Le stockage d`énergie thermique en aquifère au Canada
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Le stockage d`énergie thermique en aquifère au Canada
Bill Wong SAIC Canada Aart Snijders IF Technology (Pays-Bas) Le stockage d’énergie thermique en aquifère au Canada Introduction Les immeubles commerciaux et résidentiels à forte densité subissent typiquement une forte charge de refroidissement durant la période estivale. La forte charge de refroidissement atteint un sommet dans l’après-midi et contribue aux pointes élevées de la demande d’électricité à l’occasion des chaudes journées d’été. La pointe de demande d’électricité au cours de l’été a été généralement reconnue dans plusieurs régions du Canada comme étant l’élément clé de notre stratégie de conservation et de gestion de la demande. Une possibilité qui nous est offerte par la terre consiste à l’utiliser pour stocker du froid au cours d’une saison pour ensuite utiliser cette énergie thermique de refroidissement pendant la saison suivante. Une telle énergie (de refroidissement) peut être stockée dans les couches de sable souterrain (aquifère) ou dans le sol et la roche au moyen de puits. Grâce au stockage d’une énergie de refroidissement, il est possible de procurer du refroidissement durant les mois d’été avec du « froid hivernal ». Cette énergie de refroidissement peut être captée pendant l’hiver en recourant à des échangeurs de chaleur utilisant l’air froid ou les eaux de surface. À l’inverse, le stockage saisonnier de chaleur en sous-sol permet le chauffage des locaux en hiver avec de la chaleur estivale. Il existe deux principaux types de systèmes de stockage thermique souterrain (STS) : le stockage d’énergie thermique en puits (SETP) et le stockage d’énergie thermique en aquifère (SETA). De grands réservoirs d’entreposage souterrains ont été utilisés dans des projets, mais les coûts de tels systèmes sont considérés comme plus élevés que ceux associés aux systèmes SETP et SETA, ce dernier étant l’option à meilleur coût. Là où les ressources des aquifères sont insuffisantes, un système SETP devrait toujours être considéré. Plusieurs premiers systèmes SETA avaient été installés au Canada. Une quantité appréciable d’études ont été publiées et ce travail pionnier dans le domaine de la technologie des systèmes SETA a pavé la voie au développement des applications de ces systèmes au Canada. Ces premiers projets ont permis aux milieux techniques de surmonter plusieurs difficultés tout en procurant de nombreuses occasions d’apprentissage et d’évolution de la technologie des systèmes SETA. Parmi les premiers projets SETA, il y a eu celui du Scarborough Canada Centre (superficie de 30 000 m2) dont l’opération a été amorcée en 1986 et qui étudiait l’utilisation du SETA pour le refroidissement d’immeubles à bureaux (Hickling, 1989 ; Mirza, 1993). Par la suite, d’autres thermopompes ont été ajoutées en vue d’augmenter le refroidissement en période de pointe et procurer un peu de chauffage. Le Centre de santé de Sussex (superficie de plus de 8 000 m2) était un autre projet important mettant en présence un système SETA à des fins et de chauffage et de refroidissement (Cruickshanks, 1994). Le système à l’université Carleton est en activité depuis 1990. Conçu pour procurer du chauffage et du refroidissement, il comporte une thermopompe fonctionnant à basse température. En 2002, le système SETA au Pacific Agriculture Research Centre (superficie d’environ 7 000 m2) a été mis en place pour le refroidissement et le chauffage et dont les charges de demande de pointe sont satisfaites par une thermopompe (Allen, 2000). Ces installations ont aidé les communautés des scientifiques et des ingénieurs à mieux comprendre le fonctionnement des systèmes SETA dans divers types d’immeubles. GeoConneXion Magazine 34 Winter / Hiver 2010 Quant aux systèmes SETP, leur développement est plus récent au Canada. L’Institut universitaire de technologie de l’Ontario (IUTO) a récemment installé un système SETP et de thermopompe pour le chauffage et le refroidissement de plusieurs immeubles sur son campus. Le système comporte 384 puits et fonctionne à une température relativement basse. Un projet de système SETP à énergie solaire comptant 144 puits, conçu pour atteindre une part solaire de plus de 90 pour cent, a été commandé en 2007 à Okotoks en Alberta. Le présent article porte sur la technologie du système SETA et en examinera les possibles bienfaits tout en discutant des questions liées aux impacts sur les eaux souterraines. Stockage d’énergie thermique en aquifère (SETA) Les figures 1 et 2 illustrent le principe d’un système SETA typique. Durant l’été, l’eau froide est pompée du puits (en bleu) et