memoire-nf1-declercq

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memoire-nf1-declercq
Académie universitaire de Wallonie-Bruxelles
UNIVERSITE DE MONS-HAINAUT
Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Regard psychodynamique sur des sujets
atteints de neurofibromatose de type I
Directrice :
Mme Jacqueline RICHELLE
Assistante :
Mme Jennifer DENIS
Mémoire présenté par Melle
Constance DE CLERCQ en vue de
l’obtention du diplôme de licenciée en
sciences psychologiques
Année académique 2009-2010
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS
1
INTRODUCTION
2
PARTIE THEORIQUE
3
I. LA NEUROFIBROMATOSE
1 / La neurofibromatose, une maladie orpheline
4
4
a) Les maladies orphelines ou maladies rares
4
b) Histoire des neurofibromatoses
6
c) La neurofibromatose n’est pas la maladie d’ « Elephant Man»
6
2 / Les différents types de neurofibromatoses
7
3 / La neurofibromatose de Von Recklinghausen, ou NF1
8
a) Introduction
8
b) Epidémiologie, génétique et physiopathologie moléculaire de la NF1 9
c) Signes cliniques
10
d) Variabilité de la NF1
13
e) Pronostic, complications
14
II. VIVRE AVEC LA NF1
1 / L’annonce du diagnostic
18
18
a) Le traumatisme lié à l’annonce du diagnostic
18
b) Incertitude du pronostic : le spectre du cancer
20
c) Les moyens pour faire face à la maladie : la fonction du soutien
familial, du réseau médical et associatif
2 / La différence
21
23
III.
a) Le regard de l’autre
23
b) Les mythes privés
25
c) Le choix d’être parents
25
LES REAMENAGEMENTS PSYCHIQUES DANS LA NF1
28
1 / L’identité
29
a) La formation de l’identité
29
b) Le sentiment d’identité dans la NF1
30
2 / L’image du corps
31
a) La formation de l’image du corps
31
b) L’image du corps dans la NF1
32
3 / Le narcissisme et l’estime de soi
34
a) Le narcissisme
34
b) Le narcissisme dans la NF1
37
c) L’estime de soi
39
d) L’estime de soi dans la NF1
40
4 / L’angoisse et l’anxiété
41
a) Définitions
41
b) Les théories de l’angoisse et de l’anxiété
42
c) L’angoisse et l’anxiété dans la NF1
44
5 / Les mécanismes de défense
46
a) Définition
46
b) Les mécanismes de défense dans la NF1
48
BIBLIOGRAPHIE
50
REMERCIEMENTS
Je tiens tout d’abord à remercier Madame Richelle pour l’acceptation de ce projet,
son aide et ses éclairements théoriques et méthodologiques.
Je remercie Madame Denis qui m’a suivie toute cette année, et a contribué à ce que
cette étude puisse aboutir, par ses éclairages théoriques, ses relectures, son enthousiasme
et ses encouragements.
Je remercie également les huit participants de cette étude, sans qui elle n’aurait pas
pu voir le jour. Leur disponibilité, ainsi que leur patience furent les bienvenues. Merci
pour votre aide si précieuse.
Par là même, mes profonds remerciements vont aux délégués de l’association
Neurofibromatoses et Recklinghausen, ainsi qu’aux administrateurs des forums, par
lesquels j’ai pu faire passer ma demande auprès de ces personnes, mais également à
Mme Armand, psychologue au Centre de référence des neurofibromatoses pour ses
conseils et ses pistes de réflexion et de lecture.
Je remercie les éditions ECPA pour le prêt du matériel (Rorschach, TAT).
Merci à mes amies pour leurs relectures et leurs éclairages pertinents. Vos
encouragements m’ont été d’une aide indispensable. Je tiens également à remercier tout
mon entourage amical.
Enfin, je ne remercierais jamais assez ma famille, pour le soutien qu’elle a su
m’apporter à tous les niveaux lors de ces années d’études.
Mathieu, tu as contribué de façon considérable à la réalisation de ce mémoire, tant
sur le plan pratique, que sur le plan émotionnel, et pour cela je t’en remercie.
1
INTRODUCTION
La neurofibromatose de type 1 (NF1), ou encore neurofibromatose de Von
Recklinghausen, est une affection peu connue du grand public. Elle est une maladie
génétique orpheline qui touche un individu sur 3000 à 4000, et qui entraîne des
manifestations corporelles (scolioses, neurofibromes sous-cutanés, déformations
corporelles), cutanées (taches café au lait, neurofibromes cutanés) et parfois
neurologiques (gliome des voies optiques, tumeurs cérébrales). Des troubles de
l’apprentissage et des troubles cognitifs sont également assez fréquents chez les enfants
atteints de cette maladie. La neurofibromatose est une maladie autosomique dominante,
elle peut se transmettre de génération en génération. L’évolution et le pronostic sont
imprévisibles. Malgré des manifestations communes, la NF1 est variable d’un individu à
l’autre dans l’expression de ses symptômes et dans le vécu psychique de la maladie. Les
aménagements psychologiques varient en fonction de l’étendue de l’impact somatique et
bien sûr du seuil de tolérance et de maniement psychologique de chaque individu.
A ce propos, les études médicales au sujet de cette maladie sont assez nombreuses,
mais la littérature psychologique, d’orientation psychanalytique est très pauvre, ce qui a
suscité, entre autres, notre intérêt.
Nous nous sommes ainsi inspirés de nos lectures initiales sur le sujet, pour nous
intéresser de plus près aux phénomènes intra-psychiques pouvant se jouer chez une
personne atteinte de cette maladie génétique, la NF1, touchée soit par pur « hasard »,
soit par transmission héréditaire. Ce qui a également fait écho chez nous est la grande
variabilité de la maladie, et nous nous sommes questionnés sur les processus psychiques
engagés lorsque l’affection a des conséquences très visibles, ou quand elle ne touche le
corps « que » de façon superficielle.
2
PARTIE THEORIQUE
3
I. La neurofibromatose
Avant propos :
Nous nous attacherons tout d’abord lors de ce premier chapitre à une description de
la neurofibromatose au sens large, dans le cadre des maladies orphelines. Ceci nous
laissera ainsi entrevoir, par la suite, les différents types de neurofibromatoses. Nous
nous centrerons finalement sur un exposé du thème central de notre recherche : la
neurofibromatose de type 1, ou neurofibromatose de Von Recklinghausen, dans un
contexte médical et descriptif. Ceci nous apparaît un chemin incontournable afin de
cibler au mieux la maladie, nous avons toutefois tenté d’être le plus concis possible.
Cette partie nous permettra, au cours des chapitres suivants, de nous axer sur le vécu
de la maladie et sur une approche psychodynamique des réaménagements psychiques
chez l’individu touché par la NF1.
Nous informons le lecteur que les différents termes médicaux pouvant paraître
complexes seront définis en bas de page.
1 / La neurofibromatose, une maladie orpheline
a) Les maladies orphelines ou maladies rares
L'Union européenne définit une maladie rare ou orpheline comme une maladie
chronique ou potentiellement mortelle dont la prévalence est inférieure à 1/2000, soit
pour la Belgique moins de 5000 personnes pour une maladie donnée (pour la France
moins de 30000 personnes), et qui nécessite un effort particulier pour développer un
traitement.1
Elles sont dites orphelines car il existe à ce jour une difficulté à développer des
thérapies pour un nombre faible de malades. Elles sont l’objet d’un désintérêt au niveau
de la recherche médicale, car elles sont jugées non rentables et coûteuses,
proportionnellement au nombre restreint de personnes touchées.
Ainsi, d’après cette définition, la prévalence des maladies orphelines ou maladies
rares est faible, et elles sont souvent méconnues. Pourtant, chaque semaine dans le
monde, cinq nouvelles maladies orphelines sont décrites, et elles touchent 65000
personnes en Belgique, 4 millions de personnes en France, 25 millions de personnes en
1
Plan national maladies rares 2005-2008, Ministère de la Santé et des Solidarités.
4
Europe. Le nombre de personnes atteintes d’une maladie rare excède celui des
personnes touchées par un cancer.
A titre indicatif, voici le nom de quelques maladies orphelines : drépanocytose,
mucoviscidose, myopathie de Duchenne, leucodystrophie, neurofibromatose, maladie de
Huntington, syndrome de Rett, maladie de Charcot, ... Elles sont approximativement au
total au nombre de 8000.
D’où viennent ces maladies rares ? 80% de ces affections sont d’origine génétique.
Elles peuvent être présentes dès la naissance. Cependant plus de 50% apparaissent à
l’âge adulte (Orphanet1), elles peuvent être héréditaires ou résulter de mutation
spontanée d’un gène (aucun membre de la famille n’est touché). Elles se révèlent aussi
bien à la naissance, pendant l’enfance, l’adolescence ou à l’âge adulte et
s’accompagnent fréquemment de difficultés sensorielles et/ou motrices (Wolkenstein,
2003).
Les personnes touchées par une maladie orpheline sont souvent en situation
d’errance diagnostique, les conduisant à multiplier les consultations auprès de
spécialistes. Les maladies rares couvrent toutes les spécialités médicales et nécessitent
souvent des consultations pluridisciplinaires. Pour la plupart, il n'existe pas de
traitement curatif, mais des soins appropriés peuvent améliorer la qualité de vie et
prolonger le pronostic vital.
Le diagnostic peut en outre être posé très tard, ce qui peut avoir pour conséquence
un pronostic défavorable, des conséquences irréversibles,... Ainsi qu’au niveau
psychique, une non-reconnaissance du statut de « malade », pouvant conduire, entre
autres, à une importante détresse psychologique (thème de ce mémoire, que nous
aborderons plus loin) et une incompréhension de l’entourage. Précisons par ailleurs
que 65% des maladies rares sont graves et invalidantes (Plan national maladies rares
2005-2008).
Les neurofibromatoses font partie des maladies orphelines. Afin de mieux illustrer
ces pathologies auxquelles nous nous intéressons dans ce mémoire, commençons par un
aperçu historique de la découverte, et des recherches concernant les neurofibromatoses.
1
Orphanet : site internet dédié aux maladies orphelines, http://www.orpha.net.com.
5
b) Histoire des neurofibromatoses
Le professeur allemand Friedrich Daniel Von Recklinghausen, pathologiste, fut le
premier à décrire l’origine nerveuse des tumeurs de la NF1 dans son ouvrage princeps
de 1882 : Über die multiplen Fibrome der Haut und ihre Beziehung zu den multiplen
Neuromen .
Le caractère autosomique dominant de l’affection a été établi en 1918 par Prieser
et Davenport. A cette époque, il n’y avait pas de distinction de faite entre la NF1, la
neurofibromatose de type 2 (NF2), et les formes segmentaires de cette maladie (NF5).
Cette confusion nosologique a pu être levée grâce à l’apparition des recherches cliniques
plus systématiques dans les années 1980.
Des chercheurs et professeurs tels que Gernersich en 1870, Von Michel en 1873,
Bernard et Marie, Chauffard, en 1896, Lisch en 1937, ont publié des travaux sur les
manifestations de la neurofibromatose, ce qui a permis de souligner la grande
variabilité d’expressivité de la NF1. Cependant, certains éléments cliniques n’ont été
décrits de façon précise que bien plus récemment, comme par exemple la possible
présence de troubles cognitifs associés à la NF1 (années 1990).
En outre, les études cliniques et génétiques actuelles sont désormais conditionnées
par des critères cliniques qui ont été proposés par une conférence de consensus du NIH
en 1987 (National Institute of Health consensus development conference), ce qui permet
une précision plus grande concernant l’approche et le diagnostic, notamment
différentiel, des maladies.
c) La neurofibromatose n’est pas la maladie d’ « Elephant Man»
Joseph Merrick, alias « Elephant Man» fut un homme dont le cas a été largement
médiatisé au cours de l’année 1884, et bien après. Sir Frederick Treves, dans le British
Medical Journal, rapporta le cas de Joseph Merrick qui présentait des déformations
corporelles graves, qu’il exhibait au grand public afin de gagner sa vie. Il a été
diagnostiqué comme atteint de neurofibromatose en 1909, ce qui n’a été remis en
question que 77 ans plus tard par Tibbles et Cohen. Ces chercheurs ont mis en évidence
que Joseph Merrick avait une maladie bien plus rare et différente que la
neurofibromatose : le syndrome Protée, caractérisé par une macrocéphalie, une
hyperostose du crâne, une hypertrophie des os longs, un épaississement de la peau et des
tissus sous-cutanés, plus particulièrement au niveau des pieds et des mains (Tibbles,
Cohen, 1986).
Malgré cela, encore aujourd’hui, la NF1 est toujours associée à la maladie dont
souffrait Joseph Merrick et cette confusion reste gravée dans l’inconscient collectif.
6
Après nous être centrés sur une mise au point concernant les maladies orphelines, et
en introduisant un type de maladie rare, la neurofibromatose, nous allons maintenant
entrer dans la description plus approfondie des neurofibromatoses.
2 / Les différents types de neurofibromatoses
Comme nous venons de l’évoquer, il existe plusieurs types de neurofibromatoses,
sept au total, classifiées par Riccardi (1981). Nous nous référerons à cette classification
dans notre étude :
-
La neurofibromatose de type 1, neurofibromatose de Von Recklinghausen (NF1),
ou neurofibromatose périphérique.
Il s’agit du type de neurofibromatose le plus fréquent, selon les auteurs, elle
représente 85% (Claudy, 1995) à 95% (Valeyrie-Allanore, Wolkenstein, 2009) des
neurofibromatoses. Elle est, en grande partie, le sujet de notre présente étude et sera
développée en détail dans la suite de notre travail.
