Revue Prise en charge actuelle du syndrome de Klinefelter en
Transcription
Revue Prise en charge actuelle du syndrome de Klinefelter en
Revue Prise en charge actuelle du syndrome de Klinefelter en assistance médicale à la procréation Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Marianne Bergère, Marc Bailly, Martine Albert, Denise Molina-Gomes, François Vialard, Jacqueline Selva Service d’Histologie-Embryologie, Biologie de la Reproduction et Génétique, Centre hospitalier de Poissy-Saint Germain (CHIPS), 10, rue du Champ Gaillard, 78 303 Poissy cedex <[email protected]> La prise en charge, en assistance médicale à la procréation, des hommes porteurs d’un syndrome de Klinefelter s’est intensifiée et a évolué depuis 1997, à la suite de la première grossesse rapportée après micro-injection intracytoplasmique d’un spermatozoïde (ICSI) avec des spermatozoïdes recueillis chirurgicalement. Néanmoins, malgré les succès obtenus avec ces méthodes invasives, la prise en charge des patients Klinefelter nécessite un bilan initial approfondi, de l’homme puis du couple, et une information complète quant aux différents traitements possibles. Les limites de chacune des thérapeutiques doivent être exposées clairement au patient en même temps que les options alternatives proposées, insémination avec sperme de donneur (IAD) ou adoption, et les chances pronostiques de ces différentes options. Finalement, le choix entre ces options dépend de la décision individuelle et du couple à l’issue du bilan et des consultations médicales multidisciplinaires. Mots clés : Klinefelter, azoospermie, biopsie testiculaire L e syndrome de Klinefelter (47, XXY) est une anomalie fréquente qui touche 1 homme sur 700. Parmi les hommes azoospermes, sa fréquence est estimée à 11 %. Son diagnostic peut être posé à différentes périodes de la vie, le plus souvent à la puberté ou à l’âge adulte, les principaux signes d’appel étant la gynécomastie, le petit volume testiculaire et/ou l’azoospermie. Les conséquences de l’anomalie génétique sur la spermatogenèse et sur la fertilité sont variables d’un sujet à l’autre [1]. Tirés à part : M. Bergère 218 Les schémas de prise en charge ne sont pas univoques, et il importe de réaliser un bilan de l’anomalie chromosomique et de son retentissement avant tout traitement. Les possibilités thérapeutiques se sont trouvées modifiées depuis 1997 lorsque Bourne [2] a rapporté la première naissance suite à une micro-injection intracytoplasmique (ICSI) avec des spermatozoïdes testiculaires prélevés chirurgicalement par biopsie testiculaire (BT). Toutefois la littérature, si elle fait état des nombreux succès de cette stratégie, en montre aussi les limites : les grossesses obtenues avec ces techniques étaient au nombre de 1 en 1997, puis 14 étaient recensées en 2002 par Yamamoto [3] puis 40 en 2004 par Ianfranco [4], ce qui, compte tenu de la fréquence du syndrome de Klinefelter, laisse à penser qu’une grande majorité des patients se dirige vers les solutions alternatives que sont l’IAD et l’adoption (qui donnent lieu à moins de publications). Prise en charge Nous présenterons ici les différents schémas de prise en charge, en détaillant davantage celle qui est menée dans notre centre, pour un patient présentant conjointement une azoosper- mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 3, mai-juin 2006 mie et l’anomalie chromosomique homogène. L’un ou l’autre de ces éléments, ou tous les deux, peuvent être déjà connus du patient et motiver la consultation initiale. Les investigations décrites ci-dessous doivent être menées dans le cadre d’une étroite association entre les équipes d’AMP biologiques et cliniques, et de cytogénétique. Établir le diagnostic et faire le bilan Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Diagnostic spermiologique La première étape consiste à faire ou refaire le spermogramme du patient avec recherche extensive de spermatozoïdes, et sur plusieurs prélèvements. La présence de spermatozoïdes éjaculés correspond généralement à une constitution chromosomique de type Klinefelter en mosaïque dépistée dans l’examen des cellules sanguines. Une AMP adaptée à la numération spermatique (et aux éventuelles pathologies féminines) peut alors être proposée. Nous ne détaillons pas ici ce cas de figure. Le reste de notre exposé concerne les hommes