Justice et toxicomanie

Transcription

Justice et toxicomanie
Justice et
toxicomanie
Traitement et prise en charge
Colloque organisé par l’ASSOEDY
Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
mercredi 2 juin 2010
Précédents colloques organisés par l’ASSOEDY
______________
LA GARDE ALTERNÉE, 2006
LES VIOLENCES CONJUGALES, 2007 *
LA PAROLE DE L’ENFANT, 2008 *
MÉDIATION PÉNALE RÉPARATION 2009*
Rencontre franco-québécoise
Les actes (*) sont disponibles sur notre site www.assoedy.org

Fondée en 1973, l’ASSOEDY a son siège au Tribunal de Grande Instance de
Versailles

son Conseil d’Administration réunit magistrats, avocats, personnalités de la
société civile, médecins, psychologues et travailleurs sociaux

ses équipes pluridisciplinaires sont composées de salariés et de
professionnels libéraux

elle intervient à la demande des juridictions en Île-de-France, en Province et
si besoin à l’étranger

elle réalise ses missions sur saisine des magistrats, tant au pénal qu’au civil
 missions au Pénal :
contrôle judiciaire socio-éducatif
enquêtes de personnalité
enquêtes sociales rapides (permanence d’orientation pénale)
médiation pénale
stages de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants
 missions au civil :
enquêtes sociales
expertises psychologiques et médico-psychologiques
auditions d’enfants

chaque année, plus de 3.000 personnes sont concernées par ses activités
Justice et Toxicomanie
Traitement et prise en charge
Modérateur : Marie-Pierre COURTELLEMONT
Sommaire des actes
Ouverture de la journée
Chantal CHARRUAULT, Première Vice-Présidente du T.G.I. de Versailles
Marc DAUBRESSE, Président de l’AS.SO.E.D.Y.
page 7
page 13
Les dispositions légales
Michel DESPLAN, Procureur de la République de Versailles
Fabienne DELBAUFFE, Coordonnatrice du pôle « application de la loi » à la MILDT
page 17
page 25
Les consommations
Ivana OBRADOVIC, Chargée d’étude à l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies
page 29
Le traitement judiciaire
François-Xavier MASSON, Commissaire Divisionnaire Chef de la sureté départementale
Karine SABOURIN, Vice-procureur Chef de section stupéfiant
page 34
page 39
Le point de vue de l’avocat
Frédéric CHAMPAGNE, Avocat au barreau de Versailles
Ancien membre du Conseil de l’Ordre - Ancien Secrétaire de la Conférence
page 47
L’injonction thérapeutique pour qui et comment s’en servir ?
Jacques JUNGMAN, Psychiatre des hôpitaux, Psychanalyste,
Chef de service de l’inter secteur la Terrasse Maison Blanche
page 53
La consommation de cannabis incidences et poly consommation
Jean-Claude ROLLAND, Médecin en charge des injonctions thérapeutiques
page 59
Le classement avec orientation sanitaire et sociale (consommation de cannabis)
Lionel CHAZALY, Psychologue Clinicien de l’association OPPELIA
page 61
Les stages de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants
Sylvie PHILBERT, Directrice de l’AS.SO.E.D.Y.
page 63
Prise en charge et structure de soins Consultation Cannabis
Olivier LE PREVOST, Psychologue au CEDAT
page 71
Synthèse et conclusion
Denis L’HOUR, Directeur général citoyens et justice
page 73
Page 6
Chantal CHARRUAULT, Première Vice-présidente TGI de Versailles
Monsieur le Procureur,
Monsieur le Bâtonnier,
Mesdames, Messieurs, Chers collègues,
Je suis très heureuse, au nom de Monsieur le Président du Tribunal, de vous accueillir dans ce prétoire
du TGI de Versailles, pour ouvrir les travaux du colloque organisé par Monsieur DAUBRESSE, Président
de l'ASSOEDY.
Monsieur le Président de l'ASSOEDY c'est un double honneur pour moi, aujourd'hui,
- de représenter Monsieur le Président du Tribunal, qui a eu malheureusement un
empêchement dont il vous prie de l'excuser,
- et de vous faire part de la fierté de notre juridiction d'accueillir régulièrement, depuis
quelques années déjà, des colloques dont vous avez l'initiative, sur des sujets d'actualité toujours
passionnants, et en prise sur les réalités quotidiennes.
Ils permettent de réunir des spécialistes et praticiens aux activités complémentaires, et de décloisonner
nos réflexions et pratiques individuelles.
Le sujet proposé aujourd'hui est la toxicomanie
Sujet de société,
Sujet grave,
Sujet aussi d'une grande modernité.
En effet, le terme de « toxicomanie » ne s'est imposé qu'au début du 20ème siècle pour parler de la
dépendance aux substances psycho actives, et on chercherait en vain sa définition dans le Littré.
Etymologiquement, le terme de « toxicomanie », vient du grec « toxikon » (poison) et « mania » (folie),
et le dictionnaire des drogues et des dépendances le définit comme un usage répété et excessif d'une
ou plusieurs substances toxiques.
Cette racine grecque n'implique toutefois aucune prééminence de la Grèce antique dans ce domaine
même si Hippocrate prescrivait l'opium pour guérir de nombreuses maladies,
Et même si d'aucuns ont prétendu, ce qui est controversé, que l'oracle de Delphes et ses
prophétesses pourraient avoir été inspirées par l'émanation de gaz euphorisants ou autres substances
hallucinatoires...
Terminologie moderne donc, alors pourtant que les plantes aux pouvoirs toxiques ont été produites sur
tous les continents, que ce soit le pavot en Asie, la coca en Amérique ou le haschich en Afrique, et que
la drogue fut un recours constant dans l'histoire de l'humanité, comme « briseur de souci » ainsi que
l’aurait dit Goethe.
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Les drogues ont été utilisées de tout temps comme un ingrédient pharmaceutique, la fleur de pavot
ayant été utilisée par exemple pendant plus de 9 siècles en Chine pour ses vertus médicinales,
Elles ont aussi été utilisées pour accompagner des rites religieux, ainsi en est-il de la mescaline en
Bolivie,
Elles ont aussi été utilisées dans notre pays à titre récréatif par une élite artistique et mondaine,
notamment par Baudelaire dont nous connaissons tous les paradis artificiels, et Théophile Gauthier qui
avait créé le club des Hachichins, mais on pourrait citer aussi Eric Satie, Picasso et bien d'autres encore.
L'usage de ces drogues était alors considéré comme un passe temps distingué voire un peu canaille,
comme un catalyseur de l'inspiration artistique,
Les drogues ont aussi été utilisées à des fins moins ludiques, notamment pour améliorer les
performances des travailleurs, ainsi en était-il des espagnols qui se sont servis de la coca à cette fin ou
encore de l'empire britannique qui, au 19ème siècle importait l'opium d'Inde via la Chine, après en avoir
observé l'effet bénéfique pour le travail dans les mines...
Les drogues, et plus précisément le haschich, ont été utilisées à des fins guerrières. Ainsi, comme l'a
rapporté Marco Polo, les Ismaéliens avaient fondé la secte des Haschischins, une secte persane du
moyen âge dont les membres étaient mis en condition mentale et psychologique de tuer avec
préméditation par la consommation d'un breuvage à base de haschich, et le mot « assassin » serait
d'ailleurs une déformation de l'arabe « hachichiyinn » qui veut dire « enivré de hachisch ».
Ce glissement sémantique, est du reste repris par ceux qui n'adhèrent pas à la distinction entre
drogue dure et drogue douce (dont le hachisch serait le plus représentatif), arguant que cette
dénomination de « douce » est incompatible avec une substance qui a pu être utilisée comme vecteur
d'agressivité,
Ces brefs et forcément partiaux rappels historiques, qui révèlent que les drogues s'intégraient au sein
d'activités médicales, culturelles, rituelles, guerrières, démontrent que pendant plusieurs siècles
l'usage des drogues était structuré, encadré, limité à des activités ou une catégorie d'individus, et ne
constituait pas un problème de société.
Le concept de toxicomanie n'a fait son entrée dans notre langage, que lorsque « la » drogue a pris un
sens péjoratif, c'est à dire à partir du moment où cet usage s'est répandu, où il y a eu un phénomène
de massification considéré comme déstabilisateur pour la société, ce d'autant que c'étaient les usagers
les mieux intégrés qui y avaient recours.
C'est ainsi qu'en France, les pouvoirs publics ont dénoncé un « poison de l'esprit » qui affecterait en
priorité les classes supérieures et « utiles » de la Nation et qu'ils ont édifié entre 1908 et 1916 un
rempart législatif destiné à contrôler la circulation et la vente de ces produits relevant jusque là de la
simple législation sur la pharmacie.
La loi du 12 juillet 1916 en pleine guerre mondiale a été votée à la quasi unanimité alors que le
phénomène gardait encore une certaine marginalité, mais pour manifester la volonté de combattre
une substance qui apparaissait parée de pouvoirs de transgression plus sulfureux et délétères que
d'autres produits comme l'alcool qui était pourtant un fléau massif.
Cette démarche législative rejoignait en quelque sorte Baudelaire lorsqu'il écrivait que « jamais un
Etat raisonnable ne pourrait subsister avec l'usage du haschisch. Cela ne fait ni des guerriers ni des
citoyens... Le haschich appartient à la classe des joies solitaires. Il est inutile et dangereux »
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D'autres définitions de la toxicomanie ont été données, notamment par le docteur Olivenstein, selon
lequel il s'agirait de « la rencontre d'un individu, un contexte social et un produit ».
Il distinguait ceux qui peuvent avoir un usage récréatif des drogues et ceux qui, du fait de leur histoire
plongent dans la dépendance.
Il y a clairement dans la toxicomanie, une notion de contrainte et de souffrance, souvent définie
comme une escalade en trois phases, d'abord un usage puis un abus puis la dépendance.
C'est là le cœur du problème.
Cela rejoint la définition donnée par l'OMS selon laquelle la dépendance est à la fois physique et
psychique.
La dépendance serait physique en ce que l'organisme acquiert un besoin plus ou moins impérieux
d'absorber des produits nécessaires pour assurer son équilibre, et que l'absence de satisfaction de ce
besoin engendre des troubles physiques
La dépendance serait psychique en ce qu'il y aurait une pulsion psychique à absorber périodiquement
ou continuellement une substance pour en retirer un plaisir ou éloigner une sensation de malaise.
Cela étant, la difficulté de traiter la toxicomanie tient notamment au fait que ses causes,
analysées par les juristes, la police, les psychiatres, les psychologues, les philosophes, apparaissent
complexes et multiples.
Ainsi, et sans prétendre être exhaustive, ont été évoquées :
Le refus d'une société ou d'un type de vie global le reflet d'une volonté de transgression de l'ordre
social, la recherche d'un plaisir multiplicateur de sensations et de jouissance l'attente d'une révélation
de soi-même, de voir révéler des aptitudes jusque là inconnues, la recherche d'un autre ordre social
(comme les grands rassemblements hippies des années 1970), la recherche d'une spiritualité nouvelle
(même s'il n'apparait pas avec évidence que l'aspiration mystique soit conciliable avec la recherche
d'un plaisir souverain). A cet égard, le cardinal Joseph Ratzinger considérait qu'il s'agit de « la
perversion du besoin d'infini éprouvé par l'homme », « la tentative de déplacer les limites de
l'existence humaine jusque dans l'infini » « la drogue est le pseudo mysticisme d'un monde qui ne croit
pas mais qui ne peut se passer de l'aspiration de l'âme au paradis »
Le retrait éducatif des adultes selon le psychanalyste Tony Anatrella, selon lequel l'absence de
références éducatives et morales laisse croire que chacun se fait tout seul, génère l'absence de
processus d'identification et désocialise l’individu.
La drogue traduirait ainsi la recherche continuelle de points de repère.
Selon lui, la diffusion par les medias des opinions telles que celles écrites par Jean Paul Sartre
dans « Les Mots » où les enfants sont définis « comme des monstres que les adultes fabriquent avec
leurs regrets », peuvent provoquer une démoralisation pathogène
Devant cette kyrielle d'analyses de la toxicomanie, l'on perçoit que les remèdes législatifs sont certes
fondamentaux mais insuffisants à eux seuls pour contenir ce phénomène, ce d'autant que la lutte est
difficile avec la multiplication de l'offre qui ne cesse de croitre, notamment grâce ou à cause des
progrès scientifiques de la chimie.
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Ainsi, si l'on retrace les dates d'apparition des différentes substances, on constate les
évolutions suivantes :
la morphine en 1803
la cocaïne en 1853
l'héroïne en 1899
les amphétamines en 1930
le LSD en 1938
l'ecstasy en 1980
sans compter l'éther, le chloroforme, la colle , le crack etc.
Face à cette offre importante, combinée dans les années 1960 avec l'éclosion de la culture adolescente,
la consommation problématique de drogue a explosé dans les pays occidentaux et n'a plus été perçue
seulement comme un fléau social mais aussi comme un enjeu de santé publique.
C'est ainsi que la loi du 31 décembre 1970 a été une loi qui reflète des aspects répressifs et sanitaires
et qui a pour la première fois réprimé l'usage simple de stupéfiants.
Dans les années 1990, face aux risques d'infection HIV, et les taux de décès des consommateurs, un
système de réduction des risques sanitaires a été mis en place avec la distribution de seringues et de
produits de substitution aux opiacés comme la méthadone ou le subutex.
L'usage est d'ailleurs toujours réprimé dans nos lois les plus récentes (5 mars 2007), en favorisant des
dispositifs coercitifs à l'égard des usagers, par exemple les stages de sensibilisation à l'usage des
stupéfiants. Ces lois traduisent la volonté, comme disent certains auteurs, d'exalter les valeurs de
l'interdit par une politique volontariste et extensive de mise en œuvre d'une réponse judiciaire.
Cette recherche d'un traitement adapté à l'éradication de la toxicomanie est un véritable challenge
quand on regarde l'ampleur du phénomène révélé par les statistiques.
Ainsi, les dernières données du ministère de l'Intérieur, en 2009, évoquent :
Pour le cannabis : 3,9 millions de consommateurs dont 1,2 millions seraient des consommateurs
réguliers.
C'est le climat idéologique autour de ce produit et le débat autour de la dépénalisation depuis de
nombreuses années qui, selon ce ministère, n'auraient pas aidé à clarifier et éclairer le public
La cocaïne (et dérivés comme le crack) : 150 000 consommateurs sont comptabilisés à des degrés
divers, l'Europe apparaissant comme le réceptacle d'une saturation du marché américain.
L’ecstasy : nouvelle drogue de synthèse venue des Pays Bas, utilisée le plus fréquemment à l'occasion
de soirées rave dans des milieux festifs : 2,9 °/ des jeunes de 17 ans l'auraient expérimentée.
L’héroïne : la consommation apparaît stabilisée voire en baisse mais l’expérimentation demeure chez
les plus jeunes : 360.000 personnes en 2005
Émergence de la poly toxicomanie avec les mélanges d'alcool et, autres produits entre eux
Ce nombre important de consommateurs montrerait, selon le sociologue J.M. DOMENACH la fragilité
de l'action publique engagée par l'Etat si les autorités intellectuelles et morales (enseignants, prêtres,
parents, intellectuels...) ne s'y associent pas
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Il faut, dit-il, transmettre l'énergie de croire en une vérité car avec une trop grande tolérance on
pourrait croire que tous les comportements se valent.
Il faut éviter de laisser penser que puisque tant de gens se droguent, il s'agirait d'un comportement
normal. La masse ne saurait faire argument.
En conclusion, comme le dit un philosophe grec « l'épaisseur d'une muraille compte moins que la
volonté de la franchir »
Ce colloque aujourd'hui est l'un de ces coups de pioche indispensable et sans doute insuffisant, mais
il manifeste par la diversité des intervenants, magistrats, avocats, psychiatres, psychologues,
associations, un pas fondamental vers la synergie des actions, seule de nature à pouvoir appréhender
un phénomène
Qui n'est pas seulement physique
Qui n'est pas seulement psychologique
Qui n'est pas seulement sociologique
Qui n'est pas seulement transgressif
Alors je remercie tous ceux qui aujourd'hui ont bien voulu venir consacrer une partie de leur temps
pour nous faire bénéficier et partager leurs compétences, leurs actions et leurs idées.
Puisse l'alliance des robes noires et des blouses blanches, être un gage de réussite, de nos travaux de
ce jour, mais surtout de la lutte contre la toxicomanie.
Je donne maintenant la parole à monsieur Le Président de l'ASSOEDY.
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Marc DAUBRESSE, Président de l’ASSOEDY
Madame le Président,
Merci d’avoir accepté d’ouvrir ce colloque organisé par notre Association – l’ASSOEDY. Vous en avez
introduit le thème à la fois dans sa dimension historique mais aussi dans celle des temps modernes
dont les avancées scientifiques et leur inscription dans le droit, en régulent et en organisent les usages,
... organisation de l’exercice des libertés sans laquelle, au quotidien, notre devise nationale reste un
idéal désincarné - comme le rappelait avec la force de son talent oratoire, Henri LACORDAIRE, Père
dominicain et Membre de l’Assemblée constituante de 1848, proclamant :
« Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre ... c’est la liberté qui opprime et la loi qui
affranchit ».
Monsieur le Procureur de la République,
Mesdames, Messieurs les magistrats et représentants du Barreau,
Mesdames les Représentantes de la MILDT
Mesdames, Messieurs et Chers Amis,
Votre fidélité et votre participation, à ce rendez-vous annuel, attestent l’utilité de prendre, ensemble une fois par an - distance du quotidien et temps de réflexion comme, garant de l’efficacité de notre
action et avec recul, éclairer le devenir de nos missions.
Et cela explique que l’ASSOEDY, ses administrateurs, sa Directrice et ses équipes s’investissent avec
conviction dans la préparation de ces colloques, mais aussi le temps et l’investissement très
conséquents, que les onze intervenants de cette journée – auront consacrés pour leurs contributions à
nos travaux.
Pourquoi ce le thème - JUSTICE ET TOXICOMANIE ?
En premier lieu, parce que depuis 2009 - en liaison avec le Parquet de Versailles - l’ASSOEDY est
l’organisateur des stages de sensibilisation aux dangers de l’usage des produits stupéfiants
En second lieu, parce qu’acteur dans le domaine socio-éducatif et ne pouvant bien évidement pas nous
abstraire d’une actualité dont - même si la noyade des faits divers en « voile » les enjeux - nous
percevons clairement en ce début du XXIème siècle, que notre pays,
-
n’est plus dans ce monde révolu où la « divine folie » emportait le poète et le philosophe audelà des limites de sa condition humaine pour aller tutoyer le « génie des Dieux »,
-
mais bien, désormais, confronté durement à une économie souterraine de trafics mondiaux,
hautement lucratifs, qui dans une spirale « infernale » exploitent les ressorts de la faiblesse
humaine.
Pour ma part, en qualité de Président de l’ASSOEDY, je ne vous vous cacherai pas mon embarras pour
en introduire le thème n’étant pas sur le sujet, « compétent » dans le domaine du droit pénal, ni
« pratiquant » en ces matières ... toutes méconnaissances qui sans pitié exposent aux affres de la
page blanche.
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Et comme souvent, c’est de cette formation - fort mal à propos qualifiée « secondaire » - où grec et
latin étaient encore disciplines familières et combien « fondatrices », que viennent l’inspiration et le
salut de l’orateur.
Mais avant de vous convier à ce retour aux sources, un constat rassurant mêlé d’inquiétudes.
Car, si nous pouvons en effet, Madame le Président, Monsieur le Procureur, constater et apprécier la
qualité des liens entre votre Juridiction et l’ASSOEDY où s’assemblent tout à la fois :

soutien et confiance, nonobstant les contraintes d’un manque endémique de moyens. En
atteste la tarification que j’évoquais ici même il y a un an - qui en dépit de quatre mois de
travail avec la Chancellerie, est toujours en attente de décision,

initiative et réactivité, pour diversifier une « réponse judiciaire » pragmatique, utile à la
personne - coupable ou victime –
... il nous faut tout autant reconnaître que les questions qui nous sont posées et qui appellent cette
« meilleure réponse judiciaire », relèvent d’enjeux qui - chaque jour un peu plus - nous interpellent au
delà du domaine juridique et de plus dans un environnement qui inquiète ;
... malmenés que nous sommes par un système financier déstabilisé, livré au modèle dévoyé d’un
« laisser faire de casino » .... Dérive illustrée jusqu’à la caricature par ces algorithmes du « trading
de haute fréquence » qui début mai à New-York ont volatilisé en 10 minutes, près d’un millier de
milliards de dollars !
... bousculés sans répit par ces débats en France et sur l’Europe, qui colportent tout à la fois confusion des valeurs - perte des repères sociaux - abandon des solidarités, tous débats où pour
garder raison et vider de pernicieuses querelles, il serait sage de nous rappeler que :
-
dès 1830, LACORDAIRE appelait à une stricte séparation de l’Église et de l’État, affirmant :
« De même qu'il ne peut y avoir rien de religieux dans la politique, il ne doit y avoir rien de
politique dans la religion »,
-
Robert SCHUMAN, dans son discours dit de l’horloge de 1950, annonçait sans détour :
« L’Europe ne se fera pas d’un coup ... Elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord
une solidarité de fait », ... Solidarité que la Grèce, vient certes de mettre à rude et coûteuse
épreuve, par les ruses d’un moderne « cheval passe muraille de l’Euro », mais solidarité qu’il
nous faut préserver, au nom de cet immense héritage que nous lui devons, en politique, en
philosophie et dans le domaine de la pensée scientifique.
« Héritage » qui nous ramène par les racines ... au sujet de notre colloque
Car c’est bien, comme vous le rappeliez Madame, du grec ancien la flèche, puis de
poison pour flèche, assemblé avecla folie, que vient TOXICOMANIE. Cette approche
étymologique atteste que dès l’antiquité, dans les mains expertes des le maniement
des poisons et autres substances était couramment pratiqués :

