Graves décisions - AFA Asso France
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Graves décisions - AFA Asso France
Graves décisions (Wer früher stirbt ist länger tot) Réalisation: Marcus H. Rosenmüller, couleur, 102 mn., 2006 Un garçon de onze ans à la recherche de l’immortalité. Un film superbement insolent et follement bavarois. L’histoire d'un garnement dont l’action se situe en 2006. Un mélange magnifique de choses profondes et de sentiments où règne une vraie sensibilité pour les petites choses importantes de la vie. Lorenz Kandler vit dans un petit village de Bavière. Il est veuf et, aidé de ses deux fils Franz et Sebastian, il gère le café du village, dans lequel ont lieu les inévitables « Stammtisch », ces réunions très allemandes au cours desquelles les habitués discutent des questions actuelles. Les participants répètent en outre régulièrement dans la salle du fond une représentation de la Passion du Christ qu’ils veulent prochainement mettre en scène. Pour Sebastian, garçon éveillé et petit polisson effronté âgé de onze ans, la vie est, d’un certain côté, une grande aventure. Mais d’un autre côté, il se considère comme responsable du décès de sa mère, morte au cours de sa naissance. Mis à part cet « homicide » que lui reproche sans arrêt son frère aîné, Franz, il a encore toute une série d’autres choses graves sur la conscience et c’est ainsi qu’il est devenu entre-temps normal pour lui de se livrer toutes les nuits à un combat contre les flammes de l’Enfer. Le jeune garçon fait tout ce qui est en son pouvoir pour se laver de ses péchés afin d’échapper aux flammes éternelles et ses compagnons du « Stammtisch » le soutiennent en lui prodiguant des conseils amicaux. Le zèle débordant de Sebastian n’entraîne cependant pas le succès escompté : en tentant de réanimer un lapin, il fait exploser son cadavre ; il murmure à l’oreille de sa maîtresse d’école, Madame Dorstreiter, une proposition immorale ; et enfin, il manque de peu de tuer une vieille dame du voisinage… Voilà qui ne l’aide pas vraiment à soulager sa conscience. Enfin, Sebastian affirme avoir reçu un signe de sa mère le chargeant de trouver une nouvelle femme à son père. C’est également l’opinion des membres du « Stammtisch » : « Une femme qui sache y faire, qui soit intelligente et qui ait un beau derrière ! ». La voisine célibataire, Madame Kramer, semble bien remplir tous ces critères et Sebastian n'aura de cesse de lui faire du charme avec toute la tendresse et le respect possibles et va lui faire part de la détresse de son père. Lorenz Kandler, quant à lui, se montre plutôt agacé par Madame Kramer, une femme pour le moins bavarde, dont les visites deviennent bientôt régulières. Mais ce que Sebastian ignore, c’est que son père et sa maîtresse d’école se sentent attirés l’un par l’autre de manière inexplicable et presque magique ! Il reste néanmoins un dernier obstacle à surmonter : Madame Dorstreiter est mariée avec Alfred, une espèce de grosse brute, DJ de profession dont l’émission radiophonique culte est émise depuis les hauteurs de la montagne dans toute la campagne. Mais Sebastian, ayant reconnu son erreur, va encore une fois se charger de ce petit contretemps. Sa mère lui envoie un autre signal sans équivoque alors qu’il se trouve sur sa tombe : Alfred doit mourir… Critiques : « Le réalisateur met en scène royalement et avec beaucoup d’humour l’histoire mouvementée d’un garnement, mélangeant avec brio des éléments fictifs avec une bonne dose de rock'n'roll et de rationalité bavaroise. Rosenmüller, qui n’a apparemment pas peur de dépasser les limites des genres, a bien mérité la célèbre récompense (Förderpreis Deutscher Film) qui lui a été attribuée lors du Festival du Film de Munich cette année dans la catégorie meilleure réalisation. ‘Graves décisions’ est à la hauteur du meilleur théâtre populaire bavarois entre purgatoire et mégalomanie : authentique, spirituel et rafraîchissant. Rosenmüller a