21/09 - ds avocats

Transcription

21/09 - ds avocats
LETTRE
DU DEPARTEMENT PROPRIETE INTELLECTUELLE
ET TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION
SEPTEMBRE 2012
P2
P6
Articles

Com. 3 mai 2012, eBay Inc. et eBay International AG c/ Louis Vuitton Malletier, c/ Christian
Dior Couture et c/ Parfums Christian Dior, Kenzo Parfums et Parfums Givenchy - eBay n’est
pas un hébergeur

Civ. 1ère. 5 avril 2012 - La compétence territoriale en cas d’atteinte au droit d’auteur sur
Internet
Brèves

L’ouverture des noms de domaine français aux caractères spéciaux

TGI PARIS, 18 novembre 2011, 3ème ch., 2ème sect - Le « Sopalin » constitue une marque
toujours valable

CJUE, 2 mai 2012, Affaire C-406/10, SAS Institute Inc. c/ World Programming Ltd - Les
langages de programmation et les fonctionnalités d’un programme d’ordinateur sont
insusceptibles de protection par le droit d’auteur

Com. 20 mars 2012 - Le caractère distinctif d’une marque complexe s’apprécie après son
examen d’ensemble

CJUE, Gde Ch., 19 juin 2012, aff. C-307/10, Chartered Institute of Patent Attorneys (IP
Translator) c/ Registrar of Trade Marks - En matière de marque, seule l’identification
suffisamment claire et précise des produits et services d’une classe permet de déterminer
l’étendue de la protection demandée

CJUE, 4e ch., 21 juin 2012, aff. C-5/11, Titus Alexander Jochen Donner - La protection du
droit d’auteur peut justifier la restriction de la libre circulation des marchandises

Rejet de l’ACTA par le Parlement européen : finalement, la guerre des trois aura bien lieu…
1
mais à quatre !
Com. 3 mai 2012, eBay Inc. et eBay
International AG c/ Louis Vuitton
Malletier, c/ Christian Dior Couture et c/
Parfums Christian Dior, Kenzo Parfums et
Parfums Givenchy - eBay n’est pas un
hébergeur
La loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la
confiance dans l’économie numérique
dite LCEN a instauré en France un
statut
propre
aux
fournisseurs
d’hébergement.
Son article 6.I.2 les présente comme
des « personnes physiques ou morales
qui assurent, même à titre gratuit, pour
mise à disposition du public par des
services de communication au public
en ligne, le stockage de signaux,
d'écrits, d'images, de sons ou de
messages de toute nature fournis par
des destinataires de ces services ».
Au vu de la nature particulière de son
activité, l’hébergeur est soumis à un
régime de responsabilité allégée en
application de l’article 14 de la
directive 2000/31 sur le commerce
électronique du 8 juin 2000 et des
dispositions transposées de l’article 6 de
la LCEN.
Ainsi, aux termes des articles 6.I.2 et
6.I.3, les fournisseurs d’hébergement ne
pourront pas être retenus civilement ou
pénalement responsables du contenu
stocké, mis en ligne et édité par les
utilisateurs,
s’ils
n’ont
pas
eu
connaissance de son caractère illicite.
Ils ne peuvent être tenus pour
responsables que s’ils n’ont pas agi
avec promptitude, c’est-à-dire dans les
meilleurs délais, pour retirer ou rendre
l’accès impossible à des données
litigieuses ou illicites hébergées dont ils
ont eu connaissance.
Compte tenu de son caractère
protecteur, la plateforme de vente en
ligne eBay tente de bénéficier de ce
régime de responsabilité aménagé.
La Chambre commerciale de la Cour
de cassation, par trois arrêts en date du
3 mai 2012, vient de lui refuser ce statut
d’hébergeur.
Deux décisions du Tribunal de Grande
Instance et de la Cour d’appel de Paris
en date des 13 mars 2012 et 4 avril 2012
avaient pourtant reconnu qu’eBay, en
tant que plateforme de mise en
relation de vendeurs et d’acheteurs,
pouvait
bénéficier
du
statut
avantageux d’hébergeur.