soit dans la claire intention de nuire à la santé, de se tuer soit même ou plus souvent, ses
semblables,
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
soit pour adoucir les douleurs ou procurer un bonheur passager ... et comment ne pas
évoquer ici - la boisson provoquant l’oubli ( citée par HOMERE, à base très probable
d’opiacée- le chanvre  déjà mentionné par HERODOTE, matériau de prédilection
pour le tissage des voiles et cordages mais aussi aux autres propriétés, thérapeutiques ou
hallucinatoires dont PLATON écrivait joliment :
« Que celui qui vient à la porte des muses sans divine folie ... ne rencontre aucun succès. La
poésie de l’homme sain se perd dans le néant, avant celle des fous inspirés ».
Usage avéré, mais cependant non dissociable d’une dimension « sacrée » dans ce monde du Kosmos
Hellénique – monde en ordre à l’opposé du Chaos, où l’Homme s’il « cohabite», avec les Dieux, ne peut
franchir ses limites, l’hybris - crime du dépassement, de désirer ou de prendre plus que la mesure que
lui alloue son destin humain, sauf à encourir le châtiment des Dieux, la némésis - destruction, mais
surtout « rétractation vengeresse », contrepoint du dépassement.
Et sur cette « limite », ce crime de dépassement, c’est pour l’époque moderne aux travaux du
Professeur Claude BERNARD, notamment sur la strychnine, le curare, la nicotine et l’éther, que l’on
devra dans les années 1830 la démonstration scientifique qu’entre le poison et le médicament, la
différence pour une même substance ne porte finalement que sur une question de dose
... achevant le basculement du domaine sacré dans celui du profane de la ligne de partage entre le
licite et l’illicite par la voie désormais légale.
Au tournant des XIXème et XXème siècles, la convention internationale de 1909 de Shanghai, puis
celles de 1961, 1971 et 1988, régulent la production, le commerce et la consommation des produits
« stupéfiants » et ainsi l’émergence des marchés :
-
du médicament avec les laboratoires pharmaceutiques, son industrie, les professionnels de santé
et les patients,
-
des stupéfiants avec les trafiquants et consommateurs, face au dispositif de lutte et de répression,
Douane, Police, Justice.
Approche duale sur laquelle se cale le programme de notre journée avec :
 ce matin, les ateliers à caractère plutôt judicaire,
 cette après midi, ceux tournés vers le soin et la prise en charge,
 et en toile de fond, toute la complexité, d’éclairer une démarcation, utile et réaliste, alors
même que l’histoire nous en apprend toutes les mouvances, selon les pays, les tolérances ou
interdits culturels et sociaux.
Avant de conclure ici, je voudrais remercier,
Madame COURTELLEMONT, reporter à FR3 qui a accepté d’être le modérateur de cette longue journée
de travail,
Monsieur L’HOUR de la fédération Citoyen et Justice qui a accepté d’en assurer en clôture la synthèse
Et saluer
Véronique CHERON, aujourd’hui parmi nous, qui m’a précédé à la présidence de l’ASSOEDY et en porta
la « charge » le temps d’une génération.
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Monsieur Michel DESPLAN, Procureur de la République
Merci Monsieur le Président,
Madame le 1er Vice-président,
Mesdames les représentantes des missions ministérielles de lutte contre la drogue et la toxicomanie,
Monsieur le Bâtonnier,
Mesdames et Messieurs,
Vous m’avez demandé Monsieur le Président d’intervenir sur la politique pénale du Parquet de
Versailles, je vais donc répondre à votre invitation. Je vais faire, au préalable, si vous le permettez un
constat sur la drogue dans les Yvelines, à partir des éléments du Parquet réceptionné au fil de l’année.
Vous avez indiqué Madame le Premier Vice président combien le sujet choisi par l’ASSOEDY, dont nous
avions parlé avec la Directrice Madame PHILBERT, il y a plusieurs mois est d’actualité.
J’ouvre le journal et je lis la page concernant les Yvelines, Rambouillet, Senlis, « le dealer vendait rivé au
milieu de la forêt ». Vendredi soir dans la ville royale, un suspect, bûcheron âgé de 27 ans, dénonce un
forestier de Senlis, qui vit dans une maison isolée et lui fournissait la drogue ainsi qu’à des camarades.
Samedi après midi, au cours d’un contrôle routier, la police surprend 3 adolescents, 15, 16 et 17 ans. Ils
avaient aménagé une cache où 70 cocottes d’héroïne ont été saisies, une balance de précision, des
ciseaux, des sachets, tout le matériel pour trafiquer.
A Guyancourt, une nouvelle interpellation : âgés d’une vingtaine d’année, trois hommes ont été
interpelés par la sureté départementale dont M. MASSON, commissaire divisionnaire a la
responsabilité, et là encore des jeunes, cinq suspects de 16 à 25 ans, 1,3 kg de résine de cannabis saisi
et une forte somme en liquide de 4000,00 euros.
Il s’agit là, d’un sujet d’actualité, pour les services de police, de gendarmerie, bien évidemment pour le
Parquet -Mme Sabourin Vice-Procureur qui dirige la section des stupéfiants et de la criminalité
organisée du Parquet de Versailles- et tous les magistrats qui concourent à la matière correctionnelle.
C’est un fléau, qui touche tous les milieux sociaux. II n’y a pas un milieu particulièrement visé. Je vous
assure également que nous avons des affaires de trafic de stupéfiants dans certains beaux quartiers des
Yvelines, dans les belles villes de l’ouest parisien.
Ces affaires touchent quasiment toutes les tranches d’âges. On va exclure les moins de 10-12 ans et
ceux qui arrivent à des âges que l’on qualifie désormais de seniors, mais entre 12, 13, 14 ans, jusqu’à
des âges parfois mûrs nous avons des personnes qui concourent au trafic de drogue ou qui en sont
usagers.
Et si je vous ai lu ces quelques documents de presse, c’est pour vous montrer que dans le sud du
département, qu’on pouvait imaginer beaucoup plus paisible, il y a également de la consommation de
drogue, de produits stupéfiants de toute nature dans les petites communes, dans les petits villages
avec parfois des trafics qui se montent soit de la campagne vers la ville, soit de la ville vers la
campagne.
Cet usage, voire même le trafic, nous le connaissons dans tous les secteurs géographiques du
département des Yvelines, dans des cités sensibles du département, dans les beaux quartiers mais
également et de plus en plus dans les provinces reculées, dans les campagnes.
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C’est un fléau, parce que nous avons chaque année une dizaine d’overdose dans le département des
Yvelines et qui là aussi sont significatives dans la diffusion dramatique de ce poison.
Je me souviens d’une affaire d’overdose qui a touché le dirigeant d’une petite PME, un homme marié,
père de famille, artisan mais qui avait deux ou trois salariés, parfaitement intégré dans la vie sociale. Il
ne présentait pas de signe particulier. Son épouse ignorait totalement qu’il s’adonnait à l’héroïne, il a
été victime d’une overdose.
Cette affaire m’avait marqué parce qu’elle démontre que malheureusement ce fléau se propage à
toute une partie de la société, pas uniquement des personnes qui sont en dérive, mais parfois des
personnes qui sont insérées qui n’imaginent pas les conséquences dramatiques que cela peut avoir.
Ce fléau existe également dans le cas d’accident mortel de circulation. Il en existe avec, à la base de la
conduite sous l’empire des produits stupéfiants, et dès lors qu’il y a un accident mortel de circulation,
le contrôle d’alcoolémie mais également de l’usage des stupéfiants est obligatoire.
Fléau également par les règlements de compte, qui se produisent parfois dans nos villes, parfois en
plein cœur de la journée.
Je me souviens d’une affaire qui s’est déroulée dans une cité, un 15 août, en plein milieu de la journée,
la police judiciaire a été saisie de ce règlement de compte.
Ces règlements de compte interviennent dans les secteurs des trafiquants mais parfois aussi ils vont
toucher des milieux plus ou moins larges. Dans des petits trafics entre jeunes, lorsqu’il y a une dette, on
ne se fait pas de cadeaux, on est prêt à tout. Nous avons eu récemment à Versailles, une affaire de cet
ordre.
Fléau parce que, vous l’avez rappelé Monsieur le Président, ce trafic de drogue génère une économie
sous-terraine considérable dans les quartiers sensibles du département mais également ailleurs,
économie sous-terraine dans laquelle sont impliqués également bon nombre de mineurs, qui vont être
sollicités, qui vont parfois céder parce que cela procure énormément d’argent.
Récemment en Seine Saint Denis, un million d’euros quasiment ont été saisis en petite coupure par les
services de police à l’occasion d’une perquisition.
Je suis convaincu qu’il y a un lien direct entre certaines violences urbaines et ces trafics d’économie
souterraine au titre de la drogue.
Lorsque les services de police réussissent, comme la gendarmerie, certaines opérations dans les cités,
on sait qu’à la suite, il risque d’y avoir des soubresauts, c’est à dire des actes de violence urbaine. Voilà
ce que je voulais vous dire en introduction. On va en venir au constat. Vous avez cité des chiffres
Madame le 1er Vice-président, j’en ai trouvé d’autres sur la consommation.
Ils sont tout de même révélateurs. En 1991, dans la tranche d’âge 18-44 ans, 18% des personnes
interrogées reconnaissaient avoir fait usage du cannabis au moins une fois dans l’année. On est passé
en 2005 à plus de 40%. Sur l’héroïne les chiffres sont stables sur cette même tranche d’âge, on est
environ à 1%.
La consommation et le trafic de cocaïne, comme chacun sait, sont en très fort développement et cela
se retrouve dans les usages puisque toujours sur cette tranche d’âge 18-44 ans, moins de 2% des
personnes interrogées en 1992 indiquaient consommer une fois dans l’année. On retrouve maintenant
plus de 4%. On retrouve cela dans les saisies de drogues, bien sûr que cela résulte de la qualité des
services de police, de gendarmerie, et de la douane, de leur réactivité. Cependant cela correspond
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également à une augmentation du trafic. 75 tonnes de cannabis qui ont été saisies en 2008, 108 tonnes
en 2004, l’héroïne reste stable environ une tonne, mais la cocaïne s’est considérablement développée
puisqu’en 2008 il y a 8 tonnes de saisies sur l’ensemble bien évidemment de la France, métropolitaine
et l’outre mer. Voilà les chiffres qui sont révélateurs de ce fléau qui justifie amplement M. le Président
la tenue de ce colloque qui va peut être permettre de trouver d’autres solutions que celles déjà
existantes.
Dans les Yvelines nous recevons au Parquet de Versailles, à peu près chaque année -le chiffre est en
très légère augmentation en 2009- 4500 affaires liées à l’usage, la détention, le trafic des stupéfiants.
4500 procédures, ça ne veut pas dire 4500 personnes impliquées. II y a des procédures, en effet qui
concernent une personne, mais vous avez des affaires qui peuvent impliquer quatre ou cinq voire plus
de dix personnes. Le Parquet a donc enregistré 4500 affaires au titre des affaires de stupéfiants, usage
et détention. Pour donner un ordre d’idées, nous recevons au total dans l’année 32.000 affaires
poursuivables, où il y a eu infraction caractérisée, un auteur identifié. Une affaire sur huit, avec une
infraction caractérisée, correspond à une affaire de stupéfiants. Pour donner des comparaisons, on a
enregistré en 2009, 6000 cambriolages et 3700 vols de véhicules.
Fort heureusement, sur les 4500 affaires procédures enregistrées au titre des stupéfiants, l’immense
majorité de ces affaires concerne l’usage des stupéfiants. En ce qui concerne les véritables trafics, la
détention en vue de la revente, nous avons 350 procédures, le reste étant des procédures
intermédiaires à l’usage des trafiquants, 3500 affaires d’usage et de détention, soit dix fois moins
d’affaires de trafic de stupéfiants.
Encore faut-il préciser que ces chiffres sont ceux qui ressortent grâce à l’initiative des services de police
ou de gendarmerie. II est évident que personne ne vient à un commissariat pour dire « je me plains
parce que je trafique de la drogue, ou qu’elle est de mauvaise qualité, qu’elle est coupée plus que je ne
l’imaginais ».
A l’inverse des cambriolages (chiffre donné : 6000), parfois les chiffres sont un peu à la hausse par
rapport à la réalité, avec des fausses procédures pour escroquer les gens.
Concernant les affaires de stupéfiants, l’usage et le trafic, nous avons un chiffre noir qui est
relativement important pour les Yvelines.
Dès qu’il y a interpellation d’une personne à l’occasion d’un contrôle d’identité, ou d’une autre
personne en détention de produits de stupéfiants, même s’il ne s’agit de hachisch, il y a une procédure
plus ou moins simplifiée, selon l’importance de la saisie, et surtout des investigations, parce que l’on
peut partir d’une petite saisie, et aller vers une affaire impliquant un grand nombre de personnes.
3500 affaires d’usage, et détention de stupéfiants 350 affaires de trafic de stupéfiants à signaler
également la conduite sous l’emprise de produits stupéfiants qui depuis maintenant 2003 est réprimée.
150 affaires, de conduite sous l’empire des stupéfiants ont été enregistrées en 2009.
Alors ces chiffres peuvent paraître extrêmement faibles, comparés aux 2500 affaires de conduite sous
l’empire d’un état alcoolique. II faut savoir que ce chiffre est extrêmement important. Tout d’abord la
conduite en état alcoolique se vérifie, et se contrôle ab initio, les services de police et de gendarmerie
peuvent contrôler à tout moment une personne même sans signe apparent sur l’alcoolémie. La loi est
différente en matière de stupéfiants. En effet, il faut que le policier, le gendarme ait des soupçons de
conduite sous l’empire des produits stupéfiants. Alors ça peut résulter de l’intervention d’un chien
anti-drogue, des constatations des policiers. A l’inverse de l’alcoolémie où l’usage de l’éthylomètre est
rapide, les tests sont relativement compliqués à mettre en œuvre, il faut pratiquement un quart
d’heure.
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On est obligé de retenir un quart d’heure l’automobiliste. Si jamais le test s’avère positif, il faut aller à
l’hôpital le plus proche pour faire une prise de sang. Car la procédure ne pourra s’engager qu’après
expertise sanguine, alors qu’en matière d’alcoolémie, ça se fait sur l’éthylomètre en quelques instants.
Vous voyez donc que les contrôles ne sont pas du tout en nombre aussi importants pour l’alcoolémie
que pour la conduite sous l’empire des stupéfiants. Cela explique ce chiffre relativement faible,
d’environ une douzaine de poursuites par mois dans les Yvelines au titre de conduite sous l’empire des
produits stupéfiants.
Toutefois, samedi dernier, à l’initiative du président de la MILDT, Monsieur Etienne APAIRE, j’ai
organisé dans la gendarmerie des Yvelines une opération de contrôle d’alcoolémie et de stupéfiants au
volant.
Nous avons mis en place plusieurs points de contrôle, avec deux chiens anti-drogue. C’était formidable,
spectaculaire, c’était l’occasion de voir ces chiens à l’œuvre. M. HEUZE, Délégué du Procureur, l’ancien
commandant en second de la section recherche de Paris connait ces chiens qui sont extraordinaires.
Les chiffres sont marquants. Sur 700 personnes contrôlées, 600 conducteurs, nous avons eu 7
procédures d’alcoolémie et 5 procédures de conduite sur l’empire de stupéfiants (4 personnes ont été
interpellées en détenant du haschisch). Nous avons donc quasiment une parité alcoolémie, stupéfiants.
Sur l’un des contrôles, un jeune conduisant une voiture étrangère, tout le monde peut imaginer de quoi
il s’agit. il conduisait donc la voiture de son père, avec la petite lettre A, apprenti, ce qui va lui
permettre d’ailleurs de réviser son code de la route. En effet, pour le jeune conducteur qui ne possède
que six points, la conduite sous l’empire des stupéfiants lui fait perdre ses six points. Il se retrouve en
annulation de permis de conduire. Ce jeune est arrivé face aux gens qui étaient là tout ravi, « ha ! Tiens,
je vais passer au journal de 20 heures à la télévision, ça va être extraordinaire ». Quand il a vu ensuite
comment ça se passait avec les gendarmes puis la direction de l’hôpital pour se retrouver ensuite, à la
gendarmerie, il a un peu changé d’air, mais au départ, il était extrêmement détendu, et sans aucune
difficulté, même après que le chien soit passé et ait trouvé l’endroit ou il détenait sûrement de la
drogue.
C’est dire qu’en matière de conduite sous l’empire de stupéfiants, il y a manifestement un gros travail
de prévention mais également de répression à engager.
Au titre de la lutte contre ce fléau, il y a la politique pénale du Parquet ; parallèlement le plan
départemental de la lutte contre la toxicomanie a été signé et finalisé en octobre 2009, avec il faut le
souligner l’aide financière de 166 000 euros de la MILDT, somme utilisée pour :
La lutte contre le cannabis dans certaines zones ciblées, les mineurs, les jeunes, la lutte contre les
accidents dans le monde du travail ainsi que dans le milieu carcéral.
Comme je l’ai indiqué, cela touche tous les milieux, vous l’avez rappelé Madame le Premier Viceprésident dans votre discours, le monde du travail n’est pas totalement épargné par ce type d’affaires.
Là aussi, en le disant, je me remémore cet accident mortel de circulation d’un jeune motard avec trois
véhicules qui pourraient être impliqués, un camion, une voiture particulière et une estafette.
S’agissant d’un accident de circulation, la loi impose non seulement un contrôle d’alcoolémie, mais
également de stupéfiants. Le chauffeur routier, le chauffeur d’estafette -ces estafettes qui roulent à
des vitesses parfois largement excessives- le conducteur de la voiture particulière et le motard étaient
tous sous l’empire de l’usage des produits stupéfiants.
Autre point, du plan départemental a côté des jeunes et des mineurs du monde du travail, le milieu
carcéral. Alors, il ne faut pas tenir les propos de certains qui disent que la drogue circule librement dans
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les prisons. C’est faux, mais il ne faut pas non plus se voiler la face, il y a des affaires d’importation de
drogue par la famille, par les amis à l’occasion des parloirs. Les services de l’administration
pénitentiaire font le maximum pour effectuer les contrôles de qualité, la police, et la gendarmerie
parfois interviennent sur place sur réquisition du Procureur de la République, et il y a un effort de
prévention incontestable.
Enfin, le plan départemental prévoit un renforcement des compétences parentales, c'est-à-dire de
resituer les parents dans leur rôle, pour parler plus précisément. Il y a un effort important à faire sur ce
point pour que les parents tiennent totalement leur place. C’est vrai pour la toxicomanie, c’est vrai
pour beaucoup de choses, les parents doivent être mis face à leur responsabilité, dans l’éducation de
leurs enfants.
Donc, c’est tout l’Etat qui s’engage, les associations également, je salue ici les associations comme
l’ASSOEDY qui participent également à la lutte contre la drogue, et également IPT qui je crois savoir se
nomme OPPELIA et le CEDAT qui sont très connues dans les Yvelines et également je le précise, les
collectivités territoriales notamment les communes.
Vous savez que la loi de mars 2007 impose que les communes de plus de 10 000 habitants -une
cinquantaine dans les Yvelines- aient un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, et
bien évidemment ces conseils ont en grande partie pour objectif la prévention de la toxicomanie.
Voilà ce que je pouvais indiquer sur le constat de l’usage et le trafic de drogue, sur ce qui se fait, au
plan départemental.
En ce qui concerne l’action du Parquet, c’est une action bien évidemment dans le répressif ; Là aussi, il
appartient au Procureur de la République de mettre en œuvre l’Action Publique dans le cadre des lois
qui répriment l’usage, la détention, et le trafic des stupéfiants mais avec deux volets : un recours à des
procédures alternatives, qui favorisent, du moins faut il l’espérer, la prévention pour éviter la
réitération de la récidive, et puis une partie purement, j’allais dire durement, répressive.
Alors le premier point concerne, des rappels à la loi qui sont faits par les officiers de police judiciaire, ou
les agents de police judiciaire sur décision du Parquet, lorsqu’il y’a des procédures. J’ai indiqué dans les
Yvelines : toute personne contrôlée faisant usage des stupéfiants sera interpelée, entendue,
éventuellement placée en garde à vue. On décidera alors s'il convient de poursuivre l’enquête, ou d’en
rester à un rappel à la loi. Cependant, même si l’on en reste à un rappel à la loi, la personne va avoir
son identité relevée, aussi bien dans les fichiers de la police que de la gendarmerie. Vous avez entendu
parler du fameux fichier STIC où la procédure va être enregistrée sur ce qu’on appelle la chaîne pénale
parisienne. Donc au Parquet on saura que l’individu a déjà été contrôlé une fois. S’il a bénéficié une
première fois d’un rappel à la loi, il ne pourra plus en bénéficier une seconde fois, et à ce moment là on
engagera d’autres types de poursuites. Ces rappels à la loi se font en principe par les policiers ou les
gendarmes sur décision du Procureur, ils peuvent se faire également par les délégués du Procureur de
la République, j’ai cité tout à l’heure Monsieur HEUZE et Monsieur YUNGMANN qui sont dans la salle.
Il y a dix délégués du Procureur qui travaillent au sein du Parquet mais également dans les Maisons de
la justice et du droit qui sont implantées dans les Yvelines et qui notifient des rappels à la loi de
manière plus solennelle, plus formelle également, à des jeunes et des moins jeunes faisant usage de
stupéfiants.
Au delà de ce rappel à la loi, il y a comme vous l’avez indiqué des stages de sensibilisation, ces stages
de sensibilisation ont été voulus par le législateur dans sa loi du 5 mars 2007. Une circulaire est sortie le
9 mai 2008, et nous avons signé, Monsieur le Président, en décembre 2008 une convention avec les
associations pour mettre en place des stages, dont Madame PHILBERT vous dira comment ils se
déroulent ; je sais tout simplement qu’il y en a eu un par mois, en 2009 soit 112 stagiaires. C’est à
l’intéressé qu’incombe de payer les frais de stage -250 euros- et non à la société ; ce stage dure deux
jours avec l’intervention du délégué du Procureur et des associations que j’ai citées. La directrice de
l’ASSOEDY vous en dira plus. Ce stage est important, il est utilisé pour des personnes qui consomment
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de la résine de cannabis, du hachisch ou de manière plus occasionnelle. Nous l’utilisons également pour
ceux qui se font interpeler sous conduite dans certaines conditions, mais c’est le Parquet qui apprécie.
Pour les consommateurs un peu plus importants, nous avons une autre alternative aux poursuites. Il
s’agit de la convocation dans le cadre des mesures de classement avec orientation devant les structures
sanitaires et sociales. Là aussi des associations interviennent. La personne va être convoquée au
tribunal pour rencontrer psychologue, sur un protocole dont l durée s’échelonnera sur 4 mois et
donnera lieu à plusieurs rendez-vous. Là aussi, l’un des intervenants apportera cet après midi toutes
précisions sur ces orientations en direction de structures sanitaires et sociales ; là aussi, nous avons eu
250 personnes convoquées et le taux de réussite est de 60%.
Troisième et dernière alternative aux poursuites ce sont les injonctions thérapeutiques, le protocole est
plus lourd, et dure 6 mois. 63 personnes ont fait l’objet d’une injonction thérapeutique, ces injonctions
thérapeutiques qui à l’inverse, de la convocation dont je parlais tout à l’heure, sont là exclusivement
destinées aux consommateurs dépendants. 63 personnes ont été ainsi convoquées au titre d’injonction
thérapeutique, un taux de réussite de 60%. Ce sont des alternatives aux poursuites, que ce soient des
stages ou les convocations à injonctions thérapeutiques aux structures sanitaires et sociales. Si des
personnes ne respectent pas cette possibilité d’alternative, s’ils ne suivent pas le protocole décidé, bien
évidemment, ils seront poursuivis devant le Tribunal Correctionnel.
Au titre de la répression nous engageons les poursuites sous la forme de ce qu’on appelle la
composition pénale, c’est en fait une amende qui va être versée par l’intermédiaire du Procureur de la
République, cela a un avantage, en effet le Procureur fait d’abord un rappel à la loi, il vérifie que
l’amende est d’abord réellement payée, Madame SABOURIN Vice-Procureur en charge de la section
des stupéfiants et criminalité organisée vous détaillera de manière plus précise, comment se déroulent
ces opérations.
Pour les affaires plus importantes et là je veux parler de 350 affaires de trafic, nous les avons traitées
par des comparutions immédiates, à l’issue de la garde à vue directement devant le Tribunal
Correctionnel souvent dans cette Chambre, parfois sous la présidence de Mme le Premier Viceprésident et dans les affaires plus importantes auprès du juge d’instruction spécialisé en matière de
trafic de stupéfiants, par l’ouverture d’une information judiciaire.
J’indique qu’à Versailles nous avons une Chambre spécialisée en matière de lutte contre le trafic de
stupéfiants, présidée par Monsieur BELLANCOURT, c’est la 8ème Chambre correctionnelle dont la
jurisprudence est connue dans le département.
Je tiens pour terminer à indiquer, sachant que le Commissaire Masson vous détaillera le travail de la
police et de la gendarmerie que je tiens à saluer, il y a fort heureusement pour lutter contre ces trafics
des policiers et des gendarmes hautement spécialisés. II y a la police judiciaire de Versailles avec dans
le cadre d’une vision criminelle, une brigade de stupéfiants II y a au sein de la direction départementale
