La maladie de Wilson : aspects clinicobiologiques

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La maladie de Wilson : aspects clinicobiologiques
abc
revue générale
Ann Biol Clin 2005 ; 63 (5) : 457-66
La maladie de Wilson : aspects clinicobiologiques
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P. Chappuis1
M. Bost2
M. Misrahi3
J.C. Duclos-Vallée4
F. Woimant5
1
Service de biochimie
et biologie moléculaire,
Hôpital Lariboisière, AP-HP, Paris
<[email protected]>
2
Laboratoire de neurogénétique,
Hôpital Debrousse, Lyon
3
Laboratoire d’hormonologie et biologie
moléculaire, Hôpital Bicêtre, AP-HP,
Kremlin-Bicêtre
4
Centre hépatobiliaire,
Hôpital Paul Brousse, AP-HP, Villejuif
5
Service de neurologie,
Hôpital Lariboisière, AP-HP, Paris
Article reçu le 18 mars 2005,
accepté le 8 août 2005
Résumé. La maladie de Wilson est une toxicose cuprique autosomique récessive résultant d’une mutation du gène d’un transporteur de métaux lourds,
l’ATP 7B porté par le chromosome 13 (MIM# 277900). La découverte du gène
a largement amélioré les connaissances sur le transport cytosolique du cuivre et
ses relations avec la synthèse de la céruloplasmine. Les patients atteints présentent des formes hépatiques, neurologiques ou psychiatriques et le diagnostic
repose sur des arguments cliniques et phénotypiques de présomption ainsi que
sur les anomalies moléculaires associées. Cette maladie est l’une des rares
affections génétiques à pouvoir être traitée avec efficacité. Son diagnostic
biologique, autrefois souvent incertain, reposait sur une exploration parfois
invasive du métabolisme cuprique. Elle bénéficie maintenant des avancées
apportées par la génétique moléculaire : étude familiale et recherche des mutations causales. Le principal écueil de la prise en charge biologique reste le
nombre important de mutations (près de 320) et de polymorphismes (près de
80) répertoriés à ce jour.
Mots clés : maladie de Wilson, diagnostic biologique
Abstract. Wilson disease is an autosomal recessive disorder of copper excess.
This illness results from mutations of the ATP7B gene (chromosome 13, MIM#
277900). The discovery of the gene allowed a better understanding of cytosolic
copper trafficking and its relationship with ceruloplasmin synthesis. Symptomatic patients may present with hepatic, neurologic or psychiatric forms. Clinical and phenotypic evidences provide only presumptive arguments for this
disease which can be routinely assessed by molecular analysis. This genetic
disease which can be efficiently treated was formerly biologically suspected
after a careful but sometimes invasive study of copper metabolism. Genetic
advances can now give a definite answer using linkage analysis and research
for disease-causing mutations. However, this diagnosis strategy is limited since
currently over 320 mutations and 80 polymorphisms have been currently identified.
Key words: Wilson disease, diagnosis
Le cuivre est un élément trace essentiel à la fonction des
cellules eucaryotes. L’effet létal d’un déséquilibre de la
balance cuprique est illustré par la maladie de Wilson
(dégénérescence hépato-lenticulaire acquise), génopathie
autosomique récessive se caractérisant par une accumulation toxique de cuivre particulièrement dans le foie, le
cerveau, la cornée et le rein. En France, la fréquence estimée de cette toxicose rare varie de 1/30 000 à 1/100 000,
soit, en l’absence d’études épidémiologiques, entre 600 et
2 000 cas. La fréquence des hétérozygotes est d’environ
Tirés à part : P. Chappuis
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1/90 naissances. Comme pour la plupart des maladies
génétiques récessives, les isolats génétiques et la consanguinité favorisent la survenue de l’affection.
Le métabolisme cuprique
ATPases Wilson et Menkes
La maladie de Wilson entraîne, comme la maladie de
Menkes, une profonde atteinte du métabolisme cuprique,
la première par thésaurismose du métal, essentiellement
au niveau hépatique et cérébral, la deuxième, par carence
457
générale d’origine intestinale. Les deux gènes atteints
(gènes « Wilson » et « Menkes ») sont situés sur des chromosomes différents, les chromosomes 13 et X. Leurs produits sont des ATPases P qui présentent près de 60 %
d’homologie, ce qui suggère un rôle identique pour ces
deux transporteurs alors que les deux maladies sont très
différentes.
Le gène Wilson code une ATPase de type P (ATP7B) (159
kD, 1 465 amino-acides) transporteur de métaux lourds
(cuivre) dont la perte de fonctionnalité est à l’origine de la
pathogenèse de la maladie.