-
La neurofibromatose de type 2 (NF2), ou neurofibromatose centrale.
La neurofibromatose de type 2 est une affection relativement rare, elle touche 1
personne sur 35000 à 50000 dans la population générale et est dix fois moins fréquente
que la NF1 (Evans, Huson, Donnai, 1992).
Elle se caractérise par une atteinte du système vestibulaire entrainant des problèmes
auditifs et d’équilibre. Les troubles auditifs sont les plus fréquents et touchent 54% des
patients selon Da Cruz, Hardy et Moffat (2000).
-
La neurofibromatose de type 3
Il s’agit d’une neurofibromatose mixte comprenant, à la fois, des symptômes de la
NF1 et de la NF2.
-
La neurofibromatose de type 4
Ce type de neurofibromatose constitue une classe « par défaut », puisqu’elle
regroupe les formes de neurofibromatose, leurs symptômes, qui ne sont pas classables
par ailleurs.
7
-
La neurofibromatose de type 5
La neurofibromatose de type 5, ou neurofibromatose segmentaire est caractérisée
par les mêmes manifestations que la NF1, mais à localisation limitée (Combemale,
1994). Sa prévalence est très faible : moins de 0,001 sujet sur 100 est atteint.
Elle est caractérisée le plus souvent par la présence de neurofibromes, plus rarement
de tâches café au lait, et parfois de lentigines ou exceptionnellement de nodules de Lisch
sur un seul segment corporel.
-
La neurofibromatose de type 6, ou maladie des taches café au lait isolées.
Comme son nom l’indique, le principal symptôme de ce type de neurofibromatose
est la présence sur le corps du sujet de tâches café au lait, parfois associées à d’autres
anomalies de la pigmentation. Des lentigines des plis1, rarement des nodules de Lisch2,
sont parfois retrouvés, mais sans aucun neurofibrome. Il y a parfois des anomalies
osseuses, voire des difficultés scolaires non spécifiques.
-
La neurofibromatose de type 7
C’est une neurofibromatose à début tardif, qui se caractérise par l’absence de
neurofibromes avant la 3ème décennie.
Intéressons nous maintenant plus en détail aux caractéristiques de la
neurofibromatose de type 1, sujet principal de cette étude.
3 / La neurofibromatose de Von Recklinghausen, ou NF1
a) Introduction
La neurofibromatose 1 (NF1) ou maladie de Von Recklinghausen est une maladie
génétique orpheline qui touche un individu sur 3000 à 4000 (Wolkenstein, 2003). Elle
entraine des manifestations corporelles (scolioses, neurofibromes sous-cutanés,
déformations corporelles), cutanées (taches café au lait, neurofibromes cutanés) et
parfois neurologiques (gliome des voies optiques, tumeurs cérébrales). Des troubles de
l’apprentissage et des troubles cognitifs sont assez fréquents chez les enfants atteints
de cette affection (40%).
1
2
Lentigines : petites taches café au lait présentes dans les plis du corps
Nodules de Lisch : malformation tissulaire d'aspect tumoral, située dans l’iris de l’œil.
8
Un malade a un risque sur deux de transmettre la maladie à ses enfants. Dans 50%
des cas, il est aussi possible qu’un enfant malade soit né de deux parents indemnes car
les mutations spontanées du gène (néomutations ou mutations de novo) sont très
fréquentes.
Les manifestations de la NF1 sont visibles pendant l’enfance ou l’adolescence, la
maladie est plus rarement détectée dès la naissance. Chez la plupart des individus
atteints, les symptômes de la NF1 sont apparents à l’âge de 8 ans (Friedman, 1999).
L’évolution et le pronostic sont imprévisibles. Malgré des manifestations communes, la
NF1 est extrêmement variable d’un individu à l’autre dans l’expression de ses
symptômes et dans le vécu psychique de la maladie. Les aménagements psychologiques
varient en fonction de l’étendue de l’impact somatique et, bien sûr, du seuil de tolérance
et de maniement psychologique de chaque individu.
b) Epidémiologie, génétique et physiopathologie moléculaire de la NF1
La NF1 est la plus fréquente des maladies autosomiques dominantes (Pinson,
Créange, Barbarot, Stalder, Chaix, Rodriguez, Sanson, Bernheim, d’Incan, Doz, Stoll,
Combemale, Kalifa, Zeller, Teillac-Hamel, Lyonnet, Zerah, Lacour, Guillot,
Wolkenstein, 2002). Les hommes et les femmes sont atteints dans les mêmes
proportions, et la diversité d’expression des symptômes est équivalente pour les deux
sexes (Wolkenstein, 2005). La maladie résulte de la mutation du gène NF1, celle-ci se
situe toujours au même locus1 .
Les cas de néomutations (ou mutations de novo) représentent la moitié des
personnes touchées. Ce qui est notable par rapport aux autres maladies. En effet, selon
le professeur Wolkenstein (2003, p. 14), « les taux estimés de néomutations NF1 varient
de 1/7800 à 1/23000, on peut donc considérer que la NF1 a l’un des taux de
néomutations le plus élevé chez l’homme »
Le gène NF1 a été identifié depuis plusieurs années, mais les connaissances
concernant la pathologie moléculaire de la NF1 sont encore fragmentaires. (Upadhyaya,
Osborn, Maynard, Kim, Tamanoi, Cooper, 1997 ; Upadhyaya, Shaw, Harper, 1994).
Aujourd’hui, environ 500 mutations réparties sur l’ensemble du gène NF1 sont
référencées dans la base de données du Consortium NF1 international (National
1
Locus : emplacement physique précis et invariable sur un chromosome. Site chromosomique occupé par
les gènes allèles relatifs à tel ou tel caractère héréditaire ( Larousse, 1980, 2010 )
9
Institutes of Health Concensus Development Conference - Korf, 1998). Il s’agit pour la
plupart de mutations privées, c’est à dire décrite dans une seule famille.
Le gène NF1, gène suppresseur de tumeur, a été localisé sur le bras long du
chromosome 17 (Barker, Wright Nguyen, Cannon, Fain, Goldgar, et al., 1987). Les
mutations sont réparties sur l’ensemble de ce gène. (Wolkenstein, 2003).
Ce gène code une protéine cytoplasmique : la neurofibromine. Comme le gène NF1
ne fonctionne plus en raison de la mutation, l’absence de la neurofibromine provoque le
développement de tumeurs, le plus souvent bénignes.
c) Signes cliniques
(Pinson, Wolkenstein, 2005)
Le tableau clinique de la NF1 associe le plus souvent plusieurs symptômes, qui sont
d’expression variable d’un individu à l’autre.
La symptomatologie évolue avec l’âge. En effet, le diagnostic de cette maladie est
plus aisé chez les adultes que chez les enfants, chez qui on peut néanmoins la suspecter
au départ par la présence de taches café au lait. En l’absence d’antécédents familiaux, le
diagnostic peut parfois rester longtemps en suspens.
Nous allons présenter les sept critères diagnostiques de la NF1, établis par le
consensus du National Institute of Health de Bethesda (Etats-Unis, 1988). La présence
d’au moins deux de ces signes chez un même individu permet de poser le diagnostic de
neurofibromatose de type 1.
10
1. Un apparenté du premier degré atteint (parent, fratrie ou enfant)
2. Au moins 6 taches café au lait (TCLs)
> 1,5 cm après la puberté
> 0,5 cm avant la puberté
3. Lentigines axiliaires ou inguinales
4. Ou :
-
au moins deux neurofibromes quel que soit le type
-
au moins un neurofibrome plexiforme
5. Gliome du nerf optique
6. Au moins deux nodules de Lisch (hamartome irien)
7. Une lésion osseuse caractéristique :
-
Pseudarthrose
-
Dysplasie du sphénoïde
-
Amincissement du cortex des os longs
Tableau 1 : Critères diagnostiques de la NF1 – Conférence de consensus sur les
neurofibromatoses (NIH – Bethesda, 1988)
Les symptômes de la neurofibromatose de type 1 sont les suivants :
- Les taches café au lait
Les TCL (taches café au lait) constituent un des meilleurs signes diagnostiques de la
NF1. Il s’agit de zones de peau plus pigmentées, leur répartition sur le corps est
aléatoire. Elles sont généralement visibles dès la naissance ou peuvent apparaître
ensuite, au cours des deux premières années de vie. Elles sont presque toujours
présentes avant l’âge de 5 ans.
- Les lentigines
Appelées également « éphélides », il s’agit de petites taches café au lait présentes
dans les plis du corps, plus particulièrement sous les aisselles, dans l’aine et sous les
seins. On peut aussi les retrouver de façon plus diffuse sous le menton ou dans la nuque.
Leur prévalence est de 80% à l’âge de six ans. (Obringer, Meadows, Zackai, 1989).
- Les neurofibromes
Le neurofibrome est une tumeur bénigne hétérogène et constituée en majorité de
cellules de Schwann1. Trois types de neurofibromes peuvent être présents chez les
personnes atteintes de NF1 :
* les neurofibromes cutanés *
Il s’agit de tumeurs bénignes ne pouvant pas se transformer en tumeurs malignes. Ils
se présentent comme des petits bouts de chair de consistance molle et élastique, et
pouvant se retrouver sur tout le corps. Ils constituent l’un des signes les plus visibles de
la maladie quand ils sont présents en grand nombre.
Ces neurofibromes sont présents dans 95% des cas chez l’adulte atteint de NF1.
Les neurofibromes cutanés peuvent avoir tendance à augmenter en taille et en
nombre lors de l’adolescence et de la grossesse chez les femmes atteintes de NF1.
(Dugoff, Sujansky, 1996)
* les neurofibromes nodulaires *
Ce sont des neurofibromes sous-cutanés formant des « petites boules » sous la peau,
plus palpables que visibles, et gênent généralement le sujet puisqu’ils sont douloureux,
1
Les cellules de Schwann, ou neurolemme forment des couches de cellules qui recouvrent les segments
de la gaine de myéline de certaines cellules nerveuses. Les cellules de Schwann recouvrent chaque
segment axonal de la cellule nerveuse, et se rétrécissent au niveau des nœuds de Ranvier
(http://www.dictionnairemedical.com, consulté en date du 15 juin 2010)
11
ou au moins sensibles à la pression. Ces neurofibromes peuvent être isolés, séparés les
uns des autres sur le corps, ou disposés en chapelet sous la peau.
Ils sont présents chez 20% des adultes touchés par la NF1.
* les neurofibromes plexiformes *
Ils sont d’expression plus variables puisqu’ils peuvent être cutanés ou sous cutanés.
La texture des neurofibromes plexiformes diffus cutanés est molle, irrégulière,
d’aspect souvent plus foncé que la couleur de la peau, hypertrophiée. Ils peuvent
mesurer quelques centimètres, ou s’étendre à toute une partie du corps. Contrairement
aux neurofibromes cutanés, ces tumeurs peuvent dégénérer. Ils sont présents chez 30%
des enfants atteints de NF1 (Sommelet, 2004).
Certains neurofibromes plexiformes sont qualifiés de « nodulaires », donc souscutanés, car ils se développent en réseau sous la peau et s’étendent en cordon le long des
troncs nerveux. Ils peuvent devenir très gênants puisqu’il y a alors risque de
compression de la moelle osseuse ou épinière, de la cage thoracique, ... S’ils sont
localisés près des os, ils peuvent entraîner des anomalies de la croissance osseuse et du
tissu osseux.
Ce type de neurofibromes est généralement présent dès la naissance et se développe
plus fortement à l’adolescence. On les retrouve chez 20 à 25% des malades.
- Les nodules de Lisch
Ils sont issus d’une malformation tissulaire d'aspect tumoral, située dans l’iris de
l’œil, qui n’entraînent aucun trouble de la vision. Leur taille et leur nombre augmentent
avec l’âge. On les retrouve chez 10% des enfants âgés au plus de 6 ans, et chez 90% des
patients atteints de NF1 après l’âge de 16 ans.
- Les atteintes osseuses spécifiques
Elles se manifestent par différents types de dysplasies (malformations ou
déformations résultant d'une anomalie du développement d'un tissu ou d'un organe).
- Le gliome des voies optiques
Le gliome est une variété de tumeur issue du tissu nerveux, dans la NF1 il touche les
nerfs ou le chiasma optique (lieu d’entrecroisement des nerfs optiques) et peut s’étendre
le long des voies optiques. Il s’agit de la tumeur intra crânienne la plus fréquente dans
la NF1. On peut l’observer chez l’enfant dès l’âge de cinq ans. L’incidence réelle
symptomatique est probablement comprise entre 1,5 et 7,5%.
12
L’ensemble de ces symptômes caractérise donc la neurofibromatose de type 1. Leur
expression est variable d’un individu à l’autre, dans sa présence et sa sévérité, comme
nous le préciserons tout au long de ce travail. Il est important de le souligner, car comme
nous le verrons par la suite, cela peut avoir un impact tout à fait différent sur les
personnes touchées.
Riccardi en 1977, a proposé un index de sévérité qui peut ainsi paraître pertinent
(Wolkenstein, 2003). Il permet d’évaluer le retentissement physique de la NF1, et de
donner 4 grades permettant une classification des personnes touchées :
-
neurofibromatose 1 frustre (grade 1) : présence minime de quelques signes de la
neurofibromatose sans gêne réelle. Le grade 1 est défini par l’absence de signe alors
que les grades 2 à 4 le sont par la présence de signes spécifiques ordonnés dans leur
retentissement
-
neurofibromatose 1 bénigne (grade 2) : présence de signes suffisants pour en faire
une maladie évidente mais sans atteinte significative de la santé (exemple : nombre
modeste de taches café au lait et quelques neurofibromes)
-
neurofibromatose 1 modérée (grade 3) : présence de signes affectant la santé sans
équivoque, mais l’atteint est maîtrisable et traitable et ne conduit pas à une
réduction de l’espérance de vie.
