VERS UN PILOTAGE REGIONAL DE LA FORMATION

Transcription

VERS UN PILOTAGE REGIONAL DE LA FORMATION
République Tunisienne
Ministère de la Formation
Professionnelle et de l’Emploi
MFPE
VERS UN PILOTAGE REGIONAL DE LA
FORMATION PROFESSIONNELLE EN
TUNISIE : QUELLES PISTES POUR LA
REFORME DE L’ADMINISTRATION ?
NOTE D’ANALYSE ET DE
RECOMMANDATIONS
MARS 2013
SOMMAIRE
Propos introductifs .................................................................................................................................... 2
Régionalisation, décentralisation, déconcentration… : les termes du débat ........................................... 4
Les défis du système de formation professionnelle ................................................................................. 6
Redonner du sens à la formation professionnelle ................................................................................6
Organiser les passerelles entre les systèmes de formation (initiale, supérieur, professionnelle) et
er
promouvoir des filières de formation du 1 niveau de qualification au diplôme d'ingénieur ................7
Assurer la formation tout au long de sa vie ..........................................................................................8
La refonte du système de formation professionnelle ............................................................................... 8
Concilier nouvelle gouvernance et régionalisation ...............................................................................8
Redéfinir et clarifier les missions et le rôle des différents niveaux ......................................................... 10
Le rôle du niveau national.................................................................................................................. 10
Les compétences relevant du niveau régional .................................................................................. 11
Organiser la gouvernance au niveau national et au niveau régional ................................................ 12
Conclusion .............................................................................................................................................. 13
Le contenu de ce document relève de la seule responsabilité de ses auteurs et ne reflète pas
nécessairement l’opinion de l’ETF ou des institutions de l’UE.
2
PROPOS INTRODUCTIFS
Cette note s’inscrit dans le cadre de l’appui de la Fondation européenne pour la formation (ETF).
Cette agence européenne accompagne les politiques publiques de formation et d’emploi dans les
pays partenaires de l’Union européenne et apporte, dans ce cadre, au Ministère de la Formation
Professionnelle et de l’Emploi (MFPE) de Tunisie une aide dans sa réflexion stratégique sur le
développement régional. Plus précisément, une approche innovante a été développée depuis 2012
à Médenine, mobilisant différentes expertises nationales et internationales en renforcement des
capacités des différents acteurs institutionnels et pour le développement d’actions locales et
régionales innovantes. La présente expertise avait un double objectif : d’une part, assister la
direction régionale de la formation et de l’emploi de Médenine dans son rôle de coordination des
acteurs régionaux sur les questions de formation et d’emploi (à travers des actions de formation et
de « coaching »), d’autre part, mettre à profit cette expérience concrète pour nourrir le débat
national sur les réformes administratives de décentralisation/déconcentration nécessaires pour
libérer le potentiel de développement régional.
C’est à ce dernier objectif que concourt la présente note, qui par conséquent, s’adresse avant tout
aux décideurs politiques, au premier rang desquels ceux du Ministère de la Formation
Professionnelle et de l'Emploi ou encore du Ministère du Développement Régional et de la
Planification.
Il a été produit par M Thomas Delourmel, expert mobilisé par l’ETF dans le cadre de ce projet
d’appui à la gouvernance régionale de Médenine.
Ce document est le fruit d’échanges et de réunions organisées à l'occasion des deux déplacements
en Tunisie (juillet et novembre 2012) pendant lesquels la plupart des acteurs et des décideurs du
champ de la formation professionnelle et de l'emploi ont pu être rencontrés. De nouveaux
entretiens seraient très certainement nécessaires, notamment avec les partenaires sociaux ou les
responsables des agences nationales sous tutelle du Ministère de l'emploi et de la formation
professionnelle mais il apparaît déjà, à ce stade de l'analyse, que de profondes réformes doivent
être mises en œuvre. Il est clair que ces évolutions ne peuvent se mettre en place que dans un
contexte de réformes dépassant le seul périmètre de la formation professionnelle puisqu'il est ici
question de revoir l'organisation territoriale de l'Etat au niveau central et au niveau régional.