Par de nombreuses autres décisions les
juges ont à l’inverse considéré que la
responsabilité de la société eBay
devait
être
engagée
en
tant
qu’éditeur de services pour la vente
par
ses
utilisateurs
de
produits
contrefaisants (CA Reims, 20 juillet 2010,
eBay c/ Hermès International, CA Paris,
23 janvier 2012, eBay c/ Burberry, CA
Paris, 3 septembre 2010, eBay Inc. et
eBay International AG c/ Louis Vuitton
Malletier, c/ Christian Dior Couture) ou
de produits destinés exclusivement à
un réseau de distribution sélective (CA
Paris, 3 septembre 2010, eBay Inc et
eBay International AG c/ Parfums
Christian Dior, Kenzo Parfums et Parfums
Givenchy).
La Cour de cassation, infirmant
partiellement les arrêts de la Cour
d’appel de Paris du 3 septembre 2010,
vient de confirmer cette position.
RIGUEUR
2
En l’espèce, les sociétés eBay Inc. et
eBay International AG avaient vendu sur
leurs sites, entre 2001 et 2006, des
contrefaçons de produits Louis Vuitton
Malletier et Christian Dior ainsi que de
nombreux
parfums
Christian
Dior,
Guerlain, Givenchy et Kenzo en violation
du réseau de distribution sélective mise
en place par les titulaires de ces
marques.
La Cour de cassation a jugé que « les
sociétés eBay n’avaient pas exercé une
simple activité d’hébergement mais
qu’elles avaient, indépendamment de
toute option choisie par les vendeurs,
joué un rôle actif de nature à leur
conférer la connaissance ou le contrôle
des données qu’elles stockaient et à les
priver du régime exonératoire de
responsabilité prévu par l’article 6.I.2 de
la loi du 21 juin 2004 et l’article 14 § 1 de
la Directive 2000/31 ».
Pour justifier le rôle joué par la
plateforme de vente en ligne eBay, elle
rappelle les éléments de fait mis en
avant par la Cour d’appel de Paris.
Elle précise ainsi que « les sociétés eBay
fournissent à l’ensemble des vendeurs
des informations pour leur permettre
d’optimiser leurs ventes et les assistent
dans la définition et la description des
objets mis en vente en leur proposant
notamment de créer un espace
personnalisé de mise en vente ou de
bénéficier "d’assistants vendeurs" (…), les
sociétés eBay envoient des messages
spontanés à l’attention des acheteurs
pour les inciter à acquérir et invitent
l’enchérisseur qui n’a pu remporter une
enchère à se reporter sur d’autres objets
similaires sélectionnés par elles ».
En retenant cette solution, la Cour de
cassation s’inscrit dans la ligne fixée par
la Cour de Justice de l’Union
Européenne, dans un arrêt du 12 juillet
2011 opposant la société L’Oréal à eBay
(affaire C-324/09).
IMAGINATION
A cette occasion, la Cour de Justice
avait très clairement établi, en faisant
référence aux arrêts Google France et
Google Inc. (affaires C-236/08 à C238/08, 23 mars 2010), que : « pour que
le prestataire d’un service sur Internet
puisse relever du champ d’application
de l’article 14 de la Directive 2000/31, il
est essentiel qu’il soit un "prestataire
intermédiaire" au sens voulu par le
législateur dans le cadre de la section
4 du chapitre II de cette Directive (…).
Il n’en va pas ainsi lorsque le
prestataire du service, au lieu de se
limiter à une fourniture neutre de celuici au moyen d’un traitement purement
technique
et
automatique
des
données fournies par ses clients, joue
un rôle actif de nature à lui confier une
connaissance ou un contrôle de ces
données ».