Klinefelter homogènes azoospermes, dont la prise en charge en AMP est conditionnée par l’existence d’une équipe pluridisciplinaire expérimentée dans les différentes techniques d’AMP, en particulier la recherche des spermatozoïdes testiculaires ou encore l’autoconservation de spermatozoïdes en très faible nombre et leur micro-injection. Le diagnostic d’azoospermie n’est retenu qu’après l’observation minutieuse de deux, voire de trois prélèvements, à plusieurs semaines d’intervalle, observés à l’état frais et après centrifugation (20 minutes à 800 g). Après cette première étape, le patient est revu en consultation et le diagnostic d’azoospermie peut alors être annoncé. Examen clinique À ce stade, il convient essentiellement de faire comprendre au patient l’intérêt des questions et des examens supplémentaires qui permettront de préciser l’étiologie de l’azoospermie, son caractère très probablement définitif et d’envisager une thérapeutique ultérieure. L’examen clinique urologique des testicules, s’il n’avait pas encore été réalisé, doit être fait à ce stade et doit comporter une estimation du volume testiculaire. L’examen urologique doit être complété par des investigations échographiques testiculaires [5], notamment pour rechercher des microcalcifications et pour éliminer une éventuelle lésion cancéreuse associée. Les examens biologiques complémentaires Dans notre centre, l’azoospermie est le plus souvent le primum movens de la consultation et les examens biologiques prescrits visant à établir le diagnostic étiologique de l’azoospermie sont : le caryotype sanguin, les dosages hormonaux sériques et les dosages des différents marqueurs séminaux. du consentement éclairé par le patient. Le caryotype standard est établi après mise en culture d’un prélèvement de sang total, grâce à une analyse morphologique après dénaturation enzymatique de 12 métaphases [6]. La recherche de mosaïque chromosomique par hybridation in situ (FISH) Une fois établie la présence de cellules 47, XXY, un comptage en FISH (fluorescence in situ hybridization) [6] des noyaux lymphocytaires interphasiques avec marquage des chromosomes X et Y est systématiquement effectué pour vérifier l’homogénéité ou non de l’anomalie. Une centaine de noyaux interphasiques sont ainsi lus après hybridation avec des sondes des chromosomes sexuels. Certains centres proposent de caryotyper ou d’évaluer le contenu en chromosomes X d’une autre lignée cellulaire, en particulier grâce au test de Barr sur les cellules desquamant de la muqueuse jugale, mais ceci n’est plus de pratique courante. Bilan hormonal Les dosages hormonaux sériques demandés chez l’homme sont la FSH de base, l’inhibine B, la LH, la testostérone, l’œstradiol et l’hormone antimüllérienne (AMH). Dans notre expérience, la FSH est constamment élevée (entre 19,5 et 49,5 mUI/mL) et l’inhibine est constamment basse (< 15 pg/mL) ainsi que l’AMH (< 0,5 ng/mL). Ces dosages, qui ont une valeur pronostique quant à l’issue de la biopsie testiculaire (BT) pour les hommes atteints d’une azoospermie non obstructive non Klinefelter, n’en ont guère dans le cadre du syndrome de Klinefelter. Le dosage des androgènes n’est pas lui non plus prédictif de l’issue de la BT. Les valeurs de testostérone et de DHEA sont souvent diminuées, en moyenne de 50 % par rapport aux témoins chez les sujets porteurs d’un syndrome de Klinefelter (résultats personnels). Lorsque les valeurs obtenues sont très basses, et si le patient se plaint de signes fonctionnels pouvant être rattachés à ce défaut de sécrétion (fatigue, baisse de la libido), l’intérêt d’un traitement hormonal exogène ultérieur doit être évoqué. Les marqueurs séminaux Les dosages des différents marqueurs séminaux (Lcarnitine, phosphatases acides et fructose) sont le plus souvent dans la norme, indiquant l’absence d’occlusion ou d’une autre pathologie au niveau du tractus génital. Annonce du diagnostic À l’issue de ces examens, une nouvelle consultation s’impose, avec le patient tout d’abord, afin de lui donner le diagnostic de Klinefelter puis, si le patient le souhaite, avec le couple afin d’envisager les différentes possibilités, en matière d’AMP. Bilan féminin Le caryotype Le caryotype sanguin constitutionnel est fait au décours d’une entrevue avec un généticien et après signature Une biopsie testiculaire positive