-
neurofibromatose 1 grave (grade 4) : présence d’une atteinte grave difficile à
prendre en charge, à traiter ou enfin associée à une diminution significative de
l’espérance de vie (retard mental, tumeurs malignes, ...)
Nous pouvons également nous référer à l’index de visibilité d’Ablon (1996) qui
permet de grader les conséquences esthétiques de la NF1 :
-
grade 1 : peu visible ; pas de neurofibrome visible en dehors des zones couvertes
par les vêtements ; allure et démarche sans particularité
-
grade 2 : modérément visible ; quelques neurofibromes sur le cou, la face, les
mains, légère scoliose ou signes osseux sans boiterie
-
grade 3 : très visible ; nombreux neurofibromes sur le visage, tumeurs affectant la
vue et l’orbite, scoliose grave et/ou boiterie importante
d) Variabilité de la NF1
Comme nous l’avons mentionné précédemment, nous pouvons dire qu’il n’existe
pas une NF1, mais autant de NF1 que d’individus atteints (Mauger, 2001). Sa gravité
va de cas très légers où les symptômes, même à l’âge adulte, se limitent à quelques
taches café au lait et quelques neurofibromes cutanés, jusqu’à des cas plus sévères, avec
développement de complications qui augmentent généralement avec l’âge du patient
13
(Pinson, S., Wolkenstein, P., 2005). Il est impossible de prédire dès le début de la vie,
quelle sera l’évolution de la maladie chez un sujet donné. Ces constatations sont
appuyées par différents chercheurs : « la NF est l’une des maladies génétiques les plus
aléatoires, sinon la plus aléatoire, en ce qui a trait à la façon dont elle peut se
manifester chez une personne » (Klein, 2000, p. 11).
On peut alors se poser la question de l’origine de cette grande variabilité des
symptômes dans la NF1. Selon le professeur Wolkenstein, le type de mutation ne saurait
expliquer à lui seul la très importante hétérogénéité d’expression clinique de la NF1.
Des facteurs intervenant dans la conception des cellules, et certains relevant du hasard,
peuvent en être la cause. Une hypothèse est émise concernant la possible existence de
gènes de modification (Wolkenstein, 2003), ils pourraient expliquer l’extrême
variabilité de l’expression de la maladie pour des patients issus d’une même famille
(Easton, 1993).
Nous pouvons dresser un panel de complications inhérentes à l’évolution de la
neurofibromatose de type 1, tout en gardant à l’esprit la singularité des manifestations
chez chaque individu.
e) Pronostic, complications
L’espérance de vie des personnes touchées par la NF1 est diminuée par rapport à
celle de la population générale. Cette diminution est due en partie aux conséquences et
complications de la maladie, telles les tumeurs du système nerveux central. L’incidence
de la survenue de cancers est 3% plus élevée que dans la population générale (Tonsgard,
2006). Ainsi l’âge moyen de décès est de 61 ans, contre 75 ans dans la population
générale. (Wolkenstein, 2003, Rasmussen, 2001). Comme le précise le professeur
Wolkenstein (2003, p. 15) : « Outre sa morbidité, la mortalité liée à la NF1 est donc
conséquente. »
La NF1 évoluant de façon tout à fait différente pour chaque patient, nous ne
pouvons dire quelles seront les conséquences de la maladie au niveau vital pour un sujet
donné. Ces données renvoient à une moyenne, des statistiques, il s’agit de rester prudent
concernant ces chiffres et leur interprétation.
Exposons maintenant les différents types de complications qui sont inhérentes à la
NF1 (Pinson, Wolkenstein, 2005 ; Friedman, Birch, 1997) :
14
- Les complications neurologiques
Elles sont en général des troubles neuropsychologiques, on retrouve chez les enfants
des
troubles
concernant
certaines
fonctions
cognitives
et
des
difficultés
d’apprentissage, pour 30% à 65% des enfants atteints de NF1 (Chaix, 2004). Ces
difficultés d’apprentissage, posent problème chez beaucoup d’enfants durant leur
scolarité et peuvent être un facteur d’isolement social.
- Les complications ophtalmologiques
Le gliome des voies optiques constitue la principale complication ophtalmologique,
ayant le plus souvent pour conséquence une baisse de l’acuité visuelle. Il peut, en outre,
y avoir d’autres types d’anomalies ophtalmologiques retrouvées au cours de la NF1.
- Les complications cutanées
Les complications concernant les neurofibromes plexiformes congénitaux sont
souvent d’ordre esthétique, avec parfois une atteinte ophtalmologique lorsqu’ils se
situent sur le visage. De par leur caractère visible et parfois très étendu, les
neurofibromes cutanés peuvent entraîner des conséquences psychologiques et sociales
chez les patients atteints de NF1. Ceux-ci ont souvent recours au traitement chirurgical
consistant à la suppression des neurofibromes au laser CO2 lorsqu’ils ne dépassent pas
un centimètre de diamètre. Au-delà, la chirurgie sera utilisée.
- Les complications orthopédiques
Les manifestations orthopédiques de la NF1 sont présentes dans 8% des cas de
neurofibromatose. 75% des patients atteints de complications orthopédiques présentent
une scoliose (Lechevallier, Foulongne, Goldenberg, Abuamara, Sucato, 2008).
- Les complications cardiovasculaires
Les complications cardiovasculaires fréquentes sont l’hypertension artérielle,
retrouvée chez 6% des patients.
15
- Les complications viscérales
Elles sont provoquées le plus souvent par une compression due à des neurofibromes
viscéraux. Ces complications touchent les systèmes urinaires, gastro-intestinaux et
pulmonaires, mais lorsque ce n’est pas le cas, des difficultés respiratoires sont possibles.
- Les complications tumorales
La majorité des tumeurs dans la NF1 sont bénignes, mais ce qui fait la gravité de la
NF1, ce sont celles qui se compliquent et deviennent malignes. (Zoller, Rembeck,
Oden, Samuelsson, Angervall, 1997 ; Sorensen, Mulvihill, Nielsen, 1986). En effet,
environ 5% des personnes touchées par la NF1 développent une tumeur maligne.
(Hope, Mulvihill, 1991 ; Mulvihill, 1994)
La moitié des tumeurs malignes dans la NF1 sont des tumeurs du système nerveux
central, dont un tiers sont des gliomes des voies optiques (Molloy, Bilanuik, Vaughan,
et al, 1995 ; Listernick, Darling, Greenwald, et al., 1995).
La survenue d’autres cancers demeure exceptionnelle, mais leur prévalence est
accrue dans la NF1, par rapport à la population générale.
- Les complications psychologiques
Comme nous le verrons dans la suite de notre travail, la NF1 peut engendrer des
complications psychologiques, principalement liées au regard de l’autre et aux
éventuelles complications de la maladie (angoisse, anxiété).
Résumé
La neurofibromatose de type 1 est une affection présente dans le paysage des
maladies orphelines. Elle est d’une incidence relativement assez importante pour être
étudiée de manière appropriée. La recherche médicale la concernant et sa meilleure
connaissance sont récentes, les avancées au niveau de la prise en charge médicale et
esthétique sont en plein essor.
Comme nous l’avons exposé tout au long de ce premier chapitre, il s’agit d’une
affection aux symptômes et conséquences qui peuvent demeurer extrêmement variables
d’un individu à l’autre, ce qui influencera de manière différente la vie des personnes
16
atteintes de NF1, plus particulièrement au niveau du vécu de la maladie et des
réaménagements psychiques mis en place.
17
II. Vivre avec la NF1
« La maladie génétique introduit une rupture, un avant et un
après, qui pourra marquer définitivement leurs vies » (Garguilo,
2009, p.7).
Avant propos
Après l’exposé descriptif et médical des symptômes de la NF1, ce deuxième
chapitre concerne le vécu de la neurofibromatose de type 1, des conséquences de
l’annonce du diagnostic pouvant être vécues comme un traumatisme, à la perception
chez les individus de la différence qu’elle génère. Nous aborderons les difficultés des
sujets face à l’incertitude du pronostic de la maladie, la fonction du soutien familial,
associatif et du réseau médical. Puis dans une seconde partie seront développés
l’importance du regard de l’autre concernant la différence physique pouvant être induite
par l’affection, l’existence de mythes privés chez certains patients, et le choix d’être
parent, la possibilité de transmission du gène étant présente dans 50% des cas.
1 / L’annonce du diagnostic
a) Le traumatisme lié à l’annonce du diagnostic
Lors de l’annonce du diagnostic chez les personnes atteintes de neurofibromatose,
un ensemble de processus psychologiques s’opère. En effet, comment le sujet peut-il
réagir lorsqu’il lui est annoncé qu’il est atteint d’une maladie orpheline, qu’il n’existe
aucun traitement, que le pronostic et l’évolution sont incertains, et que s’il désire avoir
des enfants, il existe 50% de risque de transmettre cette maladie à sa descendance... ? Le
diagnostic de NF1 est souvent fait durant l’enfance ou l’adolescence, aux parents de
l’enfant atteint, et ensuite à l’enfant lui-même, soit par un médecin, soit par les parents.
Cette annonce peut entraîner un effet potentiellement traumatique chez les personnes
concernées, puisque rien ne sera plus pareil dans la façon d’appréhender l’avenir
(Garguilo, 2009). Le traumatisme, d’après le Vocabulaire de la psychanalyse
(Laplanche et Pontalis, 2004, p.499), se comprend comme « un événement de la vie du
sujet qui se définit par son intensité, l’incapacité où se trouve le sujet d’y répondre
adéquatement, le bouleversement et les effets pathogènes durables qu’il provoque dans
l’organisation psychique ».
18
Il est possible pour chaque personne de réagir différemment à cette annonce, qui
engendrera des bouleversements certains dans le psychisme. L’angoisse sera présente,
mais pourra être gérée de façon différente.
Nous pouvons à cette occasion, parler du concept de résilience, qui a été théorisé
entre autres par Cyrulnik en 1999. Il parle de « la capacité de certains individus,
gravement traumatisés, à surmonter leurs souffrances, à survivre en dépit de
l’adversité, à se reconstruire après la catastrophe » (Garguilo, 2009, p. 27). Tisseron
parle de ce concept en ces termes : « La résilience est à la fois la capacité de résister à
un traumatisme, et celle de se reconstruire après lui » (2007, p. 9). Cette capacité
dépendrait en partie de la force et la souplesse des mécanismes de défense du
psychisme, point que nous étudierons plus loin dans notre étude.
Ferenczi (1982) souligne plusieurs points dans le processus psychologique, ici
engendré par l’annonce soudaine du diagnostic :
En tout premier lieu, la soudaineté de l’événement, ici de l’annonce du diagnostic
d’une maladie orpheline, apparaît comme par effraction, elle n’a pas laissé au psychisme
le temps de la préparation à l’affrontement. Ceci provoque le statut irreprésentable de
l’événement, qui n’a pu être pensé. L’activité de la pensée est gelée par la puissance
traumatique de l’événement, le Moi est débordé et le flux d’excitation peut mettre en
échec les mécanismes de défense habituels, ou alors le sujet peut en mettre d’autres en
place, comme le clivage. Mauger (2001) rejoint l’auteur en parlant de sidération par
l’impact de l’annonce du diagnostic, mais également par le regard de l’autre qui voit en
la personne touchée quelqu’un de différent.
Cet impact traumatique chez la personne atteinte de neurofibromatose de type 1 peut
également être provoqué, lorsque les symptômes de la maladie surviennent de façon
plus tardive, avec une visibilité importante au niveau du visage par exemple (Demeule,
2009).
Tout ceci entraîne une commotion psychique, l’apparition d’angoisses, le plus
souvent de tonalité dépressive. La honte et la culpabilité peuvent faire partie de ce que le
sujet ressent, honte d’être « différent », se sentir coupable d’une faute qu’on n’a
pourtant pas commise et qui n’existe pas en tant que telle (Armand, 2008).
La troisième phase, parfois difficilement accessible pour certaines personnes en
raison de la souplesse ou non de l’organisation défensive, est l’acceptation de la
maladie. Grâce à l’entourage familial, médical, associatif,... cette étape peut être plus
19
rapide et de meilleure qualité. Le sujet met en place des mécanismes de défense de type
banalisation, entre autres. Le travail d’acceptation passe entre autres par l’expression
des émotions et des angoisses propres à chaque individu.
Mauger (2001) a identifié trois types de retentissements psychiques (dans un
panel de 135 patients), qui peuvent correspondre aux états mentaux des sujets à un
moment donné, et également constituer différentes étapes dans l’élaboration des
troubles induits par l’affection :
-
Le retentissement « neutre » : il concerne 20 à 25% des sujets ayant des difficultés
à penser leurs émotions, et ne percevant pas la nature psychologique de leur
souffrance. L’auteur parle également de « blindage affectif ».
-
Le retentissement « positif » serait présent chez 30 à 35% des personnes qui ont
conscience des difficultés engendrées par la NF1. Ils ont réussi à trouver un support
affectif suffisant, entre autres, qui leur permet de considérer la maladie comme une
différence. Ce qui les autoriserait à se dégager de l’emprise de l’affection, ainsi que
de la conception d’ « entité morbide » dont l’issue serait fatalement dramatique.
-
Le retentissement « mixte » apparaîtrait chez des personnes ayant conscience de
leurs difficultés mais souffrant d’angoisses dépressives. Un soutien médical ou de
l’entourage insuffisant ou des difficultés liées à d’autres événements de vie ont pour
conséquence le débordement de ces angoisses.
