Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs
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Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs
COUV_CR-INC_SR.qxd 7/03/08 11:49 Page 1 LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA SÉCURITÉ DES CONSOMMATEURS Actes du colloque organisé le 29 novembre 2007 par la Commission de la sécurité des consommateurs, l'Institut national de la consommation et Macif Prévention INC document Institut national de la consommation 80, rue Lecourbe – 75732 Paris cedex 15 www.conso.net INC document INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 1 Sommaire Page 3 Ouverture du colloque • Luc Machard, président de la Commission de la sécurité des consommateurs Page 4 Première table ronde Pour une épidémiologie des accidents de la vie courante • Catherine Sztal-Kutas, directrice du Centre européen de prévention des risques • Gérard Goualc’h, directeur de Macif Prévention • Michel Dépinoy, directeur de la stratégie de l’Institut de veille sanitaire Page 9 Deuxième table ronde Pour une meilleure information des consommateurs, de tous les consommateurs • Reine-Claude Mader, présidente de l’association Consommation, logement et cadre de vie • Luc Machard, président de la Commission de la sécurité des consommateurs • Camille Barbier, directeur Agréments Fagor-Brandt Page 14 Troisième table ronde Sécurité des produits et des services : la nouvelle donne d’Internet • Francis Amand, chef de service à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes • Marc-Antoine Jamet, président de l’Union des fabricants • Christian Huard, secrétaire général de l’Association de défense, d’éducation et d’information du consommateur, président de ConsoFrance Page 19 Quatrième table ronde Nouveaux comportements des consommateurs, nouveaux risques : l’exemple des sports et loisirs • Claudie Sagnac, sous-directrice chargée du secteur de la protection du public, direction des sports, ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports • Françoise Got, présidente de la Fédération française EPMM Sports pour tous • Patrick Mignon, sociologue du sport, Institut national du sport et de l’éducation physique Page 24 Cinquième table ronde Bien communiquer sur les risques de la vie quotidienne • Philippe Lamoureux, directeur général de l’Institut national pour la prévention et l’éducation à la santé • Éric Briat, directeur général de l’Institut national de la consommation • Roland Delabre, administrateur national de l’Union fédérale des consommateurs-Que Choisir Page 30 Clôture • Luc Chatel, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi, chargé de la consommation et du tourisme Page 33 Synthèse des travaux de la journée • José Cerqueira, président de Macif Prévention • Luc Machard, président de la Commission de la sécurité des consommateurs • Éric Briat, directeur général de l’Institut national de la consommation INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs 1 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 3 ouverturecolloque Luc Machard, président de la Commission de la sécurié des consommateurs (CSC) Personne ne peut se résoudre à accepter l’hécatombe actuelle des accidents de la vie courante (AcVC) et à laisser perdurer la situation : 11 millions d’accidents sont dénombrés chaque année, qui se traduisent par 19 000 décès et 4,5 millions de blessés. Le présent colloque se situe résolument dans une logique d’engagement. La lettre spéciale émanant de la CSC témoigne des suites envisagées à la suite de cette manifestation. Il s’agit dans un premier temps d’établir un état des lieux et d’activer la prise de conscience, avant la mise en place au printemps 2008, d’un forum de la sécurité, celui des acteurs de terrain et des acteurs institutionnels. Ce forum aura pour objectif de recenser ce qui est fait en la matière et la manière dont cela est fait, de faire émerger les bonnes pratiques et mettre en avant les actions mises en œuvre dans le domaine des AcVC. Il fera l’objet d’une synthèse dans un livre blanc remis aux ministres concernés ainsi qu’aux participants à la deuxième Conférence européenne de la sécurité les 9 et 10 octobre 2008 à Paris, sous présidence française. Cette succession de manifestations servira de levier pour relancer une politique de prévention des AcVC au plus près des consommateurs et des citoyens. Elle pourrait se traduire, par exemple, par un plan national de lutte contre les AcVC, assorti d’objectifs ambitieux, associant tous les acteurs, tant ceux du terrain que les acteurs nationaux et institutionnels. Cela pourrait être également l’occasion de déclarer « cause nationale » les AcVC. Aujourd’hui, il s’agit de l’installation du début d’une succession d’événements, destinée à réunir et motiver tous les acteurs pour lutter contre ce fléau. Luc Machard tient à souligner le fort niveau d’investissement de tous les organisateurs de cette journée, l’efficacité du partenariat et la relation chaleureuse et sympathique qui s’est installée autour de la collaboration INC/Macif Prévention. Il remercie tout particulièrement dans ce cadre Armelle Madelaine, Jean-Pierre Loisel et Anne-Juliette Reissier de l’INC, toute l’équipe de Macif Prévention : Delphine Philips, Sylvie Vanneste, ainsi que la CSC et ses conseillers, Florence Weill et Guy Le Goff. INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs 37 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 4 premièretable ronde • Catherine Sztal-Kutas, directrice de Calyxis/Centre européen de prévention des risques • Gérard Goualc’h, directeur de Macif Prévention • Michel Dépinoy, directeur de la stratégie de l’Institut de veille sanitaire (InVS) Modérateur : Luc Machard, président de la Commission de la sécurité des consommateurs (CSC) Luc Machard mentionne, en tant que président de la CSC, les difficultés rencontrées pour évaluer les risques, perçus comme diffus et ayant des causes et des conséquences multiples. En dépit de la qualité des enquêtes délivrées par l’InVS, il constate notamment la difficulté à disposer de données chiffrées sur les « petits risques », c’est-à-dire ceux qui pourraient donner lieu à des avis et des recommandations pour lutter contre les accidents. Actuellement, la CSC opère par la collecte de données indicatives, partielles, disparates et tendancielles, ne reposant pas sur une méthodologie de travail homogène et systématique, et les résultats qui en sont issus sont fondés sur des extrapolations. Cette approche ne permet pas d’être suffisamment précis sur l’accidentologie des AcVC. Pour exemple, le recueil des données portant sur les accidents liés au port de bagues (un doigt arraché par jour !) est issu des centres de chirurgie de la main. De la même façon, pour la défenestration, la CSC collecte des études sur un nombre de régions limité, non exhaustif de l’ensemble du territoire. Pour l’instruction d’un avis sur l’alcool à brûler, ce sont les centres de grands brûlés qui sont interrogés. Dans les accidents de montagne, l’association Médecins de montagne et le Service national d’observation de la sécurité en montagne le sont également, mais ils n’ont pas la même manière de décompter les blessés ou les interventions, etc. Face à ce constat d’hétérogénéité, Luc Machard exprime le besoin de disposer d’une épidémiologie plus systématique des petits risques, autour d’une typologie intégrant des données sur les comportements des consommateurs observés au moment de l’accident, la manière dont le produit ou le service est impliqué et les circonstances de l’accident. Ce n’est véritablement qu’à ce titre qu’une politique de prévention, plus ciblée et plus précise, pourra se développer. 4 Dans cette logique, il s’interroge sur les mesures qui pourraient être prises pour combler les lacunes de l’épidémiologie ainsi que sur les données dont les responsables auraient besoin pour assurer leurs missions et mettre en place une meilleure prévention. Michel Dépinoy, directeur de la stratégie de l’InVS, rappelle que les AcVC sont un problème majeur et souvent sous-estimé. Ils représentent actuellement la troisième cause de décès en France. Si l’on dispose aujourd’hui de données sur les causes de mortalité, de morbidité, les motifs de recours aux soins en établissements de santé, il n’en reste pas moins vrai que les circonstances dans lesquelles les accidents surviennent, les facteurs qui en sont à l’origine, en particulier les facteurs comportementaux liés à la prise de risques sont nombreux, multiples et relativement mal connus. Ils peuvent relever de l’inattention, de l’imprudence, voire d’une volonté de prise de risques pour s’affirmer, au travers du sport par exemple. L’important déficit de connaissances pour apprécier qualitativement les circonstances et les multiples facteurs liés à l’accident est à prendre sérieusement en compte, afin de dégager des axes d’actions contribuant à la prévention dans ce domaine. Si les informations disponibles sont nombreuses dans certains secteurs spécifiques tels que les accidents de la circulation sur la voie publique ou les accidents dans le milieu du travail, en raison notamment des investigations qui sont menées pour identifier des responsabilités, elles n’existent pas systématiquement dans les AcVC. La connaissance reste circonscrite à l’univers de la sphère privée dans laquelle l’intrusion d’organismes publics pour mieux comprendre et apprécier les circonstances de l’accident n’est pas une démarche facile à mener car renvoyant sur le terrain de la culpabilité des personnes et leur entourage direct. Catherine Sztal-Kutas, directrice de Calyxis/Centre européen de prévention des risques, souligne que l’approche adoptée repose sur la recherche de INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 5 POUR UNE ÉPIDÉMIOLOGIE DES ACCIDENTS DE LA VIE COURANTE complémentarité des informations avec celles de l’InVS quant à l’aspect qualitatif et circonstancié des AcVC. Au travers des trois mutuelles d’assurances membres partenaires et fondateurs de Calyxis/Centre européen de prévention des risques (Macif, Maaf et Maif ), l’analyse du contenu des dossiers de sinistre des clients permet d’enrichir et de compléter les données issues de l’Enquête permanente sur les accidents de la vie courante (Epac). Gérard Goualc’h, directeur de Macif Prévention, rappelle que la Macif développe depuis vingt années de nombreuses actions dans le domaine de la sécurité routière, le nombre d’accidents de la route étant à la fin des années 1980 très important. Aujourd’hui, celui-ci ayant diminué (moins de 5 000 décès par an), contrairement aux AcVC (de l’ordre de 20 000 décès), il a été décidé, lors de la réorganisation de la prévention, d’élargir le champ de la prévention aux risques de la famille, c’est-à-dire de la route mais aussi des AcVC et de la santé, où la Macif a aujourd’hui toute légitimité. La Macif ambitionne de devenir un acteur de référence dans ce créneau en raison de sa place de premier assureur de la famille en France, avec 4,7 millions de sociétaires. Pour être plus efficace, la prévention doit être ciblée et reposer sur des éléments de connaissance bien renseignés sur les conditions de survenue des accidents, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. C’est pourquoi la Macif a initié, il y a quatre ans, une démarche pour réaliser avec Calyxis un observatoire statistique des AcVC. Parallèlement, elle a mis au point un autre outil de connaissance, l’observatoire de la prévention de la Macif, afin, cette fois, de mieux comprendre les représentations, attitudes et comportements des Français face aux AcVC. Un premier enseignement de cet observatoire, qui en est à sa quatrième édition, est de montrer la très insuffisante présence à l’esprit de ce type de risques en regard de la sécurité routière ou de la santé. Depuis cette année, l’assureur dispose d’observations régionalisées selon les onze régions Macif. Ces études ont déjà permis de réajuster les politiques sur le terrain. Mais elles restent encore largement insuffisantes au regard des enjeux. Le problème de l’épidémiologie est le problème premier de la prévention des AcVC qui nécessite, à l’évidence, un large rassemblement de compétences et de moyens. Luc Machard s’interroge sur les moyens et la nature des éléments à mettre en place en matière statistique ainsi que sur le système d’information de l’InVS pour extraire des données permettant de répondre à la problématique des « petits risques ». Il constate également que le laboratoire d’analyse des AcVC annoncé par le Premier ministre en 2004 n’a pas vu le jour. Quelles sont, par ailleurs les complémentarités à instaurer avec l’InVS ? Quels sont les exemples d’AcVC à retenir pour mieux assurer la prévention et mieux prévenir les risques encourus par les consommateurs ? Pour Michel Dépinoy, disposer de plus d’informations ne signifie pas nécessairement avoir plus d’efficacité pour prévenir ces accidents. Nous avons besoin aujourd’hui d’informations de nature plus qualitative que quantitative. Cela suppose la mise en place d’une méthodologie de travail spécifique. Il ne s’agit pas tant de disposer de monographies de chacun des accidents mais plutôt de chercher à identifier les risques communs, les facteurs de risque communs à toutes les situations étudiées, permettant par la suite de construire une action collective, sous la forme de programmes de prévention. Les campagnes nationales, utilisant différents supports médiatiques, n’ont d’intérêt que pour interpeller l’opinion publique vis-à-vis d’un problème de santé publique. Elles n’ont qu’un effet relativement limité sur les changements de comportement. Il n’est pas envisageable de faire l’économie de programmes d’actions de proximité, régionaux et locaux, avec des acteurs spécifiques pour mener un vrai travail d’information et d’éducation. Des expériences sur la prévention ont été conduites conjointement par l’Inpes et un organisme canadien auprès d’une cible de jeunes enfants, en identifiant tout d’abord les risques d’accident, en mettant à disposition des familles des équipements de base pour les éviter, et en y associant un accompagnement par une puéricultrice de façon à ce que les parents appréhendent euxmêmes le risque environnemental et prennent les mesures de prévention nécessaires. INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs 5 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 6 premièretable ronde Cette approche sous-entend la mise au point d’une méthode appuyée sur la connaissance des risques, sur un programme ayant une pérennité dans le temps et sur des personnes qui prennent le temps de la rencontre avec les familles en adaptant leurs propos en fonction des spécificités de chacune d’entre elles. La connaissance n’a donc d’intérêt véritable que s’il y a interaction entre les acteurs et les épidémiologistes qui recueilleront les informations sur des collectifs avec des outils adaptés en fonction de la nature de la question posée. L’InVS a la volonté de mettre en place des actions dans ce sens mais ses ressources étant limitées, il n’a pas la capacité de mener à bien seul toutes les études souhaitées. Dans cette logique, le partenariat et la collaboration entre les différents acteurs s’avèrent indispensables, d’autant plus qu’il est également nécessaire de s’appuyer sur différents savoir-faire, d’avoir une approche pluridisciplinaire associant ergonomes, ingénieurs sécurité, psychologues, chercheurs, etc., afin que les connaissances partielles de chacun puissent se mutualiser. L’expérience acquise lors d’un accident doit permettre, par une modification de l’environnement ou une meilleure information, par exemple de réduire un type de risque et faire en sorte que nous ne soyons pas dans une forme de déni, qui renvoie au destin, au hasard et à l’inévitable la survenue de tels accidents. Catherine Sztal-Kutas répond que l’idée repose sur un travail de complémentarité et la mise en œuvre d’une convention de partenariat avec l’InVS, afin qu’il puisse conduire ses propres études. 