acheminée au système de ventilation de l’immeuble pour procurer un refroidissement direct. En refroidissant l’air, l’eau accumule de l’énergie thermique et devient plus chaude. Cette eau chaude est amenée jusqu’au puits d’eau chaude (en rouge) à un autre emplacement. L’eau chaude est ensuite pompée du puits afin de circuler dans le système de chauffage afin de préchauffer l’air d’admission de l’immeuble. (Dans certains cas, une thermopompe est ajoutée afin de fournir une plus grande quantité d’énergie thermique à l’air.) En transférant de son énergie thermique à l’air, l’eau refroidit. Cette eau plus froide est alors retournée au puits d’eau froide. Le cycle se répète ensuite l’année suivante. Figure 1 : Principe du refroidissement par énergie thermique en aquifère en été avec l’eau froide stockée durant l’hiver. Figure 2 : Principe du refroidissement par énergie thermique en aquifère en été et du chauffage assisté par thermopompe en hiver. Avec un système SETA, l’énergie de refroidissement accumulée en hiver est stockée dans la masse d’eau souterraine pour être utilisée l’été aux fins de refroidissement ; il est possible de satisfaire en grande partie aux demandes de refroidissement au cours de l’été par refroidissement direct en utilisant l’eau froide stockée au cours de l’hiver précédent. Cela pourrait se traduire par une réduction de 75 à 85 pour cent des charges de pointe comparativement aux technologies de refroidissement traditionnelles. Données du système CVCA du projet pilote : La chaleur recueillie au cours de l’été au cours du processus de refroidissement est stockée également dans l’aquifère pour être utilisée comme énergie de chauffage pendant l’hiver. En hiver, les thermopompes à alimentation électrique, lesquelles affichent un coefficient élevé de performance, assurent le chauffage des locaux. Cela aura pour effet de réduire notre dépendance aux énergies fossiles pour le chauffage des locaux tout en confiant cette charge de chauffage à l’énergie électrique dont la production pourrait être plus propre. On trouvera ci-après un exemple de projet SETA dans un immeuble commercial d’une superficie entre 10 000 m² et 12 000 m². Les hypothèses de charge et de demande annuelle de chauffage et de refroidissement sont les suivantes : Charge de chauffage (pointe) Demande annuelle de chauffage Température de calcul – chauffage Charge de refroidissement (pointe) Demande annuelle de refroidissement Température de calcul – refroidissement 1 800 kW (6,1 MBtu/h) 2 700 MWh/an (9 720 GJ/an) 60 – 40ºC 1 100 kW (310 tonnes) 1 100 MWh/an 10 – 18 ºC Le système traditionnel typique pour le chauffage et le refroidissement d’un immeuble de ces dimensions comporte des chaudières au gaz pour le chauffage (3 chaudières de 600 kW chacune) et des refroidisseurs à compression (deux unités de 550 kW installées sur le toit). Ce système traditionnel servira de système de référence aux fins de comparaison. Le système SETA fournira une capacité de refroidissement de base – sans l’apport de la thermopompe dans le mode refroidissement – d’environ 500 kW (140 tonnes). Dans les conditions de charge de refroidissement de pointe, le système recourra à une thermopompe géothermique de type eau-eau d’une capacité totale de refroidissement d’environ 600 kW (170 tonnes). Selon les conditions climatiques, il est estimé que le refroidissement direct procurera jusqu’à 90 pour cent de la demande annuelle de refroidissement. Ainsi, la plus grande part de la demande de refroidissement est satisfaite par le système SETA, lequel requiert une capacité totale du puits relativement petite de 50 m³/h (220 gpm). GeoConneXion Magazine 35 Winter / Hiver 2010 La méthode de construction des puits pour un système SETA est similaire aux méthodes utilisées pour les puits d’eau. Les puits seront munis d’un écran-filtre en acier inoxydable, en maille de fils enroulés ou en plastique à la hauteur de l’aquifère de stockage. L’espace autour de cet écran est comblé de gravillon. On installera successivement, entre le haut de l’écran et le sol, une conduite ascensionnelle et une chambre de pompage. La chambre de pompage est constituée d’un tuyau d ainsi que l’équipement requis pour l’injection. La construction des puits d’un système SETA doit respecter ATES les règlements applicables en matière de forage de puits et être adéquatement documentée. En raison des conditions climatiques au Canada, une très grande part de notre consommation d’énergie est vouée à maintenir une température confortable dans les locaux habités. Le principe du système SETA fournit aux professionnels de la gestion de l’énergie dans les bâtiments une occasion d’avoir un important impact environnemental