3 Les décisions de production

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3 Les décisions de production
3 Les décisions de production
Jean Magnan de Bornier
Table des matières
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2
3
La fonction de production
1.1 Les facteurs de production . . . . . . . . . . .
1.2 L’expression de la fonction de production . . .
1.2.1 La fonction de production est croissante
1.2.2 Les rendements factoriels . . . . . . .
1.2.3 Les rendements d’échelle . . . . . . . .
1.2.4 Les isoquantes . . . . . . . . . . . . .
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Profit et fonction d’offre
3.1 La maximisation du profit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2 La fonction d’offre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.3 Les conditions de l’efficacité allocative . . . . . . . . . . . . . . .
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Les fonctions de coût
2.1 Le coût total . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2 Les coûts unitaires . . . . . . . . . . . . . . .
2.2.1 Le coût moyen . . . . . . . . . . . . .
2.2.2 Le coût marginal . . . . . . . . . . . .
2.2.3 Les coûts unitaires à court et long terme
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Introduction : nature et objectifs de la firme
Qu’est-ce qu’une entreprise ?
Plusieurs théories différentes s’opposent sur cette question. Ces différentes
théories insistent pour chacune d’entre elles sur un aspect particulier de la vie et
de l’activité de l’entreprise.
L’approche néo-classique de l’entreprise insiste sur l’aspect technologique :
en effet dans cette approche, c’est la fonction technique de production qui est
considérée comme essentielle à la définition d’une entreprise, et le comportement
1
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
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économique de l’entreprise découle logiquement des fondements technologiques
de son existence. L’accent est mis sur la fonction de production. Cette approche
est la plus simplifiée, mais aussi celle qui permet d’obtenir les résultats les plus
concrets et les plus nombreux. C’est cette approche qui sera présenté ici en détail.
Une autre approche de la firme cherche pas expliquer sa nature à travers l’idée
que la firme est un mode d’organisation qui se substitue à des transactions qui
pourraient avoir lieu sur le marché, cette substitution se produisant quand les
coûts d’utilisation du marché deviennent excessifs ; la firme ne se définit plus à
travers une technique de production, mais en tant que mode d’organisation alternatif. C’est l’explication de la nature de la firme fournie par Ronald C OASE et sa
théorie des coûts de transaction.
D’autres conceptions de l’entreprise mettent l’accent sur la structure de pouvoir, la structure de décision : c’est le cas en particulier de la théorie managériale de la firme, qui dans les années 60 et 70 a voulu montrer quelles sont les
conséquences du fait que les grandes entreprises sont dirigées non pas par leurs
propriétaires, mais par des managers salariés.
Ces clivages, qui ne sont pas exhaustifs, se retrouvent en partie quand il s’agit
d’analyser les objectifs des firmes.
L’approche néo classique considère qu’on doit comprendre et étudier les décisions des entreprises en partant de l’hypothèse qu’elles cherchent à maximiser
leur profit, c’est-à-dire à réaliser le plus grand bénéfice possible. L’approche managériale a tenté d’examiner d’autres possibilités, en particulier l’idée que les dirigeants salariés des entreprises chercheraient à réaliser non pas le plus grand profit
mais le plus grand chiffre d’affaires, c’est-à-dire à avoir une entreprise de la taille
la plus grande possible, et ceci afin d’asseoir leur pouvoir et de se maintenir en
poste. Cette approche n’a pas réellement tenu ses promesses, de nombreux évènements ont bien montré que les propriétaires des grandes sociétés (Conseil d’administration et Assemblée générale des Actionnaires) étaient parfaitement capables
de contester les décisions des managers quand c’est nécessaire, c’est-à-dire quand
ils agissent à l’encontre de leurs intérêts.
La réalisation du profit maximum est donc bien l’objectif fondamental des entreprises, même s’il n’est pas aisé d’observer directement comment les comportements effectifs des dirigeants vont dans ce sens ; d’ailleurs, la distinction qu’on
peut et qu’on doit faire entre le profit à court terme et le profit à long terme ne
simplifie pas l’analyse.
1
La fonction de production
L’analyse néo-classique des décisions d’entreprise commence par le soubassement technologique, la fonction de production. On peut la définir comme l’en-
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
3
semble des relations techniques entre les facteurs de production d’une part et la
production de la firme d’autre part.
1.1
Les facteurs de production
Les facteurs de production sont les différentes entités, personnes physiques ou
objets économiques, dont les services sont utilisés lors des opérations de production. Les facteurs de production sont des composantes de l’entreprise ; elles en
font partie.
On distingue classiquement trois facteurs de production : le travail, la terre, et
le capital.
Le rôle du travail dans la production est assez évident et n’a sans doute pas
besoin d’être développé. Il est facile aussi de comprendre ce que sont les services
de la terre, en particulier si l’on pense à la production agricole. Le travail comme
la terre sont les facteurs de production originaires, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas été
produits, et plus particulièrement ils n’ont pas été produits à des fins économiques.
Le troisième facteur, le capital, est au contraire un facteur de production qui
a lui-même été produit dans des conditions et dans une optique économiques.
