENTALES
SANTÉ
URBANISME
JUIN 2016
NORMANDIE
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
Sommaire
LE DOSSIER
INTRODUCTION
La densification douce pour renouveler la ville ?...................................................................... 1
Partenaire : la DDTM................................................................................................................................................4
LE DOSSIER
Qu’entend-on par “densification douce” ?..................................................................................................5
POINT DE VUE DE CHERCHEUR
Vincent LEGRAND........................................................................................................................................................8
Solutions innovantes pour la création de logements............................................................................9
POINT DE VUE DE CHERCHEUR
Anastasia TOUATI -MOREL................................................................................................................ 11
Comment créer un climat propice au développement de la densification douce ?............ 12
Le diagnostic territorial, une étape incontournable...............................................................................15
POINT DE VUE DE CHERCHEUR
Pierre BERGEL................................................................................................................................... 16
Les facteurs clés facilitants ................................................................................................................................ 17
Conclusion & perspectives : vers une densification durable participative................................22
Bibliographie................................................................................................................................................................23
Les outils développés par l’IRD2 sur la thématique...............................................................................24
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INTRODUCTION
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
Introduction
Chaque jour, la population urbaine mondiale croît d’environ
180 000 personnes. Selon l’Insee, 75% de la population française
vit aujourd’hui en ville. Cette croissance urbaine est la caractéristique majeure de l’urbanisation actuelle.
De l’apogée de l’habitat pavillonnaire dans les années 1980 à
l’augmentation des prix du foncier ou de l’immobilier, un nombre
croissant de ménages s’installe en dehors des centres villes. De
ce fait, la consommation d’espace en territoires périurbains et
ruraux n’a cessé d’augmenter faisant de l’habitat pavillonnaire
une dominante majeure des espaces urbanisés. En 2010, près d’un
bas-normand sur trois habitait en zone périurbaine, comptant à
la fois communes rurales et communes urbaines (CESER, 2014).
Ce constat pose le cadre d’une réflexion sur les possibilités de
densifier les villes pour économiser le foncier mais également
pour pallier la pénurie de logements.
Un juste milieu est à trouver entre l’habitat pavillonnaire et le logement collectif urbain dense. Actuellement, de nouvelles formes
d’habitat, plus denses et issues de la volonté des occupants voient
le jour. Ces alternatives illustrent l’évolution d’une densification
subie à une densification choisie, dite « densification douce ».
FIGURE 1 : DENSIFICATION PAVILLONAIRE
source : étudiants Master MUD 2014/2015
Cette dernière soulève de nombreuses questions pour les pouvoirs publics. Comment adapter les systèmes de voirie à des
phénomènes de densification urbaine volontaire ? Ou encore,
comment évaluer les besoins pour mieux répondre à la demande
de logement ?
Il convient alors d’appréhender de façon plus approfondie ces
nouvelles pratiques pour mieux les comprendre et les intégrer
dans les projets urbains. Mais quelle importance leur donner ?
Dans quelle mesure la densification douce peut-elle contribuer
au renouvellement de la ville ?
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LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
PARTENAIRE
Partenaire : la DDTM
DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES TERRITOIRES ET DE LA MER
Dans le cadre des politiques portées par l’État pour limiter l’étalement urbain, les mesures de densification sont un des moyens
mobilisables pour construire une ville moins consommatrice d’espaces et de ressources.
Parmi les mesures proposées pour résoudre la crise de la construction résidentielle figurent spécifiquement des dispositifs destinés
à faciliter la densification des espaces urbains et notamment des espaces périurbains pavillonnaires.
Des expérimentations sont en train d’émerger du point de vue de bailleurs sociaux ou de collectivités, pour trouver des réponses
à un manque de foncier ou à la réalisation de logements abordables pour des publics en situation de grande précarité.
Ainsi, la DDTM du Calvados et l’IRD2 ont souhaité initier une démarche de concertation rassemblant acteurs locaux et chercheurs,
afin de déterminer les enjeux sur le territoire bas-normand et d’identifier les moyens existants aujourd’hui pour promouvoir une
densification urbaine organisée et abordable.
Nous tenons à remercier très sincèrement chaque personne ayant contribué à cette réflexion et plus spécifiquement :
Jean CHARBONNIAU, Préfet du Calvados • Héloïse DEFFOBIS, Michel SAUREL et Jocelyn DUBUC, DDTM
14 • Chantal ROVARCH, Maire-Adjointe et Nicolas ROUXEL, Directeur des Services Techniques - Bayeux
• Société d’Economie Mixte de Bayeux • Jean Paul FANET, Maire-adjoint - Hermanville-sur-Mer • Marc
POTTIER, Maire - Colombelles • Rémi CARVILLE, CREAN • Isabelle ROBERGE, CRBN • Colin SUEUR et
Annie OFFRET, Les foyers normands • Anastasia TOUATI-MOREL, PUCA • Pierre BERGEL, Professeur en
géographie sociale et urbaine, ESO-UMR 6590 CNRS • Vincent LE GRAND, Président de l’IRD2 et maître
de conférences en droit public • Thierry LE BARS, Doyen UFR Droit de Caen • Annabelle MOREL-BROCHET,
Maître de conférences, ESO-UMR 6590 CNRS • Les étudiants du Master 1 MUD (promotion 2014-2015)
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LE DOSSIER
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
Qu’entend-on par
“densification douce” ?
LA DENSIFICATION SOUS LE PRISME
DU DEVELOPPEMENT DURABLE
Le rapport sociétal à la densification
La densité urbaine est un rapport entre un indicateur statistique
et une surface. Elle peut se mesurer selon :
• la densité humaine (accroissement du nombre d’habitants
au kilomètre carré sans modification des logements existants).
• la densité de logements (nombre de logements à l’hectare).
• la densité du bâti (nombre de mètres carrés de surface construite
par hectare).
L’indicateur le plus utilisé par les équipes de recherche est celui
de la densité de logements.
La tendance est à l’étalement des villes. Mais ce phénomène n’est
pas récent. Ainsi, dès la fin du XVIIIe siècle, sous Louis XV et XVI,
des opérations d’embellissement sont menées par les intendants, réduisant la densité de logements. La période des Trente
Glorieuses amplifie ce phénomène avec un élargissement des
voiries et des places. Ainsi, même si le manque de logements à la
fin de la deuxième guerre mondiale a dans un premier temps été
compensé par la sortie de terre de grands immeubles collectifs,
très vite, la population aspire à d’autres types de logements et
s’éloigne du centre-ville.
FIGURE 2 : FRANCK FAUCHEUX, (DGALN/DHUP),
ILLUSTRATION ISSUE DU 2ÈME SÉMINAIRE 2 JUIN 2014 « VERS DES POLITIQUES PUBLIQUES DE DENSIFICATION ET D’INTENSIFICATION DOUCES ? »
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LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
LE DOSSIER
QU’ENTEND-ON PAR ”DENSIFICATION DOUCE“ ? (SUITE)
La période de la reconstruction amplifie ce phénomène. A Caen,
la partie reconstruite de la ville accueille à peu près deux fois
moins d’habitants qu’avant-guerre (Bergel, 2002). Ensuite, le
soutien public s’est tourné vers les constructions pavillonnaires
et l’accession à la propriété privée durant les Trente Glorieuses.
Au cours des cinquante dernières années, la proportion
des ménages propriétaires de leur logement n’a cessé de
croître pour atteindre 56 % en 2002, encouragée par les
opérateurs privés et publics. L’aide à l’accession est considérée
à la fois comme un soutien au secteur du bâtiment et un moyen
de libérer des logements du parc locatif, notamment des HLM.