6 Ce suivi de la base de données demande un travail important que Calyxis/Centre européen de prévention des risques s’est engagé à réaliser. Un conseil scientifique encadre cette action, auquel participent des personnalités de l’InVS mais également des personnes dotées de compétences transversales (comportementalistes, sciences humaines, sciences fondamentales, médecins, etc.). Chacun, à son niveau, apporte au conseil scientifique des éléments de nature à ajouter de la pertinence et de la richesse à l’outil. Les données sont collectées en continu. L’engagement a été pris de conduire des études longitudinales sur des sujets précis, au niveau régional ou au niveau d’un type spécifique de risque ou de population. Cette façon de procéder laisse espérer, au travers de l’observatoire mis en place, l’obtention de résultats sur les niches pour lesquelles l’InVS n’est pas en capacité de répondre actuellement. Gérard Goualc’h précise, sur la base du constat du déficit de conscience des risques, la nécessité de mettre en place des campagnes nationales de grande envergure. Ainsi, en 2005 et 2006, avec la Maif, la Macif a organisé deux grandes expositions (train exposition) tentant de recenser les accidents domestiques en les scénarisant. Vingt mille personnes ont été sensibilisées à l’opération la première année, et 18 000 la seconde. Le public concerné par les AcVC est les enfants de 0 à 16 ans, avec plus de la moitié des accidents. Aussi un simulateur des AcVC a-t-il été créé : il s’agit d’un casque avec deux écrans où l’enfant peut se déplacer dans la scène. Cela a été programmé dans les écoles, les centres de loisirs, auprès de publics d’adultes déficients mentaux ou de réfugiés politiques. Il s’agit aussi d’une complémentarité sur le fond. Il y a en effet besoin de qualitatif, d’aller au plus près des individus et des familles, et ce, au niveau régional. Calyxis/Centre européen de prévention des risques dispose d’une base de données très riche, renseignée de 60 000 informations individuelles par an, fortement alimentée en rapports circonstanciés. L’action la plus réussie a été celle conduite il y a peu de temps à l’hôpital Trousseau de Paris (hôpital pour enfants). Des rencontres ont eu lieu avec le corps médical et l’école de l’hôpital. Plusieurs dizaines d’enfants ont ainsi pu être sensibilisés à la problématique des AcVC. La Macif a été précurseur sur la faisabilité de l’observatoire installé depuis cinq ans, mais la Maif et la Maaf, autres mutuelles d’assurance des familles, ont rapidement rejoint Calyxis. Cela justifie d’ailleurs les 60 000 données par an, en continu, dont un grand nombre sont relatives aux petits accidents, tous déclarés à l’assureur, premier interlocuteur de l’accidenté. Il manque néanmoins à ce jour des informations précises pour évaluer les nouveaux risques. Le trampoline, par exemple, constitue une source émergente d’accidents mais aucun moyen n’existe aujourd’hui pour apprécier leur nombre, leur lieu d’implantation, l’âge des enfants concernés, les raisons des accidents, etc. INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 7 POUR UNE ÉPIDÉMIOLOGIE DES ACCIDENTS DE LA VIE COURANTE | Échanges avec les participants | Docteur Laporte, association Médecins de montagne, responsable du réseau d’épidémiologie de l’association, fait part des difficultés rencontrées pour faire valoir la crédibilité de son association (loi 1901) face aux organismes institutionnels. Depuis douze ans, l’association, ne bénéficiant d’aucun financement public, a l’obligation de s’adresser aux professionnels du ski et aux industriels, y compris ceux de l’industrie pharmaceutique. Cela entraîne inévitablement une critique liée à une éventuelle collusion entre tous ces interlocuteurs, et cela porte tort à tout niveau, y compris aux instances de normalisation de l’ISO. Comment, dans ce contexte, est-il possible d’agir pour que de telles structures, actives dans les études descriptives et qualitatives, soient financées et aidées au plan de l’expertise ? Françoise Thiébault, Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal), s’interroge sur la sécurité des installations électriques intérieures, à l’origine d’un certain nombre d’incendies et de décès, et qui génèrent un coût économique très lourd lorsqu’elles sont défaillantes. Il s’agit d’un domaine dans lequel il est difficile de collecter et de regrouper les chiffres, et l’Observatoire national de la sécurité électrique – organe mis en place à l’initiative des acteurs de la filière électrique (Promotelec, fabricants, artisans, organisations de consommateurs etc.) – dispose de données intéressantes et opère régulièrement sur ce sujet. Il serait sans doute souhaitable que les organismes travaillant sur l’épidémiologie utilisent ces données pour enrichir leurs bases. Parmi les mutuelles qui se sont engagées dans la recherche d’informations auprès de leurs sociétaires, un travail est-il effectué sur la sécurité électrique ? Les assureurs portent-ils un intérêt particulier à ce sujet ? Laure Lazard-Holly, Conseil du commerce de France, accompagnée de France Mary, DGCCRF, indique qu’un travail est effectué depuis un an et demi environ sur la sécurité dans les lieux de vente, notamment à destination des enfants et des personnes âgées. Il en ressort notamment des difficultés pour faire remonter des données sur l’accidentologie dans les commerces non liés à la grande distribution ou aux grandes enseignes, la fédération des assureurs ne semblant disposer d’aucun élément sur le sujet. Elle s’interroge donc sur les mesures éventuelles à mettre en place pour optimiser le recueil des données dans les magasins, les lieux de vente, voire les lieux de vie commune en général. Christian Lemoine, président de la commission prévention de la Macif région Loire-Bretagne, rappelle qu’il y a quatre ans le gouvernement présidé par M. Raffarin a mis en place un observatoire des AcVC. Qu’en est-il aujourd’hui ? Jacques Latarjet, Association des brûlés de France, au titre des représentants des personnes travaillant dans les hôpitaux, rapporte que sur demande de l’Administration, des dossiers sophistiqués, relatifs entre autres au diagnostic et au mode de traitement, sont remplis pour chaque malade mais qu’ils n’ont qu’une visée économique destinée à constituer des groupes homogènes de malades. Il regrette que toute épidémiologie soit absente, que nulle part ne figure l’obligation de saisir la cause du traumatisme alors que la base nationale constitue un outil performant et très bien contrôlé. Il fait référence à certains pays ayant élaboré des bases de données épidémiologiques sur les traumatismes et rapporte que le potentiel d’informations commence à être conséquent. Il estime que cet outil pourrait être utilisé pour faire de l’épidémiologie au niveau national. Michel Dépinoy répond que le travail d’épidémiologie s’effectue essentiellement en réseau, les premiers émetteurs d’informations étant les médecins généralistes ou les médecins hospitaliers, disposant de l’information clinique et posant le diagnostic. Il constate qu’il perdure en France un déficit de « culture épidémiologique ». L’acte de fournir des informations utiles à des fins épidémiologiques est encore trop souvent perçu comme une démarche administrative, éloignée de la préoccupation première des équipes de soins, qui ont pour mission première de soigner le malade. Les PMSI et les résumés de sortie de chaque patient sont des bases de données conçues à des fins économiques dans le but d’estimer l’activité des établissements de santé et de fixer leur budget annuel. Ces outils ne sont pas finalisés pour comprendre les raisons de l’accident et apporter un élément de connaissance supplémentaire sur le sujet. INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs 7 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 8 premièretable ronde Une multitude d’informations et de sources d’informations existent, mais chaque outil est conçu pour une finalité qui lui est propre. L’approche épidémiologique est encore en déficit d’informations précises, qui permettent de reconnaître les facteurs de risque. Les professionnels ont besoin d’être mieux préparés à la collecte des données, de faire preuve d’un plus grand niveau d’exigence pour décrire un état de santé, sa gravité, les circonstances de l’accident, les facteurs déclenchants, etc. Tout cela demande du temps, alors que celui-ci est souvent la ressource qui manque le plus aux équipes médicales. Pour résoudre ce problème et décharger le médecin ou le chirurgien de la collecte de données, une des solutions pourrait passer par la contribution de professionnels tels que des techniciens de recherches cliniques, par exemple. Une réflexion globale devrait avoir lieu pour examiner la façon de s’organiser collectivement dans la collecte de l’information afin d’aboutir à un recueil de données pertinentes, compatibles avec les contraintes de temps de chacun. Catherine Sztal-Kutas indique qu’un travail a d’ores et déjà été effectué sur les lieux de vente et que des données sont disponibles et à disposition de ceux qui souhaiteraient en prendre connaissance. Elle indique par ailleurs que la problématique de l’Observatoire national de la sécurité électrique repose sur la complémentarité des données, dès lors qu’il ne s’agit pas d’y ajouter des éléments qui ne seraient d’aucun apport supplémentaire. Pour l’éviter, un travail conjoint est mené entre Calyxis/Centre européen de prévention des risques et les représentants de l’observatoire. Elle souligne la richesse et l’intérêt du travail qui peut être effectué en commun. Gérard Goualc’h mentionne que les incendies constituent un risque majeur en France, leur importance et leur fréquence étant en augmentation permanente, faisant ainsi chaque année un nombre de victimes très important. Il s’agit d’une préoccupation importante qui a conduit récemment la Macif à entreprendre un dialogue avec les trente principaux responsables de la prévention Macif. Un accord-cadre est en cours de signature avec Promotelec (début 2008) et dans certaines zones 8 géographiques, dans certains départements, des actions-tests sont mises en place (offre gratuite, par exemple, du diagnostic électrique à certains sociétaires). Malgré son éventuelle gratuité, l’opération n’a pas toujours rencontré un franc succès, certains sociétaires n’étant culturellement pas prêts à accepter le diagnostic, qui nécessite une visite par une personne extérieure de la maison et donc une intrusion dans leur intimité. Par ailleurs, le diagnostic coûte 150 euros. Cette approche ne peut se faire sans un accompagnement et l’installation d’une véritable culture de la prévention du risque. Une autre expérience a également été conduite en région Rhône-Alpes sur les détecteurs de fumée. Soixante mille détecteurs ont ainsi été distribués dans le cadre d’un accord avec un fabricant d’appareils. De la même façon, la démarche a nécessité de nombreuses explications pour justifier l’intérêt de l’utilisation de ces outils. Luc Machard conclut la première table ronde en relevant que beaucoup d’attentes existent de part et d'autre à l’égard de l’InVS : recueil et collecte de données, appui et soutien méthodologique, coordination d’un réseau ne demandant pas mieux qu’à se constituer. Des sources actuellement inexploitées pourraient être d’une remarquable richesse et être utilisées sans générer pour autant une révolution complète des systèmes d’information actuels. Des partenariats semblent pouvoir se nouer pour mieux appréhender, évaluer et cibler les risques. Des initiatives pourraient être prises quant au lancement d’études qualitatives et de terrain pour mettre en place un premier programme et montrer l’efficacité des actions entreprises. Cela permettrait d’engager à moyen terme, et à plus grande échelle, une politique de prévention au plus près des consommateurs et avec tous les acteurs. INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 9 deuxièmetable ronde POUR UNE MEILLEURE INFORMATION DES CONSOMMATEURS, DE TOUS LES CONSOMMATEURS • Reine-Claude Mader, présidente de l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) • Luc Machard, président de la Commission de la sécurité des consommateurs (CSC) • Camille Barbier, directeur Agréments Fagor-Brandt Modérateur : Éric Briat, directeur de l’Institut national de la consommation (INC) Éric Briat rappelle que l’information des consommateurs sur les règles de fonctionnement et les précautions d’usage à prendre est décisive dans la définition d’une politique de prévention des risques. Le but de la présente table ronde est de faire le point sur l’information des consommateurs à cet égard, en répondant à des questions très concrètes liées aux notices et aux modes d’emploi des fabricants. Informent-ils efficacement sur les risques liés à l’utilisation des produits ? Prennent-ils en compte les facteurs socioéconomiques et les facteurs de handicap, différenciant dans les faits l’accès à l’information et les comportements des consommateurs ? Quelles mesures, quels dispositifs doivent être mis en place pour assurer l’accès à l’information pour tous les consommateurs ? La CSC constate-t-elle, par exemple, des insuffisances d’information. Quelle en est la nature ? Luc Machard, président de la CSC, répond que la commission s’intéresse à des produits ou des services ayant occasionné des risques ou des accidents, d’où une vision assez critique sur la manière dont l’information concernant l’usage du produit ou du service est apportée aux consommateurs. Néanmoins, la CSC est en permanence amenée à produire des recommandations, tant à l’égard des professionnels, des fabricants, des vendeurs, que des loueurs afin que des dispositions soient prises pour l’amélioration de l’information du consommateur, pour la rendre plus accessible, plus lisible, voire présente lorsqu’elle n’existe pas. Si certaines notices sont extrêmement bien élaborées, comme par exemple celle sur les détaupeurs pyrotechniques, engins très dangereux, accompagnée de dessins et de couleurs, avec une progression pas à pas dans la démarche, il n’en reste pas moins vrai que dans la plupart des cas, les mentions de sécurité et d’usage du produit figurent en fin de notice et ne sont pas nécessairement rédigées de manière pédagogique. Cela est d’autant plus regrettable lorsqu’elles sont trop volumineuses, amenant ainsi souvent le consommateur, pressé de prendre en main son produit, à délaisser les consignes de sécurité. De fait, la CSC recommande fortement que les mentions de sécurité soient clairement mises en exergue en début de notice. Elle déplore par ailleurs l’inexistence ou l’insuffisance de certaines d’entre elles, pour les minimotos par exemple, engins destinés à être utilisés par des personnes non expérimentées. À la suite d’un test effectué sur un échantillon représentatif du marché, il s’est avéré que certaines d’entre elles ne comportaient pas de notice et, outre le fait que d’autres étaient rédigées en anglais, que la majorité ne faisait pas état de l’interdiction de circuler sur la voie publique, sans compter l’absence de conseils d’usage élémentaires (équipement de protection par exemple). De la même façon, pour ce qui concerne les couvertures destinées à assurer la protection des piscines privées, Luc Machard considère que les notices devraient clairement indiquer dans le mode d’installation le fait que l’efficacité du système dépend de la hauteur maximale ou minimale de la couverture par rapport à la surface de l’eau de la piscine. Pour les tondeuses à gazon, des notices se sont avérées tellement inopérantes que certains consommateurs ont installé le guidon à l’envers. Ainsi, la CSC a été amenée à demander à ce que les machines soient livrées montées. En sus des notices, le marquage sur les produits est également un élément à ne pas négliger. Sur une cartouche à gaz percutable par exemple, la manière dont celle-ci est installée peut, dans certains cas, présenter des risques d’accidents graves liés à de possibles fuites de gaz. La cartouche devrait donc impérativement mentionner la nécessité de se reporter aux conseils de montage et ainsi jouer un rôle d’alerte pour le consommateur. INC INC DOCUMENT DOCUMENTI Les I Les nouveaux nouveaux enjeux enjeux dede la la sécurité sécurité des des consommateurs consommateurs 97 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 10 deuxièmetable ronde Sur les berlingots d’eau de Javel, la CSC a fait également le constat que la taille et la couleur des pictogrammes n’étaient pas satisfaisantes et que le consommateur n’était pas suffisamment alerté ni informé sur les risques du produit : modalités de découpe, de transfert et de sa dilution. Autre exemple relatif aux trampolines familiaux : alors qu’ils sont légers, faciles à déformer, difficiles à monter, résistent mal aux intempéries, etc., ils ne mentionnent pas de manière clairement explicite qu’ils ne doivent être utilisés que pieds nus. Ainsi, sur un modèle, la mention « use only bare foots » a été transformée en « utilisez seulement dépôts sédiments nus » ! La CSC a également réalisé une enquête sur la manière dont les vendeurs ou loueurs fournissaient des conseils sur les miniskis, produits destinés à des skieurs très expérimentés, en aucun cas aux débutants ni aux enfants, et devant être dotés de fixations déclenchables et non fixes. L’enquête conduite a montré que certains vendeurs ou loueurs en ignoraient les conditions d’utilisation et pensaient même qu’il s’agissait de produits ludiques et adaptés à tous. De la même façon, une enquête a montré que les vendeurs n’étaient, trop souvent, pas à même d’expliquer comment ajuster les lanières et la jugulaire des casques à vélo. Tous ces éléments ne font que témoigner que les consommateurs peuvent être conduits, dans de telles conditions, à acheter des équipements de sécurité totalement inefficaces. La CSC réfléchit également à la manière dont le consommateur perçoit l’information, alors que la convivialité devient la vertu cardinale du produit et que le consommateur aspire à une prise en main rapide et immédiate de son achat. De ce fait, il est assez peu enclin à lire ou à se procurer des conseils de sécurité. La dimension de prise en main ludique de l’appareil s’avère contradictoire avec celle d’une prise en main prudente. La rapidité de prise en main doit également être relevée. En effet, certains consommateurs ne souhaitent pas aller au-delà d’un certain temps de conseil et d’apprentissage. Enfin, le consommateur peut également ressentir le besoin de disposer d’une certaine information après l’acte d’achat, et une réflexion doit être engagée sur ce terrain pour une accessibilité à l’information gratuite, libre et immédiate, notamment en matière de sécurité, par exemple sur Internet. 