Construire une maison en bois pour Points-Cœur

Transcription

Construire une maison en bois pour Points-Cœur
Construire une maison en bois
pour Points-Cœur
Août/septembre 2005
Mai/Juin 2006
Association Coup de pouce humanitaire
contact : Martin Guespereau - 06 64 96 05 20 / [email protected]
Table des matières
Table des matières
1
Résumé des deux missions
2
Editorial
4
Notre partenaire : l'association Points-Cœur
7
La Roumanie, un terroir très européen
11
Une ville, des systèmes en transition
11
Le bois aux racines de l’architecture roumaine
12
Et Dracula ?
12
L’équipe : quelques paroles des volontaires
13
Les chantiers
15
La construction de la fuste
15
La peinture de la porte
28
L'atelier photos
28
Notre vie sur place
30
Les rencontres incroyables sur le chantier avec les Roumains et les Tziganes
30
Louis accompagne les filles de Point-Cœurs pour un après-midi d'apostolat
33
La balade du WE
36
Budget
39
L’association "Coup de pouce"
40
Billet d'humeur
41
1
Résumé des deux missions
12 volontaires de Coup de pouce sont partis le 22 août 2005 pour 15 jours dans le Point cœur
de Deva pour construire une maison traditionnelle en rondins de bois.
8 volontaires sont revenus à Deva le 21 mai 2006 pour terminer la fuste en 15 jours.
Coup de pouce est une association humanitaire qui vient en aide à des projets de
développement de long terme.
Points-Cœur est une association catholique. Elle envoie des
volontaires appelés "Amis des enfants" vivre pendant 1 à 2 ans
la vie de quartier des plus déshérités. Ils sont une présence
d’amitié et de réconfort des plus isolés. A Deva, en
Transylvanie, quatre jeunes filles partagent une vie
communautaire et se dévouent spécialement auprès des
Tziganes.
2
3
Editorial
"Douze gratte-papiers citadins en diable partent à la conquête
de l'art de la fuste"…
Vous non plus vous n'aviez jamais entendu le mot "fuste" auparavant ! La fuste est une
maison de rondins, du style de celles que nous avons tous admirées en regardant La petite
Maison dans la Prairie, ou plus roumainement une maison de campagne traditionnelle avant les
errances du génie des Carpates. Cette construction typique est un projet longuement mûri
par le Point cœur installé à Deva (Roumanie) depuis maintenant plus de dix ans, et elle a
enfin commencé à surgir de terre le 23 août 2005, au fond d'un jardin de Transylvanie.
Points-Cœur est une association catholique, implantée dans les points du monde où les plus
démunis ont besoin d'une présence amicale, paisible et priante. A Deva, les plus démunis sont
souvent les enfants Tziganes, qui depuis des années ont pris l'habitude de venir jouer avec
les volontaires de Points-Cœur qui leur ouvrent leur maison. C'était depuis longtemps le
moment d'élargir les activités de cette communauté : fort de l'expérience indienne l'été
dernier, Points-Cœur a demandé à Coup de Pouce de venir cet été dans cette région moins
exotique mais au moins aussi attachante, pour un des chantiers les plus techniques de sa
jeune histoire, la construction d'une deuxième maison de volontaires.
L'aventure a commencé avant le départ en Roumanie, pour trouver un exemple de fuste
terminée et visitable, pour obtenir des conseils pratiques, pour lancer à distance les
demandes de permis de construire, pour décider comment transporter des tronçonneuses en
avion en plein plan vigipirate rouge… elle a continué sur place, avec la quête des rondins
parfaits (pas coniques, pas tordus, pas trop courts, pas trop lourds… et surtout disponibles
avant la Saint Glinglin !), de l'huile de chaîne, des chevilles de bois. Elle a continué aussi avec
les palabres interminables que nous tenions ensemble sur la manière de nous y prendre pour
transformer un tas de bois en maison solide et accueillante, sur l'ordre dans lequel tracer
les entailles, les joues, les gorges, la profondeur des unes et la courbure des autres, avec les
questions métaphysiques sur la fabrication du compas à double niveau à bulle… Un
enthousiasme indéfectible nous a tous transformés en bûcherons et ébénistes, architectes
et négociants, hommes de peine et artistes. Pendant ce temps, les voisins et amis de PointsCœur participaient… ou regardaient notre affaire avec un scepticisme qui diminuait au fur et
à mesure que montaient les étages de notre belle maison ; les enfants guettaient le moment
où nous allions distribuer les appareils photos et organisaient des défilés de mode, fiers
comme des Artaban en herbes au moment où nous leur confiions les planes pour écorcer les
troncs. Drôle de contraste entre nos techniques ancestrales remises au goût du jour et
l'environnement urbain de béton !
Ce fut l'occasion de découvrir de nouveaux amis, comme Zoly, intrigués puis portés par cette
entreprise un peu folle… de renforcer la confiance mutuelle entre les familles qui nous
hébergeaient et Points Cœur… de confirmer l'immense amitié et la disponibilité sans faille
d'Attila – le protecteur efficace et adorable du Points Cœur de Deva. Ce fut aussi l'occasion
de faire naître une mystérieuse alchimie entre nous, à tel point que de retour en France,
4
nous n'avons pu passer la première soirée sans nous retrouver à égrener des souvenirs
d'anciens combattants !
Ces belles missions nous ont permis également de tisser une très profonde amitié avec les
Amies des Enfants de Deva : c'est sans nul doute pour elles que nous sommes presque tous
revenus continuer la construction de cette maison d'accueil au printemps 2006. Le défi est
de taille : il faut terminer les murs, faire la charpente et poser le toit avant de repartir. La
fleur à la tronçonneuse, nous affirmons que ce sera faisable car maintenant, nous
connaissons un peu le métier…
Nous revoilà donc partis en vieux briscards, avec nos tronçonneuses, nos perceuses, un palan
et sa chaîne, des tirefonds, des casques anti bruits, des sangles à cliquet et autres compas à
double niveau à bulle pour lester les sacs à dos. 24h de traversée de l'Europe plus tard, nous
retrouvons notre fuste, au milieu d'un jardin d'herbes folles que viendra faucher un voisin.
La reprise est enthousiasmante, nous avançons presque aussi vite que prévu grâce à l'aide
abondante des voisins et amis du point cœur, agréablement impressionnés par notre retour
et entraînés par notre passion. Le temps que le bruit se répande de notre présence, et nous
retrouvons avec joie (et soulagement !) Zoly, hercule au grand cœur ; les Rafi, tziganes très
proches des Amies des enfants, viennent aussi nous aider en famille, ainsi que quelques
autres voisins et amis d'amis hongrois, roumains ou tziganes.
Même le vol de notre tronçonneuse de compèt et la mort au champ d'honneur de sa
suppléante n'émousseront pas notre volonté de tout terminer. Et rapidement, après une
séance de travail de nuit pour monter le pignon, arrivent les heures magiques où l'on pose les
panes, la faîtière, les tasseaux, les lattes, la bâche de super S9 pour l'étanchéité, les
contre-tasseaux, et enfin… les tuiles !
La maison n'aurait sans doute pas été terminée sans les coups de main, le carnet d'adresse,
les conseils avisés, l'énergie et la disponibilité, bref le soutien indéfectible d'Attila. Et elle
n'aurait pas été aussi formidable sans la présence attentive des "point-cœurettes" ; nous
avons chamboulé un peu leur jardin, beaucoup le rythme de leurs journées, énormément le
niveau sonore de leur vie quotidienne… Pour retrouver notre chère fuste et tous nos amis
Roumains, il ne nous reste plus qu'à attendre avec impatience le jour de l'inauguration c'est en bonne voie, nous venons de recevoir le permis de construire !
5
.
Le point de vue de Sœur Isabel, Visiteuse du Point cœur de Deva :
Pourquoi Points-Cœur a-t-il fait appel à Coup de Pouce ?
Depuis quelque temps déjà, nous avions le projet "d'agrandir" un peu notre
Point coeur pour permettre aux Amies des enfants (c'est ainsi que nous
appelons les jeunes qui vivent dans le Point cœur) de s'isoler un peu leur jour de
repos, pour offrir un toit à nos hôtes de passage et éventuellement pour
pouvoir accueillir des garçons (et peut-être même des prêtres) dans la
communauté. Notre amour pour le pays, notre souci de plonger dans sa culture
et notre désir que cette maison soit comme un petit ermitage nous ont incités à
envisager la construction d'une maison en bois, dans le style roumain. C'est
tellement plus beau ! Les premiers contacts que nous avons alors pris pour
avancer dans ce sens n'ont pas été très concluants. Notre projet pouvait même
sembler un peu irréalisable, mais le Père Thierry de Roucy, notre fondateur, a
continué d'y croire !