Mais, à partir des années 1970, la mutation de l’économie vers
le post-fordisme et les changements sociétaux produisent un
ralentissement de l’attractivité des villes (Jousseaume et Kali,
2014). Ce développement s’effectue donc essentiellement dans
les espaces périurbains, plus abordables et représentant un cadre
de vie idéal, proche de la campagne. La maison individuelle
domine ainsi dans les communes périurbaines, où elle
représente en 2005, 93 % du parc du logement (Rougé, 2014).
Cette évolution est donc la résultante des évolutions sociales et des
orientations politiques. Elle soulève la question des conséquences
du choix de l’habitat pavillonnaire individuel pour la collectivité
au regard des enjeux de développement durable.
En effet, l’étalement urbain et la consommation de foncier
augmentent la proportion d’espaces naturels artificialisés et
détruit des surfaces agricoles, avec des incidences, entre autres,
sur la biodiversité et les continuités écologiques. Selon la SAFER
de Basse-Normandie, la périurbanisation a été à l’origine de 50
à 70 % de l’artificialisation des sols selon les départements. Un
outil de mesure, VIGISOL a été développé en 2011 par la SAFER
Basse-Normandie afin de mieux qualifier le phénomène de
consommation des espaces agricoles et naturels.
Dès lors, l’enjeu des nouvelles politiques de densification devient
la limitation de l’étalement urbain et la reconnexion de l’espace
périurbain avec les villes centres. Dans ce cadre, des typologies de
bâtis plus compacts sont envisagées afin de maximiser l’utilisation
des réseaux et le développement de modes de déplacements
alternatifs à la voiture individuelle, cette dernière étant responsable
de plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre des
transports (Réseau Action Climat, 2010). Il convient donc d’étudier de
façon globale les interactions entre urbanisme et transports, en
mettant en lien urbanisme et modes de vie des habitants. Cette
réflexion est de plus en plus adoptée lors de la construction de
nouveaux quartiers mais les réhabilitations du bâti ancien et de
l’habitat pavillonnaire sont également des éléments à considérer.
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La densification douce
La densification douce est une démarche volontaire qui a
pour objectif de densifier le tissu urbain, majoritairement
de type pavillonnaire, sans détruire le bâti existant. Elle
consiste aussi bien en des opérations d’aménagement que de
construction dès lors que celles-ci ne modifient pas les formes
urbaines de manière significative (PUCA, 2013). Cette définition
assez large met en évidence la diversité des démarches et des
acteurs pouvant en être à l’origine : particuliers, associations
d’habitants, constructeurs, bailleurs… En effet, la densification
douce ne s’arrête pas à des initiatives individuelles, elle intéresse
également les professionnels de l’aménagement notamment en
tant qu’outil de production de logements abordables et mieux
isolés thermiquement.
Les programmes de recherche du PUCA (« Villa Urbaine Durable »,
« Habitat pluriel, densité, intimité, urbanité », 2010) et de l’Agence
LE PUCA
Service interministériel rattaché à la Direction Générale
de l’Aménagement du Logement et de la Nature (DGALN)
au Ministère de l’écologie, du développement durable et
de l’énergie et du Ministère du Logement, de l’Egalité des
territoires et de la Ruralité.
Le PUCA est une agence nationale de la recherche et de
l’expérimentation dans les domaines de l’urbanisme, de
l’architecture et de la construction. Depuis sa création
en 1998, elle développe à la fois des programmes de
recherche incitatifs et des actions d’expérimentation
et apporte son soutien à l’innovation et à la valorisation
scientifique et technique dans les domaines de l’aménagement des territoires, de l’habitat, de la construction et
de la conception architecturale et urbaine.
http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/
Nationale de la Recherche (« Villes Durables », 2009) ont permis
de démontrer l’importance de ces démarches au vu des surfaces
dédiées à l’habitat pavillonnaire en France. Ainsi, le projet « Build
in My Back Yard (BIMBY) », sélectionné par l’ANR part du postulat que la mobilisation du foncier des tissus pavillonnaires
existants par les acteurs de l’urbain (habitants, techniciens,
élus) permet le renouvellement de ces quartiers. Il promeut
la densification douce et développe des méthodes et outils
en rassemblant élus et professionnels. De nombreuses institutions, collectivités, structures professionnelles sont aujourd’hui
impliquées dans l’étude et la mise en œuvre opérationnelle de
la filière BIMBY sur le territoire Français.
LE DOSSIER
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
QU’ENTEND-ON PAR ”DENSIFICATION DOUCE“ ? (SUITE)
En 2014, Antoine Brès et Béatrice Mariolle, architectes, urbanistes
et chercheurs au laboratoire de l’Institut Parisien de Recherche «
Architecture Urbanistique Société » (IPRAUS - UMR AUSser 3329),
ont mené une étude dans le cadre du programme « Vers des
politiques publiques de densification douce ? » du PUCA, afin
d’évaluer l’importance de la densification douce. Elle aurait ainsi
concerné 25% de la production totale de logements individuels
entre 1999 et 2011, soit 600 000 logements à l’échelle de la
France entière. Ceci n’est pas négligeable tout en considérant
que 200 000 nouveaux pavillons sont construits chaque
année en France.
Mais quelles en sont les conditions de production ? Quelles
mises à disposition du foncier et quelles règles encadrent ce
développement ? Quel rôle peut jouer la collectivité dans son
développement ?
Un cadre réglementaire favorable
La construction ou la rénovation de logements participent à la
transition énergétique des territoires en favorisant des économies d’énergie et de coûts pour les habitants comme pour la
collectivité, en lien avec la réglementation actuelle.
La loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) n°20001208 du 13 décembre 2000 introduit le développement durable
dans le Code de l’urbanisme. Elle mentionne la nécessité d’un
équilibre entre urbanisation et préservation des espaces
agricoles ou naturels et supprime le minimum parcellaire,
facilitant ainsi la densification de parcelles de toutes tailles, sans
contrainte supplémentaire autre que le maintien des formes
urbaines du pavillonnaire.
La loi Grenelle II, promulguée le 13 juillet 2010, renforce cette
prise en compte de l’environnement en introduisant la nécessité
de l’adaptation aux changements climatiques. Une des mesures
phares est l’instauration d’un minimum de densité. Ces dispositions
soulèvent donc des questions sur le plan de l’aménagement,
par exemple pour les Services publics d’assainissement non
collectif (Spanc), réseaux nécessitant une surface minimum
pour être efficaces.
Enfin, la loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme
Rénové (ALUR) du 24 mars 2014 a supprimé le coefficient
d’occupation des sols (COS) et l’exigence d’une surface
minimale pour construire dans les communes couvertes
par un plan local d’urbanisme (PLU). Ainsi, la densification
ne peut plus être limitée par le recours au COS pour fixer une
superficie minimale aux terrains constructibles.
De plus, la loi ALUR facilite les démarches de densification dans
les lotissements en levant les restrictions des droits à construire.
En effet, l’article L.442-9 du Code de l’urbanisme prévoit que les
règles d’urbanisme contenues dans les documents du lotissement
deviennent caduques au terme de dix années, à compter de la
délivrance du permis d’aménager, si, à cette date, le lotissement
est couvert par un PLU. Ainsi, les habitants peuvent désormais
procéder à des constructions ou des extensions sans se voir
opposer la force du règlement de lotissement.
La loi ALUR impose également une étude de la densification
possible de secteurs urbanisés par modification du schéma
de cohérence territoriale (SCOT) qui doit désormais :
- identifier « en prenant en compte la qualité des paysages et
du patrimoine architectural, les espaces dans lesquels les plans
locaux d’urbanisme doivent analyser les capacités de densification
et de mutation en application de l’article L.123-1-2 ».