dû avoir une enfance terrible ! » (Bayerischer Rundfunk Fernsehen – Kino Kino) « ‘Graves décisions’ convainc le public grâce à une profonde logique dans laquelle baignent de nombreuses doctrines de la sagesse bavaroise. Le dialecte régional parlé dans le film contribue de manière décisive au charme de celui-ci. » (Frankfurter Allgemeine Zeitung) « ‘Graves décisions’ est une comédie burlesque fabuleuse qui surprend par son humour délirant. La richesse et la subtilité des sentiments font qu'il va droit au cœur. Le rythme effréné du film, sans jamais être pour autant désordonné, nous mène dans la zone d’ombre dans laquelle est plongé le catholicisme bavarois, qui, il faut bien l’avouer, comparé à d’autres formes de cette religion, est exubérant, empreint de sensualité et à la croisée des chemins avec les reliques de la religion primitive, les rites empreints de superstition et les traditions datant du passé. » (Berliner Zeitung) « On croit entendre Tom Waits et le film ne s’en fond pas moins sans problème dans l’univers des montagnes, à la fois paisible et vaguement groovy, dans lequel des hommes un peu « décalés » tentent d’expliquer à un enfant la vie et la mort. Leurs propos souvent désopilants entraînent Sebastian sur une voie dans laquelle se mélangent réalité et fiction. » (Frankfurter Rundschau) « Cette charmante comédie est par moments pratiquement à la hauteur de Detlev Buck à ses débuts. L’acteur principal Markus Krojer est une vraie révélation. » (Ticket-Beilage des Tagesspiegel) Biographie du réalisateur : Marcus Hausham Rosenmüller est né en 1973 à Tegernsee. Après son baccalauréat, il commence des études dans la section film/téléfilm à l’École de la Télévision et du Cinéma de Munich et obtient son diplôme en 2003. Marcus H. Rosenmüller a attiré l’attention du public dès ses années d’études grâce à ses films « Nur Schreiner machen Frauen glücklich » (Seuls les menuisiers rendent les femmes heureuses) sorti en 1998, « Kümmel und Korn » (Cumin et céréales) sorti en 2000 ou encore « Hotel Deepa », film de 2001 qui a été tourné en Inde. Marcus Hausham Rosenmüller a également tourné plusieurs épisodes de la série documentaire « Irgendwo in Bayern » (Quelque part en Bavière) pour la chaîne de télévision bavaroise Bayerischer Rundfunk, notamment « Den Frieden in der Hand – Das Holzkirchner Wallfahrtsgelübde » (2003, coréalisé avec Joseph Vilsmaier), « Almrauschen – Leben und Lieder auf der Alm » (2004), « Drachen und andere Originale » (2004). Marcus H. Rosenmüller a obtenu une kyrielle de récompenses parmi lesquelles quatre prix dans le cadre du Prix allemand du Cinéma 2007 (Prix du meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure bande originale, meilleur scénario). Il a également obtenu les récompenses suivantes : Prix du film allemand 2006 (Förderpreis Deutscher Film 2006) dans la catégorie réalisation et Prix bavarois du film (Bayerischer Filmpreis) dans la catégorie jeune réalisateur et production. Un an en hiver (Im Winter ein Jahr) Réalisateur: Caroline Link, couleur, 120 mn., 2008 L’architecte d’intérieur Eliane Richter commande la réalisation d’un tableau au peintre Max Hollander. Celui-ci doit réaliser un portrait de ses deux enfants. Sa fille, Lilli, est hostile à l’idée car son frère Alexander s’est suicidé. Le double portrait serait donc uniquement une illusion décorative. Le travail autour de ce tableau va transformer tous ceux qui y sont confrontés de près ou de loin. À l’origine, une compagnie de production américaine avait commandé un script à Caroline Link pour ce projet qui ne se concrétisa pas sous cette forme mais finit par devenir un film allemand. « Lors du tournage, je me suis bien sûr demandé parfois comment les choses se seraient passées si j’avais réalisé ce film aux États-Unis. À chaque fois, je remerciais le ciel et m’estimais heureuse d’avoir pu le tourner ici. Dans ma langue et avec mon équipe. » Cette remarque de la réalisatrice est tout