Elle avait précisé, concernant les
plateformes telles qu’eBay que « le
simple fait que l’exploitant d’une
place de marché en ligne stocke sur
son serveur les offres à la vente, fixe les
modalités de son service, est rémunéré
pour
celui-ci
et
donne
des
renseignements d’ordre général à ses
clients ne saurait avoir pour effet de le
priver des dérogations en matière de
responsabilité prévues par la directive
2000/31 ».
Elle estime en revanche que « lorsque
(…) ledit exploitant a prêté une
assistance laquelle a notamment
consisté à optimiser la présentation des
offres à la vente en cause ou à
3
promouvoir ces offres, il y a lieu de
considérer qu’il a non pas occupé une
position neutre entre le client vendeur
concerné et les acheteurs potentiels,
mais joué un rôle actif de nature à lui
conférer une connaissance ou un
contrôle des données relatives à ces
offres ».
cassation a décidé d’adresser deux
questions préjudicielles à la Cour de
Justice
de
l’Union
Européenne
concernant la compétence des
juridictions françaises pour connaître
d’actes de contrefaçon de droit
d’auteur commis sur Internet.
La Cour de cassation a par ailleurs
apporté une précision supplémentaire
quant à la compétence des juridictions
françaises pour connaître des ventes
de produits réalisés sur les sites
www.ebay.co.uk et www.ebay.com.
Elle a en effet estimé que, les
juridictions françaises sont compétentes
pour des faits commis sur le site
www.ebay.co.uk dans la mesure où il
existe une complémentarité entre ces
sites et que les internautes français
étant incités à se rendre sur le site
britannique pour élargir leur recherche.
,.
La Cour n’a toutefois pas retenu la
compétence des juridictions françaises
concernant le site www.ebay.com, rien
ne permettant d’établir que ce site
« s’adressait directement au public
français ».
Par ces trois arrêts du 3 mai 2012 la
Cour de cassation s’est prononcée
pour la première fois sur le statut
d’hébergeur de plateformes de vente
en ligne telles qu’eBay.
Cette position est toutefois susceptible
d’évoluer en fonction de la capacité
de ces plateformes de vente en ligne à
adapter leur modèle de vente au
regard des décisions rendues à son
encontre.
1ère.
Civ.
5 avril 2012 - La compétence
territoriale en cas d’atteinte au droit
d’auteur sur Internet
Par un arrêt rendu le 5 avril 2012, la
première chambre civile de la Cour de
DISPONIBILITE
Dans
cette
affaire,
un
auteurcompositeur-interprète avait découvert
que ses douze chansons, initialement
enregistrées sur un disque vinyle,
avaient été reproduites sans son
autorisation sur un disque compact
(CD),
pressé
en
Autriche
puis
commercialisé par deux sociétés
britanniques sur différents sites Internet.
Ces sites étant accessibles depuis son
domicile toulousain, il a donc assigné la
société autrichienne devant le Tribunal
de Grande Instance de Toulouse aux
fins d’obtenir réparation du préjudice
subi du fait de la contrefaçon de ses
droits d’auteur.
La Cour d’appel de Toulouse, dans un
arrêt du 21 janvier 2009, a estimé que le
litige avait un caractère international
et a déclaré le Tribunal de Grande
Instance de Toulouse incompétent.
L’auteur-compositeur-interprète
s’est
pourvu en cassation, invoquant l’article
5. 3° du règlement 44/2001 du Conseil
du 22 décembre 2000 (Bruxelles I),
relatif à la compétence judiciaire, la
reconnaissance et l’exécution des
4
décisions
en
matière
civile
et
commerciale, selon lequel « une
personne domiciliée sur le territoire d'un
État membre peut être attraite, dans
un autre État membre :
3) en matière délictuelle ou quasi
délictuelle, devant le tribunal du lieu où
le fait dommageable s'est produit ou
risque de se produire ».
Il estimait que ce lieu pouvait être soit
celui où l’auteur de la contrefaçon est
établi, soit celui où l’objet de la
contrefaçon se trouve diffusé.