- analyser « la consommation d’espaces naturels, agricoles et
forestiers au cours des 10 années précédant l’approbation du
schéma et justifier d’objectifs chiffrés de limitation de cette
consommation dans le Document d’Orientation et d’Objectifs »
(article L.122.1.2 du code de l’urbanisme).
Par ces objectifs chiffrés de consommation économe de l’espace,
le SCOT peut imposer aux PLU une densité minimale dans
certains secteurs. Par ailleurs, il exige une analyse de la « capacité
de densification et de mutation de l’ensemble des espaces bâtis, en
tenant compte des formes urbaines et architecturales », incluant
« les dispositions qui favorisent la densification de ces espaces
ainsi que la limitation de la consommation des espaces naturels,
LES MESURES PHARES RÈGLEMENTAIRES
• Suppression du plafond légal de densité (loi SRU)
• Augmentation de la division parcellaire pour lutter contre
l’étalement urbain (loi SRU)
• Suppression du COS et de la superficie minimale
constructible (loi ALUR)
• Analyse des capacités de densification et de mutation
dans les SCOT (loi ALUR)
• Analyse des gisements fonciers disponibles en termes
urbains et architecturaux dans les PLU (loi ALUR)
• Mise en concordance des documents du lotissement
avec les dispositions du document d’urbanisme (loi ALUR)
agricoles ou forestiers » (article L.122.1.3 du code de l’urbanisme).
Le PLU est à la fois un outil de régulation et de dynamisation du
tissu pavillonnaire, en appui à la stratégie de développement de
la commune. L’objectif est d’accompagner et d’encadrer
les initiatives individuelles. Tout l’enjeu pour les élus est de
savoir où placer le curseur de l’action publique.
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LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
POINT
POINT DE
DE VUE
VUE DE
DE CHERCHEUR
CHERCHEUR
Point de vue de chercheur
3 QUESTIONS À VINCENT LEGRAND
Vincent Legrand
Enseignant en Droit de l’aménagement et de l’urbanisme et maître
de conférences en droit public.
Co-directeur du Master Urbanisme et aménagement Durable
(MUD) de l’Université de Caen Normandie et Président de l’IRD2.
Existe-t-il une définition de la densité dans le code de
l’urbanisme ?
Oui, mais on observera qu’elle est très récente. Avec la loi ALUR
du 24 mars 2014, le coefficient d’occupation des sols (COS) a été
supprimé dans les plans locaux d’urbanisme comme chacun le
sait. Or, il s’agissait du seul outil qui, en proposant de la limiter,
permettait de définir la densité. Depuis l’entrée en vigueur de ce
texte, aucune définition juridique de la densité n’était plus établie.
Ce silence s’avérait problématique car des textes récents (loi
d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre
2014 ou bien encore la loi Macron du 6 août 2015) intégraient dans
le code des références à la densité des constructions. De la sorte,
ils faisaient référence à une notion vide de contenu. Le décret
du 28 décembre 2015 vient de combler ce vide momentané et
propose une nouvelle définition de la densité. Elle figure à présent
à l’article R.111-21 du Code de l’urbanisme. Depuis le 1er janvier
2016, la densité se définit comme « le rapport entre la surface
de plancher de cette construction et la surface de terrain sur
laquelle elle est ou doit être implantée ».
La densification peut-elle être interdite ou limitée par
la règle ?
En principe non, et c’est un renversement de logique très récent
dans le Code de l’urbanisme. Longtemps il ne s’est agi que de réglementer la densité par le haut, en la limitant de manière à passer
les constructions nouvelles sous une toise. C’était précisément
l’objet du COS dont on vient de parler. Mais d’autres dispositifs
8
notamment fiscaux, je pense par exemple à l’ancien versement
pour dépassement du plafond légal de densité (VDPLD), qui a
lui aussi été supprimé récemment, contribuaient à limiter la
densité des constructions.
Il n’en est pas moins encore possible de recourir à cette
limitation, mais cette fois de façon exceptionnelle et justifiée. Dans les PLU, la densité peut encore être limitée par le
règlement pour encadrer les évolutions des bâtiments existants
en secteur rural et éviter le « mitage ». Mais cette limitation de
la densification est devenue l’exception. Le principe est que la
densité ne peut plus être limitée par la règle.
La densification peut-elle être imposée par la règle ?
Oui, c’est possible dans les plans locaux d’urbanisme. Le décret du
28 décembre 2015 crée un nouveau contenu réglementaire des
PLU, lequel n’est toutefois applicable qu’aux PLU dont l’élaboration
est engagée (sur option) ou débutera après le 1er janvier 2016 (obligation). En application du nouvel article R.151-39, le règlement du
PLU peut « traduire un objectif de densité minimale de construction
qu’il justifie de façon circonstanciée » en fixant des règles minimales
d’emprise au sol et de hauteur. Les secteurs ainsi soumis à cette
densité minimale devront apparaître sur le zonage.
La boîte à outils réglementaire contient donc aujourd’hui tout le
nécessaire pour permettre, encourager, voire imposer la densification
douce. Il faudra plusieurs mois, sinon plusieurs années, pour évaluer
l’utilisation qui en sera faite dans les documents d’urbanisme.
LE DOSSIER
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
Solutions innovantes pour la
production de logements
On distingue trois types de processus liés à la densification douce :
l’addition de bâti, la division du sol et la division du bâti. Dans le
cadre de ses recherches, Anastasia Touati-Morel a pu mettre
en évidence les pratiques les plus courantes de densification
du tissu pavillonnaire.
Généralement issue d’initiatives individuelles, cette pratique
commence à prendre de l’essor.
LA CONSTRUCTION D’APPARTEMENTS ACCESSOIRES
DIVISION PARCELLAIRE
ET CONSTRUCTION SUR PARCELLES DÉTACHÉES
La division parcellaire représente 80% des démarches de densification douce (D. Delaville, 2014). La construction sur parcelles
détachées concerne le plus souvent des particuliers qui décident
de se séparer d’une partie de leur terrain dans l’optique de le
vendre ou d’intégrer un nouveau logement, ce qui nécessite de
prévoir l’aménagement d’une nouvelle voie d’accès. Il est qualifié
de lotissement au sens du Code de l’urbanisme (cf. figure 3).
La forme la plus représentative est celle de la division parcellaire en drapeau (cf. figure 4). Il s’agit d’accueillir une nouvelle
construction suite à une division foncière d’une parcelle et de
laisser un passage pour accéder à ce nouveau logement. Elle est
repérable à la présence de deux boîtes aux lettres.
FIGURE 5 : DIVISION EN DRAPEAU
SOURCE : ÉTUDIANTS MASTER 1 MUD 2014-2015
Un appartement accessoire est entendu comme un logement
autonome, séparé du logement principal et possédant une cuisine
et une salle de bains propre (Touati, 2013). Ce sont des logements
supplémentaires principalement construits dans les quartiers
pavillonnaires. Il peut être construit à l’intérieur de la maison
principale : on le distingue alors par son entrée indépendante
(cf. figure 5).
Il peut également s’agir d’une construction extérieure, attenante au
FIGURE 4 : DIVISION PARCELLAIRE
FIGURE 3 : LOGEMENT ACCESSOIRE INTERNE
SOURCE : ANASTACIA TOUATI, PUCA-LATTS
SOURCE : DELPHINE ELOI, IRD2
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LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
LE DOSSIER
SOLUTIONS INNOVANTES POUR LA PRODUCTION DE LOGEMENTS (SUITE)
bâti existant. Dans ce second cas, la construction se manifeste le
plus souvent par une transformation des garages qui deviennent
des pièces d’habitation (cf. figure 6). Un contraste architectural
sur une même construction permet bien souvent d’identifier
ce type d’opération.
