21/09 - ds avocats
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LETTRE DU DEPARTEMENT PROPRIETE INTELLECTUELLE ET TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION SEPTEMBRE 2012 P2 P6 Articles Com. 3 mai 2012, eBay Inc. et eBay International AG c/ Louis Vuitton Malletier, c/ Christian Dior Couture et c/ Parfums Christian Dior, Kenzo Parfums et Parfums Givenchy - eBay n’est pas un hébergeur Civ. 1ère. 5 avril 2012 - La compétence territoriale en cas d’atteinte au droit d’auteur sur Internet Brèves L’ouverture des noms de domaine français aux caractères spéciaux TGI PARIS, 18 novembre 2011, 3ème ch., 2ème sect - Le « Sopalin » constitue une marque toujours valable CJUE, 2 mai 2012, Affaire C-406/10, SAS Institute Inc. c/ World Programming Ltd - Les langages de programmation et les fonctionnalités d’un programme d’ordinateur sont insusceptibles de protection par le droit d’auteur Com. 20 mars 2012 - Le caractère distinctif d’une marque complexe s’apprécie après son examen d’ensemble CJUE, Gde Ch., 19 juin 2012, aff. C-307/10, Chartered Institute of Patent Attorneys (IP Translator) c/ Registrar of Trade Marks - En matière de marque, seule l’identification suffisamment claire et précise des produits et services d’une classe permet de déterminer l’étendue de la protection demandée CJUE, 4e ch., 21 juin 2012, aff. C-5/11, Titus Alexander Jochen Donner - La protection du droit d’auteur peut justifier la restriction de la libre circulation des marchandises Rejet de l’ACTA par le Parlement européen : finalement, la guerre des trois aura bien lieu… 1 mais à quatre ! Com. 3 mai 2012, eBay Inc. et eBay International AG c/ Louis Vuitton Malletier, c/ Christian Dior Couture et c/ Parfums Christian Dior, Kenzo Parfums et Parfums Givenchy - eBay n’est pas un hébergeur La loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dite LCEN a instauré en France un statut propre aux fournisseurs d’hébergement. Son article 6.I.2 les présente comme des « personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ». Au vu de la nature particulière de son activité, l’hébergeur est soumis à un régime de responsabilité allégée en application de l’article 14 de la directive 2000/31 sur le commerce électronique du 8 juin 2000 et des dispositions transposées de l’article 6 de la LCEN. Ainsi, aux termes des articles 6.I.2 et 6.I.3, les fournisseurs d’hébergement ne pourront pas être retenus civilement ou pénalement responsables du contenu stocké, mis en ligne et édité par les utilisateurs, s’ils n’ont pas eu connaissance de son caractère illicite. Ils ne peuvent être tenus pour responsables que s’ils n’ont pas agi avec promptitude, c’est-à-dire dans les meilleurs délais, pour retirer ou rendre l’accès impossible à des données litigieuses ou illicites hébergées dont ils ont eu connaissance. Compte tenu de son caractère protecteur, la plateforme de vente en ligne eBay tente de bénéficier de ce régime de responsabilité aménagé. La Chambre commerciale de la Cour de cassation, par trois arrêts en date du 3 mai 2012, vient de lui refuser ce statut d’hébergeur. Deux décisions du Tribunal de Grande Instance et de la Cour d’appel de Paris en date des 13 mars 2012 et 4 avril 2012 avaient pourtant reconnu qu’eBay, en tant que plateforme de mise en relation de vendeurs et d’acheteurs, pouvait bénéficier du statut avantageux d’hébergeur. Par de nombreuses autres décisions les juges ont à l’inverse considéré que la responsabilité de la société eBay devait être engagée en tant qu’éditeur de services pour la vente par ses utilisateurs de produits contrefaisants (CA Reims, 20 juillet 2010, eBay c/ Hermès International, CA Paris, 23 janvier 2012, eBay c/ Burberry, CA Paris, 3 septembre 2010, eBay Inc. et eBay International AG c/ Louis Vuitton Malletier, c/ Christian Dior Couture) ou de produits destinés exclusivement à un réseau de distribution sélective (CA Paris, 3 septembre 2010, eBay Inc et eBay International AG c/ Parfums Christian Dior, Kenzo Parfums et Parfums Givenchy). La Cour de cassation, infirmant partiellement les arrêts de la Cour d’appel de Paris du 3 septembre 2010, vient de confirmer