Brexit: les banques face à l`inconnu

Datum: 04.07.2016
Brexit: les banques face à l'inconnu
GESTION Pour beaucoup d'établissements suisses, Londres représentait une porte d'entrée pour Les marchés européens. Si le Brexit
ne devrait pas poser de problème en ce qui concerne la gestion de fortune, l'incertitude plane en revanche pour la gestion d'actifs
5400
personnes sont
employées à la City
par la seule UBS.
La City de Londres
Pour y assurer une
presence, Les
banques suisses
devront peut-être
obtenir une licence
specifiquement
britannique
(REINHARD KRAUSE!
REUTERS)
SÉBASTIEN DUBAS ET YVES H ULMAN N,
ZURICH
*@SebDubas et @YvesHulmann
du lac.
L'option luxembourgeoise
Mais pourquoi donc les banques Or, le Royaume-Uni pourrait
quitteraient-elles la première place perdre ce privilège. «C'est le scéna-
financière du monde? D'abord, rio du pire, observe Emmanuel
Le Brexit ne fait pas que des mal- parce qu'elles ne pourront plus Genequand, associé de PwC à
heureux. Les places financières forcément y effectuer toutes les Genève. Mais c'est un scénario que
concurrentes de la City, par activités qui sont les leurs les banques suisses implantées
exemple, se frottent les mains à aujourd'hui sur place. Le négoce aujourd'hui à Londres sont oblil'idée de voir débarquer des des euros, par exemple, pourrait gées de prendre en considération.»
équipes entières fuyant l'instabilité bien être rapatrié au sein d'un pays Tout dépendra des négociations
économique suscitée par le vote de la zone euro.
avec Bruxelles. En attendant,
des Britanniques. Paris, Francfort Ensuite, le Royaume-Uni pourrait Le Temps est allé sonder les
ou Dublin ont déjà souhaité la bien- à l'avenir ne plus représenter une banques, à Genève comme à
venue à tous ceux qui souhaite- porte d'entrée pour les marchés Zurich, pour connaître leur état
raient quitter Londres. Elles ne financiers européens. Aujourd'hui, d'esprit une semaine après un vote
sont pas les seules. Directeur de la de nombreux établissements, amé- historique.
Fondation Genève Place Finan- ricains mais aussi suisses, utilisent
cière, Edouard Cuendet est lui la place londonienne pour vendre Premier constat: pour ce qui
aussi convaincu que le Brexit peut des services et des produits finan- concerne l'accès à la clientèle priprofiter à sa ville. Des banques et ciers à l'ensemble de la clientèle vée européenne, le Brexit ne
des clients basés aujourd'hui à européenne - le fameux «passe- devrait pas représenter un problème trop important. La grande
Londres pourraient relocaliser port européen».
majorité des banques privées gene-
certaines de leurs activités au bout
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voises, à l'image de Pictet, Lombard tant à de nouvelles exigences de la cès au marché européen se posait
Odier ou UBP, ont misé sur le part du régulateur britannique. Et déjà avant le Brexit. En 2015, UBS
Luxembourg pour obtenir le pas- non plus à une surveillance essen- avait évoqué un projet visant à éta-
seport européen. Elles ont ensuite
tiellement luxembourgeoise blir une plateforme paneuro-
ouvert des succursales, directe- comme c'est le cas actuellement.
ment rattachées à l'entité du «Cela entraînerait un certain coût, péenne pour la gestion de fortune,
Grand-Duché, dans différents pays poursuit-il. Mais rien d'insurmoneuropéens.
table à mon avis, tant la place lonLes banques zurichoises Julius donienne a une tradition d'accueil
Baer et Vontobel accèdent au mar- des institutions financières.»
ché européen avant tout via leur
présence en Allemagne, complétée
parfois par le Luxembourg. Julius
Baer n'a pas de plateforme d'enregistrement à Londres. Ses activités
européennes sont conduites à par-
vraisemblablement à partir de
Francfort. Interrogé à ce sujet en
mars par la Süddeutsche Zeitung,
Sergio Ermotti, son directeur, avait
Certaines banques semblent souligné que la création d'une
emploie une trentaine de per- sujet d'actualité. Où? «Dans le
avoir pris les devants. Pictet, qui «société européenne» restait un
sonnes à Londres pour la gestion cadre de ces réflexions, l'Allemagne
de fortune, a ainsi récemment joue certainement un rôle», avait-il
déposé une demande de licence déclaré, rappelant que différentes
tir de Francfort. Celles liées à la bancaire auprès des autorités bri- options étaient examinées.
