L`interprétation du mythe par les artistes

Transcription

L`interprétation du mythe par les artistes
Piste 2 - L’interprétation du mythe par les artistes
Doc1 -« Babylone et la tour de Babel » Manuscrit de Saint Augustin : La Cité de Dieu,
miniature, manuscrit flamand, XIVe siècle, Bibliothèque de Strasbourg (n° catalogue 321
Doc2- Lucas van Valkenborch, La Tour de Babel, peinture à l’huile sur panneau de bois,
Musée du Louvre
Objectifs
- Montrer comment les artistes ont interprété l’épisode biblique : on s’appuiera sur la
représentation de la tour de Babel dans des œuvres picturales du Moyen Âge et de la
Renaissance (docs 1 et 2), à des époques où domine la lecture chrétienne du mythe et donc
l’image négative de la tour. L’objectif sera alors d’insister sur les rapports qu’entretiennent les
œuvres d’art avec le texte biblique et de montrer qu’elles ne sont pas illustratives mais
constitutives du mythe.
- Comparer entre elles les représentations et saisir les nouvelles valeurs de la peinture et de
l’architecture qui s’y manifestent, telles que la proportion, la perspective, le paysage.
- Montrer comment, au XVIe siècle, à travers la puissance des représentations de la tour de
Babel, le mythe trouve une nouvelle actualité dans le contexte religieux tourmenté de
l’époque.
Activité
Document 1
a- Décrivez la page du manuscrit. Comment Babylone est-elle représentée ? Qu’est ce que
l’artiste a retenu de l’épisode biblique ?
b- Décrivez les personnages (vêtements, attitudes, activités). Sont-ils proportionnés ?
Pourquoi ?
c- Quel matériau de construction est ici utilisé ? Quels renseignements apporte cette miniature
sur les techniques de construction de l’époque ?
d- La représentation vous semble-t-elle conforme au texte biblique ? Énumérez les éléments
introduits par l’artiste qui ne figurent pas dans le texte.
e- Que signifie la présence du diable et des démons dans l’image ?
Document 2
a- Quelle est la place de la tour dans l’œuvre ? Décrivez le paysage, les personnages.
b- Quels sont les matériaux de construction ?
d- Comparez cette œuvre du point de vue stylistique avec la représentation médiévale. En
quoi est-elle caractéristique de l’art de la Renaissance ?
e- Cherchez à savoir pourquoi le peintre s’est inspiré du Colisée de Rome. Quelle
interprétation du contexte religieux peut-on faire de cette représentation
Eléments d’analyse
Doc 1. La vision médiévale
Cette enluminure représente la construction de la tour de Babel. Au premier plan, à gauche,
un épisode souvent figuré au Moyen Âge : les ouvriers et les maçons s’affairent à tailler les
pierres, à préparer le mortier et à dresser les murs. Les instruments utilisés sont simples :
maillet, pelle et pilon. À la différence de ce qui est dit dans le texte de la Genèse, la
construction s’effectue en pierres et non en briques. Au premier plan, à droite, deux ouvriers
s’agenouillent devant un personnage coiffé d’un turban et tenant un sceptre. Il s’agit de
Nemrod, roi légendaire considéré comme le bâtisseur de la tour. Il est vêtu ici comme un
prince turc. Ce personnage est une invention des commentateurs du texte biblique et
notamment de Philon d’Alexandrie, au 1er siècle de notre ère. Près du roi qui vient visiter le
chantier se tient un démon. À l’arrière plan se dresse la ville de Babylone, représentée comme
une cité médiévale aux multiples toits, clochers et tours et ceinte de remparts crénelés.
Cette miniature remarquable par ses coloris reste stylistiquement gothique, notamment par la
disproportion entre les figures et les monuments, mais le rendu de la profondeur et l’ébauche
de paysage révèlent les recherches novatrices des peintres flamands contemporains.
Image chrétienne, elle montre que la construction de la tour est inspirée par le diable présent
aux côtés de Nemrod, tandis que dieu figure en haut de l’image entouré d’une gloire de
séraphins. Sur la ville s’abattent des démons ailés qui commencent à détruire des édifices.
Cette interprétation morale et allégorique qui voit dans Babylone la cité des vices remonte à
la destruction de Jérusalem et à la déportation du peuple hébreu par Nabuchodonosor II.
Reprise par Saint Jean dans l’Apocalypse (17-5), qui qualifie Babylone de « mère des
prostituées et des abominations de la terre », elle se retrouve chez Saint Augustin qui oppose à
la cité terrestre de Babylone la cité céleste de Jérusalem.
Doc 2- Les enjeux de la Renaissance
Située au centre du tableau, la tour circulaire et à degrés occupe l’essentiel de l’espace ;
dépassant des nuages, elle frôle le ciel. Son profil conique se détache et domine un paysage
qui, à la manière flamande, montre les activités humaines : le port, très actif, et ses nombreux
bateaux, la ville et ses maisons agglomérées, un fleuve qui serpente jusqu’à la ligne d’horizon
et, au loin, la campagne qui se dilue dans des fonds bleutés. Le paysage urbain et les activités
portuaires sont représentés comme contemporains de l’artiste et nombre de détails sont
empruntés à la réalité de l’époque (les bateaux par exemple). La tour, dont on distingue les
éléments architecturaux (arcs, contreforts, galeries ajourées), est inachevée. À partir du
XVIe siècle, l’iconographie représente la tour avec une base circulaire dont le modèle est à
chercher dans le minaret de la mosquée de Samarra. Mais la tour de Babel de Valckenborch
s’inspire aussi du Colisée de Rome dans ses détails architecturaux.
Au premier plan, la petite figure habillée en soldat gréco-romain est Nemrod. Sa taille
contraste avec celle du monument symbolisant par ses proportions l’immensité de l’orgueil
humain.
Le traitement est minutieux et la gamme des couleurs utilisée est limitée aux bruns et gris –la
palette favorite des peintres flamands de l’époque. Œuvre de la Renaissance, le tableau
montre les dispositifs perspectifs variés ainsi que le paysage traité comme un vaste panorama
et en surplomb tandis que la tour est vue de face.
Le tableau de Valckenborch procède de celui de Pieter Brueghel (voir Poster), qui réalisa
deux œuvres semblables, l’une en 1563, l’autre en 1568. Ce sujet connut un grand succès dans
la seconde moitié du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle chez les artistes du Nord,
souvent réformés. Le fait que la tour dérive du Colisée a été interprété comme le symbole de
Rome, la Rome des papes assimilée par les protestants à une « nouvelle Babylone ».
Documents ressources
Doc 1 – Manuscrit de Saint Augustin : La Cité de Dieu
Flamand, XIVe s.
256 feuillets, manuscrit sur parchemin relié pleine toile ; fol. 3 : Babylone et tour de Babel
H. : 47 cm ; l. : 35 cm ; ép. : 11cm
Paris, BnF, MS 523
© BnF
Doc 2 - Lucas van VALCKENBORCH, La Tour de Babel
1594
H. : 0,41 m. ; L. : 0,56 m.
Musée du Louvre, Paris, R.F. 2427
© Photo RMN / Jean Schormans

Documents pareils