supposant le recours à l’ICSI, le bilan féminin effectué par le gynécologue s’im- mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 3, mai-juin 2006 219 Revue Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. pose d’emblée. Il conditionne la suite du traitement et inclut le bilan hormonal et sérologique habituel, le bilan utérin et, pour certaines équipes, le caryotype féminin. Décider la biopsie ou y renoncer Pour l’homme azoosperme, la biopsie testiculaire est proposée, avec prudence, en sachant que les chances de retrouver des spermatozoïdes sont évaluées entre 25 % et 50 % selon les auteurs [3] et que les éléments pronostiques habituellement utilisés dans les azoospermies sécrétoires (volume testiculaire, taux de FSH et d’inhibine) ne sont pas utilisables dans ce contexte [7]. Dans une publication récente de 2005, Vernaeve [8] rapporte que 35 % des hommes azoospermes (toutes étiologies confondues) éligibles pour une BT, n’y ont pas recours, principalement parce que la procédure est jugée trop lourde et les chances de réussite trop faibles. Dans notre série, limitée à 32 cas d’hommes 47,XXY, nous observons un pourcentage de renoncement un peu inférieur, de 22 % (25 hommes ayant opté pour la BT, cf. tableau 1). La décision de l’homme et du couple dépend sans doute de leurs convictions personnelles mais également de la présentation que l’équipe médicale fait de la suite du parcours. Il nous semble normal de ne pas minimiser les risques de biopsie testiculaire négative [9]. En cas de refus de l’homme d’avoir une intervention chirurgicale testiculaire ou de refus de la femme d’avoir une AMP lourde, les options sont l’IAD, l’adoption ou le renoncement. L’équipe d’AMP est amenée à revoir les couples qui s’orientent vers l’IAD, pour la réception des paillettes de donneur et pour la réalisation des inséminations intra-utérines. Cette situation n’est pas rare, sa fréquence étant estimée à 46 % des hommes Klinefelter ayant initialement consulté en AMP selon Okada [10]. En revanche, les couples qui se dirigent vers l’adoption ou qui renoncent sont généralement perdus de vue par l’équipe d’AMP. La biopsie testiculaire : synchrone ou différée ? Une fois décidée, la biopsie testiculaire peut être réalisée de manière synchrone à la ponction ovocytaire chez la conjointe ou différée, c’est-à-dire faite avant toute stimulation de l’ovulation, avec congélation des spermatoTableau 1. Prise en charge des patients Klinefelter : l’expérience du centre de Poissy Patients XXY vus en consultation Patients ayant opté pour une BT BT positives Couples avec ponctions d’ovocytes après BT Nombre de ponctions d’ovocytes Nombre d’ovocytes matures injectables Nombre de zygotes à 2 pronuclei à J1 Nombre d’embryons transférés Grossesses cliniques 220 32 25 7 7 11 82 27 20 4 zoïdes récupérés, l’ICSI étant alors planifiée dans un deuxième temps. À Poissy, nous avons retenu cette deuxième stratégie qui nous paraît plus pertinente, avec plusieurs avantages majeurs : d’une part, elle épargne au couple le stress de la double intervention, le même jour, pour l’homme et la femme ; d’autre part, elle évite de se trouver face à des biopsies testiculaires négatives alors que, chez la compagne, des ovocytes ont été ponctionnés avec, comme alternative, soit de les jeter d’emblée, soit de les congeler avec des méthodes de congélation imparfaites et pour un emploi ultérieur incertain. De plus, différer la ponction ovocytaire par rapport à la ponction testiculaire rend possible une évaluation personnalisée du risque chromosomique post-méiotique à partir d’un échantillon des cellules testiculaires prélevées. Ceci permet de préciser le conseil génétique donné au couple avant ICSI en l’adaptant à la situation individuelle. Enfin, la congélation des spermatozoïdes testiculaires, pratiquée dans des laboratoires entraînés aux ICSI avec du sperme testiculaire frais et avec du sperme testiculaire congelé, ne semble pas induire de baisse significative du taux de fécondation [11] et n’augmente guère la difficulté technique de l’ICSI. Compte tenu de la faiblesse des éléments pronostics initiaux et des pourcentages respectifs de biopsies positives et négatives, nous avons adopté cette stratégie en deux temps, ce qui n’est pas l’attitude adoptée par tous. Trouver et conserver les spermatozoïdes Technique de biopsie