3
REGIONALISATION, DECENTRALISATION,
DECONCENTRATION… : LES TERMES DU DEBAT
La question de la régionalisation se pose en Tunisie comme elle se pose aujourd'hui dans de
nombreux pays. C'est notamment le cas de la France qui est actuellement en pleine réflexion sur
un nouvel acte de décentralisation donnant plus de pouvoirs aux collectivités locales et visant à une
meilleure répartition des compétences entre l’État et les différentes institutions publiques.
Les débats sont difficiles et au fur et à mesure que les projets de lois circulent, il est clair que
plusieurs conceptions du pouvoir s'affrontent. C'est bien évidemment également le cas
actuellement en Tunisie et les questions qui se posent aujourd'hui relèvent essentiellement de la
structure et de l'organisation du pouvoir. Quelle répartition des compétences, quels seront les lieux
de décision, quelle place sera donnée à la concertation, au dialogue social,.... Tels sont les défis
auxquels la Tunisie se retrouve aujourd'hui confrontée. Nous nous attacherons dans ce document
à porter notre regard uniquement sur l'organisation du système de formation professionnelle mais il
est important de situer le débat au-delà du seul périmètre de la formation puisque les réponses qui
seront données à ces questions vont très certainement marquer l'histoire de ce pays.
Compte tenu de ces enjeux, cela suppose des arbitrages au plus haut niveau de l’État afin
d'engager le pays dans un processus qui oblige à réfléchir à toutes les compétences devant rester
au niveau central et à définir le périmètre de responsabilités et les moyens d'intervention du niveau
régional. Si la régionalisation n'a de sens que s’il existe un pouvoir déconcentré doté de
prérogatives normatives et de capacité budgétaire, il est également essentiel d'assurer le respect
de principes fondamentaux tels que l'égalité de traitement ou l'égalité d'accès ce qui suppose des
régulations et des cadres définis au niveau national.
Il s'agit ici de proposer une configuration de réforme qui soit en mesure d’assurer un meilleur
équilibre entre le niveau central et le niveau régional plus opérationnel. C'est dans ce cadre que
nous pouvons d'ores et déjà parler de régionalisation au sens de déconcentration des
compétences de l’État. Il n'est pas question, ici dans ce rapport, de transferts de compétences
auprès des collectivités locales. Il n'est pas question ici de décentralisation mais bien d'une
réorganisation de la répartition des compétences du Ministère entre le niveau central et les
représentants de ce même ministère au niveau régional. C'est ce qu'on appelle une
déconcentration que l'on nommera ici dans ce texte « régionalisation ».
Ainsi, la première question qui se pose est celle de l'ambition politique car une telle réforme
ne peut s'envisager sans une vision politique claire portée par des décideurs déterminés à
conduire le changement.
Se pose ensuite celle de la capacité à engager un processus de régionalisation pour rapprocher les
politiques publiques des citoyens. Il faut ici se rendre à l'évidence que cette réforme doit s'inscrire
dans un processus plus large de réorganisation de l’État et que cela suppose aussi des moyens
non seulement pour définir le cadre réglementaire, législatif et budgétaire mais aussi pour conduire
le changement dans le temps. La question du temps est fondamentale car les attentes de la
population sont fortes et l’administration doit conduire ce changement rapidement.
Enfin, le troisième enjeu consiste à savoir définir et organiser de nouveaux modes de gouvernance
pour piloter les dispositifs de formation professionnelle. Les premiers constats nous avaient conduit
à souligner les décalages entre l'offre de formation et les besoins des entreprises ou les difficultés
de faire évoluer, au niveau régional, l'appareil de formation en fonction des réalités économiques
4
locales. Cela pose clairement la question de l'analyse et de la connaissance des enjeux emploiformation sur un territoire mais cela pose aussi la question de la place des partenaires sociaux et
des représentants des branches professionnelles dans le système.