Il s’agit souvent d’une étape
conduisant au blindage affectif ou au retentissement positif de la maladie.
Selon l’auteur, l’annonce du diagnostic peut provoquer plusieurs types de réactions
chez la personne atteint de NF1 : elle peut être paradoxalement rassurante dans ce sens
où l’affection dont il souffrait porte désormais un nom et ainsi avoir le sentiment ne plus
être seul dans cette situation, avec ce « mal » inconnu. Elle peut constituer « un terrible
soulagement » (Garguilo, 2009, p.13) quand elle survient après des années d’errance
diagnostique. Mais le diagnostic peut dans d’autres cas, apparaître comme dépourvu de
sens et provoquer l’incompréhension et la peur de l’inconnu, face à l’évolution
incertaine de la maladie et en l’absence de traitement. L’angoisse de mort pourrait alors
être présente dans le fonctionnement psychique de certaines personnes touchées par la
maladie.
b) Incertitude du pronostic : le spectre du cancer
Les préoccupations les plus courantes pour les adultes chez qui le diagnostic de NF1
a été posé à cet âge peuvent être les suivantes : pourquoi ai-je la maladie alors qu’un
autre membre de la famille ne l’a pas ? Quel est le risque de transmission de la NF1 à
20
mes enfants ? Comment la maladie va-t’elle évoluer avec l’âge ? A quoi s’attendre ?
(Gretchen, Klein, 2000)
Des études cliniques (Mauger, 2001) montrent bien que la souffrance manifeste des
patients est entre autre causée par le caractère imprévisible de l’affection, dû à
l’incertitude du pronostic. En effet, rappelons qu’environ 5% des personnes touchées
par la NF1 développent une tumeur maligne (Hope, Mulvihill, 1991 ; Mulvihill, 1994).
Ce chiffre peut prendre des proportions bien différentes au niveau psychique selon qu’il
est entendu par des personnes touchées par l’affection ou par d’autres qui ne le sont pas.
Parmi celles qui sont touchées, ces 5% représentent le spectre du cancer.
c) Les moyens pour faire face à la maladie : la fonction du soutien familial, du
réseau médical et associatif
L’hôpital Henry Mondor à Créteil (France) est le centre de référence national de la
neurofibromatose. Le docteur Wolkenstein et son équipe sont spécialisés dans la
recherche et le suivi des patients adultes touchés par cette affection. Nous pouvons
parler de structure médicale en réseau puisque le consultant est pris entièrement en
charge par les différents intervenants de l’équipe. Comme le remarque Mauger (2001),
ce réseau remplirait une fonction étayante pour le psychisme. En effet le sentiment
d’appartenance à un groupe et la symbolique de « maillage social » peut renvoyer au
rôle et à la fonction protectrice de la peau. Le réseau pouvant également s’étendre aux
associations de malades et « prendre une fonction symbolique de peau sociale de
substitution, d’enveloppe psychique et de pare excitation pour le malade » (p.4).
Selon Ablon (2000), des caractéristiques peuvent être communes aux personnes
atteintes de NF1 et qui arrivent « à s’en tirer » : elles sont avant tout « positives », en
d’autres termes elles possèdent une organisation psychique solide qui permet de se
défendre contre le traumatisme.
Elles gardent contact avec le monde médical et sont en recherche de soins médicaux
appropriés, s’appuient sur des médecins spécialistes de la maladie, qui ont une fonction
contenante et sécurisante. En effet, selon Mauger (1999, p.1), « toute demande de
consultation médicale est une demande de réparation », qui est à la fois corporelle et
psychologique. Le patient a un désir profond d’être reconnu dans sa singularité, et il
cherche également à avoir des réponses à ses questions concernant la maladie en général
(étiologie, risque de transmission, évolution, ...)
21
L’accent est mis sur le soutien du patient, en réseau : « Il y a une nécessité que tous
les intervenants qui agissent dans une région, auprès des patients travaillent en relation
les uns avec les autres, et qu’une personne en soit le « chef d’orchestre », ceci sur le
plan médical et sur le plan associatif. Les échanges entre tous sont absolument
nécessaires » (Mauger, 1999, p.1).
Un accompagnement psychologique peut se révéler utile pour les personnes
atteintes de NF1, généralement pour celles touchées par une atteinte corporelle de la
maladie. Cet accompagnement concerne la personne dans sa globalité, « la possibilité de
parler de sa souffrance, de disposer d’un espace et d’un temps pour qu’elle soit reçue,
entendue est très importante. Cela veut dire être reconnu dans son humanité, ne pas être
réduit à un corps malade » (Armand, 2008, p.6). Contenir l’angoisse, dessiner les
limites corporelles, temporelles, identitaires, participer parfois à atténuer l’impact du
traumatisme, renforcer les assises narcissiques, sont des éléments qui font partie de ce
travail thérapeutique auprès des personnes touchées.
Le patient peut trouver un soutien et être rassuré auprès notamment du consultant
en génétique, qui fournit à la fois information et soutien émotionnel (Schneider, Klein,
2000). « La consultation en génétique se définit en général comme un processus auquel
participent les personnes ou les familles désireuses de comprendre les aspects d’ordre
génétique d’une maladie et d’en déterminer les risques pour les personnes atteintes »
(Gretchen, Klein, 2000, p.1)
Le rôle du consultant en génétique est de renseigner le malade, de lui expliquer la
nature et l’évolution probable de la maladie, de l’informer des risques qui lui sont
associés et de lui enseigner les moyens d’y faire face. Ce qui contribue à une
réassurance psychique devant cette incertitude du pronostic notamment.
La présence du soutien familial et amical est très importante et est une
caractéristique dans la stabilité des sujets. Selon Ablon (2000) l’étayage et l’appui sur de
bonnes figures parentales paraissent primordiaux dans le vécu « positif » de la maladie.
Le réseau amical et familial est d’un grand secours et peut aider à contenir l’angoisse
relative à la maladie.
En cas de transmission héréditaire de la maladie, la communication parentale à
propos de la NF à l’enfant est également importante, ainsi que la force du soutien
(Ablon, 1999).
22
L’association
francophone
la
plus
importante
dans
le
domaine
de
la
neurofibromatose, l’Association Neurofibromatoses et Recklinghausen, offre aux
malades et à leurs familles un lieu d’information, d’écoute, d’aide et de partage. Elle
renseigne sur les avancées médicales et représente les patients et leurs familles dans les
organismes nationaux. Ce type d’association, de forums, permet aux personnes
concernées de ne pas se sentir isolées face à la neurofibromatose, de pouvoir faire face à
la maladie avec d’autres membres, « sur le même bateau ».
2 / La différence
a) Le regard de l’autre
Le retentissement psychologique de la maladie, et de sa visibilité recouvre entre
autre des difficultés à surmonter les préjudices esthétiques, ainsi que le regard d’autrui.
Des études menées auprès des personnes atteintes de NF1, et portant sur la qualité
de vie, révèlent que c’est la visibilité de la maladie qui constitue une des souffrances les
plus fréquentes (Armand, 2008). Les conséquences de cette visibilité affectent la
construction de l’identité, les relations sociales, l’estime de soi, le narcissisme, et induit
des réponses comportementales particulières.
Nous pouvons parler, comme le souligne Ablon (2000), de stigmatisation des
personnes atteintes de NF1, qui proviendrait de l’anxiété qu’éprouverait la personne
tout-venante devant l’anormalité des symptômes de la maladie. Hahn (1988) suggère
d’ailleurs qu’il existe deux types d’anxiété face à la neurofibromatose, chez les
personnes non atteintes de l’affection : l’anxiété esthétique qui est une réaction à une
différence physique, et l’anxiété existentielle, produite par la crainte que suscite la
possibilité de perdre ses propres capacités fonctionnelles. « La société est souvent
préjudiciable pour ceux ayant un faciès atypique ; une personne défigurée fait souvent
l’expérience d’un sévère handicap social » (Mouridsen, Sorensen, 1995, in Halimi,
1999, p.102)
L’étude de Mauger, Wolkenstein, Zeller et Revuz de 1998 illustre ce fait : sur douze
patients atteints de NF1, onze déclarent souffrir du regard d’autrui.
Le regard des autres, la confrontation aux réactions d’autrui peut plonger le sujet
dans des attitudes d’évitement, évitement d’endroits publics, d’endroits fréquentés par
des enfants. La peur du regard et du jugement peut chez certains individus prendre
l’allure de phobies.
23
Dans l’étude de Benjamin, Colley, Donnai, Kingston, Harris, et Kerzin-Storrar
(1993), 44% des 81 sujets de leur étude ont changé leur mode de vie afin de cacher leurs
taches café au lait ou leurs fibromes.
Au travers de ces entretiens cliniques, la psychologue ML. Armand (2008) relève
auprès des consultants que les réactions principales de l’autre sont l’étonnement, le rejet
ou la peur. La justification du sujet s’avère alors provoquée, en lui faisant porter la
responsabilité de ce qu’il montre, de ce qu’il est, représentant alors une violation de son
intimité. Faudrait-il alors pour les personnes atteintes se justifier de leur identité
propre ? Être responsables de ce qu’ils sont et de la maladie qui les touche? Selon Ablon
(2000), est considérée comme coupable la personne dont l’état et le comportement ne
correspondent pas aux normes établies. Etre coupable de sa différence appuierait la
stigmatisation du sujet.
« La visibilité de la NF1 induit le sentiment d’être exposé » (Armand, 2008, p.5)
L’exposition et le regard de l’autre peut renvoyer à un sentiment de culpabilité, qui
n’est pourtant relié à aucune faute. Naît alors un sentiment d’injustice, qui place le sujet
dans une position de victime, « Se sentir à la fois coupable et victime de quelque chose
qu’on ignore est une situation très difficile et douloureuse. Comment faire avec ça ? »
(Armand, 2008, p.5)
Les réactions des personnes touchées par la NF1 et dont les symptômes physiques
de celles-ci sont fortement marqués sont différentes : certaines transforment cette
exposition des autres en un besoin de tout dire, de ne rien cacher, d’autres à l’opposé
cachent tout, à travers un comportement inhibé. Lorsque la maladie ne se voit presque
pas physiquement, « le fardeau de l’invisibilité peut être lourd » (Armand, 2008, p.3)
dans le sens où le sujet peut être débordé par la question d’en parler ou non autour de
lui, ou de garder le « secret » pour se protéger du possible jugement des autres.
Selon J. Ablon (2000), les médecins n’accordent pas vraiment d’importance aux
conséquences esthétiques de la maladie, ce qui peut toutefois être un facteur très
important chez le patient, en dépit des autres symptômes physiques qui sont plus graves
sur le plan médical et vital. Nous nuançons fortement cette affirmation au regard du
travail des équipes médicales de l’hôpital Henry Mondor. En effet, il constitue, comme
nous l’avons illustré auparavant, le Centre de référence des neurofibromatoses en
France. Les médecins, outre le suivi purement médical des patients et de l’étude de
l’évolution de la maladie, réalisent un travail chirurgical (laser, chirurgie
24
reconstructrice,...) consistant à favoriser la vie sociale des patients les plus touchés et
contribuant ainsi à une revalorisation narcissique.
b) Les mythes privés
D’après les résultats de ses recherches cliniques, Mauger (2001) constate qu’afin de
faire face à la maladie et de l’accepter transitoirement, certains sujets atteints de NF1
font référence à des mythes privés, des croyances, comme par exemple le fait de se dire
que la maladie « saute » des générations, ou que les hommes sont plus touchés que les
femmes, que la maladie touche le premier enfant plutôt que le second ou l’inverse, ...
tout ceci devant la difficulté à opérer un deuil de l’image du corps idéal, parfait
(qu’aucun de nous ne peut objectivement posséder, mais qui est mis encore plus mis à
mal dans le cadre de la NF1).
Ainsi comme nous l’explique l’auteur au travers de sa thèse, « l’acceptation de la
maladie, parfois longue, nécessite de s’inventer une cause imaginaire afin de lui
conférer un sens. Le rôle du symbole, de l’histoire du sujet, et des sentiments associés y
est donc prépondérant » (2001, p.3)
Tout ceci dépend de la façon dont l’individu gère sa maladie, des ressources
psychologiques et des défenses dont il dispose, car ce sont bien là des mécanismes de
défense dont nous parlons.
c) Le choix d’être parents
Rappelons-le, la neurofibromatose de type 1 est une maladie autosomique
dominante, c’est à dire que si l’un des parents est atteint par l’affection, il a 50% de
risques de le transmettre à son enfant. Lorsque le diagnostic de NF1 est connu pour l’un
des deux membres du couple, la décision de procréer est alors questionnée. « Vais-je
transmettre la maladie à mon enfant ? », « A quel point sera-t’il atteint ? », « M’en
voudra-t-il un jour de lui avoir transmis ? », ... sont autant de questions qu’il se pose
(Gretchen, Klein, 2000).
Un diagnostic prénatal peut être effectué, il « a pour but de détecter in utero chez
l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité » (Wolkenstein, 2003,
p.175). En cas de maladie génétique, il s’agira alors de faire un difficile choix entre le
fait de garder l’enfant, ou de ne pas le faire.
25
Le processus de la fantasmatisation de l’enfant est déjà engagé. Golse (2001) nous
amène les concepts d’enfant imaginaire, enfant imaginé, enfant narcissique et enfant
mythique pour faire part des groupes de représentation dans l’imaginaire des parents vis
à vis de l’enfant à venir. Ces relations s’entremêlent et semblent altérées dans l’esprit
des parents face à la maladie génétique.
