THE BEATLES STORY - Swiss Liverbirds

Transcription

THE BEATLES STORY - Swiss Liverbirds
THE BEATLES
STORY
Enfin, l’Histoire des Beatles…
racontée par les Beatles…
Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr ont décidé de raconter leur histoire commune. Pour ce
projet, ils ont ouvert leurs archives personnelles, et ont, pour la première fois, autorisé la publication des
photos qu‟ils ont prises, à Hambourg, à Paris, à New York… Avec Yoko Ono Lennon, ils ont également
permis l‟utilisation des transcriptions intégrales (y compris les passages non utilisés) de la série télé « The
Beatles Anthology ». Enfin, John Lennon lui-même prend la parole grâce à une collecte méticuleuse de
sources provenant du monde entier. L‟année de la citation, si déterminable, est symbolisée par ses deux
derniers chiffres (70 par exemple, pour 1970). D‟autres personnages clés possèdent également parfois de
telles références de datation.
Le livre dont nous avons tous rêvé ! Chaque page foisonne d‟anecdotes personnelles, de textes inédits et de
rares documents d‟époque. Les clichés de leurs albums de famille nous ramènent aux jours où John
Lennon, Paul McCartney, George Harrison et Richard Starkey n‟étaient que des enfants de Liverpool.
Chacun évoque à tour de rôle ces premières années et comment il a rejoint le groupe qui allait les faire
connaître dans le monde entier sous les noms de John, Paul, George et Ringo. Au fil du récit, ils racontent
ce que fut la vie des Beatles : les premiers concerts tumultueux, l‟ascension phénoménale vers la gloire, les
mutations musicales et sociales de cette époque, jusqu‟à la séparation finale en 1970. Depuis l‟époque où
Ringo se démenait pour faire rentrer sa batterie dans le bus qui devait le ramener chez lui jusqu‟à leur
rencontre tant espérée avec Elvis, de la conception de l‟album Sgt Pepper jusqu‟à la dernière séance de
photos dans la maison de John, cette anthologie constitue les mémoires des Beatles.
The Beatles Anthology est le livre culte que l‟on attendait depuis trente ans.
Notes: Ce résumé est tiré scrupuleusement de « The Beatles Anthology » . Les phrases clés citées par John
Lennon, Paul McCartney, George Harrison et Richard Starkey sont retranscrites dans leur intégralité. Le
but de ce résumé est de faire connaître la vie des Beatles sans les citations sulfureuses et mensongères de la
presse, c‟est à dire dans leur plus grande authenticité. Ce but a, à mon humble avis, été recherché et
atteint par les auteurs de « The Beatles Anthology » ce qui m‟a motivé à réaliser ce résumé. Ce dernier
sera réalisé en plusieurs étapes durant les années à venir. Il est strictement destiné à faire connaître la
véritable histoire des Beatles et également à promouvoir le livre de 365 pages cité plus haut. Celui-ci est la
bible que chaque fan des Beatles doit posséder dans sa collection. Le texte qui suit, considérablement
résumé, ne saurait donc en aucun cas remplacer l‟original. Il n‟a donc bien entendu aucun but lucratif et
n‟est pas destiné à la vente. Je vous souhaite de bonnes heures de lectures et de plaisir…
Pascal Humair
Président des Swiss Liverbirds
Membre Officiel de l‟Association des Branches
Internationales du FC Liverpool
www.liverpoolfc.ch
INTRODUCTION-1
John Lennon
Que vous dire sur moi-même que vous n’ayez déjà découvert grâce à
ceux qui ne mentent pas ?
Je suis né le 9 octobre 1940 et je porte des lunettes.
Quatre-vingt-dix pour cent des habitants de cette planète, surtout les Occidentaux, sont sortis d‟une
bouteille de whisky un samedi soir sans que quiconque ait eu l‟intention de fabriquer un enfant.
Ma mère, Julia, était femme au foyer je suppose et comédienne-chanteuse non-professionnelle. Elle
chantait bien. Mon père et ma mère se sont séparés quand j‟avais quatre ans. J‟ai ensuite vécu avec ma
tante Mimi. J‟ai vite oublié mon père, comme s‟il était mort. Je voyais ma mère de temps en temps mais
mes sentiments pour elle ne se sont jamais altérés. Ma famille était composée de cinq belles femmes,
toutes sœurs. Les hommes étaient invisibles. La pire des douleurs c‟est de ne pas être désiré, de
s‟apercevoir que les parents ne nous désirent pas comme vous les désirez . Ce manque d‟amour m‟entrait
dans les yeux et dans l‟esprit. Je n‟aurais pas eu la force de vivre tout cela si j‟avais été « normal ». Je
passais ma vie à me distraire moi-même. Penny Lane est un faubourg où j‟ai vécu avec ma mère, mon
père (un marin toujours en mer) et ma grand-mère. C‟est le premier endroit dont je me souvienne. La
brique rouge, un salon où personne ne va jamais, des rideaux toujours fermés. Ensuite, je suis allé chez
ma tante Mimi (251 Menlove Avenue, Woolton) habiter dans une maison semi-individuelle avec jardin.
Pas le taudis miséreux dont on a parlé. J‟étais un demi-cran au-dessus de Paul, Georges et Ringo. Ce
dernier était le seul gamin de la ville, il venait du quartier le plus pourri.
La première chose dont je me souvienne est un cauchemar. Toutefois, toute ma vie j‟ai fait ce rêve dans
lequel je vole. C‟était comme si je nageais dans l‟air. En général, Je nageais où je vivais ou dans un endroit
que je connaissais bien. On rêve qu‟on s‟en sort jusqu‟à ce qu‟on s‟en sorte vraiment. J‟ai rencontré des
gens qui n‟aimaient pas leur ville natale. Pour ma part, j‟ai eu une enfance saine et heureuse à Liverpool
et j‟aime cette ville. Ca ne m‟a pas empêché de partir vivre ailleurs. Liverpool, c‟est là où les Irlandais ont
débarqué quand ils n‟ont plus eu de pommes de terre. C‟est là aussi que les Noirs ont été abandonnés ou
ont travaillé comme esclaves. La ville devenait pauvre et dure. Mais les gens qui souffrent tant ont le sens
de l‟humour. Liverpool est un port, le deuxième d‟Angleterre. Au XIXème siècle, c‟est là que l‟argent se
faisait. C‟est donc là que toutes les huiles et les rupins se trouvaient, mais aussi les méprisés. Les
Londoniens nous considéraient comme des animaux. Il y avait 2 maisons célèbres près de chez moi. Une
maison de redressement et puis Strawberry Field, une vieille baraque victorienne reconvertie en
orphelinat de l‟Armée du Salut (apparemment, on avait dû y faire pousser des fraises avant ça). Môme,
j‟allais à leurs garden-parties. On s‟amusait bien à Strawberry Field.
J‟étais dingue d‟Alice au pays des merveilles et je dessinais tous les personnages. Quand j‟avais fini un
livre je le revivais entièrement. C‟est une des raisons pour lesquelles je voulais toujours être le chef de
bande. Je voulais que tout le monde joue aux jeux auxquels je voulais jouer. Ceux que je venais de lire. Je
me suis bagarré tout du long à l‟école primaire, me sortant d‟affaire par des moyens psychologiques si
jamais quelqu‟un était plus costaud que moi. Je le menaçais de lui casser la gueule avec tellement de
conviction. Je m‟infiltrais dans l‟esprit des autres. On volait des pommes et resquillait sur les pare-chocs
des trams dans Penny Lane durant des kilomètres. J‟en chiais dans mon froc. Mais j‟étais le petit chef des
gosses de mon âge. J‟ai appris des tas de blagues dégoûtantes.
Personne ne m‟a rien appris sur le sexe. J‟ai tout appris sur les murs des chiottes. A huit ans, je savais
tout. On découvrait par soi-même.
JOHN LENNON-2
Personnellement, j‟adorais le Festival d‟Edimbourg et la parade des fanfares du monde dans le château. A
part les Ecossais qui étaient les vrais chouchous, j‟adorais les américains et leurs swings. A l‟évidence j‟ai
aimé la musique très tôt. Je jouais de l‟harmonica et j‟avais aussi un petit accordéon. J‟avais entre huit et
douze ans et je portais des culottes courtes.
Je suis entré au lycée de Quarry Bank et j‟ai raté mon « Eleven Plus », certificat d‟étude dont on disait
que ta vie était foutue en cas d‟échec. J‟ai travaillé un peu, me suis battu beaucoup et je continuais de
vouloir être le chef. Vers douze ans, je me prenais pour un génie méconnu. Je peignais et écrivais des
poèmes. Mon jeu de guitare était toutefois encore un peu timoré. Je suis un génie ou bien je suis un fou,
me disais-je. Le génie, c‟est la souffrance. C‟est uniquement de la souffrance. Mon bulletin scolaire
contenait toujours les mêmes remarques « trop content de s‟amuser en douce » ou « gâche sa vie à rêver
éveillé ». J‟ai été temporairement exclu, les profs ne m‟aimaient pas. Je suppose que mon humour était
cruel. Je riais des infirmes et des gens difformes. C‟est une façon de dissimuler ses émotions ou de se
cacher la vérité probablement. En fait, je ne ferais jamais de mal à ces gens-là. C‟était nos blagues, notre
façon de vivre. Je suis le héros typique de la classe ouvrière. J‟avais quinze ans et je m‟habillais comme un
Teddy boy. Alors que beaucoup de ceux-ci avaient plus de vingt ans. Ils avaient de vraies armes, des
ceinturons et des chaînes de vélo. On n‟a jamais joué ce jeu-là, on s‟enfuyait à la moindre entourloupe. Je
ne suis pas un dur mais j‟ai toujours fait semblant de l‟être. J‟ai eu une enfance heureuse et suis devenu
agressif mais j‟ai bien rigolé.
Le mari de Mimi était chouette et gentil. Quand il est mort, je n‟ai pas su montrer mon chagrin en public.
Je me suis ensuite senti très coupable. Mimi s‟est occupée de moi toute seule. On se disputait tout le temps.
Un jour, elle a jeté mes poèmes. Je lui ai dit « Un jour je serai célèbre et tu regretteras ce que tu as fait ».
J‟allais passer les week-end chez ma mère. J‟ai rencontré son nouveau mec mais je ne l‟aimais pas. Je
l‟appelais « Twitchy » (Twitch : mouvement convulsif, Twit : connard). Il mettait toujours sa main dans la
margarine ou le beurre pour se graisser les cheveux avant de partir.
J‟ai toujours fantasmé sur les femmes belles et intelligentes, façon Juliette Grèco. Puis, à la fin des années
50, Brigitte Bardot était l‟amour de ma vie. Je harcelais toutes mes amies qui n‟étaient pas brunes pour
qu‟elles deviennent Brigitte Bardot. Quant aux brunes, elles devaient se transformer en blondes aux
cheveux longs et frange obligatoire. J‟ai rencontré Brigitte Bardot quelques années plus tard, j‟étais sous
acide et elle…en fin de carrière.
Nous connaissions tous l‟Amérique qui représentait à nos yeux la jeunesse et les teenagers. Dysneyland,
Doris Day, James Dean, Marilyn, Coca-Cola et le ketchup Heinz. Avant le rock‟n‟roll, la musique était en
majorité américaine. Les Américains passaient au Palladium de Londres. Le premier disque anglais qui
ait véritablement ressemblé à quelque chose était « Move It » de Cliff Richard. Avant ça, le néant. Les
marins rentraient à Liverpool avec des disques de blues que les autres gens d‟Angleterre et d‟Europe
n‟avaient jamais entendus. Il y avait à Liverpool des Clubs de folk, blues, country et western. D‟une
certaine manière, je suis passé à côté de l‟époque Bill Haley. Quand ses disques passaient à la radio, ma
mère se mettait à danser mais cela ne me faisait aucun effet. Un type que je connaissais, un nommé Don
Beatty, m‟a dit qu‟Elvis Presley était fantastique. Je trouvais le titre « Heartbreak Hotel » un peu bidon et
démodé. Je l‟ai entendu à Radio Luxembourg et j‟ai couru acheter le disque. Je suis devenu un fan d‟Elvis
pour la vie. Je ne pensais plus qu‟au rock‟n‟roll, à part le sexe, la bouffe et l‟argent, mais c‟est la même
chose en fait.
A partir du jour où il a existé, les gens ont essayé de démolir le rock‟n‟roll. C‟était surtout les parents qui
étaient contre les paroles à double sens. Depuis, on n‟arrête pas de dire que le rock‟n‟roll est mort. Il a
émergé des racines blues, jazz et country pour donner un mélange de musique noire et blanche. C‟est
surtout pour cela que ça a marché.
J‟aimais bien Carl Perkins et surtout Buddy Holly qui chantait et jouait en même temps. J‟ai vu Gene
Vincent, Eddie Cochran et Little Richard. « Long Tall Sally » et « Slippin‟And Slidin‟ » du dernier
nommé nous rendaient dingues. Il criait avant les solos. Chuck Berry était un des plus grands poètes de
tous les temps. Ses paroles étaient fantastiques alors que les autres ne parlaient pratiquement de rien.
C‟est la musique de ces gens qui m‟a décidé à faire de la musique et c‟est à cette période que j‟ai pensé à
gagner ma vie avec elle.