à fait plausible : on constate en effet que le film IM WINTER EIN JAHR doit son intensité en particulier à la confiance qui règne entre la réalisatrice, les acteurs et l’équipe. C’est finalement un film familial très allemand qui a ainsi vu le jour. « Comme dans tous mes autres films, je traite ici à nouveau le thème de la famille », a expliqué Caroline Link. « Cette fois-ci cependant, un ensemble de personnages centraux se trouve en dehors de la famille ; je veux parler du peintre et de la relation de confiance qu’il établit avec la jeune fille. » Le point de départ est le suicide du jeune homme ; ceux qui lui ont survécu tentent de manière très différente de surmonter ce traumatisme. L’idée d’engager un peintre pour faire le portrait du frère décédé et de sa sœur encore en vie est évidemment aussi une tentative de réunir les deux, non seulement visuellement, mais en rendant cette union éternelle – donc d’ignorer la mort de façon purement irrationnelle. L’acte visant à surmonter ce traumatisme est délégué à l’artiste qui prend son travail assez au sérieux pour rechercher de son côté les circonstances et les causes de ce qui s’est passé, bien que le matériel visuel (photos et vidéo) mis à sa disposition aurait pu sembler amplement suffisant. S’il n’avait pas fait cette tentative d’aller plus profond dans cette histoire, il lui aurait suffi d’agrandir des photos et d’en faire un montage. Max Hollander doit ainsi faire le travail pour lequel la famille ne se sent ni le courage ni la persévérance. Mais il ne parviendra pas non plus à trouver une solution aux problèmes ni à élucider ce décès – du moins pas de sorte à satisfaire sa cliente. Le film offre néanmoins toute une série de réponses qui dans leur quantité laissent bien sûr un tas d’interrogations ouvertes. Il suffit de faire attention aux détails et aux petits gestes. À un moment, Lilli prend la main de son père dans un geste délicat, expression de sa recherche d’intimité. La réaction de son père est la question : « Tu as besoin d’argent ? » Le fait que tout au long du film Lilli croie sans cesse voir son frère prouve en outre à quel point l’idée de la perte l’obsède. Malgré leur aisance matérielle, les parents sont désespérément seuls ; ils ne s’en sont simplement pas encore rendus compte. Même le peintre renommé a échoué dans son mariage ; il tente vainement de découvrir s’il est homosexuel et se fait lamentablement éconduire par son fils lorsqu’il offre à celui-ci l’un de ses tableaux pour son anniversaire. Sa seule consolation est ce que Bertolt Brecht avait déjà formulé par : La forme d’existence la plus facile repose dans l’art. Caroline Link Née en 1964 à Bad Nauheim. Baccalauréat, puis séjour aux États-Unis et stage aux studios de la compagnie Bavaria, à Munich. De 1986 à 1990 : études de réalisation à l’école supérieure de la télévision et du film de Munich (Hochschule für Fernsehen und Film). Son film de fin d’études, SOMMERTAGE, est récompensé par le prix de promotion Kodak-Förderpreis à Hof. Caroline Link a obtenu deux récompenses en Bavière et a été nominée aux Oscars pour son premier long métrage cinématographique, JENSEITS DER STILLE (AU-DELA DU SILENCE). NIRGENDWO IN AFRIKA (NULLE PART EN AFRIQUE) demeure son plus grand succès et lui a valu cinq « récompenses cinématographiques allemandes » ainsi qu’un Oscar dans la catégorie Meilleur film en langue étrangère. Caroline Link est membre du comité de l’association « Children for a better world » et détient l’Ordre du Mérite de Bavière depuis 2004. Elle vit à Munich avec son compagnon, le réalisateur Dominik Graf. Von morgens bis mitternachts Réalisateur: Karlheinz Martin, n/b, 73 mn., 1920 Georg Kaiser montre dans sa pièce expressionniste les tentatives d’un employé de banque pour échapper à son quotidien. L’adaptation du metteur-en-scène allemand Karlheinz Martin transforme la pièce de Kaiser en un film expressionniste à la stylisation radicale. Le résultat était si