Inauguration de la façade restaurée du Temple du

Transcription

Inauguration de la façade restaurée du Temple du
Discours de Monsieur Gérard Collomb
Sénateur-Maire de Lyon
A l’occasion de l’inauguration de la façade restaurée
du Temple du Change
Samedi 5 mars 2016
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Monsieur le Préfet de la Région Auvergne Rhône-Alpes, Préfet du Rhône,
Monsieur le Président de l’Eglise Protestante Unie de Lyon, Cher Etienne
Tissot,
Monsieur le Président du Conseil de la Paroisse,
Monsieur le Pasteur du Temple du Change,
Monsieur le Premier Vice-Président de la Métropole de Lyon,
Monsieur l’Adjoint délégué aux Finances,
Madame l’Adjointe à la préservation et au développement du patrimoine
immobilier, Chère Nicole Gay,
Monsieur l’Adjoint délégué au Patrimoine, Cher Jean-Dominique Durand,
Monsieur le Maire du 5e arrondissement, Cher Thomas Rudigoz,
Mesdames et Messieurs les Représentants des autorités religieuses,
Monsieur l’Architecte du patrimoine,
Et permettez-moi de saluer toutes les équipes qui ont travaillé sur ce
chantier,
Mesdames et Messieurs,
C’est pour moi une vraie joie que nous soyons rassemblés pour inaugurer la
restauration de la façade de ce Temple du Change.
Nous avons tous vu, en arrivant tout à l’heure, l’éclat qu’a retrouvé ce
monument emblématique du quartier du Vieux Lyon. Et à travers votre
présentation, Monsieur l’Architecte, nous avons mesuré l’ampleur des talents et
des savoir-faire déployés par les artisans, les compagnons et les apprentis tout au
long de ce chantier.
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Je veux tous les remercier très chaleureusement et notamment les menuisiers,
qui ont réalisé un travail si minutieux, les sculpteurs et les tailleurs de pierre, à
qui nous devons les très beaux ornements du fronton.
Permettez-moi bien sûr de saluer les services de la Construction et des Affaires
culturelles de la Ville, qui les ont accompagnés, mes adjoints Nicole Gay et Jean
Dominique Durand, qui se sont beaucoup investis à leurs côtés et la Direction de
l’Eclairage Public, qui a réalisé la mise en lumière du bâtiment : je vous invite à
revenir ici une fois de nuit, vous verrez que le spectacle vaut le détour.
Cet édifice méritait cette belle restauration. Il est en effet une merveille
d’architecture classique. Il frappe par sa beauté, sa sobriété, par son élégance. Il
est le fruit d’une riche et longue histoire commencée à la Renaissance. Nous
savons que cette place était le lieu où les marchands se retrouvaient pour
négocier et convertir leurs monnaies. Car Lyon était alors, avec ses quatre foires
annuelles, son industrie de la soie et ses imprimeries, l’une des capitales
économiques et culturelles de l’Europe.
L’ensemble de ce quartier du Vieux Lyon en témoigne de par son architecture
remarquable, héritage de cette époque foisonnante.
C’est pour cela qu’en 1962 André Malraux en fit, sous l’impulsion de
l’association Renaissance du Vieux Lyon, le premier secteur sauvegardé de
France.
L’histoire de la construction de cette loge est en elle-même passionnante. C’est
en effet dès 1517 que les marchands la réclament au Consulat. Mais rien ne se
passe.
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Et quand enfin, en 1551, le roi Henri II donne son accord pour la construction
d’une maison commune, proposant même un projet assez ambitieux sur le
modèle des bourses des villes marchandes du Nord, il se passe déjà ce que nous
connaissons bien aujourd’hui : l’Etat veut bien prendre la décision mais il n’a
pas les moyens de poursuivre le projet. Et par conséquent rien de concret n’est
entrepris.
Vingt-cinq ans plus tard le projet est repris par un grand architecte italien,
Sebastiano Serlio. Mais il faudra attendre encore un demi-siècle pour qu’il voie
enfin le jour.
Il fallut la décision d’Henri III d’agrandir la place puis l’intervention financière,
décisive, des marchands lyonnais eux-mêmes pour qu’enfin, en 1655 la loge du
change soit construite par l’architecte Simon Gourdet, plus d’un siècle après les
premières demandes des négociants !