La refonte du système tunisien de formation professionnelle doit désormais passer par un transfert
de responsabilités au niveau régional. Depuis la révolution de 2011, cette affirmation fait l’objet d’un
consensus en Tunisie, et ce pour diverses raisons. Il s’agit non seulement de gagner en efficacité
et donc de mieux répondre aux attentes des entreprises en rapprochant la décision politique des
besoins de l'économie mais aussi et surtout de répondre à une demande sociale très forte de la
population qui attend beaucoup des institutions en place.
Le niveau régional est le niveau pertinent pour comprendre les dynamiques d'emploi, analyser les
enjeux économiques et organiser un système de formation en phase avec les dynamiques
économiques. Le niveau régional est aussi le plus pertinent pour offrir des réponses adaptées à
des territoires qui présentent des caractéristiques sociales différentes (démographie, pyramide des
âges, niveau de qualification de la population, revenu par habitant,...). Enfin, il est utile également
de préciser que lorsqu'un transfert de compétence s'établit, cela permet d'identifier clairement le
lieu de prise de décisions et les acteurs concernés. Le transfert de compétences s'accompagne
donc également d'une prise de responsabilité face à des usagers et par la volonté des acteurs de
faire face aux défis économiques et sociaux auxquels ils sont confrontés.
Nous aborderons dans ce document deux parties afin d'une part de présenter succinctement les
principaux défis auxquels le système de formation doit répondre et d'autre part de proposer une
nouvelle organisation dans le domaine de la formation professionnelle.
5
LES DEFIS DU SYSTEME DE FORMATION
PROFESSIONNELLE
Redonner du sens à la formation professionnelle
Le système de formation professionnel peut constituer un levier important pour la conduite des
politiques économiques mais aussi pour l'intégration sociale et professionnelle de la population à
laquelle il s'adresse. L'accès à des compétences, des savoirs faire ou à des qualifications qu'elles
soient professionnelles ou générales sont vecteurs puissants d'intégration qui doivent aider la
personne à se réaliser sur le plan personnel et professionnel.
Plusieurs objectifs sont visés :
■
concilier justice sociale et développement économique : il s'agit ici de répondre aux attentes
des entreprises et de leur proposer les compétences dont elles ont besoin pour faire face aux
évolutions techniques et technologiques ou accompagner leur développement mais il s'agit
aussi et surtout de répondre à la demande sociale d'une population qui se heurte à des
difficultés importantes d’insertion professionnelle,
■
contribuer au développement des territoires et accompagner les projets de développement en
intégrant la dimension « Ressources Humaines » : il s'agit ici d'un enjeu particulièrement
important puisque les projets d’investissement et de développement économique qu'il s'agisse
du tourisme, de l'industrie ou du secteur des services ne peuvent négliger les questions de
compétences et donc de formation professionnelle.
■
valoriser la place de la formation professionnelle et plus généralement valoriser les métiers, à
l’instar de nombreux autres pays. Les métiers dits manuels ont trop souvent été dévalorisés au
profit de métiers bénéficiant d'une image plus positive. Pour inverser cette tendance, il est
nécessaire de travailler avec tous les ministères concernés, au premier rang desquels le
ministère de l’éducation, afin de détecter le potentiel et éviter que les filières professionnelles
ne soient proposées qu'à celles et ceux qui échouent en formation initiale. Cet enjeu inclut la
question des passerelles entre formation professionnelle et enseignement supérieur,
inexistantes (de la Formation Professionnelle à l’Enseignement Supérieur) ou quasi
inexistantes (de l’Enseignement Supérieur à la Formation Professionnelle) à l’heure actuelle en
Tunisie.
■
relancer la dynamique entre les différents acteurs du système emploi-formation et organiser un
nouveau modèle de gouvernance partagé entre l'Etat dans toutes ses composantes et les
partenaires sociaux.