cette position. RIGUEUR 2 En l’espèce, les sociétés eBay Inc. et eBay International AG avaient vendu sur leurs sites, entre 2001 et 2006, des contrefaçons de produits Louis Vuitton Malletier et Christian Dior ainsi que de nombreux parfums Christian Dior, Guerlain, Givenchy et Kenzo en violation du réseau de distribution sélective mise en place par les titulaires de ces marques. La Cour de cassation a jugé que « les sociétés eBay n’avaient pas exercé une simple activité d’hébergement mais qu’elles avaient, indépendamment de toute option choisie par les vendeurs, joué un rôle actif de nature à leur conférer la connaissance ou le contrôle des données qu’elles stockaient et à les priver du régime exonératoire de responsabilité prévu par l’article 6.I.2 de la loi du 21 juin 2004 et l’article 14 § 1 de la Directive 2000/31 ». Pour justifier le rôle joué par la plateforme de vente en ligne eBay, elle rappelle les éléments de fait mis en avant par la Cour d’appel de Paris. Elle précise ainsi que « les sociétés eBay fournissent à l’ensemble des vendeurs des informations pour leur permettre d’optimiser leurs ventes et les assistent dans la définition et la description des objets mis en vente en leur proposant notamment de créer un espace personnalisé de mise en vente ou de bénéficier "d’assistants vendeurs" (…), les sociétés eBay envoient des messages spontanés à l’attention des acheteurs pour les inciter à acquérir et invitent l’enchérisseur qui n’a pu remporter une enchère à se reporter sur d’autres objets similaires sélectionnés par elles ». En retenant cette solution, la Cour de cassation s’inscrit dans la ligne fixée par la Cour de Justice de l’Union Européenne, dans un arrêt du 12 juillet 2011 opposant la société L’Oréal à eBay (affaire C-324/09). IMAGINATION A cette occasion, la Cour de Justice avait très clairement établi, en faisant référence aux arrêts Google France et Google Inc. (affaires C-236/08 à C238/08, 23 mars 2010), que : « pour que le prestataire d’un service sur Internet puisse relever du champ d’application de l’article 14 de la Directive 2000/31, il est essentiel qu’il soit un "prestataire intermédiaire" au sens voulu par le législateur dans le cadre de la section 4 du chapitre II de cette Directive (…). Il n’en va pas ainsi lorsque le prestataire du service, au lieu de se limiter à une fourniture neutre de celuici au moyen d’un traitement purement technique et automatique des données fournies par ses clients, joue un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle de ces données ». Elle avait précisé, concernant les plateformes telles qu’eBay que « le simple fait que l’exploitant d’une place de marché en ligne stocke sur son serveur les offres à la vente, fixe les modalités de son service, est rémunéré pour celui-ci et donne des renseignements d’ordre général à ses clients ne saurait avoir pour effet de le priver des dérogations en matière de responsabilité prévues par la directive 2000/31 ». Elle estime en revanche que « lorsque (…) ledit exploitant a prêté une assistance laquelle a notamment consisté à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à 3 promouvoir ces offres, il y a lieu de considérer qu’il a non pas occupé une position neutre entre le client vendeur concerné et les acheteurs potentiels, mais joué un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données relatives à ces offres ». cassation a décidé d’adresser deux questions préjudicielles à la Cour de Justice de l’Union Européenne concernant la compétence des juridictions françaises pour connaître d’actes de contrefaçon de droit d’auteur commis sur Internet. La Cour de cassation a par ailleurs apporté une précision supplémentaire quant à la compétence des juridictions françaises pour connaître des ventes de produits réalisés sur les sites www.ebay.co.uk et www.ebay.com. Elle a en effet estimé que, les juridictions françaises sont compétentes pour des faits commis sur le site www.ebay.co.uk dans la mesure où il existe une complémentarité entre ces sites et que les internautes français étant incités à se rendre sur le site britannique pour élargir leur recherche. ,. La Cour n’a toutefois pas retenu la compétence des juridictions françaises concernant le site www.ebay.com, rien ne permettant d’établir que ce site « s’adressait directement au public français ». Par ces trois arrêts du 3 mai 2012 la Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois sur le statut d’hébergeur de plateformes de vente en ligne telles qu’eBay. Cette position est toutefois susceptible d’évoluer en fonction de la capacité de ces plateformes de vente en ligne à adapter leur modèle de vente au regard des décisions rendues à son encontre. 