LA RESTRUCTURATION INTERNE ET/OU EXTERNE
DE GRANDS PAVILLONS
Cette pratique se manifeste par des surélévations et extensions
qui peuvent parfois générer un remembrement foncier, du fait de
la taille plus importante des bâtiments. Ces opérations permettent
ainsi la production de plusieurs logements. C’est généralement de
FIGURE 7 : RENOUVELLEMENT DE FONCTION
SOURCE : ÉTUDIANTS MASTER 1 MUD 2014-2015
LES DÉMARCHES COLLECTIVES D’HABITAT DENSE
Enfin, on peut évoquer d’autres modalités dans les pratiques de
densification douce. Par exemple, les groupements de particuliers peuvent donner lieu à des opérations de remembrement
foncier. Elles peuvent être initiées dans le cadre d’Associations
Foncières Urbaines ou de Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif,
voire suite à des démarches d’habitat participatif. Dans celles-ci,
un groupe d’habitants est impliqué, dans le cadre d’un projet
commun, dans la conception, la construction et la gestion de
leur logement (cf. figure 8).
FIGURE 6 : LOGEMENT ACCESSOIRE EXTERNE
SOURCE : ÉTUDIANTS MASTER 1 MUD 2014-2015
cette façon qu’interviennent des micro-bailleurs œuvrant pour la
production de logements sociaux en diffus, c’est-à-dire dans le
tissu existant et pour des petites opérations, de 1 à 12 logements.
LA MUTATION DU BÂTI OU LE RENOUVELLEMENT DE FONCTION
On constate une forte proportion de corps de fermes abandonnés
qui offre de belles potentialités de restructuration interne du bâti
pour l’accueil de logements (cf. figure 7). Ce renouvellement
de fonction peut également concerner des locaux publics, des
bâtiments industriels…
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FIGURE 8 : HABITAT PARTICIPATIF : LES Z’ÉCOHABITANTS DE LOUVIGNY
SOURCE : ÉTUDIANTS MASTER 1 MUD 2014-2015
POINT DE VUE DE CHERCHEUR
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
Point de vue de chercheur
3 QUESTIONS À ANASTASIA TOUATI-MOREL
Anastasia TOUATI-MOREL
Docteur en Urbanisme et Aménagement,
chercheuse associée au Laboratoire
Techniques, Territoires et Sociétés
(LATTS).
Elle a piloté pendant deux ans le programme de recherche du PUCA « Vers
des politiques publiques de densification
et d’intensification douce ? Intérêts, limites et
opportunités ».
Chargée de Projet au PUCA pour le développement de
programmes de recherche, d’étude et d’expérimentation notamment sur la densification des espaces pavillonnaires.
Thèse « Économie Politique de la densification des tissus à
dominante pavillonnaire : l’avènement de stratégies post-suburbaines différenciées » soutenue le 21 juin 2013 à l’École
Nationale des Ponts et Chaussées.
Pourquoi densifier l’espace urbain ?
“
La densification douce s’inscrit
dans une logique d’innovation sociétale
en ce fait qu’elle répond à un besoin
et dépend d’un contexte local précis.
„
Quelles peuvent être les opportunités et les limites de
cette forme particulière de production de logements ?
C’est précisément pour répondre à ce type de questions que le
PUCA a engagé un nouveau programme de recherche « Vers
des politiques publiques de densification et d’intensification
douces ? Intérêts, limites et opportunités » dont les travaux ont
démarré en 2014.
Il y a urgence à limiter l’étalement urbain et il faut en même
temps satisfaire des besoins en logements. La densification «
douce » des tissus urbains ou périurbains, par division parcellaire,
constructions sur parcelles détachées ou par découpage interne
de logement, constitue une solution innovante en matière de
production de logements sans consommer d’espaces agricoles
ou naturels.
Une ville moins consommatrice d’espace, c’est une ville plus économe en réseaux, en consommation de ressources et d’énergie,
et au final moins émettrice de gaz à effet de serre.
La densification douce est-elle une volonté politique
en France ?
Dans certains pays, cette forme particulière de densification est un
dispositif majeur pour la production de logements abordables. En
France, elle n’est pas encore intégrée dans les politiques urbaines
ni même dans les politiques du logement, même si on note des
avancées certaines dans les outils d’urbanisme avec la loi ALUR.
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LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
LE DOSSIER
Comment créer un climat propice
au développement de la densification douce ?
TROIS TERRITOIRES SE QUESTIONNENT
HERMANVILLE-SUR-MER : COMMENT OPTIMISER LE FONCIER ?
Témoignage de Jean-Paul FANET, Maire-adjoint chargé de l’urbanisme, du cadre de vie et de l’environnement
à Hermanville-sur-Mer.
de hiérarchiser le besoin de densification en tenant compte de
la place du commerce par rapport aux habitations. En fonction
de cela, différentes réponses géographiques et fonctionnelles
pourront être apportées (services, transports, …).
Contexte
Suite à un constat de la mairie sur le peu
de possibilités d’initier des actions de densification sur le territoire de la commune,
des orientations sont prises, à l’occasion
de la rédaction d’un nouveau PLU en 2014
(le POS datant de 1978), pour faciliter les
projets d’aménagements, d’extensions
individuelles et assouplir la réglementation.
Enjeux identifiés
• actualisation des documents de
planification et intégration paysagère et
architecturale
• amélioration de la connaissance des
modes d’habiter et des représentations
des habitants afin de faire évoluer la
représentation de la maison individuelle
Questionnements
• Quelles modalités d’évaluation des potentialités
de densification douce ?
Le constat d’une absence d’ingénierie technique pour recenser les
zones potentiellement densifiables a été soulevé. Une demande
a alors été faite à l’établissement public foncier de Normandie
(EPFN) afin de répertorier les zones qui pourraient à terme accueillir un renouvellement urbain grâce à un bâti déjà existant se
prêtant à la densification douce. La politique municipale cible tout
particulièrement les disponibilités foncières du centre bourg pour
limiter les extensions urbaines. Le PLU d’Hermanville-sur-Mer a
recensé les terrains et parties de terrains qui pourraient accueillir
des constructions nouvelles. Le diagnostic territorial se base sur
l’abandon de la taille minimale des parcelles (loi SRU) et sur le
postulat que tous les terrains libres seraient divisés dans des tailles
identiques à celles existantes dans la zone considérée. Il s’agit
12
FIGURE 9 : PROJET D’AMÉNAGEMENT ET DE DÉVELOPPEMENT DURABLE
SOURCE : PLU HERMANVILLE-SUR-MER
• Quel encadrement des initiatives individuelles
de densification douce ?
Il s’agit à la fois d’accepter la liberté de construire, l’encadrer
(règles d’urbanisme : faciliter la division parcellaire, la mutation des
locaux,…) et la réguler. La tension actuelle régnant sur le marché
immobilier ne permet pas de justifier le recours à la densification
douce. L’accompagnement des initiatives individuelles pourrait
également être réalisé par des notaires. Par ailleurs, il convient de
considérer le fait que la division parcellaire puisse être à l’origine
de conflits de voisinage, du fait de la promiscuité qu’elle génère.
De façon générale, la volonté d’aménager les communes en
respectant les principes de densification douce nécessite une
acceptation sociale de la part des habitants. La commande
publique doit être orientée et la densification douce ne peut
être menée sans processus de concertation avec les habitants
et d’information avec les élus.
