Roaming: L`impact potentiel d`une réglementation

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Roaming: L`impact potentiel d`une réglementation
Roaming:
L'impact potentiel d'une réglementation
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Analyse critique des arguments des opérateurs
Contact: Dominique Forest – [email protected]
Ref.: x/010/2007 20/02/07
BEUC, the European Consumers’ Organisation
36 avenue de Tervueren, 1040 Bruxelles - +32 2 743 15 90
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1. On manque de statistiques claires sur le roaming
La première démarche à accomplir dans le cadre de l'examen de la réglementation en
matière de roaming consiste à rechercher des statistiques précises et fiables sur les
volumes et les revenusliés aux services de télécommunications internationales. L'organe
français de réglementation des télécommunications, l'ARCEP, est l’un des rares à publier
des données sur les volumes de roaming entrant - roaming au niveau du gros, vendu aux
autres opérateurs de télécommunication afin de permettre à leurs clients de faire du
roaming sur le réseau français, et le roaming sortant - roaming au niveau du détail,
acheté aux autres opérateurs et revendu aux clients domestiques - et enfin, les appels
internationaux.
Pour illustrer les difficultés rencontrées pour obtenir des informations détaillées sur le
coût du roaming, le rapport examine dans quelle mesure les "Inter Operator Tariffs" ou
IOT (tarifs entre opérateurs) et le "Mobile Termination Rate" ou MTR (frais de
terminaison mobile) reflètent les coûts du roaming. Les deux mesures sont biaisées.
L'IOT est un prix convenu au sein de la GSM Association et le MTR est un prix
national réglementé. Si le MTR est utilisé pour déterminer le coût du roaming, il faut
considérer le MTR le plus bas de l'Union européenne comme la meilleure approximation
en matière de coûts.
Sur la base des études existantes en matière de coûts du roaming, le rapport conclut que
pour un appel sortant international des prix de gros de 25 cents et des prix de détail de
33 cents1 sont raisonnables. Pour les appels sortants locaux, 18 cents et 25 cents par
minute sont des prix légitimes2.
Notre interprétation
Lorsque l'on calcule le revenu moyen par minute en 2005 sur la base des chiffres figurant
dans le rapport Altex, on constate des différences frappantes:
Niveau du gros:
58 cents
Niveau du détail:
85 cents
Passer un appel international:
55 cents
Recevoir un appel international:
13 cents
L'absence de statistiques brouille et complique le débat. Il est plus facile de gonfler les
différences de coûts entre appels en roaming et appels internationaux.
Nos demandes
L'analyse révèle la nécessité de disposer de statistiques détaillées. Les opérateurs
devraient fournir des informations détaillées aux Autorités Nationales de Règlementation.
En outre, nous réclamons des plafonds bas pour les appels internationaux. Etant donné
que le MTR le plus bas pour les appels dans l'Union européenne est d'environ 3 cents par
minute, les tarifs proposés dans le rapport devraient être retenus: pour les appels
sortants internationaux, 25 cents prix de gros et 33 cents prix de détail1. Pour les
appels sortants locaux, 18 cents et 25 cents par minute devraient être les maxima1. Les
tarifs de détail pour la réception d'un appel ne devraient pas être supérieurs à 16 cents.
1
2 fois la moyenne MTR des opérateurs de télécommunication en SMP (position importante sur le marché) de
l'Union européenne au niveau du gros et 30% de majoration au niveau du détail
2
1.5 fois la moyenne MTR des opérateurs de télécommunication en SMP dans l'Union européenne au niveau du
gros. Au niveau du détail, une majoration de 30% est ajoutée.