testiculaire et de recherche de spermatozoïdes Nous décrirons ici la technique de recherche de spermatozoïdes faite préalablement à toute stimulation ovarienne et ponction ovocytaire chez la femme. La biopsie testiculaire est multiloculaire, faite sous anesthésie locale ou générale. La biopsie doit répondre à une double contrainte : d’une part ne pas prélever trop de cellules à partir de ces testicules de petit volume, ce qui conduirait à aggraver ou à générer un déficit androgénique, d’autre part à prélever quand même suffisamment de cellules. En effet, en cas de biopsie positive, il faut qu’il y ait assez de spermatozoïdes pour effectuer plusieurs ICSI et, en cas de biopsie négative, la recherche de gamètes faite sur un échantillon tissulaire permet d’affirmer au patient que ce résultat négatif est un bon reflet de la fonction testiculaire dans son ensemble et qu’il n’y aura pas lieu de faire de nouvel essai de BT. Deux ou trois petits fragments sont prélevés dans chacun des testicules et envoyés au laboratoire d’AMP où ils font l’objet d’un examen extemporané. Chaque fragment est pesé et une première petite portion est placée dans le liquide de Bouin pour examen anatomo-pathologique. Cet examen semble important, même si la pulpe testiculaire qui lui est dédiée est perdue pour la recherche de spermatozoïdes. En effet, il a une valeur d’argumentation des biopsies négatives puisque nous n’avons pas eu de mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 3, mai-juin 2006 faux négatif dans ce sens : nous n’avons jamais retrouvé de spermatozoïdes sur les lames d’anatomopathologie alors qu’aucun spermatozoïde n’avait été congelé. Cependant, contrairement à Sousa [12], il n’y a pas dans notre série de coïncidence systématique puisque nous avons parfois congelé des spermatozoïdes à partir de prélèvements testiculaires où l’examen anatomo-pathologique n’en retrouvait pas (figures 1 et 2). L’examen anatomopathologique a aussi une valeur médico-légale. Le reste du fragment est dilacéré à l’aide de scalpels stériles et les cellules issues de la dilacération sont soigneusement examinées au microscope inversé à l’objectif Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. 0 µm 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Figure 1. Sertoli cell only syndrom (SCOS) et hyperplasie leydigienne. Coloration Giemsa à l’objectif 40 chez un sujet 47,XXY. 0 µm 10 20 30 40 50 60 70 80 90 Technique de congélation Les paillettes contiennent un faible volume (entre 40 et 70 microlitres) de la préparation à congeler (sperm freeze cellules testiculaires, volume à volume) [7]. Le programme de congélation utilisé est le même que pour les cryoconservations de sperme éjaculé : de 20 °C à –8 °C à la vitesse de 5 °C/minute, de –8 °C à –25 °C à la vitesse de 10 °C/minute, puis de –20°C jusqu’à –140 °C à la vitesse 25 °C/minute. Les paillettes arrivées en fin de programme à –140 °C sont ensuite sorties de l’automate PC 40 et plongées dans l’azote liquide. Compte tenu du fait que ces prélèvements, même quand ils sont positifs, sont habituellement pauvres en spermatozoïdes, il n’est pas fait de test de décongélation préalablement à la tentative d’ICSI. Notre expérience a conduit à persister dans cette attitude puisque l’ICSI a toujours été possible lorsque des spermatozoïdes mobiles avaient été congelés. 100 Spermatozoïdes 20 et 40 à la recherche de spermatozoïdes, mobiles ou immobiles. Quel que soit le résultat de l’observation initiale, les cellules en suspension provenant de la dilacération et le tissu résiduel sont séparées et placées à l’étuve à 32 °C sous 5 % de CO2. Un nouvel examen des échantillons est fait après 4 ou 5 heures d’incubation, conduisant à la congélation immédiate si la recherche de spermatozoïdes est positive ou à un temps d’incubation supplémentaire de 16 heures si elle est négative. Si des spermatozoïdes sont retrouvés, quel que soit le délai d’incubation, le surnageant les contenant est congelé, en plusieurs pailles (habituellement 2 à 4 pailles). Le nombre résulte d’une double contrainte : avoir suffisamment de spermatozoïdes dans une paille pour une tentative d’ICSI et pouvoir mener 4 tentatives d’ICSI successives sans avoir à réopérer le patient Que des spermatozoïdes soient retrouvés ou non, des frottis sur lame des cellules testiculaires sont réalisés