1ère. Civ. 5 avril 2012 - La compétence territoriale en cas d’atteinte au droit d’auteur sur Internet Par un arrêt rendu le 5 avril 2012, la première chambre civile de la Cour de DISPONIBILITE Dans cette affaire, un auteurcompositeur-interprète avait découvert que ses douze chansons, initialement enregistrées sur un disque vinyle, avaient été reproduites sans son autorisation sur un disque compact (CD), pressé en Autriche puis commercialisé par deux sociétés britanniques sur différents sites Internet. Ces sites étant accessibles depuis son domicile toulousain, il a donc assigné la société autrichienne devant le Tribunal de Grande Instance de Toulouse aux fins d’obtenir réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de ses droits d’auteur. La Cour d’appel de Toulouse, dans un arrêt du 21 janvier 2009, a estimé que le litige avait un caractère international et a déclaré le Tribunal de Grande Instance de Toulouse incompétent. L’auteur-compositeur-interprète s’est pourvu en cassation, invoquant l’article 5. 3° du règlement 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 (Bruxelles I), relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des 4 décisions en matière civile et commerciale, selon lequel « une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre : 3) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ». Il estimait que ce lieu pouvait être soit celui où l’auteur de la contrefaçon est établi, soit celui où l’objet de la contrefaçon se trouve diffusé. Comme le rappelle la Cour de cassation, la question liée au lieu du fait dommageable n’est pas nouvelle. En matière de diffamation par voie de presse, la Cour de Justice de l’Union Européenne a eu l’occasion de juger que la victime peut agir contre l'éditeur : Soit devant les juridictions de l'Etat contractant du lieu d'établissement de l'éditeur de la publication diffamatoire, afin de réparer l’intégralité du dommage, Soit devant les juridictions de chaque Etat contractant dans lequel la publication a été diffusée et où la victime prétend avoir subi une atteinte à sa réputation, compétentes pour connaître des seuls dommages causés dans l'Etat de la juridiction saisie (CJCE, 7 mars 1995, Fiona Shevill c/ Press Alliance, Aff. C68/93). La Cour de Justice, dans l’arrêt eDate Advertising contre Martinez en date du 25 octobre 2011 (Affaires C-509/09 et C -161/10) a ajouté une troisième option « en cas d’atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet ». Elle reconnaît en effet à la victime la faculté de saisir la juridiction de l’Etat membre « dans lequel se trouve le centre de ses intérêts ». En matière de marque, la CJUE a fait preuve de plus de sévérité vis-à-vis de la victime en considérant que « la simple accessibilité d’un site Internet sur le territoire couvert par la marque ne suffit pas pour conclure que les offres à la vente qui y sont affichées sont destinées à des consommateurs situés sur ce territoire ». Les juridictions nationales sont invitées à « apprécier au cas par cas s’il existe des indices pertinents pour conclure qu’une offre à la vente, (…) accessible sur le territoire couvert par la marque est destinée à des consommateurs situés sur celui-ci » (CJCE, 12 juillet 2011, L’Oréal SA e. a. c/ eBay International e. a., aff. C-324/09). La Cour de cassation, peu de temps avant, avait elle aussi rejeté le critère de l’accessibilité d’un site Internet pour déterminer la compétence des juridictions françaises en estimant que « la seule accessibilité d’un site Internet sur le territoire français n’est pas suffisante pour retenir la compétence