Comme le rappelle la Cour de
cassation, la question liée au lieu du
fait dommageable n’est pas nouvelle.
En matière de diffamation par voie de
presse, la Cour de Justice de l’Union
Européenne a eu l’occasion de juger
que la victime peut agir contre
l'éditeur :
 Soit devant les juridictions de l'Etat
contractant
du
lieu
d'établissement de l'éditeur de la
publication diffamatoire, afin de
réparer l’intégralité du dommage,
 Soit devant les juridictions de
chaque Etat contractant dans
lequel la publication a été
diffusée et où la victime prétend
avoir subi une atteinte à sa
réputation, compétentes pour
connaître des seuls dommages
causés dans l'Etat de la juridiction
saisie (CJCE, 7 mars 1995, Fiona
Shevill c/ Press Alliance, Aff. C68/93).
La Cour de Justice, dans l’arrêt eDate
Advertising contre Martinez en date du
25 octobre 2011 (Affaires C-509/09 et C
-161/10) a ajouté une troisième option
« en cas d’atteinte alléguée aux droits
de la personnalité au moyen de
contenus mis en ligne sur un site
Internet ».
Elle reconnaît en effet à la victime la
faculté de saisir la juridiction de l’Etat
membre « dans lequel se trouve le
centre de ses intérêts ».
En matière de marque, la CJUE a fait
preuve de plus de sévérité vis-à-vis de
la victime en considérant que « la
simple accessibilité d’un site Internet sur
le territoire couvert par la marque ne
suffit pas pour conclure que les offres à
la vente qui y sont affichées sont
destinées à des consommateurs situés
sur ce territoire ».
Les juridictions nationales sont invitées à
« apprécier au cas par cas s’il existe
des indices pertinents pour conclure
qu’une offre à la vente, (…) accessible
sur le territoire couvert par la marque
est destinée à des consommateurs
situés sur celui-ci » (CJCE, 12 juillet 2011,
L’Oréal SA e. a. c/ eBay International e.
a., aff. C-324/09).
La Cour de cassation, peu de temps
avant, avait elle aussi rejeté le critère
de l’accessibilité d’un site Internet pour
déterminer
la
compétence
des
juridictions françaises en estimant que
« la seule accessibilité d’un site Internet
sur le territoire français n’est pas
suffisante pour retenir la compétence
des juridictions françaises » (Com. 29
mars 2011, n° 10-12272).
La CJUE ne s’étant pas prononcé sur
cette question
en matière de
contrefaçon de droit d’auteur sur
Internet, la Cour de cassation lui a
adressé
les
deux
questions
IMAGINATION
5
préjudicielles suivantes :
 « L’article 5, point 3, du règlement
(CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22
décembre 2000, concernant la
compétence
judiciaire,
la
reconnaissance et l’exécution de
décisions en matière civile et
commerciale, doit-il être interprété
en ce sens qu’en cas d’atteinte
alléguée aux droits patrimoniaux
d’auteur commise au moyen de
contenus mis en ligne sur un site
Internet,
 La personne qui s’estime lésée a la
faculté d’introduire une action en
responsabilité devant les juridictions
de chaque Etat membre sur le
territoire duquel un contenu mis en
ligne est accessible ou l’a été, à
l’effet d’obtenir réparation du seul
dommage causé sur le territoire de
l’Etat membre de la juridiction
saisie,
Ou
 Il faut, en outre, que ces contenus
soient ou aient été destinés au
public situé sur le territoire de cet
Etat membre, ou bien qu’un autre
lien
de
rattachement
soit
caractérisé ?