à partir de la suspension obtenue après dilacération. Les lames sont ensuite hybridées avec des sondes des chromosomes X et Y et des sondes autosomiques dans le but de dépister une éventuelle mosaïque XXY/XY dans les cellules testiculaires et, lorsque des spermatozoïdes sont retrouvés, dans le but d’évaluer l’incidence des aneuploïdies post-méiotiques, en ce qui concerne les chromosomes sexuels avec également un autosome témoin pour différencier les cellules disomiques 24XY par exemple des cellules diploïdes 46,XY et pour apprécier le taux d’aneuploïdies autres que gonosomique. Spermatocyte au stade pachytène Figure 2. Tube séminifère avec spermatogenèse conservée (présence de spermatozoïdes intraluminaux) chez un sujet 47, XXY dont la majorité des tubes est de type SCOS (hémalun éosine à l’objectif 40). Rendu des résultats de la biopsie Quarante-huit heures après la biopsie, soit 24 heures après la fin de l’incubation, le patient est reçu conjointement par le chirurgien et le biologiste. L’issue de la recherche de spermatozoïdes dans la BT est communiquée. Si des spermatozoïdes ont été trouvés, ils sont considérés, a priori, comme injectables. Mais le patient, ou le couple, est à nouveau informé de l’intérêt de l’analyse préalable mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 3, mai-juin 2006 221 Revue Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. par FISH des spermatozoïdes fixés lors de la procédure et les incertitudes concernant le nombre et la vitalité des spermatozoïdes congelés sont évoquées. En cas de BT négative, les options restantes sont les mêmes qu’en cas de refus de la BT ou de l’AMP lourde, c’est-à-dire l’IAD, l’adoption ou le renoncement. Ce résultat de biopsie négative est évidemment une épreuve pour le couple et un accompagnement psychologique de l’homme est dorénavant proposé dans notre équipe. L’annonce du résultat si elle ne doit pas être brutale, ne doit pas non plus donner d’espoirs illusoires sur les possibilités d’une positivité de la BT si elle était renouvelée. Étude des cellules en cas de biopsie positive et rendu des résultats de FISH Les données de la littérature sont discordantes en ce qui concerne la constitution chromosomique des spermatocytes I rentrant en méiose. Certains auteurs [13] rapportent la présence de spermatocytes XXY alors que d’autres, dont nous-mêmes [14, 15], pensent que la progression en méiose des spermatocytes implique que ceux-ci soient XY. La présence de spermatozoïdes serait le témoin d’une mosaïque germinale 46,XY/47,XXY. Il y a par contre, pour les différents auteurs, un relatif consensus en ce qui concerne le taux d’aneuploïdies dans les cellules haploïdes. L’ensemble des publications rapporte une augmentation des anomalies chromosomiques chez les spermatozoïdes des sujets XXY, anomalies concernant les gonosomes et également les autosomes testés et résultant d’erreurs de la première ou de la deuxième division méiotique. Cet excès est très diversement chiffré entre 2 % et 43 % [16-18] pour les valeurs extrêmes, avec une majorité d’estimation entre 5 et 10 %. Nous trouvons 6,75 % d’anomalies (5/74 spermatozoïdes), avec trois chromosomes testés, sur les premiers patients à biopsie positive. Nous continuons ce travail mais nous nous servons de ce chiffre déjà établi dans les informations données initialement au couple. Le résultat de FISH spécifique établi sur les cellules post-méiotiques fixées est donné à chaque patient ayant eu une BT positive, quelques semaines après la biopsie. Jusqu’à présent, les taux augmentés d’aneuploïdies postméiotiques dans les cellules haploïdes analysées n’ont dissuadé aucun des couples à BT positive d’avoir une ICSI. Par contre, il est important pour envisager le suivi d’une éventuelle grossesse ultérieure et discuter un diagnostic préimplantatoire (DPI), un diagnostic anténatal ou un simple suivi grâce à des examens non invasifs (échographies fœtales et marqueurs sériques). Technique d’injection Chaque centre a des particularités en ce qui concerne son mode opératoire, ici celui de Poissy est décrit [15]. La stimulation ovarienne est faite par FSH recombinante après freinage par agoniste de la GNRH. Les ovocytes sont recueillis 36 heures après l’injection d’hCG, ils sont ensuite décoronisés et la présence ou l’absence du premier globule polaire est notée. Une paillette des cellules testiculaires contenant des spermatozoïdes issus de la dilacération est décongelée, (figure 3) la boîte d’injection est préparée en milieu hypoosmotique afin de juger de la vitalité des spermatozoïdes trouvés immobiles [19]. L’injection est ensuite faite avec des spermatozoïdes trouvés Spermatozoïde Cellule de Sertoli Figure 3. Surnageant de dilacération testiculaire. Avec des cellules de la lignée spermatique, hématies et cellules de Sertoli (au microscope inversé objectif x 20). 