JOHN LENNON-3
A seize ans, ma mère m‟a enseigné la musique. Le banjo puis la guitare. J‟ai ensuite emprunté une guitare
puis ma mère en a commandé une par correspondance. Elle était minable mais je jouais sans cesse. Je
jouais sans la sixième corde, comme au banjo. Il me fallut environ deux ans pour m‟accompagner à la
guitare sans avoir à y penser. J‟ai pris une leçon mais cela ressemblait tellement à l‟école que j‟ai
abandonné. Je jouais des bouts de chansons de Chuck Berry, Scotty Moore et Carl Perkins.
La plus belle chose que tante Mimi ait jamais dite, c‟est « la guitare est un chouette passe-temps, John,
mais ça ne te fera jamais gagner ta vie ». J‟écoutais aussi du skiffle, un genre de folk music américaine
avec des planches à laver et de la country music. On a fini par former un groupe formé de Eric Griffiths
(guitare), Pete Shotton (planche à laver), Len Garry, Colin Hanton (batterie), Rod Davis (banjo) et un
type nommé Ivan Vaughan qui fréquentait la même école que Paul. On a joué pour la première fois dans
la rue (Rosebery Street) sur l‟arrière d‟un camion à l‟occasion de l‟Empire Day. On se fichait de ne pas
être payé. Avant de devenir les Beatles, le groupe s‟appelait les Quarry Men, du nom de mon école,
Quarry Bank. L‟école avait pour devise « Dans ce roc – tout un symbole -, tu trouveras la vérité ». Comme
toujours j‟étais le leader, celui dont les parents des autres membres du groupe disaient « ne traîne pas
avec lui ». J‟ai fait de mon mieux pour perturber le foyer des copains en partie parce que j‟étais jaloux de
ne pas avoir moi-même de soi-disant foyer (alors que ce n‟était pas le cas, mon oncle et ma tante
s‟occupaient bien de moi). J‟ai naturellement raté mon « General Certificate of Education ». De toute
manière, il n‟ouvrait aucune porte. J‟ai voulu être peintre mais personne ne me donnerait d‟argent pour
mes tableaux. Dès lors, comment devenir milliardaire ? Mimi m‟a alors dit que j‟étais arrivé à mes fins.
J‟étais devenu un vrai Teddy boy. J‟avais l‟impression de dégoûter tout le monde. C‟est ce jour-là que j‟ai
rencontré Paul.
Ivan Vaughan savait que Paul faisait de la musique et qu‟il serait bien de l‟avoir dans le groupe. Alors un
jour où on jouait à Woolton, il l‟a amené avec lui. Les Quarry Men jouaient sur une estrade surélevée et il
y avait pas mal de monde du fait qu‟il faisait beau et chaud. J‟ai chanté « Be Bop A Lula » ce jour-là pour
la première fois devant un public. On a bavardé après le spectacle et j‟ai vu qu‟il avait du talent. Paul
jouait en coulisse « Twenty Flight Rock » d‟Eddie Cochran. Il savait jouer de la guitare, de la trompette et
du piano. Il m‟a montré comment jouer de la guitare mais je devais apprendre tous les accords à l‟envers,
comme il était gaucher. L‟idée m‟a traversé alors l‟esprit que si je le prenais dans le groupe, j‟allais devoir
me bagarrer pour rester le patron. Mais comme il était bon, ça valait le coup de l‟avoir avec nous. Et puis,
il ressemblait à Elvis. Il me plaisait. Je lui ai donc demandé : « Tu veux te joindre au groupe ? » Il a
répondu oui le lendemain je crois. Et Paul a amené George. Je l‟ai écouté jouer et je l‟ai pris. George
connaissait bien plus d‟accords que nous grâce à un copain qui en inventait. A chaque fois qu‟on
apprenait un accord on construisait une chanson autour. On séchait les cours et on allait chez George
pour répéter. George avait l‟air d‟un gosse et je ne l‟aimais pas trop car, au début, il faisait fuir les
copains de mon âge. Mais on s‟est vite habitué les uns aux autres. Le tourne-disque marchait sans cesse
avec les derniers succès américains. On essayait d‟obtenir les mêmes effets. On jouait dans les salles de
danse et les vrais Teddy boys ne nous aimaient pas. Nous étions sur scène et toutes les filles nous
regardaient. A la fin, ces types essayaient de nous tuer. De quinze à dix-sept ans, on a passé la plupart de
notre temps à nous carapater, la guitare sous le bras. Le batteur se faisait toujours choper, étant donné
son matériel encombrant.
Quand j‟ai quitté Quarry Bank, je suis allé au Liverpool College of Art. J‟y suis resté cinq ans. Paul et
George étaient encore au lycée. Là non plus, je n‟ai pas très bien réussi. Je suis trop paresseux. J‟y suis
allé pour peindre mais je n‟étais pas un vrai peintre, j‟étais un illustrateur de livres.
Ce week-end là, j‟étais chez Julia et Twitchy. Un flic a sonné à la porte pour nous annoncer l‟accident.
C‟était exactement comme ça devait être, comme dans les films. Il m‟a demandé si j‟étais son fils et tout
ça. Et puis il nous a dit, et on est tous les deux devenu livides. Elle avait été tuée par un flic bourré qui
n‟était pas en service. Elle attendait le bus lorsqu‟il l‟a renversée avec sa voiture. C‟est la pire chose qui
me soit jamais arrivée. On s‟était tellement rapproché en quelques années. Elle était formidable. Twitchy
l‟a encore plus mal pris que moi. Et puis il a dit « Qui va s‟occuper des enfants ? », et je l‟ai haï. Putain
d‟égoïste. Je l‟ai perdue deux fois. Cela aide de dire « Ma maman est morte » plutôt que « Ma mère a été
tuée ». Certaines choses sont trop pénibles, alors on bloque tout. Aujourd‟hui, les émotions sortent de moi,
des émotions qui ont été là toute ma vie. A chaque fois que je prends ma guitare je chante en pensant à ma
mère. Quand on est enfant, on ne peut pas supporter toute cette souffrance. J‟ai toujours suspecté qu‟il
existait un Dieu, même quand je me prenais pour un athée.
JOHN LENNON-4
Aux Beaux-Arts, j‟étais très autodestructeur. Je me saoulais et saccageais les cabines téléphoniques. Dans
les rues de Liverpool, il fallait raser les murs. Se rendre à la Cavern n‟était pas une partie de plaisir,
même à l‟heure du déjeuner. Aux Beaux-Arts je devenais toujours violent quand je buvais.
Tout le monde allait dans un club appelé Jacaranda, au centre-ville. On a commencé à traîner là avant
même d‟avoir formé un groupe. La première chose qu‟on n‟ait jamais enregistrée c‟est « That‟ll Be The
Day » de Buddy Holly et une chanson de Paul intitulée « In spite Of All The Danger ». Je vivais dans un
appartement crado à Gambier Terrace. Il n‟y avait pas de meubles, seulement des lits.
Aux Beaux-Arts on jouait du blues avant de me faire élire au comité pour qu‟on puisse écouter du
rock‟n‟roll. Le blues est réel. Un ami m‟a aidé à en prendre conscience. Le blues est une chaise. Pas le
dessin d‟une chaise, ou une meilleure chaise, ou une plus grande chaise, ou une chaise recouverte de cuir
ou sophistiquée. C‟est la première chaise. Une chaise pour s‟asseoir, pas pour être regardée et admirée.
On peut s‟asseoir sur cette musique.
J‟ai rencontré Cynthia aux Beaux-Arts. C‟était une vraie minette de Hoylake, snobinarde à mort. Je l‟ai
emballée en dansant à une fête de l‟école. Elle était fiancée. Je suis devenu jaloux de tous ceux qui
l‟approchaient. J‟exigeais d‟elle une confiance absolue parce que je n‟étais pas fiable moi-même. Je
reportais mes frustrations sur elle jusqu‟à ce qu‟elle me plaque une fois. Mais je ne pouvais pas supporter
d‟être éloigné d‟elle. C‟était cela être un dur. La première chose à faire était de les gifler comme dans les
films que je voyais avec Humphrey Bogart et tout le toutim. C‟est la manière d‟être qu‟on nous a
inculquée. J‟ai mis longtemps à m‟en débarrasser. Ce n‟est pas la réalité.
Le truc des Beatles malgré tout c‟était que nous étions plutôt instruits et pas des camionneurs. Je pense
parfois à mes amis qui ont quitté l‟école en même temps que moi, quand j‟ai décidé d‟aller aux BeauxArts. Certains se sont directement retrouvés à bosser de neuf à dix-sept heures et, en moins de trois mois,
ils avaient l‟air de vieillards. Aucune chance que ça me soit arrivé. D‟ailleurs qui sait pourquoi les Beatles
sont arrivés ? Cela a autant à voir avec le fait d‟être de Liverpool qu‟avec celui d‟être du lycée de Quarry
Bank, ou d‟avoir vécu dans une maison où la bibliothèque était remplie d‟Oscar Wilde, de Whistler et de
Fitzgerald et de tous les bouquins du Month Club (Club du Livre).
Julia
Half of what I say is meaningless
But I say it just to reach you, Julia.
Julia, Julia, oceanchild, calls me
So I sing a song of love, Julia
Julia, seashell eyes, windy smile, calls me
So I sing a song of love, Julia.
Her hair of floating sky is shimmering,
Glimmering,
In the sun.
Julia, Julia, morning moon, touch me
So I sing a song of love, Julia.
When I cannot sing my heart
I can only speak my mind, Julia.
Julia, sleeping sand, silent cloud, touch me
So I sing a song of love, Julia.
Hum hum hum hum … calls me
So I sing a song of love for Julia, Julia, Julia.
Lennon/McCartney
JOHN LENNON-5
Paul McCartney
Je suis né à l’Hôpital de Walton, le 18 juin 1942.
Ma mère était infirmière et mon père représentant en coton. Maman était catholique et mon père
protestant. Ils se sont mariés assez tard et m‟ont eu alors qu‟ils avaient près de quarante ans. Ma mère, en
tant que sage-femme, était au bénéfice d‟une maison de fonction partout où elle travaillait. On avait
l‟impression d‟être une famille de pionniers dans un convoi de chariots. On vivait dans un endroit, le fouet
claquait et on repartait. Les frontières étaient les faubourgs de Liverpool. J‟ai, malgré tout cela, vécu une
enfance protégée avec mon frère Michael qui a un an et demi de moins que moi.
Liverpool avait sa propre identité. Et même son propre accent dans un rayon de quinze kilomètres. Audelà, c‟est le Lancashire profond. Quand on vit là-bas, on ressent ce particularisme. Pour l‟enfant que
j‟étais, Liverpool, c‟était avant tout les trams. Il y avait des traces de la guerre partout. On jouait souvent
sur les terrains dévastés par les bombardements et, pour moi, le terme « Zone bombardée » voulait
presque dire « Terrain de jeu » . On jouait aussi au milieu de millions et de millions de pneus de voitures
sur les quais. Je me souviens des hivers, Cela ressemblait à la Sibérie et, avec nos culottes courtes, on avait
les genoux gercés à cause de l‟humidité et du froid. J‟allais souvent sur les quais, je trouvais ça très
romantique. Il y avait aussi un marché appelé St John qui a existé jusqu‟à notre adolescence. On y
entendait un type hurler « Et combien je le vends, ce lot de vaisselle? » Il empilait les assiettes n‟importe
comment – tout le tas était bancal – et puis il les flanquait par terre pour bien montrer que c‟était de la
super vaisselle. Il y avait toujours un type dans le public, un compère, qui disait « Je prends » et tout le
monde se précipitait. On avait envie d‟acheter même sans argent ; c‟était un tellement bon vendeur.
J‟adorais ça. On descendait Dungeon Lane jusqu‟à la plage où il y avait le phare, sur la berge de la
Mersey. Deux gars un peu plus costaud que moi m‟y ont volé ma montre, un jour. J‟avais dix ans. Ils
habitaient la rue voisine à la nôtre – leur jardin touchait le nôtre – alors, tout ce que j‟ai eu à faire, c‟est de
dire « C‟est eux, papa. Ils m‟ont pris ma montre ». On les a dénoncés à la police et ils ont été jugés et
condamnés, ces idiots. J‟ai dû aller témoigner contre eux. C‟est la première fois que j‟ai mis les pieds dans
un tribunal.
L‟école où j‟allais était une ancienne école privée, le Liverpool Institute. Elle était très sombre, humide et
sinistre – presque du Dickens. On y entrait à onze ans et on se retrouvait directement en troisième année.
Je n‟aimais pas trop l‟école mais ça ne me déplaisait pas non plus. J‟aimais la littérature anglaise parce
que notre maître était bon mais je n‟aimais pas qu‟on me dise ce que je devais faire. Le bus que je prenais
pour aller à l‟école était toujours bondé quand il passait devant chez moi, mais en marchant un quart
d‟heure jusqu‟à son point de départ je pouvais grimper dans un autre bus, vide, et me choisir une des
bonnes places (c‟est-à-dire à l‟impériale et à l‟avant ou à l‟arrière, selon l‟humeur du moment). Plus tard,
il y eut une période où je montais là-haut avec une pipe et m‟asseyais là, comme si j‟étais Dylan Thomas
ou je ne sais qui, pour lire des pièces de Becket ou de Tennessee Williams.