10 Reine-Claude Mader, présidente de l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV ) confirme que les constats effectués par la CLCV convergent avec ceux de la CSC. Elle rappelle que les discussions et les questions posées avant 1983, année qui correspond à l’adoption de la loi sur la sécurité, étaient identiques à celles d’aujourd’hui, et qu’il est maintenant nécessaire d’en tirer des enseignements opérationnels. Si la directive de 2001 a créé et mis en place certaines règles, si tous les cas de figure y ont été pensés et imaginés, aujourd’hui les solutions n’ont pas encore été trouvées pour répondre à chacune des questions posées. La problématique de la sécurité relève d’un sujet extrêmement vaste, couvrant toutes les cibles de population, allant des enfants aux personnes âgées, d’où la difficulté d’apporter des réponses efficaces à travers une simple notice ou un simple étiquetage. Le besoin d’intermédiaires prend toute son importance, et ce d’autant plus que les produits ne sont plus aujourd’hui fabriqués en France ou en Europe, mais qu’ils font le tour de monde avant d’arriver au consommateur final. Cet élément explique aussi que les notices soient livrées dans une qualité de traduction qui n’est pas toujours suffisante pour le territoire national. La preuve existe que les professionnels disposent des moyens nécessaires pour rendre une notice claire et compréhensible. Cela dit, encore faut-il en avoir la volonté et la détermination. Certaines d’entre elles sont effectivement très bien faites, lisibles, mais semblent surtout être le fait des grandes marques. Leur élaboration nécessite probablement un investissement de taille pour les fabricants, à charge aux consommateurs d’exiger qu’il soit réalisé. Les conseils de sécurité ne sont clairement pas mis en exergue au travers de l’étiquetage des produits, et cela constitue un manque réel. Une recherche commune demande à être conduite entre les professionnels et les personnes opérant sur les accidents domestiques (statisticiens, associations et consommateurs, etc.). Enfin, il conviendrait également de prendre en compte la problématique des différentes langues utilisées sur les INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 11 POUR UNE MEILLEURE INFORMATION DES CONSOMMATEURS, DE TOUS LES CONSOMMATEURS Le fait que la notice soit disposée dans le carton d’emballage ne contribue pas non plus à la simplification de la prise en compte des éléments de sécurité par le consommateur, n’invitant pas ainsi à s’y référer simplement et directement. Par ailleurs, des réglementations complémentaires existent sur le gros électroménager, notamment celles relatives à la sécurité, celles spécifiques aux appareils à gaz, aux matériaux destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires, à la compatibilité électromagnétique, à l’indication de la consommation d’énergie et des performances associées, aux nuisances sonores, aux emballages, aux substances dangereuses, aux déchets d’équipements électriques et électroniques. Tous ces éléments liés à l’appréciation du risque s’inscrivent dans un paradoxe total, avec d’un côté des consommateurs très sensibilisés et exprimant des peurs, et de l’autre une sécurisation accrue par la mise en place de nombreux éléments de réassurance visuels (labels, logos, ou autres). Une éducation aux risques doit donc être entreprise pour recadrer l’ensemble. Toutes ces réglementations contribuent à répondre à la demande des consommateurs afin qu’ils disposent d’appareils électroménagers préservant leur sécurité, leur santé et leur environnement. Ces réglementations s’appliquent dans toute l’Union européenne (UE), favorisant ainsi l’échange des produits, qu’ils soient fabriqués ou non à l’intérieur de l’UE. Camille Barbier, directeur Agréments Fagor-Brandt, rappelle que les fabricants d’appareils électroménagers ont depuis longtemps compris que la satisfaction des consommateurs était une condition nécessaire pour assurer la pérennité de leur entreprise. Même si des lois existent, encore faut-il qu’elles soient appliquées par tous. Cela nécessite donc un contrôle efficace des produits, avec application de sanctions graduées à l’encontre des contrevenants. Il existe dans ce domaine une faille de nature à compromettre les efforts réalisés pour améliorer la protection des consommateurs. emballages qui altèrent fortement la lisibilité des conseils fournis. Même si des progrès ont été faits dans ce domaine, beaucoup reste encore à réaliser. Il souligne l’existence de réglementations rappelant aux constructeurs les règles à respecter en la matière, notamment la directive européenne relative à la sécurité générale des produits qui les oblige à ne mettre sur le marché que des produits sûrs. De plus, les producteurs sont aujourd’hui tenus de faire de la prévention, en fournissant notamment aux consommateurs des informations utiles leur permettant d’évaluer les risques inhérents aux produits ou raisonnablement prévisibles afin qu’ils s’en prémunissent. Le groupe Fagor-Brandt veille à ce que chaque produit comporte une notice fournissant des instructions d’installation et d’utilisation précisant les risques encourus. Les consommateurs disposent également de l’adresse des services consommateurs et des services après-vente où ils peuvent recueillir des informations complémentaires. Des éléments peuvent également être communiqués par le biais des emballages ou sur le produit lui-même. Dans les phases de mise au point et de validation des produits, des analyses de risques et des essais sont pratiquées. Le groupe Fagor-Brandt dispose également d’un système de surveillance et d’alerte afin d’engager sans délai les actions nécessaires pour éviter ces risques, conformément à la directive précitée. Si demander des comptes aux constructeurs situés dans l’UE ne pose pas de problème particulier, il n’en va pas de même lorsque ces derniers n’y sont pas intégrés. Cela génère une sorte de concurrence illégale entre constructeurs dont les consommateurs font nécessairement les frais. Des solutions existent et sont en cours de discussion au sein de la Commission européenne. Le groupe Fagor-Brandt participe ainsi aux travaux réalisés au sein des instances professionnelles, telles que le Groupement interprofessionnel des fabricants d’appareils d’équipement ménager (Gifam) ou le Ceced. L’une des solutions pour assainir le marché consisterait à exiger des importateurs les mêmes règles que celles imposées aux constructeurs. Si celle-ci est retenue, l’État disposera alors de l’arme légale lui permettant de sanctionner les contrevenants indélicats présents sur le territoire. Le développement indispensable de la surveillance du marché par l’État devrait aboutir à une responsabilisation accrue des importateurs indélicats et serait bénéfique pour le consommateur. INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs 11 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 12 deuxièmetable ronde Pour ce qui concerne plus particulièrement la sécurité des produits, la directive « Basse Tension » définit les obligations et reprend l’une de celles intégrées dans la directive relative à la sécurité générale des produits. En résumé : « Le matériel électrique ne peut être mis sur le marché que s’il est construit conformément aux règles de l’art en matière de sécurité et ne compromet pas la sécurité des personnes, des animaux domestiques et des biens. » Si le renvoi aux règles de l’art prévu par la législation n’est pas sans poser problème, les acteurs qui contribuent à la conformité des produits en termes de sécurité bénéficient de la présomption de conformité aux exigences de sécurité lorsque le matériel satisfait aux normes de sécurité harmonisées. En procédant ainsi, le législateur renvoie aux normalisateurs la lourde responsabilité de détailler et préciser ces règles en fonction de l’évolution des technologies. Éric Briat pose la question de savoir si la normalisation peut constituer un moyen d’améliorer la sécurité des produits et des matériels et de prévenir les risques. Reine-Claude Mader répond positivement à cette question, sous réserve que le niveau des normes soit suffisant, que celles-ci soient actualisées et vérifiées continuellement pour intégrer la rapidité d’évolution des nouvelles technologies. La norme CE, avec l’affaire des jouets chinois a généré un nombre de contacts très importants sur le site Internet de la CLCV, le public pensant que le jouet était normalisé et que toutes les précautions nécessaires avaient été prises. Luc Machard ajoute que la norme fonctionne dans l’esprit du consommateur comme une garantie, lui laissant supposer que le produit a été contrôlé. Selon la CSC, certaines normes nécessitent d’être améliorées, et les dispositions inhérentes à la sécurité des consommateurs doivent être renforcées au sein d’un grand nombre d’entre elles. Reine-Claude Mader rapporte que lors des essais comparatifs effectués il y a quelques années, la question fréquemment soulevée portait sur la nécessité ou non de refaire des tests de sécurité estimant que les produits n’étaient pas suffisamment sûrs. 12 Elle considère qu’il est pire de donner aux consommateurs un instrument de sécurisation à mauvais escient plutôt que de ne rien lui donner. Camille Barbier explique que le marquage CE repose sur une ambiguïté et ne saurait aucunement constituer une norme. Ce marquage repose uniquement sur un engagement du constructeur précisant qu’il répond aux directives. Il ne s’agit nullement d’une norme ou d’une conformité. La directive mentionne que le constructeur doit satisfaire à des exigences de sécurité et qu’il doit s’engager sur ce fait par le marquage CE. Il ajoute également qu’une documentation sur la sécurité doit être à disposition. Pour Camille Barbier le marquage CE nécessite, plutôt que d’être supprimé, d’être clairement explicité car il s’agit d’un filtre utile obligeant les constructeurs à signer leurs produits. Si cette obligation est amenée à disparaître, il n’existera plus aucun moyen de contrôle. Dans la pratique, les règles de l’art sont difficiles à appréhender et, de fait, cela renvoie immédiatement à la notion de normes. Celles-ci sont difficiles à élaborer et doivent, de plus, suivre les évolutions technologiques. Si elles ne sont pas toujours pertinentes, elles ont le mérite d’exister. Il convient donc de se donner les moyens d’aller plus vite dans leur développement, ce qui nécessite l’intervention des différents acteurs, y compris les représentants des consommateurs. INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 13 POUR UNE MEILLEURE INFORMATION DES CONSOMMATEURS, DE TOUS LES CONSOMMATEURS | Échanges avec les participants | Jean-Paul Lechien, Institut de prévention des accidents domestiques (Ipad), s’interroge sur la nécessité pour les fabricants et la grande distribution d’engager des efforts particuliers pour instituer une sorte de « maison école » pour certaines catégories de produits et matériels lourds (compresseurs, marteaux-piqueurs, etc.), afin de favoriser l’apprentissage de leur utilisation. Cela pourrait être d’autant plus utile que la population comprend 20 % d’illettrés et 20 % de seniors dotés d’une vision déficiente. Il souligne par ailleurs la nécessité de faire valider les pictogrammes par les utilisateurs, afin qu’ils soient parfaitement compris et assimilés. Daniel Foundoulis, Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal), considère que l’éducation du public est fructueuse et de nature à réduire fortement les risques. Actuellement par exemple, un ouvrier ne peut travailler dans une centrale nucléaire s’il n’a pas une parfaite connaissance des pictogrammes. De cette façon, les petits incidents ont pu être supprimés. L’Éducation nationale devrait pleinement s’emparer de cette problématique, et ce dès le plus jeune âge, notamment pour la lecture des pictogrammes, des marquages et des notices. Chantal Jannet, Union féminine civique et sociale (UFCS), fait remarquer la difficulté de conjuguer sécurité et facilité d’installation. Elle fait référence aux sièges autos qui sont certes de plus en plus sécuritaires mais aussi de plus en plus difficiles à installer, ce qui engendre finalement une moins bonne préservation de la sécurité. Il s’interroge donc sur les réponses à tenir face à la désinformation abondante du consommateur. Reine-Claude Mader, en guise de conclusion, indique que l’éducation aux risques et aux dangers est primordiale. Si les associations de consommateurs y participent déjà, la formation et la diffusion d’informations doivent être amplifiées. Elle préconise également, à la suite d’accidents constatés lors de leur utilisation, que les produits dangereux (produits pour le jardinage, produits anticalcaire, etc.) soient commercialisés à part. Pour ces références dangereuses, un logo ou un pictogramme est largement insuffisant. Des conseils doivent également y être associés pour éviter les accidents (protection des yeux, des mains, etc.). Les consommateurs doivent aussi pouvoir bénéficier de sources d’information indépendantes. Des conseils doivent parallèlement être développés dans les points de vente, dispensés par des professionnels mais aussi par des personnes intermédiaires. Camille Barbier confirme le caractère indispensable et fondamental de l’éducation. Il ajoute qu’il serait également souhaitable de s’attacher au respect de la directive relative à la sécurité des produits. Ce n’est qu’une fois les besoins des consommateurs définis, et leur traduction en normes effectuée, que l’on parviendra à exiger des constructeurs qu’ils intègrent ces données dans leurs produits. Philippe Meyer, hôpital Necker-Enfants malades, souligne certaines contradictions dans les discours sur la sécurité. Il s’appuie notamment sur l’exemple des casques pour les cyclistes de moins de quinze ans, qui apparaissent protecteurs à certains alors qu’ils ne le seraient pas pour d’autres, considérant dans ce cas qu’une attention moindre est portée aux personnes casquées. De la même façon, si le transport des enfants de moins de dix ans à l’arrière d’une moto n’est pas interdit (sous réserve de disposer d’un siège adapté), il y a lieu de noter que non seulement ce type de siège n’existe pas mais que des équipements totalement inadaptés à la physiologie de l’enfant (casques, etc.) se sont développés. INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs 13 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 14 troisièmetable ronde • Francis Amand, chef de service à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) • Marc-Antoine Jamet, président de l’Union des fabricants • Christian Huard, secrétaire général de l’Association de défense, d’éducation et d’information du consommateur, président de ConsoFrance Modérateur : Luc Machard, président de la Commission de la sécurité des consommateurs (CSC) Francis Amand, chef de service à la DGCCRF, précise, en amont de cette table ronde, et pour compléter la précédente, que le marquage CE n’est pas une mention destinée aux consommateurs mais aux corps de contrôle, pour les informer que le professionnel marquant son produit certifie qu’il s’est bien conformé à certaines obligations, à un cahier des charges sécuritaire. Dans le cas où le produit étiqueté CE ne respecte pas ledit cahier des charges, le corps de contrôle considère que ce manquement constitue un caractère aggravant de défaut du produit. Par ailleurs, des signalements sont également effectués, via le système d’alerte européen Rapex, permettant aux États membres d’échanger rapidement, par un réseau informatisé, des informations sur les produits présentant des risques de sécurité afin que les actions nécessaires soient engagées (contrôle et retrait éventuel). Luc Machard indique que si le commerce électronique ne représente aujourd’hui que 1 à 2 % du commerce mondial, sa croissance est de 40 % par an. De la même façon, si la publicité en ligne ne représente encore que 8 % des investissements publicitaires, celle-ci connaît également une croissance exponentielle. Trente mille vendeurs professionnels sont recensés uniquement sur les sites français. D’une manière plus générale, il n’y a a priori pas de raison pour qu’un produit offert sur Internet par un opérateur européen soit plus dangereux que celui offert par un vépéciste européen. Compte tenu de la présence forte et croissante du marché du numérique, sa surveillance constitue un enjeu considérable, notamment en ce qui concerne la sécurité des consommateurs. Peuvent ainsi être mis en vente des produits interdits ou non conformes à la directive en vigueur. Le centre de surveillance du commerce électronique dépendant de la DGCCRF ne compte aujourd’hui que huit agents. Ne disposant d’aucun texte spécifique sur lequel s’appuyer pour mener ses actions, ni de moyens suffisants pour commander les produits afin d’en vérifier la conformité aux normes de sécurité, il effectue aujourd’hui avant tout des contrôles limités, portant entre autres sur les mentions légales obligatoires, la publicité mensongère et les réductions de prix. À partir de ce constat, se pose la question du contrôle de la sécurité des produits sur Internet. Francis Amand explique, que compte tenu de la faiblesse des effectifs, les produits ne sont effectivement pas suffisamment contrôlés. Cela dit, des relais sont mis en place dans chacune des directions départementales pour un contrôle physique des produits. 