C'est en 2004 que nous avons connu Coup de Pouce. Une équipe est venue nous
aider à construire une maison en Inde, où nous sommes également présents. La
maison a tenu bon ! Mais nous avons surtout beaucoup apprécié votre présence
toute donnée et toute simple, votre audace, votre façon de travailler et
d'entrer dans la culture et les manières du pays. Alors, il est devenu soudain
évident que seul Coup de pouce pouvait relever le défi roumain !!
La maison de Nemili, construite
en 2004 dans la région de
Madras par Coup de pouce
6
Notre partenaire : l'association Points-Cœur
La communauté de Points-Cœur, "Pour que soit
reconnue la dignité des pauvres et des enfants du
monde entier… "
"Les Points-Cœur veulent être de petits foyers disséminés dans le monde entier, de
simples refuges d'amour et de tendresse, où chaque enfant (de la rue) pourra être
aimé, accueilli, écouté, respecté, bref regardé d'un regard qui communique l'ardeur de
l'amour." (Charte de Points-Cœur)
Points-Cœur a été fondée en 1990. Elle offre à des jeunes de tous pays et de toutes
conditions la possibilité de vivre pendant au moins 14 mois au sein d’une petite communauté,
dans un quartier particulièrement défavorisé, en Europe ou à l’étranger.
S’appuyant sur une vie de communauté et de prière, les volontaires de Points-Cœur, appelés
"Amis des enfants", cherchent à accueillir et écouter les enfants et les familles en
détresse, tels qu’ils sont ; à leur apporter une présence d'aide et de soutien ; à tisser des
liens d’amitié et de confiance en allant à la rencontre des personnes délaissées ou
souffrantes, là où elles vivent ; à être un relais entre la rue, les familles et les structures
sociales locales.
Aujourd'hui, l’action de Points-Cœur rejoint aussi des
personnes, des pays ou des situations dont la misère est
plus cachée, comme à New York. Elle œuvre pour faire
reconnaître les droits des personnes grâce à son statut
consultatif auprès de l’ONU.
Certains Amis des enfants, au terme de leur mission, ont
demandé à s'engager davantage dans l'œuvre PointsCœur, à travers une consécration : ce sont les membres
de la fraternité Molokaï.
D'autres ont voulu continuer à vivre, au cœur de leurs obligations professionnelles et
familiales, de l'esprit et de la grâce de l'œuvre : ainsi a été fondée la fraternité SaintMaximilien-Kolbe, ouverte à toute personne désirant vivre de ce charisme de compassion.
7
Points-Cœur à Deva
Deva est une petite ville de
Roumanie,
dans
le
département de Hunedoara,
le plus occidental de la
Transylvanie. Il est imprégné
de l’histoire de la Roumanie,
banale et omniprésente, d’un
pays qui se sort lentement
du rabot communiste.
Même si le niveau de vie et
le pouvoir d’achat sont bas,
la pauvreté n’est pas d’abord
matérielle. Elle n’est pas
criante comme dans la
plupart
des
pays
d’implantation de PointsCœur. Elle est muette,
cachée, fruit de l’oppression
si longue des esprits et des
cœurs. Le communisme a
miné le pays et les meilleurs
experts anti-mines seraient
incapables de les enlever.
Les
Points-Cœurs,
eux,
arrivent dans ce contexte
avec les mains vides et un
cœur
qui
ne
veut
transmettre que ce que Dieu
y dépose.
Points-Cœur est implanté à
Deva depuis une dizaine
d'années. Il y a actuellement
"Les points cœurettes" et Sœur Isabel leur
visiteuse sont les jeunes filles du Point cœur de
Deva, avec un cœur grand comme ça ; toutes ont pris
un engagement pour une vie communautaire, une vie
simple pour mieux accueillir les personnes
auxquelles elles ouvrent leur porte.
Quelle énergie n'ont-elles pas déployé pour avoir le
permis de construire, trouver le bois et le matériel
qui nous manquait, les hommes pour nous aider à
travailler ou à décharger le bois ? Combien de
kilomètres n'ont-elles pas parcouru pour trouver
l’essence, l’huile ou les chaînes pour les
tronçonneuses, les chevilles de bois ?
Toujours pleines d’idées pour varier les menus bien
sûr excellents - je pense que beaucoup d’entre nous
n’aurons jamais autant mangé de "fait maison" –
chacune d'elle faisait attention au coup de pompe de
chacun des coups de pouciens et restait toujours
prête à chauffer un bon thé, ou à apporter le reste
du dessert du déjeuner…
sur place quatre volontaires qui sont des jeunes filles françaises.
Elles vivent leur mission de compassion et de consolation en
accueillant au Point cœur tous ceux qui viennent et en partant en
"apostolat", c'est-à-dire en visite chez leurs amis. Elles ont pour
amis entre autres les tziganes qui sont les personnes les plus
pauvres de la société roumaine.
Voici des extraits de lettres de certaines d'entre elles décrivant
leur vie et quelques uns de leurs amis : "Les familles tziganes
habitent au commencement de notre rue. Je découvre avec passion
8
leurs coutumes, leur mode de vie. Ne prenez pas certains prénoms tziganes pour des
surnoms, ils risqueraient de se vexer. Que c'est bon de voir le sourire de Darius, les
grimaces de Mafiot (qui signifie mafieux), la beauté de Tasia, les boucles des cheveux de
Prapad (qui signifie ravage), l'élégance de Teresa, les caprices de Specula ! Darius est le
premier à arriver au Point cœur et le dernier à le quitter. Il s'abreuve à cette source
d'amour qu'essaie d'être notre Point cœur. Il habite avec ses cousins. Sa mère ne veut pas
s'en occuper. Son père est en prison et ses grands-parents sont en France pour gagner de
l'argent."
"Alis est une autre de nos fidèles. Depuis l'été, déjà, Ciocolata, sa cousine
l'envoyait avec sa sœur Maria mendier dans les rues de Deva. Depuis
quelques semaines, ce n'est plus seulement la journée qu'elle doit mendier
mais aussi le soir, dans le froid et l'obscurité. Elle part donc le matin le
ventre vide et reste ainsi à la Piatsa (le marché) jusqu'à ce qu'elle ait
récolté 50000 lei puis rentre chez elle les remettre à sa cousine."
"Ce qui nous fait le plus mal est de voir des enfants roumains ne voulant pas
entrer dans le Point cœur parce qu'il y a des enfants tziganes à l'intérieur, de même que les
enfants hongrois avec les enfants roumains et tziganes et inversement !" .
Nous avons l'occasion lors de notre mission
Coup de pouce de voir combien le Point cœur
est facteur d'unité puisque nous y avons vu
des Hongrois, des Roumains et des Tziganes
réunis pour une fête et devisant
amicalement…
… et même une maman tzigane consoler dans ses
bras un petit enfant hongrois !
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Le point de vue de Sœur Isabel, Visiteuse du Point cœur de Deva :
Qu'est-ce que les voisins et les amis du Point cœur de Deva ont pensé
du projet que Points-Cœur a confié à Coup de Pouce en Roumanie?
Nos amis nous ont d'abord pris pour des fous. Comme je l'ai dit, notre
projet leur semblait complètement irréalisable : pourquoi construire en
bois, en employant les méthodes traditionnelles ? Ils avaient un peu de mal
à percevoir le sens de tout cela et n'ont rien fait pour nous encourager.
Quand l'équipe de Coup de pouce est arrivée, nos voisins ont d'abord
observé. Ce qui a été fantastique, c'est que certains, sans pour autant
être convaincus par notre projet, n'ont pas hésité à venir nous aider. Voir
tous ces jeunes français se donner si gratuitement et avec autant
d'enthousiasme pour construire dans leur pays ne les laissait pas
indifférents.
Au fur et à mesure des jours (et du travail en commun), ils ont compris
que c'était du sérieux et ils ont constaté que la maison prenait forme.
Finalement, ils n'ont pu qu'adhérer et c'est d'une certaine façon devenu
leur projet aussi. Ils n'ont pas caché leur reconnaissance et leur
admiration pour tous ces jeunes français qui croient en leur pays, qui en
perçoivent la beauté et la grandeur bien plus qu'eux-mêmes. Aujourd'hui,
nous constatons qu'à travers tout cela, leur amitié avec Points-Cœur s'est
approfondie. Elle s'est enrichie aussi : dans leur coeur habitent de
nouveaux visages, ceux des 15 coups de pouciens !
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La Roumanie, un terroir très européen
Une ville, des systèmes en transition
Le train qui arrive de Bucarest traverse de vastes et
denses forêts avant d’arriver à Deva. La ville est dominée
par une citadelle du XIIIème siècle construite sur une
colline, réserve naturelle, d’où se détachent les quatre
lettres blanches de DEVA à la manière de celles
d’Hollywood…
La nature entoure cette ville avec la forêt Bejan et l’arboretum Simeria, qui comptent des
espèces du monde entier. Pourtant le visage actuel de Deva est moins façonné par l’histoire
ou la nature que par son passé industriel minier et par le système communiste des dernières
décennies.