Selon Garguilo (2009), ce qui fonderait le choix des couples vis-à-vis de la venue de
l’enfant porteur d’une anomalie génétique dépendrait des données médicales, des
représentations conscientes, des investissements inconscients, mais également de la
reconnaissance de leurs propres capacités et de leurs limites à accueillir un enfant
« malade ». « Trancher un dilemme implique une perte, quel que soit le choix » (Daffos,
in Garguilo, 2009, p. 99). En effet, dans le cas où les parents décident de garder l’enfant
porteur d’une affection génétique, ils perdent l’image de l’enfant idéalisé ; s’ils font le
choix d’interrompre la grossesse, ils peuvent développer un douloureux sentiment de
culpabilité.
Chez les parents dont l’enfant est atteint par la NF1, le sentiment de culpabilité est
intrinsèquement lié à la maladie de l’enfant (Garguilo, 2009). Cette culpabilité a un rôle,
afin de trouver une raison à l’injustice. « La culpabilité des parents a pour fonction de
donner un sens au non-sens » (Garguilo, 2009, p. 24)
D’après Ciccone (2007), les fantasmes de culpabilité ont une double fonction :
atténuer l’impact traumatique, et devenir acteur par appropriation d’une histoire qui
devient sienne.
Résumé
Nous avons pu apercevoir dans les grandes lignes quels sont les enjeux et les
conséquences de l’annonce du diagnostic de neurofibromatose de type 1 chez les
personnes atteintes, et dans quels sens se jouait la différence face à l’autre. En effet,
l’annonce du diagnostic peut constituer un traumatisme chez le sujet qui met alors en
œuvre des ressources psychologiques dont la finalité idéale serait l’acceptation de la
maladie. Différents types de retentissement psychologiques peuvent ainsi avoir lieu. Le
rôle du soutien familial, médical et associatif est étayant pour le sujet, ces entités
constituent une fonction symbolique de seconde peau. La maladie et sa visibilité
entraînent le plus souvent une stigmatisation du sujet, et conduisent à un sentiment de
culpabilité chez la personne atteinte, qui est de ce fait susceptible de mettre en place
26
l’élaboration de mythes privés, sur un mode imaginaire défensif. Enfin, la différence
liée à l’atteinte par la maladie s’exprime dans le choix d’être parent et dans la possible
transmissibilité du gène, qui associe le deuil de l’enfant imaginaire et le sentiment de
culpabilité.
27
III. Les réaménagements psychiques dans la NF1
« Les manifestations cliniques de la neurofibromatose sont maintenant
bien connues depuis longtemps, mais ses aspects psychologiques et
intellectuels sont devenus seulement récemment une préoccupation des
cliniciens et autres spécialistes (Legius, Descheemaeker, Fryns, Van den
Berghe, 1994, in Halimi, 1999, p.55), « car il y a eu récemment une prise de
conscience de l’importance des facteurs de risques psychologiques »
(Eliason,1988, in Halimi, 1999, p.55).
« Toute maladie somatique induit immanquablement des contraintes
psychologiques qui apparaissent dès lors comme surajoutées à toute
problématique psychique antérieure ou actuelle » (Mauger, 2001, p.160).
Avant propos
Ce troisième et dernier chapitre constitue une articulation logique aux deux parties
précédentes et rentre au cœur de la problématique de cette étude. En effet il s’agira
d’entrevoir quels sont les moyens mis en œuvre par le psychisme chez une personne
atteinte de neurofibromatose de type 1, ainsi que le retentissement psychique de la
maladie chez le sujet. La NF1, de par ses symptômes le plus souvent visibles, induit un
remaniement psychique chez la personne atteinte, dès l’annonce du diagnostic. Nous
essayerons ainsi d’étudier ces réaménagements psychiques au travers des grandes lignes
du fonctionnement psychodynamique : l’identité et l’image du corps, le narcissisme et
l’estime de soi, l’angoisse et l’anxiété et enfin l’organisation défensive ; dans une
perspective psychodynamique de l’étude de la personnalité, en accord avec notre
orientation théorique.
Notons par ailleurs que d’après certaines études, des troubles dysthymiques et
dépressifs sont fréquemment retrouvés chez les patients atteints de NF1. Nous avons
choisi de nous limiter à l’étude des éléments précités, au vu du cadre imparti de ce
mémoire.
28
1 / L’identité
a) La formation de l’identité
Dans la théorie de Winnicott (1956), le bébé pense que lui et sa mère ne forment
qu’un, c’est cette période de 0 à 6 mois où l’enfant se situe dans la position que Mélanie
Klein (1959) qualifie de « paranoïde-schizoïde ». Cette expérience de fusion primitive
permet au bébé d’être, et lui donnera par la suite la possibilité d’agir, faire et subir,
d’avoir un sentiment d’identité. Il devient progressivement capable de faire l’expérience
de Soi, de se sentir réel et d’acquérir une identité.
Le modèle de la relation objectale se met en place durant la petite enfance, elle
commence lors de l’allaitement, l’enfant a trouvé une partie de sa mère : le sein.
L’existence psychosomatique et les processus de maturation ne peuvent exister sans
la présence d’un autre qui participe activement au « holding » et au « handling »
(Winnicott, 1956). Quand le holding (soins donnés au nourrisson, manière dont il est
porté) a été « suffisamment bon », l’enfant peut avoir très tôt un Moi individuel, faible
certes, mais soutenu par l’adaptation de la mère aux besoins fondamentaux de l’enfant.
Un holding suffisamment bon et une « mère ordinaire normalement dévouée »
(Winnicott, 1992) va permettre d’édifier les bases de l’identité et de la personnalité.
C’est dans la période de 6 à 12 mois, continuité de la phase orale, que l’enfant apprend
progressivement à se situer en tant qu’entité séparée de la mère, il acquiert une image
totale de son corps, ce dont Lacan parle en tant que stade du miroir (1937). Il s’agit de la
constitution du « je » et donc de l’identité de l’enfant, témoignant de l’accès au
symbolique. Malher (1975) fait naître à cette période le processus de séparationindividuation, et Mélanie Klein (1959) nomme cette phase « la position dépressive » où
l’enfant se sépare symboliquement de sa mère et acquiert son unicité propre.
Le développement affectif primaire passe par l’intégration du self, la résidence de la
psyché dans le corps, l’établissement de la relation d’objet. Tout ceci constitue
l’identité. L’individu acquiert la capacité à reconnaître que sa réalité psychique interne
lui est propre.
29
b) Le sentiment d’identité dans la NF1
Les maladies génétiques sont souvent héréditaires, la neurofibromatose de type 1
l’est dans 50% des cas. Elles posent ainsi la question du mystère des origines (Garguilo,
2009). La maladie peut interroger le sens même de la vie et de l’identité.
L’identité, le contour de notre être qui fait barrage, frontière au regard de l’autre est
une des conditions essentielles de notre intégrité. « Les questions intrusives liées à la
visibilité de la NF1 attaquent cette liberté fondamentale : [...] le fait que nous puissions
exister en dehors de l’autre » (Armand, 2008, p.2). Elles attaquent ainsi le sentiment
d’identité. La difficulté à surmonter le fait d’être atteint par cette maladie peut conduire
chez le sujet à construire son identité autour du symptôme visible (ou invisible), et à être
identifié à son symptôme.
Demeule (2009) entrevoit un risque d’ébranlement identitaire chez les personnes
ayant subi une « défiguration acquise ». Le mot semble certes un peu fort pour les
personnes atteintes de la NF1 car, comme nous l’avons répété tout au long de cette
étude, les symptômes s’expriment différemment d’une personne touchée à l’autre et pas
forcément sur le visage. Même lorsque c’est le cas, cette modification corporelle se fait
progressivement, et le sujet touché apprend à s’habituer à celle-ci.
Quand le visage de la personne touchée par l’affection est marquée de façon
importante par les neurofibromes, les taches café au lait,... et que les assises narcissiques
sont déjà fragiles, il peut exister une désorganisation potentielle de l’identité, le visage
représentant l’identité par excellence (Demeule, 2009). « La visibilité de la NF1 crée le
sentiment d’être différent et par là affecte la construction de l’identité » (Armand, 2008,
p.3 ). Les notions d’intérieur, d’extérieur, les limites seraient en constants
remaniements, surtout dans les périodes de phases aiguës de poussées de la maladie,
dans le retentissement mixte de la maladie (Mauger, 2001).
Nous pouvons nous demander dans quelle mesure la structure d’identité est touché
dans la NF1. Ce sentiment est directement lié à la construction de l’image du corps qui
peut, dans ce cas, être mise à mal.
30
2 / L’image du corps
a) La formation de l’image du corps
Selon Dolto (1984), l’image du corps se distingue du schéma corporel. Alors
que ce dernier est pour ainsi dire le vécu corporel au contact de la réalité, l’image du
corps est éminemment inconsciente, elle est le support du narcissisme et vise à en
protéger son intégrité, elle est source du désir du sujet : « L’image du corps est la
synthèse vivant de nos expériences émotionnelles, [...] elle peut être considérée comme
l’incarnation symbolique du sujet désirant » (Dolto, 1984, p. 22).
Bien qu’ils soient différents, l’image du corps et le schéma corporel sont
complémentaires, ce qui permet au sujet d’entrer en communication avec autrui. « Le
schéma corporel humain, on pourrait presque dire : c’est l’animal vertical, tandis que
l’image du corps, c’est la relation langagière qui est intégrée après l’investissement
narcissique de son propre corps » (Guillerault, p.92). Le lieu des représentations des
pulsions est l’image du corps, alors que leur source est le schéma corporel. Il est en
quelque sorte l’armature corporelle de l’image du corps.
Selon Dolto (1984), l’image du corps est constituée d’une image de base, d’une
image fonctionnelle et d’une image érogène. Ces trois composantes sont articulées
dynamiquement entre elles afin de rendre pour le sujet une image du corps la plus
adaptée possible.
L’image du corps se construit au travers de nos expériences émotionnelles. C’est
au travers de la parole et des mots que se symbolise l’image du corps, elle se structure
au travers des relations intersubjectives (toute interruption de cette relation peut avoir
des effets dramatiques) et s’élabore dans l’histoire du sujet, lors des relations précoces
avec la mère (« Il l’a créé – son image du corps - à l’image de cet Autre – maternel –
auquel nous l’avons dit passionnément assujetti » (Guillerault, p.174, 1996).
Il semblerait qu’avant le stade du miroir (que Dolto reprend dans une conception
différente de celle de Lacan), l’enfant possède des images du corps « non conscientes ».
Images du corps au pluriel car il se saisit des images de ses parents, auquel il s’identifie,
car confondu avec eux. Ces images, au contact du miroir et de sa reconnaissance comme
être détaché de ses parents et individuel, se fragmentent en un Moi spéculaire conscient,
et une image du corps refoulée, inconsciente (Guillerault, 1989). L’image du corps
n’attendrait sa forme achevée, selon Dolto (1997), qu’après la résolution de la crise
Oedipienne, après que l’enfant ait reçu la castration symbolique.
31
Anzieu (1974) a développé le concept de Moi-Peau et ses différentes fonctions. Il
désigne par Moi-peau « une figuration dont le Moi de l’enfant se sert au cours des
phases précoces de son développement pour se représenter lui-même comme Moi
contenant les contenus psychiques, à partir de son expérience de la surface du corps »
(1995, p.61). Le Moi-peau trouve son étayage sur huit fonctions de la peau : la
maintenance, la contenance, la pare-excitation, l’individuation, l’intersensorialité, le
soutien de l’excitation sexuelle, la recharge libidinale, et l’inscription des traces. « Le
moi-peau évoque à la fois le sens du toucher, mais aussi le mouvement actif qui met en
contact le sujet avec une partie de lui-même aussi bien qu’avec l’autre » (Anzieu, 1995,
p7). L’entourage maternant, au même titre que le holding (Winnicott, 1992) assurerait
les bases de l’enveloppe externe du sujet, et le Moi-peau constituerait à ce stade la
fonction de maintenance du psychisme.
b) L’image du corps dans la NF1
La NF1 engendre des modifications corporelles de plus ou moins grande
importance.
Lors de l’adolescence, le corps change, les poussées hormonales entraînent parfois
justement une poussée de la maladie, avec l’apparition d’un nombre plus important de
neurofibromes par exemple, mais pas forcément.
La subjectivité de chaque individu est très importante à prendre en compte, elle
entraîne des réactions tout à fait différentes par rapport à la maladie et à ses atteintes
corporelles. La perception de son propre corps peut être fonction de l’étendue des
symptômes, mais pas nécessairement. Cela peut aller à une « insignifiance » des
symptômes à la dysmorphophobie (Mauger, 2001) (la dysmorphophobie se rapproche
de la crainte obsédante d’être malformé).
Dolto (1984), dans sa conceptualisation de l’image du corps a montré qu’il pouvait
coexister chez un même individu un schéma corporel sain avec une image du corps
perturbée. Mais également, et c’est ce qui est au cœur de notre propos, il peut coexister
chez un même sujet un schéma corporel atteint comme dans la neurofibromatose, et une
image du corps relativement « intacte ». Le corps malade, support de symptômes, peut
tout à fait faire l’objet d’une communication interindividuelle harmonieuse et être
support de désir. Cela sans doute suppose-t’il que les atteintes physiques n’aient été trop
gravement prématurées au point d’avoir détérioré, voir empêché le développement
mental et social de l’individu (Guillerault, 1996).
Mais si le sujet a été comme nous le disions, maintenu dans un contexte relationnel
harmonieux dans son enfance, où tout le langage vrai prend sens concernant son
32
infirmité, une image du corps saine peut être symbolisée dans l’inconscient, l’image du
corps est une image dans la parole (Dolto, in Guillerault, 1996). Nous pouvons ainsi dire
que le schéma corporel, « réalité physique », et l’image du corps, inconsciente, peuvent
être relativement autonomes l’un de l’autre, et que l’image du corps peut par des
moyens symboliques, se dégager du corps auquel elle correspond.