Quand j‟étais gosse, on allait au catéchisme. Cela faisait plaisir à ma mère. C‟était à peu près tout en
matière de religion. J‟ai ainsi aimé chanter des cantiques. Je me rappelle que, quand j‟ai commencé à
composer, je demandais aux gens « A quoi ressemble cette chanson ? Qu‟est-ce que vous en pensez ? » Et
ils répondaient « Ca ressemble un peu à un cantique ». C‟est une des critiques impitoyables que j‟ai
entendues. J‟ai parfait mon éducation religieuse au Môle, sur les quais. Là, c‟était comme le Speaker‟s
Corner. Les catholiques s‟engueulaient sans cesse avec les protestants. Le problème irlandais et le MoyenOrient, ça se ramène à ça. En réalité, tout ce que les gens ont réussi à faire au cours des siècles, c‟est
personnifier les deux forces du Bien et du Mal.
Il m‟est arrivé une chose d‟une importance capitale quand j‟avais onze ans. Ma mère, mon père, mon
frère et moi sommes allés au camp de vacances de Butlins. Je me suis retrouvé devant 5 types de
Gateshead qui sortaient du Calypso Ballroom. Ils se ressemblaient tous. Petite casquette platte à carreaux,
des tennis et une serviette blanche sous le bras. Ils avançaient l‟un derrière l‟autre en direction de la
piscine et j‟ai vu toutes les têtes se tourner vers eux. « Qui c‟est ça ».
PAUL MCCARTNEY-6
En une fraction de seconde, j‟ai compris, j‟ai réalisé le pouvoir qu‟impliquait le fait d‟avoir l‟air de
quelque chose. Ils ont remporté le concours de talents de Butlins cette semaine-là – et on savait tous qu‟ils
allaient gagner.
Mon père était un musicien autodidacte. Plus jeune, il avait joué de la trompette dans un petit orchestre
de jazz. Le Jimmy Mac Jazz Band. J‟ai retrouvé une photo où on le voit assis en habit devant une grosse
caisse avec mon oncle Jack à côté de lui . C‟était très familial. C‟est de là qu‟est venue l‟idée de la pochette
de Sgt Pepper. Papa à joué de la trompette jusqu‟à ce que ses dents n‟en puissent plus. A la maison il
jouait du piano. Brian Epstein, notre futur manager du temps des Beatles, était le fils de Harry Epstein,
propriétaire du North End Music Stores, NEMS. C‟est à Harry que mon père avait acheté son premier
piano (que je possède toujours d‟ailleurs car il sonne terriblement bien). C‟est comme ça à Liverpool, tout
est lié. J‟ai de merveilleux souvenirs d‟enfance de moi, allongé sur le plancher, en train d‟écouter mon
père jouer « Lullaby Of The Leaves » et de vieilles chansons comme « Stairway To Paradise ». C‟est lui
qui a fait mon éducation musicale. A l‟école, on n‟a jamais eu de cours de musique. On écoutait
récemment « Like Dreamers Do », une de mes premières chansons, et George a dit « C‟est ton père. C‟est
Stairway To Paradise ». Mon père s‟intéressait aux mesures biscornues sans même le savoir. J‟ai appris à
jouer d‟oreille, comme lui. J‟ai pris dix leçons mais mon professeur me donnait du travail à faire à la
maison. C‟était de la torture pure et simple et j‟ai rapidement abandonné. Je ne sais toujours ni écrire ni
lire la musique. Papa m‟avait dit, apprends à jouer du piano, comme ça, tu seras invité à des fêtes pour le
jour de l‟an. Elles restent parmi les plus agréables souvenirs parce qu‟on était tous ensemble. Les enfants
aidaient derrière le bar. On servait du gin, rum, de la bière brune et blonde et tout le monde se prenait
une bonne cuite. L‟oncle Jack, un vieil asthmatique, me disait « Eh, petit, tu la connais celle-là ?» Et il
racontait les meilleures blagues qui soient. Il n‟en a jamais raconté de mauvaises. Puis, vers minuit, un
joueur de flûte voisin de mon oncle Joe venait et jouait. C‟était charmant et très, très chaleureux. A
chaque fois que j‟ai parlé à John de son enfance, je me suis rendu compte que la mienne avait été
infiniment plus chaleureuse. Je crois que c‟est pour ça que je suis devenu si ouvert, en particulier en
matière de sentiments. Ensuite, j‟ai remplacé mon père au piano lors de ces soirées. Un type âgé nommé
Jack Ollie venait avec sa bière et la posait sur le piano. Il restait là à m‟écouter. Il disait tout le temps
« J‟aime bien, j‟aime bien, j‟aime bien ». C‟était tout ce qu‟il disait et il me ravitaillait en boissons. On
sentait l‟ambiance monter. Sur le coup de onze heure, mon oncle Ron surgissait, me tapait sur l‟épaule et
me disait « C‟est bon fiston, vas-y ». Et je jouais « Carolina Moon ». Tout le monde hurlait. Ron
m‟indiquait toujours le bon timing. Plus tard, les gens ont voulu que je joue « Let It Be » à ces fêtes, mais
j‟ai toujours refusé. Ca ne paraissait pas être une bonne idée.
Mon père était un amateur de mots croisés et il nous encourageait à en faire pour améliorer notre
vocabulaire. A l‟école, j‟étais le seul gosse de ma classe à pouvoir épeler phtisie. Il croyait en
l‟épanouissement individuel comme il avait quitté l‟école très tôt. Une grande part de mon ambition vient
de mes parents.
Mes parents ont essayé de me parler de sexe mais ils n‟y sont jamais parvenus. J‟ai donc tout découvert
avec les autres gosses vers les onze ans. Ils disaient « Tu sais pas ça, mais d‟où tu sors ? »
La mort de ma mère, alors que j‟avais quatorze ans, a été le grand choc de mon adolescence. J‟ai appris
plus tard qu‟elle était morte du cancer, mais sur le moment, je n‟en ai rien su. Je me sens encore très
coupable de m‟être moqué d‟elle à propos de sa façon de parler. Elle voulait parler l‟anglais de la haute.
Je l‟ai vraiment blessée. Quand elle est morte, je me rappelle m‟être dit « Petit con, pourquoi as-tu fait
ça ? » Je pense que je viens seulement d‟évacuer. Sa mort a démoli mon père et ce qui a été le pire pour
moi fut de l‟entendre pleurer. On ne s‟attend pas à voir ses parents pleurer, ça fait grandir vite. Je me suis
entouré d‟une carapace. C‟est devenu un lien très fort entre John et moi parce que lui aussi avait perdu sa
mère très tôt. On pouvait en rire – seulement en surface - mais personne d‟autre ne pouvait le faire. A
l‟occasion durant les années suivantes, c‟est revenu nous poignarder. On s‟asseyait et on pleurait un coup
ensemble. Ce n‟est pas arrivé souvent mais cela faisait du bien.
Comme pour John, ce sont mes tantes qui se sont occupées de moi bien que je me sois chargé des tâches
ménagères et que j‟aie appris à cuisiner. J‟étais assez bon cuisinier. Même quand on a commencé à être
connu, mon père se pointait à la Cavern avec une demi-livre de saucisse et me les balançait. J‟étais censé
rentrer à la maison, les mettre sur le grill et préparer une purée de pommes de terre.
PAUL MCCARTNEY-7
J‟allais de temps à autre voir des matches de football. Ce sont de bons souvenirs, mais je n‟étais pas aussi
mordu que ça. Les Beatles n‟ont jamais été de grands sportifs. Quand j‟allais au match, c‟était les mots
d‟esprit que j‟aimais le plus. Il y a toujours des comiques dans la foule. Je me souviens d‟un type qui
commentait le match en musique avec sa trompette. Un joueur tirait loin, loin au-dessus du but, et lui
jouait « Over The Mountains, Over The Sea ».
Pour mon anniversaire, mon père m‟a acheté une trompette. A l‟époque, c‟était à la mode, on voulait tous
être trompettistes. J‟ai persévéré un moment, appris « The Saints » et j‟ai réalisé que je n‟avais pas le
pouvoir de chanter avec ce truc en bouche. J‟ai alors demandé à mon père d‟échanger ma trompette
contre une guitare acoustique, une Zénith que j‟ai toujours. Mon père a dit oui. Pour une première
guitare, ça allait. Comme je suis gaucher, j‟en jouais à l‟envers. J‟ai commencé à écrire des chansons
comme je pouvais chanter et jouer en même temps. J‟avais quatorze ans j‟ai écrit ma première chanson.
Ca s‟appelait « I Lost My Little Girl » et elle était écrite sur trois accords. Toutes mes premières chansons,
y compris « Michelle » et « I Saw Her Standing There » furent composées sur cette guitare. J‟ai appris à
jouer « Twenty Flight Rock » sur celle-ci également. C‟est cette chanson qui m‟a fait entrer dans les
Quarry Men dont John était le leader.
John était le Ted local. C‟est son enfance qui a fait de lui ce qu‟il était. Mais il était toujours prêt à aimer
les gens. Il adorait sa mère comme on adore une idole. Elle était superbe et drôle, avec de longs cheveux.
Elle jouait du ukulele. Je l‟aimais aussi. Elle a été tuée et la vie de John n‟a été qu‟une succession de
tragédies. Il était devenu Teddy boy pour se fabriquer une façade. Il aurait pu me cogner, Il était
tellement plus âgé. C‟est pourquoi je le regardais de loin, depuis le bus, avant que je fasse sa connaissance.
Ivan Vaughan était un de mes amis, né exactement le même jour que moi (un type génial qui,
malheureusement, est mort de la maladie de Parkinson). Il était également copain avec John. Un jour, il
m‟a dit « C‟est la fête de Woolton Village samedi, tu veux venir ? » J‟ai répondu « Ouais. J‟ai rien d‟autre
à faire ». C‟était le 6 juillet 1957. Quand je me suis approché de l‟estrade après être passé devant les
stands traditionnels de lancer de noix de coco et d‟anneaux, j‟ai entendu John qui chantait « Down, Down,
Down To The Penitenciary”. Il bouchait les trous avec des paroles de blues et je me suis dit qu‟il était bon
et qu‟il chantait bien. Moi et Ivan sommes allés écouter le concert du soir. Il faillit y avoir une bagarre et
je me demandais dans quel pétrin je m‟étais fourré. Mais tout s‟est bien passé et je me suis mis au piano.
Après, j‟ai joué de la guitare à l‟envers et le fameux « Twenty Flight Rock ». Ils ont été sciés que je la
connaisse en entier avec toutes les paroles. En fait j‟avais commandé le disque chez NEMS ou chez Curry.
On allait souvent écouter les disques dans les boutiques sans les acheter. Ca les rendait furax mais on s‟en
fichait. Ainsi, on connaissait rapidement les paroles. Ca m‟a valu de faire partie des Beatles.
Pour mon premier concert, ils m‟ont laissé un solo de guitare sur « Guitare Boogie ». Tout allait bien en
répétition mais quand ça a été mon tour, j‟ai eu les doigts comme paralysés. Je me demandais, « Mais
qu‟est-ce que je fais ici ? » C‟était un moment trop intense pour moi et je n‟y suis pas arrivé. Je n‟ai plus
pris de solo de guitare jusqu‟à tout récemment. C‟est pour ça qu‟on a fait appel à George.
J‟ai rencontré George dans le bus alors que j‟allais à l‟école. Il montait à l‟arrêt suivant. Il avait un an de
moins que moi et je lui parlais avec condescendance. Quand on a connu quelqu‟un à treize ans et qu‟on en
avait soi-même quatorze, il est difficile de le considérer comme un adulte. J‟ai eu ce défaut tout au long
des années Beatles. Je pensais toujours à lui comme à un jeune garçon et j‟ai ensuite considéré Ringo
comme étant très âgé parce qu‟il avait deux ans de plus que moi. J‟ai parlé à John et aux Quarry Men de
ce type de mon école nommé George et qui joue vraiment bien. Il jouait « Rauchy » à la perfection à tel
point qu‟on aurait pu croire que c‟était le disque. Il a sorti sa guitare en présence du groupe alors que
nous nous trouvions sur l‟impériale d‟un bus vide. Ils ont pensé, « Il est un peu jeune mais, nom de Dieu, il
sait drôlement bien jouer « Rauchy » . « On te prend, t‟es reçu ». A partir de ce jour-là, George a été notre
guitariste professionnel qui prenait tous les solos. Plus tard, John a pris quelques solos à la Chuck Berry
mais il lui a rapidement laissé la place de soliste.
John était aux Beaux-Arts. Il avait dix-sept ans et j‟en avais quinze. Georges lui faisait ce qu‟il pouvait
pour paraître adulte à l‟entrée des cinémas mais personne ne marchait. Je lui dessinais des moustaches
avec de la terre pour qu‟il puisse entrer voir les films. Ca faisait farce, mais on rentrait. Je suis allé voir
Bill Haley à l‟Odeon. J‟étais le seul à pouvoir me payer le billet, les autres n‟avaient pas assez d‟argent
(j‟ai économisé longtemps). C‟était super mais j‟étais le seul en culotte courte à un concert de rock‟n‟roll !