14 Enfin, il existe des textes communautaires obligeant tout offreur à signaler son identité afin de favoriser la traçabilité des produits et éventuellement de remonter jusqu’aux entrepôts pour examen et actions éventuelles. Les statistiques de plaintes ne montrent pas de problèmes particuliers relatifs aux produits vendus sur Internet lorsqu’ils sont offerts par les opérateurs européens. Le problème de sécurité se pose pour les produits offerts par les pays tiers. Cela étant, les consommateurs intègrent d’ores et déjà ce risque en achetant assez peu auprès des offreurs étrangers. Marc-Antoine Jamet, président de l’Union des fabricants, indique que l’association est née en 1872 lors de la Convention de Paris sur la propriété intellectuelle, alors que les Prussiens avaient envahi l’Alsace-Moselle et que les entrepreneurs français, repliés à Clermont et à Limoges, voyaient arriver des produits de pharmacie et de chimie identiques aux leurs mais présentés sous une marque différente, celle de l’occupant. Depuis, au conseil d’administration de l’Union des fabricants, de grands noms sont entrés (Peugeot, Danone, Renault, Pfizer, Microsoft, Nike, Disney, des marques de luxe, de parfum, de cosmétiques, des fédérations de jouets, de pièces pour automobiles et de sport…). Trois modèles économiques de la contrefaçon se sont succédé. Le premier, initié dans les années 1970, consistait pour des gens assez aisés à prendre un avion pour aller en Asie du Sud-Est, au Maghreb, en Italie ou ailleurs, et rapporter chez soi, en passant par la douane, INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 15 SÉCURITÉ DES PRODUITS ET DES SERVICES : LA NOUVELLE DONNE D’INTERNET des produits à bas prix caricaturant souvent des produits de luxe. Il s’agissait d’un phénomène relativement limité. Le second modèle a reposé sur l’implantation de certaines communautés chinoises installées à Florence, Milan, Turin, également entre Roissy et le nord de Paris, qui ont diffusé des produits sur les marchés forains d’Asnières, Gennevilliers, Sartrouville, donc de Paris, avec des copies de produits dont on savait qu’ils ne pouvaient être authentiques. Ce n’était ni le bon prix, ni le bon objet, ni le bon endroit, ni le bon moment. Est ensuite arrivé Internet qui a apporté un changement radical au modèle économique de la contrefaçon. Le produit est désormais présenté à tous et partout, comme s’il était authentique, et ce, pour toutes les catégories d’articles, avec un marketing numérique de la contrefaçon donnant à penser qu’il s’agit du vrai produit, ce qui a entraîné la massification, la banalisation, l’industrialisation, la diversification, la numérisation, et la criminalisation des imitations. Trois vecteurs ont participé à ce phénomène : le paiement par carte bancaire ; le transport express ; les fournisseurs d’accès, les hébergeurs et les sites de ventes aux enchères. Pour ce qui est des cartes bancaires, Tracfin (cellule française de lutte anti-blanchiment) a décidé de considérer que la contrefaçon, au même titre que la prostitution, l’argent sale ou la défiscalisation, pouvait constituer un délit, et son directeur, François Werner, a réussi sur ce point à sensibiliser les banques et les groupements de cartes bancaires. Les transporteurs express, eux, sont en décalage par rapport à Internet qui présente le produit virtuellement, alors qu’ils l’acheminent concrètement. Heureusement, les bases de données dont disposent ces sociétés leur permettent d’identifier les adresses des destinataires mais aussi des expéditeurs, et de fait, de refuser certains colis. Enfin, pour ce qui concerne l’outil Internet, celui-ci, via les hébergeurs et fournisseurs d’accès, contourne fortement la distribution sélective en offrant en dehors des réseaux agréés un système de vente, un réseau commercial avec des éléments de marketing et de publicité intégrant des vecteurs de notoriété, de choix et de valorisation des contrefacteurs. Il serait souhaitable que l’évaluation de la directive numérique en cours à Bruxelles permette à la réglementation européenne de considérer que toutes ces personnes ont pleinement conscience du problème et doivent être poursuivies. Internet est le seul moyen de commercialisation où le distributeur n’est pas responsable de ce qu’il propose, contrairement à tous les autres systèmes (marché forain, grand magasin…). Avec le virtuel, la responsabilité disparaît pleinement. Ainsi, voler une pomme à l’étal du marchand conduit à six mois de prison mais voler une pomme numérique à l’étal virtuel conduit au sommet, voire au pinacle de la mondialisation numérique. Christian Huard, secrétaire général de l’Association de défense, d’éducation et d’information du consommateur, président de ConsoFrance, réagit immédiatement aux propos en affirmant que la problématique de la contrefaçon ne peut pas se limiter à la seule égalité réductrice entre contrefaçon et insécurité pour les consommateurs et s’engage à y revenir à la fin de son intervention. La vente par Internet correspond à une forme de vente qui s’apparente un peu à la vente à distance, avec ses propres spécificités. Actuellement, les produits de grande consommation sont achetés dans un rayon de trente kilomètres du lieu de résidence des consommateurs, et la législation actuelle cherche à les protéger dans ces zones d’achat. Avec Internet, la dimension du marché, passant à l’échelle mondiale, complexifie lourdement la tâche de contrôle, y compris au niveau de l’Union européenne, et les professionnels ont là une lourde responsabilité en la matière, puisqu’ils ont obtenu, contre l’avis des organisations de consommateurs, que la loi applicable liée aux ventes sur Internet soit celle du pays du serveur avant d’être celle du pays du consommateur, comme cela est le cas actuellement dans toutes les autres formes de commerce. Si l’on se dirige, par exemple, sur un site très ancien et très connu de vente de livres (et aujourd’hui de jouets pour enfants) au suffixe « .fr », on est en droit de penser qu’il s’agit d’un site en France, avec des produits et des offres parfaitement déployées en français, alors que dans les conditions générales de vente, il apparaît à la dixhuitième page que la loi applicable et les tribunaux compétents se situent au Luxembourg ! De la même façon, sur un site de vente de vins en ligne, lui aussi avec le suffixe « .fr » et où seuls des vins français INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs 15 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 16 troisièmetable ronde sont présentés, il apparaît à la cinquième page des conditions générales de vente que les tribunaux compétents sont helvétiques. Sur un site Internet, un appareil très dangereux pour retrouver un joli sourire et de belles lèvres est vendu 29,90 euros. Le concept du site est quasi médical, et est en ce sens très attractif. Il n’en reste pas moins que le droit applicable relève du droit belge et que le seul tribunal compétent est en Belgique. Ces exemples montrent bien les difficultés que pourra rencontrer le consommateur confronté à un problème de sécurité pour obtenir la réparation d’un dommage ou le remboursement du bien. Un travail de fond est à réaliser sur la problématique de la vente aux enchères (Ebay, par exemple) car elle est bien souvent organisée non pas par des particuliers mais par des professionnels et dans des volumes très importants. Ces derniers ne pouvant plus vendre en magasin certains produits ayant fait l’objet d’un retrait, les mettent en vente au lieu de les détruire, y compris les produits contrefaits. Revenant sur la contrefaçon, il souligne que le cadre législatif a été initié par le ministre de l’Industrie et non celui de la Consommation. À l’époque, la quasi-totalité des organisations de consommateurs a plaidé auprès du ministère et de ses représentants pour que le consommateur ne soit pas victime de la contrefaçon, comme il peut l’être pour les faux billets détenus (non remboursés). Cela est encore pire pour la contrefaçon dès lors que la loi prévoit que le consommateur possédant un produit contrefait sera sanctionné. Tout a été fait pour que le système ne protège que les entreprises et rende les consommateurs « complices » de l’opération. Selon Christian Huard, certaines entreprises saturent le marché de produits contrefaits en fabriquant leurs propres contrefaçons tandis que d’autres délocalisent la production en payant en partie les producteurs avec la matière première leur permettant de réaliser des produits « contrefaits » supplémentaires. Il s’insurge vivement contre toutes ces pratiques et rapporte que l’association ne se mobilisera jamais si la loi n’annule pas la poursuite des consommateurs, victimes, tant au plan économique que sécuritaire, de contrefaçons. 16 Marc-Antoine Jamet rappelle que la loi Longuet prévoit que toute personne, consommateur, distributeur ou producteur de produits contrefaits, est punissable dès le premier euro, dès le premier article, mais qu’il est clair cependant que peu de consommateurs subissent actuellement cette loi. Leur poursuite ne constitue pas un objectif en soi. Il s’agit surtout de traquer les grosses fortunes s’investissant dans la contrefaçon, la prostitution, le trafic de drogues et d’armes. Des recherches de liens sont effectuées entre l’argent versé aux contrefacteurs et aux réseaux criminels par des personnes ou des États afin d’obtenir la tranquillité en rémunérant gangs et « terroristes ». Pour Internet, il confirme qu’il ne s’agit pas de consommateurs vendeurs mais bien d’entreprises de taille importante cherchant à se faire passer pour de simples consommateurs qui écoulent des faux. En tant que représentant du secrétariat général de LVMH, regroupant plus de cinquante entreprises, il souligne qu’un grand nombre d’entre elles sont implantées au centre de la France, en Corrèze ou en Lozère. Les entreprises comme les équipementiers automobiles ou les pharmaciens ne communiquent pas sur la contrefaçon, préférant perdre du chiffre d’affaires et de la part de marché plutôt que de faire savoir que certains produits sont contrefaits. La mise en cause de la sécurité et de la santé du consommateur auprès des acheteurs de produits authentiques est clairement exprimée, ceux-ci ne croyant plus dans les marques ni dans les produits. Il est inquiétant en France que dans le registre des médicaments commercialisés sur ordonnance, remboursés par la Sécurité sociale et distribués uniquement dans le réseau des pharmacies, selon les règles du code général de la santé, 2,5 à 5 % d’entre eux soient faux (source OMS et Union européenne). Le nombre de références dans ce domaine a considérablement augmenté, et il y a lieu de constater qu’il ne s’agit plus de médicaments pour faire pousser les cheveux, vaincre l’obésité, arrêter de fumer ou avoir des inducteurs intellectuels ou sexuels, mais bien de médicaments de fond, d’antibiotiques, de médicaments antiépidémiques. Cela pose un vrai problème. Il est regrettable pour cela que les associations de consommateurs ne participent pas aux ateliers de la INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 17 SÉCURITÉ DES PRODUITS ET DES SERVICES : LA NOUVELLE DONNE D’INTERNET consommation organisés par la DGCCRF sur la contrefaçon. Dans la contrefaçon actuelle, il ne s’agit plus de protéger les marques et les marchés. Il y aurait un vrai problème moral à ne pas considérer qu’en Angola ou au Mozambique, 85 % des médicaments sont des faux et que les mêmes sont vendus sur Internet. Il y aurait également un vrai problème si aucune importance n’était accordée au fait que 90 % des litiges de propriété intellectuelle en Chine mettent en prise des Chinois avec des Chinois. Sur le marché culturel, par exemple, un problème fondamental existe lorsque l’on constate que la diffusion d’un grand film américain se répartit comme suit : un tiers seulement via l’achat de DVD authentiques ou de visionnage au cinéma, un tiers via des DVD piratés, et un tiers en téléchargements piratés. Tout cela signifie bien qu’il est nécessaire, pour défendre le consommateur, d’être contre la contrefaçon. Aujourd’hui, celle-ci ne correspond plus à celle du sac ou du parfum mais à la fabrication d’une plaquette de frein d’une longévité de cent kilomètres au lieu de dix mille, à celle d’une optique de phare qui éblouit, etc. Les choses ont totalement changé, et il n’y a plus uniquement des produits de luxe dans les saisies des douanes. Christian Huard réagit en demandant pour quelles raisons le consommateur devrait payer cinq fois plus une aile de voiture d’un modèle de plus de dix ans alors que s’il était contrefait dans les mêmes formes et sans qu’il pose de problèmes de sécurité, il le payerait cinq fois moins. Il rappelle que lors du récent débat sur la loi Chatel, des amendements ont été proposés pour faire en sorte que les ventes de pièces détachées d’automobiles ou autres à des prix très élevés car libres et non soumis à la concurrence, ne placent pas le public dans une situation définitivement captive. Le droit à la protection contre la contrefaçon ne doit pas être un droit de captivité et d’emprisonnement définitif et total du consommateur. Marc-Antoine Jamet indique qu’au plan philosophique le thème de l’abandon de la propriété intellectuelle réunit l’alliance peu normale, illogique et incohérente de l’extrême droite américaine et des altermondialistes. Pour ce qui est des prix, il est d’accord sur le fait que la concurrence doit effectivement profiter aux consommateurs. En revanche, en citant pour exemple le pare-chocs automobile de contrefaçon, il mentionne que celui-ci est construit avec un nombre de points de soudure et un nombre de points de déformation limités, générant de fait des risques très importants, multipliant par quatre la dangerosité. Le problème de la contrefaçon ne se situe pas seulement au niveau de la sécurité mais aussi dans le choix des éléments du coût de production. Ainsi dans un parfum, par exemple, au lieu de comporter cent ingrédients, le produit contrefait n’en aura que cinquante. Au lieu de colorants naturels, celui-ci ne sera fabriqué qu’avec des colorants artificiels, etc. Tout ce qui ne se voit pas n’est pas mis dans le produit contrefait : le cosmétique, par exemple, ne possédera pas d’antibactériens… S’il est vrai que dans certains produits le contrefacteur ne respecte pas la sécurité, il est tout aussi vrai que celui-ci cherche avant tout à limiter les dépenses en amont (recherche et innovation), et en aval (publicité et distribution) et ce, en ne fabriquant pas dans les mêmes conditions (travail des enfants, travail clandestin, travail forcé, absence de garanties et de sécurité, non-respect du développement durable…). Francis Amand indique que le thème du débat porte bien sur la sécurité des produits achetés sur Internet et non sur le modèle économique des produits de luxe. Il s’accorde avec Marc-Antoine Jamet sur le lien manifeste existant entre le produit contrefait et les normes de sécurité l’accompagnant. Cela dit, il considère qu’Internet ne change pas la nature du problème, la contrefaçon étant préexistante à l’arrivée d’Internet, celui-ci ne faisant qu’amplifier le problème. Internet correspond à la génération de vente à la sauvette, faite par un vendeur venant de très loin. Concernant les juridictions compétentes évoquées par Christian Huard, il indique que la Convention de Rome protège le consommateur en lui garantissant l’application de la loi de son pays. Cela étant, il mentionne que le CSCE examine d’abord la façon dont l’offre est présentée et la façon dont le contrat est élaboré, et qu’il est très difficile de savoir s’il s’agit d’un produit contrefait ou dangereux. Il indique également que l’essentiel des problèmes rencontrés relèvent d’échanges entre particuliers, mais que la loi n’a pas prévu d’obligations particulières pour les personnes organisant des places d’échanges, de marchés, d’où les difficultés à agir. Selon le baromètre des plaintes des achats sur Internet mis en place par la DGCCRF, il ressort que leur nombre est extrêmement INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs 17 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 18 troisièmetable ronde faible (environ 41 plaintes sur 44 000 réclamations). Si la DGCCRF effectue des efforts importants en la matière, il en appelle au besoin d’être aiguillé pour plus d’efficacité dans la poursuite des opérateurs contrefaisants. Aujourd’hui, la DGCCRF ne peut envisager de multiplier ses effectifs pour surveiller l’ensemble de l’offre mondiale. | Échanges avec les participants | Camille Barbier se déclare effaré par les exemples communiqués (pare-chocs guillotine, par exemple) alors que des lois existent pour faire face à ce phénomène et que celles-ci ne sont pas appliquées. Il appelle de fait à la nécessité impérative de mettre en place un contrôle efficace des marchés. Reine-Claude Mader indique que le problème des médicaments est à prendre en compte très sérieusement dès lors que, même s’ils ne sont pas contrefaits, ceux-ci peuvent être dangereux pour la santé des consommateurs. Ces derniers n’émanant pas de pays européens, elle considère que des échanges devraient être menés au niveau international, peut-être via l’OMC, pour lutter contre ce problème de santé publique. Christian Huard se dit fortement demandeur d’une intensification de la réglementation et d’un nouveau champ de contrôle mais indique que cela ne saurait être suffisant sans la mise en place d’un nouveau mode d’éducation. Il y a là une obligation à former le citoyen le plus tôt possible aux risques. En cette absence, la prise de risque sera accrue par manque de vigilance, d’éveil, pour affronter les risques, les maîtriser et les contrôler. Les seules protections passives sont rarement totalement efficaces. S’adressant à Marc-Antoine Jamet, il souligne le manque cruel d’esprit de régulation concertée dans lequel les questions seraient mieux posées pour y trouver de vraies réponses. Il regrette que les discours à ce sujet ne mettent en avant que les intérêts des entreprises et que les associations de consommateurs ne soient pas entendues. Une réflexion en continu devrait être engagée en ce sens. Il évoque par ailleurs le problème des nanotechnologies entrant massivement dans la composition des produits, par exemple les cosmétiques, et générant des risques sécuritaires importants parce que personne ne les connaît ni ne les maîtrise. Elles relèvent d’un problème très complexe qui nécessite d’énormes investissements pour les détecter et étudier leur toxicité. Elles doivent impérativement constituer un nouveau champ d’action. 