Le lieu emblématique de Mintia est plus connu ici
pour sa centrale thermique que pour son site de
fouilles archéologiques d’un port romain.
Alors que tant de villes communistes ont changé
radicalement de visage depuis quelques années,
Deva a gardé ses grands bâtiments gris massifs,
ses statues de sportifs en bronze aux
carrefours. Avant d’arriver dans la ville, le train
passe dans une de ces grandes zones de barres de béton lézardées et désertes comme à
l’approche de la quinzaine d’autres villes traversées depuis
Bucarest. La gare est bordée par une ancienne porcherie
investie par des tziganes qui y habitent depuis plusieurs
années maintenant.
La période communiste a laissé aussi des traces dans l’état
d’esprit des personnes rencontrées : mieux vaut chercher
son chemin que chercher à acheter un disque à poncer le
bois… dans un cas vous découvrirez la gentillesse des
Roumains et dans l’autre leur faible motivation pour être le
meilleur vendeur du mois…
Pour vous déplacer
dans la ville vous emprunterez les bus de la centrale de
Mintia : elle fut un des employeurs principaux de la ville
et a encore un réseau de bus officiellement dédié aux
employés mais qui assure aujourd’hui les transports en
commun de la ville… et les fins de mois du chauffeur…
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Le bois aux racines de l’architecture roumaine
La construction traditionnelle roumaine a fait la part belle
au bois. S’il n’est pas protégé, l’habitat traditionnel continue
de représenter l’essentiel des constructions des villages
ruraux. Et les chefs d’œuvre sont nombreux, témoignant
d’une ingéniosité fertile. Les portes et fenêtres s’ornent
parfois de motifs végétaux. La maison typique est faite de
madriers ronds ou équarris, empilés et emboîtés en leurs
extrémités en queue d’aronde. Le bois a également séduit les
bâtisseurs d’églises.
L’époque communiste et singulièrement celle de Ceausescu (19741989) a néanmoins tenté de mettre un coup d’arrêt à la
construction en bois et d’imposer la "maison bloc" plus conforme à
son esthétique. Ce régime tenait en total discrédit le style de vie
et l'habitat paysans, discrédit qui s'est traduit par une politique de "systématisation" des
villages qui prévoyait de raser la moitié des 13 000 villages du pays et de les remplacer par
558 centres agro-industriels.
Coup de pouce a désormais une longue histoire de construction de maisons simples, en
briques d’Inde (été 2004), en pierres du Hoggar (hiver 2004) ou en parpaing de Djibouti
(hiver 2003) et du Burkina Faso (hiver 2004). Le principe est de respecter les pratiques de
construction locale. C'est pourquoi nos plans sont co-établis avec des ingénieurs locaux, les
matériaux traditionnels des maisons villageoises sont repris, comme les outils et les
échafaudages. La maison en bois est donc une nouvelle page technologique pour Coup de
pouce. Nous avons pris contact auprès d’entreprises spécialisées dans la construction de
chalets en bois en Savoie pour recueillir les secrets du métier et acquérir les réflexes
idoines. Nous sommes prêts !
Et Dracula ?
Dracula est sans conteste le plus célèbre des Roumains… Même si la réalité historique n'a
pas grand-chose à voir avec ce que rapporte le roman de Bram Stoker (1897) ! Dracula tient
son nom de son père, le prince de Valachie Vlad II Dragul - "Dragul" pour "Dragon", nom
d'un ordre très chrétien dont il était membre. Dracula, de son vrai nom Vlad III Tepes,
succède à son père en 1456, dans un bain de sang comme il arrivait souvent à ce moment. Il
gagne le délicat surnom de "Vlad l'Empaleur" dans sa résistance aux Ottomans. La légende
noire qui entoure ce personnage haut en couleurs est le fruit de la propagande du roi de
Hongrie Matei Corvin, à qui il refusa de très longues années de prêter allégeance et dont il
resta plus tard longtemps le prisonnier. Vlad Tepes va ensuite soutenir son voisin le roi de
Moldavie, Etienne le Grand (dit "l'athlète de Dieu" par le Pape de l'époque), dans la lutte
contre les Ottomans. C'est là qu'il trouve la mort en 1476.
Ce héros de l'histoire roumaine est maintenant l'objet d'un culte touristique du pire effet,
il n'est pas une échoppe qui ne vende son portrait noir et sang à côté d'œufs délicatement
peints, de spécimens de broderie ou de faïences bleues et blanches.
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L’équipe : quelques paroles des volontaires
Nicolas - 32 ans
Membre de l'association Points-Cœur depuis 1994, j'ai passé deux ans au Sénégal et
cinq au Brésil. Je suis depuis un an revenu en France pour m'occuper de la
communication de l'association Points-Cœur. Accompagner le projet Coup de Pouce en
Roumanie, c'est pour moi la grande joie à la fois de me retrouver à nouveau "sur le
terrain", et à la fois celle de devenir acteur à mon tour de cette coopération entre nos
deux associations.
Chrystel - 29 ans
Communiquer, m’exprimer au travers d’une action concrète et durable, voici la chance que
m’ont donné de vivre mes deux missions "Coup de Pouce" précédentes. Je récidive à nouveau
avec le plus grand plaisir et une certaine impatience car une mission CPH est avant tout une
aventure humaine où donner et recevoir prennent toute leur grandeur. Après le projet en
Inde de l’été dernier, je me réjouis de venir à nouveau en appui à Points-Cœur dont le
charisme confère une dimension particulière à la mission qui est encore nouvelle façon de
rencontrer le Christ.
Martin – 30 ans
Avec coup de pouce ça marche à tous les coups : 15 jours c’est peu dans une vie
mais on s’en souvient toujours et l’amitié qui naît entre nous tous est cimentée
plus solidement encore que nos maisons. Quand je me suis proposé pour
organiser cette mission, je voulais relever le défi technologique de construire
une maison en rondins de bois. La mission a totalement dépassé mes espérances.
Laetitia – 25 ans
J'ai aimé les rencontres avec les amis du Point cœur, l'après-midi de jeux avec les enfants
du quartier de Grigorescu (ancienne porcherie transformée en habitations), les courses dans
les magasins de tronçonneuse... et j'ai bien sûr adoré "planer" (c'est-à-dire écorcer les
troncs d'arbre sur le chantier) ! Ce qui m'a marquée, c'est l'amitié avec les filles du Point
cœur et l'unité qui régnait dans notre groupe.
Amaury - 29 ans
Voulant de longue date partir en mission humanitaire et ayant plusieurs fois participé à des
petits "chantiers" entre amis ou en famille (pour par exemple repeindre un appartement),
j'ai été séduit par le concept de Coup de pouce dès qu'on m'en a parlé. Comme m'a souvent
répété un oncle cher : "Les vacances des uns sont le travail des autres" !
13
Anne – 29 ans
Je bosse comme assistante de direction depuis 6 ans et suis contente de renouveler 5
ans après un premier voyage de 3 mois un Inde, une expérience "humanitaire", cette
fois-ci pour un projet bien organisé. Pourquoi la Roumanie ? Parce que ce n’est pas trop
loin, c’est un pays européen et donc une population qui nous est relativement proche,
et que j’ai été amenée à côtoyer dans le cadre d’une association d’aide aux personnes
de la rue des enfants roumains… Tout cela me donne vraiment envie de connaître le
pays de l’intérieur. Enfin c’est aussi la chance de passer un peu de temps dans un Point
cœur, avec des gens qui donnent deux ans de leur vie au service des plus pauvres.
Caroline - 31 ans
Travailler ensemble pour construire une maison, il n'y a pas vraiment de plus belle manière
de faire connaissance. Travailler ensemble, c'est surmonter ensemble les difficultés, chacun
à sa manière ; construire permet d'avancer concrètement sur de bonnes bases ; une maison,
c'est un lieu de vie. Et mener cette mission pour Points-Cœur nous a permis de vivre cela en
vérité… Je reviens avec des souvenirs extraordinaires, des amis véritables, et une terrible
envie de remettre ça !
Amaury – 27 ans
Je suis officier de marine depuis 1997, affecté sur une frégate à Brest à partir du mois de
juillet. Ce projet m’enthousiasme, car il m’offre une chance d’aller à la rencontre d’une
population qui, bien que proche géographiquement, possède une culture et une histoire
(notamment récente) bien différentes de la nôtre. Le projet lui-même facilite la rencontre
avec les Roumains en nous faisant travailler ensemble, et à leur demande, à un ouvrage
commun. Et le travail manuel soutenu donne la satisfaction de la journée bien employée !