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1
2. Les prix payés par les consommateurs (prix de détail) n'ont pas diminué
La GSM Association affirme que la Commission ne tient pas compte des baisses de prix
récentes au niveau du détail. Le rapport Altex analyse en détail les offres récentes
d'Orange, de T-Mobile et de Vodafone afin de déterminer si les prix du roaming ont
réellement baissé. Rien ne prouve la véracité de cette affirmation – la concurrence ne
fonctionne toujours pas. Dans le cas des clients Orange post payés en France, le seul
changement apporté aux tarifs de détail a été la reclassification de la Pologne, qui amène
le prix du roaming en Pologne à 1€ la minute au lieu de 1,18€.
En outre, les offres ‘bundles’ sont limitées à des conditions très spécifiques. L'offre
bundle d'Orange s'applique uniquement à un abonnement spécifique et seulement entre
juin et octobre. L'offre bundle de T-Mobile est en fait une réduction temporaire de 59
cents par minute à 34 cents, pour passer et recevoir des appels. Elle ne s'applique
qu'une fois par an pendant une durée de 4 semaines et seulement pour 30 minutes de
roaming.
A titre d'exemple, le rapport analyse le Passeport Vodafone en France, au RoyaumeUni et en Allemagne. Premièrement, l'offre n'est valide que lorsque les réseaux
Vodafone et “Vodafone-friends” sont utilisés (ex: Proximus en Belgique ou SFR en
France). Dans le cas de SFR/Vodafone Passport France, cette condition s'applique
également aux appels entrants, un élément sur lequel les consommateurs n'ont aucune
influence. Deuxièmement, la structure tarifaire rend les appels courts encore plus
onéreux qu'un tarif "normal". Le tarif par minute est moins élevé, mais des frais de
connexion sont ajoutés, quelle que soit la longueur de l'appel. Dans l'ensemble, la
longueur “de rentabilité” varie: après 60 secondes au Royaume-Uni et en Allemagne et
171 secondes en France il devient plus intéressant d'utiliser le forfait.
Notre interprétation
Si l'on considère les récentes stratégies de prix sur le marché, les consommateurs
méritent une meilleure protection, car la concurrence est loin d'être réelle sur le
marché du roaming. Les offres sont présentées comme si les consommateurs pouvaient
en espérer un avantage clair, mais ceci ne s'applique qu'à des profils de
consommateurs et des circonstances très spécifiques. En outre, les offres sont souvent
limitées à une période spécifique ou doivent être prises pour une année entière mais
elles ne sont généralement utilisées qu'une ou deux fois par an durant la période des
vacances. Les offres ne sont donc pas adaptées aux besoins de la plupart des
consommateurs.
Nos demandes
Un mécanisme d'’opt out’ doit être mis en place. Les consommateurs devraient
bénéficier automatiquement d'un plafond clair et simple et, s'ils le veulent, ‘sortir’ de
l’offre plafonnée pour un autre schéma tarifaire. Les consommateurs devraient pouvoir
revenir gratuitement au tarif réglementé. Les tarifs réglementés serviront ensuite de
référence, incitant les opérateurs à élaborer des offres de roaming plus avantageuses.
Pour que les consommateurs connaissent les systèmes tarifaires en vigueur, nous
pensons qu'il est nécessaire de les informer gratuitement concernant les prix du
roaming via un système d'envoi automatique des informations (‘push system’). Les
SMS de bienvenue que les consommateurs reçoivent lorsqu'ils entrent dans un Etat
membre devraient être utilisés pour envoyer automatiquement des informations sur les
tarifs de roaming en vigueur.
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3. Les baisses de prix stimuleront la demande
Le rapport examine les affirmations des opérateurs selon lesquelles les diminutions de
prix n'auront que des effets limités sur les volumes. En d'autres termes, les élasticités en
matière de demande pour le roaming seraient faibles, environ -0.55. Une baisse de prix
de 1 pour cent ne se traduirait que par une augmentation de volumes de 0,55 pour cent.
L'affirmation dans l'étude de AT KEARNEY CRA3 est basée sur l'idée que les services de
roaming ne sont utilisés par des consommateurs ordinaires que de manière limitée.