des juridictions françaises » (Com. 29 mars 2011, n° 10-12272). La CJUE ne s’étant pas prononcé sur cette question en matière de contrefaçon de droit d’auteur sur Internet, la Cour de cassation lui a adressé les deux questions IMAGINATION 5 préjudicielles suivantes : « L’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution de décisions en matière civile et commerciale, doit-il être interprété en ce sens qu’en cas d’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur commise au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet, La personne qui s’estime lésée a la faculté d’introduire une action en responsabilité devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été, à l’effet d’obtenir réparation du seul dommage causé sur le territoire de l’Etat membre de la juridiction saisie, Ou Il faut, en outre, que ces contenus soient ou aient été destinés au public situé sur le territoire de cet Etat membre, ou bien qu’un autre lien de rattachement soit caractérisé ? La question posée au 1°) doit-elle recevoir la même réponse lorsque l’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur résulte non pas de la mise en ligne d’un contenu dématérialisé, mais, comme en l’espèce, de l’offre en ligne d’un support matériel reproduisant ce contenu ? » Dans l’attente de la décision de la Cour de Justice, la Cour de cassation a sursis à statuer. Affaire à suivre… Brèves : L’ouverture des noms de domaine français aux caractères spéciaux Depuis le 3 mai dernier, les éditeurs de sites Internet peuvent réserver des noms de domaine français en .fr, .re (Réunion), .tf (Terres Australes et Antarctiques Françaises, .pm (SaintPierre et Miquelon), .yt (Mayotte) et .wf (Wallis et Futuna) comprenant des accents ou des caractères spéciaux. Jusque là, seuls étaient admis les noms de domaine « au format latin sans signe diacritique basés exclusivement sur des lettres (A à Z), des chiffres (0 à 9) et le trait d’union, à l’exclusion de tout autre caractère ». Trente caractères spéciaux et accentués tels que le « é », le « ç », le « à » ou le « ñ » viennent donc s’y ajouter, permettant l’existence de noms de domaine internationalisés ou « IDNs Cependant, afin d’éviter tout risque de cybersquatting, les utilisateurs doivent réserver des noms de domaine complémentaires incluant ces nouveaux caractères. DISPONIBILITE Précisons que l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (AFNIC) qui avait instauré une période dite « d’enregistrement 6 prioritaire » du 3 mai au 3 juillet 2012, au cours de laquelle les titulaires de nom de domaine pouvaient réserver en priorité les déclinaisons de leur nom ouvre aujourd’hui à tous la réservation de ces noms de domaine composés de caractères spéciaux; la règle habituelle du « premier arrivé, premier servi » trouve donc de nouveau à s’appliquer. Toutefois, dans l’hypothèse où une variante d’un nom de domaine serait réservée par un tiers, l’AFNIC rappelle que la procédure SYRELI constitue un moyen efficace d’obtenir « la suppression ou le transfert de noms litigieux déposés par des tiers de mauvaise foi ou n’ayant aucun intérêt légitime ». TGI PARIS, 18 novembre 2011, 3ème ch., 2ème sect - Le « Sopalin » constitue une marque toujours valable Par un jugement en date du 18 novembre 2011, le Tribunal de Grande Instance de Paris a jugé que la marque « Sopalin » n’est pas devenue la désignation usuelle des papiers essuietout. Dans cette affaire, la société Georgia Pacific, qui exploite les marques « Lotus » pour désigner du papier toilette et « Okay » pour désigner de l’essuie-tout, a assigné la société Soffass Spa, titulaire de la marque « Sopalin », en déchéance totale. Elle estimait, en effet, que cette marque avait dégénéré en ce qu’elle désigne du papier essuie-tout et n’avait pas été exploitée au cours des cinq dernières années pour les autres produits et services visés à son enregistrement. Le tribunal a rappelé, dans un premier temps, qu’ « une marque ne devient la désignation usuelle d’un produit dans IMAGINATION le commerce que si le terme protégé est utilisé de façon généralisée par le public concerné ». Il ajoute, en se référant