Toutefois cette affirmation est nuancée par Guillerault (1996), car comme il le
souligne, les lésions qui sont susceptibles de rendre invalide le corps réel pourraient
aussi frapper et marquer l’image du corps.
Dolto reviendra d’ailleurs sur cette relative séparation schéma corporel/image du
corps au regard des observations cliniques, jusqu’à devoir considérer que ces entités
doivent se retrouver interdépendantes quand la pathologie les révèle corrélées. « Le
schéma corporel est croisé à l’image du corps », et comme le souligne Guillerault,
(p.167, 1996), « toute cette relation dialectique entre les deux entités conduit à la
nécessité d’un ajustement, par quoi l’image du corps en vient à devoir se trouver dans
une relative adéquation au schéma corporel qui lui correspond ». En effet le schéma
corporel a valeur de rappel objectif à la constitution de l’image du corps, il s’agit alors
de savoir ce que cette dernière tire narcissiquement du schéma corporel pour se former.
Dans la NF1, d’après Mauger (2000), il faudrait faire le deuil de posséder un corps
parfait. Ce travail de deuil est difficile du fait des canons de beauté imposés par les
médias, ce qui renforce le décalage entre un idéal du corps (inaccessible à tous), et la
façon dont le sujet touché par la NF1 arrive à faire avec son corps abîmé. « La maladie
attaque l’image du corps » (p.5), le blindage affectif serait l’issue analogue dans l’échec
du deuil de l’image du corps « normal », qui apparaîtrait comme un idéal non accessible
par la personne atteinte. Cette constatation impliquerait qu’un deuil de cette image du
corps parfaite soit relativement possible, peut-être dans des retentissements « positifs »
de la maladie.
Le corps et le narcissisme sont étroitement liés, ce premier constitue pour Freud
le support d’une objectivité. Sur le corps se joue le lien entre réalité externe, réalité
interne et narcissisme (Athanassiou-Popesco, 2003).
33
3 / Le narcissisme et l’estime de soi
a) Le narcissisme
Nous avons choisi lors de cette sous-partie, de vous exposer les principales
théories dédiées au narcissisme. L’exposé n’est pas exhaustif, mais l’étude de ce
concept dans la littérature étant très vaste, nous mettrons en lumière les principales idées
allant dans le sens de notre cadre théorique.
Le narcissisme dans le courant psychanalytique, est un mot qui recouvre plusieurs
sens selon les auteurs :
a. Il est par définition le fait de se prendre soi-même pour objet d’amour
(Athanassiou-Popesco, C., 2003).
b. Selon la définition de Laplanche et Pontalis (2004), le narcissisme est,
par référence au mythe de Narcisse, amour porté à l’image de soi-même.
Le narcissisme primaire désigne un état précoce où l’enfant investit
toute sa libido sur lui-même. Le narcissisme secondaire désigne un
retournement sur le moi de la libido, retirée de ses investissements
objectaux.
C’est en 1909 que Sigmund Freud (1856-1939) utilisa pour la première fois ce
concept, en se référant au créateur du terme, Havelock Ellis.
Durant la première période de sa théorisation, il établit un premier dualisme
pulsionnel articulé au principe de plaisir sur lequel les pulsions sexuelles entretiennent
un rapport avec l’objet ; et au principe de réalité, auquel obéissent les pulsions
d’autoconservation. C’est l’autoconservation qui conduit à un souci narcissique. Nous
noterons que vers 1912/1913, la séparation entre les pulsions du moi et les pulsions
sexuelles sont annulées : si la pulsion passe par l’objet pour se satisfaire, elle n’utilise ce
dernier qu’à des fins narcissiques (Athanassiou-Popesco, 2003).
La notion de narcissisme voit aussi le jour au travers des écrits : Totem et tabou
(1912) et plus tard dans Psychologie des foules et analyse du moi (1921).
Freud (1908) précise alors que le narcissisme est un stade de développement dans le
passage de l’auto-érotisme à l’amour d’objet.
L’auto-érotisme est l’amour de soi-même, il s’agit d’une étape indispensable au bon
développement de l’être. Le narcissisme est qualifié de primaire et de normal durant
34
cette période. Il consiste à investir ce qui est semblable à soi-même, pour ensuite
investir ce qui nous est dissemblable, il introduit alors la notion de narcissisme
secondaire, qui passe par l’objet mais sur un mode particulier, dit narcissique. « La
constitution du Moi-peau est une des conditions du double passage du narcissisme
primaire au narcissisme secondaire » (Anzieu, 1995, p.62). Notons que chez les
personnalité narcissiques, le Moi-peau, qui a commencé à se structurer, reste fragile.
En 1914, Freud développe le concept en envisageant particulièrement les
investissements libidinaux, où le Moi est considéré comme « un grand réservoir de la
libido », le narcissisme apparaît comme une stagnation de la libido.
Ainsi, la qualité du narcissisme chez un sujet dépendrait de la qualité et de la
mobilité de la réserve en libido narcissique (Durieux, MC., Janin, C., 2002).
Le narcissisme normal est « le complément libidinal à l’égoïsme de la pulsion
d’autoconservation » (Freud, 1914, p.82). Il suggère la permanence du narcissisme sous
la forme de l’Idéal du Moi : « Ce que le sujet projette devant lui en tant qu’idéal est le
substitut du narcissisme perdu de son enfance ; en ce temps là il était lui-même son
propre idéal » (p.161).
En 1917 (L’inquiétante étrangeté et autres essais), Freud articule atteinte
narcissique et angoisse de castration, dans le sens où cette dernière peut-être
considérée comme organisatrice du narcissisme. Comme le souligne Bergeret (2004,
p.27), « tout en étant d’apparition successive dans le temps du point de vue de la
psychogenèse, Narcisse et Oedipe n’en demeurent pas moins des acteurs concomitants,
agissant en alternance ou en même temps tout au long de l’existence. »
Cette première théorisation (1ère topique) débouchera sur l’introduction du second
dualisme, articulé à un principe de fonctionnement : « Au delà du principe de plaisir »
(1920) où se trouve élaboré le concept de pulsion de mort. La seconde topique permet à
Freud dans « Le Moi et le Ca » (1923) de théoriser sur une seconde dimension du
narcissisme, qui constitue une transformation qui permet que se constitue le Moi
(Athanassiou-Popesco, 2003). Le conflit pulsionnel oppose pulsions de vie et pulsions
de mort, et non plus libido narcissique et libido objectale
De par la complexité et les remaniements théoriques qu’il a employé, l’apport le
plus important de l’auteur est de l’avoir présenté comme une dimension indépassable et
fondatrice du Moi, à bien des égards (Duruz, 1985).
35
Béla Grunberger (1903-2005) est un auteur qui a largement contribué à l’étude du
narcissisme au travers de ses œuvres Etude sur le narcissisme, 1965, et Narcisse et
Anubis, 1989.
Dans la présentation de ses premiers travaux sur la question en 1956, il considère
que le narcissisme est une instance psychique, un facteur autonome, se dégageant du
cadre réducteur, dit-il, de la théorie pulsionnelle à laquelle la notion de narcissisme est
rattachée tout au long de la théorie freudienne.
Le narcissisme aurait selon lui une origine prénatale, inaltérée jusqu’au moment de
la naissance où il entre en conflit avec le régime pulsionnel, dans lequel il est intégré.
L’équilibre futur du sujet dépendra de la résolution ou non du jeu entre les facteurs
narcissiques et pulsionnels. Si le premier traumatisme narcissique n’est pas surmonté, à
la naissance et par carence de valorisations et de « confirmations narcissiques » au cours
des premiers mois de la vie, le sujet pourra être prédisposé à la dépression puisqu’il
existera une sensibilité exacerbée aux atteintes narcissiques ultérieures.
Grunberger introduit, par là même, dans sa théorisation, le concept de « monade »,
qu’il définit comme « une formation psychique matricielle mixte » qui réunit les
potentialités prénatales et la « préoccupation maternelle primaire » (Winnicott, 1956, in
Durieux, MC., Janin, C., 2002). Le rôle de la monade est de préserver le narcissisme de
la dévalorisation. Plus tard, le narcissisme joue un rôle économique dans le conflit
Oedipien : l’enfant mis face à son insuffisance doit organiser son Oedipe afin de
sauvegarder son narcissisme. Cette période Oedipienne correspond normalement à
l’achèvement de la synthèse des régimes pulsionnels et narcissiques.
Heinz Kohut (1913-1981), psychanalyste américain d’origine autrichienne contribua
de manière effective au développement du concept de narcissisme et des modalités du
transfert narcissique.
Selon lui, le narcissisme fait partie du développement du Self (Denis, in Durieux,
Janin, 2002). La vie psychique est essentiellement narcissique, elle est régie par un
principe d’autoconservation du psychisme.
Les besoins narcissiques prennent le dessus sur les pulsions sexuelles dans
l’organisation psychique.
36
D’après Kohut, « le narcissisme ne se définit pas par le lieu de l’investissement
instinctuel (le sujet lui-même ou l’objet), mais par la nature ou la qualité de la charge
instinctuelle elle-même » (Kohut, 1974, p. 34).
Le narcissisme initial, composant le Self, se fractionne en deux voies par lesquelles
l’enfant cherche à rétablir la perfection initiale : les ambitions (le « Self narcissique » ou
« Self grandiose ») et les idéaux (l’« imago parentale idéalisée »). A cette période,
l’enfant conçoit l’autre comme faisant partie de lui, cette première relation est
narcissique, puisque faisant partie de son Self. Il parlera alors de Selfobjet, qui est un
objet investi mais n’est reconnu que s’il vient à manquer, à l’instar des personnes de
l’environnement entourant l’enfant.
Des déficiences narcissiques primaires du Self peuvent surgir quand il y a
traumatisme ou quand le parent ne peut représenter le Selfobjet contenant. Pour pallier à
ces déficiences, des structures secondaires sont mises en œuvre : les structures
défensives ayant pour fonction de couvrir un défaut du Self, et les structures
compensatoires permettant au Self de s’appuyer sur des Selfobjets secondaires bons.
Au final, deux points essentiels se dégagent de l’étude du concept de narcissisme : la
nature relationnelle du narcissisme et la nature intrinsèquement narcissique du Moi et
du Soi (Duruz, 1985).
b) Le narcissisme dans la NF1
Comme nous l’avons exposé précédemment, le narcissisme touche aux fondements
de la constitution de Soi. Il en découle la qualité du rapport de l’homme à autrui, par
rapport aux autres dans un groupe (Athanassiou-Popesco, 2003).
Nous pouvons nous référer au concept de Moi-peau développé par Anzieu (1974,
1995) que nous avons cité plus haut, et mettre en rapport sa théorie avec les atteintes
narcissiques chez les sujets atteints de NF1. Car comme il le souligne, « les affections de
la peau (dans nos propos, les neurofibromes, les taches café au lait,... ) entretiennent
d’étroites relations avec les failles narcissiques et les insuffisances de structuration du
Moi » (1995, p54), « l’instauration du Moi-peau répond aux besoins d’une enveloppe
narcissique » (p.61).
La difficulté est grande pour beaucoup de personnes atteintes de NF1 de gérer leur
problématique narcissique. Comme le souligne Mauger (2001, p.3), « par son
retentissement psychologique, la maladie précipiterait des angoisses ou des
37
problématiques prégénitales non élaborées touchant à la sphère narcissique et
identitaire, ainsi qu’à des éléments oedipiens non résolus ».
Mais l’assignation d’un « sens de la maladie », terme développé par l’auteur,
permettrait une réorganisation des assises narcissiques, qu’il appelle le « travail du
débordement ». Comme nous l’avons évoqué plus tôt, le retentissement mixte est une
étape importante de remaniements du narcissisme chez les patients chez qui les assises
narcissiques sont fragiles. Le narcissisme semblerait également défaillant lors du
retentissement neutre.
Dans la NF1, les manifestations corporelles de la maladie sont très rarement
présentes de façon significative dès la naissance. En effet, les symptômes évoluent avec
l’âge du sujet, et la pénétrance de la maladie est quasi-complète à l’âge de 8 ans (Pinson,
Wolkenstein, 2005).
Nous pouvons néanmoins parler, avec prudence, du caractère inné des certaines
expressions des signes de la NF1, pouvant alors poser la question de l’élaboration du
narcissisme, en lien avec ce qui a trait à la dimension spéculaire (Freud, 1914).
L’importance du regard maternel et la mise en mots de la « différence » par les
imagos parentales sont alors très importants puisqu’ils pourront annuler, ou au moins
atténuer la création de failles narcissiques chez l’enfant (Demeule, 2009). En effet, « si
le narcissisme est inéluctablement blessé en se construisant, des compensations doivent
lui être octroyées pour qu’il puisse se reconstruire. Il incombe avant tout aux objets
parentaux de procurer à l’enfant ces compensations narcissiques, et en plus, de le
soutenir dans l’amour qu’il se porte à lui-même » (Athanassiou-Popesco, 2003, p.253).
La prise en charge et le suivi médical parfois lourds entraînerait chez certains
patients une dimension régressive de nature profondément narcissique selon Mauger.
En effet, « être soigné » renvoie à ce qui à trait à la fonction maternelle de la petite
enfance où le sujet fixe les bases de la construction de son narcissisme.