La nature du capital est beaucoup plus mystérieuse et controversée que celle des
autres facteurs de production. Il y a en effet des conceptions très différentes du
capital. Citons-en deux.
Une première conception que l’on peut appeler matérielle considère le capital
comme une collection d’objets permettant d’améliorer la productivité du travail
et de la terre. Un tracteur, une charrue, sont ainsi des biens de capital, et il est
possible de comprendre facilement en quoi de tels outils permettent d’augmenter la productivité. Mais cette conception n’explique pas de manière totalement
satisfaisante pourquoi des objets très nombreux et très hétérogènes devraient être
regroupés dans cette unique catégorie de capital.
Une autre conception plus unificatrice interprète le capital comme un tout homogène, dont la mesure est une valeur, et non pas une collection d’objets. Cette
valeur ou ce fonds dont dispose l’entreprise contribue à la production dans la mesure où elle permet à l’entreprise de rémunérer les facteurs de production, de les
faire subsister, avant de vendre le produit de leur activité. Disposer d’un capital
revient alors à pouvoir faire des avances, faire des dépenses qui n’aboutiront que
plus tard à un produit fini et à des ventes.
Les trois grands facteurs de production contribuent donc à la production de
manière très différente.
Les biens entrant dans la production et qui sont totalement détruits ou changent
de forme ou d’apparence lors de la production sont les matières premières ou
consommations intermédiaires, encore appelées parfois "capital circulant", par
opposition aux objets durables qui forment le capital "fixe". Bien que ces objets
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
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concourent à la production, ils ne sont pas considérées comme facteurs de production parce qu’ils proviennent de fournisseurs extérieurs à l’entreprise où ils sont
utilisés.
La mesure des facteurs de production On suppose généralement que tous ces
éléments sont mesurables, en unités physiques. Dans le cadre de la fonction de
production, où les services des facteurs sont utilisés, il serait logique de mesurer
non pas le facteur lui-même, mais les services de ce facteur qui ont été consommés. Le travail se mesure effectivement en heures de travail, non pas en nombre
de salariés (on mesure parfois en nombre de salariés en supposant des salariés à
plein temps travaillant tel nombre d’heures par an, ce qui est bien une mesure en
heures). Mais pour le capital cette mesure des services n’est pas possible, et le
capital est mesuré dans sa totalité, en tant que stock présent dans l’entreprise :
nombre d’ordinateurs, de mètres carrés de bureau, etc., ou plus simplement en
unités monétaires (approche du capital en tant que fonds). Pour les matières premières elles sont mesurées dans leurs propres unités physiques : des mètres de
tissu chez le couturier, des tonnes de pétrole chez le raffineur, etc.
1.2
L’expression de la fonction de production
La production elle aussi est mesurable en unités physiques ; chez le tailleur,
nombre de pantalons, de chemises, de vestes ; chez le raffineur, nombre de litres
de tel et tel carburant.
La fonction de production est une relation quantitative entre ce qui est utilisé
dans l’entreprise (les facteurs ou leurs services et les matières premières) et ce
qui en sort (les produits) sous réserve que l’on ait utilisé ces facteurs de manière
efficace (sans gâchis).
Cette relation peut s’écrire généralement de la manière suivante : pour produire les quantités (q1 , q2 , . . . qi , . . . , qn ) des différents biens 1, 2, ..i,...n, il faut
utiliser des facteurs 1, 2, ...j,...m, en quantités (w1 , w2 , . . . wj , . . . wm ). On peut
résumer cette relation par une formule :
(q1 , q2 , . . . qi , . . . , qn ) = F (w1 , w2 , . . . wj , . . . wm )
Alors la relation F (.) est la fonction de production.
Cette relation est le plus souvent analysée, par souci de commodité, avec un
seul produit et deux facteurs, le capital (stock de capital), noté K, et le travail
(services du travail), noté L. On a alors la fonction de production :
Q = F (K, L)
5
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
Un exemple de fonction de production est la fonction Cobb-Douglas, qui a la forme
suivante :
Q = K α Lβ , avec 0 < α, β < 1
Cette fonction est illustrée sur le graphique 1, où les coefficients α et β ont les valeurs
respectives 0,7 et 0,8. Le capital et le travail sont sur les deux axes horizontaux, et la
production correspondant à chaque couple (K, L) est représentée verticalement.
Les propriétés élémentaires des fonctions de production sont les suivantes :
1.2.1
La fonction de production est croissante
Une première propriété est que la fonction de production est croissante, ce qui
signifie simplement que plus les quantités de facteurs sont importantes, plus la
production sera elle-même importante ; et que pour augmenter la production, la
firme doit utiliser les facteurs en plus grande quantité. Cette propriété est évidemment indispensable pour que le producteur accepte d’utiliser cette technique de
production ; sur la figure 1, elle se manifeste par la forme en colline du graphe.