Enfin, je me réjouis de côtoyer les membres de l’association Points-Cœur, qui vivent là-bas
une mission très belle, entièrement tournée vers l’écoute des autres et la charité.
Soisic - 35 ans
Des amis étant rentrés enchantés de leur mission Coup de pouce, je me suis
sentie attirée pour vivre cette expérience. La mission pour aider le Point cœur de
Deva m’a séduite, car une de mes amies rentre d’un Point cœur en Argentine. Cela
va me permettre de mieux comprendre ce qu’elle a vécu et d’apporter une
participation humaine et concrète pour aider cette belle œuvre.
Louis - 35 ans
Quitter momentanément la fuste de Deva pour une après-midi d’apostolat avec Points-Cœur
fut une extraordinaire expérience de compassion avec la pauvreté des bidonvilles, la joie de
jouer avec les enfants. Leurs éclats de rires, leur plaisir à nous faire découvrir tout leur
univers (la grand-mère édentée, le jeu de carte, la cabane dans les arbres, la cascade d’une
rivière au fond d’une grotte, les danses indiennes) resteront à jamais gravés comme une des
plus fortes journées de ma vie.
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Les chantiers
Nous rejoignons le Point cœur de Deva alors que son
activité bat son plein et que la maison est devenue trop
petite. La petite communauté a donc pris la décision de
construire au fond de son jardin une nouvelle petite
maison en bois sur le modèle traditionnel roumain, là où
ne poussent aujourd’hui que broussailles.
Attila est un entrepreneur local dans le bâtiment. Il s’est aussi pris
d’affection pour cette petite communauté de Points cœur et a souvent
sorti d’affaire, avec une dextérité d’ange gardien, les Amies des
enfants quand un problème technique de tuyau percé ou de mur affaibli
leur est brusquement apparu. Il est sur place notre "homme à
débrouiller les situations inextricables" et met à notre disposition ses
compétences et ses contacts.
La construction de la fuste
C'est le chantier principal, celui sur lequel nous allons passer le
plus de temps et d'énergie.
Nous devons construire une maison de 45m² avec quatre murs en
bois (percés d'une porte et de fenêtres) et un mur interne de
soutènement en briques, une charpente et un toit en tuiles de bois. La maison doit reposer
sur une dalle de béton préparée avant notre arrivée afin que la prise
du béton soit finie et que le sol soit prêt pour poser les premiers
rondins. Dans cette entreprise, nous devons être aidés par des
ouvriers et voisins roumains, qui doivent notamment nous transmettre
leur maîtrise de cet art de la fuste dont nous n'avons qu'un bref
savoir 100% livresque.
C'était la théorie…
15
Voici les lieux à notre arrivée…
En fait, il va donc nous falloir faire
couler la dalle, trouver et acheminer le
bois, et surtout passer du bouquin à la
réalité…
Étape n°1 donc, poser la maison sur
une dalle de béton.
Le but est d'avoir au sol une surface
plane et stable sur laquelle appuyer les
murs. Nous arrivons en même temps
que les ouvriers et les camions, qui
vont nous faire un soubassement en
béton armé de près d'un mètre de
haut ! En vrais "bleus", nous n'avions
rien vu venir et nous n'avions pas réagi
lorsque le 4ème camion avait commencé
à vider sa benne…
16
Étape n°2 ensuite, trouver le bois.
Nous sommes allés deux fois "au ravitaillement" dans des scieries des alentours de Deva. La
première fois, nous sommes glorieusement revenus avec
une dizaine de fûts… dont pas un seul assez long pour
faire le long côté de la maison, ce qui a tout de suite
rendu obligatoire une option technologique : le poteau,
dans lequel s'encastrent les deux extrémités des
rondins, et sur lequel nous passerons de très
nombreuses heures.
L'achat du bois.
Pas de mission sans matériel. Trouver du bois était plus qu'un impératif ! Après de
nombreux coup de téléphone et d'ordres et de contre-ordres, nos 20m3 sont enfin
localisés… Dernier élément dans cette gestion de stock, son déplacement… Comment
trouver un camion ? Grâce à Attila notre bienfaiteur et son bras long bien
évidemment ! Il convainc le chauffeur que le bois nous attend, et le dépôt que nous
envoyons un camion, et le tour est joué…
Sur place, au dépôt de bois, quel n'est pas l'étonnement du
gérant de voir débarquer des touristes qui veulent choisir leurs
bouts de bois un à un et emporter un cubage limite négligeable !
La négociation est serrée, mais 4 heures après, le bonhomme
tombe lui aussi sous le charme de la fuste et de notre projet, et il
accède finalement à notre demande.
Les bois sélectionnés, un tracte-pelle dit "éléphant"
charge avec allégresse nos 15 tonnes de bois.
Nous regardons les manœuvres avec amusement,
sans réaliser que pour le déchargement il n'y aura pas
d'éléphant…
17
Ce qui est magique, comme à
chaque mission coup de pouce,
est que la confiance suffit et le
problème
s'évapore.
Nous
n'étions finalement pas notre poignée de volontaires
pour décharger mais bien le double, amis de PointsCœur ou simples passants dans la rue.
Étape n°3, préparer le bois.
Une fois à terre, rien ne ressemble plus à une grume
qu'une autre grume. Le cahier de comptes de notre trésorier nous imposait de fabriquer
maison et charpente avec les 60 troncs que nous venions d'étaler dans le jardin, hors de
question de prendre les rondins au petit bonheur la chance ! Nous commençons par
numéroter et caractériser chaque tronc : mesures à tous les bouts et dans toutes les
dimensions, description de ses irrégularités, "conicité", prise en compte de son éventuelle
torsion et de sa nodosité…
le tout saisi dans une base de
données du dernier cri, du papier
blanc et des crayons de couleur !
Le bois fait à partir de là l'objet
d'une comptabilité très élaborée
suivant les normes roumaines en
vigueur. Les maîtres d'ouvrage
exigent une parfaite rectitude des
murs et des côtés opposés à la même
hauteur tous les deux étages, légère
gageure ! Nous compensons la
croissance des troncs en les rangeant tête bêche et en
jouant sur les diamètres… Ces données enregistrées et
traitées dans nos ordinateurs portables (nos feuilles de
papier et nos têtes…), nous communiquons aux planeurs le
n° des troncs à planer pour l'étage n+1 et un bon de
montage pour couper les fûts à la bonne dimension et les
disposer au bon endroit.
Étape n° 4, préparer les rondins
C'est tellement simple dans le livre…. Et tellement plus
stressant au moment de commencer à découper le bois ! Nous partons de loin, puisque la
question de départ est de choisir quelle technique d'encastrage des rondins nous allons
18
appliquer…. Une fois ce choix cornélien posé sur la "tête de
chien", nous tâchons de l'appliquer à notre début de fuste,
d'où des conciliabules sans trêves ni reproches…
Ca y est, nous nous lançons. Nous commençons par planer
(écorcer) le tronc choisi ; cela semble enfantin… mais c'est
épuisant !
Puis nous plaçons le rondin plané et coupé à la bonne longueur à
sa place définitive pour choisir dans quel sens nous allons
gérer sa torsion ou les nœuds disgracieux.
Ensuite, nous dessinons les joues,
nous
les
coupons
et les ponçons.
Puis nous dessinons la pré-entaille qui permetta de
stabiliser le rondin sur les rondins du dessous. Et nous la
découpons à l'aide de notre outil de précision favori, la
tronçonneuse.
(Il ne faut pas perdre de l'esprit qu'entre chaque
opération, il faut soulever les 450 kg de bois, les tourner
et les retourner et les re-retourner pour tracer des
formes dessus et dessous et les découper, en prenant
soin à chaque fois de ne pas "faire tourner la croix" = ne
pas oublier les repères de verticalité et d'horizontalité
marqués à l'extrémité de chaque tronc. Eh, c'est que
fustier, ça ne s'improvise pas !)
19
Un chantier high tech faisant appel… à
notre
débrouillardise,
comme
en
témoigne un des outils clef du chantier,
le compas traceur "fait main" par
Martin.
Descriptif technique : simple compas
auquel on ajoute les deux bulles d’un niveau
pour
vérifier
la
verticalité
et
l’horizontalité. Aussi précieux à la
construction que la tronçonneuse, il sert à
tracer les courbes pour
épouser au mieux la
forme du tronc du
dessous. Il faut en
premier lieu déterminer
l’axe le plus adéquat du
tronc pour obtenir une
maison la plus régulière
possible -et oui, vous
n’avez pas idée mais les arbres sont loin de
pousser tout droit ! Après avoir déterminé
l’écartement
du
compas,
on
cale
l’horizontale et la verticale, et voilà le
compas qui entre en action pour caresser
le bois d’un côté avec la pointe sèche et de
l’autre avec un feutre pour dessiner les
lignes que les rois de la tronçonneuse
auront la joie de suivre pour faire gorges
et entailles.