L’adolescence et la grossesse peuvent entraîner des complications et une plus grande
visibilité de l’affection. Coslin (2002, p. 120) signifie que « les transformations (durant
l’adolescence), tant au niveau physique qu’à celui du statut social, engendrent un
remaniement narcissique toujours difficile à gérer. ». N’oublions pas que le narcissisme
construit ses assises de la naissance à la fin de l’adolescence, que cette composante peut
se construire et déconstruire, elle est obligée de composer avec d’inévitables blessures
narcissiques causées par l’environnement (Athanassiou-Popesco, 2003).
38
c) L’estime de soi
Nous nous éloignons des théories psychanalytiques pour développer un concept se
situant plutôt dans la lignée des théories psychosociales : l’estime de soi. Soulignons
que ce concept constitue le pendant psychologique du narcissisme, au niveau conscient.
Penchons-nous tout d’abord sur la définition de l’estime de soi de Coopersmith
(1984, p.5, p.6):
« L’estime de soi est l’expression d’une approbation ou d’une désapprobation
portée sur soi-même. Elle indique dans quelle mesure un individu se croit capable,
valable, important. C’est une expérience subjective qui se traduit aussi bien
verbalement que par des comportements significatifs ». Elle est « un ensemble
d’attitudes et d’opinions que les individus mettent en jeu dans leurs rapports avec le
monde extérieur » (p.6).
L’auteur fragmente ce concept en plusieurs dimensions : le domaine social, familial,
scolaire ou professionnel, personnel. L’accent est mis pour lui sur la relation parentenfant pour déterminer le développement d’une bonne estime de soi. Cette relation
serait beaucoup plus importante que l’éducation, le milieu social et professionnel des
parents (Coopersmith, 1967). Elle dépend également, nous semble-t-il, de l’estime que
les autres portent au sujet le long de sa vie, et de l’image qu’ils lui ont renvoyée de luimême. L’homme vit dans un monde social, il se construit en fonction d’autrui.
Selon Lawrence (1988), dans son étude sur ce concept en classe chez les enfants,
l’estime de soi se définirait en fonction de l’écart entre l’image de soi et le soi idéal du
sujet, par le sujet lui-même.
L’enfance est une période de construction psychique, où se construit l’identité et le
Soi. Durant ce cycle, une mère « suffisamment bonne » est essentielle à la constitution
de l’estime de soi, entre autres (Winnicott, 1992). Comme le souligne également Pierson
(2005, p. 82), « Le regard des parents influence l’estime de soi des enfants ».
Coopersmith (1984) nous informe que c’est vers le milieu de l’enfance que le sujet
crée une image de lui-même qui demeurera relativement stable le long de sa vie. Cette
stabilité est également démontrée par Lecky (1945), elle semble résister aux
changements car le besoin de cohérence et de stabilité chez l’individu demeure
39
Schéma 1 : La pyramide des besoins de Maslow, 1970.
plus forts. Mais des auteurs tels que Duclos, Laporte et Ross (1995) vont dans le sens
inverse : « Chaque individu se fait une idée de lui-même. Cette image de soi, qui est
fortement influencée par tous les changements sociaux, se construit au fil des années et
n’est jamais acquise pour toujours ».
L’estime de soi reste alors selon ces auteurs un concept dynamique.
Selon Bandura (2002), auto-efficacité et estime de soi ne doivent pas être confondus,
il n’y a pas de lien systématique qui les unit. L'estime de soi peut provenir d'auto
évaluations basées sur la compétence personnelle, mais aussi sur la possession de
caractéristiques personnelles. Sur ce point il se rapproche de L’écuyer (1978), qui a
fondé un modèle du concept de soi dans lequel il intègre cinq structures du Soi, ellesmêmes sous-divisées en sous-structures comprenant entre autres la valeur de soi,
autrement dit l’estime de soi. Elle fait partie du Soi adaptatif et se compose donc des
compétences et des valeurs personnelles.
Maslow a développé, en 1943, la théorie de la hiérarchie des besoins, qui a découlé
de ses travaux sur la motivation. Ce que nous appellerons « La pyramide des besoins »
(voir Schéma 1, page ci-contre) a été conceptualisée en 1970, l’auteur en garde une
vision hiérarchique et dynamique. Elle illustre l’estime de soi qui se place au quatrième
rang des besoins chez l’homme. Elle correspondrait à une double nécessité : se sentir
compétent et être reconnu par autrui.
d) L’estime de soi dans la NF1
La visibilité de la NF1 constitue l’une des souffrances les plus évoquées. Ceci a
pour conséquence entre autres un impact sur l’estime de soi (Armand, 2008).
Lors de l’annonce du diagnostic chez la personne atteinte de NF1, Didier Mauger
(2001) nous parlait plus en avant des étapes psychiques par lesquelles peut passer le
sujet ; la sidération, les angoisses dépressives, et l’acceptation de la maladie. Lors de la
seconde étape, l’estime de soi est mise à l’épreuve de façon importante, pouvant être
également mise en exergue par les difficultés d’apprentissage qui constituent un des
symptômes de la NF1. Le sentiment d’isolement qui pouvait déjà être présent par la
« différence » physique de la personne, est alors amplifié. L’auto dévalorisation serait
d’ailleurs présente lors du retentissement mixte de la maladie, avec une difficulté de se
projeter dans l’avenir, et un manque de confiance en soi.
L’agressivité parfois tournée vers soi, vers les parties du corps haïes à cause de la
NF1, tendrait à faire baisser l’estime de soi. Mauger nous dit que puisque cette
40
agressivité doit faire avec le narcissisme, les instincts de vie et l’amour de soi,
l’ambivalence peut être difficile à gérer. Les inquiétudes des personnes peuvent
s’exprimer par un sentiment d’échec, renvoyant au sentiment d’impuissance. Ce qui a
directement trait à l’estime de soi.
Comme nous l’avons développé dans le chapitre précédent, l’estime de soi découle
en grande partie de ce que nous renvoie autrui. Le regard de cet autre, souvent sévère et
inquisiteur dans le contexte de la NF1 où les symptômes sont visibles, agit directement
sur l’estime de soi. D’après une publication de Benjamin, Colley, Donnai, Kingston,
Harris et Kerzin-Storrar (1993), 63% des sujets étudiés atteints par la NF1 auraient
connu des expériences sociales difficiles pendant leur scolarité. Ceci constituerait un
élément qui, selon nous, entraînerait une baisse de l’estime de soi.
Selon Pourtois et Desmet (2004) qui développent le modèle des douze besoins, le
besoin de considération est fondamental pour le bon développement de l’estime de soi,
qui va avoir une influence sur les compétences sociales. Ceci rejoint les considérations
de Rogers (2001) qui met l’accent sur l’importance des sentiments de rejet ou
d’acceptation dans les relations interpersonnelles : une bonne estime de soi est
indispensable pour établir de bonnes relations aux autres.
Le sentiment de valorisation faciliterait l’intégration psychique ou sociale des
individus. A l’inverse, quand l’estime de soi est faible, un sentiment de malaise et de
souffrance psychique se développent, pouvant provoquer de l’anxiété qui se décline de
la timidité à des formes plus graves, comme l’agoraphobie (Perron, 1991). Nous
pouvons ainsi mettre en lien l’estime de soi et l’anxiété dans la NF1. En effet, des
études cliniques ont mis en évidence que ces deux phénomènes psychiques sont
étroitement liés : « si c’est une menace qui déclenche l’anxiété, c’est l’estime de soi qui
est menacée » (Coopersmith, 1984, p.8).
4 / L’angoisse et l’anxiété
a) Définitions
Le terme angoisse vient du latin angustia, désignant « un passage étroit, un
resserrement » (Kapsambelis, 2007, Assoun, 2008).
41
Resserrement cardiaque, respiratoire, quelque chose devient plus étroit, cela illustre
bien le sentiment de suffocation retrouvé dans l’angoisse. « Le corps devient plus
intolérablement intime avec lui-même ; d’autre part, et en même temps, se manifeste un
phénomène d’étrangeté, d’aliénation, emprise d’une altérité qui resserre ses tenailles
sur le corps. » (Assoun, 2008, p.26)
Ainsi, lorsque le sujet est « pris » d’angoisse, il se ressent comme l’objet d’un
mécanisme qu’il ne contrôle pas.
Le mot anxiété trouve sa racine latine dans anxietas, signifiant « une disposition
naturelle à l’inquiétude » (Kapsambelis, 2007). Nous pouvons le rapprocher de
l’hésitation, l’irrésolution, le mélange d’espoir et de crainte...
La définition d’Henry Ey (1950) souligne le caractère universel de l’anxiété, il
définit ce concept comme « un désarroi vécu dans l’attente poignante d’un danger
imminent ». Au niveau psychopatholgique, Spielberger (1983) fait de l’anxiété deux
facettes : l’anxiété trait qui désigne un état chronique, expérience subjective de
sentiments d’appréhension ; alors que l’anxiété état souligne son caractère passager,
dépendant des stimuli ou des situations.
La psychiatrie contemporaine définit l’anxiété dans le cadre clinique psychiatrique,
le terme est aussi utilisé par les courants cognitifs et biologiques. Il désignerait un état
moins grave et plus courant que l’angoisse, les auteurs rapprochent l’anxiété du versant
psychique et affectif de l’état émotionnel.
Le terme d’angoisse se rencontrerait davantage dans le vocabulaire de la
psychanalyse et de la philosophie. Cette dernière connoterait une dimension de gravité
en comparaison à l’anxiété (angoisse psychotique, angoisse de mort) (Kapsambelis,
2008). Les auteurs rapprocheraient également l’angoisse du versant biologique et des
sensations somatiques, en réponse à un état émotionnel.
Nous postulerons pour la suite de notre exposé, que l’angoisse relève de mécanismes
inconscients, alors que l’anxiété serait une traduction de l’angoisse à un niveau
conscient, tous deux en lien avec l’efficacité ou non de l’organisation défensive.
b) Les théories de l’angoisse et de l’anxiété
Dans sa première théorie sur l’angoisse, Freud va mettre en évidence l’implication
de cette dernière dans la sexualité et l’hystérie : il fait de l’angoisse une manifestation
centrale d’une excitation sexuelle qui n’a pas pu être déchargée, et également non prise
en charge au niveau psychique. En découlent les théories sur la névrose d’angoisse et de
42
l’étiologie des névroses (1895). Vingt ans plus tard, c’est à toutes les formes d’angoisses
névrotiques qu’il applique son modèle biologique. Mais le cheminement de production
d’angoisse est ici inversé, c’est de la libido que naît l’angoisse, partant du moi.
L’angoisse n’est pas le simple concomitant d’une pathologie, mais un symptôme en soi,
elle a le pouvoir d’organiser un complexe symptomatique (Assoun, 2008).
Lors de l’écriture d’Inhibition, symptôme, angoisse (1926), et ainsi de sa seconde
théorie sur l’angoisse, le Moi est clairement le lieu de l’angoisse. Il remanie ses
conceptions en disant que le refoulement n’est pas à l’origine de l’angoisse, mais que
c’est bien l’angoisse qui met en route les processus de refoulement. Freud introduit par
là même la notion d’angoisse de castration.
L’angoisse n’aurait pas d’objet, ne serait pas déterminée, et se caractériserait
comme situation, ce qui la distingue de la peur et de l’effroi. La peur traduirait une
défense face à un danger présent, réel (Roussillon, 2007), l’angoisse qualifierait les
réactions face à un danger à venir, elle est attente et s’amorce avec le sentiment
d’impuissance : « Elle est attente de quelque chose dont on n’a aucune idée de quelle
forme cela peut avoir ou prendre. Le sujet est donc mobilisé vers quelque chose dont on
peut seulement ressentir que « c’ » est dangereux, et à ce titre menaçant et funeste »
(Assoun, 2008, p.17), l’effroi est éprouvé devant un danger objectif mais l’individu est
paralysé et impuissant (Roussillon, 2007).
La position actuelle de la plupart des psychanalystes est de considérer que le Moi est
libre de choisir entre différentes stratégies : il peut se soumettre à l’angoisse par la peur
du danger, externe ou projeté, il peut également l’utiliser comme signal pour développer
des mécanismes défensifs ou adaptatifs (Widlöcher, in Pichot, 1987)
Selon Roussillon (2007), la capacité à ressentir l’angoisse sans se laisser submerger
mais sans non plus la bloquer, témoigne d’une relativement « bonne santé psychique ».
Elle est de plus, utile à la vie psychique puisqu’elle fait fonction d’alerte.
L’angoisse se situe toujours dans le champ psychique, elle n’est symptomatique que
quand elle vient inonder et paralyser la psyché. Nous allons présenter succinctement les
trois types d’angoisse se rattachant habituellement aux organisations et structures de
personnalité. En suivant les conclusions de la seconde théorie des angoisses de Freud,
c’est la structuration psychique infantile qui détermine le destin de l’angoisse. Gardons
à l’esprit qu’un sujet ayant un psychisme souple peut présenter plusieurs types
d’angoisse sans que cela soit alertant, bien au contraire si les mécanismes de défense
mis en œuvre par la psyché permettent de les contenir.
43
L’angoisse de castration est l’angoisse typique des structures de personnalité
névrotiques, « elle sous-tend de bout en bout la dynamique névrotique du psychisme »
(Roussillon, 2007, p.168). Elle se met en place lors de la phase du complexe d’Oedipe,
au moment du renoncement des désirs incestueux chez l’enfant, sous le joug de la loi du
Père et ainsi du Surmoi. Elle est « une angoisse de faute, dirigée vers un futur anticipé
sur un mode érotisé » (Bergeret, 1996, p.147).
L’angoisse de séparation ou de perte d’objet caractérise les organisations limites de
personnalité. L’angoisse de dépression survient lorsque le sujet a la conviction qu’il va
perdre son objet anaclitique, l’angoisse de perte d’objet surgit alors. L’Etat-limite a un
attachement particulier à l’objet, il s’agit d’une relation de grande dépendance à l’autre.