PAUL MCCARTNEY-8
Côté cinéma, J‟adorais Marlon Brando dans « L‟équipée sauvage », bien que le film m‟ai un peu déçu, et
Fred Astaire dont j‟adorais la voix. Rob Wilton était mon comique préféré et j‟ai obtenu son autographe
grâce à quelqu‟un de la famille qui gardait la sortie des artistes du Liverpool Empire. Mais j‟ai aussi
obtenu des autographes par moi-même. J‟étais assez culotté, raison pour laquelle je suis particulièrement
bien disposé (en général) envers ceux qui m‟en réclament. Je n‟ai jamais oublié que certains artistes et
joueurs de football ont été gentils envers moi. Grâce à la télé, j‟ai entendu pour la première fois « Rock
Around The Clock » et même le Mahrashi. Granada, la chaîne de télé locale, veillait à ce que tous ceux qui
s‟aventuraient dans la région soient interceptés et interviewés. Mais je préférais écouter de la musique
quand j‟avais le cafard. « Don‟t Be Cruel » d‟Elvis et j‟étais prêt à repartir. Un jour, dans la cour de
l‟école, quelqu‟un a exhibé un magazine avec la photo d‟Elvis pour une publicité de « Heartbreak Hotel ».
Il avait une allure fantastique « C‟est lui, c‟est lui – le Messie est arrivé ! » Quand on a entendu la
chanson, ça nous a été confirmé. Peu après est sorti son premier album, qui est toujours celui de ses
disques que je préfère. J‟ai lâché Elvis quand il a quitté l‟armée. J‟estimais qu‟on l‟avait dompté. C‟était
toujours un chanteur incroyable mais il n‟avait plus cette étincelle dans les yeux comme à ses débuts, en
1956. Chuck Berry était une autre de nos influences majeure, avec « Jonny B. Goode ». On allait dans la
chambre de John et on essayait d‟apprendre toutes ses chansons. Je me rappelle y avoir appris « Memphis
Tennessee ». Puis Eddie Cochran que j‟ai vu à la télévision. Il fut le premier à tout à coup jouer de la
guitare en chantant « Milk Cow Blues ». Il jouait sur une Gretsch avec un virato Bigsby. Ca avait une
gueule phénoménale. « La Blonde est moi » reste le grand film de musique, avec Jane Mansfield qui faisait
exploser les lunettes des types. Au début, il y a ce passage fameux où Tom Ewell apparaît et dit « Attendez
un instant ». Il repousse l‟image pour la transformer en Cinémascope et claque des doigts pour faire
passer le noir et blanc à la couleur, exactement le grand film qu‟on attendait. Ensuite Little Richard
chante « The Girl Can‟t Help It », Eddie Cochran « Twenty Flight Rock » et Gene Vincent “Be Bop A
Lula”. J‟adore toujours ce film. Puis, apparaît Buddy Holly dans un style complètement différent. On
pensait « Ouah, il écrit ses chansons lui-même et en plus, il sait jouer ». Maintenant cela paraît évident,
mais à l‟époque, personne ne le faisait. John et moi nous sommes mis à écrire à cause de Buddy Holly.
Ensuite, on décortiquait les films pour voir si les artistes plaçaient mal leurs doigts sur leur guitare. Et
c‟était « Salut – on t‟aime plus. Faut pas gratter la guitare si tu sais pas. Repose-là et danse ». Buddy lui
savait, ça ne faisait aucun doute. On a essayé pendant des siècle de reproduire l‟intro de « That‟ll Be The
Day » et c‟est John qui a fini par trouver. Avant Buddy Holly, John refusait de porter ses lunettes. Avec
un copain, ils se promenaient en ville comme deux aveugles refusant de mettre leurs lunettes. Grâce à lui,
il a fini par accepter d‟en mettre pour monter en scène et voir pour qui il jouait. Mais le rock‟n‟roll n‟était
pas tout pour moi. Elisabeth, une cousine plus âgée que moi avait une collection de disques assez adultes
comme « My Funny Valentine » de Chuck Berry et « Fever » de Peggy Lee. John, George et moi avions
des goûts musicaux assez similaires et on échangeait nos influences comme des malades. On partait en
expédition chez des gens qui savaient jouer des accords de guitare pour qu‟ils nous les apprennent « O,
Maître, on nous a dit que tu connaissais le si 7e. S‟il te plaît, montre le nous ». Idem pour la chanson
« Searchin „ » qu‟un type savait jouer. On l‟a déchargé de son fardeau, c‟était trop pour lui, et c‟est
devenu un classique des Beatles au Cavern. Chris et Val, deux filles à l‟accent bien prononcé de Liverpool
me criaient toujours « Chante « Searchin‟ » Paul. Chante « Searchin‟ ». J‟ai recommencé à taquiner le
piano de mon père et j‟ai composé « When I‟m Sixty Four » dessus quand j‟avais seize ans. C‟était très
ironique et je ne l‟ai jamais oublié.
Souvent, l‟après-midi, je séchais l‟école et John s‟éclipsait des Beaux-Arts. On allait chez moi, mon père
était au boulot. On grattait nos guitares sèches l‟un en face de l‟autre. C‟était super parce qu‟au lieu de
regarder en moi pendant que je jouais, je pouvais regarder John jouer – comme s‟il avait tenu un miroir
dans lequel je me voyais. On fumait du thé Typhoo dans une pipe et on se prenait pour des adultes. On
écrivait des chansons ensemble. Il n‟y avait que les paroles et des indications d‟accords, il fallait se
rappeler des mélodies. Je les reportaient dans un cahier d‟exercices où je notais toujours « Une autre
chanson originale de Lennon/McCartney ». Les cassettes n‟existaient pas. John et moi avions tacitement
décidé qu‟à partir du moment où on n‟arrivait pas à s‟en souvenir nous-même, il ne fallait pas espérer que
des gens qui ne les avaient pas composées s‟en rappellent. On a écrit « Love Me Do » et «I Saw Her
Standing There » et on a fondé les bases de notre partenariat. Les chansons se sont peu à peu améliorées
et la majorité de ce qui nous appelions nos « Cent premières » (ce qui en faisait sans doute à peu près cinq)
ont été écrites chez moi, à Forthlin Road. Après, il nous fallait dissiper l‟odeur de thé-tabac, et filer avant
que mon père ne nous surprenne.
PAUL MCCARTNEY-9
Puis, on est allé chez Phillip à Kensington, un studio d‟enregistrment très rudimentaire. Il fallait se
présenter avec tout son matériel et cinq livres, ce qui était énorme pour des gamins. On entrait dans le
studio, un type venait régler quelques micros et on jouait. On allait ensuite dans la salle d‟attente une
quinzaine de minutes, comme chez le médecin. John a chanté « That‟ll Be The Day » et la face B était « In
Spite Of All Danger », une chanson très influencée par Elvis, que j‟avais écrite. John et moi la chantions et
George prenait le solo. Il y avait encore deux autres musiciens nommés Colin Hanton et Duff Lowe.
Quand on a eu le disque, on s‟est mis d‟accord pour le garder chacun une semaine. Quand Duff Lowe l‟a
reçu, il l‟a gardé pendant vingt-trois ans. Plus tard, quand on était célèbre il nous a dit « Hé, C‟est moi qui
l‟ai, ce premier disque ». J‟ai fini par lui racheter pour une somme très excessive. J‟en ai fait faire
quelques copies. Je ne veux pas passer l‟original parce que j‟ai peur que la gomme-laque s‟use, comme
c‟était le cas pour les démos de ce temps-là. Mais je suis ravi de le posséder. On n‟a jamais remporté un
seul concours de talents de notre vie et surtout, on n‟était que des guitaristes. Stuart Sutcliffe était un
copain de John aux Beaux-Arts. Il peignait et avait gagné un montant de 65 livres en vendant un de ses
tableaux. On lui a dit « C‟est drôle que tu aies justement cette somme, Stuart, c‟est précisément le prix
d‟une basse Hofner ». Il disait « Non, je peux pas dépenser tout ça ». On lui disait, « Stu, sois raisonnable,
mon chou. Une Hofner, un groupe de grande classe…la gloire ! » Il a craqué et a acheté cette grande basse
qui le faisait paraître minuscule. L‟ennui, c‟est qu‟il ne savait pas vraiment jouer. On était déçu, mais
comme l‟ensemble avait de l‟allure, ça n‟a pas vraiment été un problème. Lorsqu‟il est entré dans le
groupe, vers Noël 1959, on a été un peu jaloux de lui. On était toujours un peu jaloux des autres amis de
John. Il était le plus âgé, on n‟y pouvait rien. Ca été comme s‟il prenait notre place à George et à moi. On
était plus jeune, on allait encore au lycée, on n‟était pas crédible. Donc, avec les batteurs occasionnels qui
se succédaient – et il y en a eu quelques-uns – nous étions désormais cinq.
When I‟m Sixty-Four
When I get older losing my hair,
Many years from now.
Will you still be sending me a Valentine
Birthday greetings bottle of wine.
If I‟d been out till quarter to three
Would you lock the door.
Will you still need me, will you still feed me,
When I‟m sixty-four.
You‟ll be older too,
And if you say the word,
I could stay with you.
I could be handy, mending a fuse
When your lights have gone.
You can knit a sweater by the fireside
Sunday morning go for a ride.
Doing the garden, digging the weeds,
Who could ask for more.
Will you still need me, will you still feed me,
When I‟m sixty-four.
Every Summer we can rent a cottage,
In the Isle of Wight, if It‟s not too dear
We shall scrimp and save
Grandchildren on your knee
Vera Chuck & Dave
Send me a postcard, drop me a line,
Stating point of view
Indicate precisely what you mean to say
Your sincerely, wasting away
Give me your answer, fill in a form
Mine for evermore.
Will you still need me, will you still feed me
When I‟m sixty-four.
Lennon/McCartney
PAUL MCCARTNEY-10
George Harrison
Je suis né en février 1943 au 12, Arnold Grove, à Liverpool.
Mon père avait été marin, mais il était devenu conducteur de bus. Ma mère venait d‟une famille irlandaise
nommée French, et elle avait des tas de frères et sœurs. Ma mère était catholique. Mon père ne l‟était pas
et, bien qu‟on prétende que ceux qui ne sont pas catholique appartiennent à l‟Eglise d‟Angleterre, il
semblait n‟appartenir à rien du tout. J‟avais deux frères et une sœur. Quand je suis né, ma sœur avait
douze ans et venait d‟avoir son Eleven Plus. Ma grand-mère – la mère de ma mère – habitait Albert
Grove, la rue voisine d‟Arnold Grove, si bien que, quand j‟étais petit, je pouvais sortir par notre porte de
derrière et rejoindre celle de sa maison (on appelait ça des « jiggers » à Liverpool). J‟allais chez elle
pendant que mon père et ma mère étaient à leur travail. Le père de mon père, que je n‟ai jamais connu,
était entrepreneur en bâtiment et a construit beaucoup des grandes maisons édouardiennes de Prince
Road, à Liverpool. C‟est là que vivaient tous les médecins et autres professions libérales. On savait
construire en ce temps-là ; maçonnerie, briques et bois de charpente de qualité. Peut-être que mon intérêt
pour l‟architecture me vient de mon grand-père. J‟ai toujours pensé que la vie consistait à aller de l‟avant,
à saisir les occasions, à faire en sorte que les choses arrivent.
Notre maison était toute petite. Deux pièces en haut et deux en bas, un escalier partant directement du
trottoir, un autre montant à la pièce de derrière. On n‟utilisait jamais la pièce de devant. Il y avait là un
linoléum très chic et un salon trois pièces ; il y faisait un froid de loup et personne n‟y allait. On s‟entassait
tous dans la cuisine, là où il y avait du feu et où la bouilloire chauffait sur une petite cuisinière en fer.
Accrochée au mur de la cour, il y avait une baignoire en zinc qu‟on transportait dans la maison et qu‟on
remplissait avec des casseroles d‟eau chaude et des bouilloires brûlantes. C‟était comme ça qu‟on prenait
notre bain. Dans mon plus ancien souvenir, je me vois en train de faire caca assis sur le pot, en haut des
escaliers, et de crier « Fini ! ».
Dans le temps, la ville de Liverpool était très active. La Mersey occupait une position éminente, grâce à
tous les ferry-boats et les grands vapeurs arrivant d‟Amérique ou d‟Irlande. Il y avait des tas de bâtisses
anciennes et de monuments – légèrement crades mais vraiment beaux. Et, au milieu de toutes ces belles
constructions, de vastes zones bombardées qui n‟avaient pas encore été déblayées (même le jour de 1963
où j‟ai quitté Liverpool, il restait encore des tas de décombres). Quand on allait faire les courses, on voyait
toujours des foules de gens attroupés au bord d‟une de ces zones bombardées, en train de regarder un
type enchaîné et menotté essayant de sortir du sac dans lequel il était enfermé. Il y avait toujours des gens
qui faisaient ce genre de choses – le syndrome Houdini. On allait partout avec le tram et on prenait le
train souterrain pour traverser le Wirral. Le samedi, ma mère m‟emmenait faire les courses avec elle. Il y
avait dans de petits bâtiments anciens des cinémas d‟actualités qui passaient des dessins animés et les
Pathé Pictorial News. Il n‟y avait pas de longs métrages ; comme une séance durait environ cinquante
minutes, on pouvait faire les courses et, quand on était fatigué, aller prendre un café et aller au cinéma
d‟actualités avant de retourner faire du shopping.