 La question posée au 1°) doit-elle
recevoir la même réponse lorsque
l’atteinte alléguée aux droits
patrimoniaux d’auteur résulte non
pas de la mise en ligne d’un
contenu
dématérialisé,
mais,
comme en l’espèce, de l’offre en
ligne
d’un
support
matériel
reproduisant ce contenu ? »
Dans l’attente de la décision de la
Cour de Justice, la Cour de cassation a
sursis à statuer. Affaire à suivre…
Brèves :
L’ouverture des noms de domaine
français aux caractères spéciaux
Depuis le 3 mai dernier, les éditeurs de
sites Internet peuvent
réserver des
noms de domaine français en .fr, .re
(Réunion), .tf (Terres Australes et
Antarctiques Françaises, .pm (SaintPierre et Miquelon), .yt (Mayotte) et .wf
(Wallis et Futuna) comprenant des
accents ou des caractères spéciaux.
Jusque là, seuls étaient admis les noms
de domaine « au format latin sans signe
diacritique basés exclusivement sur des
lettres (A à Z), des chiffres (0 à 9) et le
trait d’union, à l’exclusion de tout autre
caractère ».
Trente
caractères
spéciaux
et
accentués tels que le « é », le « ç », le
« à » ou le « ñ » viennent donc s’y
ajouter, permettant l’existence de
noms de domaine internationalisés ou
« IDNs
Cependant, afin d’éviter tout risque de
cybersquatting, les utilisateurs doivent
réserver des noms de domaine
complémentaires
incluant
ces
nouveaux caractères.
DISPONIBILITE
Précisons que l’Association Française
pour le Nommage Internet en
Coopération (AFNIC) qui avait instauré
une période dite « d’enregistrement
6
prioritaire » du 3 mai au 3 juillet 2012, au
cours de laquelle les titulaires de nom
de domaine pouvaient réserver en
priorité les déclinaisons de leur
nom ouvre aujourd’hui à tous la
réservation de ces noms de domaine
composés de caractères spéciaux; la
règle habituelle du « premier arrivé,
premier servi » trouve donc de
nouveau à s’appliquer.
Toutefois, dans l’hypothèse où une
variante d’un nom de domaine serait
réservée par un tiers, l’AFNIC rappelle
que la procédure SYRELI constitue un
moyen
efficace
d’obtenir
« la
suppression ou le transfert de noms
litigieux déposés par des tiers de
mauvaise foi ou n’ayant aucun intérêt
légitime ».
TGI PARIS, 18 novembre 2011, 3ème ch.,
2ème sect - Le « Sopalin » constitue une
marque toujours valable
Par un jugement en date du 18
novembre 2011, le Tribunal de Grande
Instance de Paris a jugé que la marque
« Sopalin » n’est pas devenue la
désignation usuelle des papiers essuietout.
Dans cette affaire, la société Georgia
Pacific, qui exploite les marques
« Lotus » pour désigner du papier
toilette et « Okay » pour désigner de
l’essuie-tout, a assigné la société
Soffass Spa, titulaire de la marque
« Sopalin », en déchéance totale.
Elle estimait, en effet, que cette
marque avait dégénéré en ce qu’elle
désigne du papier essuie-tout et
n’avait pas été exploitée au cours des
cinq dernières années pour les autres
produits et services visés à son
enregistrement.
Le tribunal a rappelé, dans un premier
temps, qu’ « une marque ne devient la
désignation usuelle d’un produit dans
IMAGINATION
le commerce que si le terme protégé
est utilisé de façon généralisée par le
public concerné ».
Il ajoute, en se référant à la
jurisprudence de la Cour de Justice de
l’Union Européenne, que le public à
prendre en considération est non
seulement le consommateur final mais
également
l’ensemble
des
professionnels intervenant dans la
commercialisation
du
produit
concerné comme les grandes surfaces.
Or, les juges ont considéré que les
usages évoqués par la société Georgia
Pacific sur des forums Internet, dans la
presse, la littérature, à l’école, dans un
dépôt de dessins et modèles ou encore
dans certaines décisions de justice ne
constituent pas un usage dans le
commerce « mais tout au plus des abus
de langage, voire des usages à titre de
marque ».