Environ 50 % du cuivre alimentaire sont absorbés au
niveau intestinal apical pour être excrétés au niveau basolatéral. Cette excrétion dans la veine porte est assurée par
le transporteur ATP7A, ou ATPase Menkès, homologue du
transporteur Wilson ATP7B. Les deux transporteurs
ATP7A et ATP7B ont une similitude remarquable avec les
protéines de transport des métaux lourds des organismes
procaryotes (figure 1) avec présence de :
– séquences identiques de type MBS (metal binding sites)
au niveau N terminal. Ces séquences relativement restreintes (70 à 80 AA), présentent une structure babbab, un
motif MXCXXC et un atome de cuivre (I) situé entre le
premier feuillet b et la première hélice a. Elles ont la
propriété de fixer les métaux lourds ;
– un motif GDGVND permettant la fixation à l’ATP ;
– un motif DKTG, site de phosphorylation (à l’origine de
l’appellation « ATPases de type P ») ;
– un motif SEHPL, impliqué dans la régulation du flux du
cuivre (avec la mutation la plus fréquente, H1069Q) ;
– un motif TGEA, domaine de transduction ou domaine
actuator ;
– un motif CPC, situé au niveau de la 6e hélice transmembranaire.
Le déficit fonctionnel en ATP7A provoque l’apparition de
la maladie de Menkès, autre génopathie cuprique récessive liée à l’hétérochromosome X, se traduisant par une
déficience en cuivre de l’organisme en raison d’une
absence d’exportation du cuivre hors de la cellule intestinale. En revanche, le déficit fonctionnel en ATP7B
entraîne l’apparition d’une toxicose cuprique, la maladie
de Wilson, en raison d’une absence d’exportation du cuivre hors de la cellule hépatique. C’est la localisation différente des deux ATPases qui explique les expressions cliniques opposées des deux maladies :
– ubiquitaire pour l’ATP7A, et en particulier au niveau
intestinal ;
– préférentiellement hépatique et nerveuse pour l’ATP7B.
Physiopathologie
La captation hépatique du cuivre (figure 2) fait intervenir
un transporteur spécifique, le Ctr1p, probablement couplé
à une réductase. On sait maintenant que dans le compartiment cytoplasmique, le cuivre est pris en charge par une
molécule chaperone, la protéine HAH1p (ou protéine
Atx1), partenaire cytosolique spécifique du transporteur
Wilson, l’ATP7B. Ce transporteur a été mis en évidence
au niveau hépatocytaire, cérébral et rénal. Comme il a été
montré pour l’ATP7A [1], le passage du cuivre de la protéine chaperone HAH1p à l’ATPase7B s’effectue après
changement conformationnel adéquat. La protéine Wilson, localisée au niveau du trans-Golgi cellulaire présente
une dualité de fonction, probablement d’origine posttraductionnelle. Lorsque les concentrations intrahépatocytaires cupriques sont normales, elle incorpore le
cuivre dans l’apocéruloplasmine. Lorsque les concentrations intracellulaires cupriques s’élèvent, elle migre du
trans-Golgi vers un compartiment cytoplasmique à proximité de la membrane canaliculaire afin de favoriser
l’excrétion du cuivre dans la bile (figure 2), processus
faisant probablement intervenir une phosphorylation
médiée par une kinase [2]. Chez le patient Wilsonien le
cuivre, incapable d’être excrété, s’accumule dans le foie,
sous forme de métallothionéine, protéine de stockage et
sous forme toxique, à l’état libre. Cette toxicité de la
forme libre du métal est depuis longtemps attribuée à des
dommages oxydatifs en partie d’origine mitochondriale
[3]. Le cuivre libre par réaction avec le peroxyde d’hydrogène physiologique, induit une production de radicaux
hydroxyles à l’origine d’une peroxydation lipidique [4].
La toxicose, inapparente au début, va se poursuivre insidieusement, jusqu’à l’apparition retardée des premiers
signes cliniques qui résultent des dommages oxydatifs
causés par cet excès de cuivre libre ainsi que par son
relargage toxique dans la circulation générale.
CPC
TGDN
CX
XC
XC
SEHPL
CX
MXCXXC
COOH
Caractéristiques générales
de la maladie
TGEA
Figure 1. Structure de l’ATPase 7B.
458
DNVGDG
MX
MXCXXC
DKTG
MXCXX
C
NH2
MXCXXC
MX
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Les manifestations cliniques sont très hétérogènes aussi
bien dans leurs présentations que dans la date d’apparition
des premiers troubles [5-8]. Toutefois la maladie est rarement observée avant l’âge de 3 ans. Certains patients, parAnn Biol Clin, vol. 63, n° 5, septembre-octobre 2005
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Maladie de Wilson
fois au sein d’une même famille, débutent la maladie par
une insuffisance hépatique aiguë ou chronique, d’autres
par des manifestations neuro-psychiatriques (même si le
foie n’est jamais histologiquement intact). Certains malades décèdent vers l’âge de 10 ans, d’autres ne sont diagnostiqués qu’à la quarantaine.
Les formes hépatiques (environ 42 % des individus
atteints) sont les plus fréquentes chez l’enfant avec, chez
le sujet jeune, insuffisance hépatique fulminante, ou, chez
le sujet plus âgé, cytolyse, œdème, ascite, hépatite ou
cirrhose. Elles sont diagnostiquées par les pédiatres et les
hépatologues.