positif. Répercussions sur les eaux souterraines Afin d’optimiser la conception d’un système SETA, il est nécessaire de bien faire ses devoirs. Il convient en effet de procéder à un essai de pompage sur le terrain (qui doit être conçu en fonction du site) et à une rigoureuse évaluation des impacts sur les eaux souterraines. Parmi les facteurs de succès d’un projet de mise en place d’un système SETA, mentionnons : une estimation précise des charges de chauffage et de refroidissement des bâtiments, une bonne connaissance du système des eaux souterraines et de l’équilibre entre les puits d’eau chaude et ceux d’eau froide au fil des saisons. Au sein de cette opération équilibrée, il ne doit avoir aucun changement net de la température des eaux souterraines dans le voisinage des puits du système SETA. Une autre considération importante est le fait que, idéalement, l’aquifère devrait être un aquifère captif de manière que l’énergie qui y est stockée ne soit pas perdue. De plus, le débit des eaux souterraines doit être relativement faible de sorte que l’énergie stockée puisse être récupérée la saison suivante. Par conséquent, les caractéristiques de l’aquifère sont un des éléments clés de la faisabilité d’un système SETA. Bien que des examens documentaires puissent combler le besoin initial d’évaluer la probabilité de trouver un aquifère approprié, le design final et les spécifications du système SETA ne peuvent être définis tant qu’un essai sur le terrain n’a pas été effectué. En règle générale, un essai de pompage dans l’aquifère, la mesure de la déclivité et une analyse de la qualité de l’eau sont requis pour déterminer la conception d’un système SETA. Le projet ne doit aller de l’avant que si l’aquifère est approprié à une application SETA. Cela exige des essais appropriés sur le site en vue de réduire les risques à long terme du projet. Il faut aussi savoir que l’écoulement, produit par pompage, des eaux souterraines d’un ensemble de puits vers l’autre groupe de puits (et inversé la saison suivante) est effectué dans des conditions de pressurisation sans exposition à l’atmosphère. Au sein d’un système SETA bien conçu, aucune contamination des eaux souterraines en raison d’un écoulement en surface n’est possible. Une bonne étude hydrogéologique, appuyée par un essai de pompage et une évaluation des impacts bien menés, ne sert pas qu’à satisfaire aux exigences réglementaires et apaiser les préoccupations environnementales. Ce niveau de diligence due et de connaissance du système des eaux souterraines s’impose pour assurer le succès à long terme d’un système SETA et sa viabilité financière. Nous avons ici de cas de figure où les intérêts de la mise en œuvre de la technologie coïncident parfaitement avec les exigences existantes en matière environnementale et réglementaire. Un exemple de cadre réglementaire international Comptant environ 500 systèmes SETA en activité, les Pays-Bas représentent le mieux, sans doute, la mise en œuvre de la technologie SETA. Il existe de nombreux autres projets SETA en Europe, mais aux fins de cette discussion, nous nous concentrerons sur le cadre réglementaire dans les Pays-Bas. Au plan légal, les systèmes SETA installés aux Pays-Bas doivent respecter deux réglementations. Il y a d’abord la Loi sur la gestion de l’environnement de 1993 (de nature générale). Cette loi est la loi fondamentale en matière de protection de l’environnement ; elle réglemente la pollution de l’air, de l’eau et du sol, et fixe des objectifs en matière d’efficacité énergétique et de systèmes énergétiques durables. La seconde est la Loi sur les eaux souterraines qui encadre l’extraction et la qualité (y compris la qualité des réserves d’eau potable) des eaux souterraines. Welcome new CGC members Bienvenue aux nouveaux membres de la CCÉG Alberta Geothermal Utilities Lakeland College British Columbia Island Energy Inc. Hemmera Advanced Energy Systems Integrity Installations Ltd. Florida, USA EarthLinked Technologies Inc. Manitoba Graph Mechanical Advice Contractor Ontario Hanlon Well Drilling Ltd New Energy Developments Inc. Abram Sheet Metal Inc. Encore Geothermal Inc. Markle Heating & Cooling Inc. Redmond Williams Distributing Empire Geothermal Drilling Ltd. Cool-Aid Mechanical Enviro Mechanical Ltd. Pro Trades Mechanical Inc. BRC Mechanical Inc. Eco Home Comfort Ameresco Canada Inc. MacKinnon Well Drilling Ltd. New Brunswick Al Refrigeration Eastern Well Drillers Ltd. Collège Communautaire du Nouveau-Brunswick GeoConneXion Magazine 36 Winter / Hiver 2010 Québec Climatisation Roul-Air Inc. Enviroair Therm-Air Confort Les Consultants S.M. Inc. Air-Max Géothermie Saskatchewan Regina Geothermal & Solar Inc. La Loi sur les eaux souterraines