banque privée pour l'Europe tanniques.
peuvent aussi être assurées via une
licence bancaire et une plateforme «Wait and see»
de Commerzbank au Luxembourg. Deuxième constat:le Brexit pourEn incluant la société TwentyFour rait avoir un impact bien plus
Asset Management rachetée à hau- important sur les activités de ges-
L'expansion à Londres
se poursuit chez GAM
Du côté du groupe Syz, présent
dans la gestion d'actifs à Londres
depuis 2001, plusieurs hypothèses
teur de 6o% en 2015, Vontobel tion d'actifs des banques suisses. sont ouvertes à ce stade. Mais en
Car si la domiciliation et l'adminis- attendant de voir si l'accès au maremploie environ 5o personnes à tration des fonds se font le plus ché unique est garanti depuis le
Londres. L'accès au marché eurosouvent depuis le Luxembourg, les Royaume-Uni, l'établissement
péen est assuré à la fois à partir du
activités de gestion sont en général maintient l'ouverture de plusieurs
Luxembourg et de l'Allemagne, le
entités directement rattachées à
basées à Londres.
siège de Bank Vontobel Europe, son
Londres, comme c'est déjà le cas
«hub» pour le marché européen, Pour l'instant, le ton est à la pru- pour Milan. «Le Brexit ne va rien
étant basé à Munich. Pour Emma- dence. Pictet, dont les succursales changer dans l'immédiat»,
européennes de la division institu- explique son porte-parole. Le gestionnelle du groupe (Allemagne, tionnaire d'actifs zurichois GAM,
France, Italie, Espagne, Pays-Bas, qui en décembre employait déjà
Belgique) sont toutes rattachées à 382 collaborateurs à Londres sur
la société britannique, souligne un total de 1000, a annoncé jeudi
qu'il est «tout à fait prématuré de le rachat de Cantab Capital
tirer des conclusions sur les consé- Partners, comptant 56 collabora-
Pictet a
récemment déposé
une demande de
licence bancaire
auprès des
autorités
britanniques
quences du Brexit». Le groupe teurs à Cambridge. GAM ne
emploie quelque 300 collabora- dépend-elle pas trop du Royaume-
teurs à Londres, dont 256 dans la Uni? «Ces rachats de sociétés ont
été effectués en raison de l'attrait
gestion d'actifs.
Même réponse du côté d'UBS, qui de leurs produits et de la diversifiestime qu'il est beaucoup trop tôt cation qu'elles apportent à notre
pour savoir si le Royaume-Uni palette de produits existante, et
continuera d'assurer la fonction de non pas en fonction de plans d'ex«passeport» pour certaines de ses pansion définis sur une base ternuel Genequand, la seule consé- activités en Europe. Du reste, UBS, ritoriale», relativise un porte-paquence que pourrait avoir le Brexit qui emploie 5400 personnes à role.
sur les banques suisses qui font de Londres - comparé à 6600 per- L'UBP enfin, présente à Londres
la gestion de fortune au Royaume- sonnes pour Credit Suisse en depuis 1991 et qui compte une
Uni via une succursale est que octobre dernier -, va transférer cet soixantaine de collaborateurs sur
celles-ci devront, à l'avenir, se plier été l'essentiel de ses employés dans place aujourd'hui dont les équipes
à une surveillance directe, et par- un nouveau bâtiment situé à Broad- de gestion pour les fonds en actions
gate, comme prévu. Reste que la européennes et émergentes, attend
question de l'organisation de l'ac- également que la situation s'éclair-
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cisse avant d'évoquer d'éventuels
changements de stratégie. «Mais
si le Royaume-Uni post-Brexit
comme la Suisse ne devaient pas
obtenir l'accès au marché européen, nous poursuivrons notre
stratégie d'ouverture de succursales du Luxembourg sur d'autres
marchés européens», résume son
porte-parole.
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