Les formes neurologiques (environ 35 % des individus
atteints) qui s’observent surtout chez l’adolescent et
l’adulte jeune sont adressées aux neurologues, le plus souvent après plus d’un an d’évolution neurologique. Le
tableau clinique classique associant un syndrome dystonique (caractérisé par des postures dystoniques et des mouvements choréo-athétosiques), un syndrome ataxique
(associant un tremblement postural et intentionnel et une
ataxie des membres) et un syndrome extrapyramidal
(associant une hypokinésie, une hypertonie essentiellement axiale et un tremblement de repos) s’accompagne de
troubles psychiatriques trompeurs (troubles du comportement, dépressions) dans près d’un cas sur deux.
Il existe aussi des formes mixtes (hépatiques et neurologiques), des formes psychiatriques isolées (environ 10 %
des individus atteints), avec troubles du comportement,
retards scolaires inexpliqués, troubles de l’écriture,
dépression et surtout des formes présymptomatiques de
découverte fortuite ou mises en évidence lors de l’exploration familiale, quand un cas index vient d’être diagnostiqué.
D’autres fonctions physiologiques peuvent être touchées
lors de la maladie, au premier rang desquelles (environ
10 % des patients) on peut citer des manifestations hématologiques à type d’hémolyse, lorsque l’excès de cuivre
hépatique repasse dans la circulation générale. Les manifestations rénales (tubulopathies, lithiases), osseuses
(ostéomalacies, ostéoporose, maladies articulaires), cardiaques (cardiomyopathies, arythmies) surviennent plus
tardivement.
En raison de cette multiplicité des expressions cliniques,
le diagnostic d’une maladie de Wilson est difficile. C’est
pourquoi, il est indispensable de diriger le malade vers
une équipe spécialisée, capable de poser un diagnostic
avec certitude car :
– non réalisé en temps opportun, la maladie évolue inexorablement vers une issue fatale avec épisodes comportant
des poussées d’hémolyse ou une insuffisance hépatique
pouvant aboutir à des décompensations dramatiques (justifiant parfois le recours à la transplantation hépatique en
urgence) ou une atteinte neurologique gravissime avec
grabatisation ;
– réalisé à tort, ce diagnostic engendre un traitement qui
peut être dangereux en raison des troubles auto-immuns
qui peuvent survenir suite à l’administration de la
D-pénicillamine, principal agent chélateur encore utilisé ;
Apocéruloplasmine
Holocéruloplasmine
Circulation
générale
Bile
Effraction
cellulaire
Mb canaliculaire
Métallothionéine
Voie 2
Voie 1
ATP7B
Golgi
HAH1p
ATP7B
Lysosome
Trans
Golgi
Cis Golgi
Métallothionéine
ATP7B
HAH1p
RE
Ctr1p
Ctr1p
Cu+
réductase
Cu++
Métabolisme normal
Cu+
réductase
Cu++
Maladie de Wilson
Figure 2. Modification des principales voies métaboliques de la cellule hépatique en cas de maladie de Wilson.
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– non réalisé chez les patients présymptomatiques appartenant à la fratrie d’un cas index (diagnostic génétique
familial), la maladie qui aurait pu être évitée apparaîtra
avec toutes ses conséquences morbides et socioéconomiques familiales.
Le diagnostic
Malgré la présence rarissime, il est vrai, de cet anneau au
cours de certaines atteintes hépatiques cholostatiques non
wilsoniennes et son absence fréquente au cours de certaines formes hépatiques de la maladie de Wilson (celles du
jeune enfant, le plus souvent), cet argument ophtalmologique compte parmi l’un des plus solides pour affirmer un
diagnostic de maladie de Wilson [11]. Il est presque toujours retrouvé dans les formes neurologiques.
Arguments cliniques
Arguments biochimiques présomptifs
Ils ont été mentionnés plus haut. Soulignons l’importance
par ordre décroissant des formes hépatiques, neurologiques et enfin psychiatriques dont la diversité d’expression
est la cause essentielle de l’errance de nombreux malades
parmi les services de pédiatrie, hépatologie, neurologie et
psychiatrie.
Il s’agit, en particulier des bilans usuels de routine, le
bilan hépatique (NFS, transaminases, bilirubine, phosphatases, GGT, électrophorèse, ionogramme...) et les bilans
d’hémostase perturbés en cas d’atteinte hépatique prononcée. En cas de poussée d’hémolyse, un test de Coombs
négatif accompagné d’une élévation du cuivre sérique sont
des éléments importants au diagnostic et à la mise en
place d’un traitement, en particulier si une transplantation
hépatique s’avère nécessaire. En cas de défaillance hépatique majeure, la possibilité de leur réalisation en urgence
présente un intérêt certain et une transplantation en
urgence doit être discutée.
Arguments radiologiques
Tomodensitométrie
Pour les patients présentant des atteintes neurologiques, la
tomodensitométrie indique une hypodensité des noyaux
lenticulaires et une atrophie corticale.