Du point de vue mathématique, cela signifie que ses dérivées ou différences premières
doivent être positives :
∂F
∂F
>0
;
>0
∂K
∂L
On vérifie cette propriété sur la fonction F (K, L) = K α Lβ , dont les dérivées premières sont :
∂F
= αK α−1 Lβ > 0
∂K
;
∂F
= βK α Lβ−1 > 0
∂L
Il existe différents concepts de rendement, dont l’analyse permet de mieux
connaître la fonction de production : les rendements factoriels et les rendements
d’échelle.
1.2.2
Les rendements factoriels
Le rendement d’un facteur est sa productivité moyenne, c’est-à-dire le rapport
entre la quantité produite et la quantité nécessaire de ce facteur (l’autre restant
constant) ; la productivité du travail, ou son rendement factoriel, ΠL , quand la
quantité de capital est K∗, est égale à :
ΠL =
F (K∗, L)
L
La productivité moyenne du capital s’écrit de même :
ΠK =
F (K, L∗)
K
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
F IG . 1 – Une fonction de production
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LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
7
Le sens de variation du rendement n’est pas nécessairement constant ; on considère au contraire qu’il varie, étant parfois à la hausse et parfois à la baisse : c’est
la loi des rendements non proportionnels.
La loi des rendements non proportionnels est la proposition selon laquelle ΠL
et ΠK ne sont pas des constantes ; on précise souvent cette proposition en distinguant des zones de rendement croissant, et d’autres de rendement décroissant.
Un schéma simple de cette distinction (mais pas nécessairement toujours valide) est celui dans lequel, en partant d’une production nulle qui augmente petit à
petit, les rendements des facteurs sont d’abord croissants, puis décroissants, ainsi
que cela apparaît sur le graphique 2.
Un exemple d’un tel mécanisme pourrait être le suivant : une firme dispose
d’un outil qui doit être manipulé par un certain nombre n d’employés (par exemple
une chaîne de montage d’automobiles) ; s’il y a moins de n personnes dans l’entreprise, cet outil sera sous-utilisé et les employés ne pourront être totalement
efficaces puisqu’ils devront se déplacer d’un poste de travail à un autre. Si le chef
d’entreprise embauche de nouveaux ouvriers, chacun deviendra de plus en plus
efficace, jusqu’au moment où chaque employé pourra rester à un seul poste de
travail. Si à ce moment de nouveaux travailleurs sont intégrés dans la firme, ils
permettront l’augmentation de la production, mais sans doute à un rythme plus
faible que lors des embauches précédentes, puisque l’outillage est déjà utilisé au
mieux ; c’est le moment où la productivité d’un travailleur supplémentaire est plus
faible que celle du dernier à avoir été embauché ; cela signifie que la productivité
moyenne diminue, que les rendements deviennent décroissants.
Si la firme continue à embaucher sans cesse, le rendement du travail continuera à
décroître, et la production diminuerait très certainement quand il y aurait foule dans les
ateliers. Mais bien sûr la firme n’en arrivera pas à de telles extrémités, puisque ce serait
payer du personnel pour diminuer le produit total.
La position de la firme par rapport au rendement d’un facteur est la suivante :
quand le rendement est croissant, la firme a intérêt à utiliser une plus grande quantité de ce facteur, puisque cela aboutira à une augmentation plus grande de la production. Cela signifie que l’entreprise n’a jamais intérêt à rester dans la zone de
rendements croissants : elle opérera donc généralement dans la zone de rendements décroissants1 D’un autre côté, la firme n’a pas intérêt à avoir des rendements trop faibles, elle ne les laissera donc pas trop chuter ; la détermination du
point précis qui sera choisi nécessite d’introduire d’autres variables dans l’analyse : les prix, les coûts. On verra ces relations en détail à la section 3.
Ce qui vaut de la productivité du travail vaut aussi, évidemment, pour la productivité du capital, même si cet indice de rendement est moins utilisé.
1
Cela n’est pas une loi absolue, car rien ne permet d’affirmer que la firme a des débouchés
suffisants pour atteindre la taille où les rendements commencent à décroître.
8
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
Q
Rendements croissants
Point d’inflexion
Rendements décroissants
L
F IG . 2 – Rendements non proportionnels
Un autre concept très important est la productivité marginale de chaque facteur (FK et FL ) ; la productivité marginale d’un facteur de production est la quantité additionnelle de produit que l’on obtient en utilisant une unité additionnelle
de ce facteur, l’autre facteur (ou les autres facteurs) n’étant pas modifié(s). Leur
expression mathématique est constituée des dérivées partielles de la fonction de
production (voir plus haut), ou les différences premières :
∆F (K, L)
∆F (K, L)
FL =
∆K
∆L
On verra plus loin quelle est l’importance de ces concepts à la marge ; notons
simplement pour l’instant la propriété suivante :
Quand le rendement d’un facteur est croissant (respectivement décroissant), sa
productivité moyenne est inférieure (respectivement supérieure) à sa productivité
marginale.
Pour terminer, notons encore que le rendement d’un facteur, qu’on mesure en
maintenant constante la quantité de l’autre facteur, dépend positivement de cette
dernière : c’est-à-dire par exemple que plus la quantité de capital présente dans la
firme est élevée, plus la productivité du travail sera élevée, quel que soit le volume
de travail utilisé.