18 Marc-Antoine Jamet reconnaît la nécessité d’une éducation civique, d’une sensibilisation et d’une information afin que les consommateurs puissent être avertis des risques et être critiques dans ce domaine. Il s’accorde également sur le rassemblement des consommateurs pour organiser un vrai dialogue sur le sujet. Il indique que le problème ne relève pas du réseau de distribution en soi mais des produits et des comportements malhonnêtes. Cela étant, il réfute fortement le transfert de responsabilités évoqué par Francis Amand, arguant du fait que celles-ci ne relèvent pas uniquement du producteur mais aussi du distributeur ou de la puissance publique. Francis Amand rassure en mentionnant que, dès lors que des présomptions de danger existent sur un produit, la DGCCRF intervient et prend les mesures nécessaires pour qu’il soit retiré du marché. Des mesures administratives, des moyens sont à la disposition des autorités de surveillance pour faire cesser une offre sur Internet. Il indique par ailleurs que la problématique des médicaments est un sujet qui mérite d’être sérieusement pris en compte par l’ensemble des autorités surveillant les marchés. Il rappelle, dans le cadre de la mise en place d’une instance internationale de régulation, que la France a posé sa candidature pour diriger pendant un an et demi le réseau international mondial de protection du consommateur, et dans ce contexte, le sujet des produits distribués par Internet pourrait être mis à l’ordre du jour. Luc Machard conclut par un appel au dialogue de part et d’autre. INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 19 quatrièmetable ronde NOUVEAUX COMPORTEMENTS DES CONSOMMATEURS, NOUVEAUX RISQUES : L’EXEMPLE DES SPORTS ET LOISIRS • Claudie Sagnac, sous-directrice de l’action territoriale, chargée du secteur de la protection du public, direction des sports, ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports • Françoise Got, présidente de la Fédération française EPMM Sports pour tous • Patrick Mignon, sociologue du sport, Institut national du sport et de l’éducation physique (Insep) Modérateur : Éric Briat, directeur de l’Institut national de la consommation (INC) Éric Briat fait état du développement des nouvelles pratiques sportives, des nouvelles disciplines et de leur développement à tout âge. S’il est notoire que la pratique sportive est profitable pour la santé, et que cela se traduit par le rapprochement récent des départements ministériels du sport et de la santé, il est tout aussi manifeste qu’elle est porteuse de risques. Comment peut-on caractériser ces nouveaux comportements des consommateurs et ces nouveaux risques ? Peut-on en prendre la mesure statistique ? Peut-on les cerner sur un terrain plus qualitatif ? transformations grâce à de nouveaux supports. Si le vélo est une activité très populaire (deuxième ou troisième activité pratiquée par les Français), le VTT et toutes ses déclinaisons se sont fortement développés et ont engendré un nouveau type de pratiquants, plutôt des jeunes. On observe par ailleurs un allongement de l’âge dans la pratique des activités physiques, d’où un nouveau type de problématique. Les activités nautiques représentent la seconde activité sportive favorite des Français. En outre, l’impression dominante est que ces pratiques nouvelles et émergentes sont caractérisées par un moindre encadrement par les clubs sportifs que les pratiques plus traditionnelles. Elles mettent en jeu des matériels spécifiques, souvent plus sophistiqués que ceux existant dans les sports traditionnels ou établis. Cela est-il vraiment confirmé ? Les risques dans le sport sont variés pour un même sport et dépendent pleinement de l’objectif à l’origine de la pratique : volonté d’entretien de son corps, volonté de compétition, appartenance à une équipe, sociabilité liée à un sport collectif… Ces nouvelles pratiques sont-elles marquées par une perception différente du risque de celle des disciplines traditionnelles ? D’une manière générale, la raison principale d’engagement dans une activité physique est d’abord la santé et le bien-être. Ces notions se déclinent différemment selon le type de sportif et de sport considéré. Patrick Mignon, sociologue du sport, Insep, rappelle, sur la base d’enquêtes existantes relatives aux pratiques sportives portant sur la population générale, que le paysage sportif est très différencié : de l’ordre de trente à trente-cinq millions de personnes en France ont eu une activité physique dans l’année écoulée (sport ou activité proche du sport), qu’il y a environ huit millions de compétiteurs et que certaines personnes se situent à un niveau intermédiaire, via des pratiques plus ou moins régulières et organisées. Dans les quinze dernières années, il n’y a pas eu de nouvelles pratiques, mais celles existant ont subi des Les sports à sensation (sports de glisse, par exemple) restent minoritaires et spécifiques aux hommes jeunes. Ils se sont beaucoup transformés au plan technologique au cours des dernières années et donnent lieu à des prises de risques particulières liées à la recherche de sensations (mise à l’épreuve de soi, création de son propre système de référence, etc.). Éric Briat s’interroge sur la conscience effective de la prise de risques chez les jeunes et les adolescents et sa sous-estimation a contrario par les personnes plus âgées. INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs 19 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 20 quatrièmetable ronde Patrick Mignon répond que pour les adolescents il peut s’agir d’une inconscience ou d’une obligation statutaire, en fonction du groupe dans lequel se situe la personne. En revanche, pour les adultes et les personnes plus âgées, plusieurs phénomènes sont à observer. Ainsi, la randonnée, par exemple, peut se pratiquer jusqu’à un âge très avancé mais suppose malgré tout préparation et entraînement pour limiter les risques (déshydratation, foulures, etc.). Pour les adultes s’engageant dans la course à pied (600 000 personnes en France pratiquent la course à pied plus de trois fois par semaine), cela peut être une façon de se lancer de nouveaux défis, en inscrivant sa pratique dans un contexte compétitif, vis-à-vis de soimême ou des autres. Cette approche peut générer ses propres dangers, liés à l’état du cœur, des ligaments, etc. Éric Briat s’adressant à Françoise Got, présidente de la Fédération française EPMM Sports pour tous, lui demande si elle partage l’analyse développée par Patrick Mignon. Par ailleurs, il s’interroge sur le rôle de sa fédération, se situant à mi-chemin des pratiques libres et encadrées et visant à regrouper des praticiens libres, dans la formation et la diffusion de l’information pour développer de bonnes pratiques sportives au regard du risque. Françoise Got répond globalement que la fédération, regroupant près de 180 000 licenciés, 2 800 clubs et 4 000 animateurs formés, reconnue d’utilité publique et agréée par le ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, ne se situe pas dans la logique du nonencadrement. En tant qu’organe agréé, elle a une mission de service public lui imposant des règles suite à la loi sur le sport de 2001. Il s’agit d’une fédération multisports non compétitive. Ce dernier point assurant ainsi la préservation de certains risques. L’objectif prioritaire est d’apporter aux adhérents la notion de santé, que l’OMS définit comme un état de bien-être complet, physique et mental, auquel est associée la notion de lien social et de cohésion sociale. Les activités de la fédération sont classées au sein de trois environnements. 20 Le premier concerne le loisir sportif, non compétitif et s’inscrit dans trois secteurs : les activités gymniques ou d’expression, les activités de pleine nature et jeux, et les sports d’opposition. Le deuxième environnement est celui du socioprofessionnel, considérant que dans la recherche du bienêtre, l’individu doit avoir accès aux pratiques pendant son temps de loisir mais aussi pendant son temps de travail. Les actions conduites dans ce secteur visent avant tout les accidents du travail, avec des objectifs qui évoluent dans le temps (hier cela concernait le travail en hauteur, le port de charges, alors qu’aujourd’hui il s’agit de la gestion du stress, des troubles musculosquelettiques…). Ces actions ont toujours pour perspective de prolonger les actions ponctuelles par une pratique régulière conseillée au sein d’une association sportive. Le troisième environnement est celui du socioéducatif, en direction des jeunes et des adultes en difficultés, que celles-ci soient liées à l’âge, à des problèmes sociaux ou comportementaux. Un centre de ressources « action prévention sport » existe au sein de la fédération, dont l’expertise est reconnue par le ministère, via l’attribution de la responsabilité de jeunes placés auprès de la protection judiciaire de la jeunesse, en milieu carcéral et dans les communes auprès des publics en difficultés. La fédération privilégie le terme « activité physique » à celui de « sport », et a pour objectif que celle-ci ne se limite pas dans le temps, qu’elle soit véritablement inscrite dans un parcours de vie, contrairement à ce qui se passe dans la compétition. Les interventions se font autant dans le milieu des loisirs que dans le milieu professionnel ou dans celui des personnes en maison de retraite, ou en milieu médicalisé. La volonté de la fédération repose à la fois sur l’optimisation de l’autonomie de la personne tout en veillant à développer la notion de plaisir. Le public de la fédération est très large, allant du petit enfant avec des activités psychomotrices (équilibre, latéralisation, etc.) jusqu’aux personnes âgées en perte d’autonomie dans les maisons de retraite, avec toutefois une majorité de femmes (85 % environ) et un public senior. INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 21 NOUVEAUX COMPORTEMENTS DES CONSOMMATEURS, NOUVEAUX RISQUES : L’EXEMPLE DES SPORTS ET LOISIRS Dans le cadre de la prévention chez les personnes de plus de soixante-cinq ans, le Programme intégré d’équilibre dynamique (Pied) a été mis en place en relation et en partenariat avec l’Inpes. Celui-ci vise à travailler la notion d’équilibre et de prévention des chutes, responsables de cinq mille décès par an chez les personnes âgées. Ce programme s’articule autour d’une formation en stage d’une semaine et se prolonge par la pratique régulière d’exercices à domicile ainsi que par des préconisations liées à l’équipement de la maison. Son premier rôle consiste en une fonction d’observation et de veille. Pour ce faire, un partenariat a été conclu avec l’InVS, notamment sur la problématique de l’épidémiologie des accidents de sport. Les premières mises en œuvre de l’étude se feront fin 2007/début 2008 dans quatre départements pour une éventuelle généralisation. Seront ainsi examinés les types d’accident, l’âge des accidentés, les facteurs de risque, etc. La fonction de veille consiste également à observer l’évolution de la pratique encadrée. Dans un souci de sécurité, les activités de la fédération sont soumises à des tests réguliers d’évaluation de la condition physique, prenant en compte l’endurance musculaire, la souplesse, la force musculaire et l’équilibre. Les pratiques sont adaptées pour répondre au mieux aux capacités et souhaits de chaque adhérent. Le second rôle porte sur les missions régaliennes de l’État, c’est-à-dire l’élaboration des normes juridiques (code du sport et toutes ses déclinaisons), la participation et la contribution à l’élaboration de la normalisation relative aux matériels ou aux équipements. Un partenariat est mis en place en ce sens avec l’Afnor. Plus de deux cent cinquante normes existent aujourd’hui dans le domaine du matériel et des équipements, et chaque année le ministère consacre environ 150 000 euros à la production et à l’évolution de ces normes. Une démarche de normalisation européenne avec le CEN est également intégrée. La diversité de l’offre se traduisant par la multiactivité est de nature à apporter des bienfaits supplémentaires par rapport à la monoactivité trop répétitive. Éric Briat demande à Claudie Sagnac, sous-directrice de l’action territoriale, chargée de la protection du public à la direction des sports, composante du nouveau ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, quel est le rôle de l’État par rapport aux nouvelles pratiques sportives, plus individuelles et moins encadrées. Quelle part prend la réglementation, et plus largement la régulation de ces activités ? Quelle part est réservée à l’information et la prévention ? Claudie Sagnac répond qu’au-delà de la protection du public, il y a aussi le développement de la pratique sportive pour tous, la lutte contre le dopage, les équipements sportifs, les normes… Elle partage le constat effectué sur le manque de données statistiques fiables et d’études épidémiologiques en matière d’accidents de sport. Les données existent mais elles sont dispersées et incomplètes ; elles émanent du mouvement sportif, du milieu hospitalier, etc. Depuis le début des années 1990, de nouveaux espaces sportifs se sont développés, avec des pratiques induisant des risques supérieurs et de fait, le besoin d’un suivi accru. En milieu aquatique par exemple, les accidents en mer ont été réduits, mais ils sont plus nombreux sur les plans et cours d’eau. Le VTT en montagne est également une forte source d’accidents. Face à ce constat, l’État a quatre grandes missions à accomplir. À cet égard, elle rappelle que des normes sécuritaires existent actuellement en France et que le passage à la normalisation européenne aboutit parfois à les mettre en retrait par rapport à l’existant français. Cela a notamment été le cas pour les structures artificielles d’escalades et les structures de sport à roulettes. Elle appelle, de ce fait, les représentants des consommateurs à aider l’Administration, ou les organismes chargés de la normalisation, à faire passer ces messages auprès des associations de consommateurs européennes pour développer la mise en place de contraintes sécuritaires plus importantes. Autre mission régalienne : le contrôle de l’encadrement. Il appartient en effet au ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports d’effectuer la formation des éducateurs sportifs, de valider leur formation et d’assurer des formations continues dès que la pratique sportive est encadrée. La quatrième mission porte sur la sensibilisation et l’information du public. Pour ce faire, des campagnes « hiver » de communication sont mises en œuvre depuis une dizaine d’années, notamment pendant la saison de ski, pour sensibiliser le consommateur à la façon de se comporter sur les pistes. Pour la première fois en 2007, une campagne « été » a été déployée, notamment pour le VTT en montagne, destinée à diffuser des conseils aux INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs 21 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 22 quatrièmetable ronde pratiquants (encadrés ou non). L’État participe également à des campagnes initiées par d’autres partenaires (campagne « noyade » l’été, par exemple). Enfin, la direction des sports est au cœur des structures interministérielles existantes, notamment le Conseil supérieur des sports de montagne (via la Commission de la sécurité et de l’information et la Commission de l’emploi et des formations), et le Conseil fédéral des sports nautiques. Face au développement important des sports de nature, le ministère a mis en place le « Pôle ressources national des sports de nature » aidant à progresser pour une meilleure qualité de la pratique (randonnées, VTT, ski, canyoning…). encadrée et sécurisée, et ce dans toutes ses composantes : travail sur les équipements et la qualité de l’offre, avec encadrement et formation des éducateurs sportifs garantissant la pratique sans risque, la sécurité des pratiquants et la protection de la santé des sportifs. Le ministère fait