Nous pouvons retourner encore une fois le
rondin, le caler correctement, et révéler
les artistes qui sommeillent en nous pour
dessiner l'entaille définitive ("la gueule").
Pause technique : qu'est-ce que cette
fameuse
"entaille"
?
c'est
tout
simplement le trou du rondin qui viendra
s'encastrer dans les rondins du dessous.
Elle est appelée aussi "gueule" car en
séchant, le bois se rétracte et la "gueule"
se resserre comme deux mâchoires autour
des rondins du dessous, contribution
supplémentaire à la solidité de l'ensemble
de l'édifice. De la précision de son tracé
et de sa sculpture dépend donc la
stabilité de la fuste : si elle est trop
large, il y aura du jeu entre les rondins…
Toujours avec notre compas, dans le
même élan nous traçons la gorge. La gorge
est une large bande de bois découpée tout
le long du tronc, qui suit les moindres
aspérités du tronc du dessous pour les
faire rentrer dans le creux du tronc du
dessus.
Et nous re-tronçonnons.
Pour plus d'étanchéité, nous garnissons cette gorge de laine
de roche avant de la retourner définitivement sur le tronc
de l'étage inférieur.
20
Nous stabilisons le tout, et nous posons pour la postérité : nous venons de terminer le
premier rondin du premier étage, et nous sommes déjà jeudi…
25
Étape n° 5, prendre de la hauteur
Mine de rien, maintenant que nous
avons compris ce qu'il fallait faire et
l'ordre dans lequel faire se succéder
les opérations, nous avançons de plus
en plus vite !
Nous atteignons bientôt l'altitude des
fenêtres, donc à tout ce qui précède il
faut ajouter la quête infructueuse, puis
la fabrication des chevilles de bois pour
tenir les rondins. Et percer les trous
des chevilles avec une grosse aiguille,
et enfoncer les chevilles…
… et monter
bidons…
un
échafaudage
sur
21
Et monter, monter toujours !
22
Le poteau, ouvrage d’art de la fuste
Réalisation de haute technologie, le poteau
épouse la forme naturelle du rondin du
dessous et coulisse pour s’adapter au
tassement de la fuste. Une prouesse de
dessinateur et de réalisateur, que nous
devons à Amaury. Il séparera à tout jamais
la porte de la fenêtre.
Étape n° 7, monter les pignons
Les pignons (hauts des murs de
forme triangulaire) sont trop
hauts pour être fabriqués par
les alpinistes que nous sommes
devenus. Nous les construisons
donc au sol et les montons en
bloc avec le palan et toute nos
forces coalisées. Pour les
stabiliser et renforcer le toit,
nous construisons un mur de
refend dans les hauteurs ;
Xavier
le
sculptera
délicatement à la tronçonneuse
ensuite pour lui donner une
forme d’arc parfait.
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Étape n° 8, la charpente et le toit
Il est temps désormais de
mettre la fuste à l’abri d’un
grand
toit
débordant.
Transformés en compagnons
charpentiers, nous faisons appel
à un maître de l’art pour être
initié et profiter de ses
échafaudages et outils de
pointe. A notre grande surprise
le charpentier arrive sans autre
outil que les notres. Qu’à cela ne
tienne, nous voici dans les airs
avec lui, à califourchon sur les
pannes et autres faîtières, à
fixer les chevrons, la volige,
l’isolant, les contre-lattes, les
lattes et enfin les tuiles.
A ce stade, les curieux du voisinage sont bien nombreux à venir voir le chantier. Nous les
transformons tous en maillon de la chaîne de tuiles et le toit est rapidement couvert et prêt
pour sa première pluie.
Avec notre charpentier, le hongrois est devenu la langue officielle du chantier – à parité
avec le langage des mains.
24
25
Étape n° 9, tenir le rythme
Nos
journées
commencent tôt
et se terminent
tard.
Elles sont jalonnées par les deux pauses matinale et vespérale autour
d'un thé revigorant et de tartines de Nutella ou de petits biscuits
locaux.
Qu'il pleuve, qu'il vente, nous travaillons. Le
plus compliqué est de ne pas glisser dans les
mares de boue que sont devenus nos chemins
de passage dans le jardin…
Heureusement, la sciure produite par tonnes sur le chantier
comble rapidement le bourbier, et le soleil revient parfois !
Et régulièrement, il faut entretenir nos outils et faire place
nette sur notre chantier pour y voir clair.
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Quand la technique vous lâche : après le vol de notre puissante drujba (tronçonneuse), c’est
au tour de la drujba roumaine de défaillir. Un segment bloqué, plusieurs heures d’opération à
cœur ouvert en compagnie du suspect numéro 1 du vol de la première tronçonneuse. La
Drujba finit par redémarrer
Le plus difficile est de rester sérieux toute la journée ; d'ailleurs nous n'y parvenons pas
toujours… Et tout se termine dans un grand éclat de rire !
C'est un chantier qu'on a fait avec un casque sur les oreilles, il n'y a donc pas grand chose
d'autre à dire…
27
La peinture de la porte
Chantier n°2 de la première mission, le relookage du portail d'entrée.
D'un vert usé et maculé de rouille, il n'a pas fière allure. Pour lui
redonner un petit air joyeux, nous le repeignons en bleu vif.
De prime abord, rien de palpitant.
Mais il faut prendre en compte les araignées qui prennent un malin
plaisir à se prendre les pattes dans la peinture fraîche, pour dessiner de charmants basreliefs. Il faut aussi considérer que nous avons confié la première couche aux enfants, ce qui
donne une curieuse palette de couleurs et de coups de brosses, avec une quantité de
peinture exactement partagée entre la partie inférieure du portail, l'herbe des alentours et
les bras de tous les participants au paint-ball.
La seconde couche est moins artistique, moins rigolote, mais plus
systématique et –surprise !- plus efficace pour redonner au moins 10 ans
d'espérance de vie à ce joli portail.
Et cela nous aura bien occupés en attendant l'arrivée du bois !
L'atelier photos
En 2005, grande première pour Coup de Pouce, l’ensemble des missions de l’été a mené une
activité commune : un atelier photos.
L’objectif de cet atelier, mené en partenariat avec la Fnac, a été de présenter au public
parisien l’association Coup de pouce à travers un support photographique réalisé au cours des
missions, de Roumanie, du Burkina, du Burundi et de la Colombie.
La particularité de cette exposition photographique qui s'est tenue à la Fnac Saint-Lazare
du 26 Septembre au 14 octobre 2005 reposait sur son principe : tous les clichés avaient
été pris par nos partenaires locaux et non par les volontaires. C’est avec leur culture et leur
regard que le public découvrait l’association Coup de Pouce.
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En pratique, cet atelier a été encadré dans chaque mission par un volontaire de Coup de
pouce, amateur averti dans le secteur de la photographie.
Un grand merci à nos partenaires, la Fnac et le groupe PPR, pour leur soutien à ce projet.
………….……….
……..………….…
…………..………….
29
Notre vie sur place
Coup de pouce… ce n’est pas que le coup de pouce. C’est aussi une façon peu commune de
découvrir un pays de l’intérieur, par le biais des mille et une occasions de rencontres créées
par le chantier. L’équipe du Point cœur, par sa maîtrise de la langue et sa disponibilité de
chaque instant, nous a servi d’interprète tout au long du séjour, et nous a permis de belles
rencontres.
Les rencontres incroyables sur le chantier avec les Roumains et les Tziganes
Nous avons été tous étonnés de la richesse des rencontres, à plusieurs points de vue. Toutes
n'ont pas été inattendues – Points-Cœur a déjà des amis à Deva ; mais toutes ont témoigné
d'une surprenante envie de connaître l'autre et de partager des moments ou un état
d'esprit, ou même des valeurs.
Il est sans doute étonnant pour une personne dont les conditions de vie matérielle sont
difficiles, d'imaginer qu'un jeune occidental puisse choisir de venir partager ces conditions
de vie et travailler gratuitement pour elle pendant ses vacances… mais c'est sans doute ce
qui rend compréhensibles les liens qui se tissent entre les volontaires et les gens sur place.
Notre mission paraît irrationnelle, trop ambitieuse pour le temps et les moyens dont nous
disposons, et finalement l'énergie et l'enthousiasme seuls permettent de donner vie au
projet.
Éveiller la curiosité
Sans conteste, nous avons commencé par intriguer les rares Roumains qui passaient le
portail. Nous avions du bois, mais de technique point et de méthode encore moins ! Mais
notre
zest
d'inconscience séduit
aussi
d'autres
passants, motivés par
un projet qui rompt la
monotonie quotidienne
et fait naître un peu
d'espoir.