J‟ai fait ma première communion à l‟âge de onze ans, mais j‟ai échappé à la suite parce qu‟on est parti
vivre à Speke. Je n‟aimais pas tellement l‟école. Je me rappelle être allé à la maternelle pendant un
moment. Ca ne me plaisait pas trop. Ensuite, je suis entré à l‟école primaire. Ca me plaisait mieux, parce
qu‟on faisait beaucoup de sport. On jouait au football et on déconnait. Comme j‟étais persuadé que je
courais très vite, j‟aimais jouer au foot. Tous les gosses se croient bons, mais en réalité ils sont nuls. John
était à Dovedale en même temps que moi. On était dans la même cour, mais je ne le connaissais pas. Sans
doute parce que j‟étais en première année et lui en dernière.
Quand on s‟est installé à Speke, j‟ai continué à aller à Dovedale. On vivait désormais au 25, Upton Green.
On avait construit là-bas de nouveau HLM avec des baignoires et des cuisines. On était à un jet de perre
de Widnes. J‟allais tout le temps à Oglet, sur l‟estuaire du fleuve. La mer se retirait très loin et le lit du
fleuve n‟était plus qu‟on océan de vase. Des gens escaladaient et dévalaient ça à moto. Je marchais des
heures le long des falaises de vase de la Mersey, et dans les champs et les bois. J‟aimais être dehors.
GEORGE HARRISON-11
Je me souviens de quelques moments pénibles, après notre arrivée à Speke. Il y avait des femmes dont les
maris se tiraient et d‟autres qui avaient des enfants toutes les dix minutes. Tous les hommes traînaillaient,
entraient dans les maisons, pour tirer un coup je suppose. Je me rappelle que ma mère a eu affaire à
quelqu‟un qui s‟était pointé devant chez nous en jurant et en pestant, pour je ne sais quelle raison. Elle a
pris un seau d‟eau, l‟a balancé depuis le seuil et a refermé la porte. Elle a dû faire cela une fois ou deux.
Des prêtres venaient quêter dans toutes les maisons du quartier. Nous, on n‟était pas particulièrement
mauvais, mais il y avait quelques familles vraiment moches dans le coin. Ils éteignaient toutes les lumières,
baissaient la radio et faisaient comme s‟ils n‟étaient pas là. Mon père gagnait dans les 10 livres par
semaine, alors cinq shillings, et c‟est ce qu‟il donnait, ça faisait beaucoup d‟argent pour lui. Je n‟ai jamais
vu de gens au chômage à cette époque. J‟étais probablement trop petit pour y faire attention. A partir de
cet instant, j‟ai évité l‟église ; mais chaque jeudi des mômes claironnaient la venue du prêtre. Ils passaient
dans toutes les rues et frappaient aux portes en criant : « Le prêtre arrive ! ». On faisait tous : « Oh,
merde ! » et on fonçait dans l‟escalier pour aller se cacher. Ma mère ouvrait la porte et le prêtre lui disait :
« Ah, bonjour, Mrs Harrison. C‟est un plaisir de vous revoir, vraiment, Jesus… ». Elle fourait deux demicouronnes dans sa petite main moite et il repartait construire une autre église, ou un autre pub.
J‟ai vécu une enfance heureuse, entouré d‟un tas de parents – parents et apparents. Je me réveillais
souvent pendant la nuit, je sortais de ma chambre pour aller regarder au bas de l‟escalier et je voyais
plein de gens en train de s‟amuser. Ce n‟était probablement que mes parents, avec un oncle ou deux
(j‟avais beaucoup d‟oncles au crâne chauve ; ils disaient que c‟était à force d‟ouvrir la porte des pubs à
coups de tête), mais j‟avais l‟impression qu‟ils faisaient la fête sans m‟avoir averti.
En ce temps-là, les radios ressemblaient à des postes à galène. Enfin, pas tout à fait : elles avaient des piles,
de drôles de piles avec de l‟acide dedans. Il fallait apporter la pile dans une boutique au coin de la rue et
l‟y laisser trois jours pour qu‟on la recharge. Je me rappelle avoir écouté les disques de mes parents
quand j‟étais enfant, tout le vieux répertoire du music-hall anglais. On avait un vieux disque intitulé
Shenanaggy Da : « Vieux Shenanaggy Da, joue de la guitare… », mais le trou était décentré et ça sonnait
bizarrement. Epatant. Je ne comprends pas les gens qui disent : « Je n‟aime que le rock‟n‟roll », ou « Je
n‟aime que le blues ». Même Eric Clapton dit qu‟il a été influencé par « The Runaway Train Went Over
The Hill ». Comme je l‟ai dit dans mon livre, I Me Mine, mes premiers souvenirs musicaux sont des choses
comme « One Meatball » par Josh White, ou les chansons de Hoagy Carmichael et de gens comme lui. Je
soutiens que même la musique merdique qu‟on haïssait, - la guimauve américaine de la fin des années 40
et du début des années 50, du genre « The Railroad Runs Through The Middle Of The House », ou la
britannique comme « I‟m A Pink Toothbrush, You‟re A Blue Toothbrush » -, même ces choses-là ont eu
une influence sur nous, qu‟on le veuille ou non. Tout ça est entré en moi de manière ou d‟une autre et peut
ressortir à tout moment. Ca s‟entend dans le côté comique de certaines de nos chansons, comme la partie
centrale de « Yellow Submarine » . Je pense que les Beatles ont eu la chance d‟être ouverts à toutes sortes
de musiques. On écoutait tout ce qui pouvait passer à la radio. C‟était l‟essentiel, à cette époque.
Quand il était marin, mon père avait acheté un gramophone à manivelle, à New York, et l‟avait rapporté
sur son bateau. Il avait aussi rapporté quelques disques d‟Amérique, parmi lesquels un disque de Jimmie
Rodgers, The Singing Brakeman. C‟était le chanteur préféré de Hank Williams, et le premier chanteur
country que j‟aie jamais entendu. Il avait des tas de chansons comme « Waiting For A Train ». C‟est elle
qui m‟a fait aimer la guitare. La première personne que j‟aie jamais vue jouer de la guitare a été Slim
Whitman, soit sur une photo dans un magazine, soit en direct à la télévision. A l‟évidence, le temps des
guitares était venu.
Je venais de quitter l‟école primaire de Dovedale et allait à la grande école, le Liverpool Institute, lorsque
j‟ai été hospitalisé. A l‟âge de douze ou treize ans, j‟ai eu des problèmes de reins.
J‟avais déjà rencontré Paul McCartney dans le bus, en revenant de l‟école. En ce temps-là, le bus n‟allait
pas jusqu‟au lotissement où je vivais, alors je devais descendre et marcher vingt minutes pour rentrer
chez moi. Paul vivait près de l‟endroit où les bus s‟arrêtaient, sur Western Avenue. C‟était tout près de
Halewood, où j‟allais jouer dans les champs. Il y avait des étangs remplis d‟épinoches. Aujourd‟hui, c‟est
une foutue usine Ford gigantesque, qui s‟étend sur des hectares.
GEORGE HARRISON-12
C‟est au moment où j‟entrais dans l‟adolescence que j‟ai entendu pour la première fois « I‟m In Love
Again » de Fats Domino. C‟est ce que j‟appellerais le premier disque de rock‟n‟roll que j‟aie écouté. Et
puis, bien entendu, « Heartbreak Hotel ». C‟est sorti de la radio de quelqu‟un un jour, et ça s‟est logé pour
toujours à l‟arrière de mon cerveau. Elvis, Little Richard et Buddy Holly nous ont énormément influencés
et, aujourd‟hui encore, leur musique reste mon type de rock‟n‟roll préféré. C‟était excitant pare que
c‟était la première fois qu‟on voyait une veste rose ou une chemise noire, une Fender Stratocaster ou
n‟importe quelle autre guitare électrique. Quand on a commencé à voir des artistes passer au Liverpool
Empire avec des amplificateurs, c‟est devenu incroyable. Quels que soient les disques qui passaient, on
essayait de les écouter parce qu‟il y avait très peu de tout. Le rationnement n‟était terminé que depuis
quelques années. On ne pouvait même pas obtenir une tasse de sucre, alors un disque de rock‟n‟roll… Un
jour, comme j‟avais un peu d‟argent et que je voulais « Rock Around The Clock », de Bill Haley, j‟ai
demandé à quelqu‟un de ma famille de l‟acheter pour moi. Je n‟en pouvais plus d‟attendre. La personne
est revenue à la maison et m‟a remis un disque en disant : « Il ne restait plus de Bill Haley, alors je t‟ai
acheté celui-ci ». C‟était les Deep River Boys. J‟ai pensé : « Oh, non ! Bordel de merde ». J‟étais
horriblement déçu. C‟est le premier disque que je n‟ai pas eu. La vie m‟a appris qu‟il ne faut pas décevoir
les gens qui comptent sur vous. J‟ai vu pas mal de spectacles, le meilleur de tous étant celui d‟Eddie
Cochran, en 1958. Il était accompagné par un groupe anglais. Je me souviens très bien d‟Eddie Cochran :
il portait son gilet en cuir noir, un pantalon en cuir noir et une chemise framboise. Il a commencé par
« What‟d I Say », et quand le rideau s‟est ouvert il jouait le riff en tournant le dos au public. J‟ai bien
observé ses doigts, pour voir comment il jouait. Il avait sa guitare Gretsch, celle qu‟on voit sur toutes les
photos, avec un pick-up Gibson noir et un vibrato Bigsby. C‟était la Chet Atkins 6120 orange, la même
que celle que j‟ai utilisée plus tard pour l‟émission de télé en hommage à Carl Perkins, avec le G gravé
dans le bois. Eddie jouait très bien de la guitare, et c‟est ce dont je me souviens le mieux. Il s‟est passé
ensuite un truc rigolo entre deux chansons. Il se tenait là, debout derrière le micro, et tout en parlant il a
passé ses mains dans ses cheveux, pour les rejeter en arrière. Une fille, une seule, a crié « Oh ! Eddie ! ».
Et lui, calmement a murmuré dans le micro : « Salut, chérie ». Je me suis dit : « Oui ! C‟est ça, le
rock‟n‟roll ! ».
La mode du skiffle a débuté quand j‟avais dans les treize ans. Lonnie Donnegan a eu beaucoup plus
d‟influence sur les groupes de rock‟n‟roll britanniques qu‟on a bien voulu l‟admettre. A la fin des années
50, il était à peu près le seul guitariste qu‟on pouvait voir. C‟était lui qui avait le plus de succès, il était le
plus médiatisé. Il avait une super voix, énormément d‟énergie et chantait de grandes chansons comme des
reprises très accrocheuses de Leadbelly et de gens comme ça. Tout le monde faisait donc partie d‟un
groupe de skiffle, et si la plupart ont vite disparu, ceux qui ont continué sont devenus les groupes de
rock‟n‟roll des années 60.
Quand j‟avais treize ou quatorze ans, j‟allais m‟asseoir au fond de la classe et j‟essayais de dessiner des
guitares ; des grosses comme des violoncelles, avec des ouïes en f, et des petites à corps massif, avec des
échancrures. Je ne pensais qu‟à ça. J‟ai même essayé d‟en fabriquer une, ce qui était plutôt gonflé. Ca a
dû me prendre des siècles. Et puis, quand j‟ai tendu les cordes, l‟ensemble est tombé en morceaux. De
frustration, j‟ai balancé le tout dans la remise et ne lui ai plus jamais adressé la parole. La Hofner
President est la première guitare correcte que j‟aie possédée. Elle avait de grandes ouïes inspirées des
grosses Super Gibson. Je restais assis des heures entières à jouer et à essayer de comprendre. Je jouais
tard dans la nuit. Je ne considérais pas ça comme de la pratique, plutôt comme de l‟apprentissage. C‟était
la seule chose que j‟aimais vraiment. Quand j‟achetais un nouveau jeu de cordes, je retirais toutes les
anciennes et astiquais la guitare ; je la nettoyais jusqu‟à ce qu‟elle soit absolument impeccable. Je me
rappelle avoir découvert les inversions, quand j‟ai appris tous les accords vers le bas du manche. J‟ai tout
à coup réalisé combien les cases se modifient à mesure qu‟on monte vers le haut du manche – tous les
mêmes accords inversés, de plus en plus haut. C‟était génial de résoudre tout ça par le travail. Et puis,
quand j‟ai été un peu plus âgé, quelqu‟un m‟a donné un album de Chet Atkins, et je me suis mis à essayer
d‟inventer des morceaux avec des accords différents. Dieu sait que j‟ai toujours tout fait par moi-même.
Quand j‟étais gosse, je m‟asseyais et je travaillais, mais je ne pouvais pas rester assis là toute ma vie ; je
n‟étais pas suffisamment motivé pour ça.