également la promotion du sport comme facteur de santé. Françoise Got précise qu’au sein de la Fédération française EPMM Sports pour tous, comme au sein de toutes les fédérations, toutes les activités font l’objet d’un encadrement, assuré par des animateurs formés par la fédération, avec des certificats de qualification professionnelle, en remplacement des brevets fédéraux. Que l’animateur soit bénévole ou rémunéré, une formation initiale et continue est assurée et garantit la sécurité des pratiquants. En conclusion, la vocation du ministère est d’élaborer une stratégie de développement de la pratique sportive | Échanges avec les participants | Jean-Dominique Laporte, association Médecins de montagne, souligne le manque de moyens accordés aux personnes opérant sur le terrain dans le domaine de la prévention pour le recueil de données chiffrées et la conduite d’études épidémiologiques permettant de connaître les causes des accidents et de mener une véritable politique de prévention. Aujourd’hui, les données sont recueillies bénévolement et cela constitue un véritable problème. Une stratégie doit être mise en œuvre en ce sens, avec des objectifs et des moyens associés. Pour le ski notamment, de grandes difficultés ont été enregistrées pour mener à bien des recherches sur la cause des accidents et le comportement des skieurs sur les pistes. Régine Loosli-Surrans, ancienne secrétaire générale de la CSC, direction juridique du ministère des Affaires étrangères, rapporte que des choix sont à effectuer actuellement au plan communautaire en matière de normalisation. Une jurisprudence de la cour concernant les conditions d’utilisation est en voie de développement et semble positive. Par ailleurs, mais de manière plus préoccupante, l’adoption d’un règlement sur la reconnaissance mutuelle est en cours d’étude. Sur le premier point, les conclusions des avocats généraux ont tendance à prendre en compte les conditions d’utilisation des produits, vis-à-vis 22 notamment de la protection des utilisateurs, mais aussi de l’environnement ou de la santé en général. Il semblerait qu’ayant adopté une conception assez harmonisée du consommateur communautaire moyen, la cour se soit rendu compte qu’il n’était pas possible d’apprécier systématiquement les réglementations nationales à l’aune des entraves techniques aux échanges. Cette approche pourrait permettre de prendre en compte les conditions réelles d’utilisation, comme cela a toujours été l’objectif du législateur lors de l’adoption de la loi de 1983 sur la sécurité des consommateurs en France et dans d’autres États membres voisins, ainsi que dans le cadre de la directive 2001/95 sur la sécurité générale des produits. Cette évolution est intéressante dans la mesure où elle est à la fois soucieuse de développer un corpus communautaire et de prendre en compte la spécificité des pratiques, des habitudes et du contexte géographique dans vingt-sept États membres. Concernant le niveau de protection assuré par la normalisation, elle fait état de l’existence d’un outil bureaucratique, mais important, existant depuis plusieurs années, et relevant de la directive 98/34 sur les normes et la notification des règles techniques. INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 23 NOUVEAUX COMPORTEMENTS DES CONSOMMATEURS, NOUVEAUX RISQUES : L’EXEMPLE DES SPORTS ET LOISIRS Dans certains milieux sportifs ou professionnels, il serait intéressant de se mettre en rapport avec un ministère technique, pour voir dans quelle mesure, lorsque des normes en matière de sécurité des consommateurs ne sont pas satisfaisantes, il serait possible d’assurer le maintien des normes nationales, ou du moins de contester le niveau de protection de certaines d’entre elles. L’autre outil concerne les clauses de sauvegarde de directives ou la directive générale sur la sécurité des produits. Si l’unification du marché est importante, si les produits doivent pouvoir circuler librement, les éléments liés à la sécurité doivent être pris à leur juste mesure, et la DGCCRF y veille particulièrement. Il y a probablement moyen aujourd’hui de développer une politique communautaire tout en respectant les niveaux de protection définis dans le cadre spécifique des différents États membres. Marie-Solange Bureau, Afnor, responsable des normes dans le secteur du sport, rappelle que le problème relève du fait que dans les commissions européennes de normalisation siègent des délégations de pays ne représentant pas, comme en France, l’ensemble des acteurs (utilisateurs, industriels…) mais essentiellement les industriels. C’est notamment le cas en Allemagne. Dans ce cadre et à l’issue des travaux, un vote est mis en place et si la norme considérée n’obtient pas le nombre de points suffisant, elle n’est pas adoptée. De fait actuellement, il n’y a pas d’autre choix que d’adopter la norme européenne votée et de supprimer la norme préexistante. Dans certains cas toutefois, notamment sur les structures de skates et de rollers, les Européens n’ayant pas souhaité intégrer la problématique de la maintenance et de l’installation des équipements dans la norme, un texte complémentaire peut être élaboré. Jean-Jacques Berger, DGCCRF, rappelle l’existence d’un débat actuel au niveau européen sur la question d’accréditation et de surveillance du marché et sur les principes de reconnaissance mutuelle. Ces textes posent le problème de la libre circulation et du respect des exigences de sécurité des produits et services. Ce débat a lieu entre les directions responsables de la Commission européenne mais également au niveau français, pour lequel l’interlocuteur est la Direction générale des entreprises avec laquelle la DGCCRF entretient des relations fréquentes et ne manque pas d’appeler son attention sur les sujets de sécurité. INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs 23 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 24 cinquièmetable ronde • Philippe Lamoureux, directeur général de l’Institut national pour la prévention et l’éducation à la santé (Inpes) • Roland Delabre, administrateur national de l’Union fédérale des consommateurs-Que Choisir • Éric Briat, directeur de l’Institut national de la consommation (INC) Modérateur : Luc Machard, président de la Commission de la sécurité des consommateurs (CSC) Luc Machard rappelle que de nombreuses campagnes de prévention ont été menées sur les AcVC. Il insiste sur la particularité du risque, dans la mesure où celui-ci peut parfois être valorisé, notamment dans les populations les plus jeunes et peut même faire l’objet d’une obligation quasi statutaire au sein de certains groupes. Par ailleurs, il indique que les risques peuvent être divers et variés, certains pouvant également être saisonniers (l’été pour les noyades, l’hiver pour le ski…), ce qui rend indispensable une préparation physique et une remise en état du matériel peu entretenu car peu utilisé (une fois par an). De plus, le risque a lieu dans la sphère privée, familiale, intime, et les consommateurs n’adhèrent pas nécessairement à un discours de nature à les culpabiliser dans leurs gestes quotidiens. La plupart du temps, les consommateurs ont connaissance des risques mais ils négligent ou oublient ces informations, encourant un risque qui peut se conclure par un accident. Quelles sont les actions de communication entreprises sur les AcVC pour faire passer les messages de prévention souhaités ? Philippe Lamoureux, directeur général de l’Inpes, indique que la campagne « Tu t’es vu quand t’as bu ? » a fait l’objet d’une catastrophe sanitaire liée à l’effet inverse et à la stigmatisation sur la consommation d’alcool générée. Les objectifs de l’Inpes, établissement placé sous tutelle du ministère de la Santé, sont fixés par la loi du 9 août 2004 (loi de santé publique) concernent les intoxications au monoxyde de carbone (réduire de 30 % la mortalité par intoxication au monoxyde de carbone) et les traumatismes non intentionnels dans l’enfance (réduire de 50 % la mortalité par AcVC des enfants de moins de quatorze ans d’ici l’an prochain). 24 Les objectifs de la perception du risque sont en total décalage avec la réalité épidémiologique. En France, les AcVC sont une cause de mortalité prématurée majeure, de morbidité et de handicap, alors que cela ne représente pas pour le public un sujet de santé préoccupant. Le baromètre santé de l’Inpes confirme clairement ce point : 25 % seulement des personnes interrogées déclarent craindre les AcVC, contre 60 % les accidents de la route. 38 % des Français interrogés sur les éléments pouvant représenter un risque pour leur santé citent les AcVC. Ceux-ci arrivent en vingtième position sur les vingt-huit items proposés. Le cumul de l’ensemble des AcVC (hors accidents de la voie publique) représente 5 % des AVCI (selon l’OMS, années de vie perdues par rapport à l’espérance de vie moyenne corrigée des années de vie passées en incapacité). Le domicile, lieu où se produisent la plupart des AcVC, est assimilé à un espace de sécurité et ne fait pas l’objet de précautions suffisantes, paradoxalement à la voiture par exemple, où un grand nombre de précautions sont prises (ceintures de sécurité, vérification des pneus, etc.). La difficulté de communication sur les AcVC repose sur la diversité des risques, liés aux lieux, aux activités et aux situations. La diversité des populations joue également un rôle, dans l’appartenance à une classe d’âge, à une catégorie socioprofessionnelle, avec un élément clé majeur correspondant au gradient social ; le fait d’appartenir à une catégorie socioprofessionnelle défavorisée ou vulnérable est facteur de surexposition aux risques. Dans ce cadre, l’enjeu est de trouver un mode de communication adapté à la multiplicité des risques et à la diversité des populations. Pour ce faire, l’Inpes développe une stratégie reposant sur une approche transversale, en cherchant comment fédérer la communication sur le risque dans des actions thématiques. INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 25 BIEN COMMUNIQUER SUR LES RISQUES DE LA VIE QUOTIDIENNE La signature « Un réflexe en plus, c’est un risque en moins » a permis de créer des réflexes de prévention et d’avoir un visuel fédérateur. Un rapprochement a été réalisé avec la DGCCRF pour s’appuyer sur sa logistique et ses réseaux. Dans cette logique, la chouette a été un peu « reliftée » mais demeure toujours le symbole de la campagne. Les post-tests effectués sur ces campagnes ciblées montrent leur efficacité. La stratégie de communication développée correspond à l’approche par les risques, permettant ainsi de zoomer sur l’un d’entre eux en délivrant une information détaillée. Ainsi, une communication TV sur les AcVC chez les enfants a été effectuée, s’appuyant sur les trois principales causes de mortalité sur le sujet (étouffement, noyade et suffocation) et en attirant l’attention sur le sujet plus générique des accidents chez l’enfant. Il convient également de pouvoir créer, par le biais de la norme notamment, des environnements sains (interdiction de fumer dans les sites publics, retrait des distributeurs des produits gras et sucrés dans les écoles, etc.). Cela constitue le grand enjeu des années à venir pour être plus efficace en matière de prévention des AcVC. Un autre exemple est actuellement en cours, relatif aux incendies domestiques, aux intoxications au monoxyde de carbone, aux accidents de bricolage, à l’utilisation des produits ménagers, au ski, aux rollers, au vélo, à la prévention des chutes chez les personnes âgées. En termes de communication, l’approche par les risques présente l’intérêt de créer des synergies avec des partenaires réseaux, les services déconcentrés, ceux du ministère de l’Économie et des Finances, de la Consommation et celui du ministère de la Santé, mais également les associations, qu’elles soient généralistes comme les Comités d’éducation à la santé, ou des fédérations professionnelles ou des partenaires privés (grandes enseignes par exemple). Ainsi, sur le monoxyde de carbone, un travail conjoint a été effectué par l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat et Gaz de France. Pour les AcVC, des travaux ont été menés avec la Fédération des magasins de bricolage, etc. L’approche par public est complémentaire de l’approche par les risques. Selon le sujet, la communication peut s’adresser aux parents, aux personnes défavorisées, aux personnes âgées, aux jeunes… Le travail par segment est développé à partir de la perception des publics cibles et permet d’intégrer les différents codes culturels. Ainsi, un travail sur les défenestrations d’enfants a été effectué. Cette problématique, souvent en lien avec l’immigration (habitat en étage, gardes effectuées par les aînés), a nécessité, pour communiquer efficacement en direction de ce public cible, de disposer de supports adaptés et spécifiques. Le troisième élément est relatif à l’approche par les environnements, considérant qu’il ne suffit pas de faire peser la prévention des AcVC sur les comportements individuels. Pour exemple, pour le port du casque vélo, un partenariat a été mis en place avec les magasins de sport faisant en sorte que l’achat d’un vélo soit automatiquement associé à l’achat d’un casque. Par ce mécanisme, le nombre de porteurs de casques a augmenté, et ce, en ayant travaillé non pas sur la communication mais sur l’environnement. Roland Delabre, administrateur national de l’Union fédérale des consommateurs-Que Choisir, rappelle que si les associations de consommateurs ne disposent pas de statistiques pour agir sur les différentes causes de décès liés à la sécurité, les adhérents de l’association et les abonnés à sa revue se chargent en permanence de rappeler l’intérêt de communiquer dans ce domaine. UFC-Que Choisir aborde la problématique par trois angles d’attaque. Le produit tout d’abord, celui-ci se définissant à la fois par son prix, sa qualité, mais aussi sa sécurité. Lors de la mise sur le marché d’un nouveau produit, celui-ci fait l’objet d’une analyse complète de l’ensemble de ses dimensions. Le second aspect concerne la prévention et l’utilisation du produit. Enfin, le troisième aspect est relatif à la base de données constituée sur les rappels (retours des produits aux fabricants en cas de danger). Roland Delabre rappelle que l’UFC-Que Choisir est indépendante, sans lien avec les fournisseurs et les fabricants, refuse la publicité, possède un laboratoire d’essais propre et promeut une information simple, claire, concrète, plutôt que riche mais non compréhensible par tous. INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs 25 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 26 cinquièmetable ronde Le mensuel Que choisir enregistre de 450 000 à 500 000 abonnés et 50 000 ventes en kiosque à chaque parution. Des numéros spéciaux viennent s’y ajouter, un sur la sécurité notamment, un peu ancien mais comportant des enseignements qui restent d’actualité. UFC-Que Choisir dispose également d’une revue mensuelle de santé (34 000 exemplaires) traitant également des problèmes de sécurité. Un des derniers numéros a notamment traité des dangers à l’intérieur de la maison. Un site Internet est également disponible, offrant l’accès au contenu de tous les anciens numéros. Des émissions télévisées, Consomag, sont également diffusées. Enfin, UFC-Que Choisir dispose d’un réseau d’associations couvrant tout le territoire (165 associations, 125 000 adhérents), en mesure d’effectuer des interventions dans des structures collectives (foyers, lycées…). Globalement, les lecteurs de la revue se situent dans une tranche d’âge supérieure à cinquante ans, en phase avec les problématiques de sécurité, avec un retour sur les enfants via les grands-parents lorsqu’ils les ont en charge. Le public d’Internet est beaucoup plus jeune. Celui des associations locales et des émissions de télévision est plus large et indifférencié. Des jouets contenant des peintures au plomb, des petites pièces pouvant être ingérées, etc. ont été rappelés. Ces produits sont clairement mentionnés sur le site où figurent 930 références. Des difficultés, faute de moyens, sont néanmoins rencontrées pour connaître le taux de rappels effectifs. Éric Briat rappelle en premier lieu que l’INC informe également les consommateurs sur les risques d’AcVC dans son magazine mensuel 60 Millions de Consommateurs, ses numéros hors série et le site Internet www.60millions-mag.com. Les émissions de télévision, Consomag, produites par l’INC, peuvent aussi être utilement mobilisées, tout comme la lettre d’information hebdomadaire INC Hebdo, le portail Internet de la consommation www.conso.net ouvert aux associations de consommateurs et permettant de travailler avec des relais locaux. L’INC est en effet de plus en plus convaincu que tous les efforts de communication entrepris via les grands médias nationaux (TV, presse ou Internet), doivent être relayés par des medias de proximité et des leaders d’opinions locaux, à même de diffuser l’information 26 « en étoile ». De ce point de vue, les rôles respectifs joués par les organisations de consommateurs et les Centres techniques régionaux de la consommation, sont essentiels. Lorsque les sujets liés aux risques de la vie quotidienne ont un lien immédiat avec les modes de consommation, un travail au plus près du terrain doit être entrepris, par exemple avec les dispensaires