Discours du Noël des Aînés 2015 de Pierre

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Discours du Noël des Aînés 2015 de Pierre
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Il me revient cette année l'honneur de faire l'allocution du maire. Mais vous
allez m'aider. Si je vous dis «three days of peace, love and music», qu'est-ce
que cela vous rappelle ?
Le Noël des Aînés bien sûr, qui se déroulent désormais sur trois jours, qui est
empreint de paix, d'amour et de musique, avec la merveilleuse chorale des
enfants de l'école de Livron et nos amis de Blue Note qui vont toute à l'heure
vous inviter à danser. Mais cela vous rappelle aussi Woodstock, le festival
légendaire, de nos années de jeunesse. Je pense que peu d'entre nous y
étaient, puisque cela s'est déroulé aux États-Unis en été 1969. La Suisse
découvrait ce grand rendez-vous du flower power une année plus tard grâce
à un film de plus de trois heures, il y a exactement 45 ans de cela. Ma chère
collègue du Conseil administratif, Nathalie Leuenberger, n'était pas encore
née. Nathalie, tu es entourée de celles et ceux qu'on appelle la «génération
Woodstock».
Entre les « three days of peace, love and music » de 1969, et nos trois jours
de paix, d'amour et de musique de notre Woodstock de Noël, il y a une
différence de taille. À Woodstock, musiciens et festivaliers étaient de la
même génération, la mienne, la nôtre, la «génération Woodstock», alors que
le Noël des Aînés, est une grande manifestation intergénérationnelle,
contrairement à ce qu'on pourrait penser. Le premier et le deuxième âge sont
représentés par les enfants de l'école de Livron, les jeunes de l'association
Transit, les Samaritains, l'équipe de Stéphane Carrara, les fidèles
collaborateurs du service des Aînés, les sapeurs-pompiers, les équipes en
cuisine et en salle, les bénévoles, etc. Et puis, il y a vous tous, dignes
représentants du 3ème et 4ème âge. Ce sont donc quatre générations qui
sont réunies ce soir, quatre générations qui se distinguent par l'âge, mais qui
ont des tas de points en commun. Je me contenterai d'en citer trois. (Il ne
faut jamais aller au-delà de trois, sinon ça devient trop long) :
Point numéro 1: nous habitons pour la plupart Meyrin et nous aimons tous
notre belle ville qui nous a un jour accueillis et que nous avons adoptée, car
nous sommes tous ici présents, sans exception, des migrants plus ou moins
récents.
Point numéro 2: bien que nous nous sentions bien à Meyrin, il nous arrive à
toutes et à tous d'avoir peur, peur des grands lorsqu'on est petit, peur de ne
pas réussir, peur de ne pas ou de ne plus être à la hauteur, peur de ne pas
trouver ou de perdre un travail, peur de manquer de quelque chose ou de
devoir changer nos habitudes, peur de ne pas avoir la force d'affronter
l'avenir, peur que demain ne soit pas comme aujourd'hui, peur d'un attentat,
peur des autres. Tout le monde reconnaît que c'est ennuyeux d'avoir peur, on
ne se sent pas bien et, en plus, il arrive que d'autres profitent de nos peurs:
les grands d'abord, qui ne sont d'ailleurs grands que si nous acceptons de
vivre à genoux, certains chefs d'entreprises qui exploitent honteusement la
crainte de leurs employés d'être licenciés, les tyrans ou les terroristes qui, en
semant la terreur, paralysent des populations entières et les réduisent au
silence. Il n'y a pas de honte en revanche à avoir peur ou d'être inquiet, un
sentiment que les humains ont eu de tout temps et pour lequel ils ont
développé un antidote, le courage. Plus de 300 ans avant l'arrivée sur terre
de celui dont nous célébrons la naissance à Noël, le philosophe Aristote
expliquait ce qu'est un homme courageux: «Un homme courageux est celui
qui, tout en éprouvant de la crainte, va au-delà des forces humaines en vue
d'un noble but.» Ce qui fait donc des humains des êtres courageux, ce qui
leur permet de dépasser leurs craintes, dit Aristote, c'est l'engagement pour
un noble but. Ce noble but, c'est le soutien que nous nous apportons les uns
aux autres, c'est la responsabilité que nous avons à l'égard des autres.