dérangeant que le film ne trouva pas de distributeur en Allemagne. La seule copie existante fut préservé par la National Film Center de Tokyo après avoir connu une exploitation en salle et un succès critique. Yella Réalisateur: Christian Petzold, couleur, 88 mn., 2007 Yella quitte tout. Elle a soif d’avenir. Tout ce qu’elle a vécu jusqu’à présent doit appartenir au passé, tout simplement. En route, elle fait la connaissance d’un homme qui appartient au monde de la finance. Yella devient son assistante et fait ses preuves en tant que telle. Mais des fragments de son ancienne vie s’immiscent de plus en plus dans sa nouvelle existence. Yella veut quitter Wittenberg, la ville où l’entreprise de son mari, Ben, a fait faillite et où sa vie de couple a été un échec désastreux. Elle veut partir à l’Ouest, de l’autre côté de l’Elbe, là où il y a du travail et de l’avenir. Le jour de son départ, Ben l’attend afin de l’accompagner en voiture à la gare. Le trajet se termine par une chute dans l’Elbe. Yella parvient à en réchapper et c’est de justesse qu’elle attrape son train pour Hanovre. Dans un hôtel en périphérie de la ville, elle rencontre Philipp qui est en voyage d’affaires pour le compte d’une entreprise de capital-risque. Philipp lui propose de l’accompagner à un rendez-vous d’affaires. Elle découvre le monde perpétuellement en mouvement du capital-investissement, des salles de conférence en verre reliées en réseau sans câbles et des moteurs ronronnants des voitures en leasing. Tout paraît simple, comme un jeu où il n’y aurait pas de perdant. Yella montre ce dont elle est capable. Elle devient l’assistante de Philipp, sans contrat écrit, et reçoit son salaire en liquide chaque soir. Elle est bien payée. Yella fait rapidement des progrès. C’est avec précision qu’elle souffle à Philipp ce qu’il doit dire aux clients, qu’elle trouve les points faibles des personnes qui se trouvent en face d’eux, qu’elle lance elle-même les thèmes de discussion. Ils ont beau former une équipe parfaite dans le cadre du travail, au début Philipp garde ses distances dans le privé. Yella comprend qu’il joue selon ses propres règles. Un secret se cache derrière cette détermination distante et attentive, un secret qu’il s’efforce à peine de lui dissimuler. Philipp escroque ses clients. Et il va tester la sincérité de Yella. Une nuit, alors que Yella rentre dans sa chambre, elle trouve Ben en train de l’attendre, avec plein de projets en tête pour reprendre leur vie d’avant. Elle s’enfuit à travers le couloir de l’hôtel et se rend dans la chambre de Philipp. La situation est inattendue, inespérée. Ils passent la nuit ensemble. L’étrangeté du premier instant cède la place à une ardeur et à une intimité rares. Philipp fait part de son rêve à Yella. Il veut gagner énormément d’argent, et pour cela, il a une idée d’une simplicité incroyable et qui semble prometteuse. Il s’agit de systèmes de sécurité, de plate-formes pétrolières, d’un investissement en Irlande. Il a déjà mis de côté la quasi-totalité du capital de départ. Mais les clients de Philipp commencent à se méfier. Le prochain projet à Dessau sera sa dernière mission. Les négociations avec le chef d’entreprise Gunthen traînent en longueur, Philipp semble manquer de motivation. Yella décide de prendre les choses en mains pour sauver son rêve, cette nouvelle vie qui l’attend. Déclaration du réalisateur : Au début de son livre « Non-lieux », Marc Augé relate une histoire. Un homme d’affaires parisien a fait ses valises et est assis dans un taxi bloqué dans un embouteillage ; c’est l’heure de pointe et l’homme doit se rendre à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Plus tard, après avoir fait enregistrer ses bagages, en sueur, il s’engage dans la zone d’embarquement, un monde fait de verre et de cuir, de Burberry, de Rolex, de Bulgari. L’homme n’a plus rien sur lui, hormis son passeport, sa carte d’embarquement et ses cartes de crédit. Il se sent