6
Organiser les passerelles entre les systèmes de formation (initiale,
supérieur, professionnelle) et promouvoir des filières de formation du
1er niveau de qualification au diplôme d'ingénieur
En analysant les systèmes mis en place en Europe, il est possible de distinguer deux modèles
d'organisation : d'une part, les pays où les systèmes de formation initiale et continue se
superposent et s'articulent afin de permettre les passerelles tout au long du parcours et d'autre
part, les pays comme la France ou le Danemark où le système de formation professionnelle
continue possède son propre cadre et est organisé de façon tout à fait indépendante du système
1
de formation professionnelle initiale .
On pourrait de la même façon distinguer deux conceptions de la formation professionnelle ; celle
qui consiste à proposer aux jeunes élèves d'opter pour l'apprentissage d'un métier dès lors qu'ils ne
désirent pas (ou ne sont pas) en mesure de poursuivre dans une filière générale et celle qui,
comme c'est le cas également aux USA, propose un enseignement professionnel après avoir
atteint un niveau post secondaire et donc après avoir acquis un socle de compétences générales.
Même si le travail réalisé ne portait pas sur cette thématique puisqu'il n'était question que de la
refonte du système de formation professionnelle initiale, il semble important que la réflexion
politique porte sur l'ensemble du système. Il est préconisé de revoir en profondeur le système pour,
non seulement, revaloriser les filières professionnelles et plus largement revaloriser les métiers
mais aussi, permettre les passerelles entre les systèmes de formation et encourager les
démarches de formation tout au long de la vie.
Le système tunisien est assez proche du système français avec une distinction encore plus
marquée entre l'enseignement supérieur et la formation professionnelle. Cette réalité, très
révélatrice de l'image accordée à la formation professionnelle, doit être prise en compte dans les
décisions à venir mais elle doit surtout être combattue pour faire de la formation professionnelle
un élément clé du marché du travail tunisien.
Le travail sur la revalorisation des filières professionnelles suppose d'organiser des filières de
formations professionnelles sur tous les niveaux de formation y compris sur l’enseignement
supérieur afin de favoriser les passerelles entre les différentes voies de formation, de contribuer à
valoriser l'image de la formation professionnelle et encourager la promotion sociale.
A ce stade, il sera utile de mesurer l’intérêt de dispositifs de formation en alternance par la voie de
l'apprentissage. Ce dispositif fait ses preuves dès lors qu'il n'est pas conçu comme une « voie de
garage » réservée à celles et ceux qui échouent dans la formation initiale « dite classique ». Ce
dispositif fait ses preuves partout où il est déployé en lien avec les branches professionnelles et les
partenaires sociaux.
1
En savoir plus : Analyse comparée des différents systèmes de formation professionnelle document publié par
l'Institut Montaigne : http://www.institutmontaigne.org/medias/benchmark_formation_professionnelle_OCDE.pdfe)
7
Assurer la formation tout au long de sa vie
L'articulation entre les formations initiales et les formations professionnelles ainsi que le
déploiement de formation en alternance pourront également servir d'atouts pour développer en
Tunisie une politique de formation continue au profit des demandeurs d'emploi. Ce sujet n’a pas été
abordé dans le cadre de cette mission d’expertise mais la question se pose au regard des enjeux
de société de la Tunisie et de la nécessité d’offrir des perspectives ou une seconde chance à celles
et ceux qui ne disposent pas des qualifications requises sur le marché du travail. Il s'agit là d'un défi
politique majeur qui consiste à proposer un accès à des dispositifs de qualification tout au long de
sa vie.
Cela fait clairement partie des arbitrages à rendre. Quels moyens l’État peut-il consacrer à la
formation continue des demandeurs d’emploi ou des salariés en reconversion, comment
encourager et organiser la formation tout au long de la vie, comment accompagner les
reconversions professionnelles ou organiser les évolutions de compétences pour répondre aux
besoins des entreprises ?