IRM
La plupart des lésions se manifestent sous forme d’hyposignaux T1 et d’hypersignaux T2, au niveau des substances
grises et blanches, traduisant œdème et gliose [9]. Les
noyaux gris centraux, le thalamus et le tronc cérébral sont
concernés. Même si les anomalies décrites ne sont pas
spécifiques, l’IRM est devenue un élément incontournable
du diagnostic des présentations neurologiques. Elle représente un élément important pour le diagnostic différentiel
entre la maladie de Wilson et le Parkinson juvénile.
Tous les patients symptomatiques sur le plan neurologique
et certains patients présentant des formes apparemment
uniquement hépatiques présentent des anomalies de
signaux au sein du parenchyme cérébral ; 30 % des
patients neurologiques présentent une aggravation, parfois
irréversible, de leurs symptômes en début de traitement.
Ces anomalies et leur évolution peuvent être suivies par
IRM.
Arguments étiologiques
Avant 1995, la maladie était essentiellement affirmée sur
des critères cliniques et phénotypiques en rapport avec le
métabolisme cuprique. Les avancées moléculaires ont par
la suite fait considérablement progresser les possibilités
diagnostiques.
Arguments phénotypiques
Un bilan cuprique spécialisé (tableau 1) indique une
baisse du cuivre et de la céruloplasmine plasmatiques et
une augmentation du cuivre urinaire et hépatique. L’inter-
Arguments ophtalmologiques
La présence de dépôts de cuivre dans la cornée (anneau de
Kayser-Fleischer) est objectivée par un examen à la lampe
à fente (figure 3). Ces dépôts, marrons gris ou dorés,
localisés à la périphérie de la cornée, initialement au
niveau supérieur puis à un niveau inférieur, sont la manifestation d’une surcharge en cuivre sous forme de sulfure
au niveau de la membrane de Descemet [10]. L’expérience de l’ophtalmologue est importante pour indiquer la
présence et l’évolution sous traitement d’anneaux de
petite taille.
460
Figure 3. Localisation de l’anneau de Kayser-Fleisher.
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Maladie de Wilson
Tableau 1. Bilan cuprique : valeurs normales et pathologiques chez l’adulte.
Cuivre dans sang total (µmol/L)
Normale
Wilson
13 à 22
< 10a
Cuivre urinaire de base
(µmol/24 h)
Normale
Wilson
< 0,8
> 2a
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a
Céruloplasmine sérique (g/L)
Normale
Wilson
0,2 à 0,4
< 0,1a
Cuivre total sérique (µmol/L)
Normale
Wilson
14 à 21
< 10a
Cuivre hépatique
(µmol/g tissu sec)
Normale
Wilson
0,3 à 0,9
> 4a
Cuivre libre sérique (µmol/L)
Normale
Wilson
< 2,1
Parfois > 3
souvent.
prétation de ces examens phénotypiques nécessite une
habitude analytique ainsi qu’une bonne connaissance du
métabolisme cuprique.
Céruloplasmine
En principe, la céruloplasmine est très abaissée. La quasitotalité des méthodes de dosage de la céruloplasmine au
laboratoire repose sur l’emploi de techniques néphélémétriques, mettant en évidence une augmentation de
l’ensemble apo- et holo-céruloplasmine. Les malades,
incapables de synthétiser l’holocéruloplasmine en quantité
normale, ont souvent une sécrétion accrue d’apocéruloplasmine (figure 2). En théorie, à l’exception de certains
essais effectués à l’aide d’anticorps monoclonaux [12],
seules les techniques enzymatiques de dosage de la protéine (techniques à la p-phénylène-diamine ou à
l’o-dianisidine) qui déterminent spécifiquement les taux
d’holocéruloplasmine devraient donc être utilisées. Elles
permettraient probablement de montrer que bon nombre
de patients présentant des soi-disant taux sub-normaux de
céruloplasmine (de l’ordre de 5 % pour les présentations
neurologiques et jusqu’à 40 % pour les présentations
hépatiques) synthétisent en réalité de l’apocéruloplasmine. Une récente étude confirme bien cet intérêt du
dosage enzymatique sur le dosage immunologique de la
protéine [13]. Toutefois ces techniques enzymatiques, peu
automatisées, toxiques à la réalisation et plus sensibles
aux congélations - décongélations répétées que les méthodes néphélémétriques ne sont plus guère utilisées.
Outre ces problèmes méthodologiques, il existe des variations physiologiques des taux de céruloplasmine qui peuvent égarer le diagnostic :
– augmentation des taux de céruloplasmine circulante en
cas d’inflammation aiguë et, chez la femme, en cas de
thérapeutiques œstrogéniques, de contraception orale, ou
de grossesse. Les valeurs alors présentées peuvent normaliser une céruloplasmine auparavant abaissée ;
– valeurs basses des taux de céruloplasmine circulante
chez le nouveau-né et le jeune enfant jusqu’à 1 an, souvent
inférieures à 0,1 g/L, en raison de l’immaturité du métaboAnn Biol Clin, vol. 63, n° 5, septembre-octobre 2005
lisme cuprique de ces sujets [5] chez lesquels la céruloplasmine ne doit pas constituer un critère de diagnostic, en
particulier pour la détection des sujets présymptomatiques. Un faible pourcentage d’hétérozygotes (environ
10 %) porteurs d’une lésion moléculaire ont également un
taux abaissé, de l’ordre de 0,10 g/L ; ces sujets ne développeront pas la maladie.