Ma première petite amie s‟appelait Iris Caldwell, la sœur de Rory Storm. Elle était mignonne et mettait
du coton hydrophile dans son soutien-gorge. J‟ai connu Rory avant de connaître les Beatles. J‟avais déjà
rencontré Iris une fois ou deux, et j‟allais traîner du côté de chez elle. Ils avaient une petite cave qu‟ils
essayaient de transformer en café-club. C‟était la grande mode, dans les années 50.
GEORGE HARRISON-13
Le vrai nom de Rory était Alan Caldwell. Ernie était leur père. C‟était une famille super, et ils se
montraient très gentils envers nous tous. Plus tard - après être revenus de Hambourg et alors qu‟on jouait
partout dans Liverpool et dans le nord de l‟Angleterre -, on allait traîner chez Rory quand on revenait en
ville après les concerts. Vi, sa mère, nous faisait du thé et des toasts à la chaîne. A ses heures perdues,
Ernie était portier à l‟hôpital local, le Board Green Hospital. Il chantait des chansons aux malades. On
avait déjà fait des disques et quitté Liverpool quand il est mort. Le plus triste de l‟histoire, c‟est qu‟après
la mort d‟Ernie, Vi et Rory se sont tous les deux suicidés. Plus tard, Iris a épousé Shane Fenton qui est
devenu Alvin Stardust.
Paul a quitté Speke pour aller vivre à Forthlin Road, à Allerton, tout près de Menlove Avenue où habitait
John. A ce moment-là, ayant réalisé qu‟il ne pouvait pas jouer de la trompette et chanter en même temps,
Paul avait décidé d‟avoir une guitare. On avait déjà commencé à jouer ensemble ; on se voyait à l‟école et,
quand il a déménagé, on a décidé de rester en contact. Il vivait suffisamment près pour que je puisse aller
le voir à vélo. Ca me prenait dans les vingt minutes. Il y avait au Liverpool Institute un type nommé Ivan
Vaughan qui vivait près de chez John et qui lui a présenté Paul. John s‟était déjà fait une réputation, il
était le personnage phare de son école et le savait. Je l‟ai rencontré un peu plus tard (je ne me rappelle
plus où), et ils m‟ont demandé de me joindre à leur groupe, les Quarry men. A cette époque, John était
aux beaux-arts. Je ne sais pas ce que j‟ai pensé du moment où je l‟ai rencontré pour la première fois ; je
me suis simplement dit qu‟il était OK. La mère de John lui avait appris quelques accords. Il avait une
guitare médiocre avec une petite bouche ronde. Elle n‟avait que quatre cordes. John ne savait même pas
que les guitares devaient avoir six cordes. Il jouait des accords de banjo, de gros accords prolongés. Je lui
ai demandé : « Tu fais quoi, là ? ». Il croyait que c‟était comme ça qu‟on jouait. Alors je lui ai appris
quelques accords corrects – mi et la, et tout ça –et l‟ai convaincu de mettre six cordes à sa guitare. Les
Quarry Men ayant d‟autres membres qui semblaient ne pas servir à grand chose, j‟ai dit : « débarassezvous d‟eux, et je viens ». Au bout d‟un moment, il n‟est plus resté que John, Paul et moi. Ca a fonctionné
comme ça pendant un petit moment. On a joué pour quelques mariages et quelques soirées. Comme au
mariage de mon frère Harry, complètement saouls. On a même joué une fois à la Cavern. C‟était encore
un club de jazz, et ils ont essayé de nous foutre dehors parce qu‟on faisait du rock‟n‟roll. On voyait très
souvent John, il venait fréquemment chez moi. Ma mère adorait la musique et elle était enchantée que je
m‟y intéresse aussi. C‟était elle qui m‟avait acheté ma guitare.
A cette époque, on se mettait de la vaseline dans les cheveux pour imiter la coiffure gominée et tirée en
arrière des rock‟n‟rollers. A l‟institut, on devait aussi porter une casquette et une cravate, ainsi qu‟un
écusson sur le blazer. Mon écusson n‟était pas cousu, il était maintenu par le capuchon du stylo qui était
dans la poche de ma veste, de sorte que je pouvais facilement l‟ôter, tout comme la cravate. Paul et moi on
se tirait de l‟école et on faisait tout notre possible pour ne pas avoir l‟air de lycéens. Le soir, on traînait
avec John. Les jours d‟école, on s‟esquivait à l‟heure du déjeuner, bien que cela ait été formellement
interdit sans une dispense spéciale du pape. Il fallait qu‟on fasse le mur, qu‟on tourne au coin de la rue et
qu‟on se débarrasse autant que possible de notre uniforme avant d‟aller aux beaux-arts (dont le bâtiment
était mitoyen au Liverpool Institute). On entrait et on fumait sans que quiconque ne nous engueule. John
était gentil avec nous, mais en même temps, on pouvait voir qu‟il était un poil crispé parce que j‟avais l‟air
un peu trop gamin, et Paul aussi. Je devais avoir quinze ans à l‟époque. La première fois que John m‟a
accordé un peu de respect c‟est quand je me suis entiché d‟une nana des beaux-arts. Elle était mignonne,
dans le genre Brigitte Bardot.
C‟est au cours d‟un engagement dans un club de Hayman‟s Green, à West Derby, que j‟ai entendu parler
d‟un club qu‟on était en train de construire au 8, Hayman‟s Green. On m‟a emmené là-bas, et j‟ai vu la
cave qui allait devenir le Casbah. C‟est là que j‟ai vu Pete Best pour la première fois. Ce n‟est que
quelques mois plus tard que je me suis souvenu de Pete et de sa batterie. Je lui ai demandé de se joindre à
nous et on a pu partir pour Hambourg. Paul et moi, on a connu Stuart Sutcliffe en allant aux beaux-arts.
Stuart était un type mince à l‟air artiste, qui portait des lunettes et une barbe à la Van Gogh, un bon
peintre. John aimait beaucoup Stuart en tant qu‟artiste. Manifestement, Stuart aimait John parce qu‟il
jouait de la guitare et était un grand méchant Ted. John avait un léger sentiment de supériorité vis-à-vis
de nous à cette époque ; mais Stuart ne nous a jamais snobé Paul et moi parce que nous n‟étions pas des
beaux-arts. Il a commencé à venir nous écouter jouer à des soirées et est devenu un de nos fans. Il nous
dénichait même quelques fêtes où on pouvait jouer tous les trois. La première fois que je suis allé à une
fête qui a duré toute la nuit, c‟était à une soirée des beaux-arts à Liverpool, dans une résidence
d‟étudiants.
GEORGE HARRISON-14
C‟était d‟ailleurs programmé pour ne finir qu‟au matin : il fallait apporter une bouteille de vin et un œuf
pour son petit-déjeuner. Alors on a apporté une bouteille de bibine bon marché, de chez Yate‟s Wine
Lodge, et mis nos œufs au frigo en arrivant. Ce qu‟il y avait de super dans cette soirée (et je suis sûr que
Paul et John seraient d‟accord), c‟est que quelqu‟un avait apporté un exemplaire du « What‟d I Say » de
Ray Charles, un 45 tours avec la seconde partie du morceau sur la face B. On a passé le disque toute la
nuit, probablement huit ou dix heures non-stop. C‟était un des meilleurs disques que je n‟avais jamais
entendus. Le lendemain, j‟ai vomi. Cynthia était là, et je me rappelle lui avoir dit d‟une vois d‟ivrogne :
« J‟aimerais bien avoir une chouette fille comme toi ».
J‟ai quitté l‟école et n‟ai rien fait pendant une éternité. Je n‟allais plus à l‟école depuis des mois, les
vacances d‟été étaient terminées, tout le monde était rentré et moi je n‟avais pas de boulot. J‟empruntais
de l‟argent à mon père. Je ne voulais pas me trouver un travail, je voulais faire partie du groupe. Mais
c‟est devenu quelque peu gênant quand mon père a commencé à me répéter : « Tu ne crois pas que tu
ferais mieux de trouver du boulot ? ». Je suis allé à la Bourse du travail où on m‟a dit « Va chez Blaker, la
boutique en ville. Ils cherchent un étalagiste ». Là-bas, le chef étalagiste m‟a dit : « Désolé, la place est
prise. Mais monte donc voir Mr Peet ». Mr Peet était le chef du service maintenance. Il m‟a offert un
boulot d‟apprenti électricien, exactement ce que mon père voulait que je sois. Moi, je voulais devenir
musicien. Même s‟il n‟y avait aucune raison pour cela, quand le groupe se réunissait, on avait tous
l‟étrange et optimiste impression qu‟on pourrait en faire une occupation à plein temps. Je ne sais pas
pourquoi, on était gonflés. On sentait que quelque chose de chouette allait nous arriver. En ce temps-là,
quelque chose de chouette signifiait faire une tournée des Mecca Ballrooms. C‟était le top ! Mon père qui
connaissait des gens au Liverpool Transport Club de Finch Lane, y a obtenu un engagement pour les
Quarry Men, un samedi soir. C‟était une salle de danse avec une scène, des tables et des gens qui
dansaient et buvaient. Mon père était fier et heureux de nous avoir obtenu ça. On devait faire deux sets.
On a joué quinze ou vingt minutes et puis, pendant la pause, on s‟est méchamment saoulés au Black
Velvet, la grande mode de l‟époque. Une bouteille de Guinness mélangée à une demi-pinte de cidre.
J‟avais seize ans, John en avait dix-huit, Paul, dix-sept, et on a dû descendre deux litres et demi. Quand le
moment est venu de remonter sur scène, on était complètement partis. On a fait honte à tout le monde, y
compris à nous-mêmes, et mon père a été furieux : « Vous m‟avez ridiculisé… », et tout ça.
En décembre 1959, on a auditionné pour Carrol Levis qui présentait l‟émission Discoveries à la télé. Je ne
pense pas que cette émission ait jamais découvert quiconque, et personne n‟y a jamais rien gagné. Les
candidats revenaient encore et encore et, pendant ce temps-là, lui vendait des billets aux gens pour qu‟ils
aillent voir des spectacles où les artistes n‟étaient pas payés. A la fin de l‟émission, l‟applaudimètre disait
qui avait gagné, et la semaine suivante, ça recommençait. On a ensuite joué à Manchester sous le nom de
Johnny and the Moondogs. C‟était à une époque où John n‟avait plus de guitare. Je crois que sa guitare
« garantie incassable » avait fini par se casser. On a joué « Think It Over » et John se tenait entre nous,
sans guitare, chantant les mains sur nos épaules. Paul et moi jouions de nos guitares – une pointée dans un
sens, l‟autre dans l‟autre – et faisions les chœurs. On s‟est trouvé vraiment bons mais, comme on devait
sauter dans le dernier train pour Liverpool, on n‟a pas pu rester pour voir ce qu‟en disait
l‟applaudimètre.
Piggies
Have you seen the little piggies crawling in the dirt ?
And for all the little piggies life is getting worse,
Always having dirt to play around in.
Have you seen the bigger piggies in their starched white shirts?
You will find the bigger piggies stirring up the dirt,
Always have clean shirts to play around in,
In their styes with all their backing they don‟t care what goes on around,
In their eyes there‟s something lacking,
What they need‟s a damn good whacking.
Everywhere there‟s lots of piggies living piggy lives,
You can see them out for dinner with their piggy wives,
Clutching forks and knives to eat their bacon.
Harrison
GEORGE HARRISON-15
Ringo Starr
Je suis né le 7 juillet 1940 au 9, Madryn Street, Liverpool 8.
Il y avait au bout du tunnel une lumière que je devais atteindre, je suis sorti comme ça et je suis né. Il y a
eu plein d‟exclamations. En fait, ma mère disait toujours ça parce que j‟étais né au moment où la Seconde
Guerre mondiale commençait. Je ne sais pas ce que ça signifiait vraiment, je n‟ai jamais compris, mais
c‟est ce qu‟elle disait tout le temps. Je pense que c‟était pour eux la seule façon de fêter l‟événement, mais
c‟est peut-être vrai – on ne sait jamais.
Je ne me souviens pas de la guerre et des bombardements, bien qu‟ils aient considérablement endommagé
Liverpool. Notre quartier a été durement touché. On devait tout le temps se cacher, on me l‟a raconté
depuis. On se cachait dans la cave à charbon (ça ressemblait plutôt au placard). Je me souviens de grands
espaces vides dans la rue, là où il y avait eu des maisons. Quand j‟ai été plus âgé, on allait jouer sur les
décombres et dans les abris antiaériens.
Mon tout premier souvenir, c‟est d‟avoir été poussé dans un landau. J‟étais de sortie avec ma mère, ma
grand-mère et mon grand-père. Je ne sais pas où on était, mais ça devait être à la campagne parce qu‟on a
été chargés par un bouc. Tout le monde était affolé, moi inclus. Les gens hurlaient et couraient dans tous
les sens parce que l‟animal nous chargeait. Je n‟arrive pas à croire que ça s‟est passé à Toxteth ou à
Dingle ! Des deux côtés de la famille, on a toujours été des gens simples et pauvres, des gens de la classe
ouvrière. La mère de ma mère était très pauvre. Elle avait eu quatorze enfants. Une rumeur prétend que
mon arrière-grand-mère était passablement givrée – elle avait fait mettre des barreaux en chrome tout
autour de sa maison. Ils brillaient beaucoup, en tout cas. Peut-être que je l‟ai inventé. Vous savez
comment ça se passe : on rêve à des choses, ou votre mère vous les raconte, et du coup on croit les avoir
réellement vues. Mon vrai nom est Parkin, et non Starkey. Mon grand-père s‟appelait Johnny Parkin.