En prenant comme base d’observation les différences observées en matière de roaming
entre les pays d'Europe du Nord et les pays d'Europe du Sud, le rapport Altex ajoute les
informations d'un récent Eurobaromètre4 sur le roaming et d'Eurostat sur les flux de
touristes en Europe pour conclure que l'effet des baisses de prix sur les volumes sera
important. 59% des Européens utiliseraient davantage leur téléphone mobile à l'étranger
si les prix étaient moins élevés. En termes d'élasticité, une baisse de prix de 1 pour cent
se traduira par la même augmentation, ou par une augmentation supérieure, en
volumes.
La nouvelle technologie “d'orientation du trafic” (‘traffic steering’), c'est-à-dire la capacité
des opérateurs de choisir le réseau sur lequel le client utilisera le roaming, devrait en
théorie stimuler la concurrence dans le secteur et conduire à une baisse des prix. Le
rapport Altex analyse le cas de l'Irlande. Vodafone Ireland et O2 Ireland ont pu orienter
le trafic du groupe Vodafone et du groupe O2 vers leur réseau, respectivement de 88%
et 77%. En utilisant le roaming en Irlande, les clients Vodafone et O2 utilisent le réseau
du même “groupe”, et des tarifs semblables à ceux du marché national pourraient être
appliqués. Or, Vodafone Ireland applique les mêmes tarifs que O2 et Meteor pour les
appels entrants. O2 applique les mêmes tarifs pour les appels entrants et sortants que
Vodafone et Meteor.
Notre interprétation
L'orientation du trafic peut en effet augmenter le trafic sur le réseau des opérateurs mais
cette augmentation ne se traduit pas par des réductions de prix pour les consommateurs.
L'orientation du trafic n’a pas stimulé la concurrence. Compte tenu du fait que les
récentes offres de roaming d'Orange, de T-Mobile ou de Vodafone ne peuvent pas être
considérées comme des réductions de prix, la réglementation s'impose plus que jamais.
Nos demandes
Il est nécessaire de rendre le marché du roaming réellement concurrentiel. Actuellement,
les prix élevés entravent la croissance du marché des télécommunications. L'analyse
révèle que l'effet de la baisse des prix sera beaucoup plus important que ce qu'affirment
les opérateurs. La meilleure manière de garantir un marché européen des télécommunications sain est d'augmenter les volumes grâce à des baisses de prix.
3
4
Examen de l'évaluation d'impact de la Commission, AT KEARNEY CRA International, septembre 2006
Eurobaromère spécial sur leroaming, novembre 2006, Commission européenne
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4. L'effet sur le bien-être global sera positif
Sur la base d'un modèle ‘proxy’ qui reflète celui que la Commission européenne a utilisé
pour analyser l'impact de la réglementation en matière de roaming, le rapport examine à
présent l'effet sur le “bien-être” de la société dans son ensemble. Quatre scénarii sont
analysés:
1. la situation actuelle
2. des prix de détail de 66 cents et 44 cents
3. la proposition de la Commissions avec des prix de détail de 49 et 33 cents
4. le scénario du BEUC avec des prix de détail de 32 et 25 cents
Dans tous les scénarii, l'effet global est manifestement positif. Plus les prix des services
de télécommunication sont bas, plus le bénéfice global en termes de bien-être est élevé.
Si l'effet en matière de volumes est correctement évalué (en termes d'élasticités, cfr. 3),
le bien-être total augmente encore davantage. Dans le scénario le plus conservateur,
avec des prix de 66 et 44 cents, le bien-être total augmente jusqu’à atteindre 1 milliard€.
Dans la proposition du BEUC, le gain total en bien-être atteint 2.5 milliards€.
L'introduction d'une plus grande élasticité bénéficie principalement aux producteurs, car
l'augmentation de la demande leur est bénéfique.