tout à coup léger et libre. Un moment après, alors qu’il est assis dans l’avion qui survole Dubai, la réalité, le social refont à nouveau surface lorsque la distribution d’alcool est interdite pendant le survol de la ville. Ce voyageur est entouré de solitude, une solitude non romancée, moderne et encore inconnue. Yella, elle aussi, veut pénétrer dans cette zone. Elle traverse le fleuve, en direction de l’Ouest de l’Allemagne. Vers la légèreté. Vers la solitude. Mais son passé et le lourd poids qui pèse sur ses épaules et qu’elle avait fuis vont refaire irruption dans son nouvel univers, à la manière de l’interdiction de boire de l’alcool lors du survol de Dubai. Tout cela la tiraille et menace de l’entraîner au fond de l’abîme. Yella se bat. Contre le poids qui l’accable. Mais également contre elle-même. Car l’amour existe également dans le nouveau monde. Critiques : « Yella » est devenu un état d’incertitude oppressant, à la fois réel et imaginaire. (Der Tagesspiegel) Ce qui rend ce film si beau, c’est la manière dont Petzold parvient à imbriquer l’une dans l’autre la vie privée et la vie politique, de sorte qu’elles deviennent indissociables. Son film traite non seulement du capitalisme moderne, mais également de la manière dont celui-ci s’inscrit dans la manière de marcher, dans les gestes et dans les mouvements des hommes. » (Welt am Sonntag) « Yella » est un film dans lequel la précision de Godard rencontre l’imagination du Wim Wenders des débuts, un regard français avec une sensibilité allemande. Voilà donc quelque chose d’improbable et qui fait plaisir. (Frankfurter Allgemeine Zeitung) Le film de Christian Petzold Film est un thriller métaphysique dont la mise en scène est précise et le scénario étroitement tissé et qui confirme que Petzold fait partie des meilleurs réalisateurs allemands de sa génération. (Variety) « L’Ours d’argent décerné à Nina Hoss est une réelle occasion de se réjouir, non seulement parce qu’il honore la performance subtile d’une actrice, mais aussi parce que Petzold traite des conflits du présent sans pour autant se contenter de solutions filmiques élémentaires. C’est dans les scènes où le réalisateur exige de ses acteurs et de sa mise en scène de ne faire que le minimum que l’on savoure « Yella » comme quelque chose de rare : on assiste à un film qui travaille avec l’intelligence du spectateur et non pas contre elle. » (Die Tageszeitung) Un chef d’œuvre stylistique (…) Avec des images oniriques d’une grande intensité, Petzold entraîne le spectateur sur de fausses pistes, stimule son imagination et fait baigner le film dans une atmosphère dense jusqu’à son dénouement, plus que surprenant. Yella - Nina Hoss, formidable – évolue hors de ses frontières, et ce à deux points de vue : c’est telle un fantôme, une ombre, qu’elle se déplace dans cet univers de verre et miroir qu’est le monde du capital-risque. Dans son interprétation du rôle de Philipp, Devid Striesow nous offre une fois de plus une magnifique performance. (Abendzeitung München) Un monde où règnent l’illusion, la tromperie et les masques, des combats humains et des faillites d’entreprises, des garanties ou des perspectives – voici les leitmotiv abordés dans « Yella », un film très proche de la réalité mais que la mise en scène très travaillée rend fantomatique. Une lourde menace pèse sur l’histoire, pourtant simple en elle-même, et tient le spectateur en haleine. (Berliner Zeitung) « Les nouvelles réalités sont en contradiction avec notre âme rétrograde. Tous les films de Petzold traitent du thème de l’amour à l’ère du capital-risque. Des mondes différents s’affrontent. (…) Dans « Yella », il parvient avec brio à rendre visible toute la dimension de notre existence, y compris sa face cachée, en nous racontant une histoire intemporelle. Chacun est ensuite libre de pénétrer dans les mondes symboliques qui accompagnent cette histoire. Mais celui qui ose passer le pas se retrouve alors embarqué dans