Quand sa mère s‟est remariée, chose très mal vue à l‟époque, elle a épousé un Starkey et, du coup, mon
grand-père a lui aussi changé son nom en Starkey. Papa était boulanger. Je crois que c‟est comme ça que
mes parents se sont rencontrés. Il faisait des gâteaux, si bien qu‟on a toujours eu du sucre pendant la
guerre. Quand j‟avais trois ans, il en a eu marre et nous a quittés. J‟étais enfant unique, et je suis resté
seul avec ma mère jusqu‟à ce qu‟elle se remarie ; j‟avais treize ans. Je n‟ai pas vraiment de souvenirs de
mon père. Je ne l‟ai revu que cinq ou six fois peut-être après son départ, et je n‟ai pas vraiment cherché à
le revoir parce que ma mère m‟avait trop dit que c‟était un salaud. J‟étais fou de rage qu‟il soit parti. Et je
le suis devenu encore plus par la suite. On faisait avec, C‟est comme ça qu‟on était élevé. On a été la
dernière génération à laquelle on a dit « Faites avec ». On n‟exprimait pas trop ses sentiments. Pendant un
temps, maman n‟a pas fait grand-chose. Elle était malheureuse à cause du départ de mon père, mais elle a
fini par accepter des tas de petits boulots pour pouvoir me nourrir et m‟habiller. Elle a tout fait : elle a été
serveuse dans un bar, elle a nettoyé les escaliers, elle a travaillé dans un magasin d‟alimentation.
Au début, on vivait dans une immense maison avec trois chambres à coucher, un palais. C‟était trop
grand, et on ne pouvait plus se permettre ça maintenant que mon père avait cessé de faire vivre ma mère.
On était des prolétaires et, à Liverpool, quand le père de famille partait, on tombait aussitôt dans le sousprolétariat. On s‟est donc installé dans un endroit plus petit, avec deux chambres. (Les deux maisons
étaient louées – elles l‟étaient toujours). La maison avait été condamnée pour insalubrité dix ans avant
notre arrivée, mais on y a quand même vécu vingt ans. On est passé d‟une rue à la rue voisine, de Madryn
Street à Admiral Grove – les gens du quartier ne partaient jamais très loin. Je me souviens de la maison
d‟Admiral Grove, où il n‟y avait pas non plus de jardin. Il y avait des WC au fond de la cour, et on n‟a
jamais eu de salle de bains. Mais c‟était chez nous, et c‟était bon. On avait deux chambres à coucher : une
pour ma mère et une pour moi.
Mon père étant parti, j‟ai été élevé par mes grands-parents et par ma mère. C‟était étrange parce que ces
grands-parents étaient les parents de mon père et pas ceux de ma mère. Ils m‟aimaient beaucoup et
s‟occupaient de moi. Ils étaient super, Il m‟emmenaient en vacances.
RINGO STARR-16
Quand j‟étais malade, ma mère m‟enveloppait dans une couverture et m‟amenait chez ma grand-mère qui
me remettait sur pied. Elle avait deux remèdes qui servaient pour tout : un cataplasme au pain et un grog
bien chaud – j‟adorais ces grogs ! Mon grand-père avait son fauteuil à lui et s‟y asseyait tout le temps. Il
est resté assis dessus pendant toute la guerre. Il n‟est jamais allé s‟abriter nulle part, même quand les
briques de sa maison dégringolaient ; il restait assis là. Il me rapportait des bouts de métal à la maison
pour que je joue avec, des pignons et des roues provenant des docks. Il était chaudronnier et, un jour, il
m‟a fabriqué un train avec du vrai feu dans la locomotive. C‟est probablement le plus fabuleux jouet que
j‟aie jamais eu. On pouvait s‟asseoir dessus, il était assez grand. Quand mon grand-père est mort, ça a été
un des moments les plus pénibles de ma vie. J‟avais dix-neuf ou vingt ans. C‟est à ce moment-là que j‟ai
craqué. Je n‟avais pas réussi à pleurer avant qu‟on le mette en terre, mais là, tout est sorti.
Dans mes souvenirs, l‟école est une grande affaire. L‟école Saint-Silas. Je ne sais pas si je me souviens
vraiment de mon premier jour là-bas, ou si c‟est ma mère qui me l‟a trop souvent raconté. Je suis rentré
chez moi – on pouvait aller où on voulait à pied en ce temps-là, il n‟y avait pas de danger. Je suis revenu à
la maison et j‟ai dit : « On a des vacances ». Et j‟ai ajouté, à ma manière enfantine : « C‟est fini pour
aujourd‟hui, maman ». Elle m‟a cru, jusqu‟à ce qu‟elle voie par la fenêtre les autres enfants qui
retournaient à l‟école après le déjeuner et me dise : « Fiche-moi le camp d‟ici ». Je ne me rappelle pas
avoir jamais aimé l‟école. Je séchais toujours. En tout et pour tout, je n‟y suis allé que cinq ans.
A six ans et demi, j‟ai eu une grave péritonite. Mon appendice a éclaté, un vrai drame. On était tous à la
maison et il y avait quelques membres de la famille autour de moi quand je me suis mis à souffrir le
martyr. Quand on m‟a endormi pour l‟opération, on m‟a dit : « Il y a quelque chose qui te ferait
plaisir ? » J‟ai répondu : « Je peux avoir une tasse de thé ? » On m‟a dit : « Tu auras une tasse de thé dès
que tu sortiras de la salle d‟opération ». Je n‟ai eu ma tasse de thé que dix semaines plus tard, parce qu‟il
m‟a fallu tout ce temps pour revenir à moi. L‟hôpital est un endroit terriblement ennuyeux. Ca devient
votre univers quand vous y restez longtemps, et j‟y ai passé deux ans (la seconde année, c‟était quand
j‟avais treize ans). Brusquement, c‟est toute votre vie. Je n‟oublierai jamais la visite de mon père : Il se
tenait là, debout, avec un bloc-notes à la main parce que mon anniversaire approchait (j‟allais avoir sept
ans), et il m‟a demandé : « Que veux-tu fils ? » Et il écrivait tout sur le bloc-notes ! Je ne l‟ai plus revu
pendant des années – il ne m‟a pas apporté la moindre petite chose. Ca n‟a pas amélioré l‟opinion que
j‟avais de lui. Je suis resté à l‟hôpital pendant un an et ensuite, ça a été la convalescence, si bien que je ne
suis pas allé à l‟école pendant deux ans. On ne rattrapait pas son retard scolaire, à l‟époque. J‟ai été à la
traîne pendant une année au moins. Aucun instituteur ne m‟a jamais mis le bras autour des épaules pour
me dire : « Bon, je vais m‟occuper de toi, fiston ». J‟étais bloqué dans une classe, toujours dernier.
Dingle était un des quartiers les plus durs de Liverpool, et Toxteth a encore une sacrée réputation. C‟était
vraiment dur. Il y avait encore des gangs et des bagarres, de la fureur et des braquages, en ce temps-là.
Mais les enfants, les femmes et les gens âgés étaient chouettes. Personne n‟emmerdait ces trois catégories
de personnes. Liverpool était sombre et morne, mais pour un enfant, c‟était très amusant. Davy Patterson,
Brian Briscoe et moi : on était les trois mousquetaires, le Skull Gang et le Black Hand Gang – un petit
gang à trois. On faisait tout ensemble. On était des détectives, des cow-boys et on allait à la même école.
Ca a été mon univers jusqu‟à dix ou douze ans, et toutes ces zones bombardées étaient des paradis. On ne
pensait pas aux gens qui avaient subi les bombardements ; ce n‟était que des terrains de jeux.
Mon premier souvenir musical remonte à mes huit ans : Gene Autry chantant « South Of The Border ».
C‟est la première fois que j‟ai eu des frissons dans le dos, comme on dit. Ses trois compères chantaient
« Ai, ai, ai, ai », et ça été une vraie émotion. Depuis ce jour-là, Gene Autry est mon héros.
A douze ans, je suis rentré à la Dingle Vale Secondary Modern School, mais je n‟y suis pas beaucoup allé
non plus. Mon souvenir le plus marquant de Dingle Vale, c‟est d‟avoir dû acheter mes déjeuners, des
petits pains Hovis. On évidait le milieu et on le bourrait de frites. C‟était le meilleur repas possible, vu que
je détestais ceux de l‟école. Il y avait toujours plein de petites bagarres. Si on se bagarrait avec un môme et
qu‟on lui faisait mal, il y avait toujours un grand costaud qui attendait à la sortie de l‟école le lendemain
et, soit il vous cognait, soit il vous secouait ou vous flanquait la trouille en vous agrippant : « Ne t‟avise pas
de toucher encore une fois à notre Frank ». Au bout du compte, j‟étais toujours perdant.
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Harry, mon beau-père, est entré dans notre vie quand j‟avais onze ans. Il travaillait comme peintre et
décorateur à Burtonwood, une base de l‟armée américaine. Il me faisait rire, il m‟apportait des bandes
dessinées. Et il était génial question musique. Il m‟en faisait écouter sans jamais rien m‟imposer. Il
écoutait des big bands, du jazz et Sarah Vaughan, tandis que moi, j‟aimais des trucs idiots. Il disait « Tu
as entendu ça ? ». C‟était toujours son discours : « Tu as entendu ça ? ». C‟était vraiment un mec
adorable. Tous les enfants et tous les animaux l‟aimaient. Harry m‟a enseigné la gentillesse. J‟aimais
Harry, et ma mère l‟aimait aussi – et puis elle m‟a annoncé qu‟ils allaient se marier. Elle m‟a demandé :
« Qu‟en penses-tu ? ». J‟ai été très fâché pendant un moment parce que j‟avais treize ans. Mais je savais
que si je disais « non », elle ne se marierait pas. C‟était une situation très déplaisante pour un gosse. J‟ai
répondu : « Bien sûr, c‟est super ». Parce que c‟était un chic type.
A treize ans, j‟ai attrapé une pleurésie. Liverpool était un terrain propice à la tuberculose,
particulièrement là où je vivais. J‟étais souvent obligé de rester à la maison à cause de mes problèmes aux
poumons, et ça s‟est transformé en tuberculose. On m‟a mis en sanatorium pendant une année entière. La
deuxième fois que je suis allé à l‟hôpital, il y avait la sœur Clark et l‟infirmière Edgington. J‟avais treize
ou quatorze ans, l‟âge de puberté, et quand les infirmières nous embrassaient pour nous souhaiter bonne
nuit, ça nous échauffait pas mal. « Infirmière, vous m‟embrassez pour me souhaiter bonne nuit ? » - et
j‟avais droit au gros baiser de la plupart d‟entre elles. On avait deux salles séparées par une cloison : les
filles d‟un côté, et les garçons de l‟autre. Il y avait beaucoup de passion dans l‟air. La nuit, on se faufilait
jusqu‟à la salle des filles et on se pelotait à l‟aveuglette. Je suis resté là des heures à essayer d‟arriver à
toucher un nichon. J‟ai perdu ma virginité dans Sefton Park, à seize ans environ. C‟était très bizarre :
deux filles et un copain à moi sur la pelouse, derrière un parc d‟attractions ; il y avait la musique du parc
et Frankie Laine et des millions de gens autour – et ça y était : nous dans l‟herbe, et « Ghost Riders In The
Sky » ! C‟était vraiment très excitant. Et à cet âge, une fois qu‟on y a goûté, on veut continuer toute sa vie.
Ca m‟a longtemps obsédé.
J‟ai commencé à jouer de la batterie en 1954, à l‟hôpital. On nous donnait quelques cours d‟initiation
pour nous distraire. J‟étais dans l‟orchestre de l‟hôpital. J‟ai commencé à me servir de bobines de fil pour
cogner sur la table de nuit, près de mon lit. J‟étais alité pour dix mois. C‟est très long, alors on s‟occupe ;
c‟était ça et le tricot. C‟est là que j‟ai vraiment commencé à jouer. Je ne désirais rien d‟autre. Des
tambours, c‟était la seule chose que je voulais, et quand je suis sorti, j‟allais dans les magasins de musique
pour voir les tambours ; je ne regardais que ça. Je ne me suis jamais vraiment intéressé aux batteurs.