FK =
9
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
1.2.3
Les rendements d’échelle
Les rendements d’échelle concernent la relation entre la quantité ou échelle de
production et les quantités des deux facteurs à la fois, dans une proportion donnée. On suppose que l’on veut augmenter la production et donc qu’on augmentera
pour cela les quantités des facteurs, ces dernières variant d’un même pourcentage x. La question des économies d’échelle est alors la suivante : les quantités
des facteurs de production augmentant ensemble de x%, quel est le pourcentage
d’augmentation de la quantité de production y% qui sera réalisé ?
– On dit qu’il y a des rendements croissants ou encore des économies d’échelle
si y > x. Dans ce cas, le produit augmente plus rapidement que les facteurs ;
il y a donc bien une économie.
– Il y a des rendements décroissants ou encore des déséconomies d’échelle
si y < x. Les facteurs augmentent plus vite que le produit.
– Il y a enfin des rendements constants si y = x.
Analysons les rendements dans l’exemple de la fonction Cobb-Douglas représentée plus
haut : Q = K α Lβ . En reprenant les pourcentages de variation ci-dessus, le capital passe
de K à K(1 + x), et le travail, de L à L(1 + x). La production passe de Q à Q(1 + y),
mais aussi à Q = [K(1 + x)]α [L(1 + x)]β . On a donc :
Q(1 + y) = [K(1 + x)]α L[(1 + x)]β = K α Lβ (1 + x)α+β
et en simplifiant par Q :
1 + y = (1 +
x)α+β
(1)
(2)
Il est facile de voir, d’après cette dernière égalité, que la nature des rendements dépend de
la valeur de α + β :
1. Si α + β > 1, y > x et les rendements sont croissants ;
2. Si α + β = 1, y = x et les rendements sont constants ;
3. Si α + β < 1, y < x et les rendements sont décroissants.
La fonction illustrée sur la figure 1 est donc une fonction à rendements croissants.
1.2.4 Les isoquantes
Les courbes se trouvant à la base du graphique 1 et reproduites sur le graphique 3 sont des courbes de niveau, c’est-à-dire qu’elles représentent des ensembles de couples (K, L) permettant un niveau de production identique.
Ces ensembles de couples (ces courbes) s’appellent des isoquantes. Il y a une
isoquante pour chaque niveau de production réalisable, mais évidemment seules
certaines sont représentées sur ce graphique.
Les isoquantes ont des propriétés qui mettent en évidence les relations entre
les facteurs de production, et particulièrement la substituabilité entre facteurs.
Quand il est possible de remplacer une petite quantité du facteur capital par
une certaine quantité de travail sans modifier le niveau de production, le travail
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
F IG . 3 – Les isoquantes de la fonction Cobb-Douglas
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LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
11
est substituable au capital ; si la réciproque est vraie – ce qui est généralement
le cas – le capital est substituable au travail ; les deux facteurs sont alors simplement substituables. Ceci apparaît dans le fait que les isoquantes sont des courbes
(continues ou non) décroissantes, comme c’est le cas sur le graphique 1. Mais
il peut y avoir des degrés plus faibles de substituabilité. Elle peut en effet être
discontinue, c’est-à-dire n’être possible que pour certaines quantités d’un facteur ;
par exemple, il sera seulement possible de remplacer une machine-outil par cinq
travailleurs, et il n’est pas envisageable de remplacer une demi machine-outil par
quelque facteur que ce soit. L’isoquante est alors non pas une ligne continue, mais
un ensemble de points décroissants.
Si la fonction de production est telle qu’il faut nécessairement utiliser les facteurs ensemble, dans des proportions données, alors les facteurs ne sont plus substituables, mais complémentaires. Dans le transport routier par exemple, la production de services de transport exige à la base un camion et un chauffeur, et il est
pratiquement impossible de sortir de cette proportion. L’entreprise fonctionnera
donc avec un camion et un chauffeur, ou avec deux camions et deux chauffeurs,
ou avec n camions et n chauffeurs : les facteurs sont complémentaires2 . Dans ce
cas, la fonction de production ne présente pas d’isoquantes (on peut dire aussi que
les isoquantes sont réduites à un seul point).
Si l’on revient à des facteurs substituables, la forme des isoquantes est importante ; sur le graphique 3, on voit qu’elles ont leur convexité tournée vers
l’origine ; cela signifie que quand on substitue le travail au capital , la quantité de
travail nécessaire pour compenser une même quantité de capital est de plus en plus
grande,et vice-versa. Cette propriété de convexité de l’ensemble de production est
équivalente à des rendements factoriels décroissants. Elle joue un grand rôle dans
l’équilibre de la firme.
2
Les fonctions de coût
Il existe plusieurs conceptions générales du coût de production.
Une première approche est celle du coût réel. Selon cette conception, le coût
de la production est constitué par la destruction des ressources matérielles qu’elle
occasionne. Le coût de production, défini ainsi, est matériel et objectif. Cette
conception était celle des économistes classiques, et elle a été particulièrement
défendue par Alfred Marshall (un des premiers néoclassiques).