LE DOSSIER
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
COMMENT CRÉER UN CLIMAT PROPICE AU DÉVELOPPEMENT DE LA DENSIFICATION DOUCE ? (SUITE)
BAYEUX :
QUELLE STRATÉGIE TERRITORIALE DÉVELOPPER ?
L’exemple de Bayeux, avec le témoignage de Chantal Rovarc’h,
maire-adjointe de Bayeux, chargée de l’urbanisme, de l’Environnement et du Développement Durable et Nicolas Rouxel,
Directeur des Services techniques.
Contexte
Bayeux, ville très urbanisée, possède un centre-ville ancien,
des habitations pavillonnaires vieillissantes en périphérie et des
quartiers sociaux. Il n’y a pas de pression foncière à Bayeux. Les
terrains sont abordables en périphérie du centre-ville. Comme
ailleurs, la préférence de la population va à l’habitat pavillonnaire.
Enjeux identifiés :
• optimisation du foncier disponible avec une préoccupation de
l’étalement urbain
• lutte contre la baisse démographique
• respect du Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT)
Questionnements
• Quel intérêt de la densification douce sur des communes
à faible pression foncière ?
La densification douce est pensée par des urbanistes qui habitent
dans des villes « surpeuplées » telles que les villes d’Île-de-France,
où la pression est très forte. Construire des nouveaux logements
y est presque impossible car il n’y a plus de foncier disponible. La
densification douce devient donc la solution.
En revanche, les petites ou moyennes communes comme Bayeux
sont attractives aux yeux des ménages qui viennent y construire
une maison avec un jardin. La démarche de densification douce
ne semble donc a priori pas évidente.
Néanmoins, Bayeux doit faire face à un développement de l’étalement urbain et à l’augmentation de la vacance du logement
en centre-ville et souhaite agir pour limiter ces phénomènes.
L’accompagnement à la réhabilitation de pavillons vieillissants
est un élément fondamental afin de dynamiser le centre urbain.
En outre, il conviendrait de faciliter la délivrance de droits à
construire sur les parcelles pour les demandes d’extension
de l’habitat afin d’éviter les déménagements en dehors de la
ville. La construction de bâtiments pour développer les services
et inciter la population à rester vivre en ville peut également être
appréhendée à travers une démarche de densification douce et
ainsi combler les « dents creuses ».
Densifier les logements à côté du pôle multimodal de la gare
permettrait ainsi de favoriser les modes de déplacements doux.
De la même façon, les espaces verts doivent être mieux valorisés.
• Quelle acceptabilité de la densification douce par la population ?
Le mouvement précède le lieu : les ménages préfèrent souvent
avoir une maison individuelle avec jardin, et être plus loin des
services, que d’être dans un logement semi-collectif ou collectif
en centre-ville.
L’acceptabilité sociale de la densification douce est une préoccupation. En effet, la proximité engendrée avec les voisins n’est
pas toujours bien perçue. Parmi les réactions évoquées, il y a
l’impression d’un manque d’espace et d’intimité.
FIGURE 10 : PÔLE MULTIMODAL DE LA GARE DE BAYEUX
13
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
LE DOSSIER
COMMENT CRÉER UN CLIMAT PROPICE AU DÉVELOPPEMENT DE LA DENSIFICATION DOUCE ? (SUITE)
COLOMBELLES :
QUELS LEVIERS POUR LE LOGEMENT SOCIAL ?
Témoignage de Marc POTTIER, maire de la ville de Colombelles
et de Colin SUEUR, ancien maire ainsi que président du bailleur
social : les Foyers Normands.
Contexte
La commune de Colombelles (env. 6000 hab.) est une commune
périurbaine de la région caennaise marquée par un passé industriel
fort et caractérisée par une importante proportion de logements
locatifs sociaux (+ de 50 %). La fermeture de l’aciérie, fin 1993,
a engagé la commune dans une spirale économique et sociale
compliquée : taux de chômage, précarité, baisse des ressources
communales, mal vivre de certains quartiers… constat aussi d’une
forte sous-occupation dans l’habitat pavillonnaire (privé et social).
Enjeux identifiés
• Exiger une meilleure mixité : en 2003, la loi Borloo crée l’Agence
Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) et parallèlement met
en place un dispositif de gouvernance des SA HLM. Colombelles
signera une convention ANRU fin 2007 après être devenue actionnaire majoritaire des Foyers Normands en 2006 ;
• Faire face à 300 ha de friches industrielles à reconvertir tout en
réaffirmant son centre-ville actuel comportant une grande partie
de logements collectifs locatifs sociaux ; d’où une opération ANRU
de démolition/reconstruction stratégique pour l’avenir de la ville ;
• Participer à la création de nouveaux logements dans la ville mais
aussi dans l’agglomération afin de satisfaire un besoin urgent et
important en quantité ;
FIGURE 11 : PLATEAU DE COLOMBELLES
SOURCE : NORMANDIE AMÉNAGEMENT
Questionnements
• Quelle prise en compte de ces démarches par les élus ?
Les communes, petites et moyennes, disposent de peu de moyens
pour mettre en œuvre les directives issues des enjeux nationaux
sur le développement durable et la politique de la ville ; il s’agissait
de poursuivre la rénovation de la ville au-delà de l’opération de
démolition/reconstruction de l’ANRU en ne s’opposant pas à la
densification, notamment au sein des larges zones pavillonnaires
proches du centre-ville où pouvaient prendre place des
programmes de logements modulaires.
• Quelles opportunités pour le développement de logements
sociaux ?
Ce type d’opération expérimentale est une opportunité pour :
• Conduire des réflexions sur l’évolution de la cellule familiale
: monoparentalité, recomposition…
• Avoir un nouveau regard sur le foncier disponible, la densification
douce, l’évolution réglementaire des documents d’urbanisme…
• Conserver la cohésion sociale au sein de la commune, au regard
de son histoire ouvrière ;
• Pour les bailleurs sociaux, repenser la « cellule logement »,
l’offre locative, l’aspect éphémère et mobile du patrimoine ;
• Exercer une veille foncière afin d’identifier la possibilité de
construire en densifiant ;
• Mais aussi montrer à la population l’exemple d’une ville flexible,
nouvelle et hors du modèle traditionnel.
• S’orienter vers des opérations expérimentales : logements
modulaires et éphémères, assouplissements réglementaires
(notamment dans les règlements d’urbanisme) ;
• Réfléchir à la cohérence du devenir urbain en s’inscrivant dans
un projet d’agglomération et en révisant le PLU.
14
LE DOSSIER
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
Le diagnostic territorial
une étape incontournable
L’analyse fine d’un territoire permet d’en dégager les composantes,
ainsi que les dynamiques existantes. Il ne s’agit pas de seulement
dresser un état des lieux, mais d’identifier les attentes et besoins
des populations, de comprendre les logiques d’action et d’appréhender les politiques locales. Dès lors, le diagnostic territorial,
par une entrée systémique, permet une mise en perspective des
enjeux et favorise le développement d’actions multi-partenariales
destinées à répondre à ces derniers.
Le diagnostic territorial combine plusieurs éléments méthodologiques :
• Un recensement visuel des initiatives existantes (relevé des
modifications sur le bâti) ;
• Une identification des gisements de superficies constructibles au sein des parcelles déjà bâties ainsi que des espaces non
construits entourés de parcelles construites, ce qu’on appelle plus
communément les « dents creuses » ;
• Une analyse cartographique (cartes IGN, plans cadastraux et
images satellitaires) ;
• Une prise en compte des règlements d’urbanisme ;
• Des entretiens avec les acteurs locaux et les résidents.
Le diagnostic territorial permet ainsi une approche fine des initiatives
de densification douce.