de la sécurité publique des Yvelines une sureté départementale. II y a également une brigade de
stupéfiants.
Pour la police ; deux services de police judiciaire hautement spécialisés qui ont des enquêteurs en
nombre, ce qui m’apparaît suffisant pour lutter contre le trafic des stupéfiants. II convient de préciser
également que dans les commissariats de Police, il y a également des enquêteurs spécialisés. Dans les
secteurs les plus sensibles, comme par exemple Mantes la jolie et les Mureaux, des groupes de
stupéfiants au sein de ces commissariats ont obtenu des résultats superbes. En plus de ce qui a été
engagé par la PJ et la Sûreté départementale au cours de ces dernières années. Et puis dans d’autres
commissariats vous n’avez pas de groupes formatés, avec organigramme bien précis mais vous avez
des policiers spécialisés. De la même façon au niveau de la gendarmerie dans la section recherche il ya
un groupe stupéfiants et au sein des brigades de recherche des trois compagnies de gendarmerie des
Yvelines.
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Ce qui est satisfaisant pour le Procureur de la République que je suis, c’est la parfaite coordination des
services au sein des bureaux de liaison qui se réunissent régulièrement à la police judiciaire avec
Madame Sabourin qui représente le parquet en qualité de chef de section mais également la
gendarmerie section recherche pour échanger sur les informations au cours de leurs enquêtes.
J’indique également que, le G I R groupement d’intervention régional composé de policiers, de
gendarmes, de douaniers et d’inspecteurs du fisc concourt aux opérations de lutte contre la drogue.
Depuis 2002, ces GIR ont été constitués dans les Yvelines et avec le Préfet nous avons souhaité que ces
GIR interviennent essentiellement dans la lutte contre le trafic des stupéfiants. C’est pratiquement la
moitié de ces affaires en portefeuille et sur les zones sensibles et participe à un élément extrêmement
important, par ce qu’il est bien d’aller rechercher la responsabilité pénale, infliger des amendes
lourdes, infliger des peines d’emprisonnement parfois sur plusieurs années il est important également
de s’en prendre aux avoirs criminels de ces trafiquants de drogue. Vous avez rappelez les chiffres M. le
Président, j’en ai donné quelques uns, c’est vous dire que les opérations tout de même portent leurs
fruits, Il y a eu en 2008 près de 285 000 euros saisis en numéraire dans les Yvelines, ce sont les chiffres
des documents donnés par le GIR, qui regroupent l’immense majorité des affaires les plus importantes.
En 2009, 82000,00 euros saisis en numéraire, cette baisse n’est pas due au fait que la police a moins
travaillé mais les criminels s’organisent, se réorganisent. Ainsi, la destination de la drogue avec ce
qu’on appelle une nourrice, souvent en dehors des zones sensibles, dans les petites communes dont je
parlais tout à l’heure, ont été mises en place pour garder les numéraires en dehors de leur propre
domicile ou du domicile de la famille parce que dites vous bien lorsque la police arrive embarque le
numéraire, ça pose quelques difficultés pour les trafiquants. 17 véhicules ont été saisis pour une valeur
de 200.000 euros, 340.000 euros ont été bloqués sur les comptes bancaires, 26.000 euros ont été saisis
dans les immeubles, écrans plats, et autres chaines HI-FI et au titre des immeubles, c’est beaucoup plus
important, c’est plus de 1.000.000 en 2009.
C’est dire que maintenant on n’hésite pas à saisir non seulement les véhicules les meubles, les
numéraires et les immeubles qui sont liés au trafic qui sont parfois les produits des trafics. Ces saisies
d’immeubles ne sont pas liées directement au trafic des stupéfiants ce sont des chiffres globaux
essentiellement pour les affaires qui concernent le trafic de stupéfiants, voilà Monsieur Le Président,
Madame le Vice-président ce que je pouvais indiquer sur ce que faisait le Parquet de Versailles, sur la
politique pénale du parquet de Versailles qui j’espère est équilibrée et voudrais efficace en tout cas,
c’est le souhait que j’émets. C’est vous dire bien évidemment toute la satisfaction du travail accompli
par Madame Sabourin et les deux magistrats de sa section associés, je vous remercie.
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Fabienne DELBAUFFE, Coordinatrice du pôle « application de la loi » à la MILDT
Colloque « justice et toxicomanie : traitement et prise en charge » - ASSOEDY – 2 juin 2010
Avant tout, je tiens à remercier l'ASSOEDY d'avoir associé la MILDT à ce colloque « justice et
toxicomanie» puisque les réponses judiciaires sont évidemment au cœur de la problématique de la
toxicomanie dont la lutte est un objectif essentiel de la MILDT. Notre droit national a profondément
évolué depuis les 40 dernières années pour faire face aux transformations des pratiques de
consommation et mieux prendre
en compte les risques associés.
La loi du 31 décembre 1970 visait à endiguer l’expansion de l’usage d’héroïne tout en ménageant
l’accès aux soins pour les usagers dépendants. Puis est intervenue une modernisation importante de
notre droit sanitaire au milieu des années 80 pour répondre au défi de l’expansion rapide de l’épidémie
de SIDA. C’est ainsi que les traitements de substitution aux opiacés ont été autorisés et mis en œuvre
sur une large échelle ainsi que la mise en vente libre de seringues. Ces deux mesures ont permis
d’éviter un grand nombre de décès chez les usagers de drogues injectables. Parallèlement, la
pénalisation de l’usage est maintenue sur la base d’une classification des stupéfiants par le ministère
de la santé. Plus récemment l’adoption de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la
délinquance a modifié le régime des sanctions de l’usage de stupéfiants.
Malgré tout, le constat est le maintien à un niveau beaucoup trop élevé de la consommation de
cannabis et le développement extrêmement rapide de la consommation de cocaïne mais aussi
d’ecstasy. Ces phénomènes préoccupants ont impacté le nouveau plan gouvernemental (2008-2011)
élaboré par la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie.
La MILDT constitue en effet l’épicentre du dispositif français de lutte contre les toxicomanies. Placée
sous l’autorité du Premier ministre, la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la
Toxicomanie (MILDT) est chargée de coordonner l’action des pouvoirs publics en matière de lutte
contre la drogue et la toxicomanie en veillant à la cohérence entre les différentes approches
préventive, sanitaire, répressive et internationale. Elle coordonne les politiques des départements
ministériels, elle anime et soutient également les efforts des autres partenaires publics et privés.
En concertation avec ces acteurs, la MILDT impulse et accompagne des expériences innovantes sur
l’ensemble du champ. Elle évalue, grâce à l'OFDT (Observatoire Français des Drogues et de la
Toxicomanie) les actions mises en place, valide les actions qui ont fait leur preuve et qui sont pérennes
et abandonne celles dont l’efficacité n’est pas avérée.
L’objectif est aussi d’imaginer des actions nouvelles comme la responsabilisation des parents et des
adultes en général, les stages de sensibilisation, le médecin relais...
L'actuel plan gouvernemental 2008–2011 comporte 193 mesures et a pour objectif de faire baisser le
niveau de consommation des drogues et le nombre des usagers. La consommation de cannabis, de loin
la première drogue illicite consommée en France, demeure en effet à un niveau préoccupant avec 1,2
million d’usagers réguliers et 550 000 consommateurs quotidiens alors qu’il est établi que les
consommateurs réguliers, des jeunes pour l’immense majorité, ont tous un risque de dépendance,
peuvent connaître des problèmes relationnels, scolaires et professionnels, et s’exposent également à
des accidents de la route, risque fortement aggravé en cas de consommation d’alcool concomitante.
C’est la première drogue illicite consommée en France : 1 jeune de 17 ans sur deux a déjà consommé
du cannabis. L’usage fréquent qu’ils font du produit peut enfin, comme l’ont démontré des études
scientifiques récentes, notamment en Angleterre, s’accompagner de l’apparition de troubles
psychiatriques, parfois très graves.
S’agissant de la cocaïne et de l’ecstasy, on observe, chez les jeunes de 15 à 35 ans, un triplement des
consommations entre 2000 et 2008 dû à la baisse du prix et à une image positive de ce produit. Cette
tendance est d’autant plus inquiétante qu’on constate une relative méconnaissance chez les jeunes
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consommateurs de la dangerosité de ces produits, notamment au plan cardiovasculaire et
psychiatrique. Au regard de la multiplication récente des saisies, on peut craindre que la hausse de
l’usage de cocaïne se poursuive et pose rapidement des problèmes de prise en charge sanitaire et des
troubles de l’ordre
Public. Il y a en France chaque année près de 140.000 interpellations pour usage de produits
stupéfiants.
S'agissant de la lutte contre la toxicomanie, l'actuel plan gouvernemental répond donc à plusieurs
objectifs :
- Prévenir les entrées en consommation et les usages des produits illicites en ciblant particulièrement
les jeunes et leur entourage adulte, parents et éducateurs ; une certaine tolérance a pu contribuer à
encourager la demande de drogues en banalisant les premières consommations et en affaiblissant
l’interdit qui pesait sur celles-ci.
L'accent est donc mis sur les interventions en milieu scolaire, périscolaire et étudiant, notamment par
les gendarmes (FRAD : Formateurs relais anti-drogue) et les policiers (PFAD : policiers formateurs antidrogue) ainsi que les sessions de formation par l'éducation nationale, la PJJ, l'ENM et l'ENAP. En
mobilisant, pour la prévention, les parents et, plus largement, les adultes au contact des adolescents, il
s’agit de leur apporter les ressources nécessaires en termes d’information et de capacités de dialogue
afin de leur permettre d’assumer pleinement leurs responsabilités éducatives.
La mise en œuvre de stages de sensibilisation sur les dangers des drogues s’inscrit également dans le
refus du gouvernement de banaliser la consommation de produits stupéfiants. Ces stages, d'application
plus simple que les injonctions thérapeutiques, ont vocation à apporter une réponse judiciaire
systématique, rapide, graduée, guidée par la personnalité et le profil de l'usager.
- Poursuivre la diversification de la prise en charge sanitaire des usagers, en ciblant notamment les
populations exposées et vulnérables.
Complémentaire du plan addictions 2007-2011 du ministère de la santé dont il reprend les dispositions,
le plan gouvernemental vise à renforcer et à adapter à l’évolution des consommations et aux besoins
des usagers, la prévention, la réduction des risques, l’offre de soins, et l’insertion :
 Des formations au repérage précoce des addictions destinées à l'ensemble des professionnels
de santé ;
 Un renforcement des capacités d’hébergement de personnes dépendantes ;
 Une augmentation du nombre de jeunes accueillis dans les consultations jeunes
consommateurs.
 Le développement de nouvelles modalités de prise en charge des usagers de cocaïne, dont le
nombre s’accroît.
 Des mesures destinées à mieux prévenir et prendre en charge l’usage de drogues illicites et
d’alcool des femmes enceintes.
Cette journée de colloque permet une réflexion sur l’amélioration du traitement judiciaire de l’usage
de stupéfiants. Outre l’extension de la procédure d’ordonnance pénale au délit d’usage de stupéfiants,
la loi de 2007 comporte une innovation : le stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits
stupéfiants. Ce stage est une sanction dont la portée pédagogique est indéniable. Il doit :
 faire prendre conscience au consommateur des dommages et des risques induits par l'usage
de produits stupéfiants, ainsi que des incidences sociales d’un tel comportement,
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 faire reculer les consommations occasionnelles,
 prévenir l’installation dans un usage régulier et le passage à l’usage dépendant. Le public visé
concerne les usagers peu ou pas dépendants, consommant dans un contexte récréatif et ne
relevant pas du soin et pour qui, une mesure plus symbolique de type rappel à la loi ne semble
pas dissuasive. La seconde innovation de cette loi concerne la création du « médecin relais »
dont le rôle est d'assurer l'interface entre l'institution judiciaire et ses partenaires sanitaires
afin d'organiser le suivi de l'injonction thérapeutique de manière rigoureuse. Je vous laisse
poursuivre vos travaux dont je souhaite qu'ils soient riches d'enseignements et porteurs
d'avancées dans notre lutte commune contre la toxicomanie.
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Ivana OBRADOVIC, chargée d’étude à l’OFDT, Pôle évaluation des politiques
L’objet de cette intervention est d’offrir une vue synoptique des consommations de drogues en France,
conformément aux missions de l’OFDT, et de décrire, à grands traits, le traitement pénal du
contentieux d’usage de stupéfiants. Il s’agira donc de retracer, à partir de données statistiques, les
principales composantes du phénomène de l’usage de drogues illicites en France, dans une perspective
européenne, avant de proposer un état des lieux des connaissances sur le traitement pénal réservé à
l’usage de stupéfiants.
Présentation de l’OFDT
L'objectif principal, lors de la mise en place de l'Observatoire par les pouvoirs publics en 1995, était de
doter la France d'une structure à même de documenter le phénomène des drogues en établissant un
état des lieux régulièrement actualisé de la situation en France dans ses différentes composantes
(offre, usages, populations concernées et dommages sanitaires et sociaux liés à ces usages). Il s'agissait
également de mettre cet état des lieux en perspective au niveau européen. Rapidement, la nécessité
d'anticiper l'émergence possible de nouveaux enjeux (nouveaux produits, usages ou dommages) s'est
imposée.
L’OFDT est un des 27 relais nationaux du REITOX (Réseau Européen d' Information sur les Drogues et
les Toxicomanies), qui comprend les Etats membres de l’UE, la Norvège et la Commission européenne.
Ce réseau est animé par l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), agence de
l’Union européenne, basée à Lisbonne, dont la mission est de fournir des informations objectives
fiables et comparables au niveau européen sur le phénomène des drogues et des toxicomanies et leurs
conséquences.
Le fonctionnement de l’OFDT s’appuie sur trois piliers : un Conseil d’administration, qui regroupe des
représentants de l’Etat de deux types : ceux des ministères concernés à un titre ou à un autre par la
lutte contre les drogues et les toxicomanies (Intérieur, Education nationale, Affaires étrangères,
Santé...) et la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) ; à ces
représentants d’Etat s’ajoutent des personnes morales de droit public et privé comme la FNORS
(Fédération nationale des observatoires régionaux de santé). Le CA est consulté avant le lancement de
tous les projets d’étude ; il est ensuite informé du suivi des projets : les ministères qui composent le CA
peuvent donc être décisionnaires puisqu’ils sont associés aux projets en amont, sans toutefois les
piloter directement.
L’Observatoire appuie également son action sur un Collège scientifique, composé de représentants des
principaux organismes producteurs de données (INSERM, OCRTIS, INSEE, DGDDI), ainsi que de
personnalités nommées à titre personnel (médecins cliniciens, sociologues, anthropologues, etc.) qui
ont des compétences reconnues dans les domaines entrant dans les missions de l’OFDT. Enfin,
troisième pilier de l'Observatoire : son équipe opérationnelle, qui rassemble une trentaine de
personnes formée de spécialistes et de chercheurs issus de différentes disciplines : démographie,
statistique, économie, épidémiologie, sociologie, médecine... L'observatoire est organisé en quatre
pôles "scientifiques", qui correspondent aux domaines d’observation auxquels s’est progressivement
ouvert l’OFDT.
L’observatoire a en effet été renforcé dans sa mission depuis sa création. Dans les premiers temps de
son histoire, l’OFDT a été chargé de documenter des questions d’intérêt général sur le phénomène des
drogues et ses conséquences, par le biais d’enquêtes spécifiques sur l’usage de drogues menées en
population générale : qui consomme des drogues et comment ? Quels produits ? Quels dommages
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sanitaires et sociaux les usages occasionnent-ils ? Quelles sont les opinions et les perceptions sur les
drogues ? Son champ d’observation a ensuite été élargi à la réponse publique : il a ainsi été amené à
collecter et à diffuser les indicateurs issus des ministères permettant de décrire l’activité de prise en
charge des usagers de drogues par les institutions : quels sont les dispositifs mis en place pour lutter
contre la toxicomanie ?
Quelle est la réglementation en vigueur sur l’usage de drogues ?
Combien de toxicomanes sont reçus chaque année dans les centres de soins spécialisés et pour quel
type de problème ?
Dans une troisième phase de son développement, le périmètre d’observation a été étendu à
l’observation des produits émergents et des nouvelles tendances de consommation (Tendances
récentes nouvelles drogues, TREND) et à l’évaluation de la réponse publique (depuis 1999) : Quels
sont les résultats de l’action publique menée en matière de toxicomanie ? Comment la réglementation
est-elle appliquée sur le territoire français ? (y a-t-il des différences dans la politique pénale menée en
région parisienne et par ex., dans une région rurale ?). A côté de cette activité scientifique de
production et de diffusion des données liées aux drogues, l’OFDT est devenu, depuis 2009, centre de
documentation national sur les drogues, pour les décideurs, les professionnels et les chercheurs.
Le phénomène de l’usage de drogues illicites en France.
L’offre de stupéfiants peut être appréhendée par le biais de deux indicateurs statistiques : le nombre
de saisies annuelles et les quantités saisies. Le nombre total de saisies enregistré en France est en
hausse depuis une quinzaine d’années, avec une nette accélération depuis 2002. Depuis 2007, on a
dépassé la barre des 90 000 saisies annuelles. Après un record historique atteint en 2008 (112 402
saisies), on dénombrait 108 022 saisies en 2009.
Ces volumes en baisse ne doivent pas faire oublier que les pics observés en 2004 et en 2006 sont des
années-records, du fait de prises exceptionnelles pour respectivement, le cannabis (2004) et l’héroïne
et la cocaïne (2006) : plus de 10 tonnes de cocaïne ont ainsi été saisies en 2006, ce qui traduit un
niveau d’efficacité exceptionnel, lié à quelques opérations réussies sur le vecteur maritime : quatre
arraisonnements ont permis la saisie de 7 tonnes de cocaïne, contre un peu plus de 2 tonnes en 2005,
lors de trois arraisonnements. L’activité de saisie par les services de police, de gendarmerie et des
douanes est donc en nette augmentation mais les quantités saisies dépendent de la prévalence des
opérations importantes.
Les quantités saisies restent néanmoins considérables, en particulier pour le cannabis (près de 60
tonnes de résine de cannabis en 2009). S’il représente une diminution par rapport à l’année
précédente, ce chiffre reste très important. A l’inverse, les niveaux de saisie de cocaïne, qui ont
dépassé le seuil des 5 tonnes annuelles depuis 2005, sont très fluctuants d’une année sur l’autre et
connaissent une évolution en dents de scie. Les quantités d’héroïne saisies sont, quant à elles,
relativement stables depuis 2006, autour d’une tonne par an. Enfin, par comparaison, les quantités
saisies d’ecstasy sont peu significatives : elles sont en chute libre depuis 2006, après avoir connu des
niveaux importants entre 1999 et 2004 (plus d’un million et demi de comprimés saisis par an).
Sur une population totale de 46 millions de personnes âgées de 12 à 75 ans, on estime que 92 % ont
déjà expérimenté l’alcool et 76 % le tabac. Le niveau de diffusion des drogues illicites se situe bien en
deçà : 27 % de la population aurait essayé le cannabis. C’est le premier produit illicite, du point de vue
du niveau de diffusion dans la population. Environ 2% des personnes ont expérimenté la cocaïne, moins
de 2 % l’ecstasy et moins de 1 % l’héroïne. Ces chiffres sont des ordres de grandeur et doivent être lus
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comme des données de cadrage qui comprennent une marge d’erreur, même si elle est raisonnable. Ils
traduisent une grande variété d’usages : parmi les 42,5 millions d’expérimentateurs d’alcool, 6,4
millions boivent tous les jours (soit 4%), alors qu’un tiers des expérimentateurs de tabac en sont
consommateurs quotidiens (11,8 millions). La proportion d’usagers quotidiens de cannabis, par rapport
à l’ensemble des expérimentateurs, qui est de 4% (soit 550 000 usagers quotidiens), est comparable au
ratio des buveurs quotidiens d’alcool dans l’ensemble des initiés.
Les fréquences d’usage de chacun de ces produits sont fortement différenciées par sexe (les hommes
étant toujours plus consommateurs que les femmes, à l’exception des médicaments psychotropes) et
par âge. Ainsi, le niveau de diffusion du cannabis dans la population est notablement plus important
parmi les jeunes générations qu’après 45 ans. Il a connu une croissance importante entre 1992 et 2006,
si bien qu’au milieu des années 2000, la France se plaçait en Europe parmi les pays les plus fortement
expérimentateurs de cannabis (16,7% parmi les jeunes adultes âgés de 15 à 34 ans), derrière l’Espagne
et la République tchèque. La pratique des usages de cannabis régresse nettement avec l’âge : la part de
la population déclarant au moins un usage de cannabis dans l’année est de 29% chez les hommes et
15% chez les femmes entre 18 et 25 ans ; elle s’abaisse à moins de 3% pour les deux sexes après 45 ans.
Les produits plus rares ont eux aussi vu leurs niveaux d’expérimentation s’élever parmi les adultes
entre 2000 et 2005, en particulier la cocaïne et l’ecstasy.
L’observation des consommations des jeunes, entre 2000 et 2008, fait apparaître plusieurs tendances :
 Un constat bien connu d’abord : en termes de diffusion, le cannabis arrive loin derrière l’alcool et le
tabac, ce qui en fait la drogue illicite la plus expérimentée à 17 ans. Plus de 40% des jeunes ont déjà
fumé un joint ; 93% ont déjà bu de l’alcool et 71% ont déjà fumé une cigarette. Cependant, depuis
2003, on enregistre une nette tendance au reflux, voire même une inversion de tendance. De la même
manière, les niveaux d’expérimentation du tabac sont en baisse depuis plus de 5 ans.
 Les niveaux d’usage régulier des principaux produits sont eux aussi en baisse depuis 2005, pour le
tabac, l’alcool, et le cannabis, de même que la fréquence des ivresses. Ce reflux est donc plus récent.
 Néanmoins, l’expérimentation de l’ivresse alcoolique et le phénomène des ivresses répétées sont
en hausse chez les jeunes, atteignant en 2008 des niveaux record.
 Le niveau de diffusion des poppers, des produits à inhaler (colles, solvants) et des stimulants
(cocaïne, amphétamines) parmi les jeunes est en hausse (3% des jeunes de 17 ans ont essayé la
cocaïne), ainsi que l’expérimentation de produits plus rares, comme l’héroïne ou la kétamine, dont le
niveau de diffusion reste cependant marginal (environ 1%). En 2008, l’expérimentation d’ecstasy est
devenue moins courante que celle de cocaïne
 La première ivresse est de plus en plus précoce, chez les garçons comme chez les filles. Alors que,
pour tous les autres usages de drogues, les garçons sont plus précocement expérimentateurs, la
première ivresse a lieu, en moyenne, au même âge chez les garçons et chez les filles (avant 14 ans et
demi).
 Contrairement aux idées reçues, l’âge d’initiation au cannabis est relativement stable : à 17 ans, les
garçons et les filles qui ont déjà essayé ce produit disent avoir commencé peu après leur 15ème
anniversaire, alors que l’âge lors de la première cigarette est de 13,4 ans chez les garçons et 13,7 ans
chez les filles.
 L’âge d’expérimentation des autres drogues, plus rares, est relativement stable depuis 2000, autour
de 16 ans (amphétamines, cocaïne, héroïne, ecstasy, héroïne). Les produits à inhaler sont en revanche
expérimentés, en moyenne, avant 15 ans, chez les garçons comme chez les filles.
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 L’ordre d’expérimentation des produits est commun aux deux sexes : le premier produit
expérimenté est le tabac (13,4 ans pour les garçons vs 13,7 ans pour les filles), avec, le cas échéant, un
passage au tabagisme quotidien peu après 14 ans, chez les garçons comme chez les filles. Interviennent
ensuite, autour de 15 ans la 1ère ivresse (14,9 ans pour les garçons, vs 15,3 ans pour les filles) et
l’expérimentation de produits à inhaler (dans des proportions moindres), suivis de très près par l’âge
lors du premier usage de cannabis (15,1 ans pour les garçons vs 15,3 ans pour les filles).
 Les différences par sexe sont d’autant plus marquées que le niveau d’usage s’élève : pour le
cannabis par exemple, plus l’usage devient régulier, plus le phénomène est masculin.
Les conséquences sanitaires et sociales de l’usage de drogues illicites peuvent être appréhendées à
travers plusieurs indicateurs. Les conséquences de l’usage de drogues par voie intraveineuse sont
abordées par le truchement du nombre de décès par surdose, du nombre de décès par Sida et de la
prévalence du VIH et de l’hépatite C dans cette population : le nombre de traitements de substitution
aux opiacés délivrés dans l’année est un indicateur complémentaire. Les conséquences de l’usage de