à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne, que le public à prendre en considération est non seulement le consommateur final mais également l’ensemble des professionnels intervenant dans la commercialisation du produit concerné comme les grandes surfaces. Or, les juges ont considéré que les usages évoqués par la société Georgia Pacific sur des forums Internet, dans la presse, la littérature, à l’école, dans un dépôt de dessins et modèles ou encore dans certaines décisions de justice ne constituent pas un usage dans le commerce « mais tout au plus des abus de langage, voire des usages à titre de marque ». Ils ont par ailleurs estimé que « les utilisations des occurrences « Sopalin » sur divers sites Internet de vente en ligne constituent, non pas un usage du signe à titre de nom commun pour désigner les essuie-tout mais un usage à titre de mots-clés ». Le Tribunal de Grande Instance de Paris a donc rejeté la demande de déchéance pour dégénérescence de la marque « Sopalin ». Il a toutefois accueilli la demande de 7 déchéance pour défaut d’exploitation de cette marque pour des produits autres que l’essuie-tout. CJUE, 2 mai 2012, Affaire C-406/10, SAS Institute Inc. c/ World Programming Ltd - Les langages de programmation et les fonctionnalités d’un programme d’ordinateur sont insusceptibles de protection par le droit d’auteur La société SAS Institute Inc. a développé un programme permettant le traitement et l’analyse de données. La société World Programming Ltd, après l’avoir acquis sous licence et étudié a créé son propre programme capable d’exécuter des scripts développés par le premier logiciel. Estimant être victime d’une violation de ses droits d’auteur sur les manuels et composants de son programme ainsi que sur les termes de la licence d’utilisation, la société SAS Institute a assigné la société World Programming Ltd devant la High Court of Justice (Royaume-Uni). Cette dernière a alors saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne afin qu’elle précise si la protection conférée par le droit de l’Union européenne aux programmes d’ordinateurs s’étend ou non à la fonctionnalité et au langage de programmation. . La Cour a décidé que « ni la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur ni le langage de programmation et le format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour exploiter certaines de ses fonctions ne constituent une forme d’expression de ce programme [et ne sont, à ce titre, protégés par le droit d’auteur sur les programmes d’ordinateur au sens de la Directive 91/250/CE] ». RIGUEUR Peuvent au contraire caractériser une forme d’expression,le code source et le code objet d’un logiciel. Dès lors, leur reproduction, même lorsque ces codes sont relatifs au langage de programmation ou au format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur, porte incontestablement atteinte au droit d’auteur du créateur. Cependant, en l’espèce, le premier logiciel avait été acquis légitimement sous licence, sans accès au code source, et le licencié s’était limité à l’étudier et le tester. Dès lors, les juges communautaires admettent que « la personne ayant obtenu une copie sous licence d’un programme d’ordinateur peut, sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, observer, étudier ou tester le fonctionnement de ce programme afin de déterminer les idées et les principes qui sont à la base de n’importe quel élément dudit programme, lorsqu’elle effectue des opérations couvertes par cette licence ainsi que des opérations de chargement et de déroulement nécessaires à l’utilisation du programme d’ordinateur et à condition qu’elle ne porte pas atteinte aux droits exclusifs du titulaire du droit d’auteur sur ce programme ». Enfin, la CJUE a estimé que la 8 reproduction des manuels d’utilisation du logiciel d’origine peut constituer une violation du droit d’auteur dans la mesure où « cette reproduction constitue l’expression de la création intellectuelle propre à l’auteur du manuel d’utilisation du programme d’ordinateur ». L’appréciation de l’expression de la création intellectuelle se fait au cas par cas, par les juridictions