Cette angoisse rappelle, comme le dit Greenson (1959) « un passé malheureux mais elle
témoigne cependant, en même temps, d’une espérance de sauvetage investie dans la
relation de dépendance féconde à l’autre » (Bergeret, 1996, p.147).
L’angoisse de morcellement ou d’anéantissement désigne l’angoisse qui caractérise
les structures de personnalité psychotique. Cette angoisse met en jeu l’intégrité et la
cohésion du sujet, les limites dedans-dehors, soi-non soi étant poreuses et mal établies
(Kapsambelis, 2008), on qualifie donc cette défense de primitive. L’image du corps
fragile et le Moi déjà morcelé peuvent voler en morceaux. Elle est « une angoisse
sinistre, de désespoir, de repli » (Bergeret, 1996, p.147).
c) L’angoisse et l’anxiété dans la NF1
L’angoisse se remplit d’une attente dont le sujet ne sait rien, ou alors pas grand
chose, mais il sait que si « ça » venait, ça serait terrible (Assoun, 2008).
L’incertitude du pronostic dans la NF1 semble bien illustrer ceci. Ne pas savoir,
attendre les prochains symptômes, les prochaines complications,... La non connaissance
du futur est évidente, et son anticipation fondamentale chez l’Homme.
Nous le comprenons bien dans ce contexte de la neurofibromatose de type 1, au
travers des trois aspects fondamentaux de l’angoisse développés par Pichot (1987): la
perception par le malade d’un danger imminent, une attitude d’attente devant ce
danger (complications, apparitions de nouveaux symptômes sévères), et un sentiment de
désorganisation, lié à la conscience d’une impuissance totale en face de ce danger
(absence de traitement, incertitude du pronostic).
Mauger (2001) rajoute que peuvent participer à cette angoisse, le regard d’autrui,
le traumatisme lié à l’annonce du diagnostic et la culpabilité liée au facteur de
44
transmissibilité, ainsi que les atteintes corporelles. « En raison du caractère
imprévisible de la maladie, le sujet est fréquemment soumis à une surcharge d’angoisse,
[...] la maladie est susceptible de contraster davantage les réactions d’angoisses
normales, et de les faire perdurer après le déclin de l’adolescence » (Mauger, 2000,
p.6).
Lors du retentissement positif de la maladie (Mauger, 2001), le sujet serait soumis à
une angoisse réelle, pouvant alors engendrer une problématique dépressive, et ainsi une
angoisse dépressive, de perte. Le retentissement mixte quant à lui, rappelant le
fonctionnement des états-limites, inviterait au réveil massif d’angoisse de séparation
et de perte, parfois à l’angoisse de morcellement. Lors du retentissement neutre de la
maladie, l’angoisse serait importante et « étouffée » par un « gel des affects »,
renvoyant à la rigidité des mécanismes de défense.
Le sujet porteur de la NF1 est confronté à un travail de deuil, auquel les épisodes
dépressifs peuvent participer. Le sentiment dépressif fait écho à la perte d’un objet
d’amour, « dans le cas de la NF1, l’objet d’amour dont il doit faire le deuil correspond
au désir de posséder un corps parfait » (Mauger, 2000, p.7). Nous parlerions alors de la
présence d’une angoisse dépressive, de perte.
Par ailleurs, les études de Samuelsson et Riccardi (1989) et Zöller et Rembeck
(1999) montrent qu’un des diagnostics fréquemment observés est le trouble anxieux
chez les patients touchés par la neurofibromatose de type 1 (in Belzeaux, Lançon, 2006).
Une étude plus ancienne de Eliason (1988) signale que l’anxiété dans la NF1 pourrait
être liée à la composante génétique de la maladie.
Une publication de Benjamin, Colley et al. (1993) rapporte que 48% des 81 sujets de
son étude font part de troubles anxieux durant l’adolescence, essentiellement causés par
l’atteinte esthétique.
D’autre part, la conférence internationale de 1988 sur la neurofibromatose rend
compte de l’importance de l’anxiété par rapport à l’imprévisibilité de la maladie, de la
peur d’une atteinte esthétique ou de l’apparition de complications sévères.
Nous pouvons dans le contexte de l’attente anxieuse, et par rapport à l’évolution de
la NF1, parler d’ « angoisse devant un danger réel ». Ce concept est source de
discussion, car quand Freud constate que « souvent, c’est la disproportion entre
l’intensité de l’angoisse relative à la réalité dangereuse d’un objet externe qui permet
de soupçonner la nature névrotique dans la réaction vis à vis de ce dernier »
45
(Jeanclaude, 2008, p.371), il est difficile de cerner ce qu’il signifie. On peut alors se
poser la question de ce qui distingue la peur de l’angoisse, devant un danger réel. Cet
auteur envisage le fait qu’un critère pour faire une distinction entre ces termes est celui
de la durée et de l’attente, critères typiques de l’angoisse. L’angoisse devant un danger
réel serait « une anticipation d’un événement futur auquel le sujet sera confronté,
l’angoisse par rapport à l’évolution de la maladie et de ses complications en
l’occurrence au cœur de notre propos, et qui peut présenter un danger réel » (p.371).
Une étude menée par Uhlenhuth et Paykel (1973) sur l’analyse des événements de
vie dans la genèse des trouble anxieux, a montré que les événements de type
« menace » ou « risque de perte » sont trois fois plus fréquents chez les sujets anxieux.
Menace de complications, voire de mort ; risque de perte de l’autonomie dans les cas les
plus graves, il serait alors probable que l’anxiété puisse être plus élevée chez les
personnes touchées par la NF1.
Nous parlons là de l’angoisse et de l’anxiété liées aux conséquences de la NF1, mais
gardons à l’esprit que la vie du sujet ne tourne pas exclusivement autour de la maladie.
En ce sens, des événements extérieurs traumatiques, des situations de vie difficiles
n’ayant rien à voir avec le vécu de l’affection, peuvent induire une surcharge dans la
gestion de l’angoisse déjà associée à la NF1.
5 / Les mécanismes de défense
a) Définition
Tentant de synthétiser les différentes conceptions théoriques concernant les
mécanismes de défense, Ionescu (2001) propose la définition suivante :
Les mécanismes de défense sont des processus psychiques inconscients visant à
réduire ou à annuler les effets désagréables des dangers réels ou imaginaires, en
remaniant les réalités internes et/ou externes et dont les manifestations –
comportements, idées ou affects – peuvent être inconscients ou conscients.
Le terme de « défense » est utilisé en psychanalyse dans une perspective dynamique
des processus psychiques. Ce concept apparaît en tout premier lieu en 1894, dans
l’étude sur Les psychonévroses de défense de S. Freud. Il désigne alors « la révolte du
moi contre des représentations et des affects pénibles ou insupportables ».
46
Au niveau économique, tout part du Moi qui dresse des défenses contre les
pulsions ; s’il ne le fait pas, la pulsion serait totalement satisfaite. Ainsi d’après A.
Freud, le Moi, par l’utilisation des mécanismes de défense, a deux cibles : les pulsions
du ça et les affects liés à ces pulsions. Pourquoi le moi se défend-il ? L’auteur (1949) a
identifié quatre motifs : la peur du surmoi, la peur réelle, la crainte que l’intensité
des pulsions ne devienne excessive et le besoin de synthèse du moi.
Elle distingue dans la théorie psychanalytique dix mécanismes de défense : le
refoulement, la régression, la formation réactionnelle, l’isolation, l’annulation
rétroactive, la projection, l’introjection, le retournement contre soi, la transformation en
contraire, et la sublimation. Elle évoque encore la négation par le fantasme,
l’idéalisation, l’identification à l’agresseur...
Mélanie Klein (1959) quant à elle, décrit des défenses très primaires comme le
clivage de l’objet, l’identification projective, le déni de la réalité psychique.
Le refoulement garde un statut particulier dans la théorie de Freud puisqu’il
semblerait plus radical, il pourrait maîtriser des pulsions face auxquelles les autres
procédés défensifs restent inopérants, mais il constituerait le plus dangereux des
mécanismes défensifs puisqu’il pourrait provoquer le morcellement du moi.
Les actions des mécanismes de défense sont très complexes ; leur intrication, leur
variété montrent à quel point ils peuvent utiliser des activités les plus diverses pour
contrer l’émergence pulsionnelle, mais également pour faire barrage à une montée
d’angoisse dans le psychisme (Laplanche, J., Pontalis, JB., 2004).
Leur présence chez un sujet est normale, à condition que leur utilisation et leur
intrication soient souples et diversifiées. Différents auteurs comme Vaillant (1993),
Bergeret (1996), ... postulent qu’ils constituent une réponse adaptative et que leur
présence n’est pas en elle-même une preuve de pathologie.
La pathologie demeure dans le fait du manque de souplesse où les défenses
prendront une place immobilisante pour la psyché, et/ou ne seront pas efficaces
(Bergeret, 2004), ou encore seront décalées par rapport au niveau développemental de
l’individu (Ionescu, 2001).
47
b) Les mécanismes de défense dans la NF1
La façon dont le psychisme des individus atteints intègre et réagit au fait d’être
malade déterminera l’efficacité des défenses mises en jeu contre les angoisses sousjacentes au diagnostic de NF1. La neurofibromatose de type 1 entraîne une attaque de
l’image du corps, du narcissisme, de l’identité (Mauger, 2000, Armand, 2008). Son
retentissement somatique et psychologique chez un sujet donné dépendra « de la
tolérance psychologique du sujet à contenir ses émotions et ses affects, c’est à dire de sa
résistance à supporter un traumatisme » (Mauger, 2000, p.5).
Les représentations liées à la maladie (Mauger, 2001) peuvent être signifiées sur un
plan symbolique, par exemple par l’évocation du personnage de Joseph Merrick alias
Elephant Man, ou au contraire des canons actuels de la beauté, inaccessibles et enviés.
Au contraire le psychisme peut recourir à un système défensif, entre autres
comportemental, comme un passage à l’acte d’exhibition des symptômes visibles de la
maladie lors des entretiens médicaux ou psychologiques.
Lors du retentissement neutre (Mauger, 2001), les mécanismes de défenses les plus
utilisés par les patients sont le gel des affects, la banalisation, le « blindage affectif »,
ou « carapace surmoïque » visant à contenir le stress et les angoisses liés au caractère
imprévisible de la maladie. On observerait également une pérennisation des défenses
caractérielles ou comportementales, et la présence du refoulement. Lors du
retentissement positif, par la mobilité des affects, met en place des mécanismes de
défense de type obsessionnel (rigidité), avec un souci de contrôle. Enfin, lors du
retentissement mixte, il y aurait coexistence chez le sujet de mécanismes de défense
psychotiques et névrotiques, comme le clivage du moi, l’identification projective
agressive, l’ambivalence concernant les soins proposés, l’isolation et le retrait
apathique. Une idéalisation de l’institution pourrait également être mise à l’œuvre.
Rappelons que le retentissement mixte de la maladie est une phase transitoire et
conduit le plus souvent le sujet au retentissement neutre ou positif. Il existerait une mise
en place de comportements figés (défenses), cette fonction consiste à « garrotter »
l’hémorragie narcissique, en souvenir d’une blessure narcissique initiale ou de blessures
accumulées (Mauger, 2001).
L’ambivalence est présente dans la plupart des cas, « elle s’exprime par la
coexistence simultanée de sentiments contradictoires (en général l’amour et la haine,
mais aussi l’euphorie et la colère), et peut s’avérer particulièrement manifeste chez le
48
sujet atteint par la NF1 » (Mauger, 2000, p.6). Une ou des parties du corps touchées,
comme avec l’apparition des neurofibromes, peuvent apparaître pour la personne
comme une partie détestée du corps avec laquelle il faut pourtant vivre. La lutte entre
ces sentiments contradictoires, l’ambivalence, peut se traduire par le « blindage
affectif » (Mauger, 2001).
Les mythes privés, croyances, évoqués précédemment constituent également un
mode défensif permettant aux sujets d’accepter transitoirement leur maladie, et
conférant à l’affection son caractère imaginaire en tant que « création » du sujet.
Résumé
Nous nous sommes penchés lors de ce dernier chapitre, sur la question des
remaniements psychiques chez les individus touchés par NF1.
Comme le suggère
Mauger (2001), nous ne parlons pas ici du retentissement psychologique de la maladie
sur le sujet, mais des réactions psychologiques naturellement induites par ces situations
par définition extraordinaires, c’est à dire de l’« activation » des processus
psychologiques sous-jacents.
L’annonce du diagnostic peut chez certaines personnes provoquer un ébranlement
identitaire, le sujet doit faire le deuil du corps idéal. La maladie est alors susceptible de
réactiver des failles narcissiques déjà présentes. Les auteurs notent l’importance du
regard maternel et de la mise en mots dans l’élaboration narcissique chez l’enfant,
également importants dans l’estime de soi. Celle-ci serait surtout déterminée par la
visibilité de la maladie et le sentiment d’impuissance face à elle, ce qui entraînerait le
surgissement d’angoisses, angoisse dépressive le plus fréquemment, devant cette
menace que représente l’imprévisibilité de la NF1. Le regard de l’autre, le traumatisme
et la culpabilité participeraient à ce processus. La mise en place de mécanismes de
défense de type rigide et inhibition, comme le refoulement, l’ambivalence, l’isolation, la
banalisation et le recours à l’imaginaire (mythes privés), entre autres, permettraient au
psychisme du sujet de faire face de façon plus ou moins efficace à la NF1 et à ses
conséquences.
49
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