2
Évidemment le chef d’entreprise peut choisir au moment de l’achat du camion un véhicule
plus (ou moins) perfectionné, ce qui amènera à utiliser moins (ou plus) de travail, par exemple en
entretien ; un tel véhicule coûtera généralement plus cher, c’es-à-dire qu’un capital plus important
sera nécessaire : la complémentarité n’est donc pas totale.
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
12
À la fin du XIXe siècle, une approche très différente a été proposée (Wicksteed, puis Wieser) : celle du coût d’opportunité. Le coût d’opportunité d’une décision économique, par exemple une décision de production, est constitué par la
meilleure des actions alternatives auquel on doit renoncer pour l’action choisie. Il
ne s’agit plus de savoir ce qui est effectivement détruit, mais quelle opportunité
a été préférée, quelle autre délaissée. Cette seconde conception du coût économique n’est évidemment ni matérielle ni objective : elle est au contraire tout à
fait subjective, dans la mesure où elle nécessite de la part du décideur un classement des différentes possibilités qui s’offrent à lui, classement qui ne peut être
que subjectif.
Ces deux conceptions sont largement incompatibles. Dans l’analyse des décisions de production il est très difficile de dire quelle est la conception qui devrait
être privilégiée, même si les économistes penchent majoritairement en faveur du
coût d’opportunité.
La théorie de la firme utilise généralement une conception moins philosophique des coûts de production, à savoir une approche en termes de dépenses
monétaires. Ainsi, le coût de production subi par une entreprise sera mesuré simplement par la somme d’argent que cette entreprise doit débourser pour réaliser sa
production. Cette somme d’argent est utilisée pour acheter des matières premières
et rémunérer les facteurs de production. C’est cette conception comptable qui sera
retenue dans cette section.
2.1
Le coût total
Le coût total de production CT est la somme totale que la firme doit débourser
pour produire3 ; il dépend du niveau de production, et se présente donc comme
une fonction dont l’argument est la production : CT = C(Q). Il est normalement
croissant, c’est-à-dire que plus la production est importante, plus le coût est luimême important.
Un exemple simple est celui d’une firme produisant un service pur, comme
un coiffeur ou une entreprise de nettoyage, sans utiliser autre chose que du capital et du travail (c’est-à-dire sans matières premières) : le coiffeur utilise son
équipement : salon de coiffure, ciseaux, peignes, etc., et son travail. Le coût de
production est alors l’addition de la rémunération du travail et de celle du capital ;
si le prix unitaire du travail est w et celui du capital r, alors on a C(Q) = rK +wL,
les quantités Q, K, L étant telles que Q = F (K, L).
Quand il s’agit de production de biens ou même de services plus complexes
3
Précisons qu’il s’agit de la plus petite somme d’argent qu’il est nécessaire de débourser ; si
le producteur par négligence ou pour satisfaire ses propres désirs dépensait plus que le minimum,
l’économiste n’accepterait pas de compter la dépense supplémentaire comme coût de production.
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
13
(les services du coiffeur avec shampooing et laque), il faut évidemment tenir
compte des consommations intermédiaires dans le coût total.
On distingue deux composantes du coût total : le coût fixe F et le coût variable
CV (Q), avec bien sûr C(Q) = F + CV (Q).
Le coût fixe est indépendant du niveau de production ; la firme doit l’assumer
quel que soit le niveau de son activité, y compris en cas de cessation d’activité. Il peut s’agir par exemple du remboursement d’un emprunt, ou de
royalties en rémunération d’un brevet qui a été concédé pour une période
de plusieurs années. Les coûts fixes sont en rapport avec l’équipement de
longue durée de la firme.
Le coût variable est la partie du coût total qui dépend étroitement de la quantité
produite ; il concerne la rémunération des facteurs dont on peut se passer
quand le niveau de production diminue ou quand l’activité cesse totalement
(matières premières, électricité, travail...).
Cette distinction n’a de sens que dans un certain cadre ; il est facile de voir par
exemple que lors de la décision de création d’une entreprise, les coûts fixes n’existent
pas puisque on n’a pas encore accumulé d’équipements : tout est variable ; d’autre
part, si on considère les décisions de production qui se situent dans la longue durée (fixation du niveau de production pour les quinze ans à venir), il est possible
d’envisager une modification de la structure des équipements, alors que ce serait
impossible dans les trois mois à venir. La distinction entre les coûts fixes et les
coûts variables n’a donc de sens qu’à court terme, dans la période de temps au
cours de laquelle on ne peut modifier l’équipement ; à long terme des modifications sont possibles, et il n’y a plus de coûts fixes.
Le graphique 4 illustre une fonction de coût total à court terme, le coût fixe
étant l’ordonnée à l’origine de la courbe.
La forme de cette courbe peut être notée : elle est croissante, et on remarque
qu’il y a une première zone, jusqu’à Q∗, où cette croissance se ralentit progressivement, alors qu’elle accélère pour une quantité supérieure à Q∗. Ceci correspond à l’hypothèse de rendements d’échelle qui seraient d’abord croissants, puis
décroissants4 . La courbe de coût total correspondant à une fonction de production
à rendements constants serait pour sa part représentée par une droite (croissante).