Ce sujet devra faire l'objet d'une négociation avec les partenaires sociaux dans le cadre de
concertations menées au niveau national sur l'emploi. Nous ne pouvons qu’encourager le Ministère
à s’engager dans cette voie et à créer un nouveau droit à la formation tout au long de la vie
LA REFONTE DU SYSTEME DE FORMATION
PROFESSIONNELLE
Concilier nouvelle gouvernance et régionalisation
Un rapide tour d'horizon des modèles déployés en Europe montre à la fois l’intérêt et les limites des
systèmes décentralisés dès lors que la répartition des missions et le rôle des acteurs n'ont pas été
clairement définis.
Enfin, il est également utile de mesurer le niveau et le mode de régulation des différents systèmes
pour pouvoir les distinguer et faire les préconisations les plus adaptées au modèle tunisien. Là
encore, les traditions et les cultures varient d'un pays à l'autre. Cela peut, bien entendu, expliquer
certains freins au partage de responsabilités et à la mise en place d’instances de concertation mais
aujourd'hui, le sens de toutes les réformes en cours consiste à donner au niveau régional un
rôle moteur dans l'animation et la mise en œuvre des politiques emploi-formation.
Il semble acquis au plus au niveau de l’État que la refonte de la gouvernance passe par une plus
forte participation des partenaires sociaux et des représentants de la société civile dans la définition
et la conduite de l'action publique. Il est désormais nécessaire de passer à une nouvelle étape et
de construire des instances de concertation et de régulation du système de formation
professionnelle tunisien et donc de repenser la répartition des rôles, des responsabilités et
prérogatives entre niveau central et régional : quelles compétences, pour quels objectifs ?
Inscrire la Tunisie dans un processus durable de régionalisation et définir un nouveau
modèle suppose de clarifier les fonctions régaliennes relevant du niveau central et de confier de
nouvelles responsabilités au niveau régional, afin de faire de l'échelon régional le niveau pertinent
dans la mise en œuvre et le pilotage des politiques de formation professionnelle.
Le système, tel qu’il est aujourd’hui mis en place, n’est pas en mesure de faire face aux attentes
croissantes de la population. La vague de réformes annoncées doit être l’occasion de donner au
8
niveau régional de nouvelles compétences notamment dans le domaine de la formation
professionnelle et de l’emploi. Ces domaines peuvent assez facilement et rapidement faire
consensus entre les différents acteurs concernés ; acteurs économiques, partenaires sociaux et
directions régionales des différents ministères.
Le Pacte social tripartite signé le 14 janvier 2013, dont un des chapitres porte précisément sur la
formation professionnelle et un autre sur le développement régional et l’employabilité, peut
aisément fournir le fondement politique adéquat pour amorcer des réformes dans cette direction.
Les réformes du Ministère de la formation professionnelle et de l'emploi doivent s'inscrire dans un
cadre politique plus large, incluant notamment le Ministère de l’Éducation afin de donner à la
formation professionnelle la place qu'elle n'a jamais eue dans le système actuel. Les taux de
chômage des jeunes diplômés de certaines filières d'enseignement supérieur et les défis
techniques et technologiques qui s'imposent aux entreprises tunisiennes seront des éléments
moteurs de la réforme à venir.
Cette approche transversale est aussi l'occasion de rechercher une meilleure cohérence entre
l'économie et l'offre de formation et donc de revoir le mode de gouvernance.
Il est proposé d'engager un processus de régionalisation et de confier au gouverneur l'ensemble du
pilotage des politiques publiques régionales. Cette proposition s'inscrit bien dans la démarche que
l’État doit engager pour rapprocher les lieux de décisions et les lieux de concertation des
dynamiques économiques, territoriales et sociales. Le gouverneur a toute sa légitimité dans ce
système puisqu'il est le représentant régional de l’État dans toute sa composante (agriculture,
développement économique, tourisme, …).
Il est également proposé de réaffirmer le rôle de chef de file des directions régionales de la
formation professionnelle et de l’emploi. Le directeur de la formation professionnelle et de
l'emploi serait donc sous une double tutelle (Ministère de la formation professionnelle et de l'emploi,
Gouverneur).