Ils ont par ailleurs estimé que « les
utilisations des occurrences « Sopalin »
sur divers sites Internet de vente en
ligne constituent, non pas un usage du
signe à titre de nom commun pour
désigner les essuie-tout mais un usage
à titre de mots-clés ».
Le Tribunal de Grande Instance de
Paris a donc rejeté la demande de
déchéance pour dégénérescence de
la marque « Sopalin ».
Il a toutefois accueilli la demande de
7
déchéance pour défaut d’exploitation
de cette marque pour des produits
autres que l’essuie-tout.
CJUE, 2 mai 2012, Affaire C-406/10, SAS
Institute Inc. c/ World Programming
Ltd - Les langages de programmation
et les fonctionnalités d’un programme
d’ordinateur sont insusceptibles de
protection par le droit d’auteur
La société SAS Institute Inc. a
développé un programme permettant
le traitement et l’analyse de données.
La société World Programming Ltd,
après l’avoir acquis sous licence et
étudié a créé son propre programme
capable
d’exécuter
des
scripts
développés par le premier logiciel.
Estimant être victime d’une violation de
ses droits d’auteur sur les manuels et
composants de son programme ainsi
que sur les termes de la licence
d’utilisation, la société SAS Institute a
assigné la société World Programming
Ltd devant la High Court of Justice
(Royaume-Uni).
Cette dernière a alors saisi la Cour de
Justice de l’Union Européenne afin
qu’elle précise si la protection conférée
par le droit de l’Union européenne aux
programmes d’ordinateurs s’étend ou
non à la fonctionnalité et au langage
de programmation. .
La Cour a décidé que « ni la
fonctionnalité
d’un
programme
d’ordinateur
ni
le
langage
de
programmation et le format de fichiers
de données utilisés dans le cadre d’un
programme d’ordinateur pour exploiter
certaines
de
ses
fonctions
ne
constituent une forme d’expression de
ce programme [et ne sont, à ce titre,
protégés par le droit d’auteur sur les
programmes d’ordinateur au sens de la
Directive 91/250/CE] ».
RIGUEUR
Peuvent au contraire caractériser une
forme d’expression,le code source et le
code objet d’un logiciel. Dès lors, leur
reproduction, même lorsque ces codes
sont
relatifs
au
langage
de
programmation ou au format de
fichiers de données utilisés dans le
cadre d’un programme d’ordinateur,
porte incontestablement atteinte au
droit d’auteur du créateur.
Cependant, en l’espèce, le premier
logiciel avait été acquis légitimement
sous licence, sans accès au code
source, et le licencié s’était limité à
l’étudier et le tester.
Dès lors, les juges communautaires
admettent que « la personne ayant
obtenu une copie sous licence d’un
programme d’ordinateur peut, sans
l’autorisation du titulaire du droit
d’auteur, observer, étudier ou tester le
fonctionnement de ce programme afin
de déterminer les idées et les principes
qui sont à la base de n’importe quel
élément dudit programme, lorsqu’elle
effectue des opérations couvertes par
cette licence ainsi que des opérations
de chargement et de déroulement
nécessaires
à
l’utilisation
du
programme d’ordinateur et à condition
qu’elle ne porte pas atteinte aux droits
exclusifs du titulaire du droit d’auteur
sur ce programme ».
Enfin,
la
CJUE
a
estimé
que
la
8
reproduction des manuels d’utilisation
du logiciel d’origine peut constituer
une violation du droit d’auteur dans la
mesure
où
« cette
reproduction
constitue l’expression de la création
intellectuelle propre à l’auteur du
manuel d’utilisation du programme
d’ordinateur ».
L’appréciation de l’expression de la
création intellectuelle se fait au cas par
cas, par les juridictions nationales, en
fonction du choix, de la disposition et
de la combinaison des mots, des
chiffres
et
des
concepts
mathématiques.
Com. 20 mars 2012 - Le caractère
distinctif d’une marque complexe
s’apprécie
après
son
examen
d’ensemble
Dans cette affaire, les titulaires de la
marque semi-figurative, « Top Viandes »
désignant des viandes et des produits à
base de viandes ont agi en
contrefaçon
et
en
concurrence
déloyale.