drogues illicites peuvent également être étudiées sous l’angle de
la prévalence des usages problématiques, tels qu’ils ressortent des enquêtes menées en population
générale, pour chaque produit (héroïne, cocaïne, cannabis, etc.), mais aussi sous l’angle des recours
aux soins, ventilés par produit, ou des conséquences judiciaires (interpellations, condamnations pour
usage de stupéfiants).
On constate ainsi que les décès par surdose ont considérablement diminué entre 1985 et 2007, selon
des sources convergentes (INSERM et OCRTIS) : leur nombre, estimé entre 100 et 200 en 1985, a
plafonné à 564 surdoses mortelles en 1994, avant de décliner, avec la mise en place des traitements de
substitution aux opiacés (moins de 10 000 usagers sous traitement de substitution fin 1995, entre
87 000 et 104 000 en 2006), jusqu’à s’abaisser à moins de 100 décès annuels en 2007. Parallèlement, le
nombre de décès par Sida, estimé à 473 en 1990, a connu un pic en 1994 (1 044 décès annuels), avant
de diminuer progressivement jusqu’au niveau actuel de 69 décès d’usagers de drogues par voie
injectable en 2006. D’après différentes études françaises menées entre 2004 et 2006, par l’OFDT et par
l’INVS, la part des usagers de drogues par voie intraveineuse séropositifs au VIH se situerait dans une
fourchette comprise entre 7% et 11%, alors que la part des usagers de drogues par voie intraveineuse
dépistés positifs à l’hépatite C serait comprise entre 34% et 60%, selon les modes de collecte (par
séroprévalence biologique ou déclarative).
Le nombre d’usagers problématiques estimé en France en 2006 s’élèverait à 230 000 personnes âgées de
15 à 64 ans déclarant avoir consommé au cours de l’année passée des opiacés, de la cocaïne ou des
amphétamines par voie intraveineuse ou de manière régulière – soit 6 usagers problématiques pour
1 000 habitants dans la tranche d’âge des 15-64 ans, ce qui place la France parmi les pays où le taux
d’usagers problématiques de drogues pour 1000 habitants est le plus élevé, avec le Danemark, l’Italie,
l’Espagne et le Royaume-Uni. L’usage problématique d’autres produits illicites, comme le cannabis,
concernerait, selon la manière dont il est défini, entre 10% et 70% des jeunes usagers quotidiens de ce
produit observés, par exemple, à 17 ans : si l’on considère que le fait de consommer du cannabis le matin
ou en solitaire sont des critères d’usage problématique, alors plus de 70% des usagers quotidiens
seraient des consommateurs en situation d’abus ; si on considère, en revanche, que c’est le fait d’avoir
rencontré des problèmes du fait de l’usage de cannabis (perturbations scolaires, sociales ou
professionnelles) qui constitue un indicateur de sévérité, alors 13% des usages quotidiens auraient une
consommation à caractère problématique.
L’analyse des recours aux soins enregistrés par les centres spécialisés de soins aux toxicomanes, en
augmentation entre 1998 et 2004, fait apparaître une structure mouvante par produit : alors que la part
des recours médicaux au titre d’un usage d’opiacés s’est réduite de 55% à 38%, la proportion des
demandes d’aide liées au cannabis et à l’alcool est passée de 16% à 29% (pour le cannabis) et de 6% à
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11% (pour l’alcool). Enfin, au regard des chiffres enregistrés par les services répressifs, les conséquences
socio-judiciaires de l’usage de stupéfiants seraient importantes aujourd’hui : 160 000 personnes ont été
interpellées pour une infraction à la législation sur les stupéfiants en 2009, dont 137 594 pour usage
simple (sans revente ni trafic), le plus souvent lié au cannabis (plus de 90%).
Etat des connaissances sur le traitement pénal de l’usage
La loi prévoit un large spectre de sanctions pour punir l’usage de stupéfiants : poursuites (débouchant, le
cas échéant, sur une peine d’amende, d’emprisonnement ou une peine de substitution), alternatives aux
poursuites (rappel à la loi, avertissement, injonction thérapeutique, orientation sanitaire), compositions
pénales (qui peuvent comprendre une amende). En pratique, les parquets ont systématisé, depuis une
dizaine d’années, le recours aux alternatives aux poursuites, conformément aux recommandations des
circulaires de politique pénale : l’observation des affaires pénales enregistrées en région parisienne entre
2001 et 2008 (soit 25 % du contentieux national en matière d’ILS) montre une augmentation du volume
d’affaires d’usage de stupéfiants traitées.
Cette mobilisation croissante de la chaîne pénale autour des affaires d’usage de stupéfiants a
largement bénéficié aux alternatives aux poursuites, dont le développement a aussi contribué à
augmenter le taux de réponse pénale. Elles représentent aujourd’hui 70 % des orientations
prononcées. Elles sont, en outre, de plus en plus axées sur une dimension sanitaire : la part des
« rappels à la loi » qui représentaient le premier mode de réponse pénale à la délinquance d’usage en
2001 (soit plus de 80 % des alternatives aux poursuites), a reculé au profit des mesures alternatives à
composante sanitaire, telles que les injonctions thérapeutiques et surtout, les classements avec
orientation socio-sanitaire – qui représentent aujourd’hui près de 10 % des alternatives prescrites pour
sanctionner un délit d’usage.
L’essor des mesures alternatives à composante sanitaire depuis 2004 peut être rapproché de
l’ouverture des « consultations jeunes consommateurs » qui, à raison d’une structure au moins par
département, ont représenté une solution d’orientation à disposition des parquets. L’analyse du public
de ces consultations a confirmé qu’il comprend une part majoritaire de personnes orientées par la
justice (48 %), en particulier des jeunes majeurs (56 %) et des hommes (55 %), venus consulter, le plus
souvent, à la suite d’un classement avec orientation sanitaire (33 %) ou d’une injonction thérapeutique
(17 %).
En 2008, 19 069 condamnations judiciaires ont été prononcées pour usage illicite de stupéfiants à titre
principal. La part de l’usage, parmi les condamnations pour infraction à la législation sur les stupéfiants,
a remarquablement augmenté au cours de la dernière décennie (+ 10 points), passant de 27,8 % des
condamnations à 37,8 %. Les amendes sont le premier mode de sanction judiciaire de l’usage (41 %),
suivie par l’emprisonnement avec sursis total (27 %), l’emprisonnement ferme ou avec un sursis partiel
(16 %) et les peines de substitution (15 %), qui sont le plus souvent des peines de jours-amendes ou des
travaux d’intérêt général. L’usage est l’infraction qui donne lieu à la palette la plus étendue de peines.
Page 33
François-Xavier MASSON, Commissaire Divisionnaire à la DDSP
La lutte contre le trafic de stupéfiants à l’échelon local constitue une des principales missions de la
Sûreté départementale des Yvelines, même si ce n’est pas le seul service de police du département à
s’occuper du problème.
Sa Brigade des stupéfiants comprend 25 personnes, dirigées par un Commandant de Police.
Elle se compose de 2 groupes d’enquêteurs spécialisés commandés par un officier de Police et de 3
équipes cynophiles de recherche de produits stupéfiants.
Son cœur de cible est le trafic organisé au sein des cités sensibles. Sa vocation est essentiellement
répressive.
PHYSIONOMIE DU TRAFIC SUR LE DEPARTEMENT
Quelques chiffres pour commencer.
Le phénomène des stupéfiants dans notre département, c’est, en terme d’activité police en 2009:
-
plus de 4000 faits constatés
-
2325 GAV
-
81 écrous (17 pour trafic, 39 pour usage-revente, 25 pour des faits de consommation)
-
80% des mis en cause sont des majeurs, et 94% sont des hommes.
Du point de vue de la répartition géographique, on trouve des stupéfiants dans toutes les villes des
Yvelines et pas seulement dans les cités sensibles.
Néanmoins, 3 bassins principaux se détachent : MANTES LA JOLIE, CHANTELOUP LES VIGNES et POISSY
(avec les cités de la Coudraie et Beauregard).
CANNABIS
On distingue la résine et l’herbe.
L’usage de la résine de cannabis est toujours aussi important que ce soit auprès des jeunes que chez les
moins jeunes. Le produit est aujourd’hui complètement banalisé.
Pourtant, sa nocivité est réelle, la teneur en THC est de plus en plus importante, et les prix ont
globalement tendance à augmenter du fait d’une marchandise de meilleure qualité.
En moyenne, le kilo de résine se négocie entre 1000 et 4000 € à l’achat. Il est ensuite revendu entre
4000 et 8000 € (1g coûte entre 4 et 8 €)
Parallèlement, la consommation d’herbe de cannabis augmente aussi, due notamment au
développement de la culture individuelle en intérieur.
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Plusieurs facteurs expliquent le phénomène :
-
Ça se veut bio et c’est facile à faire tout seul,
Avec la généralisation d’Internet, on trouve toutes les indications nécessaires à une bonne
culture,
-
multiplication des magasins spécialisés dans la culture des plantes d’intérieur
-
économies substantielles faites par rapport à un achat dans la rue.
Le kilo d’herbe se négocie entre 4000 et 6000 € à l’achat et peut rapporter, une fois vendu, entre 6000
et 8000 € (entre 6 et 8 € le gr).
HEROÏNE
Agissant comme anxiolytique et antidépresseur, l’héroïne confirme son retour depuis plusieurs années.
Les saisies sont constantes. La dépendance s’installe rapidement et entraîne des risques sociaux
importants chez des sujets souvent déjà fragiles.
Le danger d’overdose est réel : la Sûreté a traité 6 affaires avec 6 victimes en 2009 sur les Yvelines (1
seul en 2008), souvent suite à un mélange « héroïne-cocaïne » appelé « speed-ball ».
1gr d’héroïne coûte entre 30 et 60 € au consommateur.
COCAÏNE
La cocaïne est très prisée par les jeunes, toutes catégories socioprofessionnelles confondues, donc y
compris nos jeunes issus des cités sensibles où ne s’échangeaient auparavant que du cannabis. L’usage
est grandement banalisé du fait de son aspect festif et de l’absence de dépendance physique.
La cocaïne provoque une euphorie immédiate, un sentiment de puissance intellectuelle et physique, et
une indifférence à la douleur et à la fatigue. Mais la dépendance psychique est importante.
Cette drogue est surtout attractive du fait des prix pratiqués, l’abondance des plans de deal, la qualité
du produit, et sa généralisation dans les cités du département.
1gr coûte entre 40 et 70 €, soit désormais pas beaucoup plus que l’héroïne.
Curieusement, nous n’avons pas saisi de crack en 2009 (cocaïne pure mélangée à du bicarbonate de
soude et de l’ammoniaque).
L’usage de cette drogue n’a pas l’air de s’étendre sur le département. Les toxicomanes au crack vont
acheter leur produit sur PARIS.
DROGUES DE SYNTHESE
Peu d’éléments sur les amphétamines (speed) ou les autres drogues de synthèse (ecstasy, ice, …) car
nous ne saisissons que très peu ce type de produits stupéfiants.
Un cachet d’XTC coûte 5€ en moyenne.
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TROIS ORGANISATIONS TYPE DU TRAFIC
TRAFIC DE RUE
Il s’agit du premier niveau de trafic (la plupart des cas constatés).
Les toxicomanes prennent contact téléphoniquement avec le revendeur pour fixer un RV. Ils ne parlent
que très rarement de quantités ou d’argent.
Le fournisseur est à un endroit déterminé avec une faible quantité de produits stupéfiants sur lui et une
petite réserve à son domicile.
Le stock se trouve chez une « nourrice » qui est récompensée la plupart du temps en marchandise.
L’argent est parfois conservé par la « nourrice ».
Le bénéfice de la vente est rapidement, flambé dans la vie de tous les jours. Peu de dealer arrivent à se
constituer un patrimoine.
L’argent du trafic constitue en réalité leur « salaire ».
TRAFIC AU SEIN D’UNE CITE SENSIBLE
Il y a systématiquement une organisation avec des guetteurs/rabatteurs et des revendeurs de hall
(ceux-ci peuvent changer entre la semaine et le WE et d’une semaine sur l’autre). A chaque
intervention de la Police, il peut y avoir des représailles envers les forces de l’ordre afin de dissuader
toute interpellation.
Le guetteur/revendeur est payé environ 50 euros la journée ou alors en nourriture midi et soir.
Souvent, le revendeur de hall est alimenté par le fournisseur au début de la journée. Ce fournisseur
récupère ensuite l’argent du trafic.
Les toxicomanes ne contactent pas les revendeurs de hall. Ils se présentent sur le lieu de deal connu
sachant qu’ils y trouveront toujours des produits stupéfiants, et sont ensuite dirigés par les
guetteurs/rabatteurs vers le dealer. Celui-ci, pour ne pas être reconnu en cas d’interpellation du
toxicomane, est souvent porteur d’une capuche, casquette, d’une écharpe.
Le produit peut être stocké dans une cave qui n’appartient à personne, ou bien chez une nourrice à
l’extérieur de la cité, dans un pavillon qui n’attirera pas l’attention.
TRAFIC A LA COMMANDE
Les dealers les plus malins travaillent à la « commande ».
Ils n’ont pas de stock. C’est généralement le cas pour les quantités importantes de résine de cannabis.
Le client commande par téléphone ou via Internet. Le trafiquant récupère la quantité de produit
strictement nécessaire et la garde le moins longtemps possible.
Il ne possède rien chez lui, ne roule pas en voiture voyante, n’a pas de comptes bancaires à son nom, et
ré investit ses bénéfices à l’étranger.
Page 36
TRAVAIL DE LA BRIGADE DES STUPEFIANTS DE LA SD 78
Comment travaille une brigade de stupéfiants ?
De manière très classique. Un renseignement arrive par le biais d’un informateur ou à l’occasion d’un
banal contrôle. Immédiatement des recherches sont entreprises autour de l’usager et de son dealer.
Les premières surveillances confirment le renseignement initial et permettent aux enquêteurs d’avoir
une première physionomie du réseau.
En fonction de son importance, du degré de dangerosité des objectifs, des difficultés à remonter les
échelons, une stratégie d’enquête est mise en place avec la section du Parquet Stupéfiant :
interpellation rapide en flagrant délit de transaction ou poursuite d’enquête sur commission rogatoire
avec désignation d’un juge d’instruction.
Cette seconde option est souvent privilégiée pour plusieurs raisons :
-
elle permet un travail plus en profondeur sur du plus long terme
-
elle permet la mise en place d’écoutes téléphoniques
Une fois le rôle de chacun établi, la phase d’arrestations est programmée, souvent au petit matin.
S’ensuivent les perquisitions qui permettent de découvrir produits, téléphones, comptes bancaires,
éléments de train de vie, puis une garde à vue de 4 jours.
Au cours de cette phase, les enquêteurs recueillent les témoignages des mis en cause qu’ils recoupent
avec les surveillances préalablement exercées.
A l’issue des 4 jours, les gardés à vue sont soit relâchés, soit présentés à un magistrat.
L’enquête ne s’arrête pas là.
De nombreuses investigations sont ensuite nécessaires pour corroborer le rôle de chacun et,
éventuellement, rebondir sur l’identification de l’échelon supérieur.
Il n’est pas rare qu’une enquête sur commission rogatoire dure entre 6 mois et un an.
En 2009, la Sûreté Départementale a traité 195 affaires et interpellé 170 personnes.
68 ont été présentées et ont donc fait l’objet de poursuites : 41 ont été écrouées ; les autres ont connu
l’ensemble de la palette mise à la disposition des magistrats : contrôle judiciaire, COPJ, ou mesures
alternatives aux poursuites (médiation pénale, injonction thérapeutique, stage sensibilisation aux
dangers de la consommation de drogues, rappels à la loi)
Page 37
Les quantités saisies tournent autour de 68kg d’herbe et résine de cannabis, 278 plants d’herbe de
cannabis (culture intérieure), 229g d’héroïne, 972g de cocaïne, 54 cachets de crack, 40.000 comprimés
et ampoules d’anabolisants (classés substances vénéneuses)
Enfin, l’approche patrimoniale du trafic est désormais systématiquement envisagée : non contents
d’arrêter les trafiquants avec du produits, les enquêteurs se tournent aussi vers la saisie de leurs biens
mobiliers, immobiliers, patrimoniaux et financiers.
A ce titre, près de 50.000 euros en liquide ont été saisis en 2009 et 130.000 euros bloqués sur comptes
bancaires.
Page 38
Karine SABOURIN, Vice-Procureur,
Chef de section stupéfiants et criminalité organisée
Karine SABOURIN, Vice-procureure, Chef de la section des stupéfiants et de la criminalité organisée au
Parquet de VERSAILLES.
Mon intervention n’est pas facile en cette fin de matinée: de nombreuses choses très intéressantes ont
déjà été dites, et de façon très élégante, par les différents intervenants qui m’ont précédée.
Je vais donc essayer de ne pas être redondante, mais complémentaire par rapport aux sujets déjà
abordés, tout en restant brève, comme demandé.
Dès lors que la Justice s’intéresse à la toxicomanie, elle s’intéresse aux “toxiques”: les stupéfiants, donc
aux consommateurs, mais aussi aux pourvoyeurs de ces toxiques: les “trafiquants”.
Or les drogues les plus courantes (cannabis, héroïne, cocaïne etc.) ne sont pas cultivées ou produites en
FRANCE. Pour l’essentiel, elles sont importées d’Afrique du Nord pour le cannabis, d’Amérique du Sud
pour la cocaïne, d’Asie pour l’héroïne.
C’est dire que derrière tout usager de base et de rue, se cache, et existe, une énorme organisation
criminelle, capable de cultiver, de produire, de conditionner, de transporter, d’importer et de distribuer
ces produits...
La justice va s’intéresser à tous ces aspects indissociables. Elle va tenter d’appréhender toutes ces
situations différentes, depuis le consommateur de rue jusqu’au trafiquant international. Pour cette
tâche vaste et difficile, la justice est dotée de moyens spéciaux.
1) un domaine d’intervention particulièrement difficile
Le Procureur ne peut se saisir que d’infractions pénales. Le législateur a donc prévu différentes
incriminations recouvrant autant de situations distinctes. Pour autant, une difficulté supplémentaire
réside dans le fait qu’il s’agit d’infractions sans plainte, qui nécessitent donc l’attention et l’initiative
constantes des services répressifs.
a) des incriminations adaptées à chaque cas: du délit d’usage de stupéfiants, au crime de direction d’un
groupement criminel ayant pour objet l’organisation d’un trafic de stupéfiants
Je crois utile et intéressant de rappeler, même brièvement, les sanctions très lourdes encourues pour
ces infractions, sanctions qui sont souvent ignorées ou sous-estimées par ceux qui les commettent.
- le délit d’usage de stupéfiants est prévu et réprimé par le code la santé publique, incluant des
objectifs sanitaires et pédagogiques, alors que les autres incriminations liées aux stupéfiants sont dans
le code pénal, à vocation répressive -à l’exception du délit de conduite après consommation de
stupéfiants qui figure dans le code de la route-.
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Les peines maximum encourues sont: 1 AN d’emprisonnement et 3750 euros d’amende.
Les simples usagers sont en pratique très exceptionnellement condamnés à des peines
d’emprisonnement, et j’expliquerai tout à l’heure les autres possibilités.
Il est néanmoins intéressant et nécessaire de se référer à ces sanctions de base.
La loi française incrimine donc l’usage de stupéfiants; elle en fait un délit pénal et n’opère aucune
distinction entre les différentes substances, dites plus ou moins “douces ou dures”. C’est le choix
français, qui peut donner lieu à débat.
- le délit de conduite après usage de stupéfiants, prévu et réprimé par le code de la route (articles L2351 et L235-4) fait encourir les peines de: 2 ANS d’emprisonnement et 4500 euros d’amende, outre des
peines complémentaires de suspension ou d’annulation du permis de conduire, régulièrement
prononcées, et qui affectent durement leurs auteurs.
On peut faire le parallèle avec les conduites en état alcoolique, car l’altération des réflexes et les
dangers sont comparables, mais les incriminations sont légèrement différentes.
En matière de conduite en état alcoolique, l’éthylomètre permet d’évaluer la quantité d’alcool ingéré
et la dangerosité quasi-proportionnelle du conducteur qui en découle.
En matière de stupéfiants, les effets des différentes substances sont différents dans le temps et entre
les individus. Et la consommation de stupéfiants est elle-même illicite. La loi a donc prévu de n’opérer
aucune distinction et de réprimer le simple fait de conduire APRES avoir consommé des stupéfiants.
La loi française n’exige même pas que le conducteur soit encore sous les effets psychotropes des
stupéfiants au moment de la conduite, mais simplement qu’il résulte d’une analyse sanguine, faite
après un dépistage positif, que l’intéressé “avait fait usage de substances ou plantes classées comme
stupéfiants”, ce qui est beaucoup plus large.
- le délit de cession ou d’offre en vue de sa consommation personnelle vise à réprimer les “petits
trafics” réalisés par des consommateurs qui tentent de financer leur consommation personnelle par
des reventes dans leur entourage.
Il est tout de même réprimé par des peines de 5 ANS d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Ces peines sont notamment aggravées lorsque ces reventes sont faites à des mineurs ou dans des
locaux d’éducation ou d’administrations, pour aller jusqu’à 10 ANS d’emprisonnement.
- les délits de trafic de stupéfiants (acquisition, détention, transport, offre ou cession) sont punis des
peines maximum de 10 ANS d’emprisonnement et 7 500 000 euros d’amende.
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La loi ne distingue pas les cessions gratuites ou à titre onéreux, dans le but de ne pas avoir à rapporter
la preuve du paiement de ces transactions. D’ailleurs, ce n’est pas le commerce ou les profits qui sont
en eux-mêmes prohibés, mais la circulation de la substance, quelles qu’en soient les conditions.
- le délit d’importation (ou d’exportation) de stupéfiants est réprimé des mêmes peines que les trafics.
Voilà par exemple ce qu’encourt le jeune étudiant qui revient des Pays-Bas avec ses copains et
quelques grammes de résine de cannabis, achetés dans un coffee-shop à AMSTERDAM...
Ces sanctions sont aggravées lorsque ce délit est commis en bande organisée: l’infraction est alors
qualifiée de crime et punie jusqu’à 30 ANS de réclusion criminelle (et 7 500 000 euros d’amende).
- la production ou la fabrication illicites de stupéfiants sont des crimes, punis des peines de 20 ANS de
réclusion criminelle et 7 500 000 euros d’amende.
Lorsqu’elles sont commises en bande organisée, les peines peuvent monter jusqu’à 30 ANS de
réclusion criminelle (avec -notamment- la confiscation possible de tout ou partie des biens du
condamné).
- enfin, la direction ou l’organisation d’un groupement ayant pour objet la commission de ces délits est
qualifiée de crime et réprimée de la peine de réclusion criminelle à perpétuité, outre 7 500 000 euros
d’amende.
J’indique simplement pour mémoire que de nombreuses peines complémentaires sont également
possibles, et régulièrement prononcées, pour toutes ces infractions
b) l’absence de plainte nécessite une vigilance toute particulière des pouvoirs publics et une action
volontariste des services dans cette matière
Du fait de l’absence de plainte, la tentation des pouvoirs publics de s’en désintéresser peut être
grande.
Mais les manifestations indirectes de la toxicomanie et de la circulation des stupéfiants sont si
importantes et si désastreuses, en terme de sécurité publique (règlements de comptes, agressions), de
santé publique, d’économie (sous-terraine) et plus généralement de cohésion sociale, que les pouvoirs
publiques se doivent de tenter d’enrayer le phénomène.
La toxicomanie et les trafics sont donc abordés à partir de leurs manifestations visibles: policiers et
gendarmes initient leurs enquêtes, par exemple à partir d’interpellations d’usagers sur la voie publique
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ou au volant, de découvertes incidentes de produits stupéfiants, de saisies douanières, de contrôles
routiers, ou d’informations ou de surveillances diverses.
2) des moyens spécifiques
Je ne parle pas des moyens humains ou matériels, dont tout le monde sait qu’ils sont chroniquement
insuffisants pour répondre aux objectifs, mais des moyens juridiques, qui eux, sauf domaines
particuliers, sont en l’état relativement satisfaisants, sur la forme et sur le fond.
a) des procédures souvent dérogatoires
Il existe d’abord souvent des services spécialisés, qui s’occupent de ces matières: des enquêteurs ou
des brigades chargés des affaires de stupéfiants (par exemple une brigade des stupéfiants au sein de la
DRPJ de VERSAILLES et également au sein de la Sûreté départementale des Yvelines), souvent des
magistrats du parquet ou de l’instruction spécialement désignés (sections des stupéfiants dans les
parquets, Juges d’instructions spécialisés), et parfois même des juridictions ou des compositions de
juridictions spécialisées (par exemple, au TGI de VERSAILLES, la 8ème chambre du Tribunal
correctionnel, qui siège dans cette salle, au rythme de 5 audiences par mois).
Il y a également des lois de procédure parfois dérogatoires au droit commun et exceptionnellement
“sévères ”en raison de la gravité de la matière. Je citerai trois exemples.
Au stade de l’enquête, toutes les dispositions prévues pour la lutte contre la criminalité organisée sont
applicables aux trafics de stupéfiants (articles 706-73 et suivants du code de procédure pénale), et
notamment: des gardes à vue pouvant aller jusqu’à 4 jours, au lieu de 48 heures; l’intervention de
l’avocat au bout de la 72ème heure, et non dès le début de la garde à vue; des écoutes téléphoniques
facilitées; des possibilités, très réglementées, pour filmer ou enregistrer des personnes, y compris dans
des lieux privés; et même la possibilité pour des policiers d’infiltrer des réseaux selon une procédure
très stricte et sous le contrôle des magistrats.
Les lois de prescription sont spécifiques.