nationales, en fonction du choix, de la disposition et de la combinaison des mots, des chiffres et des concepts mathématiques. Com. 20 mars 2012 - Le caractère distinctif d’une marque complexe s’apprécie après son examen d’ensemble Dans cette affaire, les titulaires de la marque semi-figurative, « Top Viandes » désignant des viandes et des produits à base de viandes ont agi en contrefaçon et en concurrence déloyale. Les défendeurs ont reconventionnellement demandé la nullité de cette marque. Après plusieurs procédures, la Cour d'appel de Toulouse, statuant sur renvoi de la Cour de cassation, avait estimé, dans un arrêt du 2 février 2011, que « la seule forme du drapeau en réserve dans laquelle sont écrits les mots TOP et VIANDES, qui ont un caractère simplement descriptif, ne confère pas au signe déposé une distinctivité suffisante pour qu'il soit considéré comme valable ». La Cour de cassation casse à nouveau l’arrêt de la Cour de renvoi et précise que les juges du fond doivent procéder à l'examen de l'impression d'ensemble produite par une marque figurative et qu’ils ne peuvent se limiter à prendre en considération les seuls éléments verbaux. Elle rappelle par ailleurs que les juges du fond doivent respecter le principe du contradictoire et ne peuvent soulever d’office le moyen selon lequel « la forme du drapeau et les couleurs bleue et rouge des lettres top viandes sont de nature à tromper le public sur la provenance géographique des produits en laissant croire à une origine française exclusive ». CJUE, Gde Ch., 19 juin 2012, aff. C307/10, Chartered Institute of Patent Attorneys (IP Translator) c/ Registrar of Trade Marks - En matière de marque, seule l’identification suffisamment claire et précise des produits et services d’une classe permet de déterminer l’étendue de la protection demandée Le droit des marques est fortement tributaire de la diversité et de la multiplication des textes communautaires et internationaux, ce qui n’est pas sans entraîner des difficultés de mise en œuvre. C’est dans ce sens que la CJUE a été saisie d’une question préjudicielle par la Haute juridiction du Royaume-Uni afin de donner son avis sur la compatibilité entre la communication n°4/03 de l’OHMI du 16 juin 2003 et les dispositions découlant de l’Arrangement de Nice du 15 juin 1957 concernant la classification internationale des produits et services aux fins de l’enregistrement des marques. Cette saisine trouve son origine dans un litige opposant le Chartered Institute of Patent Attorneys (CIPA) au 9 Registrar of Trade Marks du RoyaumeUni. Ce dernier a refusé d’enregistrer le signe verbal « IP Translator » en tant que marque nationale pour les services identifiés sous les termes généraux de l’intitulé de la classe 41 que sont « Education ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles » aux motifs qu’ en application de la communication n° 4/03 de l’OHMI, l’utilisation d’un intitulé général constitue une revendication de tous les produits ou services relevant de cette classe particulière, y compris les services de traduction ; le signe IP TRANSLATOR était donc dépourvu de distinctivité au regard de ces derniers services rendait son enregistrement à titre de marque impossible.. Cet argument avancé par le Registrar anglais se heurtait toutefois à l’article 1er de l’Arrangement de Nice, lequel autorise l’emploi des indications générales des intitulés de classes de classification pour identifier les produits et les services pour lesquels la protection est demandée. Devant cette contradiction, la CJUE a été saisie afin de se prononcer sur l’interprétation de la directive 2008/95/ CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des Etatsmembres sur les marques. La CJUE a considéré que « la directive 2008/95 ne s’oppose pas à l’utilisation DISPONIBILITE des indications générales des intitulés de classes de la classification de Nice afin d’identifier les produits et services pour lesquels la protection par la marque est demandée, pour autant qu’une telle identification soit suffisamment claire et précise pour permettre aux autorités compétentes et aux opérateurs économiques de