Les
défendeurs
ont
reconventionnellement demandé la
nullité de cette marque.
Après plusieurs procédures, la Cour
d'appel de Toulouse, statuant sur renvoi
de la Cour de cassation, avait estimé,
dans un arrêt du 2 février 2011, que « la
seule forme du drapeau en réserve
dans laquelle sont écrits les mots TOP et
VIANDES, qui ont un caractère
simplement descriptif, ne confère pas
au signe déposé une distinctivité
suffisante pour qu'il soit considéré
comme valable ».
La Cour de cassation casse à nouveau
l’arrêt de la Cour de renvoi et précise
que les juges du fond doivent procéder
à l'examen de l'impression d'ensemble
produite par une marque figurative et
qu’ils ne peuvent se limiter à prendre
en considération les seuls éléments
verbaux.
Elle rappelle par ailleurs que les juges
du fond doivent respecter le principe
du contradictoire et ne peuvent
soulever d’office le moyen selon
lequel « la forme du drapeau et les
couleurs bleue et rouge des lettres top
viandes sont de nature à tromper le
public
sur
la
provenance
géographique des produits en laissant
croire à une origine française
exclusive ».
CJUE, Gde Ch., 19 juin 2012, aff. C307/10, Chartered Institute of Patent
Attorneys (IP Translator) c/ Registrar of
Trade Marks - En matière de marque,
seule
l’identification suffisamment
claire et précise des produits et
services d’une classe permet de
déterminer l’étendue de la protection
demandée
Le droit des marques est fortement
tributaire de la diversité et de la
multiplication
des
textes
communautaires et internationaux, ce
qui n’est pas sans entraîner des
difficultés de mise en œuvre.
C’est dans ce sens que la CJUE a été
saisie d’une question préjudicielle par
la Haute juridiction du Royaume-Uni
afin de donner son avis sur la
compatibilité entre la communication
n°4/03 de l’OHMI du 16 juin 2003 et les
dispositions
découlant
de
l’Arrangement de Nice du 15 juin 1957
concernant
la
classification
internationale des produits et services
aux fins de l’enregistrement des
marques.
Cette saisine trouve son origine dans
un
litige opposant le Chartered
Institute of Patent Attorneys (CIPA) au
9
Registrar of Trade Marks du RoyaumeUni. Ce dernier a refusé d’enregistrer le
signe verbal « IP Translator » en tant que
marque nationale pour les services
identifiés sous les termes généraux de
l’intitulé de la classe 41 que sont
« Education ;
formation ;
divertissement ; activités sportives et
culturelles » aux motifs qu’
en
application de la communication n°
4/03 de l’OHMI, l’utilisation d’un intitulé
général constitue une revendication de
tous les produits ou services relevant de
cette classe particulière, y compris les
services de traduction ; le signe IP
TRANSLATOR était donc dépourvu de
distinctivité au regard de ces derniers
services rendait son enregistrement à
titre de marque impossible..
Cet argument avancé par le Registrar
anglais se heurtait toutefois à l’article
1er de l’Arrangement de Nice, lequel
autorise
l’emploi
des
indications
générales des intitulés de classes de
classification pour identifier les produits
et les services pour lesquels la
protection est demandée.
Devant cette contradiction, la CJUE a
été saisie afin de se prononcer sur
l’interprétation de la directive 2008/95/
CE du Parlement européen et du
Conseil,
du
22
octobre
2008,
rapprochant les législations des Etatsmembres sur les marques.
La CJUE a considéré que « la directive
2008/95 ne s’oppose pas à l’utilisation
DISPONIBILITE
des indications générales des intitulés
de classes de la classification de Nice
afin d’identifier les produits et services
pour lesquels la protection par la
marque est demandée, pour autant
qu’une
telle
identification
soit
suffisamment claire et précise pour
permettre aux autorités compétentes
et aux opérateurs économiques de
déterminer
l’étendue
de
la
protection ».