222 mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 3, mai-juin 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. mobiles ou vivants, selon la technique habituelle [15]. Après 15 à 18 heures d’incubation à l’étuve, les œufs sont observés et la présence des pronoyaux et des globules polaires est notée. Après 24 heures supplémentaires d’incubation, les embryons sont observés et classés selon les critères de Steer [20]. Nous avons obtenu des taux de fécondation de 33 % (27/82) dans notre série (tableau 1), ce qui est moins qu’en sperme éjaculé dans notre centre où les taux sont de l’ordre de 60 % et moins qu’en sperme testiculaire prélevés pour une azoospermie sécrétoire sans anomalie du caryotype, où le taux moyen de fécondation est de 51 % [7] Avant le transfert, le couple est informé en détail du déroulement de la tentative (nombre de paillettes de sperme décongelées, nombre de paillettes restantes) et le nombre d’embryons à transférer est discuté. Ce nombre tient compte du nombre d’embryons disponibles, de leur aspect, de l’âge et des antécédents de la femme, du souhait du couple compte tenu du risque génétique un peu augmenté, le transfert étant limité à deux embryons frais (en moyenne 1,8 embryons, tableau 1) afin de limiter le risque de grossesse multiple qui complique la gestion du diagnostic prénatal. Il est à noter que ce risque, jugé faible n’a conduit que de rares équipes [21] à proposer un DPI à ces couples. Quand ce n’est pas le cas, le couple est à nouveau informé, au moment du transfert, des différentes modalités du suivi anténatal (geste diagnostique invasif, suivis échographiques, ou échographiques et biologiques), de leurs avantages et de leurs limites respectives si une grossesse évolutive survient à la suite du transfert [22]. Dans notre centre, 4 grossesses ont été menées à terme et ont conduit à la naissance de 4 enfants à caryotypes normaux, pour trois couples différents. Un des couples a opté pour un diagnostic chromosomique anténatal par amniocentèse, les deux autres ont préféré avoir seulement un suivi échographique de la grossesse. Conclusion La prise en charge du sujet Klinefelter homogène a évolué lors des dix dernières années grâce à deux innovations : la biopsie testiculaire et l’ICSI avec les spermatozoïdes testiculaires trouvés dans la biopsie. Beaucoup d’incertitudes et de défis demeurent à ce jour. Trouver un marqueur pronostique fiable d’une spermatogenèse (même résiduelle) pourrait faciliter la décision de la biopsie. Bien que sujet à controverse, aucun des marqueurs habituellement utilisés pour évaluer le pronostic d’une biopsie (FSH, inhibine B, volume testiculaire) ne semble être bien corrélé, chez les sujets Klinefelter, avec l’issue de la biopsie (résultats personnels) ; et les patients doivent, à ce jour prendre leur décision (biopsie ou abstention) avec comme seule donnée chiffrée, la chance a priori de 30 % de trouver des spermatozoïdes utilisables dans la pulpe testiculaire prélevée. La constitution génétique des gonies productrices de spermatozoïdes demeure un sujet de controverse. Quoi qu’il en soit, les auteurs rapportent tous une proportion augmentée de spermatozoïdes aneusomiques, que ce soit pour les chromosomes sexuels ou pour les autosomes (conséquence de l’effet interchromosomique et de l’environnement testiculaire altéré) [23]. Ceci pose la question du diagnostic préimplantatoire ou prénatal chromosomique si une grossesse est obtenue à la suite d’un transfert d’embryon issu d’une ICSI effectuée avec des spermatozoïdes testiculaires de sujet XXY. Le conseil génétique doit tenir compte de deux faits : – les parents, eux-mêmes porteurs d’une anomalie chromosomique, peuvent réagir de manière nuancée lorsqu’on leur annonce que leur fœtus risque une anomalie similaire [24] ; – les risques encourus