Ainsi, un diagnostic territorial fin apparait comme élément
essentiel de l’évaluation du potentiel de densification douce,
chaque commune ayant une dynamique géographique spécifique
Diagnostic territorial : le constat des étudiants
du master 1 Urbanisme et Aménagement
Durables (Université de Caen Normandie)
En s’appuyant sur l’étude de six communes à proximité de
l’agglomération caennaise, les étudiants ont mis en évidence
l’intérêt d’un diagnostic territorial pour réfléchir à une démarche
de densification douce.
densification douce des communes littorales déjà denses. La
réhabilitation du bâti ancien et la configuration des espaces
de l’époque (présence d’arrière-cours) offrent des possibilités
d’action.
Selon les territoires étudiés, le potentiel d’augmentation du
nombre de logements par densification douce varie de 5 à 15 %.
Cela ne suffit pas pour satisfaire une demande de logements
qui se maintient à un niveau élevé.
Il faut noter le fait que les initiatives de densification douce
ont pour origine des situations et des contextes extrêmement
variés (grandes parcelles divisibles, exploitations agricoles
reconverties…). De même, les entretiens réalisés avec les
élus mettent en évidence des contrastes dans les objectifs de
développement des communes. Certains élus privilégient le
logement collectif, d’autres le logement individuel, y compris
pour des communes limitrophes et aux caractéristiques proches.
Les étudiants ont pu distinguer deux logiques de densification.
La première, identifiée à l’intérieur de l’agglomération caennaise, concerne les abords des axes principaux, attractifs du
fait de leur importante fréquentation. La seconde concerne
des communes plus éloignées de l’agglomération où la densification se développe surtout dans des tissus anciens déjà
densément bâtis.
liée à sa localisation mais également à son histoire et ses habitants.
Les documents d’urbanisme sont des éléments essentiels à
considérer car ils traduisent les différentes positions des politiques
locales, notamment le PLU qui pose la question de la densification.
Mais l’appréhension de la densification douce ne dépend pas uniquement
des spécificités géographiques et des aspects réglementaires.
Elle est également le fruit de choix et de stratégies politiques.
Il n’y a donc pas de réponse universelle mais des réponses spécifiques
à chaque terrotoire.
Les éléments du diagnostic qui semblent faciliter les
démarches de densification douce sont :
• La présence de gisements fonciers et immobiliers disponibles
(dents creuses) ;
• La présence de tissus anciens, lieux privilégiés pour la
15
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
POINT DE VUE DE CHERCHEUR
Point de vue de chercheur
3 QUESTIONS À PIERRE BERGEL
Pierre BERGEL
Professeur en géographie sociale et
urbaine et chercheur à l’unité mixte
de recherche espaces et sociétés (UMR
CNRS ESO 6590).
http://eso-caen.cnrs.fr
Co-directeur du Master Urbanisme et
aménagement Durables (MUD) de l’Université
de Caen Normandie.
Quelle est la dynamique de l’urbanisation en Normandie ?
En France, beaucoup de facteurs poussent à la dédensification
du bâti et des logements : souhait des ménages, contraintes
liées à l’utilisation de l’automobile, etc. Comme le souligne David
Mangin, l’empilement des règlementations exerce par ailleurs un
effet négatif. Les restrictions liées au bruit, à la préservation du
patrimoine ou des paysages visent à améliorer la qualité de la
vie mais elles incitent corollairement à penser l’urbanisation de
manière lacunaire et desserrée, à rebours des principes affichés
par les grandes lois (SRU, Grenelle, ALUR, etc.). Cependant, il ne
faut pas exagérer la gravité de la situation, l’efficacité commandant
même de ne pas céder au catastrophisme. En Basse-Normandie,
il reste encore beaucoup d’espaces non bâtis, même autour de
Caen, là où les dynamiques de périurbanisation sont pourtant
les plus vives. Les fortes consommations de sols se concentrent
sur un petit nombre de communes (quelques dizaines), laissant
l’immense majorité de la région à l’écart de l’artificialisation.
Quel est le principal facteur responsable de l’artificialisation des sols en Basse Normandie ?
Il faut également relativiser le facteur « construction de logements » dans l’artificialisation des sols. La majorité des superficies
artificialisées est liée à la construction de parkings, de voies
routières ou de bâtiments d’activités. Par ailleurs, une bonne
part des superficies enregistrées comme bâties sont en fait
végétalisées : c’est le cas des terre-pleins, des talus anti-bruits
16
et, surtout, des jardins privatifs dont le nombre augmente très
rapidement. Pour toutes ces raisons, ni la périurbanisation
ni l’artificialisation ne consomment un département tous
les sept ans, valeur fortement exagérée… Heureusement !
Quelle prise de conscience de la nécessité de
densifier la ville par les élus locaux ?
Il est important de nuancer certaines évidences trop rapidement admises à propos de l’artificialisation des sols. Toutefois,
cela ne doit pas conduire à sous-estimer les difficultés. Les
diagnostics territoriaux effectués par les étudiants du master
MUD ont montré une prise de conscience de la part des élus
ainsi qu’une multitude de « bricolages » individuels, pratiqués à
la parcelle. Associés à de nombreux changements législatifs et
réglementaires, ces premiers « frémissements » en faveur de la
densification semblent encourageants pour l’avenir.
LE DOSSIER
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
Les facteurs clés facilitants
MIEUX COMPRENDRE LE RAPPORT À L’HABITER
« Imposer un changement de comportement, révolutionner les
habitudes, susciter des croyances : la mise en œuvre, la réception
et la compréhension du développement durable interrogent à
plus d’un titre les conditions de sa réalisation et la place laissée
à l’habitant » (Morel-Brochet et Ortar, 2014).
Il suppose une transformation des modes de vie autant que des
modes d’habiter. Le terme de « mode d’habiter » renvoie aux
manières de pratiquer, de penser, de dire, de vivre les différents
espaces, territoires et lieux qu’habitent les individus et les groupes,
sans nécessairement y vivre au quotidien (Morel-Brochet et Ortar,
2012). Le premier élément de consensus est que la densification
de la ville n’est pas socialement innée. Le rapport à « l’habiter » dépend de l’histoire personnelle et de la sensibilité de
chacun, comme des représentations sociales des territoires.
Il convient de s’interroger sur les représentations sociologiques et
culturelles de la densification douce. Les recherches montrent que
l’habiter ne se résume pas uniquement à l’action de se loger, mais
traduit des pratiques et représentations multiples. Elle recouvre
une dimension sociale et symbolique pour de nombreux Français.
Elle est notamment symbole de promotion sociale (Rougé, 2014).
Généralement, la densification renvoie une forte connotation
négative, en référence à l’image d’une ghetthoïsation datant
de l’époque de la construction des grands ensembles.
Une sensibilisation à la densification de la ville est nécessaire afin
de dédramatiser la densité et faire ressortir les bénéfices pour
les citoyens tels que la proximité des aménités urbaines ou le
développement d’espaces verts de qualité. Il convient également
de donner du sens à cette adaptabilité de la ville douce afin que
les initiatives individuelles s’intègrent mieux au tissu urbain. Les
démarches et les projets novateurs méritent d’être mieux connus.
Un effort de communication sur les initiatives existantes est
essentiel afin de sensibiliser au mieux l’ensemble des acteurs.
L’urbanisme se définissant comme la manière de concevoir
Les mots « densité » et « densification » font parfois peur aux
habitants, la densification, quand elle n’est pas imposée par la
puissance publique, ou qu’elle est progressive, ne les effraie
pas (Rougé, 2014).
les conditions de production du tissu urbain, différents chercheurs du laboratoire Espaces et Sociétés (ESO) s’attachent à
la question de ce qui fonde l’urbain aujourd’hui, à l’analyse de
ses recompositions et au renouvellement des modes d’habiter.
