T vues - Académie de Strasbourg

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T vues - Académie de Strasbourg
claire lingenheim, annick couval
lycée des pontonniers, strasbourg
| terminale | option facultative histoire des arts LE PAYSAGE
_ Vues d’en haut
L’exposition Vues d’en haut au Centre Pompidou Metz, a pour objet d’aborder une
histoire du regard à l’ère industrielle ou les perturbations sur la perception à l’époque
des inventions comme l’aérostat, l’avion... La vue d’en haut provoque une désorientation,
la fin des familiarités et des repères, un processus de distanciation car elle perturbe la
perception que l’on a d’une image familière, qui devient soudainement étrangère.
CHRONOLOGIE :
_1858. Première photographie aérienne de Nadar depuis un aéronef (1)
_1909. Première Exposition internationale de locomotion aérienne au Grand Palais à
Paris, avec une section Photographie aéronautique
_1914. Des appareils sont conçus pour s’adapter aux avions et la photographie permet
d’étudier les mouvements de l’ennemi
1. H. Daumier, Nadar élevant la Photographie
à la hauteur de l’art, 1862, Bnf, Paris.
_1935. Depuis Explorer II, ballon à plus de 23000 m d’altitude, premières images de la
courbure de la Terre, par le photographe, capitaine de l’Armée de l’Air américaine,
Albert William Stevens
_1946. Les premières expériences atomiques menées dans les îles Bikini sont
retransmises grâce à un drône, engin motorisé piloté à partir du sol
_1957. L’URSS lance le premier satellite articficiel Spoutnik
_1959. Premières images télévisées de la Terre vue de l’espace grâce à Explorer VI, mis
en orbite par la NASA
_2005. Survol virtuel Google Earth
2. W. Kandinsky, Zwei, 1924
Centre Pompidou, MNAM.
UNE NOUVELLE PERCEPTION DE L’ESPACE
1.1 L’espace géographique
Vue en plongée et vue du ciel/ vue verticale (2) : deux vues d’en
haut différentes de l’espace ?
Ce sont les questions du haut et du bas, de l’horizon, du point de vue et du lien avec le
sol qui différencient les deux points de vue.
3. G. CAILLEBOTTE, Boulevard des Italiens
1880, collection privée.
Photographie aérienne et cartographie Tristan Garcia rappelle dans son article consacré au point de vue décollé que la carte est
une abstraction spatiale du point de vue (non pas un point de vue mais un kaléidoscope
abstrait de points de vue) et une abstraction temporelle (la carte ne retient que les
permanences). La carte, objective, intemporelle se différencie donc de la photographie,
subjective, prise à un moment donnée.
1.2 L’espace vécu : la ville
4. F. NADAR, Vue aérienne du quartier de l’Étoile
détail, 1868, Musée d’Orsay, Paris.
Les vues d’en haut sur la ville : une nouvelle manière de saisir l’espace
urbain
Les vues plongeantes sur la ville (3) sont contemporaines des premières photographies
aériennes (4).
claire lingenheim, annick couval
lycée des pontonniers, strasbourg
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La vue d’en haut : un outil pour dénoncer la métropole moderne
Si le dynamisme vertical (1) d’une ville moderne comme New York a inspiré des angles
de vue insolites avant la guerre, ce sont davantage l’étendue sans fin, l’uniformité et la
spatialité fluctuante d’une ville comme Los Angeles (2) qui intéressent désormais les
artistes contemporains, moins enthousiastes, dénonçant la standardisation des pavillons
comme la persistance des inégalité dans les villes du Sud (3).
1. B. Abbott, Vue de nuit, New York
1932, Chicago, Art Institute.
La vue d’en haut : un outil pour inventer une nouvelle ville (Reconstructions,
utopies urbaines)
La vue aérienne peut être un instrument de contrôle et de domination. Ses premiers
usages dans le contexte de la 1ère guerre mondiale (4) puis dans l’entre deux guerres en
témoignent.
En architecture, le plan Obus du Corbusier pour Alger (5), dont les qualités organiques
lui ont été suggérées par ses voyages en avion, illustre cette volonté de transformation
radicale du territoire par un geste dominateur. Comme l’explique Aurélien Lemonier,
historien de l’architecture, « la vue aérienne permet une objectivation des lignes de forces
du développement de la ville et de son organisme fonctionnel. » Le monde doit être beau, y
compris vu du ciel.
QUESTIONNER LE RÉEL ET À ROMPRE AVEC L’IMPÉRATIF
DE LA MIMESIS POUR LES ARTISTES
2. E. RUSCHA, Thirty four parkings Lots, Los Angeles,
Detail of Dodgers Stadium, 1967, Gagosian Gallery.