déterminer l’étendue de la protection ». Une telle réponse risque fort de provoquer de nouveaux et nombreux débats. . CJUE, 4e ch., 21 juin 2012, aff. C-5/11, Titus Alexander Jochen Donner - La protection du droit d’auteur peut justifier la restriction de la libre circulation des marchandises La dernière tendance jurisprudentielle de la CJUE tend à apaiser les inévitables tensions entre la propriété intellectuelle et le droit communautaire de la concurrence. Dans l’affaire commentée, un commerçant allemand avait été condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis pour complicité d’exploitation commerciale sans autorisation d’œuvres qui, bien que ne bénéficiant pas de protection dans le pays où la reproduction était intervenue, étaient protégées dans le territoire de leur livraison. La Cour Suprême allemande a saisi la CJUE sur la question de savoir si l’application du droit pénal allemand était de nature à constituer une restriction injustifiée de la libre circulation des marchandises garanties par le droit de l’Union, notamment au regard des articles 34 TFUE et 36 TFUE. La CJUE a répondu que « les articles 10 34 TFUE et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’un Etat membre exerce des poursuites du chef de complicité de distribution sans autorisation des copies d’œuvres protégées par un droit d’auteur en application du droit pénal national dans le cas où des copies de telles œuvres sont distribuées au public sur le territoire de cet Etat membre dans le cadre d’une vente, visant spécifiquement le public dudit Etat, conclut depuis un autre Etat membre où ces œuvres ne sont pas protégées par un droit d’auteur ou dont la protection dont elle bénéficie peut être opposée utilement aux tiers ». La CJUE justifie sa position par le fait que s’il est admis que « l’interdiction prévue par la loi nationale et qui est sanctionnée par le droit pénal national […] constitue une entrave à la libre circulation des marchandises, en principe contraire à l’article 34 TFUE, […] une telle restriction est toutefois susceptible d’être justifié par des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale ». Cet accord négocié en secret depuis 2007 par l’UE en vue d’améliorer la mise en œuvre des lois anticontrefaçon nationales à l’échelle internationale était déjà très controversé avant même que le Parlement n’entame les discussions. Cette décision n’est que le début d’une longue bataille entre les différents acteurs de la propriété intellectuelle, à savoir les lobbies et autres groupes de pressions qui commencent à se manifester. Ainsi, à côté du groupe « des créateurs, inventeurs et affiliés à l’action créative », puis du « lobby citoyen » ayant fortement soutenu le rejet de l’ACTA, un groupe de pression baptisé « The Internet Association » va officiellement être créé au cours du mois de septembre afin d’intervenir dans les discussions. Celui-ci devrait être composé des géants de la Netéconomie dont Facebook, Google, eBay et Amazon. Rejet de l’ACTA par le Parlement européen : finalement, la guerre des trois aura bien lieu…mais à quatre ! C’est sans grande surprise, mais à grands tambours médiatiques, que le Parlement européen a, le 4 juillet 2012, voté massivement contre l’Accord Commercial Anti-contrefaçon (donnant l’acronyme anglais ACTA) : 478 voix pour son rejet, 39 voix contre et 165 abstentions. C’est la première fois que le Parlement européen exerce son pouvoir de rejeter un accord international sur le commerce, étant précisé qu’il n’avait que la possibilité de l’approuver ou le rejeter, et non de l’amender. IMAGINATION 11 Sont également disponibles sur notre site: www.dsavocats.com La lettre du droit des affaires en Asie La Lettre des départements Droit Public des Affaires, Droit de l’Immobilier et Droit de la Construction La lettre du département droit social La lettre du internationaux département droit économique et échanges Vous pouvez les recevoir de façon régulière sur simple demande à: [email protected] DS PARIS LYON BORDEAUX LA REUNION BRUXELLES BARCELONE MILAN DUSSELDORF TUNIS BUENOS AIRES SHANGHAI PEKIN CANTON HANOI HO CHI MINH VILLE SINGAPOUR 12