Les formes de l’habitat et contextes résidentiels font l’objet de
recherches originales croisant sciences sociales, architecture
et projet urbain. Les travaux de Philippe Woloszyn, chercheur
à ESO Rennes, sur l’analyse de la perception de l’ambiance des
espaces par l’utilisation de techniques de spatialisation en réalité
virtuelle ou augmentée, proposent une nouvelle approche de la
concertation en matière de développement urbain, à travers le
recueil du vécu sensible.
Pour mieux comprendre le rapport à l’habiter, il convient donc
d’analyser les relations des habitants avec leurs lieux de vie, leur
habitat au sens large (Morel-Brochet, 2012).
RÉFLÉCHIR À DIFFÉRENTES ÉCHELLES DE TERRITOIRE
Selon la DDTM du Calvados, il ne peut y avoir de qualité urbaine
sans un minimum d’intensité urbaine. En effet, l’intensité urbaine s’envisage en termes de progrès au bénéfice des habitants
et de la collectivité (qualité des espaces publics, augmentation
des commerces, services), tout ce qui fait la richesse de la ville.
Le renouvellement urbain associé à la densification des tissus
existants est un enjeu majeur de l’aménagement du territoire.
Il convient d’y travailler à différentes échelles géographiques. Il
est important de considérer l’intégration d’un quartier dans son
territoire avec l’implantation de services, d’équipements, de
commerces qui en découlent.
De l’échelle intercommunale du schéma de cohérence territoriale
(SCOT) à celle du quartier en passant par celle de la commune, les
17
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
LES FACTEURS CLÉS FACILITANTS
LE DOSSIER
(SUITE)
compétences attribuées en matière d’aménagement territorial
varient selon les échelons territoriaux considérés et les évolutions
réglementaires.
L’unité mixte de recherche du CNRS et de l’Université de
Grenoble « Pacte Politiques publiques, ACtion politique,
TErritoires (PACTE) » rassemble politistes, géographes, urbanistes, juristes ainsi que des sociologues et conduit des analyses
multiscalaires (îlot, quartier, ville, agglomération, métropole…)
afin de caractériser les dynamiques et actions collectives en
œuvre sur les territoires urbains. A l’échelle de la collectivité,
il s’agit d’initier une réflexion transversale pour considérer la
question de la mixité sociale, celle des déplacements, de l’approvisionnement en eau des logements ou encore de l’efficacité
énergétique en parallèle.
Une plate-forme d’observation des projets et stratégies urbaines
a également été lancée avec le soutien du PUCA afin de partager
les connaissances produites par les milieux de la recherche sur la
fabrique de la ville et de favoriser l’échange entre acteurs. Selon
le Réseau activités et métiers de l’architecture et de l’urbanisme
(Ramau), « c’est largement dans l’interprofessionnalité que
l’évolution des pratiques se joue, fruit de la rencontre des
représentations que se font les acteurs du problème climatique,
de son urgence et des manières de le juguler. »
18
ZOOM : Laboratoire ESO
Reconnue en France pour la qualité de
ses recherches en géographie sociale,
l’Unité Mixte de Recherche « Espaces et
Sociétés » 6590 CNRS est spécialisée
dans l’analyse des sociétés à partir
d’une lecture critique de l’organisation de
l’espace géographique. L’unité de recherche compte environ
200 chercheurs et elle est répartie sur cinq universités de
l’ouest français : outre Caen, Le Mans, Rennes, Nantes et Angers.
Les recherches sont organisées en quatre axes thématiques :
• La dimension spatiale des sociétés ;
• Dynamique des sociétés et des espaces : quels espaces pour
quels projets de sociétés ?
• Représentations des espaces, pratiques des lieux, territorialités ;
• Action publique et politiques territorialisées.
A Caen, le laboratoire est inséré dans la Maison de la Recherche
en Sciences Humaines. ESO-Caen participe à divers pôles de
recherche de cette Maison : « pôle rural », « programme villes
et sciences sociales », « séminaire émancipation ».
Les recherches et les publications des chercheurs d’ESO
sont consultables sur http://eso-caen.cnrs.fr
LE DOSSIER
LES FACTEURS CLÉS FACILITANTS
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
(SUITE)
ZOOM : Guide méthodologique de la DDTM du Calvados
La DDTM du Calvados met à disposition un guide méthodologique, publié en octobre 2015, afin d’accompagner le développement de projet urbain durable.
Ce guide pose les bases du projet et répertorie les questions à se poser, les points
de vigilance et les outils auxquels se référer, à travers 5 questions primordiales :
gouvernance, pertinence, motivations, échelle de territoire, stratégie. Il se veut
évolutif à travers l’ajout de fiches complémentaires permettant de valoriser les
bonnes pratiques et d’actualiser les évolutions législatives.
Une fiche sur la notion d’intensité urbaine a ainsi été réalisée, de même qu’une
fiche sur le financement du logement social dans le Calvados.
http://www.calvados.gouv.fr/IMG/pdf/Guide_Accompagner_le_projet_urbain_v12_web.pdf
FIGURE 12 : COUVERTURE DU GUIDE MÉTHODOLOGIQUE
« L’URBANISME DE PROJET AU SERVICE DU TERRITOIRE » - DDTM DU CALVADOS, OCT . 2015
RÉPONDRE À LA DEMANDE EN LOGEMENTS SOCIAUX ?
Les recherches actuelles ne permettent pas d’établir de relation de
cause à effet entre l’offre de densification douce et la production
de logements sociaux. La mise en corrélation nécessite une étude
à plus long terme mais le retour d’expérience d’autres pays permet
de l’envisager. En Ontario (Canada), c’est en raison de leur
qualité supposée inférieure aux autres types de logements
(notamment du fait d’une taille réduite et de la fréquence de leur
localisation en sous-sol) que les appartements accessoires
sont considérés comme une source de logement locatif
abordable (Touati, 2013). Mais de nombreux auteurs estiment que
la province et les municipalités canadiennes tendent à utiliser ce
dispositif comme un palliatif à la filière publique traditionnelle
de production de logements sociaux (Hackworth et Moriah, 2006 ;
Sousa et Quarter, 2003). Par ailleurs, la division parcellaire pourrait
être un levier pour la production de logements abordables en
agissant sur la baisse des prix du foncier et donc des logements.
L’évaluation des initiatives individuelles et de leur potentiel
de développement s’avère donc être une étape primordiale
à l’adaptation de l’offre de logements à la demande.
Le logement social a un rôle prépondérant dans la recherche
de mixité sociale et générationnelle. Mais chaque opération de
logement social intervient en réponse à une problématique de
territoire particulière. Il est donc nécessaire de bien connaître
la population pour anticiper ses besoins. L’association régionale
pour l’habitat social en Basse Normandie met à disposition des
analyses statistiques détaillées issues des organismes HLM à
l’échelle communale. La représentation des prix des maisons
en valeur absolue figurant dans l’Atlas des campagnes de l’Ouest
réalisé par les chercheurs du laboratoire ESO en 2014, offre également un portrait social de la région, avec l’indication du niveau
de solvabilité des acquéreurs (Bergel et Marie, 2014).
FIGURE 13 : COUVERTURE DE L’ATLAS DES CAMPAGNES DE L’OUEST
SOURCE : PRESSE UNIVERSITAIRE DE RENNES
19
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
LES FACTEURS CLÉS FACILITANTS
LE DOSSIER
(SUITE)
Au-delà de l’acceptation sociale de la densité urbaine, les
démarches de densification douce se doivent d’intégrer la
recherche de nouveaux usages et des interactions sociales
vers un bien vivre ensemble.