Pour les délits “ordinaires”, la prescription de droit commun est en principe de 3 ans. Pour les délits de
trafic de stupéfiants, l’action publique, tout comme la peine, se prescrivent au bout de 20 ans. Cela
signifie que l’on peut poursuivre l’auteur d’un trafic, pendant les 20 années qui suivent; de même pour
l’exécution de sa condamnation.
Pour les crimes, la prescription est normalement de 10 ans. Elle est fixée à 30 ans pour les crimes liés
au trafic de stupéfiants.
(Article 706-31 du CPP).
Les règles de récidive sont également aggravées, du fait des quantum de peines encourues. Pour les
délits, la peine encourue étant de 10 ans, le délai de la récidive est de 10 ans, au lieu de 3 ans pour les
délits “ordinaires”.
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La peine maximum encourue en récidive est normalement doublée, soit 20 ans; et la peine plancher,
qui doit être légalement prononcée par les juridictions à l’encontre de tout récidiviste est de 4 années.
Inutile de vous dire, que lorsque l’on annonce à un prévenu , qui a déjà été condamné, dans un passé
parfois un peu lointain pour lui, à une peine symbolique pour sa participation à un “petit trafic entre
amis”, et qui a de nouveau été interpellé en possession de stupéfiants ou impliqué dans un réseau
d’échange de stupéfiants, qu’il encourt 20 années d’emprisonnement en récidive et que la peine
plancher est de 4 ans., ça jette un froid dans la salle!
La loi permet heureusement au Tribunal de déroger à ces peines plancher, en se fondant sur la nature
de l’infraction, la personnalité de son auteur ou ses perspectives de réinsertion, ce qui est évidemment
courant, puisque les Juges sont là pour adapter les peines aux cas concrets. Mais je fais souvent ce petit
rappel juridique à nos clients de la 8ème chambre, pour leur remettre les idées en place et resituer ces
délits dans l’échelle de gravité des peines.
Inversement, les véritables trafiquants récidivistes « bénéficient » couramment de ces peines-plancher:
en pratique, la peine-plancher de 4 années d'emprisonnement sert souvent de base aux réquisitions du
ministère public et aux peines prononcées par le Tribunal dans les dossiers de trafics organisés commis
par des récidivistes; et ces derniers connaissent parfaitement ces règles.
Ces cas concrets, de l’usager de base au trafiquant d’envergure, sont précisément si variés, que le
législateur à mis à la disposition des magistrats de très nombreuses possibilités d’adaptation des
décisions, aussi bien au stade de l’orientation des poursuites, que des décisions de jugement stricto
sensu.
b) une gamme de décisions de poursuites et de jugement exceptionnellement diversifiée.
Nous avons donc toute une variété de poursuites et de sanctions possibles.
Au niveau des poursuites, je classerai les décisions courantes que l’on peut prendre en trois groupes,
selon qu'elles concernent les usages de stupéfiants, les trafics locaux ou les trafics d’envergure.
La prévention et la répression de l’usage de stupéfiants
L’usage de stupéfiants est appréhendé par la justice, parce qu' il y a une infraction pénale, mais -et ce
n'est pas toujours le cas- la justice va être, dans ce domaine, assez délicate et assez nuancée; on va
pouvoir moduler la décision, qui pourra être: soit un simple rappel à la loi, avec une procédure
extrêmement simplifiée sans garde à vue, comportant un avertissement, qui va rappeler simplement
que l’usage est réprimé; soit des mesures alternatives aux poursuites que je vais exposer rapidement.
Dans ces cas, la poursuite et l'action publique ne sont pas déclenchées et il n'y aura aucune
condamnation sur le casier judiciaire
Ces alternatives aux poursuites sont variées, car on a affaire à des « publics » très différents.
Par exemple, on ne peut pas prendre la même décision pour un usager festif et occasionnel de
cannabis, que pour un consommateur d'héroïne. Ce dernier produit, l'héroïne, provoque rapidement
une très forte addiction; l’héroïnomane est une personne qui devient dépendante dès la première prise
de produit, de telle sorte qu'un consommateur d'héroïne est absolument obsédé par l’idée de subvenir
à sa consommation, souvent quotidienne. Il n’hésitera pas à voler son entourage ou sa famille pour se
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procurer son produit, sa dose indispensable. J'ai par exemple rencontré plusieurs fois le cas de couples
d'héroïnomanes, qui vivent en famille, qui ont des enfants, qui partagent normalement logement, lit et
revenus. Dans cette situation, il n’est pas rare que l’homme et la femme s’approvisionnent chacun de
leur coté, auprès d’un fournisseur différent, et parfois inconnu du conjoint! C'est assez stupéfiant! En
fait, l’importance du produit et la dépendance sont tellement fortes, que chacun veut être sûr d’avoir
sa dose, et va donc garder son propre fournisseur, uniquement pour lui, y compris vis-à-vis de son
conjoint, parce qu’il a « son filon » et ne peut se permettre de le perdre. L’héroïnomane va relever par
excellence de la mesure d’injonction thérapeutique, qui comporte un véritable suivi médical et dont il
sera question cet après midi.
On peut également citer le cas du consommateur de cocaïne, qui lui présente également un autre
profil, souvent occasionnel et « festif ». Ceci dit, on constate malheureusement une diffusion de la
cocaïne dans tous les milieux; et on voit maintenant apparaître ce produit dans les trafics de cités, aux
côtés du cannabis et parfois de l'héroïne. Il est à noter que les trafics de cocaïne et d’héroïne sont
beaucoup plus lucratifs, car ces drogues sont plus chères.
Le magistrat du parquet prendra donc une décision différente en fonction du produit, en fonction de
l’addiction de la personne, en fonction de son âge, de ses antécédents judiciaires, et plus globalement
de son insertion sociale et professionnelle. Cette décision peut être un rappel à la loi (avertissement),
une orientation vers une structure sanitaire ou sociale, une injonction thérapeutique ou un stage de
sensibilisation aux dangers des produits stupéfiants. Je pourrai répondre à vos questions pour
développer ces différents points.
Là, nous restons dans les alternatives pures aux poursuites pénales. Si l’intéressé respecte la mesure
qui a été décidée, s'il se rend à la convocation pour l’orientation sanitaire et sociale, s'il respecte le
protocole de soin pour l’injonction thérapeutique, s'il paye son stage de sensibilisation (250 euros) et
assiste aux deux jours de stage, le parquet va pouvoir classer sans suite la procédure, sans
condamnation judiciaire.
Un classement est toujours provisoire. Après un rappel a la loi, si la personne recommence on peut
reprendre les poursuites sur l’ancienne procédure et la procédure actuelle.
On passe à un stade supérieur avec la composition pénale, qui est une mesure hybride, décidée par le
parquet et homologuée par un magistrat du siège, qui va entrainer une inscription au casier judiciaire,
mais sans pouvoir compter pour la récidive. Cette mesure est ramenée à exécution par les délégués du
procureur. Elle peut comporter soit le paiement d’une amende, soit l’exécution du stage de
sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, soit les deux, avec quelquefois, en plus,
une mesure de suspension du permis de conduire, pour les conducteurs en infraction.
Quand on a à faire à des cas plus graves, on passe au degré supérieur, qui est la répression.
La répression des trafics locaux
Là encore, la justice, face à une réalité très diverse, a plusieurs possibilités d’actions.
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Quand l’enquête est simple et peut être bouclée pendant le temps de la garde à vue, le parquet, en
contact constant avec les enquêteurs (police ou gendarmerie), peut prendre une décision de
convocation en justice pour inviter l’intéressé à comparaître à une audience ultérieure du tribunal
correctionnel: l'intéressé sort alors de sa garde a vue avec une convocation en justice à une date
déterminée pour être jugé.
Une autre mesure consiste à déférer (= présenter sous escorte) la personne gardée à vue au parquet,
qui lui délivre directement cette convocation en justice, avec ou sans mesure de contrôle judiciaire
jusqu'à la date de l'audience. Il s'agit là d'une procédure un peu plus solennelle: l’intéressé, qui a passé
quelquefois plusieurs jours en garde à vue, est amené dans les locaux du tribunal; il rencontre un
magistrat du parquet, qui l’avertit des conditions de la poursuite et lui remet une convocation pour une
date de jugement.
Une autre mesure plus grave peut être décidée dans les trafics plus consistants, la comparution
immédiate : l’intéressé va être déféré au parquet, puis traduit devant le tribunal pour jugement,
immédiatement au sortir de la garde à vue. S'il prononce une peine d'emprisonnement ferme, le
tribunal peut décider que l'intéressé ira immédiatement en prison pour effectuer sa peine, en
décernant un mandat de dépôt à l'audience.
C’est une procédure très couramment utilisée, entraînant une réponse immédiate. Il y a chaque
semaine plusieurs affaires jugées selon cette procédure rapide au Tribunal de Versailles. On peut traiter
de cette façon les trafics de cités dont a parlé Monsieur le Commissaire Masson, mais aussi des affaires
plus importantes, comme par exemple des grosses saisies de produits stupéfiants par les Douanes,
dont on sait qu’elles ne déboucheront pas sur des actes d’enquêtes intéressants, parce que les
conditions ne le permettent pas.
La répression des trafics d’envergure
Au stade supérieur, on a bien sûr la possibilité d’ouvrir une information judiciaire, c'est à dire de saisir
un Juge d'instruction chargé de poursuivre l'enquête.
Le recours à un Juge d'instruction est courant dans ces affaires et absolument indispensable, dès lors
qu’on veut démanteler -justement- les organisations dont je parlais tout à l’heure, qui sont des
organisations toujours malfaisantes, et souvent élaborées, sophistiquées et puissantes.
Il est évident que lorsqu’on démantèle un petit trafic de cité, un trafic de rue, on découvre une petite
infrastructure. Mais il est tout de même intéressant et indispensable de ne pas s’arrêter aux trafics de
cité, et de se donner le temps et les moyens d’investiguer pour démanteler les organisations qui
approvisionnent ces réseaux de reventes.
Encore une fois, cette matière est particulière, parce que les enquêteurs peuvent suivre et observer le
trafic et les trafiquants, avant de décider d'intervenir et de procéder aux arrestations.
Je m'explique: quand vous avez une action criminelle, un crime un délit, un cambriolage, une agression
de personne: il y a d’abord agression; ensuite il y a la plainte et on recherche les auteurs.
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En matière de trafic de produits stupéfiants, il n'y a pas de plainte, on sait qu’il y a un trafic; on ne va
pas « foncer » tout de suite pour interpeller des consommateurs ou des petits revendeurs. On va se
donner les moyens d’observer le trafic avec différentes investigations: des écoutes téléphoniques, des
filatures, des surveillances, des informations de consommateurs, entendus en qualité de simples
témoins... On va observer le trafic et tenter de définir sa configuration et les rôles des différentes
personnes pendant plusieurs mois, pour essayer ensuite de faire un flagrant délit c'est-à-dire
d’interpeller les gens en pleine action.
Quand le trafic est important ou complexe, il est donc indispensable de saisir un Juge d'instruction pour
poursuivre les investigations et les arrestations dans le temps, avec des possibilités de détentions
provisoires. A la fin de l'instruction, l’affaire viendra en jugement devant le Tribunal.
La justice a des moyens qui se sont adaptés à la matière, et pour mémoire simplement, je n’ai parlé que
des poursuites, mais cette variété des décisions existe également en phase de jugement.
Les magistrats du parquet quand ils requièrent et les juges du siège quand ils jugent, ont un grand choix
de peines, avec tout un « dégradé » et notamment: dispense de peine, amende, prison avec sursis,
travail d’intérêt général, sursis avec mise à l’épreuve avec obligation de soins pour les consommateurs,
jours amendes , peines de prison ferme (aménageables par le Juge d'application des peines, jusqu’à
deux années d’emprisonnements), semi liberté, bracelet électronique, sans oublier les peines de
réclusions criminelles qui sont tout en haut de l’échelle.
En conclusion, je dirais simplement que les stupéfiants sont une matière qui m’a toujours passionnée
depuis que je suis magistrate, notamment pour deux raisons.
Au sommet, le démantèlement des trafics et des organisations donne lieu à des enquêtes et à des
investigations particulièrement intéressantes, menées sur le long terme et avec des moyens
appropriés.
A la base, l’usager dépendant est souvent un individu qui traîne avec lui toutes sortes de
problématiques personnelles. Il est toujours intéressant et justifié de chercher à les comprendre, pour
tenter de prendre la bonne décision au bon moment.
C’est cette dimension très personnelle de l’addiction, qui nécessite notamment l’intervention non
seulement de médecins, mais aussi souvent de psychologues et de psychiatres, en général spécialisés.
Mais je crois que c’est précisément ces aspects de l’addiction et sa dimension très personnelle, quasiaffective, qui seront abordés cet après-midi.
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Frédéric CHAMPAGNE, Avocat au Barreau de Versailles
Quelques mots sur le point de vue de l’avocat en matière de toxicomanie
Son rôle, est assez vaste, nous intervenons dans un large cadre de qualifications pénales : il peut aller
de simples consommations jusqu’à la défense de personnes impliquées dans les trafics de stupéfiants
devant la Cour d’Assises.
L’avocat en matière de stupéfiants est assez mal vu, je le crains.
Il serait celui qui interviendrait dans des dossiers sous la pression de personnes hautement placées
dans un trafic de stupéfiants, un peu l’empêcheur d’instruire. Or ce n’est pas le cas, fort heureusement,
dans notre quotidien, qui est plus humble, surtout beaucoup plus transparent.
L’aspect de la toxicomanie dans laquelle nous intervenons le moins est sans doute celui de la stricte
consommation. L’avocat intervient très peu et est rarement requis par les personnes concernées.
L’aspect nous intéressant directement est souvent celle des conduites sous l’empire de l état alcoolique
et de stupéfiants, en l’occurrence la résine de cannabis.
Notre marge de manœuvre a fondu aussi vite que celle du Juge, concernant les personnes qui
commettent ces infractions.
Le législateur a envisagé que les suspensions de permis de conduire ne soient plus aménageables. Et le
Juge a perdu cette faculté d’appréciation, le législateur démontrant une sorte de défiance concrétisée
en bien d’autres endroits du code, par les peines planchers par exemple.
Ces textes conduisent à supprimer au Juge du siège certains de ses pouvoirs d’appréciation quant à la
peine qui serait la plus juste.
Ils nous conduisent, nous avocats, à présenter une défense qui souvent, après avoir vérifier la validité
de la procédure, se réduit à demander une diminution des peines qui impactent directement les
personnes concernées, à savoir le fait de garder pour eux ou pas leur permis de conduire, le fait de
sauvegarder leur outil de travail ou l’emploi lui-même.
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OBSERVATION
Techniquement, la conduite sous état alcoolique nous pose assez peu de problème, on sait relever le
taux d’alcool dans l’air expiré, dans le sang, nous connaissons les dosages et nous pouvons les
quantifier.
Ces contrôles sont d’ailleurs assez bien encadrés par les dispositions législatives ou règlementaires.
Ce n’est pas la même chose, concernant la conduite sous l’emprise de stupéfiants.
Pour la défense cela pose un problème double à savoir, qu’il n’est évidemment pas question de
permettre à une personne ayant consommé plusieurs joints de cannabis et de conduire, et de ne pas
pouvoir être poursuivie. Celui qui consomme deux verres de vin et qui possède peut-être un peu plus
ses moyens que celle-ci, sera par ailleurs poursuivi.
Il fallait donc sans doute un texte, mais aujourd’hui, techniquement et scientifiquement, nous sommes
gênés. En effet, le dépistage technique de la résine de cannabis pour un conducteur, est bipolaire c'està-dire positif ou négatif. Et nous savons que la personne a consommé dans un délai qui précède la
conduite du véhicule mais qui est assez large et finalement imprécis.
Cela pose un très grand problème car nous avons du mal à déterminer l’impact de cette consommation
quantitativement et qualitativement sur le comportement de la personne.
Ce peut être le cas dans certains dossiers, en matière d’accidents de la circulation par exemple, où l’on
sait pertinemment que les causes de l’accident ne sont pas les produits stupéfiants, mais que la
personne réagit positivement au dépistage.
Nous avons alors cette circonstance aggravante pouvant changer la donne devant le Tribunal
Correctionnel, qui selon mon avis n’est pas totalement adaptée et insuffisamment cadrée par rapport
au parallèle que l’on peut faire avec la conduite sous l’empire d’un état alcoolique.
Viennent ensuite les dossiers de trafic de stupéfiants. En tant qu’avocat, nous constatons que personne
n’est à l’abri. Certaines banlieues du département ne sont pas connues pour leur aspect défavorisé
socialement…
En périphérie de Versailles, vous pouvez voir de jolies banlieues avec des espaces verts où
manifestement personne ne manque de rien, et pour autant le trafic de stupéfiants et la
consommation de drogues dures y sont un véritable fléau.
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Nous voyons de tout dans nos cabinets.
Personne n’est à l’abri, la consommation de stupéfiants n’est pas réservée à ceux qui souffrent d’un
mal de vivre où de difficultés sociales, elle peut toucher absolument n’importe qui.
Dans nos cabinets, nous recevons des parents venant absolument d’horizons différents divers et variés.
Pour avoir souvent rencontré des parents, des jeunes, des enfants impliqués dans ce genre de dossier,
j’ai été le témoin des effets dévastateurs dans le cadre de la cellule familiale, que peut avoir la
consommation de produits stupéfiants.
Des parents en bout de course parce que tout avait été essayé, me confesser dans le bureau :
-
« je souhaiterai qu’il soit incarcéré », - « je souhaiterai qu’il soit incarcéré parce que la
dernière fois il m’a volé, la télé a disparue, et je sais que c’est lui qu’il l’a fait pour la vendre
pour ensuite acheter sa consommation. Il vole de l’argent à son père,… »
Nous voyons des cellules familiales exploser littéralement. Ce sont des dommages collatéraux que nous
devons tous prendre en compte car ils vont influer sur la réponse que l’institution judiciaire va pouvoir
donner.
Nous avons des parents qui ne sont pas toujours démissionnaires mais découragés et qui ne peuvent
plus offrir de solution lorsque l’institution judiciaire le requiert.
L’intervention des avocats se situe premièrement en phase d’’instruction
Le parquet ouvre une information judiciaire sur des trafiquants, consommateurs impliqués dans un
trafic, nous intervenons.
Les premières questions qui doivent être posées sont sans doute les suivantes:
-
Lorsqu’il y a détention provisoire, est-ce que la personne est malade ?
-
Y a-t-il une prise en charge thérapeutique au sein des maisons d’arrêt ?
Faute de moyens, cette prise en charge est totalement insuffisante. Il n’est pas vrai de dire aujourd’hui
que les toxicomanes sont de façon satisfaisante pris en charge au sein des maisons d’arrêt. Trop peu de
psychologues, de médecins.
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De plus il y a un trafic de produits de substitution, très difficile à enrayer pour l’administration
pénitentiaire. En effet, la personne se dit toxicomane, souvent à juste titre, réclame un produit de
substitution, et ne le consomme pas.
Après un certain temps, la personne est en mesure de produire une quantité suffisante destinée à la
vente à d’autres toxicomanes au sein de la prison qui vont le consommer non pas comme un produit de
substitution mais comme un stupéfiant.
Les trafics de produits stupéfiants ainsi que les téléphones portables existent au sein des maisons
d’arrêts.
De plus en plus, nous avons la surprise d’être contactés téléphoniquement par nos clients en dehors de
tout cadre légal…
Les produits stupéfiants rentrent par tous les moyens possibles et inimaginables ( Ex : à la prison de
Bois d’Arcy, les balles de tennis jetées en cours de promenade).
Ils entrent quelques fois également par l’intermédiaire des parloirs…
Il est difficile pour les surveillants, en terme d’investigations internes, de stopper tous les trafics car des
contrôles permanents mettent le « feu » aux maisons d’arrêt.
Il y a beaucoup de délinquants malades, qui essayent de trouver une solution à leur toxicomanie y
compris pendant la phase de détention provisoire, et se heurtent à une insuffisance de moyens, mais
pas à une insuffisance de volonté.
Dans le cadre des audiences, notre rôle qui est de sensibiliser le toxicomane délinquant, pas le simple
revendeur, également sur l’importance des soins. Nous nous trouvons tiraillés. En effet, il est évident
que notre objectif va être de faire en sorte que notre démarche soit sincère. L’intérêt judiciaire passe
avant même l’intérêt sanitaire du client.
Nous devons les sensibiliser à l’importance de leur démarche, par exemple pendant la période de
détention provisoire ou pendant la période de liberté précédant l’audience, pour démontrer au Juge,
qu’ils ont une véritable volonté de s’en sortir.
Cela n’est pas toujours facile, certains manquent de sincérité, d’autres sont en souffrances et tentent
désespérément de rompre cette terrible chaîne les liant à la toxicomanie.
En tant qu’avocat je trouve les Juges du siège un peu sévères, notamment dans les résultats qu’ils
attendent du toxicomane.
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Il existe un vrai paradoxe. Vous avez un premier jugement, et malheureusement la personne récidive,
et le Juge de lui dire qu’il n’a pas su écouter le 1er avertissement, que reste-t-il comme solution à part
l’emprisonnement ?
Il est difficile de proposer une solution, mais ce qui frappe c’est l’impatience du Juge.
Ce que nous regrettons en tant qu’avocats, faute de moyens vraisemblablement, c’est que l’échec des
toxicomanes leur est reproché après une première mesure, mais que cette dernière n’a jamais
vraiment été mise en œuvre !
Nos moyens, même s’ils sont faibles, nous devons les proposer au Juge, proposer des choses
construites et cohérentes et de ne pas se contenter de critiquer.
Nous avons le sentiment, que l’on peut parler de drogues dures ou très dures, mais que nous n’avons
pas le droit de parler de douces ou plus douces : c’est un débat tronqué devant certaines juridictions.
Quelques chiffres : Nombre de consommateur fumant du cannabis par an : 1 français sur 4
Le législateur doit réagir sur ces chiffres en adaptant ses réponses, tant sur le plan préventif que
repressif…
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Monsieur Jacques JUNGMAN, Psychiatre des hôpitaux psychanalyste
chef de service
Je ne sais pas si je vais compléter ce qui a été dit précédemment ; il y a des points sur lesquels je
retrouve des situations communes.
C’est un débat un peu difficile que celui de l’injonction thérapeutique :
Qu’est-ce qu’on en fait ?
Comment s’en sert-on? Comment un lieu de soin spécialisé peut il répondre avec pertinence à une
décision de justice.
Le point de vue n’est pas le même quand on s’intéresse à ce qu’en pensent les intéressés, les sujets
toxicomanes, ou ce que les médecins, les psychiatres peuvent penser de cette loi. Il y a comme un
écart entre les deux, parce qu’à priori on retrouve une bipolarité dans cette politique en matière de
toxicomanie en France, et en Europe :
D’un côté il est interdit de consommer des substances classées drogues par voie réglementaire, c’est
un règlement et non pas les qualités chimiques de la substance qui déterminent ce qu’est une drogue
ou ce qui ne l’est pas. Ce qui détermine ce classement, provient de l’origine du produit, il doit être
étranger à nos coutumes et à notre culture. Nous savons bien que le vin est notre toxicomanie
nationale et occasionne plusieurs dizaines de milliers de morts chaque année mais qui pourtant, n’est
pas marqué par un interdit légal pour un simple consommateur.
Ainsi, d’un côté, le toxicomane aux substances illicites est considéré comme un drogué, donc comme
un délinquant qui relève de la justice. D’un autre côté, il est considéré comme quelqu’un qui est tenu
de se soigner, comme un malade qui a droit aux soins gratuits– anonymes. On devrait donc dire que
c’est un « délinquant malade » …
Et cette apparente contradiction, tout le monde la relève depuis que cette loi existe, depuis qu’il existe
des centres spécialisés pour accueillir ces problématiques, - tout le monde relève la contradiction de
cette loi de 1970 ?? Délinquant ou malade etc.
Je m’aperçois qu’on travaille avec ça, et que cette contradiction est relevée principalement par ceux
qui ne sont pas toxicomanes :
En effet, j’ai interrogé à plusieurs reprises des patients du service et je leur ai dit « qu’est-ce que vous
pensez, « Vous », de cette loi ? ».
J’ai des réponses toutes fraîches d’hier par exemple, celle d’un garçon qui consomme depuis des
années, qui a la chance d’avoir un travail -parce nous n’en avons que 15% qui travaillent- Donc il me
dit : « bah c’est un effet répressif, je me suis fais choper, je le savais très bien malgré moi que je n’avais
pas le droit. Quand je le faisais je savais que je me ferai rechopper et quand ça m’arrive, quand je suis