Zoli
par
exemple,
est
venu
d'abord un peu par
hasard décharger notre
camion de bois ; et les
jours suivants, il a
quitté son travail plus
tôt pour venir nous
aider à manier la
tronçonneuse
et
ajouter lui aussi son
rondin à l'édifice. Nous ne parlions pas la même langue, pourtant l'esprit qui nous animait
était identique, et son aide simple, joyeuse et amicale a entretenu notre motivation.
30
L'immense avantage de notre chantier un peu fou est que nous avons besoin des autres pour
avancer. Imaginez : il est 5h du soir ; vous voyez arriver un immense camion chargé de
troncs d'arbres énormes ; vous êtes onze paires de bras. Même pas peur, vous commencez à
décharger le camion, avec force éclats de rire… et ahanements car, mine de rien, chaque
tronc pèse aussi lourd que
tous ses porteurs ! À la pause
du 5è tronc, vous avez
dépassé la première heure de
travail, il vous reste 45
autres troncs, et vous n'êtes
plus de toute première
fraîcheur…
La
solution
s'impose : faire appel aux
bonnes volontés qui passent
dans la rue. Après une séance
de recrutement rapide et
surréaliste,
l'on
voit
débarquer une demi-douzaine d'hommes de tous âges, Tziganes ou Roumains, qui acceptent
sans trop comprendre pourquoi de tapisser leur tee-shirt de résine et de sueur, de patauger
dans la boue, et de trimballer une dizaine de tonnes de bois à bout de bras. Au Point cœur,
on ne connaissait presque personne de ces ouvriers de la deuxième heure ; on ne les reverra
plus sur le chantier, mais on se souviendra longtemps de leur coup d'épaule…
Comme l'a fait remarquer Sœur Isabel, visiteuse du Points-Cœur, c'est lorsque nous
demandons de l'aide que nous sommes le plus proche de l'Autre : nous ne sommes plus le
riche étranger qui arrive avec une solution toute faite et le bonheur clé en main, nous
sommes comme tout le monde, nous devons travailler et restons parfois impuissants.
Les amis des Amis sont nos amis
Toutes les rencontres ne sont pas le fruit du hasard. Les coups de pouciens ont aussi fait la
connaissance des amis de Points-Cœur : les Rafi, en particulier Braia, Dimitri, Ludovic et
Marco ; c'est une famille tzigane nouée par une longue amitié au Point cœur, et il ne se
passait pas beaucoup de jours sans leur visite et leur
aide pleine de joie ; Dimitri aura laissé un peu de peau
attaché à la chaîne de la tronçonneuse, Braia un des
sourires les plus éclatants de l'exposition à la FNAC, et
Ludovic des souvenirs de road-movie en Dacia bicolore…
Il faut aussi parler de Marie et Jean, les hôtes
hongrois des coups de pouciennes de la première année
et des coups de pouciens de la seconde ; francophiles
et francophones, ils sont représentatifs d'une part
très importante de la population de la Roumanie,
hongroise de langue et de tradition, roumaine depuis
les traités de paix de la première guerre mondiale ;
discuter avec eux était passionnant, car on touchait du
31
doigt une des causes des guerres européennes des siècles passés, cette difficulté à faire
coïncider nationalité et frontière, et tous les corollaires de cette situation des minorités si
délicates à gérer pour un État de droit.
La
famille
Chelariu
hébergeait
les
garçons pour la première mission : imaginez
une famille méthodiste de quinze enfants,
partageant son existence entre quatre pièces
au premier étage d’un bloc de béton et une
ferme aux environs de la ville. Ajoutez dans
les quatre pièces une grand’mère, et deux
pièces libérées pour faire de la place aux
Français… Vous aurez une idée de l’hospitalité
roumaine. Il faudrait encore évoquer les
allers-retours à la nuit tombée, ou le jour à
peine levé, la découverte de la ville roumaine
qui s’éveille ou s’endort, de ses chiens errants,
du sourire de ses enfants et de l’air résigné
des Tziganes…
Ce chantier nous a dévoilé aussi une parcelle de l'indéfectible soutien d'Attila ; Attila est un
entrepreneur roumain, ami de tous les coups durs et de tous les moments heureux pour les
générations d'Amies des enfants qui se succèdent à Deva depuis des années. Il aplanit
toutes les difficultés matérielles, connaît toutes les astuces pour accélérer l'obtention d'un
permis de construire, trouver de la laine de roche, louer un camion de 12 m et son chauffeur,
faire l'ambulance… Quelle que soit l'heure, il est disponible et joyeux, il a la force de ceux
que rien ne décourage, on peut toujours compter sur lui, protecteur efficace et adorable du
Point cœur de Deva.
Et les enfants bien sûr…
Ils sont la première raison d'être de Points-Cœur, qui les accueille chaque jour et va à leur
rencontre. Les enfants furent, tout au long du séjour, des auxiliaires aussi utiles
qu’espiègles Le jeu avec les enfants est le moyen
privilégié par Points-Cœur pour entrer en contact avec
des personnes qui n'ont pas forcément envie d'étaler
leur misère devant des yeux étrangers... et il est
absolument impossible de ne pas être sincères et vrais
dans ce contact, comme ont pu le constater les coups
de pouciens partis une après-midi en apostolat dans
les anciens kolkhozes ou dans les bidonvilles tziganes.
Les conditions de vie et d'hygiène épouvantables
n'entament en rien la fierté des hommes et la grâce
des femmes, et cette volonté inébranlable de rester
dignes. Il est attendrissant de voir comme partout les petites jeunes filles minauder et se
pavaner devant les appareils photos, les petits garçons gonfler leurs biceps pour montrer
que la plane, pfff, facile pour eux. On ne peut s'empêcher de sourire lorsque les enfants
32
"font le mur" pour entrer chaparder quelques grains de raisin pas mûr sur la vigne sauvage
qui court sur la façade de la maison. Impossible de ne pas s'attacher à eux, même si leur
trop plein de vie est sans doute épuisant pour les Amies des enfants !
Notre dîner d’adieu
Ce dîner s’impose à la fin de chaque mission pour dire à
nos hôtes notre gratitude : l’équipe du Point cœur se
charge des invitations (plus compréhensibles en roumain
qu’en langage des signes), et tous les participants au
chantier se retrouvent, quelques jours avant la fin de
notre séjour, autour d’un grand feu dressé dans la cour
du Point cœur. La tzuika coule à flot, même si la mesure
dont font preuve les Français fait l’étonnement des
Roumains présents : question d’habitude, sans doute…
C'est également l'occasion d'échanger des cadeaux,
comme ce morceau de tôle délicatement sculptée de fleurs et de motifs géométriques
traditionnels, échantillon de la gouttière que sont en train de créer des Tziganes pour la
nouvelle maison. Et les petites filles profitent de la fête pour dénouer les cheveux des coups
de pouciennes et leur tresser des nattes savamment nouées à la manière tzigane.
En un mot, ces soirées amicales nous ont permis de sentir qu’un chantier de quinze jours
pouvait suffire à semer quelques graines d’amitié et de bonne entente. A nous maintenant de
les entretenir ou d’en conserver le souvenir lumineux… Jusqu’à la prochaine visite !
Louis accompagne les filles de Point-Cœurs pour un après-midi d'apostolat
Deva une belle après-midi d'août. Je laisse momentanément le chantier de notre maison en
bois pour partir en apostolat. Il y a le choix : la ville ou le bidonville. Je pars au bidonville
avec Lydie, une Amie des enfants.
La banlieue variée
Nous passons dans les quartiers cossus où les immenses et rutilantes villas avec
piscine/tennis ressemblent davantage à des paquebots de luxe qu'à notre maison de rondins.
Juste en face, la cité : les cages à lapins d'immeubles vétustes au métal rouillé sortant du
béton, le linge pend aux fenêtres, les enfants jouent au ballon dans les flaques entre les
carcasses de Dacia défoncées. Nous nous éloignons encore un peu, et là...
La petite maison dans la prairie
La campagne, l'herbe verte et en haut de la colline, une première cabane, faite comme les
suivantes de bois, de contreplaqué et de tôles ondulées. Nous nous approchons. Le chien
aboie, se fait taire. Deux enfants jouent aux cartes assis sur un tonneau. Lydie prend des
nouvelles auprès de leur mère et lui demande l'autorisation d'aller jouer avec eux et ceux
d'une deuxième famille. Avec cet accord nous partons à quatre vers la deuxième famille.