Une telle réponse risque fort de
provoquer de nouveaux et nombreux
débats.
.
CJUE, 4e ch., 21 juin 2012, aff. C-5/11,
Titus Alexander Jochen Donner - La
protection du droit d’auteur peut
justifier la restriction de la libre
circulation des marchandises
La dernière tendance jurisprudentielle
de la CJUE tend à apaiser les
inévitables tensions entre la propriété
intellectuelle
et
le
droit
communautaire de la concurrence.
Dans
l’affaire
commentée,
un
commerçant allemand avait été
condamné
à
deux
ans
d’emprisonnement avec sursis pour
complicité
d’exploitation
commerciale
sans
autorisation
d’œuvres
qui,
bien
que
ne
bénéficiant pas de protection dans le
pays où la reproduction était
intervenue, étaient protégées dans le
territoire de leur livraison.
La Cour Suprême allemande a saisi la
CJUE sur la question de savoir si
l’application du droit pénal allemand
était de nature à constituer une
restriction injustifiée de la libre
circulation
des
marchandises
garanties par le droit de l’Union,
notamment au regard des articles 34
TFUE et 36 TFUE.
La CJUE a répondu que « les articles
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34 TFUE et 36 TFUE doivent être
interprétés en ce sens qu’ils ne
s’opposent pas à ce qu’un Etat
membre exerce des poursuites du chef
de complicité de distribution sans
autorisation des copies d’œuvres
protégées par un droit d’auteur en
application du droit pénal national
dans le cas où des copies de telles
œuvres sont distribuées au public sur le
territoire de cet Etat membre dans le
cadre
d’une
vente,
visant
spécifiquement le public dudit Etat,
conclut depuis un autre Etat membre
où ces œuvres ne sont pas protégées
par un droit d’auteur ou dont la
protection dont elle bénéficie peut être
opposée utilement aux tiers ».
La CJUE justifie sa position par le fait
que s’il est admis que « l’interdiction
prévue par la loi nationale et qui est
sanctionnée par le droit pénal national
[…] constitue une entrave à la libre
circulation des marchandises, en
principe contraire à l’article 34 TFUE,
[…] une telle restriction est toutefois
susceptible d’être justifié par des raisons
de
protection
de
la
propriété
industrielle et commerciale ».
Cet accord négocié en secret depuis
2007 par l’UE en vue d’améliorer la
mise en œuvre des lois anticontrefaçon nationales à l’échelle
internationale
était
déjà
très
controversé avant même que le
Parlement n’entame les discussions.
Cette décision n’est que le début
d’une longue
bataille entre les
différents acteurs de la propriété
intellectuelle, à savoir les lobbies et
autres groupes de pressions qui
commencent à se manifester.
Ainsi, à côté du groupe « des
créateurs, inventeurs et affiliés à
l’action créative », puis du « lobby
citoyen » ayant fortement soutenu le
rejet de l’ACTA, un groupe de pression
baptisé « The Internet Association » va
officiellement être créé au cours du
mois de septembre afin d’intervenir
dans les discussions. Celui-ci devrait
être composé des géants de la Netéconomie dont Facebook, Google,
eBay et Amazon.
Rejet de l’ACTA par le Parlement
européen : finalement, la guerre des
trois aura bien lieu…mais à quatre !
C’est sans grande surprise, mais à
grands tambours médiatiques, que le
Parlement européen a, le 4 juillet 2012,
voté massivement contre l’Accord
Commercial
Anti-contrefaçon
(donnant l’acronyme anglais ACTA) :
478 voix pour son rejet, 39 voix contre et
165 abstentions.
C’est la première fois que le Parlement
européen exerce son pouvoir de rejeter
un
accord
international
sur
le
commerce, étant précisé qu’il n’avait
que la possibilité de l’approuver ou le
rejeter, et non de l’amender.
IMAGINATION
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