intercepté par la loi comme ça, je me jure que plus jamais j’en reprendrai. » Et il ajoute : « sur le
moment. Ça peut aider, dit-il, à s’arrêter dans un moment initial après ça repart ». « Ça dépend du
mode de réponse du thérapeute », ça c’est moi qui le rajoute, et il était d’accord avec moi : cela
dépend où vous allez, qui vous reçoit, et dans quel discours dans lequel l’institution va s’inscrire.
Pour illustrer mon propos, je vais présenter le travail que l’on fait au travers de quelques vignettes de
patients intéressés eux-mêmes par commenter cette loi.
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Voilà donc l’avis d’un autre garçon très sympathique qui est quand même très malin, qui a fait des
bêtises « pas graves » Il a beaucoup volé et a commis pas mal de petits délits. Actuellement, il est en
semi-liberté jusqu’en octobre, il rentre dormir à Corbeil toutes les nuits depuis trois mois il dit que : «
l’injonction thérapeutique, ça m’a aidé, ça m’a calmé, ça m’a fait peur », ce n’est pas d’une grande
philosophie mais il m’a dit deux choses : « vous comprenez, il ne faut pas en prendre parce que il y a de
la came pour le plaisir et de la came pour mourir » et il me dit « faut durcir la loi » ; je lui demande «
mais vous c’était de la came pour le plaisir ou de la came pour mourir ? » il me répond « moi les deux ».
En fait de qui je parle ? A partir de quoi je parle ? A partir de quel témoignage je parle ? En 1988, le
ministère de la santé a souhaité enrichir nos réponses soignantes d’un dispositif spécialisé : Le projet
Terrasse a été retenu en raison des multiplicités des problématiques sociales, psychiatriques et de
toxicomanie. Les statistiques sur le 18ème arrondissement recensent une très forte concentration de
ces questions et notamment de délinquance en matière de trafic et d’usage de drogues. .
Qui voyons-nous dans le service. Nous, nous rencontrons à 90% que des personnes qui consomment
des drogues au quotidien et qui sur le plan social ont distendu ou rompu leurs liens avec leurs familles.
Les huit-dixième ne travaillent pas ou n’ont jamais travaillé sauf par intermittence.
Je vais en dire deux-trois mots :
Dès lors que l’on se décentre de la question qui porte sur l’objet incriminé, la drogue, nous recueillons
un savoir qui éclaire et réactive de façon inattendue pour le sujet des éléments sensibles de son
histoire familiale. Notre option consiste à dé fétichiser l’objet drogue de telle sorte de ne pas en faire la
raison profonde de tous ses malheurs.
Ce que je dis là n’est pas en conformité avec les discours actuels. Les services d’addictologie sont en
pleine croissance. Ils ont comme mission, de traiter principalement le problème de la dépendance. Ces
services s’intéressent aux addictions en tout genre.
L’addiction aux produits, mais aussi l’addiction au comportement, aux achats compulsifs, sexe, vidéo,
jeux. Les thérapies comportementales et motivationnelles rééduquent le Moi du sujet jusqu’à
l’obtention d’une maitrise de son symptôme.
Il s’agit là d’apprendre à gérer, angoisses, troubles divers. L’homme comportemental, comme le
nomme Roland GORI, doit savoir gérer ses émotions se voulant en conformité avec ce concept de
« Santé Mentale ». Le symptôme du sujet, quant à lui reste inentamé sur sa signification. Il sera donc
déplacé, refoulé, masqué, maitrisé, anesthésié ou édulcoré par les médications psychotropes. Je
rappelle que la France est sur le podium mondial de consommation de tranquillisants, hypnotiques, et
anti dépresseurs.
Qu’est ce qu’on peut avancer sur ces patients qui nous fréquentent et qui sont dans la toxicomanie au
quotidien ?
On peut affirmer que ces produits ont un effet toxique, nuisible et qui vient précipiter, accélérer ou
révéler des problématiques antérieures. Le symptôme névrotique ou psychotique est exacerbé et voit
ses défenses dissoutes. Ils ont une fonction de remède, c'est-à-dire que les gens qui en prennent ne
sont pas niais, ni que masochistes. Ils les prennent pour trouver soit un mode de soulagement
anesthésiant les douleurs psychiques, soit un mode d’identification : « je suis toxicomane ».
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Actuellement, presque 35 à 40 % des patients sont psychotiques. Ces psychoses ne sont pas
secondaires aux effets des drogues mais antérieures à l’entrée en toxicomanie.
Ceci modifie profondément la pratique traditionnelle de la psychiatrie, sachant que le 9/10ème de ces
patients ne s’adresseront pas et ne seront pas traités initialement pour leurs pathologies
psychiatriques.
Comme je l’évoquais il y a quelques instants pour nombre de ces psychoses, la toxicomanie représente
aussi un mode identificatoire, (appartenance à un groupe social, anonymat du sujet qui devient un
usager de drogue, réduction du langage qui n’engage plus une parole singulière mais des signes : came,
galère, deal, shit, overdose…).
Donc, aujourd’hui on a affaire à un nouveau phénomène qui n’était pas annoncé et auquel je ne
m’attendais absolument pas. Les psychotiques consomment 5 fois plus de drogue que la population
générale. Pourtant, il n’y a pas plus de psychoses en France aujourd’hui qu’il y a dix ans, mais il y a 5
fois plus de psychotiques qui prennent des drogues ces 10 dernières années.
Notre service reçoit une majorité de psychotiques non traités et non diagnostiqués. Et donc
malheureusement beaucoup de jeunes psychiatres, ou de psychiatres insuffisamment formés à cette
clinique spécifique vont considérer qu’ils relèvent uniquement des problématiques pathologiques liées
à l’usage des produits ; en fait ce sont des sujets qui peuvent délirer sous produits mais qui ont des
troubles psychotiques en dehors des délires et en dehors des excès lié à l’intoxication.
Comme je le dis la drogue n’arrange rien bien quelle soulage, qu’elle anesthésie beaucoup de douleurs
psychologiques. Elle va précipiter les problématiques et s’aggraver malheureusement trop souvent par
les infections HIV et hépatite C qui sont aujourd’hui très inquiétantes.
Si l’on banalise la fascination ou la répulsion que suscite la drogue et que l’on se met dans une position
d’ignorance faussement naïve, on peut avoir le dialogue suivant : Bonjour, je viens vous voir pour un
traitement, Réponse : Oui, qu’est ce qui vous arrive ? Réponse : Eh bien je suis toxicomane, Question :
Depuis combien de temps ? Réponse : Depuis dix ans », Question : Pourquoi venez-vous aujourd’hui ?
Réponse : Ben je suis malade, il faut me donner un traitement … Question : Qu’est-ce qui se passe
aujourd’hui, qu’est-ce qui vous arrive ? ….
Voilà donc on commence à parler, à les écouter.
Les entretiens prolongés témoignent que les 9/10ème des patients ont vécu des problématiques
psychoaffectives dès leur préadolescence. Celles-ci n’ont jamais été repérées en période scolaire
laissant les symptômes du sujet s’installer progressivement dans une famille dépassée par la
symptomatologie et parfois même par la simple présence de leur enfant. Ni les services sociaux, ni la
psychologie scolaire ne sont aujourd’hui suffisamment présents pour faciliter un travail de prévention
et d’accompagnement de l’enfant et de sa famille.
Nos quartiers n’offrent pas des espaces adaptés pour parler de ces difficultés comme avait su le faire
Françoise DOLTO avec sa « Maison Verte ».
Donc on voit des sujets qui vont progressivement aggraver et objectiver leurs problématiques par tout
un type de comportements, dont des passages à l’acte ; des passages à l’acte souvent motivés par le
fait que pour des raisons psycho-pathologiques le désir, la forme que prend le désir de ces patients se
traduit et se résorbe dans la demande d’objet de la réalité.
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Contrairement à nous, , nous pouvons nous rassembler aujourd’hui à 15h au tribunal dans la salle des
assises pour écouter, comprendre et débattre sur des questions purement symboliques, c'est-à-dire
que nous, notre désir est mu par des objets insaisissables, toujours ailleurs, et jamais satisfaisants. Les
objets de la réalité ne suffisent pas à le combler ou à l’éteindre. Vous n’êtes pas obligé de considérer
que la seule chose qui puisse vous satisfaire dans l’ instant aujourd’hui c’est de prendre une drogue
anesthésiante, une « défonce » ou d’avoir l’irrésistible impulsion d’aller acquérir , voir de voler une
paire de Nike, ou pour d’autres, d’acheter une Rolex. Nous pouvons surseoir, différer tout cela.
Beaucoup de sujets toxicomanes semblent pris dans cette aliénation de s’octroyer des objets
saisissables. Quel est l’objet qui sur le marché licite ou illicite dépasse tous ses concurrents sinon l’objet
drogue ! Nous sommes là dans l’économie de marché où l’échange de la camelote vient faire écran à ce
qui est constitué par de la matière symbolique : Une reconnaissance, une parole d’amour, un diplôme,
un acte social…
Voilà ce préliminaire pour vous présenter le quotidien de ce que notre institution est amenée à
travailler et composer.
Alors l’injonction thérapeutique, que pouvons nous en penser ?
Comment une institution de soin, dite spécialisée peut elle travailler avec ce qui paraît comporter une
contradiction : Obligation, Injonction à se traiter ?
Il faut savoir que c’est souvent dans une situation de crise que le sujet se voit contraint de consulter.
Ici, c’est la rencontre « malencontreuse, une malchance avec la loi » ?
S’il admet être encombré de sa dépendance aliénante, il se plaindra malgré tout de l’arbitraire de la
justice puisque on le condamne pour simple usage et qu’il ne trafique pas. A juste titre, il avancera que
l’usage de l’alcool n’est jamais sanctionné. Cependant, dans un second temps, il en viendra à exprimer
sa « galère », les affres de sa vie quotidienne, la prédominance des turbulences et des désagréments
qui la remplisse.
Mais lorsqu’il évoque son rapport à la loi, à quelque autorité que ce soit il s’implique, il fait valoir sa
subjectivité et s’ouvre ainsi sur sa problématique de sujet et ses angoisses associées.
On voit qu’ainsi, à partir de cet élément extérieur, la loi de 1970 et de son intervention sur le sujet,
qu’il est possible de sortir de son anonymat pour attendre et entendre le moment ou le sujet va passer
du général au singulier. La loi de 1970 peut réanimer la part inconsciente, celle qu’entretient le sujet
avec les référents de la loi et de l’autorité. Pour certains sujets toxicomanes, cette loi de 1970 fera acte
d’une part, et un arrêt dans la réalité d’une trajectoire qui autrement peut-être sans fin.
Elle vient signifier une limite, un réel prescrit pas le législateur. Nous pouvons considérer que tout ceci
vient certainement agir là où les limites symboliques du sujet ne sont ni opérantes ni efficaces. La loi
positive vient se substituer dans la réalité à ce qui ne connaissait comme limite que l’accident,
l’overdose, le coma…La Mort…
Ceci s’inscrit dans une réflexion qui est la mienne à savoir que la toxicomanie est la clinique d’une crise
annoncée. Autrement dit, celui qui s’installe et s’aliène au pouvoir des drogues, programme une
rencontre obligée à un moment donné avec la loi, de la famille, du médecin, du policier, et enfin du
juge.
Tôt ou tard, un de ces interlocuteurs s’interposera et interrompra un circuit inéluctablement infernal et
sans fin. C’est pourquoi on peut considérer que même si apparemment, cette loi de 1970 est étrangère
au champ thérapeutique, le clinicien peut l’utiliser comme un de ces moments, peut être salvateurs qui
viendrait entraver une descente aux enfers programmée par le sujet.
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Pour terminer, l’institution de soin doit se dissocier de l’institution judiciaire en temps qu’elle n’est pas
là pour moraliser, juger, condamner, menacer le sujet de sanction judiciaire ou autre.
C’est bien d’une alternative laissée à l’appréciation du juge qui nous est proposée. A nous, par
conséquent d’y répondre de notre lieu dans une offre d’écoute qui par sa parole le restitue comme
sujet, comme le responsable et l’auteur de son acte quand bien même il viendrait s’en plaindre au
premier temps de la rencontre.
Voilà quelques éléments de réflexions, qui j’espère, permettront d’enrichir notre débat.
Je vous remercie.
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Jean-Claude ROLLAND, Médecin en charge des injonctions thérapeutiques
Qu’attendre des Injonctions Thérapeutiques en 2010.
Nous avons mis en place à la demande du substitut du Procureur en 2000,les injonctions sur le
départements des Yvelines Celles-ci se décomposent dès lors, en deux mesures la premières appelée à
proprement parlé l’injonction thérapeutique dont le suivi reste assuré par un médecin issu de la DDASS
et ayant une durée de dix mois à partir de la date de notification avec retour en fin de mesure d’un avis
au Parquet des Yvelines, la deuxième le Classement avec orientation dont le suivi est assuré par deux
psychologues et d’une durée approximative de trois mois à partir de l’interpellation et ne donnant
aucune poursuite pénale à proprement parlé en général réservé aux usagers de Cannabis.
Nous avons une file active d’environ 300 usagers/an dont 90% sont des sujets de sexe masculin, le plus
souvent jeunes majeurs bien que cette population ait tendance à voir sa moyenne d’âge vieillir depuis
environ 3 ans. Peut-être est-ce du au mode d’interpellation (apparition des tests salivaires ?).
Nous avons eu une petite proportion de sujets relevant ou ayant relevé d’un milieu spécialisé (environ
7%) et présentant lors de l’entretien un état psychiatrique patent. De même nous avons très peu de
patients suivis pour une pathologie infectieuse (HIV, HV B, HV C), toutefois nos patients restent très
peu médicalisés, de même si le test de dépistage leur est fortement conseillé lors du premier entretien,
très peu dise l’avoir pratiqué en fin d’injonction.
Cette mesure pré-sanctionnelle se donnait pour conséquence d’orienter nos usagers vers des
structures médicalisées (CSST, CSAPA,..) de façon à permettre une prise en charge globale et de
sensibiliser l’usager à la prise des différents produits par une éducation sanitaire, voire une réduction
des risques.
En ce qui concerne les produits, nous avons vu diminuer ces dernières années les usagers de produits
festifs tels quelles Speeds (Ecstasy, LSD, champignons…) au profit d’une utilisation de la Cocaïne
poudre.
Notons que peu de patients durant ces dix années d’injonction ont été mis sous traitement de
substitution durant la période injonctionnelle.
Beaucoup de nos usagers ont exprimé l’intérêt de la mesure dans le cadre de leur toxicomanie, en
soulignant un arrêt ou une diminution des prises. Une étude longitudinale serait souhaitable dans ce
sens, afin de conclure à la pérennité de cette modification de la consommation.
Je crois utile également, de proposer une harmonisation régionale voire nationale de cette mesure, les
durées, les prises en charge, variant d’un département à l’autre. Peut-être serait-il souhaitable de créer
une réunion annuelle à ce sujet.
On peut se poser la question du sens psychiatrique et pénale de cette mesure. La mesure d’injonction
thérapeutique reste souvent prononcée par le Tribunal d’interpellation, mais le suivi de l’injonction
est assuré par le médecin du domicile du patient. Nombreuses sont les ‘injonctions thérapeutiques
dans les Yvelines prononcées par le Tribunal de Paris avec de long délais de transmission du dossier
pénal. Les produits de substitution, sont très souvent donnés par des médecins exerçant en centres de
soins spécialisés. Le subutex reste prescrit par des médecins de ville ayant une formation minimale sur
la toxicomanie.
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Soulignons que chaque usager n’utilise pas un produit par hasard. Il va y avoir une équation entre le
produit et l’usager. Si le produit ne lui va pas c'est-à-dire trop sédatif ou trop « speedant », il n’hésitera
pas à en changer voire à les associer.
Il existe 4 grands groupes de produits :
- Les morphiniques dont le chef de file est l’Opium (Héroïne, Morphine, Codéine)
- la cocaïne et tous ses dérivés comme le crack,
- les amphétaminiques, l’ecstasy, le LSD, la MDNA
- les poppers, les champignons.
Soulignons que nos usagers sont constamment à la recherche de nouveaux produits, ainsi récemment
des patients en injonction utilisant une plante appelée la Datura, fleur ornementale dont ils faisaient
des décoctions se sont vus passer un long séjour en milieu spécialisé clos.
Questions par rapports aux drogues (cannabis, crack, cocaïne, héroïne)
Sera-t-il possible de mesurer le taux de drogue dans le sang, si oui à partir de quel seuil ? (comme le
taux d’alcool dans le sang).
Face à l’évolution des techniques, nous aurons très probablement la possibilité d’avoir à notre
disposition des testeurs qualitatifs puis quantitatifs des différents « groupes » de produits ?rappelons
cependant la diversité des produits ainsi que l’ingéniosité des usagers…
Peut-on définir un seuil minimum ?
La Loi aura toujours à définir des seuils de dangerosité des produits, soulignons là encore, que nous
sommes en face d’une équation à deux inconnues à savoir le seuil minimal de dangerosité que définit la
Loi et la deuxième qui est l’usager avec son propre métabolisme. Le seuil minimal serait le taux zéro
produit…
Existe-il d’autres médecins-relais et qu’en pensez-vous ?
Devant la pénurie de médecins désirant assurer le suivi pénal des Injonctions Thérapeutiques, des
médecins dits relais, volontaires libéraux ont été cooptés pour assurer ce suivi. De tels médecins sont
actuellement présents à Paris.
Personnellement, je crois difficile d’assurer correctement un tel suivi assorti d’un rappel à la loi au sein
d’une consultation libérale pour des motifs que chacun comprendra, assorti des mesures de
rémunération spécifique.
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Lionel CHAZALY, Psychologue Clinicien de l’association OPPELIA
Nous intervenons au nom d’un service qui est la POSS (permanence d’orientation sanitaire et
sociale) étant une particularité des Yvelines, crée il y a 10 ans par l’association IPT (Information
Prévention Toxicomanie) intervenant dans les champs de la prévention surtout sur le réseau mantois.
Ce service reçoit tous les consommateurs de cannabis interpellés sur le département et entrant dans le
cadre d’un classement par orientation sanitaire et sociale (COSS), application directe des textes de loi
sur les sanctions possibles dans le cadre des ILS (infraction à la législation sur les stupéfiants).
Aujourd’hui, ce service est rattaché à l’association OPPELIA, regroupant des structures de soins et de
prévention dans les champs des addictions des départements du 91, 92, 78 (depuis peu), quelques
villes en province (Le Havre, etc.…).
Le classement avec orientation sanitaire et sociale est une forme d’injonction thérapeutique en peu
plus « light ». D’une durée de 4 mois, l’objectif principal est de permettre au consommateur de
cannabis de pouvoir rencontrer un professionnel du champ sanitaire et social, souvent pour la
première fois, et de prendre un peu de distance sur sa consommation. Le 1er rendez-vous a lieu au
tribunal, pour bien signifier qu’il s’agit d’une mesure alternative de justice, puis les rendez-vous
suivants ont lieu au sein même des ARS (Agence Régionale de Santé).
L’accompagnement se fait au travers d’entretiens, espace de parole sans jugement, et vise à évaluer la
consommation, en répondant à des questions comme « où en est la personne dans sa consommation,
comment est ce qu’il vit la mesure… ». La personne, si elle le souhaite, peut y exprimer une demande,
y exposer un problème ou une situation, et en réponse, mise en lien avec une structure spécialisée en
parallèle ou en fin de mesure. Ainsi, l’usager est accueilli dans sa globalité, avec son histoire
personnelle, et les liens qu’il fait avec la consommation du ou des produits.
Le COSS permet aussi de proposer une réponse judiciaire qui différencie le consommateur de cannabis
de celui d’autre(s) produit(s).
Sur un autre axe de travail, cette mesure nous facilite la mise en lien entre les différentes structures qui
peuvent exister, que ce soit dans la sphère sociale, médicale, psychologique ou éducative.
A propos des usages des drogues, les termes « dures » et « douces » sont souvent revenus dans le
débat. Or cette distinction n’a plus lieu d’être car il existe fréquemment plusieurs usages possibles pour
un même produit. Ainsi, il est tout à fait possible de faire un usage « dur » d’une substance réputée
« douce ».
De plus, il me parait important de rappeler que nous ne sommes pas tous égaux devant ces produits,
beaucoup de facteurs rentrent en ligne de compte, au-delà des troubles psychologiques, notamment
l’âge, le sexe, le poids, l’humeur dans laquelle nous nous trouvons au moment où nous consommons le
produit, etc.….
Concernant les usages, nous n’avons pas encore parlé des usages dits « récréatifs » où il est d’avantage
question de plaisir que de soulager ses douleurs par l’intermédiaire d’un produit comme pour les
usages dits « thérapeutiques ». Cette précision nous amène à réfléchir sur les sens que peut prendre la
consommation d’un produit.
Très souvent, lorsqu’il y a consommation de tel ou tel produit stupéfiant, mais pas uniquement, au
début surtout, le but qui y est recherché est celui du plaisir. D’ailleurs, en poussant la réflexion, s’il n’y
avait pas cette promesse de plaisir, l’usager n’irait pas voir ce que cela fait. Ainsi, pour de nombreux
usagers, qu’il soit dans un usage récréatif, nocif ou problématique, très souvent il a été question de
plaisir dans le commencement.
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Ce sont ces types de discutions qui sont proposées sur la permanence d’orientation sanitaire et sociale
aux consommateurs de cannabis. En effet, il paraît important aujourd’hui de prendre le temps d’avoir
cette réflexion face au produit cannabis, et d’autres d’ailleurs, qui sont tellement banalisé que ceux qui
en consomment (les plus jeunes et les moins jeunes) ne se posent plus de questions. Ils peuvent en
être usager pour faire comme les autres, pour intégrer un groupe, pour se remarquer ou faire
l’intéressant, etc.…
Qu’est ce que la justice propose aux mineurs qui seront interpellés pour cette raison là ?
Aujourd’hui, peu de mesures existent, et l’injonction thérapeutique n’est pas envisageable
pour ce public, aussi n’y a-t-il que le classement d’orientation sanitaire et sociale comme mesure
alternative de justice. Elle nous permet de rencontrer les jeunes mais également les parents au moins
une fois sur le premier entretien, et de leur rappeler qu’il est possible de rencontrer des professionnels
au sein de la mesure et/ou à l’extérieur, puisque l’un de nos objectifs est aussi d’expliquer et de
préciser les différentes structures existantes en dehors d’une obligation de justice.
Il est question aussi de rappeler les risques tant sur le plan sanitaire, sur le plan social que sur le plan
de la sécurité routière au jeune, d’aborder avec lui le sens que peut avoir ou cacher sa (ou ses)
consommation(s), en sachant qu’à l’issue de cette mesure (4 mois) nous faisons remonter un avis, par
l’intermédiaire de notre partenaire, les ARS (anciennement DDASS), au magistrat. Après réception de
cet avis le magistrat décide de poursuivre autrement l’usager si ce dernier était défavorable.
Nous arrivons à accompagner sur une réflexion qui se détache de la justice. Bien évidemment, tout
comme pour les usagers majeurs, le premier rendez-vous se fait au tribunal afin de signifier qu’il y a un
cadre judiciaire, et cela permet aussi d’en discuter avec la personne interpellée. Il pose tout ce qu’il
veut dire par rapport à cette mesure, et par la suite passe à autre chose, c'est-à-dire pourquoi ce
produit, pourquoi est-il là, depuis combien de temps, envisage-t-il de continuer de vivre longtemps
avec, avez-vous déjà essayé d’arrêter, etc.…. Par ce type de questions, un dialogue s’amorce et peut
amener le jeune à exprimer une demande jusqu’alors tue.
QUELQUES CHIFFRES SUR L’ANNEE 2009
Notre service sur l’année passée a pu recevoir, pour les majeurs, 98 personnes (sur 139 personnes
convoquées) suivis en moyenne au travers de 3 entretiens. Pour les mineurs, nous avons rencontres 39
jeunes avec leurs familles (sur 41 convoqués).
L’association est également impliquée sur les stages de sensibilisation aux dangers des usages
de stupéfiants qui ont été mis en place en avril 2009. 11 stages ont pu être mis en place pour cette
année 2009.
Nous y animons une demi-journée avec des objectifs assez semblables à notre travail en
individuel sauf que nous appuyons sur la dynamique de groupe qui émerge. Elle permet de travailler
autrement avec un public qui ressemble beaucoup à celui que nous recevons en individuel mais ce
cadre reste très limité puisqu’il ne s’agit que d’une seule rencontre sur un temps très court même s’il
reste possible de créer suffisamment de liens avec le groupe et entre les membres du groupe pour
continuer cette réflexion dans un autre lieu comme une structure d’accueil et/ou de soin pour ceux qui
en font la demande à l’issue du stage.
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Sylvie PHILBERT, Directrice de l’ASSOEDY
HISTORIQUE
Je vais donc vous présenter les stages de sensibilisation aux dangers de produits stupéfiants leur mise
en place et les premières constatations après quinze mois de fonctionnement ;
J’ai donc été contactée par la fédération Citoyens et Justice en juin 2008 m’informant de la nécessité de
mise en place de ces stages et de la possibilité pour l’association de les mettre en place.
L’objectif de l’association n’étant pas de se mettre en concurrence, j’ai commencé par rencontrer les
partenaires institutionnels et associatifs afin de vérifier si un projet se dessinait ou s’il était opportun
d’y travailler.