Le processus de régionalisation doit être l’occasion de donner pleinement la responsabilité du
pilotage au niveau du directeur régional sous l’autorité du gouverneur et du Ministre. Il parait
intéressant de réaffirmer les dispositions prévues dans le décret du 30 mai 1994, en l’adaptant à la
situation actuelle. Ce décret du 30 mai 1994 qui fixe l’organisation et l’attribution des services
extérieurs du Ministère de la formation professionnelle et de l’emploi donne, en effet, au directeur
régional un rôle de chef de file. Il doit assurer la tutelle sur les organismes extérieurs (ANETI,
ATFP), définir les enjeux et les orientations pour faire face aux évolutions économiques et sociales
de la région et il organise également l’actualisation de la carte régionale des formations
professionnelles. Le décret prévoit également que le directeur régional élabore les schémas
régionaux de développement de la formation professionnelle.
Pour assurer l’exercice de ses fonctions, et ainsi améliorer le pilotage de la politique en faveur de
l’emploi et de la formation professionnelle, la direction régionale (DRFPE) doit donc se positionner
dans un rôle de chef de file en lien étroit avec les partenaires sociaux.
Les propositions formulées partent du principe que le système repose désormais sur une
implication plus forte des partenaires sociaux en appui aux politiques publiques et parfois même
dans une logique de co-décision des orientations stratégiques et des programmes d'actions. Cela
suppose de revoir les instances de gouvernance et de définir leur composition, leur mode
d'organisation et les processus de prise de décision. Cela nécessite d'abord de préciser les
missions ce chacun de composante du Ministère de l'emploi et de la formation professionnelle.
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REDEFINIR ET CLARIFIER LES MISSIONS ET LE
ROLE DES DIFFERENTS NIVEAUX
Le rôle du niveau national
C'est le niveau national qui fixe le cadre réglementaire du système de formation professionnelle :
■
Définition du cadre réglementaire et des normes en matière de droit du travail, de prélèvements
fiscaux au profit de la formation professionnelle,
■
Politique nationale de certification (diplômes, certificats professionnels, titres de branches
professionnelles)
■
Agrément et contrôle pédagogique des organismes de formation (cadre national et équipes
déconcentrées dans les DRFPE),
■
Négociation collective avec les représentants des branches professionnelles,
■
Animation et pilotage du dialogue social au niveau national avec les partenaires sociaux
(Conseil national de l'emploi et de la formation professionnelle ou Conseil économique
national),
■
Conception des outils pédagogiques dans une approche interministérielle (Ministère de
l'emploi, Ministère de l’Éducation, Agriculture, Tourisme, Santé, Défense...) en lien avec les
partenaires sociaux dans le cadre de commissions paritaires et avec l'appui de l'institut national
des métiers,
■
Contrôle pédagogique des organismes de formation (cadre national et équipes déconcentrées
dans les DRFPE),
■
Suivi des schémas régionaux d'évolution de l'offre régionale de formation,
■
Expertise et ingénierie sur les projets d'investissement,
■
Négociation et pilotage de Conventions d'objectifs et de moyens avec les Agences nationales,
les branches professionnelles ou les têtes de réseaux.
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Les compétences relevant du niveau régional
Pour assurer son rôle de chef de file en matière de politique de formation professionnelle, la
DRFPE doit avoir à sa disposition les outils et les instances de concertation pour animer les
échanges avec les partenaires sociaux et les représentants des branches professionnelles.
Parmi les outils, deux semblent indispensables à mettre en place pour concrétiser cette approche
régionale concertée de la formation professionnelle :

la création d'un observatoire régional de l'emploi et des formations professionnelles,

la création d'une instance régionale de concertation (du type conseil économique et social
régional).