une expédition digne de « Au cœur des ténèbres » de Joseph Conrad. » (Neues Deutschland) Abschied von gestern Réalisateur: Alexander Kluge, n/b, 88 mn., 1966 Anita G., juive, est venue de "là-bas". La valise à la main, elle fait des rencontres étrangères qui lui font découvrir un pays étranger: la République fédérale de l'année 1966. Anita G. de la RDA est la personnification d'un passé refoulé, c'est pourquoi elle est dépossédée des conditions qui lui permettraient de s'intégrer avec succès dans la société de l'Allemagne fédérale. Qu'elle s'y heurte, n'est pas de sa faute. Comment elle se heurte, montrent des séquences quasi documentaires qui traduisent un sens souverain pour les moments grotesques du quotidien. Anita G., née en 1937 de parents juifs, se retrouve devant un juge à Brunswick car elle a volé une veste tricotée à sa collègue de travail. Elle avoue le forfait et sa peine est assortie du sursis. Madame Treiber, l'assistante sociale chargée de sa réin-sertion, veut aider la jeune Anita à s'intégrer dans la société. Elle est très pieuse et prie avec Anita. Elle emmène Anita dans un foyer, mais la jeune femme est incapable de s'intégrer. Anita doit gagner sa vie. Elle commence tout d'abord à vendre des cours de langues sous forme de disques mais, malgré la peine qu'elle se donne, elle n'a aucun succès. Elle achète un manteau de fourrure sur le compte de son chef et lorsque la femme de celui-ci découvre la liaison qui existe entre Anita et son mari, ce dernier l'assure de son innocence: "Pour que tu me croies, je vais porter plainte contre elle." C'est ainsi qu'Anita quitte précipitamment son emploi. Elle arrive à l'Université où elle aimerait étudier. Mais les cours sont soit horribles, soit mortellement ennuyeux, et les professeurs parlent de façon compliquée sur des sujets qui sont complètement étrangers à Anita. Dans une conversation avec un politologue, elle remarque finalement que l'Université n'est pas l'endroit idéal pour elle. Elle fait la connaissance du conseiller ministériel Pichota dont elle devient la maîtresse. Lorsque Anita constate qu'elle est enceinte, Pichota sent qu'il se glisse quelque chose entre eux deux et que, de toute façon, une telle liaison serait plutôt problématique pour un haut fonctionnaire ministériel comme lui. Ils se séparent, en n'ayant rien à se reprocher. Anita suit le cours du Rhin pendant un moment, en remontant le fleuve, jusqu'à ce qu'elle aille finalement se livrer à la police. Anita est une victime de son époque: tout ce qu'elle fait est déterminé par son éducation. Elle est doublement étrangère, elle est juive et vient de RDA, elle cherche à s'intégrer, travaille comme vendeuse de disques ou comme femme de ménage et aspire à la sécurité et la chaleur dans la société. Et toujours, ce n'est pas tellement la méchante société qui se met en travers de ses plans, mais plutôt elle-même. Kluge ne se rend pas la tâche facile avec la critique sociale, Anita n'est pas naïve. Les conflits sont au coeur de l'être humain. Anita ment, elle s'achète un manteau de fourrure, vole dans les hôtels et se laisse faire un enfant. L'un des points forts de ce film est que, malgré tous les revers du destin, la protagoniste de cette histoire n'apparaît jamais pleurnicharde ou maladroite. Elle agit et elle agira aussi comme ça à l'avenir. Les qualités du film ne se limitent pas seulement aux efforts pour établir la crédibilité du destin d'Anita. Kluge a vu de nombreux films et assimilé ces influences; surtout celle de Jean- Luc Godard qui a été le premier à utiliser le démontage de la forme rigide du film avec l'insertion de citations, des inserts, des têtes de chapitres et un ton dichotomique. Ce principe de style n'est pas là pour faire de l'art pour l'art: Kluge lui-même a indiqué dans une interview qu'il voulait de cette manière provoquer des associations d'idées chez le spectateur. Il se rapproche en ceci du "théâtre épique" de Brecht qui rend le spectateur