2.2
Les coûts unitaires
Les coûts unitaires sont calculés à partir du coût total, en le rapportant à une
seule unité produite ; les concepts principaux, dans le cas d’une firme monoproductrice, sont le coût moyen et le coût marginal.
4
Rendements d’échelle et non rendements factoriels ! La correspondance entre la forme de la
fonction de coût et les rendements n’est stricte que si les prix des facteurs sont constants.
14
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
Coût total
F
Q*
Quantité
F IG . 4 – Le coût total
2.2.1
Le coût moyen
Le coût moyen CM (Q) est simplement le coût total divisé par la quantité
C(Q)
produite : CM (Q) =
; c’est un concept très utile car facile à utiliser. Il
Q
représente ce que coûte chaque unité produite, et pourra utilement être comparé
au prix de vente qui est aussi une variable unitaire.
On peut défnir un coût moyen non seulement à partir du coût total, mais aussi
à partir du coût variable ; on obtient alors le coût moyen variable CM V (Q) =
CV (Q)
.
Q
La différence entre les deux concepts est le coût fixe, pour lequel on peut aussi
F
; ces différents coûts moyens s’addicalculer une moyenne : CM F (Q) =
Q
tionnent exactement comme les coûts totaux correspondants :
CM (Q) = CM V (Q) + CM F (Q)
On note que le coût fixe moyen CM F (Q) tend vers zéro quand la quantité produite augmente ; cela signifie que les deux fonctions de coût moyen et coût moyen
variable sont de plus en plus proches l’une de l’autre quand la production augmente.
15
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
Coûts
Coût moyen
Coût fixe moyen
Coût variable moyen
Quantité
F IG . 5 – Les coûts moyens
La fonction de coût moyen peut prendre plusieurs formes ; la plus typique
est la "forme en U" ( graphique 5). Le coût moyen est d’abord décroissant, parce
qu’on est dans une zone de rendements d’échelle croissants ( sous la condition vue
à la note 4), puis augmente à nouveau quand les rendements d’échelle diminuent.
Si les rendements étaient constants, le coût moyen serait lui aussi constant
(représenté par une demi-droite horizontale).
Il faut signaler pour finir que le coût moyen est un concept qui perd sa validité
dans le cas d’une firme multiproductrice, c’est-à-dire qui produit plusiers sortes
de biens (par exemple le boulanger qui fabrique du pain et des patisseries) ; le coût
moyen n’est plus adéquat parce que le coût total comporte des coûts communs aux
différentes lignes de production (par exemple le four du boulanger). Il n’est pas
possible de déterminer quelle partie du coût commun va à tel produit, et quelle
partie va à telle autre, etc. (en réalité il y a une infinité de méthodes permettant
de répartir les coûts communs, et elles sont toutes arbitraires). Il résulte de cette
impossibilité que le coût moyen de ces biens n’est pas défini !
2.2.2
Le coût marginal
Le coût marginal Cm est la variation du coût total qui serait occasionnée par
la production d’une unité supplémentaire. Il dépend donc du niveau de production
atteint : il est lui aussi une fonction Cm (Q) de la quantité produite.
16
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
On peut définir formellement le coût marginal de la manière suivante :
Cm (Q) =
∆C(Q)
∆Q
ou encore, si la fonction de coût est dérivable :
Cm (Q) =
dC(Q)
dQ
Ces définitions mathématiques se réfèrent à une variation infinitésimale de
la quantité produite, ce qui n’est possible que pour certains biens fongibles (le
carburant par exemple), mais n’a pas de sens pour d’autres biens : un poste de
télévision, une automobile, etc. C’est pourquoi la première définition donnée plus
haut est la plus générale, quoique les définitions sous forme mathématique soient
utiles pour comprendre certaines propriétés de ce concept.
Le coût marginal joue un rôle fondamental dans l’analyse des décisions de
production ; le chef d’entreprise peut en effet s’interroger à chaque instant sur
l’opportunité d’augmenter sa production, ou de la diminuer ; pour cela, le coût
marginal est le concept à utiliser, et il n’est pas nécessaire de recourir au coût total
ni au coût moyen. On verra dans la section suivante d’autres raisons qui expliquent
que le coût marginal ait une place si importante.
coût marginal et coût moyen Il existe une relation intéressante entre coût marginal et coût moyen. Quand le coût moyen est décroissant, cela signifie que chaque
unité nouvelle coûte moins cher que les précédentes, ou encore que le coût marginal est inférieur au coût moyen. Inversement, si le coût moyen augmente, il se
trouve sous le coût marginal. D’où on déduit immédiatement que le coût marginal
et le coût moyen sont égaux si ce dernier est constant, ou s’il est à son minimum
ou à son maximum.