est la plus importante des deux. La Loi confie aux provinces (12) des Pays-Bas la responsabilité de veiller à son application. Le problème c’est que chaque province peut – et, en pratique, c’est bel et bien le cas – appliquer ses propres exigences spéciales selon la situation hydrogéologique locale. Il pourrait en être de même au Canada puisque les compétences en matière d’eaux souterraines et de gestion de l’eau relèvent des provinces. (Par contre, les répercussions sur les eaux navigables avec de possibles impacts sur la ressource halieutique sont de compétence fédérale au Canada. Les règles générales concernant les systèmes SETA sont les mêmes partout aux Pays-Bas : • Réduction des répercussions sur l’environnement • Bilan énergétique annuel équilibré • Imposition de limites sur les quantités d’eau pouvant être extraites et réinjectées • Le droit de pomper de l’eau est octroyé au premier demandeur/détenteur de permis • Exigences en matière de surveillance • Règlements portant sur l’opération et le rinçage des puits La taille de l’installation en termes de capacité de production d’eau est déterminante sur le plan réglementaire. Les installations plus petites (capacité < 10 m3/h) ne requièrent généralement qu’un simple enregistrement. Pour les volumes plus importants, un permis en vertu de la Loi sur les eaux souterraines est nécessaire (exige une évaluation des impacts). La demande de permis doit contenir les renseignements suivants : • Description du système, nombre de puits et leur emplacement, matériaux utilisés pour les puits, débit, quantité d’eau pompée par année • Impact hydraulique • Impact thermique • Répercussions possibles sur : Qualité de l’eau Habitat Contaminations présentes Autres utilisateurs (eau potable ou autres systèmes SETA) Réserves naturelles • Économies d’énergie et effets sur les émissions de CO2 Dans le cas d’installations dont la capacité atteint ou excède 1 500 000 m3 par année, la Loi sur la protection de l’environnement impose de vérifier si une procédure formelle d’évaluation des impacts environnementaux (EIE) est nécessaire. Dans le d’installations d’une capacité égale ou supérieure à 3 000 000 m3, une EIE est obligatoire. Bien que certaines conditions aux Pays-Bas et au Canada soient différentes, il n’en demeure pas moins utile de savoir comment d’autres compétences ont mis en place un cadre réglementaire afin de gérer l’exploitation avantageuse de la technologie SETA. Au Canada, il faudra déployer d’importants efforts pour que les parties intéressées se concertent dans le but d’établir des normes encadrant la mise en œuvre de la technologie SETA. Conclusion Au Canada, les technologies de stockage souterrain d’énergie thermique sont encore vues comme nouvelles. Pourtant, elles promettent de contribuer de manière importante à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Comme c’est le cas pour d’autres technologies qui n’en sont qu’au début de leur commercialisation, il convient de porter une grande attention aux risques postulés et aux impacts associés. De nouveaux projets SETA procureraient aux professionnels dans le domaine de l’énergie l’occasion d’en savoir plus sur l’opération et les capacités de la technologie et, aux scientifiques, de mieux comprendre les répercussions de la technologie. L’expérience que nous permettrons d’acquérir les prochains projets SETA nous donnera la possibilité de définir un cadre pour le développement de cette technologie prometteuse. GeoConneXion Magazine 37 Winter / Hiver 2010 L’atténuation du changement climatique est un problème complexe. Il n’existe pas de solution unique. Il faudra développer et rendre disponible une multitude de solutions. Les professionnels de la gestion énergétique ont un rôle de premier plan à jouer dans la promotion de solutions innovatrices, telle la technologie SETA, dans le secteur des systèmes de gestion de l’énergie des bâtiments. Cela aidera à réduire notre dépendance envers les énergies fossiles et à nous rapprocher de l’atteinte de nos objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. ■ Références Hickling Management Consultants Limited, « Monitoring and Evaluation of the Aquifer Thermal Energy Storage Field Trials at the Scarborough Canada Centre Building ». Rapport présenté à Travaux publics Canada, 1989. Mirza, C., Case History of Aquifer Thermal Energy Storage (ATES). Third International Conference on Case Histories in Geotechnical Engineering, 1993. Cruickshanks, F., Sussex Hospital Aquifer Thermal Energy Storage. Calorstock’94, 6th International Conference on Thermal Energy Storage, 1994. Allen, D. M., The Current Status of Geothermal Exploration and Development in Canada. World Geothermal Congress, 2000.