Cuivre
Le cuivre sérique est lui aussi très diminué en cas de
maladie de Wilson et les remarques précédentes sur les
variations physiologiques de la céruloplasmine s’appliquent à la détermination du cuivre sérique, fixé à 92 % à la
céruloplasmine. Au point de vue analytique, les méthodes
de dosage du cuivre n’ont pas beaucoup évolué depuis une
dizaine d’années : méthodes colorimétriques, spectrométrie d’absorption atomique, spectrométrie d’émission en
plasma induit ou en plasma induit couplé à la spectrométrie de Masse [14, 15]. Une dissociation cuivre sérique
élevé avec taux de céruloplasmine circulante normale ou
abaissée doit faire suspecter une augmentation du cuivre
libre, stigmate d’une maladie de Wilson. Ce dernier (voir
le tableau 1 pour les valeurs normales) peut alors être
obtenu par calcul, par différence entre le cuivre total et le
cuivre céruloplasminique dosé en théorie par les méthodes
enzymatiques mais en pratique, par néphélémétrie. Ce calcul, approximatif en théorie et en pratique, fait aussi appel
à deux méthodes de dosage, ce qui additionne les erreurs
de chacune d’entre elles. Au total, l’estimation du cuivre
libre par calcul reste discutée pour le diagnostic de la
maladie de Wilson mais semble plus approprié au suivi de
l’efficacité du traitement [16]. Le dosage direct, qui met
en œuvre des techniques d’ultrafiltration n’est pas de pratique courante et génère lui aussi, d’autres causes
d’erreurs difficiles à contrôler.
Le cuivre urinaire est un paramètre très signifiant mais
souvent mésestimé : il est presque toujours élevé, supérieur à 1,5 lmol/24 h, même sans traitement, chez l’individu malade [17]. Chez l’individu traité par un chélateur,
même brièvement, un arrêt du traitement peut faire chuter
461
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revue générale
ces valeurs, y compris en dessous de 1,5 lmol/24 h. En
pratique, pour effectuer ce dosage, on prendra garde à
éviter les contaminations externes, très courantes pour les
recueils urinaires [18].
Le dosage quantitatif du cuivre réalisé sur une ponction
biopsie hépatique doit être préféré au dosage histochimique par marquage à la rhodanine, même amélioré par
marquage argentique de Timm’s [19]. En effet, ce dernier
comporte près de 90 % de faux négatifs [11], principalement en raison de sa sensibilité insuffisante et de l’hétérogénéité hépatique des surcharges cupriques. En pratique,
chez les patients non traités, seules les valeurs au-delà de
4 lmol/g de tissu sec (ces valeurs sont souvent plus
importantes, jusqu’à 50 lmol/g et bien au-delà) doivent
être prises en considération [20], car les valeurs inférieures peuvent relever d’autres pathologies à type de cholestase (cirrhose biliaire primitive, obstruction biliaire extrahépatique, hépatite chronique active...).
Une réunion de consensus a récemment indiqué que
l’incorporation de cuivre radiomarqué, autrefois préconisée, ne semble plus nécessaire au diagnostic [11].
Arguments génotypiques
Le diagnostic génotypique familial et la recherche génétique des mutations causales permettent désormais de limiter au minimum nécessaire le dosage du cuivre dans des
fragments tissulaires obtenus par ponction biopsie hépatique, exploration invasive d’ailleurs contre-indiquée si la
maladie est très avancée.
Diagnostic familial indirect
Le locus de la maladie de Wilson a été assigné par des
études de liaison génétique à la région 13q14.3. De nombreuses séquences polymorphes de type microsatellites y
ont été décrites, en particulier les marqueurs D13S295,
D13S296, D13S301, D13S314 et D13S316 [21, 22] qui
permettent l’identification d’haplotypes spécifiques.
L’analyse ne peut être réalisée que dans une famille
nucléaire (parents, enfants) dans laquelle il existe un cas
index atteint. La proximité de ces marqueurs avec le locus
Wilson et leur localisation de part et d’autre de celui-ci
réduit beaucoup les risques de recombinaison, cependant
possibles (figure 4).
Ce type de diagnostic s’inscrit plutôt dans le contexte d’un
dépistage présymptomatique d’une maladie qui peut
décompenser en urgence (crise hémolytique, insuffisance
hépatique aiguë). Effectuée dans la fratrie d’un cas index,
la prédiction réalisée ne peut être valable qu’en cas de
certitude du diagnostic initial. Elle ouvre alors l’accès à un
traitement d’autant plus efficace qu’il est instauré précocement. Elle peut enfin permettre d’arrêter un traitement
toxique instauré à tort [23].