Démontrons que si le coût moyen a un minimum, le coût marginal lui est égal à ce
point ; on se rappelle que si une fonction continue et dérivable f (x) a un minimum (ou un
maximum), sa dérivée en ce point s’annule ; appliquons cela au coût moyen CM (Q), en
gardant à l’esprit que la dérivée d’une fonction de type u/v est (u0 v − uv 0 )/v 2 :
u0 v − uv 0 =
C(Q)
Q
=0
dQ
dC(Q)
C(Q)
=
dQ
Q
d
dCM (Q)
=0
dQ
⇐⇒
dC(Q)
Q − C(Q) = 0
dQ
⇐⇒
(3)
(4)
Ce qui est l’égalité coût marginal = coût moyen.
La relation entre coût marginal et coût moyen ne dépend absolument pas de la
présence ou de l’absence de coûts fixes, puisque ces derniers n’ont par définition
17
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
aucune incidence à la marge ; il n’y a qu’une seule fonction de coût marginal, et
sa relation au coût moyen est la même, qu’il s’agisse du coût moyen ou du coût
moyen variable.
2.2.3
Les coûts unitaires à court et long terme
Les coûts unitaires de l’entreprise dépendent de son niveau d’équipement ;
on comprend facilement que le coût moyen, pour une production donnée, peut
varier selon la quantité et la qualité du capital présent ; réciproquement, un niveau
d’équipement donné est plus adapté à tel niveau de production qu’à tel autre. Par
exemple le boulanger qui double sa production parce que la population de son
village a doublé n’aura pas le même coût moyen selon qu’il a ou non acquis un
nouveau four pour doubler le premier.
CM
Q
Coût moyen à long terme
Coût moyen à court terme
F IG . 6 – Coûts moyens à court et long terme
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
18
Ceci suggère qu’on peut imaginer une multiplicité de courbes de coût moyen à
court terme correspondant à des niveaux d’équipement en capital différents. Ceci
n’a de sens qu’à court terme, où le capital est fixe. À long terme, l’équipement est
supposé être ajusté de la manière la plus efficace pour chaque niveau de production, il n’y a donc qu’une seule courbe de coût moyen à long terme. L
a possibilité d’ajuster parfaitement l’équipement à long terme assure une plus
grande efficacité, ce qui signifie que le coût moyen à long terme est nécessairement inférieur ou au plus égal au coût moyen à court terme. Ce résultat qu’on ne
démontrera pas formellement est connu sous le nom de théorème de l’enveloppe.
Il est illustré sur le graphique 6 où on voit que le coût moyen à long terme est le
contour des différentes courbes de coût moyen à court terme.
Il existe aussi un coût marginal à long terme, passant par le minimum du coût
moyen à long terme.
3
Profit et fonction d’offre
Dans cette section on examine les décisions économiques de l’entreprise, celles
qui déterminent la quantité produite. L’hypothèse fondamentale est que le chef
d’entreprise cherche le plus grand profit. Comment fait-il, quelles décisions prendil pour y arriver ?
3.1
La maximisation du profit
Le profit de l’entreprise est simplement la différence entre sa recette ou chiffre
d’affaire (le produit de la vente de la production) et son coût total :
π(Q) = p.Q − C(Q)
Ici p est le prix de vente et p.Q est donc la recette totale. Le profit dépend naturellement de la quantité vendue (et donc de la quantité produite), l’expression
ci-dessus est donc la fonction de profit. Le profit est maximum à condition que la
dérivée de la fonction de profit soit nulle ; cela signifie simplement que la recette
marginale doit être égale au coût marginal : Rm (Q) = Cm (Q).
La recette marginale se définit comme le supplément de recette qu’on obtiendrait en vendant une unité supplémentaire. Elle peut s’exprimer sous plusieurs
formes, en fonction de diverses hypothèses ; on se contentera ici de la plus simple
des hypothèses, à savoir que la firme contrôle sa quantité de production, mais n’a
aucune influence sur le prix de vente de celle-ci : c’est l’hypothèse classiquement
associée à une situation pleinement concurrentielle (voir le chapitre 4). Le prix p
est déterminé "par le marché" et la firme le prend tel qu’il est, elle est "preneur de
prix".
19
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
La recette p.Q ne dépend alors, du côté de la firme, que de la quantité produite, elle est une fonction R(Q), et a pour dérivée le prix p : la recette marginale
d’une firme concurrentielle est le prix de vente. Ainsi, le profit sera maximum à
Coût moyen variable
Coût marginal
p
p0
Q1
Q0
F IG . 7 – L’égalité prix-coût marginal
condition que l’égalité prix = coût marginal ou p = Cm (Q) soit respectée.
3.2
La fonction d’offre
Pour la firme qui observe le prix de marché, auquel elle vend ses produits,
cela signifie qu’elle déterminera sa quantité de production de manière à ce que le
coût marginal soit égal à ce prix. Cette règle mérite quelques précisions, comme
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
20
on le voit sur le graphique 7. On y constate en effet qu’il y a deux niveaux de
production, Q0 et Q1 , vérifiant la condition prix = coût marginal. Mais pour Q0
on voit que le coût moyen est supérieur au prix, ce qui rendrait le profit négatif.