33
Les Misérables
En route nous passons devant une maison "en dur" mais constituée d'une unique pièce de
trois mètres sur trois dans un état de délabrement effroyable. La porte est ouverte sur le
lit où gît une femme, grand-mère de certains enfants, et à ses pieds un homme révulsé, les
jambes sur le lit, la tête au sol et les bras en croix. Manifestement il est saoul et cuve en
somnolant. La femme a un œil crevé, nous montre sa jambe droite gangrenée en nous parlant
de sa misère : elle ne touche plus les allocations et n'a plus de quoi manger. Elle nous désigne
ce que j'avais pris pour l'écuelle du chien : une assiette à même le sol de terre battue,
remplie de pain et d'eau et nous explique que c'est sa nourriture pour la semaine. La femme
me fait un sourire édenté et engage avec moi un discours surréaliste : « -T’es marié avec
Lydie ? –Non ! -C’est ta petite amie ? –Non ! -T’as quelque chose contre les Roumaines ? –
Non ! –Alors je vais te présenter mes filles pour que tu en épouses une ! » Éclat de rire
général et nous prenons congé.
L’amitié virile
Nous montons un petit chemin et à notre vue les enfants accourent. Nous nous rendons chez
eux. Leur mère fait la lessive en tordant du linge dans une bassine. Nous sommes invités à
entrer dans la baraque pour voir une scène émouvante : une toute jeune fille de 15 ans donne
le sein à son fils né quelques semaines plus tôt.
Nous ressortons jouer avec quatre enfants. Un garçon de 10 ans, Piotr,
se prend immédiatement d’amitié pour moi : il ne me quitte plus des yeux
et dès que je croise son regard, un immense sourire illumine son visage
d’une oreille à l’autre. Je sens qu’il me prend pour un homme référent et
qu’il m’admire. Il veut tout m’expliquer : le cochon, les oies, le jeu de
carte. On fait une partie, mais je ne comprends rien : les cartes ne sont
pas les nôtres. Le 2 c’est 2 sacs de blé (jusque là, ça va), le 3 ce sont
deux cerises (là ça commence à se gâter), le 4 c’est une pomme etc…
Bref, on abat les cartes les unes après les autres et au bout de la
première partie Piotr déclare qu’il a perdu et je dois lui donner un gage.
Tous les enfants applaudissent. Il déclare que le gage c’est 10 pompes à faire. Il se met en
position et fait ses pompes puis vient me montrer ses bras musclés. Je rends mon jugement
"frumos !" et tous s’esclaffent. Nous devons partir immédiatement de la cour pour laisser y
entrer le cheval efflanqué et sa chariote de foin.
En plein verger
Les enfants nous emmènent à leur "cabane". Une jeune fille de 13 ans nous explique qu’elle
est triste parce que sa copine de 14 ans ne jouera plus avec elle car elle va se marier le
samedi suivant. "-Et ça lui fait plaisir de se marier ? -Ah ça non alors !". Nous montons à
l’arbre de la cabane et Piotr veut aller avec moi jusqu’à la dernière branche pour me montrer
son royaume : un verger de pêchers qui s’étend à perte de vue. Piotr me démontre au passage
qu’on est les plus courageux car les filles ne sont pas montées aussi haut. Nous descendons
faire une course dans les pêchers en nous tenant la main. Une fille prête ses tongs à son
amie pieds nus. Piotr me montre qu’il est le plus rapide.
34
Les jeux d’enfants
Photo d'Amaury jouant à l'avion avec les enfants
Nous traversons une carrière de granit en nous cachant des ouvriers pour atteindre, de
l’autre côté, un sentier menant à une rivière que nous remontons jusqu’à une grotte. Les
enfants sont ravis de nous montrer comment ils escaladent jusqu’à une cascade de 4 mètres
de chutes. J’arrose Piotr qui n’en revient pas de mon audace et une bataille d’eau s’organise.
Ravis et bien trempés, nous redescendons jusqu’à la carrière.
Là, Piotr demande à ses deux amies Tziganes de faire "les indiennes". Ayant vu des
feuilletons Indiens à l’eau de rose, les jeunes filles qui ressemblent à l’Esméralda de NotreDame de Paris réalisent avec une perfection exceptionnelle une danse du ventre sous nos
yeux ébahis et nos applaudissements.
Pourquoi jeter la pierre ?
Nous continuons notre chemin jusqu’à une mare où nous faisons un concours de ricochets.
Piotr nous demande de garder des pierres avec nous car il en faut pour faire fuir les chiens
sur le chemin du retour. Ces chiens errants sont dangereux et attaquent les hommes. Les
enfants en sont manifestement terrifiés. Je suis donc missionné pour passer avec Piotr en
premier.
Nous croisons alors un ouvrier de la carrière qui ressort, une faux à l’épaule, de son lopin de
terre grand comme une chambre de bonne. Il nous explique que les Tziganes ont empoisonné
les six chiens errants. En effet, arrivés devant la maison d’une famille nous sommes obligés
de nous tenir le nez pour ne plus respirer, tant l’odeur de puanteur du chien en pourriture
est insoutenable. A vomir. Le chien en décomposition est depuis plus d’une semaine sur le
bord du chemin, devant la porte d’une maison où vit une famille entière et personne ne se
charge de l’emporter plus loin ni de l’enterrer. Nous quittons les enfants dans les éclats de
rire sur une "ronde de l’ours".
Une expérience de vie
Cette après midi d’août 2005, dans le bidonville de Deva, en vivant des instants
extrêmement intenses dans le tréfonds de misère humaine et dans la légèreté de la joie
innocente des enfants, je crois avoir compris les plus belles grâces de la présence aimante
de Points-Cœur à travers la compassion pour les plus pauvres et les jeux des enfants.
35
La balade du WE
D'Anne de Prév', notre reporter en direct de Roumanie
Samedi 27 août – 18 h.
L’heure a sonné où, heureux de quitter le chantier pour une journée afin de découvrir ce
pays qui nous accueille, mais aussi tristes de laisser à Deva "Sœur Is’" et nos "Points
cœurettes", nous prenons place dans le minicar loué pour l’occasion en direction de
Sighisoara.
Nous arrivons de nuit dans cette cité médiévale la
mieux préservée de Transylvanie. A l’origine fondée
par les Romains, la ville s’est développée aux XIIème
et XIIIème siècles lorsque les rois de Hongrie
(également rois de Transylvanie), font appel aux
Saxons pour coloniser une partie de la Transylvanie
et en exploiter les richesses minières. C’est aussi
dans cette ville qu’habita Vlad Tepes, un célèbre
Vovoïde de Valachie, plus connu en occident grâce aux innombrables versions des aventures
du Comte Dracula qu’il a inspirées.
Nous nous dirigeons vers la citadelle fortifiée, rescapée des folies destructrices de
Ceausescu et classée par l’UNESCO, à la recherche d’un restaurant pour goûter aux
spécialités locales parfois
un peu déroutantes…
Après
une
nuit
réparatrice, nous sommes
prêts à découvrir, cette
fois de jour, la citadelle
perchée. Tout d’abord une
messe en roumain, une fois
n’est pas coutume, nous
permet de nous plonger
dans
des
méditations
parfois proches de la
somnolence.
Nous nous perdons ensuite
sous un soleil radieux dans
des rues pavées bordées
de maisons de toutes les
couleurs que domine la
célèbre Tour de l’horloge.
Les œufs peints de la Bucovine.
Les oeufs peints sont une tradition très ancienne en
Roumanie dans toutes les provinces mais surtout dans le
nord du pays, en Bucovine, où les dessins sont
particulièrement complexes.
La technique est celle de la cire
d'abeille. Les œufs utilisés pour
la décoration sont le plus souvent les œufs de poule, mais
aussi de cane, d'oie ou d'autruche. Beaucoup de ces œufs
sont réalisés pour la fête de la Pâque orthodoxe, ils sont
exposés dans les églises et les monastères ; chaque maison a
son panier d'œufs décorés. Certains d'entre eux sont même
vendus, d'autres sont exposés au Musée de l'artisanat de
Radauti (Bucovine). Cet artisanat est une tradition qui se
perpétue de mère en fille, depuis des générations elles
préparent les œufs de Pâques.
36
Une visite de la place du marché nous permet de faire un peu plus ample connaissance avec
l’artisanat local et notamment les fameux œufs peints de Roumanie.
Nous en profiterons comme il se doit pour rapporter notre trophée de mission, un
magnifique œuf.
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Nous repartons alors dans notre car
direction Birthan, un petit village situé
à une trentaine de kilomètres de
Sighisoara. Également classé par
l’UNESCO, ce village est l’exemple le
plus typique des forteresses érigées
au XVIème à l’époque de la réforme
Luthérienne pour se défendre de
l’avancée ottomane.
Ainsi Birthan se compose d’une
structure urbaine avec de nombreuses
maisons dominées par une église fortifiée qui servait de refuge aux populations menacées.
Cette impressionnante église fortifiée est flanquée de quatre tours construites vers 1520
sur les fondations de l’ancienne construction qui date du XVème siècle et entourée de trois
épaisses rangées de murs soutenus par de massifs contreforts.