lors d’une telle grossesse concernent non seulement les chromosomes sexuels mais aussi les autosomes, pour les aneusomies dont les progrès de la médecine fœtale rendent le diagnostic possible par DPI et DPN, mais aussi par les moyens non invasifs (marqueurs sériques et échographie). Ces points ne font pas l’objet de consensus, et les options dépendent des législations des pays dans lesquels ont lieu la prise en charge et la grossesse, et de l’avis du couple. Perspectives Les difficultés du traitement des patients atteints de syndrome de Kinefelter sont multiples, essentiellement : – l’âge souvent tardif auquel le diagnostic est posé ; – l’hétérogénéité des manifestations cliniques et biologiques entraînées par cette constitution chromosomique ; – la multiplicité des médecins intervenant dans la prise en charge : endocrinologues, urologues, gynécologues, biologistes de la reproduction, généticiens, et qui sont parfois conduits à proposer des options thérapeutiques ou des conseils sans qu’il y ait eu de synthèse commune ni de décision concertée préalable. Les avancées thérapeutiques de la fin des années 1990 (biopsies testiculaires avec mise en évidence de spermatozoïdes testiculaires et injection intracytoplasmique de ceux-ci, conseil génétique à fournir aux femmes enceintes suite à cette procédure) rendent désormais indispensable la prise en charge multidisciplinaire ; et les avancées thérapeutiques qui se profilent depuis 2004 risquent de rendre encore plus nécessaires l’interaction et la cohésion des équipes médicales. En effet, le diagnostic précoce de syndrome de Klinefelter pourrait inciter à effectuer des investigations précoces en période péripubertaire (avec les précautions psychologiques qui s’imposent) soit par la recherche de spermatozoïdes éjaculés, suivie de cryoconservation [25], mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 3, mai-juin 2006 223 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Revue soit grâce à des biopsies testiculaires à cet âge selon les propositions de Kvist [26] et de Wiksrom [27]. Cette stratégie est développée afin de soustraire les spermatogonies encore présentes dans les tubes séminifères à ce stade à l’influence délétère de l’environnement testiculaire, qui après maturation sexuelle entraîne une fibrose quasi totale des tubes séminifères [28]. Les premiers essais concernant les étapes initiales (prélèvement, congélation et culture après décongélation) ont été couronnés des succès [29] ; la phase de différenciation in vitro des spermatogonies et l’obtention de spermatozoïdes en culture est encore à l’état de projet. Outre le bénéfice principal d’une telle stratégie, visant à améliorer les rendements médiocres de récupération des spermatozoïdes chez les hommes adultes lors des biopsies testiculaires, l’existence de fragments testiculaires congelés permettrait de s’affanchir de la réticence qu’ont de nombreux médecins vis-à-vis des traitements hormonaux à base d’androgènes, connus pour avoir une action délétère sur la spermatogenèse, mais indiqués pour améliorer différents signes fonctionnels. Références 1. Gonsalves J, Turek PJ, Schlegel PN, Hopps C, Fung Weier J, Reijo Pera RA. Recombination in men with Klinefelter syndrome. Reproduction 2005 ; 130 : 223-9. 2. Bourne H, Stern K, Clarke G, Pertile M, Speirs A, Baker HW. Delivery of normal twins following the intracytoplasmic injection of spermatozoa from a patient with 47,XXY Klinefelter’s syndrome. Hum Reprod 1997 ; 12 : 2447-50. 13. Foresta C, Galeazzi C, Bettella A, et al. Analysis of meiosis in intratesticular germ cells from subjects affected by classic Klinefelter’s syndrome. J Clin Endocrinol Metab 1999 ; 84 : 3807-10. 14. Blanco J, Egozcue J, Vidal F. Meiotic behaviour of the sex chromosomes in the three patients with sec chromosome anomalies (47,XXY mosaic, 46,XY/47, XXY and 47,XYY) assessed by fluorescence in-situ hybridization. Hum Reprod 2001 ; 16 : 887-92. 15. Bergère M, Wainer R, Nataf V, et al. Biopsied testis cells of four 47, XXY patients : fluorescence in-situ hybridization and ICSI results. Hum Reprod 2002 ; 17 : 32-7. 16. Siffroi J-P. Syndrome de Klinefelter et conseil génétique. Andrologie 2001 ; 11 : 9-14. 17. Hennebicq S, Pelletier R, Rousseaux S. Segregation of sex chromosomes in a Klinfelter syndrome patient (47, XXY). Hum Reprod sup 1999 ; 14 : 66. 