462
Diagnostic direct
Le diagnostic génotypique direct est effectué pour certaines équipes par recherche des principales mutations décrites (H1069Q par exemple) par une technique PCR/RFLP
(restriction fragment length polymorphism) [24] ou par
criblage SSCP (single strand conformation polymorphism) de toute ou partie des 21 exons du gène suivi d’un
séquençage des exons anormaux. Du fait de sa lourdeur,
de l’importance des moyens techniques et financiers en
cause ainsi que des connaissances requises sur les anomalies moléculaires de la maladie, ce type de diagnostic ne
peut être effectué que par des équipes possédant un recul
d’expérience suffisant. Il est, en pratique, plus long en
raison du balayage complet du gène à effectuer et il fournit l’argument de certitude.
La recherche des mutations délétères pose plusieurs problèmes :
– un problème relatif à leur nombre qui ne cesse de croître
au fil des ans : nous avons noté près de 320 mutations et
80 polymorphismes publiés. L’équipe canadienne [25]
responsable de la découverte du gène recense environ 300
variants dans une base officielle mise à jour en février
2005 [26]. Une autre base de l’Université de Tel-Aviv
(Israël) en recense 112 mais sa mise à jour date de novembre 2001 [27]. Malgré une mise en évidence préférentielle
de certaines d’entre elles (H1069Q, R778L), l’hétérozygotie composite de la plupart des malades et l’absence de
corrélation génotype-phénotype évidente augmente la
lourdeur de la recherche. Une méta-analyse récente suggère toutefois que la mutation H1069Q serait préférentiellement associée à une présentation neurologique tardive
[28] ;
– un problème relatif à l’efficacité de la recherche : même
réalisée exhaustivement, en tenant compte de l’origine
ethnique des sujets (figure 5), une recherche sur la partie
I
I:2
C.
I:1
J. P.
D13S294
D13S295
D13S296
D13S301
D13S314
109
75
118
152
144
105
77
116
148
142
99
75
124
150
152
105
75
118
152
144
II
II:1
N.
D13S294
D13S295
D13S296
D13S301
D13S314
105
77
116
148
142
II:2
H.
105
75
118
152
144
109
75
118
152
142
99
75
124
150
152
(Recombinaison)
Figure 4. Exemple d’haplotypage de maladie de Wilson comportant une recombinaison.
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Maladie de Wilson
codante du gène (cette dernière s’étend sur près de 4,1 kb,
morcelée en 21 exons) n’aboutit pas toujours à l’identification complète des deux mutations causales, retrouvées
chez 60 à 70 % des patients. Pour les autres malades, une
seule mutation voire aucune n’est retrouvée. Ce rendement insuffisant est dû non seulement aux variations de
sensibilité de la technique SSCP en fonction des conditions opératoires (apparitions ou disparitions de bandes)
mais aussi parce que la recherche sur la partie codante
seule est insuffisante ; les mutations introniques ou celles
situées au niveau du promoteur du gène sont rarement
étudiées ;
– des problèmes relatifs à la nature d’un variant mis en
évidence, surtout lorsqu’il n’a pas fait l’objet de publications antérieures (figure 6) ; s’agit-il d’une mutation causale ou d’un polymorphisme ? Si la nature de la mutation
ne permet pas de trancher, l’étude à réaliser en aval est
fastidieuse (étude du variant chez au moins 100 sujets
contrôles).
Ces recherches classiques comportent des faux négatifs et
des faux positifs qu’il faut minimiser. Une optimisation et
une standardisation sont nécessaires, avec une éventuelle
possibilité de recourir à un séquençage direct pour les
exons les plus difficiles. Cette démarche, longue, coûteuse
et imparfaite fait actuellement l’objet de comparaisons
intéressantes avec la méthode dHPLC (denaturing high
performance liquid chromatography), méthode de criblage qui n’a pas encore fourni de preuves tangibles quant
à son efficacité pour le gène Wilson.
Démarche stratégique
Au total, devant des signes cliniques, parfois ophtalmologiques et des arguments d’imagerie évocateurs, les examens biochimiques présomptifs décrits, la céruloplasmine
et le cuivre urinaire seront réalisés. Si ces deux derniers
examens sont normaux une autre affection devra être envisagée en particulier si la fonction hépatique est normale.
Si l’un ou les deux examens cupriques montrent des
valeurs anormales ou subnormales, le diagnostic génotypique devra être envisagé. Ce n’est que lorsque ce dernier
reste négatif qu’une biopsie hépatique pourra être réalisée,
en particulier si les arguments cliniques et radiologiques
sont solides. En cas d’anomalie du bilan hépatique,
celle-ci reste indiquée pour statuer sur le degré de fibrose.
En cas de cirrhose, une fibroscopie à la recherche de
signes d’hypertension portale sera effectuée.