J‟adorais voir Gene Krupa au cinéma, mais je n‟allais pas acheter ses disques. Le seul disque de batterie
que j‟aie jamais acheté, c‟est le « Topsy Part Two » de Cozy Cole. J‟aime la musique country. Le skiffle
était en train d‟éclore, et j‟étais un grand fan de Johnnie Ray. Vers 1956, Frankie Laine était
probablement mon plus grand héros, et j‟aimais aussi Bill Haley. Je suis allé voir Rock And Roll (Rock
Around The Clock) sur l‟île de Man. Mes grands-parents m‟avaient emmené là-bas après ma sortie de
l‟hôpital. La séance était fabuleuse parce que les spectateurs ont mis le cinéma en pièces, et c‟était génial à
regarder. Je ne me suis pas joint à eux parce que j‟étais un enfant maladif, mais j‟ai été ravi qu‟ils le
fassent pour moi. Ma première batterie est arrivée vers cette époque-là. J‟ai acheté un tambour pour
trente shillings. C‟était une énorme grosse caisse à une seule face. Il y avait des tas et des tas de fêtes en ce
temps-là. Tel oncle jouait du banjo ou de l‟harmonica, mes grands-parents jouaient de la mandoline et du
banjo ; il y avait toujours quelqu‟un qui jouait d‟un instrument. Et moi, je cognais sur ma grosse caisse
avec deux bouts de bois, ce qui les rendait fous : mais comme j‟étais un enfant, ils me laissaient faire. Ils
disaient : « Ah, ouais » et me viraient de la pièce. Chacun avait son moment de gloire dans une fête à
Liverpool. Il fallait chanter une chanson ! Ma mère, c‟était « Little Drummer Boy ». Elle me la chantait, et
moi je lui chantais « Nobody‟s Child », et elle se mettait à pleurer. « Je ne suis l‟enfant de personne,
maman ». Elle sanglotait : « Oh, ne dis pas ça ! ». Ils adoraient tous aussi « Climb Upon My Knee ».
Je ne suis jamais retourné à l‟école après mes treize ans. Un jour, j‟ai dû aller chercher mes papiers de
sortie pour avoir droit au chômage jusqu‟à ce qu‟on me trouve un travail. Je suis arrivé à l‟école et j‟ai
dit : « Excusez-moi, pourrais-je avoir un papier attestant que j‟ai bien quinze ans et que j‟ai été élève dans
cette école ? ». Ils ont fouillé dans tous leurs dossiers, vraiment tous, et m‟on dit : « Tu n‟as jamais été
inscrit dans cette école ». J‟ai répondu : « Je vous jure que si ». Ils ont fini par me trouver, mais le fait est
qu‟ils n‟avaient aucun souvenir de mon passage. Et puis, sept ou huit ans plus tard, quand les Beatles ont
eu du succès, ils ont mis « mon » pupitre dans le jardin le jour de la fête de l‟école et ont fait payer les gens
qui voulaient s‟y asseoir. Comme s‟ils avaient été capables de distinguer mon pupitre d‟un autre!
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Au pub, mon beau-père connaissait quelqu‟un qui avait entendu parler d‟un emploi dans une boîte
appelée H. Hunt & Son. J‟y suis entré pour devenir menuisier, mais on m‟a mis sur le vélo de livraison
pendant à peu près six semaines. J‟en ai eu marre et je suis allé me plaindre : « Allez, quoi ! Je suis là pour
être menuisier, pas cycliste ». Le type m‟a répondu : « Ben, on n‟a pas de place de menuisier, tu aimerais
devenir mécanicien ? ». Et je suis donc devenu apprenti mécanicien, suivant les cours une fois par semaine
et bossant avec les gars le reste du temps. C‟est à cet endroit – mon dernier boulot convenable – que j‟ai
rencontré Roy Trafford. On est devenu très bons amis et on l‟est toujours, bien qu‟on ne se voie plus
beaucoup. J‟aime toujours beaucoup ce mec. Lui et moi, on allait au pub (j‟ai été initié très jeune au pub,
à seize ans) et puis à la Cavern. A la Cavern, on demandait un ticket de sortie, on allait au pub, et puis on
retournait à la Cavern et on se roulait par terre ! Roy et moi aimions le même genre de musique, on
adorait le rock‟n‟roll.
A Liverpool, on vivait près des quais, et chaque quartier avait sa propre bande. C‟était comme à New
York ou à Hambourg. Ca a dû être difficile pour John, Paul et George, parce qu‟ils n‟ont jamais fait
partie d‟une bande. Aucun d‟eux n‟était vraiment un Teddy Boy. J‟avais un costume de Teddy Boy. Mon
cousin qui naviguait – on en revient toujours aux marins – me donnait ses vieux habits, et il était Teddy
Boy. J‟avais donc une longue veste avec des pantalons collants et des chaussures à semelles de crêpe.
Comme il était beaucoup plus grand que moi, je serrais mon pantalon avec un lourd ceinturon, auquel je
fixais des rondelles de métal. J‟ai commencé à m‟habiller comme ça quand j‟ai eu seize ans. On habitait
dans un quartier à bagarres. Je n‟étais pas un grand bagarreur, mais j‟étais un bon sprinter - et je le suis
toujours – parce que, quand on est seul et brusquement confronté à cinq mecs, on apprend vite à courir. Il
n‟y avait même pas de discussion, c‟était : « Toi ! Viens ici ! » - boum, boum. Je n‟ai jamais poignardé ni
tué personne, mais je me suis fait cogner plus d‟une fois, la plupart du temps par les gens avec qui j‟étais.
C‟est la terrible condition de la bande : si on ne peut pas se battre avec des étrangers, on devient dingue et
on commence à se battre entre mecs de la bande, comme des chiens fous. C‟était plutôt vicelard. J‟ai vu
des gens perdre leurs yeux. J‟ai vu des gens poignardés. J‟ai vu des gens frappés à coup de marteau. Roy
et moi, on voulait être musiciens et on a peu à peu abandonné la vie en bande. La musique avait pris
possession de moi et je suis parti. J‟avais dix-neuf ans quand je me suis finalement sorti de tout ça, Dieu
soit loué.
Depuis 1957, c‟était la folie du skiffle. En Angleterre, on avait le groupe de skiffle Lonnie Donegan and the
Vipers. A la Cavern, en ce temps-là, on jouait du jazz traditionnel et du skiffle (et c‟est pour ça qu‟on a
commencé à jouer du skiffle). Eddie Miles, Roy et moi, on a monté un groupe ensemble, le premier groupe
auquel j‟ai appartenu – le Eddie Clayton Skiffle Group. A l‟occasion d‟un deuil dans sa famille, Harry
était allé à Romford et y avait vu une batterie à vendre pour douze livres. Toute ma famille s‟est cotisée, et
il a rapporté la batterie à Liverpool. On me l‟a offerte pour Noël. Jusque-là, j‟avais joué à la maison – sur
un truc que j‟avais bricolé avec des boîtes à biscuits en fer blanc et des morceaux de bois de chauffage. Ce
nouveau kit était extraordinaire. Ce n‟était plus un tambour, mais une batterie : une caisse claire, une
grosse caisse, un charleston, un tom médium, une cymbale et une pédale de grosse caisse (je n‟avais plus à
cogner dessus avec le pied). On n‟avait aucun sens de la mesure, même si Eddie était un grand
instrumentiste, un de ces types qui, quel que soit l‟instrument qu‟on leur donne, savent en jouer. Il était
très « musique ». Quand quelqu‟un qu‟on connaissait se mariait, on allait chercher le matériel et on jouait
quelques heures. Je suis devenu semi-professionnel : j‟étais mécanicien pendant la journée et je jouais de
la batterie la nuit. J‟allais jouer dans des soirées dansantes dans d‟autres quartiers de Liverpool, avec
Eddie Clayton ou d‟autres groupes, et plus tard avec Rory. On jouait, et les filles regardaient toujours les
musiciens, ce qui rendait les autres gars furieux. Ma carrière a commencé là. Ensuite, je suis passé dans
différents groupes de Liverpool : le Darktown Skiffle Group – c‟était le plus connu à l‟époque -, puis il y a
eu Rory Storm, puis Tony Sheridan et enfin les Beatles. Je trouvais Rory Storm and the Hurricanes
géniaux. Ils ont été les premiers à Liverpool à vouloir vraiment faire du rock‟n‟roll. On jouait tous du
skiffle avant ça, mais eux, ils avaient une attitude rock‟n‟roll avec leurs cheveux blonds – Rory aimait être
le patron, Monsieur Rock‟n‟roll, et Johnny « Guitar » Byrne était le Jimi Hendrix de Liverpool. A
Liverpool, la Cavern était l‟endroit où il fallait passer. Ca hurlait pas mal, là-dedans. Quand j‟ai joué làbas avec Rory, on s‟est fait virer. On était censé être un groupe de skiffle, mais Johnny Guitar avait
apporté une radio et il a branché sa guitare dessus pour la transformer en électrique. Du coup, on était un
peu plus rock‟n‟roll. On s‟est fait jeter parce qu‟on était des traîtres : « Arrêtez cette saleté de bruit ! ».
RINGO STARR-19
Je me souviens d‟une nuit pathétique où le reste du groupe m‟avait aidé à charger ma batterie dans le bus.
Je suis descendu à mon arrêt, qui était à huit cents mètres de la maison, alors que je me coltinais quatre
étuis. J‟ai dû courir une vingtaine de mètres avec deux étuis, tout en gardant un œil sur les deux autres qui
étaient restés derrière, et puis je suis retourné les chercher et ai couru une quarantaine de mètres avec
ceux-là ; je les ai posés et je suis retourné sur mes pas, et ainsi de suite. C‟était absolument consternant, et
la seule chose à laquelle je pensais, c‟était : « Merde, il me faut une voiture ». Johnny Hutch, un autre
batteur, fabriquait des voitures à partir de pièces détachées, et grâce à lui, j‟ai eu une Standard Vanguard.
J‟adorais cette voiture. Elle m‟a valu un paquet d‟ennuis : les pneus crevaient tout le temps, la seconde ne
passait pas, mais j‟étais fier de cette auto. Elle était peinte à la main, en rouge et blanc, comme une grosse
bagnole de marchand de glaces. « Peinte à la main » voulait simplement dire qu‟on n‟avait pas pu la
peindre au pistolet, mais je disais tout le temps : « Oh, elle est peinte à la main, vous savez ».
J‟ai toujours cru que je jouerais de la batterie. C‟était mon rêve, même si au cours de ma vie, il m‟est
arrivé de l‟oublier et de laisser certaines substances le remplacer. Un après-midi, très peu de temps avant
d‟aller à Butlins, on est descendu au Jacaranda Club de Liverpool. La nuit, il y avait trois types en train
de déconner avec leurs guitares. Je ne les connaissais pas. C‟était John et Paul en train d‟apprendre à
Stuart Sutcliffe à jouer de la basse. On était des professionnels et eux étaient les gamins, les artistes
crevant la dalle. Ils ne représentaient rien pour moi. Ils ne représentaient rien à l‟époque, ils n‟étaient
qu‟un groupe de paumés. On était prêt pour Butlins. On avait les costumes et les chaussures qui allaient
avec – chaussures blanches et noires, costumes rouges, cravates rouges et pochettes -, on était les rois du
monde. C‟est grâce à ces costumes assortis que Rory Storm et les Hurricanes ont été le plus grand groupe
de Liverpool pendant un temps. Plus tard, Brian Epstein a fait la même chose avec les Beatles. On est
parti trois mois à Butlins, et c‟était fabuleux. Quand on est arrivé là-bas, on a tous pris de nouveaux noms.
C‟est à ce moment-là que Johnny Guitar a choisi le sien. Quant au mien, il vient de ce que, à Liverpool je
portais encore un tas de bagues, et que les gens disaient : « Hé, Rings ! ». Mon nom était Richard, donc
Ritchie… et puis Rings. Quand on a changé nos noms, je me suis baptisé Ringo. Je devais être Ringo
Starkey, mais comme ça ne sonnait pas terrible, j‟ai coupé le nom en deux et ajouté un « R ». Je l‟ai fait
inscrire sur ma grosse caisse, et c‟est comme ça depuis. A l‟étranger, j‟y suis allé en 1962 avec Rory et les
Hurricanes, quand on a joué dans des bases américaines en France. Mais il nous fallait une chanteuse
parce que, à l‟armée, ça ne les intéressait pas du tout de reluquer des mecs. On a donc dégoté une blonde à
Liverpool (je n‟arrive pas à me rappeler son nom), et on est allé là-bas faire la tournée de toutes ces bases
au milieu de nulle part.
J‟ai fait mon apprentissage avec Rory – on était de vrais professionnels. On partait jouer loin de Liverpool
et on revenait. Voilà ce que je faisais pendant que John, Paul et Georges en étaient encore à se mettre
ensemble. Ca marchait si fort que lorsque la première proposition pour Hambourg est arrivée, on l‟a
refusée. Mais à l‟automne 1960, on a fini par aller jouer en Allemagne, et c‟est là que j‟ai rencontré les
Beatles. Qu‟est-ce qui avait bien pu arriver à ces mecs ?
Octopus‟s Garden
I‟d like to be under the sea in an octopus‟s garden in the shade,
He‟d let us in, knows where we‟ve been, in his octopus‟s garden in the shade.
I‟d ask my friends to come and see an octopus‟s garden with me.
I‟d like to be under the sea in an octopus‟s garden in the shade.
We would be warm below the storm in our little hide-a-way beneath the waves.
Resting our head on the sea bed in an octopus‟s garden near a cave.
We would sing and dance around because we know we can‟t be found.
I‟d like to be under the sea in an octopus‟s garden in the shade.
We would shout and swim about the coral that lies beneath the waves.
Oh, what joy for every girl and boy knowing they‟re happy and they‟re safe.
We would be so happy, you and me, no-one there to tell us what to do,
I‟d like to be under the sea in an octopus‟s garden with you.
Starkey
RINGO STARR-20

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