18. Hennebicq S, Pelletier R, Bergues U, Rousseaux S. Risk of trisomy 21 in offspring of patients with Klinefelter’s syndrome. The Lancet 2001 ; 357 : 2104. 19. Ahmadi A, Soon-Chye N. The single sperm curling test, a modified hypo-osmotic swelling test as a potential technique for the selection of viable sperm for intracytoplasmic sperm injection. Fertil Steril 1997 ; 68 : 346-50. 20. Steer CV, Mills CL, Tan SL, et al. The cumulative embryo score : a predictive technique to select the optimal number of embryos to transfer in an in-vitro fertilization and embryo transfer programme. Hum Reprod 1992 ; 7 : 117-9. 21. Staessen C, Tournaye H, Van Assche E, et al. Preimplantation genetic diagnosis in 47,XXY Klinefelter patients. Hum Reprod Update 2003 ; 9 : 319-30. 3. Yamamoto Y, Sofikitis N, Mio Y, Loutradis D, Kaponis A, Miyagawa I. Morphometric and cytogenetic characteristics of testicular germ cells and Sertoli cell secretory function in men with non-mosaic Klinefelter’s syndrome. Hum Reprod 2002 ; 17 : 886-96. 22. Tachdjian G, Frydman N, Morichon-Delvallez N, et al. Reproductive genetic counselling in non-mosaic 47,XXY patients : implications for preimplantation or prenatal diagnosis : Case report and review. Hum Reprod 2003 ; 18 : 271-5. 4. Lanfranco F, Kamischke A, Zitzmann M, Nieschlag E. Klinefelter’s syndrome. The Lancet 2004 ; 364 : 273-83. 23. Mroz K, Hassold TJ, Hunt PA. Meiotic aneuploidy in the XXY mouse : evidence that a compromised testicular environment increases the incidence of meiotic errors. Hum Reprod 1999 ; 14 : 1151-6. 5. Ekerhovd E, Westlander G. Testicular sonography in men with Klinefelter syndrome shows irregular echogenicity and blood flow of high resistance. J Assist Reprod Genet 2002 ; 19 : 517-22. 6. ATC : Guide des techniques de cytogénétique. Lille : Morel et Corduant (eds). Revue ATC 2000 : 32-4 et 252-3. 7. Bailly M, Guthauser B, Bergere M, et al. Effects of low concentrations of inhibin B on the outcomes of testicular sperm extraction and intracytoplasmic sperm injection. Fertil Steril 2003 ; 79 : 905-8. 8. Vernaeve V, Festre V, Baetens P, Devroey P, Van Steirteghem A, Tournaye H. Reproductive decisions by couples undergoing artificial insemination with donor sperm for severe male infertility : implications for medical counselling. Int J Androl 2005 ; 28 : 22-6. 24. Ron-El R, Strassburger D, Gelman-Kohan S, Friedler S, Raziel A, Appelman Z. A 47,XXY fetus conceived after ICSI of spermatozoa from a patient with non-mosaic Klinefelter’s syndrome. Hum Reprod 2000 ; 15 : 1804-6. 25. Lin YM, Huang WJ, Lin JS, Kuo PL. Progressive depletion of germ cells in a man with nonmosaic Klinefelter’s syndrome : optimal time for sperm recovery. Urology 2004 ; 63 : 380-1. 26. Kvist K, Thorup J, Byskov A, et al. Cryopreservation of intact testicular tissue from boys with cryptorchidism. HumReprod 2006 ; 21 : 484-91. 9. Madgar I, Jehoshua D, Weissenberg R, Raviv G, Menashe Y, Levron J. Prognostic value of the clinical and laboratory evaluation in patients with nonmosaic Klinefelter syndrome who are receiving assisted reproductive therapy. Fertil Steril 2002 ; 77 : 1167-9. 27. Wikstrom AM. Klinefelter syndrome in adolescence : onset of puberty is associated with accelerated germ cell depletion. J Clin Endocrinol Metab 2004 ; 89 : 2263-70. 10. Okada H, Fujioka H, Tatsumi N, et al. Klinefelter’s syndrome in the male infertility clinic. Hum Reprod 1999 ; 14 : 946-52. 28. Aksglaede L, Wikstrom A, Meyts E, et al. Natural history of seminiferous tubule degeneration in Klinefelter syndrome. Human Reproduction Update 2006 ; 12 : 39-48. 11. Ulug U, Bener F, Karagenc L, Ciray N, Bahceci M. Outcomes in couples undergoing ICSI : comparison between fresh and frozenthawed surgically retrieved spermatozoa. Int J Androl 2005 ; 28 : 343-9. 224 12. Sousa M, Cremades N, Silva J, et al. Predictive value of testicular histology in secretory azoospermic subgroups and clinical outcome after micro-injection of fresh and frozen-thawed sperm and spermatids. Hum Reprod 2002 ; 17 : 1800-10. 29. Damani MN, Mittal R, Oates RD. Testicular tissue extraction in a young male with 47,XXY Klinefelter’s syndrome : potential strategy for preservation of fertility. Fertil Steril 2001 ; 76 : 1054-6. mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 3, mai-juin 2006