SPIP et PJJ ce qui, pour eux, n’était pas à l’ordre du jour.
les associations du département en charge de toxicomanes
Leur position de soignant, leur désir d’être sur le terrain en capacité de recevoir les usagers en
toute confiance et confidentialité semblaient difficilement compatibles avec une mise en place
directe de ces stages qui leur donnerait une étiquette « justice ».
Toutefois ils n’étaient toutefois pas opposés à l’idée de participer au projet et d’y apporter leur
savoir faire.
J’ai ensuite fait le point avec le Parquet qui a d’emblée été partie prenante du projet.
J’ai rencontré Monsieur HEUZE chef de projet départemental qui a émis un avis favorable.
C’est ainsi que nous avons pu organiser un groupe de travail constitué de :


De deux chargés de mesures socio-judiciaires de l’ASSOEDY
du CEDAT « centre départemental d’aide aux toxicomanes » (le médecin psychiatre
responsable départemental, la directrice et un psychologue,
 de l’IPT « intervention prévention toxicomanie » avec la participation de deux psychologues et
du médecin en charge des injonctions thérapeutiques –également médecin DDASS
 un officier de gendarmerie retraité également délégué du procureur
Groupe de travail auquel a participé Madame SABOURIN Procureure en charge de la section
stupéfiants et criminalité organisée.
Le canevas d’intervention a été bâti, chacun prenant sa place dans les interventions
Les associations et intervenants ont chiffré leurs prestations et nous avons pu évaluer le budget
nécessaire à la mise en place de ces stages.
Le stage a ensuite été soumis pour approbation au Président du TGI et une convention a été signée
avec le Procureur.
S’agissant d’une mise en place expérimentale, ces stages ont été dans un premier temps prévus dans
un cadre limité.
Destiné aux usagers majeurs, ils sont proposés dans le cadre de compositions pénales pour usage ou de
peine complémentaire dans le cadre de conduite sous l’emprise de produits stupéfiants.
La convention prévoit la possibilité d’effectuer un stage sur dix non rémunéré. Il nous semblait difficile
de réunir dans un même stage des personnes dans une même situation, nous avons récemment
Page 63
proposé au SPIP des places non payantes, les stagiaires étant en effet orientés par le conseiller en
insertion professionnelle après jugement donc dans un cadre différent, cela nous semblait plus gérable.
A ce jour les personnes qui nous sont adressées par le Parquet sont en général actives et en capacité de
régler, les personnes en situation précaire étant plutôt orientées en consultation.
Après 14 mois de fonctionnement, 14 stages réalisés, le règlement nous semble prendre sa part dans
son investissement par les participants.
En ce qui concerne leur profil, après réflexion, nous avons opté pour la diversification des publics (âges
produits) ce qui nous apparaît plus riche par rapport aux échanges d’expériences)
MODALITES FINANCIERES
Actuellement 250 euros par stagiaire à la charge des intéressés
Des stages de dix participants avec 1/10ème possiblement non payant.
PROCEDURE
Le délégué du procureur convoque les intéressés deux matinées par mois et leur propose de participer
au stage leur précisant que celui-ci sera à leur charge.
S’ils acceptent ils se présentent à notre service où le cadre du stage et les modalités financières leur
sont expliquées, le règlement déclenchant leur inscription au stage dans le mois suivant.
Nous acceptons tous moyens de paiements chèques mandats liquide ou virements et un
échelonnement –jusqu’à quatre mois pour les règlements par chèque-.
Nous avons dû établir un cadre afin d’éviter que les dossiers ne s’amoncèlent.
Ainsi à défaut de règlement