perpétuellement conscient qu'il assiste à une pièce qui ne doit pas l'exciter, mais le conduire à exercer une observation critique et scientifique de l'événement présenté. C'est pour cela que Kluge annule la réalité cinématographique en intégrant des scènes documentaires et en laissant apercevoir le côté technique (comme lorsque l'équipe répond à la question du directeur de l'hôtel, qui raconte ses souvenirs de guerre, ou bien lorsque Anita alias Alexandra Kluge regarde le réalisateur d'un air interrogateur). Cela n'allège pas la compréhension du film et on pourrait souhaiter au spectateur de façon prophylactique de se décider à voir le film deux fois. On n'en appelle plus à nos sentiments, mais à notre raison. Kluge ne s'en tire certes pas sans moyens cinématographiques traditionnels. Sa musique de tango, qui a pour lui une valeur sentimentale, provoque une émotion chez le spectateur et pas une réflexion. Kluge introduit certains niveaux d'une exactitude presque photographique dans ses phrases, parfois même acérées, comme lors d'une photo prise au flash. Les phrases du juge, au début du film, le jargon scientifique du politologue, les clichés de l'assistante sociale sont d'un réalisme qui fait mal, tellement ces personnages sont bien décrits d'un point de vue physionomique. Le style de semidocumentaire de Kluge fait ses preuves dans le film et sa précision juridique fait le reste. Alexandra Kluge, la soeur du réalisateur, est une petite merveille. Son naturel joue parfois des tours aux efforts de son frère qui veut provoquer un retour sur soi par le biais de la réflexion et non par le biais des sentiments. Kebab Connection Réalisateur: Anno Saul, 96 mn., couleur, 2005 Lorsqu'il apprend que son amie hambourgeoise attend un enfant de lui, Ibo, un jeune Allemand d'origine turque, craint pour sa carrière de cinéaste. Volées de coups de poings, fracas d'épées et de bouteilles, craquements d'os et giclées de sang - et pourtant, Ibo Secmez n'a tourné qu'un spot publicitaire pour le bar de son oncle Ahmet dans le quartier de Hambourg "Schanzenviertel" en y incluant pleinement sa passion pour les films de KungFu. Au moment où la colère d'Ahmet contre cette œuvre sanguinolente s'estompe pour faire place à la fierté qu'il éprouve pour le jeune génie, parce que les spectateurs, en sortant du cinéma, se précipitent immédiatement en masse pour voir "King of Kebab", Ibo doit faire face à de nouveaux problèmes, bien plus sérieux. Son amie, Titzi, lui annonce qu'elle est enceinte. Ibo, dans un premier temps, n'arrive pas à gérer la situation et n'y parviendra qu'au bout de nombreux détours. KEBAB CONNECTION est essentiellement l'histoire de tous ces détours. Mehmet, le père d'Ibo, est fou de rage lorsqu'il apprend la nouvelle de la grossesse. On peut bien s'endormir à côté d'une Allemande, on peut aussi se réveiller avec une Allemande, mais il est hors de question de faire un enfant à une "mécréante". Mehmet met son fils à la porte. Ibo se réfugie chez Lefty, le fils d'un restaurateur grec ; Lefty aussi, depuis qu'il est devenu végétarien et qu'il tient un stand de falafels, vit en désaccord avec son père. La mère de Titzi, abandonnée par son mari, réagit également avec scepticisme : "As-tu déjà vu un Turc pousser un landau ?". C'est précisément ce à quoi Titzi essaye d'amener son ami, mais cela complique encore davantage la situation. La mère d'Ibo au moins réussit à ramener le père à la raison. Pendant que Titzi et son amie se préparent aux examens d'entrée à l'école d'art dramatique, Ibo, qui rêve plus du premier film allemand de Kung-Fu que d'un enfant, tourne un nouveau spot pour son oncle, mais sans succès, s'exerce dans l'art de changer les couches et participe à un cours prénatal. Bien que Stella, la fille du restaurateur grec, tente de séduire Ibo et de le soûler à l'Ouzo, Ibo et Mehmet sont présents lorsque Titzi met au monde une fillette. Son grand projet de film de Kung-Fu devra