Les potentialités de développement de la densification se situent
à la croisée des initiatives individuelles et des stratégies politiques.
Tout l’objet de la recherche actuelle est d’en comprendre les
logiques d’action.
20
LE DOSSIER
LES FACTEURS CLÉS FACILITANTS
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
(SUITE)
Pour aller plus loin...
Plate-forme d’observation des projets et stratégies urbaines - PUCA :
http://www.popsu.archi.fr/
Groupe de recherche Projet urbain, planification territoriale et pratiques d’habiter
http://www.pacte-grenoble.fr/thematiques/groupes-de-recherche/
projet-urbain-planification-territoriale-et-pratiques-dhabiter/
Thème de recherche :
analyse des systèmes d’acteurs et des processus décisionnels qui sous-tendent la production des planifications territoriales
et des projets urbains
Approches sociologiques en matière de l’habiter, état des lieux des recherches – rapport IUP 2 sociologie Urbaine Université
- Joseph Fournier – Grenoble - 2006-2007
http://sbeschi.free.fr/travaux-urbanisme-transport/habitat/Socio-Habiter-Modes-d-Habiter.pdf
«Un point sur l’habiter. Heidegger, et après…», Annabelle Morel-Brochet, EspacesTemps.net, Livres, 04/11/2008
http://www.espacestemps.net/articles/un-point-sur-habiter-heidegger-et-apres/
DATAR - L’observatoire des territoires du Commissariat Général à l’Egalité des
Territoires : cartographier des indicateurs et des sondages
http://carto.observatoire-des-territoires.gouv.fr
Vidéo « La densification douce des tissus pavillonnaires : une solution innovante pour
produire du logement ? » - 9’10 - MEDDE/MLETR/PUCA, 2014
Éléments de méthodes pour l’élaboration d’un PLU dans la perspective BIMBY
http://bimby.fr/sites/bimby.fr/files/Brique%20fiche_chapeau%20rev%20DAVID.pdf
Présentation de l’outil VIGISOL de la SAFER Basse-Normandie
https://www.youtube.com/embed/vwLGPAV0JxE
21
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
Conclusion & perspectives
Vers une densification durable participative
« Refaire la ville sur la ville » est l’un des mots d’ordre de l’aménagement urbain durable. La densification des espaces urbains
est désormais au cœur des politiques urbaines, afin de limiter la
consommation d’espaces et de ressources. Malgré ces dispositions,
la France est aujourd’hui encore un pays à faible densité, comparée
à ses voisins européens. L’habitat individuel est particulièrement
développé et les conditions restent favorables à l’étalement urbain.
Toutefois, le projet de recherche BIMBY met en lumière la montée
en puissance des démarches de densification douce en France.
Le tournant politique actuel vers un urbanisme durable devrait
doit permettre d’éviter les conflits d’usage, qui préoccupent de
nombreux élus et techniciens. La reprise en main du pouvoir
de décision urbanistique par les élus est le seul contrepoids,
face aux tendances uniformisantes des mécanismes de fabrication de « l’urbain ». Il convient de redonner la primauté à la
« société-territoire » (Jousseaume, 2014). De fait, une évaluation
du contexte local et des dynamiques des territoires s’impose
pour une meilleure appréhension des documents d’urbanisme,
notamment du PLU. Il s’agit, à partir d’un diagnostic partagé
et réalisé à une échelle pertinente, d’interroger les possibilités
permettre de créer les conditions d’aménagement de l’espace
favorisant la transition vers des modes de vie et de consommation
durable. L’urgence des défis écologiques et la recherche d’un
aménagement « économe de l’espace » ont accéléré les réflexions
sur la densité et le renouvellement urbain alors que celles-ci
ne sont pas acquises par l’opinion commune. Alors, face à la
sacro-sainte propriété privée et à la perpétuelle aspiration
des Français à un habitat pavillonnaire, des changements
significatifs sont-ils envisageables ?
d’adaptation des logements en matière de transition énergétique :
d’efficacité énergétique des logements, de gestion des déchets,
de traitement des eaux, de lien social…
L’attention des chercheurs et urbanistes se concentre vers les
quartiers des tissus pavillonnaires, territoires à forts enjeux, afin
d’évaluer les potentialités, à travers le recensement des gisements
fonciers mais également l’analyse de la pression urbaine à laquelle
la commune est soumise. Par ailleurs, les recherches récentes
mettent en lumière l’importance des trajectoires sociales des
individus mais également des aménités offertes par les quartiers
en termes d’urbanité et d’accès au logement dans l’acceptation
de la densification. En outre, les représentations sociales et les
perceptions sont autant d’éléments fondamentaux à considérer.
Composantes majeures des modes d’habiter et des manières de
faire, leur résilience en font une dimension qu’on ne peut négliger,
car elles semblent constituer le véritable levier du changement
(Morel-Brochet, 2014).
Mais tout changement nécessite un accompagnement. Ainsi, il
apparait fondamental d’initier un dialogue avec les habitants et
d’aller vers plus de concertation entre les parties prenantes afin
d’établir un projet urbain participatif et d’envisager collectivement le futur du territoire. Cette anticipation collective
22
Pour poursuivre les recherches et apporter des éléments de
réponse, le PUCA a lancé, en 2014, un nouveau programme de
recherche intitulé « Vers des politiques publiques de densification
et d’intensification "douces" ? Intérêts, limites et opportunités ».
Ces questionnements relient les démarches d’aménagement
et d’urbanisme. En effet, si ce travail sur une densité dite
douce semble indispensable à l’aménagement durable
d’un territoire, celui d’une réflexion sur le long terme et
à des échelles de temps et d’espaces plus larges l’est tout
autant. Les documents d’urbanisme permettent d’aller vers
un équilibre entre les besoins de développement territorial et
les préoccupations environnementales et sociales. Optimiser
l’utilisation des sols, repenser la place de la voiture, aménager
en préservant des zones naturelles et agricoles sont autant de
réflexions à considérer afin d’assurer un développement territorial
durable. « L’approche territoriale est parée de la double vertu de
la proximité et de la transversalité » (Béhar, 2000).
Dès lors, le défi n’est plus simplement de raisonner en termes
de consommation d’espaces mais bel et bien d’aller vers une
logique d’optimisation et de renouvellement des ressources
d’un « écosystème territorial ».
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
Bibliographie
GUIU C., FABUREL G., MERVANT-ROUX M., TORGUE H., WOLOSZYN P.,
2015, « Soundspaces : espaces, expériences et politiques du sonore »,
PUR, Rennes, 417 p.
HACKWORTH J. ET MORIAH A., 2006, « Neoliberalism, Contingency
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23
LES CAHIERS DE L’IRD2 • N°3
Les outils développés par l’IRD2
sur la thématique
La rencontre chercheur
« La densification pour renouveler la ville ? »
Elle s’est déroulée le 4 décembre 2014 à l’UFR Droit de l’Université
de Caen Basse-Normandie.
Pour plus d’informations sur cette journée, rendez-vous sur
www.ird2.org
Vous pouvez y retrouver le programme détaillé de la rencontre
ainsi que les présentations des intervenants.
Groupe projet master MUD
Une exposition des étudiants du master 1 « Urbanisme et aménagement durables » , promotion 2014-2015 a été réalisée dans
le cadre de cette rencontre.
Découvrez la sur :http://www.ird2.org/etudiants/diagnostic-territorial-des-etudiants-du-master-urbanisme-et-amenagement-durable/
www.ird2.org
NORMANDIE
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Retrouvez les thématiques de l’IRD2, les documents, comptes-rendus et cahiers à télécharger