Au cœur de la campagne roumaine, nous découvrons la vie paisible et traditionnelle d’un
village où les agriculteurs transportent encore leurs bois sur des charrettes tirées par des
chevaux, où le laitier distribue le lait dans de grands bidons tirés par un âne, où l’éboueur
vide tranquillement ses poubelles dans une grande cuve sur roues…
Alors qu’en "centre ville" les maisons en dur avaient l’air
assez cossues, à la sortie du village apparaissent de
fragiles habitats en torchis. C’est là qu’habitent les
Roms, toujours en marge du reste de la population. Leur
vie est bien simple (voire très pauvre) dans cette jolie
campagne vallonnée, vu les maisons qui les abritent ;
mais ça ne les empêche pas de venir nous voir, sûrement
étonnés d’apercevoir ces touristes égarés, et de nous
ouvrir leur source, de nous donner les pommes de leur jardin, et de nous ramener sur le
chemin que nous cherchions pour partir nous dérouiller les jambes à travers prés et bois.
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Notre dernière étape, déjà sur le chemin du retour, est
Sibiu, ancienne colonie romaine fondée sur un site
néolithique et maintenant chef lieu de district. Cette ville
a conservé un caractère pittoresque grâce à son
architecture baroque d’influence saxonne. Elle a été
désignée à l’unanimité avec Luxembourg par le Conseil des
ministres européens de la culture comme capitale
européenne de la culture pour 2007.
Notre passage éclair à Sibiu, davantage pour
nous restaurer que pour apaiser notre soif de
culture (!) s’est soldé par une course folle
dans les rues inondées de la ville, chassés par
des pluies diluviennes de la terrasse du
restaurant où nous avions trouvé notre
bonheur.
C’est donc trempés mais heureux que nous
reprenons la route de Deva, ravis de
retrouver le Point cœur et ses habitants et
de reprendre le chantier, la tête pleine de
beaux souvenirs !
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Budget
Le budget de la mission est décomposé en deux :
-
Le budget « chantier », financé par Coup de Pouce.
Le budget « frais de vie », entièrement financé par les volontaires. Il comprend le
voyage (billets d’avion, train), les frais de vie sur place (nourriture essentiellement ; le
logement étant assuré par des amis du point cœur) et le week-end passé sur place.
Lors de la première mission, le budget « chantier » (3000 €) avait permis de couler la dalle
de béton, d’acquérir le bois et de monter les huit premiers tours de rondins (pour treize
tours au total jusqu’à la panne sablière).
Le budget accordé par Coup de Pouce pour la seconde mission (1500 €) a permis d’acheter :
-
le nécessaire pour le toit : bardage, isolation et planches de soutien des tuiles,
les outils et consommables pour le chantier : essence pour les tronçonneuses, huile de
chaîne, chevilles, sangles à cliquet, vérin…)
les portes & fenêtres
Le financement des tuiles a été réalisé par Point Cœur (800 €).
Frais de
vie sur
place
44%
Toiture
17%
Huisseries
10%
Tuiles
19%
Divers
Chantier
10%
Part
volontaire
44%
Financem
ent CPH
37%
Financ.
Point
Cœur
19%
Au total, le chantier – dalle de béton, murs, toit (y/c isolation et tuiles), portes et fenêtres
– se chiffre à 5300 € pour les deux missions confondues.
Point Cœur financera entièrement la suite du
projet.
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L’association "Coup de pouce"
Coup de pouce choisit des acteurs du
développement, partenaires de confiance pour
notre association, qui mènent des actions de
terrain de long terme. Coup de pouce leur
propose de recevoir une aide ponctuelle en
organisant des missions de volontaires, qui
viennent contribuer à la réalisation de leurs
projets. Ces projets concernent de nombreux
domaines comme la santé, l’éducation ou le
social.
L’association "Coup de pouce
humanitaire" rassemble des
volontaires qui partent aider
des projets de
développement dans le
monde entier
Les missions rassemblent de 8 à 12 volontaires et
durent 15 jours.
Il s’agit avant tout d’une aide physique dans les
différents travaux qui impliquent au maximum les
populations locales : construction d’écoles, rénovation de
dispensaires, formations pédagogiques, installation de
réseaux d’ordinateurs, etc.
C’est pour les volontaires une belle occasion de donner de
leur temps pour vivre une aventure humaine utile.
Depuis 5 ans, 19 coups
succès dans différents
Sud, en Europe et en
volontaires sont déjà
différentes missions !
de pouce ont été menés avec
pays d’Afrique, d’Amérique du
Inde. Au total, près de 130
partis et repartis dans les
Les actions humanitaires sont
très nombreuses de par le monde.
Qu’elles soient menées par les
plus grandes ONG ou par des
acteurs
locaux
indépendants,
toutes sont signe d’espérance.
Nombreux sont les volontaires,
jeunes ou moins jeunes, qui
souhaitent
"faire
de
l’humanitaire" , mais ne peuvent y
consacrer que le temps de leurs
vacances et non plusieurs années
comme
"l’humanitaire"
l’exige
aujourd’hui.
Coup de pouce humanitaire
propose de canaliser ces forces
vives pour leur permettre de
soutenir
ponctuellement
des
actions de développement de
long terme.
De nombreux projets sont en cours de préparation, dont 4 nouveaux projets cet
hiver au Brésil, à Madagascar et au Burkina.
Coup de pouce Humanitaire est une association à but non lucratif régie selon la loi
de juillet 1901. Le bureau est composé de : Gonzague de Pirey (Président), Arnaud
Schwebel (Trésorier) et de Maxime Renaudin (Secrétaire).
www.cdepouce.com
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Billet d'humeur
Il est des années qui se terminent sans que l’on ait le sentiment d’avoir grandi d’un seul
centimètre en humanité. Parfois, pourtant, en un seul jour, on est saisi de l’impression que le
mystère de l’humanité, sa beauté, se dévoilent à nos yeux. C’est le souvenir que je garde de
cette quinzaine à Deva. Grâce à Coup de Pouce. Grâce à Points-Cœur. Grâce à la Roumanie et
aux Roumains. Grâce à Dieu.
Le projet ne manquait pas d’ambition : construire une maison en rondins de bois, ou fuste, en
quinze jours. Le très faible nombre d’artisans fustiers en France (un quinzaine) atteste que
cette technique de construction ne s’improvise pas. Pourtant, il en faut davantage pour faire
fléchir Coup de Pouce. On se rappelle de notre chef de mission, au cours du long trajet en
train vers Deva, discourant inlassablement, comme à son habitude, des mille et un détails
techniques qu’il faudrait avoir à l’esprit, et nous faisant part de
ses questionnements concernant le type de charpente à choisir,
la qualité des tuiles et la forme des gouttières. Finalement, les
murs de notre maison ne furent même pas achevés ! Semi-échec
me dites-vous ? Mais vous n’avez donc rien compris ? Laissezmoi vous expliquer…
Chaque jour à Deva, nous vivons plusieurs journées. Journées
d’action, passées à éplucher l’écorce d’interminables troncs, à
tailler le bois avec une précision de chirurgien, à déplacer des
fûts d’une demi tonne, jamais à la bonne place, à débattre sur
telle ou telle question architecturale. Journée de rencontres,
aussi. Avec les familles roumaines, qui nous accueillent chez
elles, malgré l’extrême exiguïté de leur domicile. Avec les filles
du Point cœur, qui témoignent de la puissance de l'amitié dans
leur quotidien. Avec tous leur amis venus nous aider sur le chantier. Une fois de plus se
renouvelle le constat que c’est souvent chez le plus pauvre que l’on trouve le plus de
générosité et de simplicité. "Nos amis les plus pauvres ne sont pas ceux qui s’interrogent sur
la raison de notre présence parmi eux" nous confie une fille du Point cœur, "elle leur est
naturelle. Nous sommes là pour eux, pour être avec eux, dans la simplicité". A Deva, nous
apprenons à profiter de l’instant présent, chose que le parisien pressé ne sait plus faire.
Sinon, quelle monotonie ! C’est ainsi que l’on vit au Point cœur. Et puis, bien sûr les
rencontres au sein de notre groupe, où nous découvrons avec émerveillement les talents des
uns et des autres.
Pour autant, le chantier lui-même fut tout sauf un simple prétexte, ou une activité
périphérique négligeable : c’est avec la fierté des grands bâtisseurs que nous avons vu notre
maison s’élever peu à peu, à mesure que nous résolvions d’innombrables difficultés
techniques.
Au bilan nous laissons un chantier dont l’inachèvement n’est là que pour nous donner
l’occasion de revenir poursuivre cette aventure, humaine avant tout. En avant pour les
inscriptions ! Il n’y aura pas de place pour tout le monde !
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