Bernard Berenson, historien de la Renaissance italienne regrettait en 1908 les
conséquences de la machine volante « qui va détruire le monde que j’aime, le monde de la
vision à hauteur d’yeux ou de la vision de bas en haut, le monde de l’intimité à laquelle notre
espèce a été habituée depuis des millions d’années. ». Au contraire, Mondrian, un des
pionniers en matière d’abstraction déclare que « la représentation en perspective brouille et
affaiblit l’apparence des choses, alors que leur projection les restitue avec justesse. »
2.1 Vues d’en haut et modernité : les paysages impressionnistes
Les impressionnistes réunis pour la première fois dans l’atelier du photographe Nadar
en 1874 sont les principaux représentants de la modernité. Ils se détournent des
compositions académiques pour peindre des scènes de la vie contemporaine (6) et
des aperçus sur la société de loisir en train de se constituer (7). Ils n’hésitent pas à
adopter des points de vue spectaculaires comparables aux plongées et contre-plongées
photographiques (8).
3. D. GOLDBLATT, Cluster housing and
a northwest family picnic, 14 august 2009
Marian Goodman, Paris et New York
4. Reconnaissance des tranchées, Nord-Pas-de-Calais,
22 juillet 1917.
5. LE CORBUSIER, Plan Obus, Alger
1933, Fondation Le Corbusier, Paris.
6. C. MONET
Boulevard des Capucines, 1879,
Musée Pouchkine, Moscou.
7. C. PISSARRO
La Place du Théâtre français, 1898,
Los Angeles County Museum of Art
8. G. CAILLEBOTTE
Boulevard. Vu d’en Haut, 1880,
collection particulière.
claire lingenheim, annick couval
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2. 2 Un renversement des points de vue à l’heure des avant-gardes : vue aérienne et mobilité
1. R. DELAUNAY, La Tour Eiffel et jardin du Champ
de Mars, 1922, Hirshhorn Museum, Washington.
2. G. BALLA, Mercure passant devant le soleil, 1914,
Milan, coll.Mattioli.
Cubisme Depuis 1908, les peintres cubistes ont pour objet la décomposition des formes,
l’atténuation de la palette et donnent une simultanéité des points de vue correspondante
au décodage des perceptions visuelles. (1)
Futurisme
En 1909, Marinetti dans le Manifeste du futurisme accorde la primauté sur la vitesse
et le mouvement. Les futuristes recourent à des procédés de fragmentation et de
démultiplication des formes pour produire un effet de simultanéité. (2)
Suprématisme
Le suprématisme est l’aventure de Malevitch, à la recherche de la forme pure dégagée
de toute signification symbolique ou rationnelle et prévoit que peinture va s’envoler dans
un espace immatériel Il va même jusqu’à accrocher ses toiles au plafond pour prouver la
véracité de ses dires. (3)
De Stijl Pour Piet Mondrian, le créateur doit se restreindre aux moyens d’expression
fondamentaux, la surface plane, les lignes horizontales et verticales … La touche
personnelle disparaît au profit d’un langage qui se veut universel et aspire à se dissoudre
dans la vie quotidienne. L’esthétique de Stijl est l’objet de nombreux articles de 1917 à
1931 dans la revue du même nom. (4)
Le Bauhaus
École, laboratoire qui à partir du déménagement en 1925 à Dessau tisse des liens étroits
avec le monde de l’industrie. Le Bauhaus proclame la synthèse des arts au sein de
l’architecture et qu’il faut en finir avec la séparation entre artistes et artisans. (5)
2. 3 Le Land Art : traces et mémoire des installations in situ
3. K. MALEVITCH, Composition suprématiste : avion
volant, 1914-1915, Centre Pompidou, MNAM, Paris.
Le Land Art, qui débute officiellement en 1968, incarné par Robert Smithson, fait
surgir dans la nature des installations monumentales et souvent éphémères, dont des
photographies, des vidéos (6) gardent le souvenir. Le Land Art recouvre une tendance
de l’art contemporain autour de deux préoccupations, le refus opposé à l’aspect de plus
en plus commercial de l’art et l’intérêt pour le tout nouveau mouvement écologique. En
amont, la carte (7) est un outil de repérage et fait partie du processus créatif. Tous ces
artistes interviennent directement sur le paysage et affrontent les éléments naturels.
4. R. MONDRIAN, New York City, 1941-1942
Centre Pompidou, MNAM, Paris.
5. W. KANDINSKY, Accent en rose, 1926,
Centre Pompidou, MNAM, Paris.
7. R. SMITHSON, Spiral Jetty, photogramme, vidéo, 1970
35 min, lieu de conservation inconnu.
8. R. SMITHSON, Asphalt Rundown, 1969
lieu de conservation inconnu.