en milieu urbain ou les maisons de soins en zones rurales. Ces organismes ont les moyens d’agir de façon pérenne sur le terrain et sont toujours en attente d’informations et d’outils opérationnels leur permettant de travailler concrètement à la diffusion de l’information. Il est nécessaire, par ailleurs, de développer des actions de communication cohérentes avec l’évolution de la législation et de la réglementation. Si la France a obtenu de bons résultats dans le domaine de la sécurité routière, par exemple, ce n’est pas seulement lié à l’efficacité des spots TV diffusés, mais également au durcissement de la réglementation et à la mise en œuvre de dispositifs de contrôles renforcés (radars…). Une bonne communication, détachée d’une action législative ou réglementaire contraignante et effective, n’est pas à même de modifier en profondeur les comportements. Elle l’est davantage lorsqu’elle est articulée avec une intervention du législateur ou de l’exécutif. En outre, une des difficultés récurrentes rencontrées dans la communication préventive sur les AcVC tient au fait que bon nombre d’entre eux surviennent à la maison. Or, la maison apparaît de prime abord comme un lieu protégé et qui relève de la sphère de l’intime. Dès lors, les consommateurs sont souvent rétifs vis-à-vis des messages qui visent à modifier leurs comportements dans ce lieu qui est le leur par excellence : ils perçoivent ces messages comme une intrusion. C’est ainsi par exemple que cette année, l’une des émissions Consomag sur l’hygiène alimentaire a été extrêmement mal perçue par le panel de téléspectateurs recruté pour en évaluer l’impact. De plus, à un moment où notre société développe une vision sécuritaire dans nombre de domaines, il convient d’être attentif aux formes prises par la communication sur les risques. Les Anglo-Saxons n’hésitent pas à dramatiser la communication en simulant par l’image les conséquences désastreuses des AcVC. Mais ne diffuse-t-on pas alors, si on adopte cette démarche, en particulier dans des spots TV, des messages anxiogènes ? Certes, la dramatisation, qui a mis du temps à s’introduire dans l’écriture des campagnes de INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 27 BIEN COMMUNIQUER SUR LES RISQUES DE LA VIE QUOTIDIENNE communication d’intérêt général en France, a fait ses preuves dans bon nombre de cas. Cependant, certains sujets ont mûri dans l’opinion publique, et celle-ci est surtout en attente de solutions face aux risques. Dès lors, ne doit-on pas désormais mettre davantage en avant et en scène les gestes et comportements préventifs, plutôt que la représentation dramatisée des conséquences des AcVC ? Enfin, plus largement et sans doute plus durablement, la prévention ne doit-elle pas s’appuyer aujourd’hui sur une véritable éducation à la consommation, qui intégrerait la dimension « sécurité des produits et des services » ? Luc Machard pose la question : comment pénétrer sans être intrusif dans la maison pour communiquer sur les risques de la vie quotidienne ? Philippe Lamoureux répond que la peur ne saurait constituer une fin en soi, même si celle-ci peut permettre de matérialiser le danger. Un des moyens de rentrer dans l’habitat individuel pourrait peut-être passer par une communication davantage centrée sur les solutions plutôt que sur les risques. En ce sens, l’éducation aux risques est nécessaire. Il convient également d’arriver à fédérer le maximum d’acteurs pour bénéficier de points d’entrée diversifiés et multiplier l’exposition au message. Parallèlement à ces axes d’actions possibles, l’Inpes travaille sur une approche plus globale de l’habitat ainsi que sur les risques de surexposition aux nuisances sonores. Y a-t-il lieu d’être plus incisif dans les prises de paroles, comme le sont les communications anglo-saxonnes ? Est-il nécessaire de délivrer des messages plus ciblés et sur quels supports ? | Échanges avec les participants | Roland Delabre rappelle que la télévision constitue un média entrant facilement dans le domicile et qu’elle doit être utilisée dans le cadre de la prévention. La question de la nature et du style de message reste posée, et une réflexion doit être engagée sur ce terrain. Si les casques à vélo sont assez souvent offerts par le magasin lors de l’achat du vélo, cela ne constitue pas la seule raison faisant croître leur utilisation. La mode, le paraître et l’aspect ludique de l’objet constituent des éléments importants pour les consommateurs, et ceuxci méritent d’être largement pris en compte. Il s’agit là de vendre la sécurité. Dans certaines communes, des contrôles sont effectués dans le sanitaire privé pour vérifier que les fosses septiques ne polluent pas, mais ceux-ci ne sont pas faits pour les piscines. Au niveau de la collectivité locale, le maire, responsable de la sécurité, devrait, en plus des contrôles effectués pour l’environnement, faire vérifier la sécurité des piscines. Chantal Jannet, Union féminine civique et sociale (UFCS), fait remarquer que la politique de prévention des accidents domestiques ne peut pas se calquer sur celle des accidents de la route, mettant en œuvre une politique de prévention basée à la fois sur un aspect répressif et de communication. Pour faire face à l’impossibilité de travailler sur un mode répressif lorsqu’il s’agit de l’univers de la maison, un des vecteurs sur lequel il serait éventuellement possible de s’appuyer pourrait être les enfants. Actuellement, nombre d’entre eux, entre cinq et neuf ans, effectuent, avec un fort niveau de sérieux, des exercices de prévention. Par ce biais, ils sont souvent amenés à faire eux-mêmes l’éducation des parents. Claude Hergueux, Macif Prévention Rhône-Alpes, regrette que la thématique de l’éducation n’ait été abordée que dans la dernière table ronde alors qu’il s’agit d’une approche fondamentale dans la prévention. Il s’interroge par ailleurs sur la possibilité d’une mise en commun des moyens pour effectuer une prévention plus efficace. Une consommatrice souligne l’importance de former les consommateurs aux premiers gestes de secours. Il ne faut pas se cloisonner à la surveillance du risque, la prise en compte des gestes minimisant l’accident survenu est INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs 27 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 28 cinquièmetable ronde primordiale. Entrer par ce biais pourrait permettre d’éviter la peur et les dangers par une meilleure prise de conscience de la responsabilité. Jean-Pierre Petiteau, Bureau réglementation incendie et risques de la vie courante, ministère de l’Intérieur, de l’Outre-Mer et des Collectivités territoriales, mentionne que l’apprentissage des gestes de premiers secours relève à la fois de l’application de la loi de santé publique et de celle de la modernisation de la sécurité civile. Un décret est paru concernant les ministères de l’Éducation nationale, de la Santé et de l’Intérieur, prévoyant l’apprentissage du secourisme et l’éducation à la sécurité civile par le biais des écoles primaires et des collèges, voire des lycées dans certaines classes, y compris jusqu’à la création d’un baccalauréat professionnel de la sécurité. Ces actions n’ont pas encore donné lieu à beaucoup de discussions interministérielles mais ont d’ores et déjà été initiées, et les enfants peuvent constituer une aide efficace dans ce domaine. Jean-Paul Lechien, Institut de prévention des accidents domestiques (Ipad), évoque l’exemple des health visitors émanant des pays anglo-saxons et consistant à accompagner les campagnes nationales par des actions de terrain, grâce à des personnes connues dans le quartier. Dans cette logique, des campagnes jumelées avec certains organismes (la Croix-Rouge, par exemple) pourraient permettre d’effectuer les constats in situ. Selon lui, et pour plus d’efficacité, une campagne ne doit communiquer qu’un seul message, considérant que leur multiplication tend à brouiller leur lisibilité. Ainsi par exemple, une campagne sur le monoxyde de carbone ne doit porter que sur les aérations et les ventilations mécaniques contrôlées. Un travail conjoint avec des personnes ayant le droit de pénétrer chez les particuliers mériterait d’être expérimenté. Jean-Pierre Petiteau précise qu’il convient de ne pas faire abstraction de l’environnement juridique dans lequel se situe la prévention et que, dans ce cadre, un professionnel n’a pas le droit de pénétrer chez les particuliers sans y avoir été invité. Seul un officier de police judiciaire peut y avoir accès. 28 Éric Briat rappelle que l’école peut être aussi un lieu où s’opère un transfert de connaissance. Il n’en demeure pas moins, en comparant les actions éducatives conduites actuellement – pendant et hors temps scolaire –, que certains pays européens ont pris de l’avance sur la France, sans nécessairement mettre en œuvre des moyens disproportionnés. Lors du travail effectué avec certains réseaux européens, il apparaît clairement que la mise en place de dispositifs concrets (livrets pédagogiques pour les professeurs et les élèves), correspond à de vraies attentes. L’agenda Europa est un exemple d’opérations fonctionnant très bien dans les lycées, enregistrant un très bon taux de satisfaction auprès des enseignants, un grand nombre de demandes ne pouvant à ce jour être satisfaites. Des initiatives peuvent ainsi tout à fait être conduites si des moyens sont donnés aux enseignants et aux animateurs pour travailler et si une volonté d’agir se manifeste. Il faut sur ce point s’appuyer sur les initiatives des chefs d’établissement dans le cadre de leurs projets éducatifs. Il faut également mieux utiliser les outils existants. Roland Delabre insiste sur l’importance de la coordination de toutes les actions entreprises. Le recensement des accidents est également une donnée importante, et il conviendrait de travailler davantage sur les causes pour pouvoir agir. Philippe Lamoureux indique que la modification des comportements nécessite un travail en profondeur pendant un temps inscrit sur l’échelle d’une génération. La mise en place de contrôles purs ne saurait être efficace à elle seule. Concernant le média TV, il convient de veiller à ne pas saturer l’opinion par une surabondance de messages, mais de s’inscrire dans une véritable logique éducative, en fournissant des points de repères aux consommateurs pour qu’ils se les approprient pleinement. L’approche normative couplée d’une communication sur le sujet (exemple : norme sur la sécurité incendie de certains matériels, associée à la diffusion d’une action média) pourrait être plus efficace si des réflexes étaient pris en ce sens. Il peut par ailleurs être parfois inutile d’effectuer des dépenses en communication alors que la simple mise INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 29 BIEN COMMUNIQUER SUR LES RISQUES DE LA VIE QUOTIDIENNE en place d’une norme pourrait être suffisante. Philippe Lamoureux cite l’exemple des accidents d’alliances pour lesquels il suffit simplement d’imposer aux bijoutiers de mettre un point faible dans la bague pour que celle-ci casse au moment de l’accrochage. La notion d’environnement est également très importante, dès lors qu’elle peut directement agir sur les comportements (voir la mise en accès libre des vélos à Paris). L’appui sur les enfants représente également un axe de travail important dès lors qu’il y a injonction de consommation portée aux parents par les enfants. Concernant la problématique de l’éducation, il mentionne que le nombre et la lourdeur des demandes effectuées auprès des enseignants vont totalement à l’encontre de l’efficacité recherchée et contribuent à la démotivation. Selon lui, il s’agit d’arriver à faire en sorte que l’éducation à la santé soit intégrée dans le projet d’établissement, que cela soit porté par l’ensemble de la communauté éducative et pas seulement cristallisée autour d’une seule discipline ou d’un seul professeur. Il semblerait également plus pertinent d’approcher le problème, non pas sous l’angle des risques, mais des compétences que l’on souhaite développer chez les enfants : l’estime de soi, la connaissance du corps, la capacité à avoir confiance en son propre jugement, lesquels pourront ainsi mobiliser toutes leurs capacités dans l’ensemble des risques (tabac, alcool, jeux, accidents de la vie courante, conduite automobile…). C’est tout le travail entrepris actuellement par l’Éducation nationale au travers du socle de connaissances souhaité, voire développé chez les enfants. De très bons textes de l’Éducation nationale datant de juillet 2006 existent sur le sujet, mais au niveau des établissements il ne s’agit encore trop souvent que d’une démarche relativement individuelle, souvent dépendante de la mobilisation et de la motivation des personnes. Les actions sur le terrain sont nécessaires et fondamentales. Chaque fois que cela est possible, des mobilisations sont effectuées dans le milieu scolaire, les collectivités locales, territoriales, etc. Un travail de plus en plus important est effectué avec les médecinsconseils des caisses de Sécurité sociale, des contacts avec les mutuelles se développent, etc. INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs 29 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 30 clôture INTERVENTION DE LUC CHATEL, SECRÉTAIRE D’ÉTAT AUPRÈS DE LA MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L’EMPLOI, CHARGÉ DE LA CONSOMMATION ET DU TOURISME Luc Chatel salue le président de la Commission de la sécurité des consommateurs, le président de Macif Prévention, le directeur de l’INC, ainsi que tous les participants. Il manifeste son intérêt à l’égard de ce colloque consacré aux nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs et remercie vivement les organisateurs de cette initiative. Il ne manquera pas de prendre connaissance de la synthèse des travaux issus de cette journée au cours de laquelle sont abordés des sujets très importants, touchant l’épidémiologie, l’apparition de nouveaux risques, l’information et la communication sur les risques liés à la consommation. Dans ce cadre, il rappelle que le consommateur est au cœur des priorités du gouvernement. La consommation des ménages est un élément moteur de l’économie du pays et il convient donc de la soutenir, tout en orientant les Français vers une logique de consommation responsable, durable, plus soucieuse des générations futures et plus respectueuse des différents droits. Depuis quelques années, un sentiment diffus mais croissant d’inquiétude, voire de défiance, est constaté, qui pourrait se révéler dangereux pour l’économie. C’est pourquoi le gouvernement s’emploie à restaurer la confiance des consommateurs. Outre l’action en matière de protection économique, de pouvoir d’achat et de défense juridique des consommateurs, la restauration de la confiance passe aussi par une vie quotidienne plus sûre. Chaque année en France les AcVC sont responsables de plus de quatre millions de blessés et provoquent près de vingt mille décès, soit quatre fois le chiffre des accidents de la route. Ces accidents peuvent intervenir dans toutes les activités quotidiennes, à la maison, dans le jardin, sur la route de l’école, lors d’activités sportives, et concernent tout le monde et tous les âges de la vie. Chaque année par exemple, trois cents enfants de moins de quinze ans décèdent d’un AcVC, neuf mille personnes de plus de soixante-cinq ans sont victimes 30 d’un accident mortel, souvent par chute. Toutes les études montrent que la mise en place de mesures de prévention adaptées permettrait d’éviter plusieurs milliers de morts chaque année. Il se déclare très sensible aux travaux conduits depuis plusieurs années par la CSC, avec laquelle le gouvernement travaille en étroite relation. Compte tenu du tribut payé par les concitoyens et toute la société française aux AcVC, le gouvernement s’est engagé dans une action forte et spécifique pour en diminuer à la fois le nombre et la gravité, en basant ses actions sur la prévention. Les campagnes d’information et de prévention conduites depuis une vingtaine d’années, notamment par l’Institut national pour la prévention et l’éducation à la santé, en partenariat avec divers ministères, dont celui chargé de la consommation au travers de la DGCCRF et la Commission de la sécurité des consommateurs, ont porté leurs fruits, permettant un certain reflux du phénomène. Néanmoins, la persistance de chiffres alarmants montre que de nombreux progrès sont encore à réaliser. Pour assurer une prévention efficace, il est d’abord essentiel d’avoir une bonne connaissance des accidents eux-mêmes et de tous les aspects de leur contexte (conditions de survenue, activités au moment de l’accident, caractéristiques de la victime, conséquences sur la personne). À l’heure actuelle, divers organismes français fournissent des renseignements importants sur ces accidents, l’Institut de veille sanitaire par exemple, via les enquêtes sur les risques de noyade, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale dont les données sur les facteurs de décès sont essentielles, mais également les organismes d’assurance maladie. Toutefois, les informations disponibles ne couvrent pas l’ensemble des domaines concernés par les AcVC et lorsqu’elles existent, elles sont trop souvent éparses et encore insuffisamment exploitées. INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 