Notre interprétation
Ces résultats révèlent l'importance d'une réduction des prix. Le bien-être global de
la société augmente dans tous les scénarii, ce qui signifie que les services de
roaming sont actuellement sous-utilisés. En outre, compte tenu de l'augmentation
des volumes, le bien-être global croît encore davantage. L'effet bénéficie
essentiellement aux producteurs, car la meilleure manière de garantir un secteur
européen des télécommunications sain est de stimuler l'utilisation des services de
télécommunication.
Nos demandes
Des prix peu élevés pour des services de roaming augmentent le bien-être global.
Nous plaidons dès lors pour des prix de détail bas.
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5. Les conséquences sur les recettes et les investissements seront limitées
La dernière partie du rapport contient une analyse de l'impact de la réglementation sur
les recettes du secteur, les investissements et les prix nationaux. Comme pour l'analyse
sur le bien-être, le statu quo est comparé aux 3 scénarii décrits ci-dessus. Dans
l'ensemble, l'impact sur les recettes (EBITDA5) varie entre 2,9% et 5,9%.
Analysant l'effet sur les opérateurs individuels, le rapport conclut
L’nalyse du cas de Vodafone Europe conclut que le volume du
lorsque les prix diminueront, mais que les recettes totales en
diminueront. Lorsque l’on examine l'effet sur EBITDA, il est limité à
que l'effet est limité.
roaming augmentera
matière de roaming
une baisse de 0,5%.
La GSM Association affirme qu'une réglementation se traduirait par une baisse des
investissements de 500 millions €. Le rapport montre que pour les 5 plus grands marchés
européens des télécommunications (Royaume-Uni, Italie, France, Allemagne et Espagne)
cela signifierait une baisse de 5 à 30 millions € par an. Pour un opérateur tel que Orange,
qui investit près de 2 milliards € par an dans son réseau de téléphonie mobile, la
réduction en pourcentage oscille entre 0,25 et 1,5% par an, ce qui est insignifiant.
Enfin, le rapport analyse l'argument des opérateurs selon lequel les recettes perdues en
matière de services de roaming devraient être compensées par des augmentations de
prix au plan national. Les coûts de prestation d'un service national sont déjà pris en
compte étant donné que les MTR sont fixés par les ARN afin de refléter les coûts. A ce
jour, les réseaux nationaux traitent déjà le trafic de roaming. En ce sens, rien ne change.
En tant que tels, aucun argument de coût ne peut être utilisé pour justifier une
augmentation de prix.
Notre interprétation
Pour nous, l'analyse montre clairement que les opérateurs utiliseraient n'importe
quel argument simplement pour protéger les revenus qu'ils tirent de prix de
roaming exorbitants. L'analyse révèle que ni les investissements, ni le coût de la
prestation d'un service national de télécommunications ne seront affectés. Après
l'introduction d'une réglementation, les bénéfices tirés du segment roaming du
marché des télécommunications seront simplement plus conformes aux profits
générés dans d'autres segments.
Nos demandes
Sur la base de l'analyse, nous concluons que la réglementation a un impact sur les
revenus des opérateurs, ce qui est parfaitement logique dans un marché caractérisé
par des prix gonflés et des profits excessifs. Les conséquences sur les
investissements seront faibles et en même temps, aucun argument solide n’étaye la
thèse d'une augmentation des prix nationaux, à moins qu’une collusion effective ou
tacite entre opérateurs pour se partager les marchés nationaux entre eux ne soit à
l’ordre du jour.
Nous appelons dès lors à une introduction immédiate de la réglementation
matière de roaming, sans tactiques de report, telles qu'une clause d'entrée
vigueur différée (‘sunrise clause’) par exemple. En outre, les marchés nationaux
la téléphonie mobile et les marchés voisins (SMS, MMS) doivent être surveillés
façon adéquate.
5
en
en
de
de
Revenus avant déduction de l'impôt sur le revenu et amortissements
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