Et ceci m'amène à notre 3ème point commun : nous partageons une même
responsabilité. Nous les quatre générations ici présentes avons la
responsabilité de veiller à ce que les besoins des générations présentes et
futures soient sauvegardés, nous avons la responsabilité de léguer aux
générations futures une Terre qui ne soit pas un jour irrémédiablement
endommagée par l'activité humaine. C'est possible si chaque génération, qui
reçoit temporairement la Terre en héritage, veille à utiliser raisonnablement
les ressources naturelles. Ce n'est pas exactement la direction que nous
sommes en train de prendre aujourd'hui, même si, il y a quelques jours à
Paris, les chefs d’État du monde entier ont promis de prendre cette affaire
sérieusement en main et de tout faire pour éviter un réchauffement qui serait
catastrophique pour l'avenir de notre planète. Cet engagement ambitieux
devra être suivi de changements dans nos modes de vie, ce qui pour certains
est encore une nouvelle source de peur, celle d'être peut-être privé un jour
de ce qui nous paraît aujourd'hui indispensable. Une peur qui rend
pessimiste et parfois même malheureux.
Je vous suggère que nous prenions aujourd'hui ensemble la décision d'être
heureux, de faire un pied de nez à ceux qui nous verraient bien malheureux.
Je sais que c'est possible, que le bonheur est proche, qu'il est même entre
nos mains. Il y a autour de nous à Meyrin tant d'émerveillement, tant
d'émotions, tant de moments de bonheur. Je vais ne citer qu'un exemple, un
exemple meyrinois. Je ne dirai pas son nom. Il est peut-être là parmi nous,
cela le gênerait. C'est un homme heureux, toujours rayonnant, toujours positif,
toujours en forme. Je crois avoir percé le secret de son bonheur, avoir saisi
ce qui le rendait heureux : Il s'engage pour les autres et s'émerveille des
rencontres qu'il fait tout au long de ses journées. Il accompagne un de nos
concitoyens atteint d'une maladie neurodégénérative, il sillonne à vélo la
commune pour y récupérer des objets qui pourront être vendus à la
prochaine kermesse œcuménique, il fait du bénévolat au Jardin de l'Amitié, il
seconde sa femme dans l'organisation d'excursions pédestres pour les aînés.
Il est toujours souriant. Il possède véritablement une potion magique, un
remède contagieux : la joie de vivre. Lorsque vous le croisez dans la rue, il
vous met tout de suite de bonne humeur. Si vous ne le connaissez pas
encore, je suis certain que vous allez le reconnaître un jour.
L'entraide et la solidarité est ce but noble qui permet de vaincre la peur que
tout être humain éprouve. Il n'est donc pas nécessaire d'être riche, il n'est
pas non plus nécessaire d'aller bien loin. Ce bonheur est à proximité, au
détour d'une balade dans la campagne meyrinoise, d'une rencontre lors
d'une fête de quartier, d'un spectacle de danse sur la place des
Cinq-Continents ou d'un tournoi de foot dans le centre sportif des Vergers.
Les autorités communales, la Commune, ont évidemment également une
responsabilité à prendre dans ce devoir de solidarité. La solidarité et la
responsabilité individuelles des uns est des autres sont certes nécessaires,
mais ne suffisent pas. Le rôle de l’État, le rôle de la Commune est primordial
et peut se résumer en une phrase : organiser et faciliter une vie harmonieuse
en société où chacune et chacun trouve pleinement sa place. Certes, la
Commune se doit aussi de remettre ses modes de fonctionnement en
question, d'évaluer si certaines de ses prestations sont indispensables, si ses
actions portent atteintes à la planète et aux générations futures. En revanche,
elle ne saurait renoncer à son devoir de solidarité qui se décline en trois
missions correspondant aux valeurs fondamentales de Meyrin, que nous
appelons volontiers « l'esprit meyrinois »:
1: La Commune s'efforce de garantir et de consolider des relations entre les
générations et veiller à une équité dans l'attribution des ressources
nécessaires au soutien des Meyrinois les plus vulnérables. Le Conseil
municipal a décidé, sur proposition du Conseil administratif, de renforcer le
personnel communal venant en aide aux personnes qui ont besoin d'être
soutenues. Consciente que de nombreux habitants sont en recherche de
logements, la Commune ne ménage pas ses efforts pour favoriser la
construction de nouveaux logements, dans le quartier des Vergers bien sûr,
mais également dans d'autres quartiers de notre ville, en veillant, là aussi,
qu'il y ait des logements répondant aux besoins de toutes les générations. En
d'autres termes, Meyrin encourage également la construction d'appartements
adaptés aux personnes à mobilité réduite ou en perte d'autonomie.