Le bâtiment est alors conçu sur le modèle des loggias italiennes avec de grandes
arcades ouvertes sur la place. Très attendu, il s’avéra vite trop exigu. Et il fallut
encore un siècle avant qu’il ne fût agrandi et rehaussé. C’est le travail que
réalisa au 18e siècle Jean-Baptiste Roche selon les plans de Jacques Germain
Soufflot, donnant naissance à l’édifice tel qu’il est aujourd’hui.
Cette loge porte donc toute la marque du talent de celui qui, à Lyon, a réalisé la
façade monumentale du Grand Hôtel Dieu, de celui qui fut par la suite
contrôleur des bâtiments du roi et l’architecte du Panthéon.
Cet édifice a donc traversé le temps.
Cette Loge du Change n’a d’ailleurs trouvé son achèvement définitif qu’à notre
époque contemporaine avec la pose des deux horloges que Jacques Germain
Soufflot avait prévues dans ses plans d’origine (250 ans plus tôt) mais qui
n’avaient jamais été réalisées.
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Il y a l’horloge indiquant l’heure et puis le cycloscope indiquant l’écoulement
des jours, des mois, des années qui est le fruit d’une véritable prouesse
technique réalisée par le groupement des horlogers lyonnais sous la conduite de
Philippe Carry, l’horloger de Saint-Paul, et Xavier Desmarquet, à qui je veux
rendre hommage.
C’est aussi cela la magie du patrimoine, c’est qu’il nous révèle le génie des
hommes.
Ce patrimoine est éminemment précieux parce qu’il rappelle la richesse de la
grande aventure urbaine dans laquelle nous nous insérons.
Il est éminemment précieux aussi parce qu’il porte des valeurs et des idéaux qui
ont forgé l’identité de notre Cité.
Cher Etienne Tissot,
Vous avez très bien exprimé ce que représenta en 1803 cette loge du Change
pour les Protestants.
Certes l’histoire du protestantisme était déjà bien ancienne à Lyon puisqu’elle
remonte à Pierre Valdo, ce riche marchand qui, au Moyen Age, avait préfiguré
la Réforme en défendant notamment la diffusion de la Bible en langue
vernaculaire. Notre Cité fut ensuite au 16e siècle un haut lieu du Protestantisme.
Mais on connaît la suite : l’interdiction du culte protestant et les persécutions,
qui s’aggravèrent encore après la révocation de l’édit de Nantes. Un cycle de
violences qui ne prit fin qu’avec l’édit de tolérance signé par Louis XVI en 1787
puis la révolution française qui instaura la liberté religieuse.
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Mais encore fallait-il aux protestants des lieux de cultes officiellement reconnus.
Et c’est en cela que le début du 19e siècle a marqué un moment charnière, avec
les textes promulgués par Napoléon Bonaparte le 8 avril 1802 portant sur
l’organisation des cultes catholiques et protestants.
Avec la loi du 8 avril 1802 portant sur l’organisation des cultes, Napoléon
Bonaparte ouvrit en effet, après des siècles de violences et de persécutions, une
période de paix et de concorde pour les Réformés.
C’est cet engagement historique que traduisit la ville de Lyon en faisant de ce
lieu le premier lieu de culte officiel des Protestants dans notre ville.
Cet engagement portait une belle promesse : celle de faire de la Cité un lieu
propice à l’épanouissement de tous ses membres, dans toutes les dimensions de
leur existence, y compris la dimension spirituelle.
Parce qu’elle fut tenue, cette promesse fit de Lyon une ville où les Protestants comme les autres croyants - trouvèrent à s’épanouir, développant leur
communauté spirituelle dans ce temple d’abord puis dans d’autres lieux de culte
comme celui de la rue Lanterne en 1857, le Grand Temple en 1884, puis en bien
d’autres lieux et jusqu’à Vaulx-en-Velin où nous avons inauguré en 2008 le
Temple Théodore Monod.