Traitement
Traitements classiques
Les apports en cuivre doivent être restreints sans exagération, en privilégiant les régimes pauvres en cuivre ; crustaAnn Biol Clin, vol. 63, n° 5, septembre-octobre 2005
cés, fruits secs, abats (foie de veau à proscrire), chocolat
noir, noix et champignons doivent être consommés modérément. Cependant, le régime n’est pas efficace à lui seul.
Les sels de zinc
Les sels de zinc (principalement acétate) qui agissent en
bloquant l’absorption intestinale du cuivre et en induisant
la synthèse de métallothionéines sont proposés en première intention dans les formes présymptomatiques de la
maladie, révélées à l’occasion d’un dépistage dans la fratrie d’un cas index, en cas de grossesse ou en seconde
intention en relais d’un traitement chélateur du cuivre. Les
formes pauci-symptomatiques (cytolyse isolée, anneau de
Kayser Fleisher isolé....) pourraient également faire l’objet
de ce type de traitement. Le suivi biologique des traitements aux sels de zinc n’est pas vraiment codifié : certains
estiment que la cuprurie ne doit pas dépasser
1,2 lmol/24 h [16]. La normalisation du cuivre libre calculé nous semble un élément plus significatif [16]. La
compliance au traitement peut être utilement évaluée par
la zincurie qui devra atteindre 30 lmol/24 h.
Les chélates de cuivre
Les autres traitements sont à base de chélateurs du cuivre,
provoquant son élimination urinaire. Le traitement le plus
utilisé est la D-pénicillamine per os qui peut provoquer
une aggravation initiale, parfois non réversible, chez 30 %
des patients à présentation neurologique. En outre ce traitement présente des inconvénients importants :
– réactions d’hypersensibilité fréquentes (on administrera
des corticoïdes) ;
– réactions auto-immunes ;
– apparition d’un syndrome néphrotique ;
– atteintes fréquentes des lignées blanches et rouges.
C’est souligner l’importance de débuter le traitement à
doses croissantes (fractions de 150 mg) de 150 à
300 mg/24 h jusqu’à 1 500 mg/24 h, d’effectuer un suivi
biologique strict de ces patients par NF, VS, CRP, électrophorèse des protéines, urée, créatinine, protéinurie, tests
hépatiques.
Les réactions d’intolérance pendant les 3 premières semaines doivent être attentivement surveillées : fièvre, éruptions cutanées, lymphadénopathies. Elles sont habituellement transitoires et réversibles sous antihistaminiques ou
corticothérapie (Prednisone®). Toutefois, la survenue
d’une neutropénie, d’une thrombopénie ou l’apparition
d’une protéinurie nécessite le plus souvent l’arrêt du traitement et l’instauration d’un autre traitement chélateur. À
plus ou moins long terme (plusieurs années) peut apparaître une élastopathie qui résulte d’une action métabolique
directe de la D-pénicillamine sur la polymérisation des
fibres élastiques et collagènes. Longtemps asymptomatique, elle provoque des lésions cutanées [29] bénignes
(peau sèche et plissée, elastis perforans serpiginosa, cutis
463
revue générale
elastica) et des lésions muqueuses (ulcérations buccales
douloureuses).
L’efficacité du traitement à la D-pénicillamine est jugée
par l’amélioration de la symptomatologie. L’amélioration
clinique est en général lente, débutant après 3 à 6 mois ou
plus de traitement. Elle survient chez 70 % des patients
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1
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3
4
5
6
7
8
(60 % pour les formes hépatiques et 80 % pour les formes
neurologiques). L’anneau de Kayser Fleischer s’efface
tout d’abord au niveau de ses bords latéraux pour disparaître le plus souvent complètement. On observe des régressions parfois spectaculaires ou, au contraire, des évolutions rapidement fatales, nullement influencées par les
9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21
Europe
occidentale1
Europe de l'Est2
Europe
méditerranéenne3
Amérique du
Nord4
Amérique du
Sud5
Extrême-Orient6
Asie du Sud-Est7
Moyen-Orient8
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Bri, Ger, Swe, Fin, Aut, Irl, Ice, Ne
2
Rus, Tche, Hun, Bul, Pol, Ukr
3
You, Sar, Tur, Ita, Gre, Alb, Canary, Port
4
USA, Can
5
Bré, Costa Rica
6
Chi, Jap, Taï, Hong, Kor
7
Inde, Pak, Beng, Thai
8
Iran, Yem, Pal, Jew, Kur, Kow, Saud
> 50 %
25-50 %
0,1-25 %
Très fréquent
Fréquent
Peu fréquent
Absent
Figure 5. Influence de l’origine ethnique sur la localisation des mutations. Figure donnée pour indication seulement, car réalisée à l’aide
des publications référencées mentionnant l’origine ethnique de la mutation trouvée. À titre d’exemple le signe
signifie que plus de
50 % des mutations publiées mentionnant une origine ethnique concernent le groupe de pays correspondant. Le signe
ne signifie
donc pas absence de mutation mais qu’aucune publication référencée n’en a fait état. Les pays d’Europe méditerranéenne ont fait
l’objet des publications les plus nombreuses, ce qui, pour partie, explique que les mutations trouvées se répartissent sur l’ensemble du
gène.