31 e Les intervenants sont multiples parce qu’un AcVC peut se produire en de multiples lieux. Plus de la moitié se produisent à la maison mais il y en a aussi beaucoup sur des aires de jeux et de sport, lors d’activités de loisirs de bricolage, de jardinage… Pour mettre fin à cette situation diffuse, le gouvernement met actuellement en place une coopération entre les services publics concernés afin de faciliter le recensement et l’exploitation des données existantes et organiser le recueil de données complémentaires lorsque cela est jugé nécessaire. Cette collaboration associera les différents organismes collectant ou détenant des données, en particulier la CSC, l’INC, mais aussi le ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports au travers de la direction générale de la santé, de la direction des sports, de l’Inpes et de l’InVS, ainsi que l’autorité de surveillance du marché au sein de la DGCCRF. Ce travail de recueil d’informations est très précieux pour permettre aux pouvoirs publics d’identifier des domaines prioritaires et de définir des moyens d’action pour remédier aux causes identifiées des accidents. Il est précieux également pour élaborer les outils de prévention adaptés. Dans le même temps, un ensemble d’actions sous la forme d’un plan national, pour prévenir les AcVC a été mis en place conjointement par l’ensemble des ministères concernés (Minefe, Santé, Sport, Intérieur, Éducation nationale et Logement). L’exécution des mesures contenues dans ce plan, copiloté par le ministère chargé de la consommation et celui chargé de la santé, est régulièrement examinée par le Conseil national de la santé publique. Il prévoit un certain nombre de mesures à mettre en œuvre pour prévenir les risques identifiés comme étant les plus importants, tels les incendies, les chutes de personnes âgées, les noyades ou les défenestrations. D’ores et déjà, des mesures sont à mettre à l’actif de ce plan et deux avancées méritent d’être soulignées. La première, d’une portée générale, prévoit une sensibilisation des enfants aux gestes de premiers secours, étalée sur toute la durée de leur scolarité, de l’école primaire au lycée. L’autre est ciblée sur le risque incendie et institue un diagnostic obligatoire sur les risques électriques dans les logements. Ces deux dispositions, la coopération pour un large recensement des données, ainsi que le plan national de prévention des AcVC engagé par les autorités françaises au cours des dernières années, rejoignent les préoccupations exprimées au niveau européen, et ce, dans une recommandation du conseil des ministres adoptée le 31 mai dernier. Le conseil recommande aux États membres d’optimiser l’exploitation des données existantes et de mettre en place si nécessaire des moyens et de les compléter. Une seconde recommandation incite à l’instauration de plans nationaux en matière de prévention de ces accidents. La prévention passe aussi par le respect de la réglementation existante, notamment dans le domaine de la sécurité des biens et des services. La sécurité des produits, essentielle pour la confiance, relève d’abord des professionnels qui ont obligation de mettre à disposition des consommateurs des produits sûrs. En cas de défaillance entraînant la mise sur le marché de produits dangereux, les professionnels doivent en informer les pouvoirs publics (obligation de signalement) et prendre les mesures adaptées pour réduire les risques. Les responsables de la normalisation fournissent des outils, les normes, dont le rôle croissant permet de vérifier si les exigences de sécurité sont respectées. Au niveau national et communautaire, les pouvoirs publics jouent un rôle important : élaboration de la réglementation, contrôle des opérateurs, élimination des produits dangereux du marché ; et ils veillent à la bonne information du consommateur. Les utilisateurs des produits doivent aussi être acteurs de leur propre sécurité et d’abord rester vigilants pour eux-mêmes et pour les autres, tout particulièrement visà-vis des enfants. En Europe, il existe un dispositif de surveillance du marché dont il ne faut pas craindre de dire qu’il se situe parmi les plus aboutis du monde. INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs 31 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 32 clôture Néanmoins, les récents retraits, massifs et répétés d’un certain nombre de produits, les jouets en provenance de Chine par exemple, peuvent amener à s’interroger sur son bon fonctionnement. La Commission européenne, par l’intermédiaire de Meglena Kuneva, commissaire européenne chargée de la protection des consommateurs, a rendu publiques le 22 novembre 2007 les conclusions d’un audit réalisé avec l’ensemble des acteurs concernés, notamment les États membres, sur ce dispositif. L’analyse qui en est issue est globalement partagée avec le ministère, mais il convient de prendre garde à ne pas sombrer dans un pessimisme qui ne serait pas justifié. Des progrès doivent encore être faits, renforcer d’abord la coopération avec les pays tiers pour les inciter à exporter vers l’Europe des produits conformes à nos standards, lesquels se situent parmi les plus exigeants. La Commission européenne a pris des initiatives en la matière, et la France, via Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi, a signé il y a quelques jours, à l’occasion de son récent voyage avec le président de la République en Chine, un protocole avec son homologue, ministre en charge de l’autorité chinoise de surveillance du marché, visant à des échanges réguliers d’informations et une série d’initiatives conjointes pour protéger la santé et la sécurité des consommateurs. Il y a lieu également de rappeler aux importateurs l’importance de leur rôle en matière de sécurité des produits. En tant que responsables de la première mise sur le marché, ceux-ci ont obligation de vérifier que les produits importés sont sûrs et conformes à la réglementation. Certains importateurs n’ont à ce jour pas suffisamment conscience de cette dimension, qu’elle soit sociale ou civique. Le dispositif juridique existant pourrait aussi être amélioré, et ce, dans deux directions. En créant tout d’abord une base juridique permettant d’instaurer, si nécessaire, un régime renforcé de contrôle pour certains produits originaires de certains pays tiers. Un tel système existe déjà dans le domaine alimentaire. Un renforcement des dispositions relatives aux autocontrôles et à leur justification auprès des autorités de surveillance des États membres pourrait également être effectué. Des propositions en ce sens seront faites prochainement à Meglena Kuneva. 32 Il convient enfin de maintenir une pression de contrôle soutenue sur le marché national. Dans ce cadre, la mobilisation de la DGCCRF est indispensable. Par toutes ces approches, le gouvernement entend mener une action énergique, tant au niveau national qu’au niveau international. À cet égard, il se félicite de la volonté des organisateurs de faire de ce colloque une première étape d’un processus qui se prolongera au printemps 2008 par un forum rassemblant sous forme d’ateliers thématiques tous les acteurs, au premier rang desquels figureront les associations de consommateurs et les organisations professionnelles, et dont les travaux feront l’objet d’un livre blanc de la prévention des AcVC, remis aux participants de la deuxième Conférence européenne de la sécurité, qui se tiendra sous présidence française de l’Union européenne les 9 et 10 octobre 2008 à Paris. Luc Chatel annonce qu’il ouvrira cette conférence, qui constituera un moment fort de la présidence française sur la partie consommation afin de manifester des initiatives prises par les pouvoirs publics pour lutter contre les AcVC. En conclusion, il rappelle son attachement à la protection des consommateurs et réaffirme sa confiance dans les différents acteurs agissant au quotidien en ce sens, au premier rang desquels se trouve la Commission de la sécurité des consommateurs. e INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 33 synthèsedes travaux José Cerqueira, président de Macif Prévention, souligne le plaisir d’avoir organisé ce colloque dans les nouveaux locaux parisiens de la Macif. Pour le groupe Macif, les AcVC sont un axe majeur et correspondent à une mission citoyenne. Une demande a d’ailleurs été faite pour qu’ils deviennent une grande cause nationale. Ce colloque doit être le point de départ d’une coopération entre tous les acteurs, qu’ils soient associatifs ou institutionnels. Toutes les compétences doivent être associées pour une synergie d’actions, afin de relever le défi consistant à réduire considérablement le nombre de victimes, encore beaucoup trop élevé. Pour cela, il convient de favoriser le développement d’une vraie culture de prévention, faisant encore trop souvent défaut en France. José Cerqueira remercie tous les participants et les organisateurs, en particulier Luc Machard, avec qui un lourd travail a été effectué pour l’organisation de ce colloque et la préparation des prochains travaux, notamment le forum et la conférence d’octobre 2008. Éric Briat précise que cette journée donnera lieu à une publication papier, sous la forme d’un supplément à INC Hebdo, qui sera adressée à l’ensemble des participants de la journée. Le document sera également disponible sur les sites Internet respectifs de la CSC, de Macif Prévention et le portail de la consommation de l’INC www.conso.net. Les grands enseignements issus des tables rondes Table ronde n° 1 • La prévention des AcVC requiert une autre approche des risques, notamment des « petits risques ». Il est indispensable de connaître, autour de typologies suffisamment précises, le comportement du consommateur au moment de l’accident, les circonstances de l’accident, le rôle du produit ou du service dans l’accident. • Quantitativement nombreux mais très diffus dans leur manifestation (avec une très grande variabilité des occurrences statistiques), les risques sont très difficiles à cerner. • De nombreux participants, notamment le docteur Laporte, président de l’association Médecins de montagne, soulignent un problème de moyens. • La mesure des comportements des assurés dans les dossiers d’assurances constitue une source d’information et de documentation très utile. • L’information est souvent locale ou régionale à l’origine. Ainsi, les bases de données de la Macif permettent des analyses sociologiques et constituent un observatoire des risques pour agir avec un maximum de réactivité. • La connaissance n’a d’intérêt que s’il y a des acteurs derrière, d’où l’idée de proximité et d’immédiateté dans la compréhension épidémiologique. • L’InVS n’ayant pas la capacité d’opérer seul dans le domaine de la prévention, il s’avère nécessaire d’avancer en partenariat et complémentarité avec les différents acteurs. L’InVS doit devenir la tête d’un réseau qu’il anime et appuie sur le plan méthodologique. INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs 33 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 34 synthèsedes travaux Table ronde n° 2 • Les questions soulevées dans cette table ronde se posaient déjà dans l’élaboration de la loi de 1983. Le sujet demeure encore très vaste, très actuel, et il est nécessaire d’y travailler plus en profondeur. • La difficulté pour les consommateurs de s’y retrouver dans les notices et le marquage des produits, les conseils d’achat et de location (défaut d’emplacement, mauvaise compréhension, etc.) a été soulignée. • S’ajoute à cela la différenciation liée au gradient social, certaines populations étant plus exposées que d’autres à certains risques. Cela justifie des formes d’information particulières. • De nombreuses interrogations demeurent sur la normalisation, et un effort d’information du grand public reste à effectuer dans ce domaine. • Les normes doivent impérativement être élaborées ou complétées de manière à fournir précisément les informations de sécurité que doivent comporter les matrices, le marquage ou la signalétique, ainsi que les modalités pour que cellesci soient accessibles et compréhensibles par tous. Table ronde n° 3 • Les achats par Internet génèrent les mêmes problèmes de sécurité qu’auparavant mais à une échelle beaucoup plus large et sur une gamme de produits de plus en plus étendue, intégrant des produits de consommation courante et non plus seulement des produits de luxe. • L’appréhension de la contrefaçon et la manière dont elle doit être traitée génèrent des avis différents. Le débat a permis de renouer le dialogue entre différents interlocuteurs et de se retrouver sur ce sujet. • La montée en puissance de la contrefaçon du médicament est un vif sujet d’inquiétude. • La Convention de Rome donne des garanties au consommateur en lui offrant la possibilité de recourir à la loi de son pays. • Si seule une coopération étroite au niveau européen, et même international, peut permettre d’instaurer une inévitable surveillance du marché sur Internet, les moyens juridiques et humains affectés à cette mission dans notre pays doivent être renforcés. Table ronde n° 4 • Les pratiques en matière de sport sont très segmentées, diverses, et dépendent notamment de l’âge et des objectifs poursuivis par les pratiquants. À côté des jeunes à la recherche, par la prise de risque, d’un certain statut figurent des personnes plus âgées qui reprennent une activité physique sans y être suffisamment préparées. • La formation de l’encadrement est primordiale. • Plusieurs participants insistent sur la nécessité d’adapter la pratique à ses capacités. • Les procédures d’élaboration des normes au niveau européen posent problème dès lors que la France n’est pas suffisamment présente pour assurer la promotion de la sécurité. • Tous expriment le regret d’une épidémiologie insuffisante, avec le souhait de voir les initiatives de terrain mieux soutenues. • Le ministère des Sports annonce la conduite d’études ciblées sur certains risques, notamment la pratique du VTT en montagne. 34 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 35 Table ronde n° 5 • Les actions d’information et de communication ne sont plus suffisantes en elles-mêmes. Elles doivent être accompagnées d’actions complémentaires pour en assurer l’efficacité, la pérennité ou le meilleur ciblage. • Il est nécessaire de prévoir de nouveaux outils permettant une meilleure appropriation de la connaissance des risques et une meilleure éducation à la santé et à la consommation. • Il s’avère également nécessaire de mobiliser les acteurs-relais, les acteurs de terrain au plus près des consommateurs. En conclusion, Luc Machard interprète les propos de Luc Chatel comme un engagement politique fort, pour avoir notamment mis en avant le forum de la sécurité, annoncé sa présence à la seconde Conférence européenne de la sécurité, ainsi que sa volonté de relancer le plan national de lutte contre les accidents de la vie courante et la décision, sinon de l’actualiser, au moins d’en soutenir l’application, y compris dans une logique ministérielle. Il y a donc tout lieu d’être optimiste et de penser que les actions plus que jamais indispensables au regard de l’accidentologie pourront progressivement se concrétiser. La mise en réseau constitue une demande forte des acteurs afin que tous coopèrent à une connaissance accrue des risques, à une meilleure information du consommateur, à une communication plus ciblée vis-à-vis des populations plus sensibles, une meilleure prévention des nouveaux risques. Cette mise en réseau reste pourtant à construire, ensemble, pour développer une politique de prévention commune. Le point de départ de cette volonté sera le forum de la sécurité au printemps 2008, avec les ateliers thématiques qui permettront à chacun de faire part des pratiques existantes, de les partager avec d’autres acteurs, dans l’objectif d’élaborer un livre blanc de la prévention des accidents de la vie courante et de montrer en quoi une logique de partenariat de tous les acteurs (associatifs, institutionnels, publics, privés…) peut et doit parvenir à bâtir une véritable politique de prévention des accidents de la vie courante en France. INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs 35 INT_CR-INC_SR 6/03/08 15:04 Page 36 Ours Actes du colloque Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs Rédaction : les services de l’INC, notamment Armelle Madelaine Secrétariat de rédaction : Georges Quesne Conception graphique : Couleur lune Supplément au n° 1468 d’INC Hebdo (17-23 mars 2008) Publié par l’Institut national de la consommation – 80, rue Lecourbe – 75732 Paris cedex 15 Mail : [email protected] Tél : 01 45 66 20 98 – Fax : 01 45 67 05 93 Directeur de la publication : Eric Briat Directrice de la rédaction : Marie-Jeanne Husset Flashage et impression : IMP (Imprimerie Marc-Poussière) 58204 Cosne-sur-Loire cedex Tous droits réservés – ISSN 1145-0673 – Dépôt légal : mars 2008 36 INC DOCUMENT I Les nouveaux enjeux de la sécurité des consommateurs COUV_CR-INC_SR.qxd 7/03/08 11:49 Page 1 LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA SÉCURITÉ DES CONSOMMATEURS Actes du colloque organisé le 29 novembre 2007 par la Commission de la sécurité des consommateurs, l'Institut national de la consommation et Macif Prévention INC document Institut national de la consommation 80, rue Lecourbe – 75732 Paris cedex 15 www.conso.net INC document