Les missions peuvent se résumer de la façon suivante :
■
Élaboration et partage du diagnostic emploi-formation à l'échelle régionale et infra-régionale,
actualisation et mise en perspective à moyen terme des besoins en compétences et en emploi,
■
Élaboration et pilotage, en lien avec les partenaires sociaux et l'ensemble des représentants de
l’État, d'un Contrat de Plan Régional de Développement des formations professionnelles
afin de dégager des priorités d'actions et définir une vision commune adaptée aux réalités
territoriales,
■
Élaboration et pilotage des schémas d'évolution de l'offre de formation, validation des
adaptations pédagogiques proposées pour répondre à des spécificités ou des besoins
identifiés sur le territoire (travail sur certains matériaux ou selon des pratiques spécifiques),
■
Organisation du dialogue social à l'échelon régional,
■
Tutelle sur les représentations régionales des agences nationales si elles sont mises en place,
dans le cadre de la déclinaison de contrats d'objectifs et de moyens conclus au niveau
national, dialogue de gestion avec les satellites du Ministère (Agences et opérateurs de
formation). Il s'agit ici de répondre à la logique du « qui paie décide » et de piloter par les
contrats d'objectifs et par les discussions budgétaires l'activité des agences qui dépendent du
Ministère,
■
Pilotage de la déclinaison des Contrats d'objectifs et de moyens signés au niveau national avec
les branches professionnelles,
■
Organisation des fonctions d'accueil, d'information et d'orientation (animation des réseaux,
organisation de manifestations, communication,...),
■
Instruction technique des demandes d'agrément des organismes de formation, formalisation
d'un plan régional de contrôle des organismes de formation en lien avec l'administration
centrale.
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Proposition d’organigramme fonctionnel des Directions régionales de la formation professionnelle
et de l'apprentissage (D.R.F.P.E)
Directeur de la formation professionnelle et de l'emploi
Pôle étude-prospective
Pôle sécurisation des parcours
Pôle Innovation
Diagnostic
Prospective
Schéma des formations
Dialogue Social
Animation des réseaux
Accueil, information et orientation
valorisation des métiers
communication
conception de dispositif
démarche qualité
suivi des investissements
Pôle administratif et financier
Dans cette proposition de répartition des missions entre le niveau national et le niveau
déconcentré, il est important de rappeler que l’administration centrale se situe également dans une
logique d'offre de service vis à vis du niveau déconcentré. Le niveau central doit en effet assurer
ses compétences mais il doit aussi se mettre en appui des directions régionales afin d'animer le
réseau et d'assurer une certaine cohérence et le respect des cadres définis au niveau national. Ce
sera notamment le cas pour les questions de conception d'outils pédagogiques ou de contrôle de la
qualité de l'enseignement mais aussi dans le cadre de l'expertise et l'ingénierie sur les projets
d'investissements des centres de formation par exemple.
Organiser la gouvernance au niveau national et au niveau régional
Le principe de la concertation et de l’implication des partenaires sociaux et de la société civile doit
se traduire par la mise en place de lieux de concertation et de décision. On notera à titre
d’illustration quelques pistes de travail qu’il conviendra d’affiner au fur et à mesure des prises de
décisions :
■
Au niveau national : création d’un conseil national de l’emploi et de la formation professionnelle
pour valider et suivre les actions menées en faveur de l’enseignement professionnel ; création
d’une agence nationale de l’orientation pour construire et diffuser des outils à destination des
professionnels de l’orientation ; création d’un Institut national des métiers pour concevoir les
outils pédagogiques à destination des formateurs et des enseignants (institut qui s’attachera
des compétences des partenaires sociaux dans le cadre de commissions paritaires par filières
professionnelles qui pourrait se traduire par une évolution du CENAFFIF).
■
Au niveau régional : création d'une instance de concertation et de décision (Etat/ partenaires
sociaux/ société civile) pour définir et piloter le Contrat de plan pour le développement des
formations professionnelles ; réorganisation des directions régionales de la formation
professionnelle et de l’emploi (DRFPE) et affectation de moyens humains et matériels pour
remplir les missions dévolues.