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2
3 45 6 7
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17 18 19 20
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320 mutations
Nombre
10
5
2
Type
1
Site épissage
Décalage cadre lecture
Non-sens
Faux-sens
Figure 6. Types et localisation des mutations actuellement identifiées sur les 21 exons du gène Wilson.
464
Ann Biol Clin, vol. 63, n° 5, septembre-octobre 2005
Maladie de Wilson
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traitements, malgré une bonne réponse biologique. Cette
dernière est évaluée par la cuprurie, qui est au mieux
déterminée par spectrométrie d’absorption atomique par
voie électrothermique ou par spectrométrie d’émission
atomique en plasma induit. La cuprurie doit s’élever à plus
de 10 lmol/24 h mais varie plus habituellement entre 3 et
8 lmol/24 h [16]. L’estimation du cuivre libre doit également montrer une forte diminution.
La trientine
La trientine, utilisée à doses variant de 750 à
1 500 mg/24 h, présente une moindre toxicité : dépression
des lignées médullaires, atteintes rénales, réactions autoimmunes. Elle est souvent prescrite en cas d’intolérance à
la D-pénicillamine mais n’a pas encore fait l’objet de
nombreuses études de toxicité à long terme (anémies sidéroblastiques, réactions « lupus-like »). Comparée à la
D-pénicillamine, son absorption digestive semble plus faible et elle exercerait une action chélatrice locale, avec
pour conséquence un ralentissement de l’absorption digestive de cuivre. La mobilisation du cuivre pourrait également intervenir à partir de compartiments tissulaires différents. La trientine semble montrer une plus faible
efficacité que celle de la D-pénicillamine, jugée également
par la cuprurie (3 à 8 lmol/24 h, souvent moins, malheureusement), ou, mieux, par l’estimation du taux calculé de
cuivre libre qui doit se normaliser.
Le tétrathiomolybdate
Le tétrathiomolybdate, non commercialisé, fait l’objet
d’essais depuis plusieurs années : il forme un complexe
ternaire avec le cuivre et les protéines. Son activité est très
rapide et il semble utilisé par certaines équipes médicales
pour éviter les aggravations initiales signalées avec les
autres traitements chélateurs [30].
Traitements symptomatiques
Plasmaphérèse
Ce traitement symptomatique a été appliqué dans le but de
circonscrire les accidents d’hémolyse gravissime, à
l’occasion desquels cette maladie peut être diagnostiquée.
Il permet d’assurer une élimination importante du cuivre
avant l’instauration d’une thérapeutique chélatrice et,
peut-être, d’éviter une transplantation hépatique [31].
Toxine botulique
La toxine botulique est un traitement symptomatique coûteux qui peut être utilisé à fortes doses, à titre provisoire,
pour surmonter un épisode difficile et ensuite en traitement d’entretien à plus faible dose. Ce traitement améliore
la qualité de vie, limite les rétractions tendineuses, évite
les chirurgies lourdes dans certains cas et calme la douleur.
Ann Biol Clin, vol. 63, n° 5, septembre-octobre 2005
Transplantation hépatique
La transplantation hépatique est la seule possibilité thérapeutique pour les formes hépatiques fulminantes ou
« résistantes » au traitement médical. Le taux de survie est
excellent, environ 85 % à 5 ans. Elle peut être précédée,
en particulier dans les formes fulminantes, de séances
d’épuration hépatique [32].
Dans les formes neurologiques « résistantes » au traitement médical, les quelques cas publiés dans la littérature
et notre expérience montrent que la transplantation hépatique peut permettre une amélioration parfois spectaculaire
de symptômes neurologiques.
Conclusion
Fait rare pour les maladies génétiques, grâce au dépistage
génétique familial, certains individus traités avant même
l’apparition de troubles cliniques ont désormais toutes les
chances de ne pas subir la maladie. Pour réaliser ce diagnostic face à cette affection multiforme, un dialogue fructueux est nécessaire entre les équipes cliniques, génétiques et les familles des patients.
Enfin, depuis 1993, date de la découverte du gène Wilson,
l’étude poussée de la pathogenèse de la maladie a suscité
un bouleversement complet sur les systèmes de transport
des métaux lourds à l’échelon cellulaire. En réponse à la
variabilité des présentations cliniques, nombre de questions semblent converger vers un concept pluri-factoriel
de l’affection impliquant ces transporteurs. Certaines
mutations engendrent des effets qui commencent à trouver
une explication ; il en est ainsi de la mutation H1069Q.
Des études de simulation moléculaire viennent de confirmer que H1069Q est indispensable à une présentation
convenable de l’ATP au site catalytique de la protéine
Wilson pour induire son hydrolyse préalable nécessaire à
son activité [33]. Des études similaires pourront être
menées sur d’autres sites de la protéine Wilson. Elles
pourraient, à terme, déboucher sur des traitements encore
plus spécifiques de la maladie.
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