15 jours plus tard ils font l’objet d’une relance téléphonique
3 semaines plus tard envoi d’un courrier leur rappelant les incidences d’un défaut de
règlement
 6 semaines plus tard le dossier est retourné au parquet
Nous faisons en sorte que les intéressés effectuent le stage dans le mois qui suit.
Au terme du stage (la feuille de présence faisant foi) nous leur remettons :

une attestation de présence au stage -dont un exemplaire est adressé au Parquet-.

Une pochette de documents (livret sur les drogues adresses des établissements de soin liste
de numéros de téléphone et questionnaire d’évaluation)
DEROULEMENT DES STAGES
Ouverture
Par un chargé de mesure socio judiciaire de l’ASSOEDY qui sera présent pendant les deux journées et
en assurera la cohérence.
Page 64
Il explique:



le cadre de l’intervention
le déroulement des deux journées
les règles de bon fonctionnement (portables éteints respect des horaires non remise de
l’attestation en cas d’absence)
Il procède à un tour de table au cours duquel chacun se présente
En ce qui concerne les trois modules –je parle sous le contrôle des intervenants ici présents-, ils se
composent de la façon suivante :
Composante judiciaire
Assurée par un officier de gendarmerie à la retraite –également délégué du procureur-.
Sont abordées,


o
Les questions sur la loi
o Les moyens
 Garde à vue
 Perquisitions
o Les sanctions pénales
o Récidives
o prescription
o Casier judiciaire
L’économie souterraine
La conduite sous l’emprise de produits stupéfiants
o La règlementation
o les sanctions
Un DVD interactif de la prévention routière est projeté
o Micro trottoir des idées reçues
o Témoignages de personnes accidentées sous l’emprise de produits stupéfiants
Composante sanitaire
Assurée par le médecin en charge des injonctions de soin puis par un représentant du CEDAT
(psychologue ou psychiatre)
o les effets sur le cerveau
o sur le système nerveux central
o sur le système cardiovasculaire
o sur la reproduction
o sur le psychisme
 Evolution de l’usage
 Statistiques par âge par sexe
 évolution et comparaison tabagisme
Le cannabis

les symptômes, quand apparaissent ils et quels sont ils ?
Page 65

effets chroniques à forte doses
o troubles du comportement
o les hallucinations et risques irréversibles
o les signes de l’usage nocif



qu’appelle-t-on dépendance
la prévention
présentation des dispositifs de soins mise en place organisation et consultations
Composante sociétale
Assurée par un intervenant de l’association OPPELIA cette matinée permet de rappeler les dangers et la
nécessité de se préserver.
Les supports (projections Power point DVD) et techniques d’animation comme le brainstorming sont
utilisés afin d’apporter une information mais aussi de faire réagir les participants.
La bonne connaissance du public par les intervenants leur permet de s’adapter selon la dynamique du
groupe. Face à un groupe plus jeune un DVD du CRIPS pourra faciliter les échanges ce qui ne sera pas
nécessaire dans chacun des groupes.
Toutefois une trame globale demeure dont certains aspects seront plus développés en fonction des
attentes et intérêts des participants
o
o
o
o

L’utilisateur et la société
L’utilisateur et sa santé
L’utilisateur et sa sexualité
L’utilisateur et sa famille
le produit stupéfiant
o pourquoi essayer
o pourquoi continuer
o pourquoi arrêter
o pourquoi changer de mode de consommation
o Pourquoi le manque
o Peut-on vivre sans produit
Certains groupes plus matures et en réflexions sur un éventuel arrêt seront beaucoup plus demandeurs
auprès des intervenants médicaux, d’autres plus enclins à la réflexion avec le psychologue et enfin
certains acceptent simplement le stage en tant que sanction et seront par contre intéressés par les
risques encourus.
Le contexte social est très sensible. Nous avons immanquablement à faire face aux questions sur la
légalisation ou dépénalisation et de façon plus prégnante lorsque celle-ci est mise à l’ordre du jour par
les médias de même qu’aux émissions télévisées et débats politiques sur le sujet.
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BILAN STATISTIQUE 2009
A ce jour nous avons rencontré 120 personnes, dont 115 hommes 96% et 5 femmes 4%
Sur ces 120 personnes :
-
101 personnes ont réglé le stage, soit 84%
19 dossiers ont été retournés au Parquet 16%
PROFIL DES STAGIAIRES
 Age :
18/21 :
21/30 :
30 et + :

29
44
15
33%
50%
17%
Situation professionnelle :
Actifs :
En formation :
Sans emploi :
Non renseignés :
78%
9
1
9
Actifs :
En formation :
Sans emploi :
Non renseignés :
Page 67

Motifs du stage
Conduite sous l’emprise de produits stupéfiants :
Usage de stupéfiants :
20
70
22%
78%
Conduite sous l’emprise
de produits stupéfiants :
Usage de stupéfiants :
-
Les échanges avec les intervenants ont été :
14%
2%
Intéressant
Peu Intéressant
Sans Intérêt
83%
Avez-vous eu suffisamment d’informations et de réponses à vos questions
28,40%
Oui
Non
En Partie
4,94%
66,67%
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-
Le stage vous a-t-il apporté des éléments concernant les produits et leurs incidences
23,75%
Oui
Non
76,25%
-
Le stage vous a-t-il apporté des éléments concernant les raisons de votre consommation ?
48,75%
Oui
Non
51,25%
A cette question pour laquelle les réponses sont plus nuancées. Les intéressés ne peuvent en effet dans
un travail collectif que trouver des réponses partielles à leurs questionnements sur leur consommation,
une approche personnelle et individuelle apparaissant nécessaire pour approfondir ce travail.
-
Le stage vous a-t-il apporté des éléments concernant les risques encourus ?
5,06%
Oui
Non
94,94%
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-
Le stage vous a-t-il apporté des éléments concernant les structures d’aide
16,67%
Oui
Non
83,33%
-
Seriez-vous prêts à prendre RV au CEDAT ou dans une autre structure au terme du stage ?
17,81%
Oui
Non
82,19%
Lors de la réalisation de ce questionnaire le CEDAT avait estimé un taux de réponse positive à 15%,
compte tenu d’un public à priori de consommateurs occasionnels qui ne ressortent pas nécessairement
d’une prise en charge thérapeutique.
Enfin j’insisterai sur la nécessaire qualité des intervenants, leur professionnalisme apprécié par les
stagiaires qui sont en droit puisque finançant cette mesure d’avoir cette attente.
Page 70
Olivier LE PREVOST, Psychologue au CEDAT
Je vais vous parler des prises en charge et des structures de soin pour les toxicomanes.
Je travaille au CEDAT à Versailles, et je vais vous expliquer comment ces soins ont été créés et
comment ils ont évolué.
Il existe en effet en France un système de soins spécifique pour les usagers de drogues ou toxicomanes.
C’est une loi, celle du 31/12/1970 qui en a permis la création et la mise en place. Cette loi prévoit
notamment l’anonymat et la gratuité des soins dans toutes les structures agréées spécialisées pour
toxicomanes.
Mais cette loi comporte aussi un versant répressif. Cette dualité (répression et soins) au sein d’une
même loi met bien en évidence l’ambivalence du regard social généralement porté sur les
toxicomanes. Qui sont-ils : malades ou délinquants ? Malades et délinquants ? Ni malades ni
délinquants ?
Au cours de ces 40 ans d’existence ce système a évolué, s’est adapté aux changements.
La notion de prise en charge globale et individualisée par des équipes pluridisciplinaires est souvent à
la base de l’organisation des soins dans ce système qui se décline dans différents types de structures.
Historiquement les soins se centrent surtout sur l’aide à l’arrêt, le sevrage, l’abstinence, puis a la fin des
années 80, du fait notamment de l’apparition du SIDA, se développe la notion de réduction des risques
(RdR) en parallèle avec les traitements de substitution aux opiacés (TSO).
Actuellement, c’est un système qui s’articule sur trois grands axes : soins, réduction des risques,
prévention.
Récemment, c’est la notion d’addiction qui a fait évoluer ce système. Les anciens CSST (centres
spécialisés de soins pour toxicomanes) sont devenus des CSAPA (centre de soins d’accompagnement et
de prévention en addictologie.
Le terme d’addiction, ou de conduite addictive est synonyme de dépendance.
Cette notion d’addiction permet, au delà de la diversité des usages de produits psycho actifs, de
comprendre ce qu’il y a de commun dans le recours à de telles pratiques.
Citons le Pr Jeammet : « On peut définir ces conduites comme le résultat de la recherche d’une objet
externe, dont le sujet a besoin pour son équilibre et qu’il ne peut trouver au niveau de ses ressources
internes. »
En d’autres termes le recours aux comportements addictifs apporte l’apaisement que l’on ne peut
trouver par ses propres moyens ou en soi-même. Le manque de sécurité intérieure va être pallié par le
réconfort procuré temporairement par ce type de conduite.
Actuellement au sens le plus souvent utilisé la notion d’addiction permet d’appréhender tous les
usages de produits psycho actifs au delà de leur statut légal, de leur différence de nature ou d’effet.
Mais, dans un sens plus large, on parle aussi d’addictions sans drogues, pour caractériser des
comportements compulsifs, répétitifs ayant sensiblement la même valeur mais sans consommation de
produits, par exemple : jeux pathologique, achats compulsifs, trouble des conduites alimentaires… …
qui peuvent recouvrir la même fonction d’apaisement psychique et générer aussi des dépendances.
Page 71
Le CEDAT de Versailles est donc l’un de ces CSAPA, c’est à dire un centre de soins et de consultation
ambulatoire animé par une équipe pluridisciplinaire, médico-psycho sociale, qui permet d’accueillir,
d'orienter et de prendre en charge toute personne ayant un problème lié à la dépendance
(principalement drogues illicites, mais aussi médicaments, et autres produits licites détournés de leur
usage, ou encore addictions sans drogues).
Des consultations médicales, un suivi psychologique et un accompagnement social et éducatif adaptés
à chaque situation y sont proposés. Le CEDAT peut aussi prendre en charge le sevrage en ambulatoire
et l'accompagnement du sevrage en milieu hospitalier, ainsi que les traitements de substitution.
Il peut également proposer le soutien à l'environnement familial et à l'entourage des personnes
concernées par l'usage des drogues. Et depuis 2005 le CEDAT anime des consultations pour jeunes
consommateurs de cannabis et autres substances.
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Denis L’HOUR, Directeur Général Citoyens et Justice
Directeur Général de CITOYEN ET JUSTICE, regroupant des associations socio judiciaires -dont
l’ASSOEDY fait partie-, qui met en œuvre les politiques quatriennales et agit sur mandat judiciaire plus
largement à destination des mineurs et des majeurs en pré et en post sententiel et est à ce titre
l’interlocuteur des différentes directions du ministère de la justice
La fédération gère également des formations au niveau national à destination des professionnels.
Si la difficile tâche de conclure me revient c’est pour moi un plaisir de participer à cette journée pour la
qualité des interventions.
Sylvie PHILBERT a rappelé que c’est en juin 2008 que je l’ai contactée et c’était juste après un rendez
vous avec Etienne APAIRE, président de la MILDT, pour la mise en place de ces stages.
Madame la Présidente nous fait un rappel historique en passant par la Grèce antique sur l’utilisation
de la drogue et sur son intérêt, notamment en s’appuyant sur Baudelaire, on aurait pu rajouter Jean
Cocteau.
Nous avons vite déchanté quand elle a évoqué la prise de drogue pour les centres anonymes, j’aurai pu
évoquer la mort de Patrick Devers
Elle nous a également rappelé la cadre légal, la loi du 5 mars 2007,
Mr Marc DAUBRESSE nous a renvoyé à la Grèce moderne, en élevant le débat sur la formation initiale
de situation économique mondiale et la montée de l’individualisme, l’abandon des solidarités. Il a
rappelé également le manque de moyen de la Justice et les difficultés des associations socio judiciaires,
en attente de résultat de négociation engagée depuis 2007 concernant maintenant la revalorisation
des mesures socio judiciaires.
Mr Michel DESPLAN, nous a fait une excellente revue de presse concernant les Yvelines en nous
rappelant que ce fléau touchait tous les milieux sociaux, et toutes les tranches d’âges, les incidences
notamment les accidents mortels de la circulation, les overdoses, les règlements de compte,
l’économie souterraine, voire les violences urbaines suite à des opérations de police.
Il nous a parlé des chiffres du Parquet de Versailles et ses affaires concernant 1 /8 des affaires traitées
par le Tribunal de Versailles, il nous a décrit la politique pénale du Parquet, des limites actuelles
concernant les contrôles dans le cadre de la conduite. Egalement les actions du Parquet, les recours
aux alternatives aux poursuites, que ce soit dans les interventions des autres magistrats, et a donné
des pourcentages d’environ 60% quand il y avait des orientations vers des structures sanitaires et
sociales et des injonctions thérapeutiques.
Enfin il a évoqué les stages de sensibilisation, l’organisation territoriale de la Police et la Gendarmerie
autour de cette problématique.
Mme Fabienne DELBAUFFE nous a rappelé les missions de la MILDT tout en insistant sur la cohérence
entre la prévention, l’approche sanitaire des soins et les aspects internationaux, 3 points principaux de
cohérence interministérielle.
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C’est tout l’intérêt de la MILDT de ce travail interministériel extrêmement compliqué, quand on
travaille avec les différents ministères et les administrations centrales.
Le refus catégorique de banaliser la consommation, les difficultés sur les injonctions thérapeutiques et
la mise en place des médecins relais.
Mme Ivana OBRADOVIC a évoqué les chiffres et les réponses pénales, c'est-à-dire 13 à 14 % de
condamnés, 70% orientés vers des mesures alternatives aux poursuites avec une baisse des rappels à la
loi, une hausse des orientations sanitaires et sociales, 10% environ d’affaires classées sans suite.
10 tonnes de cocaïne saisies en 2006, 12,7 millions de Français avait eu une expérience d’usage. Enfin
la France faisait partie des pays les plus expérimentateurs.
Mr François Xavier MASSON : J’ai été très intéressé concernant sa description du modèle capitalistique
lié à la toxicomanie. On y retrouve les mêmes tendances mondiales du système capitaliste.
Il a parlé des marchés, des plus-values, des produits, de concurrence, de prix, de fourchettes de prix,
d’organisations, de trafics à la commande. J’ai ressenti la grande difficulté que vous aviez pour lutter
contre ce trafic, une énorme patience pour avoir recours à ces informations, et l’intérêt de la
spécialisation de vos agents, nécessaire, pour combattre pour cela.
Mme Karine SABOURIN, a écrit le volet judiciaire, c'est-à-dire la distinction entre usagers et
trafiquants, prévention et répression, et nous a rappelé le code la route et de la santé et le code pénal.
Les risques encourus. De la graduation des peines on a entendu des dizaines d’années de prison. La
justice appréhende bien sûr le plan théorique l’impact de la toxicomanie. Elle conclut ses propos sur
l’approche humaniste et la prise en compte de la personne dans l’ensemble de ses dimensions, la
justice a finalement un visage humain.
Maître Frédéric CHAMPAGNE, a évoqué les doutes sur l’évolution du cadre légal, l’influence du
cannabis, notamment en matière de conduites addictives. Il a parlé de son quotidien, face à des
cellules familiales totalement déséquilibrées par la prise de stupéfiants, et enfin la dénonciation de la
prise en charge des toxicomanes en maisons d’arrêt, les trafics de stupéfiants et les produits de
substitution.
Mr Jacques JUNGMAN, est revenu sur les sources de la toxicomanie sur un point de vue personnel,
resitué l’injonction thérapeutique comme alternative à côté de la justice, le travail de la psychiatrie vis à-vis des toxicomanes comme auteurs et acteurs de leur changement. Comment organiser sa vie
autrement que dans l’autodestruction, et du produit objet. Des psychotiques et de leur prise en charge
dans le cadre hospitalier de la Terrasse.
Enfin la faiblesse des moyens.
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Mr Jean Claude ROLLAND, 7% des patients de son service sont sous injonction thérapeutique, environ
260 patients par an mais seulement une dizaine de psychotiques. Il a parlé de la mesure d’injonction
comme une mesure « pré sanctionnelle ». Très peu de patients sont mis sous traitement de
substitution, la question du sens pénal et psychiatrique.
Il y a également le sens de la réduction du risque, une prise en charge plus globale psychiatrique et
médicale, et sur le temps qu’il faut pour soigner, et avait à faire à des patients ayant des
consommations extrêmement importantes. La répartition sur le produit et l’usager, il restera ce petit
décalage entre le produit et l’usager.
Mr Lionel CHAZALY, nous a fait une description très intéressante sur les produits, notamment sur la
peau de banane. Il nous également parlé des orientations sanitaires et sociales et des classements en
tant que mesures judiciaires et des alternatives aux poursuites, qui peuvent être prise par le Juge des
Enfants. Egalement aussi que nous ne sommes pas tous égaux devant le produit, il a amené une notion
qui n’avait pas du tout été évoquée, c’est celle de l’usage récréatif, du plaisir, et celle de l’usage
thérapeutique.
Il a indiqué comment les interventions des salariés de cet organisme s’organisaient, notamment sur ce
qu’ils appréhendaient par rapport à la personne dans sa globalité, lui permettant d’offrir des espaces
de paroles sans jugement et sans approche moralisante.
Cela pouvait permettre aussi une rencontre avec les parents, ce qui rejoint les propos de l’avocat sur
les cellules familiales déséquilibrées à cause de leurs enfants toxicomanes. Et enfin les fonctions
d’orientations vers les différents partenaires.
Mme Sylvie PHILBERT, est intervenue sur les stages de sensibilisation et à fait un point sur la jeunesse
du projet notamment sur les logiques d’acteur sur les structures de sanitaires et de soins, le secteur
associatif, le service public, les préoccupations du Magistrat.
La typologie des personnes ayant suivi ces stages, et le taux de réussite qui paraissait intéressante, que
la fonction d’orientation vers d’autres structures que ces stages pouvaient jouer grâce aux documents
donnés à la fin du stage par l’association.
Enfin la description le rôle de la composante sanitaire (drogue et santé), sociétal (drogue et société),
judiciaire (drogue et lois), de ces stages rejoignant la cohérence de Mme DELBAUFFE sur le coté
interministériel, et là nous parlons du côté inter compétence entre soins, lois et société et sur
l’importance de la qualité professionnelle des intervenants. En effet, les stages, qui sont de courtes
durées, doivent réunir les meilleures compétences possibles pour un résultat conséquent.
Elle a également parlé de la procédure d’évaluation, essentielle dans la prise de conscience. Je
soulignerai l’importance de cette évaluation essentielle pour les décideurs.
Mr Olivier LE PREVOST, nous a parlé de la prise en charge des toxicomanes, notamment la loi de 1970,
l’évolution sur les approches en matière de soins, l’arrêt et le sevrage puis la notion de prévention, la
notion des réductions des risques et des dommages, la généralisation des traitements de substitution,
les consultations.
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CONCLUSION : J’ai ressenti la cohérence de l’articulation entre le judiciaire, la santé, les soins la
prévention et la répression.
Néanmoins tout n’est pas aussi rose, mais si l’usager est pris en charge par la Justice, mais c’est loin
d’être le cas au niveau national.
A propos des stages de sensibilisation, il y a de nombreux TGI qui ne les mettent pas en œuvre, et sur
Versailles il n’y a pas encore de stages pour les mineurs.
Sur les paiements de ces stages par les auteurs, la Fédération citoyens et justice a considéré cela
comme légitime, qu’ils puissent participer au paiement du stage dans une certaine limite, (de 180 à 250
euros).
Tout dispositif doit être nécessairement réfléchi avec un dispositif d’évaluation, c’est très important de
réunir les compétences en matière d’évaluation.
En cette fin de journée que j’ai été ravie de partager avec vous, je tiens à remercier :

Monsieur le président HENRY BONNIOT qui nous a permis d’utiliser la salle des Assises pour
organiser cette journée au sein du Tribunal de Grande Instance

l’ensemble des personnalités qui ont répondu favorablement et accepté de participer à ce
colloque

les intervenants pour la grande qualité de leur intervention,

toutes les personnes qui ont été mobilisées au Palais et à l’ASSOEDY et qui ont participé à son
organisation.
Enfin, je remercie également le public fidèle chaque année pour l’intérêt qu’ils portent à cette journée
et à notre association.
Les actes du colloque seront prochainement publiés et consultables sur notre site www.assoedy.org.
n’hésitez pas à prendre contact avec nous si vous souhaitez vous les procurer.
Sylvie PHILBERT
Directrice
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