La régionalisation doit, en effet, aussi se traduire par un transfert de responsabilité dans la
conduite et le pilotage des politiques publiques. Ce transfert pourrait ainsi se faire au niveau des
gouverneurs afin d’assurer la transversalité et donc la cohérence entre le volet économique et le
volet social. Afin de garantir la participation de tous les acteurs, il conviendra de distinguer le
niveau politique et stratégique du niveau opérationnel. Le niveau politique et stratégique pourrait
être co-animé voire même co-présidé par le gouverneur et les partenaires sociaux. Cette instance
serait chargée de valider le diagnostic sur la situation de l’emploi, d’évaluer les actions mises en
œuvre mais aussi d’intégrer des éléments de prospectives. Au delà des acteurs
socioprofessionnels, il s’agira ici d’associer les acteurs politiques du territoire.
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Le niveau opérationnel serait piloté par la Direction régionale de la formation professionnelle et de
l’emploi en lien avec les partenaires sociaux.
Il n'est pas proposé de suivre l'exemple français du Conseil Économique et social tel qu'il est
actuellement mis en place. Il est plutôt proposé de s'inspirer du Comité de Coordination Régionale
de l'Emploi et de la Formation Professionnelle. Il s'agit en effet de créer une instance co-présidée
Gouverneur/partenaires sociaux et de traiter en un même lieu des questions économiques et des
questions de formation professionnelle. A cet effet, un travail plus approfondi pourrait être mené
avec les décideurs tunisiens afin de leur présenter le système de gouvernance qui paraît
aujourd'hui être le plus opérationnel (composition, règlement intérieur, constitution des
commissions et périmètre de travail à définir) et qui permet de distinguer le niveau politique et
stratégique relevant plutôt des séances plénières du Comité et le niveau plus opérationnel relevant
des commissions thématiques.
CONCLUSION
Les défis auxquels la Tunisie se retrouve aujourd'hui confrontée sont passionnants et il est
important que le niveau politique joue pleinement son rôle pour faire évoluer la société tunisienne et
l'aider ainsi à faire face aux évolutions techniques et technologiques en gardant à l'esprit la
recherche d'efficacité et de performance du système. Ce n'est pas simple, cela passera par de
longues discussions et négociations avec les principaux acteurs du domaine de l'emploi et de la
formation mais la question n'est plus de savoir s'il convient ou pas de procéder à de tels
changements la question est de savoir à quel moment ce processus sera lancé. La vision politique
est une chose, la conduite du changement en est une autre. Ce changement devra se faire par
étape en donnant des responsabilités à celles et ceux qui sont déjà en poste aujourd'hui et qui,
pour certains sont très certainement restés longtemps sur des taches d’exécutants. Il faudra que le
niveau régional se sente investi de son nouveau rôle et ils sont prêts à l'assumer mais il faudra
aussi les accompagner en les dotant des moyens indispensables à l'exercice de leurs missions.
REMERCIEMENTS
Je tiens tout particulièrement à remercier :
■
nos hôtes Tunisiens qui ont l'intelligence de solliciter les programmes de coopération
internationale afin d'appréhender l'ensemble des pistes de travail et confronter leur vision avec
celles d'autres acteurs impliqués sur les mêmes domaines. Parmi eux, une attention toute
particulière pour Lassaad Labassi, directeur régional de la formation professionnelle et de
l’emploi de Médenine, pour son implication, son ouverture d'esprit et son accueil
■
Jean-François Mézières, ancien directeur général adjoint en charge de la formation pour la
région Centre en France, pour son aide dans la conduite de cette mission, sa vision des
choses, ses analyses pertinentes et son expérience qui m'ont été très précieuses
■
et bien entendu, Marie Dorleans, responsable de l’appui d’ETF à la Tunisie pour son
professionnalisme, son dynamisme et sa capacité à tirer le meilleur de toute l'équipe mobilisée
autour de ce projet.
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