2. La Commune participe pleinement à la promotion de l'éducation et du
savoir, afin que chacune et chacun dispose des outils nécessaires pour être
un citoyen ou une citoyenne responsable. Cela va de l'engagement pour la
petite enfance à l’activité destinée aux aînés. Deux espaces de vie enfantine
et une garderie sont actuellement en cours de construction. Nous terminons
cette année la rénovation de l'école des Boudines et le Conseil municipal
vient de voter cette semaine un crédit de 48 millions pour la réalisation d'une
nouvelle école aux Vergers dotée d'équipements culturels, associatifs et
sportifs. Notre politique culturelle, riche et variée, vise à enchanter notre ville,
enrichir les savoirs et l'imaginaire de nos concitoyens toutes générations
confondues et, plus généralement, à rendre la vie plus humaine.
3. Désormais, comme le souligne le professeur Albert Jacquard, la solidarité
la plus nécessaire est celle des habitants de la Terre. Quand l’État de Genève
a sollicité les communes pour l'accueil de réfugiés syriens, afghans et
irakiens, Meyrin, fidèle à sa tradition d'accueil, a répondu présent. Certes
nous aurions aimé pouvoir héberger ces familles en fuite dans de meilleures
conditions que celles qu'offre un abri de la protection civile. Les associations
et communautés religieuses meyrinoises sont d’ores et déjà engagées afin
de contribuer à assurer le meilleur accueil possible. Ces migrants que nous
recevrons ces prochains jours seront probablement un jour, dans une
quarantaine d'années, de futurs vieux Meyrinois. Rappelons que nous
célébrons à Noël la naissance de Jésus qui, comme le rapporte le récit
biblique, a été lui aussi contraint, peu de temps après sa naissance, de fuir
avec sa famille en Egypte, menacé d'extermination par le roi Hérode.
En conclusion, Meyrin, bien décidée de ne pas subir l'avenir, le construit avec
courage et détermination en privilégiant les lieux et les moments de rencontre
comme celui d'aujourd'hui. Le philosophe Martin Mordekhai Buber disait:
«Toute vie authentique est rencontre.»
Bien que je ne sache pas, comme vous tous, ce que l'avenir ou l'année 2016
nous réserve, je vous invite à regarder en avant avec optimisme et courage,
sachant que nous devons pouvoir compter les uns sur les autres. Nous
aurons l'an prochain plein de beaux moments de rencontres et de fêtes,
notamment : des projections de films dans le tout nouvel aula de l'école des
Boudines, un magnifique festival de théâtre de rue, le Gratte-Bitume, de
nombreux rendez-vous dans le cadre du bicentenaire du passage de Meyrin
de la France à la Suisse, l'inauguration du nouveau Jardin alpin, l'arrivée de
l'eau dans le lac des Vernes et des premiers habitants dans l'écoquartier des
Vergers, plus toutes nos fêtes traditionnelles et habituelles telles la Fête de
l'eau, la fête des écoles, la fête du premier août, tous des rendez-vous festifs
qui nous permettront de continuer à partager ensemble des moments de joie
et de bonheur, de continuer à vivre ensemble des magnifiques Woodstocks
meyrinois.
Il y a 46 ans, à Woodstock, un chanteur alors relativement peu connu, Joe
Cocker, a interprété un morceau, composé en 1967 par John Lennon et Paul
Mc McCartney : Vous devez vous en souvenir, c'est un véritable hymne à
l'amitié qui a marqué notre génération Woodstock, une chanson résolument
optimiste qui à la question «Crois-tu au coup de foudre ?», répond sans
hésitation : «Oui, je sais que cela peut arriver toujours à tout moment.»
(Attention !). Cette chanson souligne qu'on y arrive toujours, mais avec l'aide
de ses amis : «Oh, I get by with a little help from my friends, mmh gonna try
with à little help from my friends» Oh, j'y arrive avec un peu d'aide de mes
amis. C'est ça, Mesdames, Messieurs, chers amis, la solidarité et l'optimisme
de notre génération Woodstock.
Je vous souhaite de très belles fêtes de fin d'année, à vous et à vos proches,
et vous dis d’ores et déjà à l'année prochaine pour de nouveaux rendez-vous
of peace, love and music.
Pierre-Alain Tschudi, maire
Noël des Aînés 2015