Seul le point Q1 permet un profit positif (et maximum).
La raison de cela est que l’égalité prix-coût marginal est la condition du premier ordre
pour un maximun comme pour un minimum. Q1 permet un maximum de profit, alors que
Q0 minimise le profit. Pour être sûr d’obtenir un maximum, il faut introduire la condition
"de deuxième ordre", qui est que la dérivée seconde de la fonction de profit doit être
négative (vérifiez que c’est le cas pour Q1 ).
La condition de maximisation du profit sera précisée, pour tenir compte de
cette condition de deuxième ordre, en disant que le coût marginal doit être égal au
prix et croissant.
Enfin, il faut que le profit qui en résulte soit positif pour que la firme accepte
de produire, et donc que le prix soit supérieur au coût moyen ; cela implique que le
coût marginal est supérieur au coût moyen, ou encore qu’on est dans une zone de
coût moyen croissant (voir plus haut). Sur le graphique 7, le producteur s’arrêterait
de produire si le prix tombait au-dessous de p0 , qui correspond au minimum du
coût moyen. Cette condition connaît une application différente dans les décisions
de long terme et dans les décisions de court terme.
– Dans la première situation (décisions de long terme) il n’y a pas, comme on
l’a vu, de coûts fixes, et la règle "prix supérieur au coût moyen" s’applique
sans ambiguïté.
– Dans le court terme il y a des coûts fixes, et la règle "prix supérieur au
coût moyen" s’applique au coût moyen variable. En effet, les coûts fixes
ne peuvent être un élément des décisions de court terme, puisqu’ils ne sont
pas susceptibles de modification à court terme. La décision de production
n’en tient pas compte et se fonde sur les seuls coûts variables. Si le prix est
supérieur au coût moyen variable, il est avantageux de produire en égalisant
le coût marginal au prix, et dans le cas inverse la production doit être arrêtée.
Mais le prix pourrait être compris entre le coût moyen et le coût moyen
variable (CM (Q) > p > CM V (Q)). Dans ce cas, la firme produit mais
son profit est négatif, parce que ses coûts fixes "mangent" le bénéfice que
provoque le fait que le coût moyen variable est supérieur au prix. Mais elle
perdrait encore plus d’argent si la production était arrêtée, parce qu’alors
elle devrait assumer la totalité des frais fixes ; la maximisation du profit a
bien lieu, mais sous forme de minimisation des pertes !
On peut résumer ces conditions en définissant la fonction d’offre du producteur. La fonction d’offre du producteur est constituée de la partie croissante de la
fonction de coût marginal, située au-dessus du minimum du coût moyen variable
(voir le graphique 8).
21
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
Coût variable
Courbe d’offre
Coût moyen variable
Coût marginal
p
p0
Q0
Q1
F IG . 8 – La fonction d’offre
22
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
3.3
Les conditions de l’efficacité allocative
L’égalité prix = coût marginal peut être formulée de manière plus précise
quand on connaît la forme de la fonction de coût. Supposons que les coûts s’expriment, comme plus haut (section 2.1), par C(Q) = rK + wL. La maximisation
du profit dépend alors des trois variables Q, K et L. On écrira donc le profit
comme fonction de ces trois variables :
π(Q, K, L) = pQ − rK − wL
avec Q = F (K, L)
La recherche du profit maximum est alors une question de maximisation sous
contrainte :
Max pQ − rK − wL
tel que Q = F (K, L)
(5)
(6)
(7)
En utilisant la technique usuelle du multiplicateur de Lagrange, on obtient trois
formules décrivant le résultant de cette maximisation :
∂F
∂K = r
∂F
w
∂L
La première de ces formules exprime que la productivité marginale du capital,
exprimée en valeur (c’est-à-dire multipliée par p) est égale au prix du capital : le
capital est rémunéré à sa productivité marginale. La seconde formule exprime le
même résultat concernant le travail : ce dernier est rémunéré (si la firme maximise
son profit) à sa productivité marginale en valeur : le salaire est égal à la productivité marginale du travail en valeur. Ces deux formules concernant le capital et
le travail sont des expressions particulières de l’égalité prix = coût marginal (on
laisse au lecteur le soin de trouver pourquoi et comment).
La troisième formule concerne le choix par le producteur d’un "panier" de facteurs de production. Le profit n’est maximum que si le rapport des productivités
marginales des facteurs (ce rapport s’appelle taux marginal de substitution technique ou TMST) est égal au rapport de leurs prix. Cela signifie que le producteur
choisit un point de l’isoquante propre à son échelle de production tel que la pente
de l’isoquante est égale au rapport des prix.
Selon la forme précise de la fonction de coût, des formules différentes pourront être trouvées ; cependant, le fait de la rémunération des facteurs à leurs productivités marginales et celui de l’égalisation des TMST aux rapports des prix
correspondants restent des résultats constants.
∂F
p
= r;
∂K
∂F
p
= w;
∂L
LES DÉCISIONS DE PRODUCTION
Lectures complémentaires
11 et 12
23
M ANKIW : chapitres 13 et 14 S TIGLITZ : chapitres