Parce qu’elle fut tenue, cette promesse a renforcé les liens unissant notre ville à
votre communauté, au point que les plus hautes autorités du protestantisme
français ont choisi Lyon pour y organiser plusieurs moments forts. Je pense à la
fondation en 1938 de l’Église Réformée de France. Je pense aussi bien sûr au
Synode de l’Église Protestante Unie de France, qui a rassemblé luthériens et
calvinistes en une seule Eglise. J’avais alors eu la joie, en tant que Maire de
Lyon, de vivre à vos côtés ce moment historique le 11 mai 2013.
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Et j’avais à cette occasion rappelé la belle tradition de tolérance, de dialogue et
d’ouverture à l’autre qui anime l’éthique protestante, citant cette très belle
pensée de Karl Barth, grand théologien protestant du 20e siècle, qui écrivait je le
cite : « Nous sommes humains dans la mesure où nous sommes ensemble, où
nous nous écoutons et pour autant que nous le faisons dans la liberté ».
Cet idéal est celui des Protestants et il a trouvé à s’illustrer encore hélas aux
heures sombres de notre 20e siècle, sous l’occupation nazie, avec de grandes
figures comme le Pasteur Roland De Pury et son épouse Jacqueline, – et nous
donneront leur nom à une rue de Lyon – les pasteurs Boegner et Casalis, mais
aussi de très nombreux anonymes qui nourrirent les rangs de la Résistance ou
protégèrent les Juifs.
Monsieur le Pasteur du Temple du Change, Monsieur le Président du
Conseil de la Paroisse,
Je veux vous dire aujourd’hui ce que pour moi représente de précieux cet esprit
de concorde et d’ouverture sur la Cité qu’incarne si bien ce Temple du Change,
et ce qu’a d’essentiel pour notre ville cette éthique du rassemblement dont le
protestantisme lyonnais est porteur. Et je forme le vœu que la célébration, l’an
prochain, des 500 ans de la Réforme, soit l’occasion de rappeler l’importance de
cet apport.
En une période où dans notre pays, des crispations se font jour sur ce qu’est la
laïcité, l’éthique de dialogue et de tolérance qu’incarnent les Protestants est un
atout majeur.
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Car la laïcité n’est pas la négation des religions. Comme l’avait voulu Aristide
Briand, elle suppose au contraire de reconnaître et de respecter également
chacune d’elles.
Oui, il y a chez l’homme une aspiration à l’infini, une quête d’absolu qui mérite
respect et reconnaissance quelle que soit la forme qu’elles prennent.
Pour ma part j’ai toujours considéré que mon devoir de Maire était non
seulement de les prendre en compte mais de chercher à en permettre le dialogue.
C’est évidemment le sens de notre groupe Concorde et Solidarité, qui rassemble
les représentants des principaux cultes de notre Cité.
Quand nous l’avons créé en 2002, il s’agissait pour nous de donner une
traduction à cette belle valeur de fraternité que la République partage avec
chacun des cultes de la Cité.
Il s’agissait de montrer, d’exprimer qu’à chaque fois que la liberté, la dignité de
l’homme sont bafouées, c’est notre société tout entière qui est menacée dans son
équilibre.
Aujourd’hui ce groupe fonctionne et je suis fier qu’il nous ait permis, une
expression commune dans des moments aussi douloureux que ceux que nous
avons vécus après les attentats commis dans notre pays.
Je suis fier que dans un monde où parfois l’emportent le repli sur soi, la peur et
le rejet de l’autre, nous puissions défendre ensemble cette culture du respect.
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C’est Paul Ricœur qui écrivait :
« Il nous faut aujourd'hui aller plus loin que les philosophes des Lumières : ne
pas simplement "tolérer", "supporter" la différence, mais admettre qu'il y a de la
vérité en dehors de moi, que d'autres ont accès à un autre aspect de la vérité que
moi. »
C’est cette belle exigence que nous faisons vivre ensemble. La présence ce
matin de la plupart des représentants des cultes de notre métropole en témoigne.
Je forme le vœu que nous continuions longtemps encore à nous placer à la
hauteur de cette exigence, et à faire vivre la conviction que chacun de nous
détient une part de l’universalité des valeurs de l’humanité, une part de
l’universalité des aspirations humaines.
Je vous remercie.
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