encore attendre un peu, car Ibo prend une année de congé paternité. Jusqu'à présent, lorsqu'au cinéma allemand il était question de l'entrechoc de cultures différentes, plus précisément des conflits entre Turcs et Allemands, les films, comme par exemple LES NOCES DE SHIRIN / SHIRINS HOCHZEIT de Helma Sanders, 40 M2 D'ALLEMAGNE / 40 QM DEUTSCHLAND de Tevfik Baser ou YASEMIN de Hark Bohm, relevaient plutôt du mélodrame, voire même de la tragédie. Dans les années 90, grâce à une nouvelle génération d'auteurs et de réalisateurs, mais aussi en raison d'une nouvelle évolution, cela a radicalement changé. Les oeuvres de Fatih Akin, à commencer par L'ENGRENAGE / KURZ UND SCHMERZLOS, en sont la preuve irréfutable. Selon Akin, qui avait rédigé la première version du scénario pour KEBAB CONNECTION, la situation s'est nettement décrispée. Lorsqu'on lui fit remarquer que cette comédie multiculturelle était finalement l'œuvre d'un Allemand, et lorsqu'on lui demanda si le terme de "film d'immigrant" avait encore un sens, Fatih Akin répondit magnanimement : "S'il en est ainsi, on aura enfin atteint le but que j'ai toujours souhaité atteindre. A savoir que l'origine qu'on a n'est pas ce qu'il y a de plus important." Une société de production telle que "WÜSTE Filmproduktion" a pu se concentrer avec succès sur des films à thèmes multiculturels. C'est grâce à une importante évolution que cette nouvelle vision des choses a pu s'établir - et pas uniquement en raison de la politique d'intégration de l'ancien gouvernement rouge-vert. Des comédies étrangères, telles que JOUE-LA COMME BECKHAM / BEND IT LIKE BECKHAM , EAST IS EAST et MARIAGE À LA GRECQUE / MY BIG FAT GREEK WEDDING ont tellement bien préparé le terrain que l'entrechoc des cultures se vend tout bénéfice même dans les shows de comédie des chaînes de télé privées allemandes. La situation s'est détendue - même si la politique actuelle menace à nouveau de crisper la situation. "KEBAB CONNECTION est une comédie classique d'affrontement entre les cultures", nous dit Anno Saul, réalisateur et coauteur, "qui parle de la seconde génération d'immigrants, de ceux qui sont déjà un peu assimilés. Ici, ils se sentent un peu dépaysés. Et développent une sorte de nouvelle culture." KEBAB CONNECTION parle de personnages instables et de leur inconstance dans leur quête de ce qui est bien ; Anno Saul y est sujet de temps à autre lui-même et ne recule pas devant l'emploi de blagues grossières pour s'assurer les rires du public. L'oncle Ahmet appelle son rival grec Kirianis "Clitoris", Nadine, l'amie de Titzi, correspond au cliché de la blonde un peu stupide, et le pauvre Ibo reçoit littéralement une giclée de merde en pleine figure en changeant les couches de son bébé. Sa participation à un cours prénatal aussi est d'un comique plutôt douteux. Même la valeur de la citation du film de Sergueï Eisenstein LE CUIRASSÉ POTEMKINE (un landau avec un bébé dévalant un escalier) est discutable. Comme beaucoup de comédies allemandes, celle-ci aussi est parfois victime du profond malentendu qui consiste à croire que l'exagération à elle seule suffit déjà à produire le comique. Dans le livret de presse qui accompagne le film, on trouve cette annotation équivoque : "La responsabilité pour le 'lustrage des gags' incombe à Jan Berger." Malgré cela, KEBAB CONNECTION est un film remarquable, pas seulement parce qu'il constitue une documentation informative sur un contexte qui a changé. Une série de catastrophes mineures évoque le danger potentiel qui menace les personnages. Ils ne s'en sortent indemnes que grâce à une seule raison : ce sont les protagonistes d'une comédie et c'est ce qui leur permet de rester invulnérables. Et il arrive parfois à Anno Saul de réussir des scènes émouvantes surprenantes. "Baba,", demande Ibo, dont l'enfant est sur le point de naître, "à quoi reconnaît-on un bon père ?". Le vieil homme répond : "Demande à ton enfant, pas à ton père !" Hans Günther Pflaum